BRUXELLES CULTURE 5 aoรปt 2020 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE : SUZY COHEN
RENCONTRE : SUZY COHEN Poétesse, plasticienne, dessinatrice, collagiste, peintre, écrivaine, porcelainière et enseignante, Suzy Cohen est une femme multiple. Pour notre numéro d’août, nous avons estimé qu’il convenait de présenter son travail, tant pour rendre justice à son talent que pour mieux la faire connaître aux amoureux d’art. Née au Maroc, Suzy Cohen vit aujourd’hui à Bruxelles, après avoir résidé à Paris, au Kenya et en Thaïlande. Rencontre. Bonjour Suzy, de quelle manière définiriez-vous votre poésie ? Elle va du cœur au rire, insoucieuse de la pose. Elle brûle tout instant comme un morceau d'encens. Elle éprouve. Elle est avide, gourmande et surtout filante comme une étoile. C'est en elle, dirait-on : une jubilation infantile toujours revenue, toujours enchantée, toujours désenchantée. Elle danse et dirige l'orchestre adoré de ses sensations sans jamais être à l'abri des ombres, des jaillissements de sang, des entailles et des fêlures. Il y a chez elle, dans ce qu'elle donne à voir, dans les signes qu'elle adresse, la lumière et le sombre, l'épanouissement et le recroquevillement et, dans l'écart lié entre ses ailes, quelque chose de l'Héautontimorouménos de Baudelaire. Selon moi, il n’existe pas d'art possible en dehors de cette dualité fondatrice et destructrice, sans cette permanence du vertige périlleux. Chez vous, la joie et l'effroi sont intimement liés avec l'instinct et la pensée. A travers vos créations, on découvre une femme qui ne se protège pas de ses accès ni ses prédilections, Pourquoi cette mise à nu ? J'aime la poésie fastueuse, colorée, allègre, parfois délicieusement japonisante, impressionniste ou d'un élégant réalisme onirique des corps amoureux. Je cherche à faire sentir qu'au cœur de mes textes se dressent des affirmations amoureuses, avec le don de chanter, de gémir, de feuler aussi, de faire tinter le mot et le songe dans une coulée brève et sensible. Les mêmes ingrédients de matière et d'immatériel, de paix et d'inquiétude, de brillance et de noir, d'appel et de fête, qui offrent corps et âme à la douce magie évocatoire, à la revendication, à la résistance à la douleur ou à l'étoupe chaude et oppressante du désarroi. Mes poèmes d'amour embaument le parfum troublant, obsédant et impérial de la femme amoureuse. Ils disent cette sorcellerie conquérante et délicate, cette majesté du désir quand la chair sait se faire verbe. Ils affirment la santé du rire, ils signalent la présence de cette forge brûlante et alchimique dans laquelle les sentiments sont coulés avant d'oser se porter, traversiers et ensorcelants, à la page et de la page à l’œil. Au-delà de la relation amoureuse (certains diront charnelle !), aspirez-vous à une énorme liberté ? Mon travail, dans un spectre large et audacieux, ressasse, sans jamais cesser de la renouveler, l'aspiration vitale et féconde à la liberté. Nous savons que cette aspiration effarante, presque incongrue, tout à fait dangereuse et hautement suspecte, met en fuite un nombre considérable de gens. On les entend encore courir quand on les a perdus de vue. L'œuvre se pose ainsi à contre-courant, moins intéressée toutefois par l'insolence ou par l'arrogance que par le désir irrépressible de faire corps et esprit avec soi-même, que par la nécessité impérieuse d'être, par-dessus les entraves, à l'écoute de soi. Il y a là-dedans, dans ces dispositions, quelque chose qui me fait songer à de la pureté. J’induis également une notion de profondeur, de vertige, de légèreté, de mystère, de saveur, de délectation, de couleur, de musique, de gravité et de confondante absence de sérieux avec lesquels je mène mes affaires et mon aventure. Qu’il s’agisse de vos écrits autant que de vos travaux plastiques, de quelle manière doit-on aborder vos créations ?
Chaque œuvre témoigne d’un instant, raconte une convulsion, évoque un bien-être, narre un séisme ou un sentiment. Chaque œuvre cherche une liberté entre esthétisme et vérité brute, spontanéité, poésie, technique et savoir. Parlons de vos peintures. Comment les appréhendez-vous ? Je peins comme je respire, sans me soucier de techniques, rêvant à des harmonies violentes. Je peins pour être libre de m’exprimer sur papier ou une toile en maîtresse absolue du labyrinthe des mystères. Depuis quelques temps, j’utilise des supports inattendus comme des feuilles de l’arbre de bouddha, amassées en Thaïlande et séchées au soleil sur des galets glanés çà et là. Quel est votre objectif ? Mon projet est de continuer de redonner vie à des supports insolites. Du coup, ma peinture devient la traduction poétique d’une langue secrète et inconnue des autres, que je porte en moi. Je cherche davantage à imposer une émotion et une conception de vie, un hédonisme féminin rare et réjouissant et l'affirmation d'une hétérogénéité, d'une imbrication complexe et l'affirmation d'une approche métaphysique. Quelques mots sur vos expositions ? Mes œuvres ont été exposées un peu partout dans le monde, notamment à Nairobi (Kenya), à Minneapolis (USA), à Venise (Italie) et à Albuquerque (USA). Où peut-on se procurer vos publications ? Dans les bonnes librairies et via plusieurs sites de vente en ligne. Retrouvez Suzy Cohen sur www.suzycohen.be Propos recueillis par Silvana Minchella
LES VISITEURS RETROUVENT L’ATOMIUM ! Monument emblématique de la capitale (notre Tour Eiffel !), l’Atomium a ouvert ses portes le lundi de Pentecôte, après plus de deux mois de fermeture imposée par le Conseil national de Sécurité, en réaction à l’expansion du Covid-19 venu s’installer pour chambouler nos habitudes et notre économie. Comme tous le secteurs culturels et l’horeca, l’asbl Atomium a énormément souffert du confinement, estimant ses pertes financières à 30.000 euros de recette journalière. On l’ignore bien souvent, mais l’essentiel de ses rentrées émane de la vente des tickets, qui représentent 93% des apports. Dès le premier jour (soit le 1er juin), plusieurs citoyens sont venus soutenir l’association en s’offrant une visite, question d’encourager les gestionnaires dans leurs efforts. Néanmoins, ces derniers savent que tant que les frontières ne s’ouvriront pas, les chiffres risquent de stagner, affirmant que deux tiers des clients vient de l’étranger : curieux, touristes d’un jour ou villégiateurs amoureux de la Belgique. Pour relancer son activité et en espérant des jours meilleurs, l’asbl compte sur la collaboration des citoyens, qui peuvent acheter une entrée solidaire. Assurément, comme il convient de rassurer tout le monde en cette période particulièrement cruciale, des mesures drastiques ont été mises en œuvre afin d’accueillir le public de manière idoine : gel hydroalcoolique, port du masque obligatoire, circuit balisé et à sens unique pour veiller à éviter les croissements, caméra thermique pour prendre la température à l’entrée, caméra de comptage pour fluidifier l’accès, réservation en ligne, etc. La conclusion revient à Rudy Vervoort, ministre-président régional : « Il est peut-être hâtif d’affirmer que l'Atomium affiche un déficit. En réalité, elle a puisé dans ses réserves durant cette période d'inactivité forcée. Une situation qui ne peut évidemment pas perdurer ! » Willy Smedt
EXPOSITION : PEINDRE AU VERSO POUR VOIR AU RECTO ! Paysages de neige dénués de présence humaine, horizons qui s'échappent en des courbes fines, bouquets de fleurs colorées et lumineuses, coquelicots éclatants et majestueux, les sujets qui intéressent Frédéric Bastié tirent leur noblesse de la simplicité. L'artiste, autodidacte, a le don précieux de la patience : celui-ci l'a poussé à utiliser une technique difficile, la peinture sous verre pratiquée depuis longtemps par les naïfs yougoslaves. En Belgique, peu de peintres utilisent cette technique. Elle demande en effet beaucoup de précision dans le travail et est une continuelle gymnastique pour l'esprit : l'artiste, pour rendre ce qu'il désire faire voir au recto, doit partir des détails de l'avant-plan avant de s'attaquer au fond. Depuis plusieurs décennies, tout en finesse et en détails, Frédéric Bastié travaille la peinture sous verre avec brio. Il a obtenu plusieurs distinctions lors de concours belges et étrangers. Il a à son actif plus de trente expositions individuelles, plus de cinquante expositions collectives et ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées en Belgique, en France et en Espagne. Le rencontrer dans son atelier est un plaisir pour les yeux et pour le cœur. Dans des cadres qui s'harmonisent aux œuvres, les huiles sont exposées sur les murs et offrent au regard une poésie de couleurs qui rayonne grâce à l'éclat du verre, une poésie tout en délicatesse parfois proche de l'impressionnisme. Les huiles sous verre de Frédéric Bastié sont à la fois le fruit d'une patience éprouvée et d'une technique très précise : seuls les pinceaux en poil de martre peuvent donner à l'œuvre sa finition et sa délicatesse. De verres de grande dimension (50 x 70) à des cadres minuscules, cet artiste suit un chemin où couleurs douces et plaisir de créer se marient. Il ne faut pas, dans ses toiles, chercher de longs questionnements philosophiques : paysages et bouquets offrent à l'amateur leur simplicité et l'éclatante luminosité de la vie. Frank Andriat Les huiles sous verre de Frédéric Bastié sont exposées du 2 au 31 août 2020 à Espace Art Gallery. Plus de détails sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles
DÉCÈS DU MAESTRO ENNIO MORRICONE Né le 10 novembre 1928 à Rome et décédé le 6 juillet 2020 dans sa ville natale, Ennio Morricone a marqué le cinéma d’une aura prestigieuse. Notre collaborateur Jean Lhassa l’a bien connu et a rédigé un ouvrage à son propos, publié en son temps aux éditions Favre. Voilà pour « Bruxelles Culture » une partie inédite de leur dialogue en aparté. La composition cinématographique et l'enseignement C'est Luciano Salce qui, le premier, m'a demandé d'écrire de la musique cinématographique. Dois-je le dire, écrire de la musique était mon grand désir. Avant ce premier film, j'avais travaillé avec Salce en télévision. J'avais fait pour lui des arrangements et des orchestrations. De plus, j'avais écrit la partition de deux pièces théâtrales, toujours pour Salce. C'est consécutivement à tous ces travaux qu’il m'a appelé et... a continué de le faire. Salce est aussi un ami. Ecrire de la musique, c'est comme tous les arts créatifs. Dans un premier temps, on pense et, puis, on rédige. Ce n'est absolument pas différent des autres démarches artistiques même si, ici, la musique est liée à une autre création : le cinéma. L'essentiel est sans doute la réflexion. J'ai enseigné la composition et je l'ai lâchée aussitôt qu'il m'a paru impossible de mener deux activités de front, la composition et son enseignement. Si j'ai lâché l'enseignement, ce n'est pas avant de me lancer dans le cinéma, mais après avoir déjà beaucoup écrit pour lui, car c'est avec le cinéma que je me suis mis à enseigner la composition. Créer au cœur de Rome J'ai habité et travaillé en de nombreux endroits. Entre autres, au milieu d'un quartier très populaire. Puis, je suis parti vivre à la campagne. Alors, les difficultés de mes quatre enfants, venant, les difficultés de contact avec mes amis s'ajoutant au tout, je suis revenu un peu vers la ville. Je suis allé vivre dans I'E.U.R., un quartier périphérique de haut niveau et, finalement, je suis reparti vers le vrai centre de la ville, parce qu'il me semble que toutes les distances y sont abolies. Le fait de travailler dans ce quartier ne représente pour moi aucune distraction. Quand les pompiers, les ambulances, la police et tout autre service de sécurité passent, alors oui, parfois, il y a du bruit. Si les services publics d'urgence ne viennent pas dans le coin, je peux très bien travailler comme cela. De toute façon, j'ai fait mettre du double vitrage. La genèse d'un thème : un acte totalement indicible J'ignore ce qui se passe en moi. En mon cœur. Pour quelqu'un qui exerce ma profession, il est difficile d'expliquer les mécanismes de l'affection, de l'imaginaire et de l'intelligence. En général, quand un thème survient dans votre tête, c'est à votre insu. Vous êtes investi, inopinément, malgré vous. Cela peut venir dans la rue, alors que je pense ou non à mon travail. Le meilleur de l'idée arrive au moment le plus inattendu. A l'inverse, quand je suis à la maison, occupé à chercher un thème, il arrive souvent que rien ne se produise. Je m'applique en vain. Et puis, quand je marche pour aller à la poste, payer le gaz ou l'électricité, voilà que le petit miracle se réalise et je suis submergé d'idées. Donc, si on m'interroge sur l'origine de mes créations, je suis incapable de répondre sensément. Et le plus grave, c'est que, dès le moment où je me rends compte que j'ai été inspiré, le thème est déjà en train de s'effacer de ma mémoire. Il en est ainsi pour la conception de tous les thèmes. Non pas seulement pour le thème d'amour, mais pour tous les thèmes. C'est le même mystère de la trouvaille subite ! Ce qui est fantastique, c'est que jamais je ne parviens à fixer le moment de l'intervention. Conception et dissolution s'enchaînent. Rationnellement, je puis tout de même dire que l'influence de ce que j'aime préside à mon inspiration. Tout ce que j'aime et fais dans la vie concourt à m'inspirer. Ma création est le produit des expériences et
des amours que j'ai eus, des choses que je chéris, de la musique que je préfère, et cela se présente à l'improviste. A l'instant du petit miracle, je suis hors-jeu. Rester soi-même Le genre de musique n'importe pas beaucoup. Parce que le compositeur va de toute façon exprimer ses propres pensées, qu'il greffera sur une poésie musicale préexistante. En aucun cas, ce faisant, il ne niera sa personnalité créatrice. Quel que soit le genre traité, le compositeur doit écrire sans renoncer à ses conceptions, de manière à pouvoir ensuite appliquer fidèlement sa composition au film. Ce qui fait qu'il passe toujours quelque chose de l'auteur dans ce qu'il écrit pour le cinéma. Lorsque les choses sont ainsi faites, le support cinématographique est mis en valeur par l'intervention du musicien. Le compositeur doit rester luimême, même s'il s'ajoute à quelque chose qui est déjà en forme. Les compositions que j'ai faites sont liées au temps où je vis, mais cela ne signifie pas que je sois soumis à des règles. C'est plutôt l'attente du public qui constitue la norme. Mettons que le public ait dans l'oreille une musicalité politique. C'est celle-là qu'il voudra dans le prochain film. Je dois tenir compte toujours du passé. Bien souvent, j'ai été amené à m'adapter aux exigences du film et de son public. Mais je prétends que, en m'adaptant, j'ai surtout et d'abord écrit ce qui était en moi. En définitive, au terme du travail, il ne reste pas la règle, mais ce qui préexistait à la règle. C'est de cette substance que provient ma musique. Ce que je dis ici s'applique à tous les genres et pas seulement à la musique de film. Si une personnalité impose sa propre vision de la musique, même en se conformant au besoin du cinéma, elle parvient naturellement à utiliser le préexistant sans se parjurer elle-même. Vivre et créer dans la contrainte Les contraintes d'un compositeur de cinéma viennent de ce que la musique ne peut pas naître librement. Elle est toujours déterminée par l'existence préalable des images. Mais il n'y a de véritable contrainte que dans le principe de composer en regard d'un certain film. Evidemment, ce n'est pas une contrainte à comprendre comme une souffrance. Le compositeur a l'obligation et le devoir d'écrire en fonction du montage et, par-dessus tout, il importe qu'il soit capable de dépasser cet état d'obligation et trouve une nouvelle liberté dans sa soumission. Pour retrouver cette liberté dans le conditionnement du thème musical, le compositeur devrait avoir une longue expérience et posséder les fers du métier. Il devrait maîtriser sa technique, sa fantaisie et, même, sa liberté. A bien y réfléchir, tous les compositeurs ont été contraints. A la base, le compositeur est régi ne fût-ce que par la forme musicale. Qui est un code ou une mode. Ainsi, l'écriture musicale pour le théâtre est liée à l'histoire de la pièce. Composant une symphonie, le compositeur est également réduit au canevas de la symphonie. Toute structure, tout genre, tout engagement formel est une contrainte. Prenez la fugue, cette forme très large. Elle aussi conditionne le compositeur. Le créateur est toujours conditionné par les éléments de la création. Un travail d'écriture totalement personnel Je pense ma musique dès sa mise en forme et je l'écris jusqu'à l'ultime note. Selon moi, ceux qui pratiquent différemment ne sont pas dignes d'être appelés auteurs, artistes et certes pas créateurs. La mauvaise habitude qu'ont beaucoup de compositeurs de faire écrire par d'autres leurs musiques et de les signer ensuite devrait être condamnée. C'est de l'illégalité absolue. Il n'existe pas dans l'histoire de la musique de pareilles aberrations, un compositeur écrivant une musique pour la laisser
signer par une autre personne et abandonnant ainsi toute paternité. Pour moi, je refuse totalement ce système qui est immoral. Partout, une empreinte classique La musique classique est toujours présente dans ma composition ! Je suis avant tout musicien de culture classique et pas seulement compositeur de musique de cinéma. Si je n'avais pas eu dans mes études, dans les choses que je préfère et même dans mes amours, la musique classique, il est clair que je n'existerais pas. Toute personne qui compose de la musique, sans être amateur ou dilettante, a dans ses réserves une base de culture classique. Un compositeur sérieux vit forcément de sa tradition, de ce qui est arrivé dans les siècles qui l'ont précédé sur le grand chemin de la musique, parce qu'il connaît ses classiques, parce qu'il les a intégrés et parce qu'il les aime. Selon ses dispositions, il sera plus enthousiaste pour certains styles ou pour certains auteurs du passé. Une personnalité, c'est toujours une somme de sensibilités prises ici et là. Il est donc normal que mes racines soient dans la musique classique et j'affirme que je serais un amateur si je n'agissais pas de la sorte. Un compositeur mystique Pour faire un tableau complet de moi, j’ajouterais au classicisme, que je reconnais, une part de mysticisme. Avec le recul et après tant de films pour une kyrielle de réalisateurs divers, je m'apparais traversé d une fameuse composante mystique. A ce propos, on pourrait penser à Mysticae, un disque que j'ai publié il y a dix ans, mais ce titre n'est qu'un titre et mon œuvre mystique ne peut être représentée par le contenu de cet album. Me définir sans tenir compte de cette composante religieuse revient à mal me définir. La part du western italien Trente-cinq partitions, c'est probablement le maximum que j'aie composé pour le western. Je ne suis pas spécialement un compositeur de westerns. Je refuse cette étiquette, qui est réductrice de mon activité. Ce qui ne veut pas dire que le succès de Il était une fois dans l’Ouest (et du reste !) ne m'ait pas révélé comme compositeur populaire. Pour ceux qui sont bien informés de mon activité, il est certain que j'ai fait beaucoup d'autres films qui n'ont rien à voir avec ce genre. La musique western représente à peine onze à douze pour cent de ce que j'ai écrit pour le cinéma. Le grand lyrisme du western II y a du lyrisme dans les westerns. Plus qu'ailleurs ! Mais je n'aime pas trop le souligner, parce que ce lyrisme intervient très souvent dans des scènes populaires. Bien sûr, s'il s'agissait d'une histoire d'amour entre un homme et une femme, le lyrisme signifierait autre chose et, dans ce cas, je l'exprimerais autrement. Je voudrais préciser qu'à travers tous les autres travaux que j'ai assumés musicalement, que ce soit du policier, du politique, de l'historique, du social ou du sentimental, à travers tous les styles différents que j'ai soutenus, j'ai pu me libérer du conditionnement du western - ce qui représentait un sérieux danger. Instrumentation et nostalgie Il n'y a pas d'instrument qui signifie quelque chose en particulier et donc la nostalgie. Ce qui traduit la nostalgie, c'est d'abord le thème de la musique. C'est la poésie inhérente à la musique qui crée cet
état d'esprit nostalgique. Aucun instrument spécifique ne m'aide à créer un état d'âme, quel qu'il soit ... Tout dépend du climat de la composition elle-même. C'est dans le climat général de la musique que l'on perçoit le vrai message sentimental. Et le choix des instruments doit naturellement confirmer le thème musical, mais tous les instruments concourent à traduire l'ambiance que je veux exprimer. L'enregistrement et la direction d'orchestre En moyenne, l'enregistrement prend trois heures pour six minutes de film. Il est parfois possible de faire huit minutes de musique filmique en trois heures d'enregistrement. Mais cela dépend principalement de l'exigence de base de la musique ou du réalisateur, qui demande certains effets spéciaux. Ma moyenne se situe entre six et huit minutes pour trois heures d'enregistrement. Quand je ne dirige pas ma musique, c'est parce que le réalisateur me demande de rester avec lui dans la cabine pour vérifier les effets. A ce moment-là, il faut bien que je charge quelqu'un de la direction de ma composition. Evidemment, si je suis à la direction d'orchestre, je dois m'interrompre pour retourner écouter l'exécution en cabine et, là, nous perdons du temps, car toutes les manœuvres sont multipliées. Recourir à un directeur d'orchestre, c'est à la fois une économie de temps et un gain financier. L'important, c'est que le directeur choisi ne s'occupe à ce moment-là que de diriger l'orchestre. Les gens qui ont travaillé avec moi à l'enregistrement d'une musique comme chefs d'orchestre ne se sont jamais occupés d'autre chose que de diriger. C'est mon travail, alors, de donner toutes les explications nécessaires pour la musique que j'ai écrite. Car souvent, le chef arrive à l'enregistrement sans connaitre au préalable une seule note de la partition à jouer. Néanmoins, je préfère diriger moi-même. Ennio Morricone e la sua orchestra : une fantaisie des producteurs de disques Je n'ai jamais eu mon propre orchestre. Il faudrait être milliardaire pour cela ! Un orchestre coûte une fortune par jour. En fait, il s'est toujours agi de l'ensemble des Musicisti di Roma. Probablement, disait-on, écrivait-on, "L'orchestre d'Ennio Morricone" en signifiant par là que c'était lui qui dirigeait l'ensemble. L'orchestre des Musicisti di Roma est un groupe de musiciens de toute grande valeur : des professeurs, des gens triés sur le volet, d'après leurs capacités et choisis à l'Académie de Santa Cecilia, à la R.A.I. et au Théâtre de l'Opéra. C'est l'union de trois orchestres. Reste un choix à faire parmi ceux qui sont libres au moment de l'enregistrement. Propos recueillis par Jean Lhassa
IL ÉTAIT UNE FOIS ENNIO MORRICONE Ce titre aurait peut-être mieux convenu à la monographie qu’Anne et Jean Lhassa ont publiée en 1989 sous celui de « Ennio Morricone, biographie ». Car le Maestro du cinéma a toujours récusé toute biographie, quelle qu’elle fût, ne voulant pas exposer sa vie intime aux yeux du public. Ennio Morricone s’en est allé le 6 juillet dernier, à l’âge de 91 ans, d’une fracture du fémur, sans qu’on ne connaisse rien ou presque rien de cette vie passée à composer quelque 500 musiques de films. Anne et Jean Lhassa s’étaient arrêtés aux 300 premières, réparties sur trente ans d’activités cinématographiques. C’est-àdire la moitié de la carrière du grand maître de la musique de films. C’est à ces trente premières années que nous ramène leur importante monographie organisée au fil des interviews, des anecdotes des réalisateurs, ou des rencontres que les deux auteurs avaient faites avec le compositeur. Ces rencontres concernent surtout la musique du western italien qui avait révélé Morricone au grand public. La petite montre à musique égrenant les secondes interminables du duel dans Pour quelques dollars de plus, le cri de l’hyène dans Le bon, la brute et le truand repassé récemment sur la Trois, l’homme à l’harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest... Son nom reste attaché, bien malgré lui et quoi qu’il en ait dit pour les gommer, aux « westerns spaghetti » de son vieil ami Sergio Leone, disparu en 1989, alors que celui-ci préparait le tournage des Cent jours de Leningrad que Morricone aurait dû encore musicaliser. Ces musiques pourtant, comme le révèle le livre passionnant d’Anne et Jean Lhassa, ne représentent qu’un dixième de sa production. Car le Maestro a travaillé avec presque tous les grands noms du cinéma italien, excepté Fellini trop attaché à la musique foraine qu’interprétait son compositeur favori Nino Rota. Il a composé la musique de presque tous les films d’Henri Verneuil à partir du Clan des Siciliens (1969). Il a collaboré aussi avec les Américains, notamment avec Brian De Palma pour Les Incorruptibles (1987) et Outrages, d’après le roman Casualties of War de Daniel Lang sur le viol d’une jeune Vietnamienne perpétré par des soldats américains (1989). Tout cela donc au rythme soutenu d’une dizaine de films par an. C’était un acharné du travail : levé à six heures du matin, il dormait à neuf heures du soir et était d’un naturel fort casanier. Toujours pris par la musique à laquelle il se vouait corps et âme. Un style solaire et lyrique Il y a chez cet ancien élève du compositeur Goffredo Petrassi un côté illuminé, « lunatique », propre à un professeur de maths sup ou à ce joueur d’échecs redoutable que Morricone fut par ailleurs. Il avait, comme le reconnaissent tous les réalisateurs qui ont sollicité ses services, un style personnel qui faisait mouche dans chacune de ses compositions. Un style solaire, emporté, lyrique : méditerranéen en un mot. Ce style inclut souvent des touches comiques : cris d’animaux et bruits divers, tel ce klaxon d’automobile sur la cavalcade endiablée qui annonce la fin du mythe de l’Ouest dans Mon nom est Personne avec Terence Hill (Tonino Valerii, 1973). Ou
le bruit de la mouche dans C’era una volta il West. Jean Lhassa fut un des premiers critiques belges à suivre la carrière de Morricone depuis 1964 et la fameuse « trilogie des dollars » de Sergio Leone. Lui et sa compagne ont rencontré le compositeur italien lors de plusieurs tournées en France, en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas, où il a donné d’importants concerts. Chaque fois, Jean Lhassa l’interviewait et recueillait ses impressions. Il l’a aussi rencontré à Rome, où le maître habitait et composait dans un immeuble non loin du Capitole, là où la muse Euterpe avait élu domicile. La muse bien sûr du compositeur. De ces rencontres et de leur passion commune pour le Maestro du cinéma est née cette monographie de 400 pages. Mêlant leur immense culture musicale et cinématographique (jamais pesante en vérité), les déclarations de Morricone lui-même et celles de ses proches collaborateurs, les deux auteurs ont réussi un fondu enchaîné harmonieux, qui se lit comme un reportage : vivant, précis, fourmillant de mille et une anecdotes sur le métier du compositeur. Cette monographie est complétée par une abondante filmodiscographie qui satisfera les exigences du lecteur à propos de la carrière des trente premières années du grand maître. − Ennio Morricone est mon meilleur scénariste, affirmait Sergio Leone, parce que sa musique parle à la place de mes personnages et dicte leurs sentiments, leurs émotions. Le musicien est parti après avoir tourné la page du western italien, mais sa musique nous subjuguera longtemps encore par son intense émotion. Ce livre nous la fait réentendre par petites notes, par petites touches. Michel Lequeux (Anne et Jean Lhassa, Ennio Morricone. Editions Favre, août 1989, 403 pages. Toujours disponible sur le Net.)
DÉCÈS DE J.J. LIONEL Les canards (ceux de la fameuse danse qui a endiablé les pistes au cours des années 80 !) sont orphelins de leur papa J.J. Lionel (de son vrai nom Jean-Jacques Blairon). Ce dernier a définitivement déposé son micro le 14 juillet dernier. Avec son tube, il a vendu plusieurs millions de 45 tours, devenant triple disque de platine. Un triomphe qui ne l’a pas empêché de garder la tête sur les épaules et de ne jamais lâcher son job d’étalagiste. C’est le producteur mouscronnois Marcel De Keukeleire qui a eu l’idée d’adapter « De Vogeltjesdans » (Danse des petits oiseaux) en français et de lâcher le morceau sur les ondes. L’enthousiasme a été général et, en quelques semaines, le morceau a fait le tour d’Europe, au point d’être traduit dans diverses langues. Encore peu avant son décès, J-J. Lionel racontait qu’il n’a pas bénéficié financièrement outrageusement de ce tube (puisqu’il n’en était que l’interprète !) et que les droits d’auteur sont tombés dans la caisse du compositeur et du parolier. Reste un air que tout le monde (ou presque !) connaît et qui fait partie des fêtes familiales et des anniversaires, au même titre que « La chenille » et « A la Queuleuleu ». Sam Mas
DÉCÈS DE ZIZI JEANMMAIRE Née Renée Marcelle Jeanmaire en 1924 et rebaptisée pour la scène Zizi Jeanmaire, cette danseuse, chanteuse et meneuse de revue s’est fait connaître grâce à son « Truc en plumes », un titre devenu un standard, à la fois chic et déluré. Bien entendu avec un pareil pseudo, elle ne pouvait pas passer inaperçue, suscitant la curiosité et faisant se marrer les gamins. Au-delà de l’anecdote, elle a principalement contribué à faire bouger la frontière entre danse classique et music-hall. Installée depuis de nombreuses années en Suisse, elle a définitivement fermé les yeux le 17 juillet dernier. Son nom a longtemps été associé à celui du chorégraphe Rolan Petit. Boris Vian a écrit: « Elle possède des yeux à vider un couvent de trappistes en cinq minutes ». Quant à Yves Saint-Laurent, il a clamé que « Il lui suffisait d'entrer en scène pour que tout prenne vie, feu et flammes ». Sam Mas
LE BÉGUINAGE D’ANDERLECHT A l’ombre de la collégiale des SaintsPierre-et-Guidon, le béguinage d’Anderlecht vous attend dans son clos de verdure. Il fut fondé en 1252 par un certain Guillaume, doyen du chapitre local, et il vous invite à un parcours de l’histoire d’Anderlecht. Initialement, le béguinage était prévu pour abriter huit femmes seules et pauvres, réunies pour la prière et pour leur dévouement aux paroissiens. Poussons donc la porte. Elle est étroite, faite pour ne laisser entrer qu’un visiteur à la fois. Dès que vous l’aurez franchie, vous voici parvenu dans un petit jardin clos par des murets, bien ombragé, avec au centre la margelle d’un puits couvert de lierre. Deux siècles plus tôt, une béguine vous y aurait accueilli. C’est en effet le clos du petit béguinage qui date du XVIe siècle et qui est constitué de deux corps de maisons se faisant face. L’aile gauche a été reconstruite après l’incendie qui l’a ravagée en 1746, mais elle garde intactes ses lignes Renaissance que vous avez pu admirer dans la Maison d’Erasme toute proche, avec ses fenêtres rectangulaires cernées par de la pierre de taille et ses hautes lucarnes. C’est là que vous aurait reçu la maîtresse des lieux, qu’on appelait la Grande Dame et qui veillait à la moralité des sept femmes placées sous ses ordres. Car les béguines devaient être d’une moralité exemplaire, avoir au moins 40 ans et se dévouer corps et âme à leurs prochains. Dans le béguinage, surnommé par dérision het klaphuis (la maison du bavardage), le silence monastique pour plusieurs jours était la punition la plus sévère. Si vous pénétrez dans la demeure, qui est la plus confortable des deux logis, vous irez droit à la chambre de la maîtresse dame. Elle est haute de plafond avec des solives de chêne apparentes, et vous y verrez son grand lit à baldaquin dans l’angle de la pièce, une table et des chaises, un prie-Dieu sous le crucifix et une tapisserie au mur représentant une des consœurs. Les grandes dames de chaque béguinage étaient en effet élues par leurs sœurs. A quoi s’occupaient donc ces femmes d’un certain âge, qui avaient prononcé un vœu temporaire de chasteté et d’obéissance à Dieu – vœu qu’elles pouvaient rompre à tout moment si elles voulaient retourner à la vie séculière ? Elles dépendaient du chapitre de la collégiale avoisinante que l’on aperçoit par-delà le muret du jardin, et elles assuraient l’entretien des autels et de la chapelle de saint Guidon, à laquelle elles avaient accès par une porte dérobée. Elles avaient des connaissances médicales, tenaient une infirmerie pour les plus démunis, s’occupaient de l’enseignement des enfants pauvres et s’activaient à diverses tâches ménagères, comme le blanchissage des draps, les travaux de couture, le filage de la laine ou la fabrication des bougies pour le culte.
Ces activités sont présentes dans les pièces de vie qu’on verra de l’autre côté du jardin, dans le logis des béguines où elles sont reconstituées derrière des portes vitrées. Ici, c’est un rouet à manivelle qui évoque le travail de la laine, là des objets de culte, là encore des fers à repasser qui chauffent sur la longue buse d’un poêle à l’ancienne s’avançant dans la pièce. Plus loin, vous verrez même la petite chapelle où les béguines se réunissaient pour prier ensemble. Le béguinage, ainsi d’ailleurs que le chapitre d’Anderlecht, fut exproprié sous la Révolution française de 1789. Il ne revint à la vie civile comme musée qu’en 1930, sous Daniel Van Damme, premier conservateur de la Maison d’Erasme dont vous a parlé un article précédent. En mars 1987, sous JeanPierre Vanden Branden, deuxième conservateur, le béguinage devint un musée du folklore d’Anderlecht, dont les collections à l’étage donnent un aperçu des traditions et de la vie dans la commune. On y découvrira la vie champêtre d’alors (les outils pour la fabrication des sabots), la vie ludique (les jeux populaires et les vélos à grande roue motrice que seuls aujourd’hui enfourchent encore les clowns des cirques) ainsi que la dure réalité de la vie à l’époque : voici par exemple un formulaire de l’Etat civil qui invitait, en 1881, les jeunes gens à se rendre à la maison communale de Bruxelles pour tirer au sort leur appel au service militaire. Celui qui avait tiré un mauvais numéro pouvait se faire remplacer par un autre jeune homme moyennant paiement d’une contribution (environ 3 000 euros actuels qui pesaient lourd alors). Quelques marches plus haut, au second étage, le musée dévoile encore les trouvailles archéologiques des époques romaine et franque de l’histoire d’Anderlecht. Origine des béguines Au Moyen Age, durant l’époque des Croisades, de nombreuses femmes seules, ne trouvant pas l’argent nécessaire pour rentrer au couvent, trouvèrent refuge dans les béguinages. Le mot « béguine » semble remonter au vieil allemand beggen qui signifie « prier » ou « demander ». Le mouvement se développa au départ de Liège, où Lambert le Bègue, prêtre du diocèse, forma en 1173 une communauté de filles et de veuves qui prirent le nom de béguines, associant ainsi leur vœu et le nom de leur fondateur. La communauté ne tarda pas à s’étendre en Flandre et dans le Nord de l’Europe, aux Pays-Bas et en Rhénanie, où l’on voit se former des communautés de femmes célibataires qui pratiquaient l’assistance sociale et respectaient un vœu temporaire de chasteté et d’obéissance à Dieu. Le XIIIe siècle fut leur siècle d’or. On ne comptait pas moins de 37 béguinages dans nos provinces – dont un à Louvain, qui a été reconverti en chambres des professeurs et de certains étudiants – et 54 en Allemagne. Un siècle plus tard, il y avait treize cents béguinages en Europe et près d’un million de béguines au plus fort du mouvement. Il s’agissait souvent de petites maisons individuelles réunies autour d’une cour et d’un jardin, à proximité d’une église paroissiale dont les béguines dépendaient. Indépendantes financièrement, elles louaient ou achetaient l’une de ces maisons et étaient libres de leurs mouvements pourvu qu’elles rentrent avant la nuit. Chaque béguinage avait ses propres règles, vivait sous l’autorité d’une grande dame élue et affichait une tenue vestimentaire stricte – une robe beige, brune ou noire, signe du deuil que les béguines entretenaient à l’égard des plaisirs du monde. Comme beaucoup d’autres mouvements de l’époque, les béguines prônaient un idéal de pauvreté évangélique. L’Eglise fut d’abord séduite par cette expression de piété et de pauvreté qu’elles revendiquaient, mais le clergé séculier et les ordres monastiques se sentirent bien vite concurrencés et dépossédés des legs et donations qu’on leur faisait. Leur indépendance les rendit suspectes. Déjà à la fin du XIIe siècle, le terme « béguine » avait pris la connotation d’hérétique. On les accusa de vivre sans règle monastique et de se faire passer pour de fausses dévotes. En 1231, l’Inquisition les condamna pour hérésie. Beaucoup furent torturées, dépouillées de leurs biens et brûlées. Marguerite Porete, dite la Porette, fut ainsi brûlée vive en 1310 sur la place de l’actuel Hôtel de ville de Paris pour avoir écrit Le miroir des âmes simples.
La répression dura pendant tout le Moyen Age, jusqu’à ce que le pape les prenne sous sa protection en 1318 et les intègre aux tiers-ordres mendiants au XVe siècle. La Révolution française porta un coup fatal à ces communautés de femmes, en confisquant tous leurs biens et en laïcisant toutes leurs institutions. Elles disparurent totalement après la Seconde Guerre mondiale. La dernière béguine au monde, Marcella Pattyn, est morte à Courtrai le 14 avril 2013, à l’âge de 92 ans. Avec elle s’éteignait une tradition religieuse huit fois centenaire. Le Béguinage d’Anderlecht, rue du Chapelain 8 à 1070 Anderlecht. Ouvert du mardi au dimanche, de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h (derniers visiteurs admis à 16 h). Tél. : 02 521 13 83. Michel Lequeux
DISPARITION DE LA MOMIE RASCAR CAPAC DU MUSÉE ART & HISTOIRE Froncement de sourcils le mardi 7 juillet 2029 au Musée Art & Histoire. Le parc animalier Pairi Daiza a annoncé sur Facebook qu’il expose la véritable momie de Rascar Capac. Au Parc du Cinquantenaire, l’étonnement règne, car cette momie y est exposée depuis des lustres. Pour Rascar Capac, l’un des personnages principaux de l’album « Les sept boules de cristal », des aventures de Tintin, Hergé s’inspira d’une momie péruvienne des collections du Musée Art & Histoire. Outre celle-ci, d’autres objets figurent dans les livres du jeune reporter. Le plus connu est probablement la statue Chimu qui servit de modèle pour le fétiche de « L’oreille cassée » dans l’album éponyme, mais le Shiva dansant dans « Les cigares du pharaon » et le lit chinois dans « Le lotus bleu » furent également des objets dont le grand dessinateur de bédé se basa. L’affirmation de Pairi Daiza, selon laquelle ils détiennent la véritable momie de Rascar Capac, n’est pas nouvelle. Tous les deux ou trois ans, le parc animalier reformule la même allégation et le Musée s’efforce chaque fois à nouveau de réfuter celle-ci. « Bien sûr, nous comprenons que Pairi Daiza souhaite attirer le plus grand nombre de personnes possible dans son beau parc, mais nous continuons à les inciter à le faire par des faits avérés et non en prétendant détenir chez eux des objets que l’on peut découvrir ailleurs. Nous n’attirons pas les visiteurs en leur promettant des pandas et nous espérons de la même manière que Pairi Daiza cesse de prétendre pouvoir exhiber la momie de Rascar Capac » déclare Alexandra De Poorter, directrice générale ad interim des Musées royaux Art & Histoire. (Texte et photographie envoyés par voie de presse par Bart Schouppe, coordinateur en communication externe pour le Musée Art et Histoire)
LE STAMCAFÉ CHEZ LE LITSBOL (Le bistrot chez le chauve) – ÉPISODE 3 Donc comme tu as su le constater, ça fledder (ça va) comme un pet sur une toile cirée chez Flup le Litsbol. Mais ça ne dure jamais longtemps, tu sais, des bonheurs comme ça. Sa mokke (sa petite amie) Lange Janet fait des roencheleirs (rouspéteurs) et des cartachûuge (envieux), tant à cause de ses chansons que pour son physique, et sa nouvelle clientèle suscite un noegel in de dûudkist (un clou du cercueil) de ses concurrents de la Vosseplaan. Tout le Gotha du Coudenberg qui hante son kavietje (bistrot) pour déguster son thé du Brabant, ça les fait comme ça un tout petit peu bisquer. Et la révolte gronde, ça tu peux me croire, cameroet. Il y en a des qui veulent sa peau, au Flup, mais surtout celle de Lange Janet, on peut comprendre ça, newo (n'est-ce pas) ? Choisir entre une sataainvel (peau de satin) contre une ezelsvel (peau d'âne), tu réfléchis pas longtemps. Ils la rêvaient tous in heuren blûte flikker (toute nue) qui leur chantait Zie de ga ma geire (tu m'aimes) avec des petites jugemeen (lilas) dans ses yeux. Du vrai romantisme, comme tu vois. Car après ils lui auraient bien coupé son sifflet pour toujours, ça tu vois d'ici. Eux qui étaient affublés d'une viswaaif (marchande de poisson), ils n'avaient aucun atout pour attirer le chaland comme la sirène de la Lorelei et ils ne connaissaient pas la recette du thé du Brabant. Vraiment pas de la chance, tout ça. Ne leur restait plus qu'à éliminer, fieu. Plus de Flup, plus de Litsbol, plus de Litsbol, plus de thé du Brabant, donc plus de madamekes à chichihuahua. Ara ! Il a beau se dire « fournisseur de la koer », le Flup doit sûrement avoir des casseroles au derrière, potverdekke ! C'est pas du jeu, ça ! Car tout le monde sur la place veut aller boire un verre au Litsbol, et fourt (zut) pour les cafetiers tout autour. Ça grouille de monde au Litsbol et chez eux personne. Ils avaient pas tiré la floche du moulin, alleï. Ça pouvait plus rester continuer durer comme ça, newo ? Ils devaient réagir ou sinon ils allaient aller à Veraplus, janvermille (juron) ! Ils font donc une réunion chez Bère Nattelup, un kadeï (jeune homme) de septantequatre ans qui a bien connu le roi son père quand il était encore roi et qu'il venait boire une drache chez lui en disant : C'est du Belge, fieu ! Il sont tous d'accord qu'il faut faire quelque chose mais ils ne savent pas quoi. Servir une demi-gueuze ça ils savent, c'est leur métier. Mais ramener le client chez eux, c'est plus dur. Bère, lui, a une idée derrière la tête, et tout le monde est direct convaincu : on convoque Roza Floeretoung (langue de velours), la gazette du quartier, pour établir une stratégie de dénigrement du Litsbol. Elle reçoit pour mission de bien afbabbeler (médire de) la vie et les mœurs du Flup dans tous les commerces, et de laisser entendre que Lange Janet traîne les soirs de fermeture du côté de la Pordal (porte de Hal) pour racoler le client avec une jupe qu'elle sait pas se prendre les pieds dedans, ça tu peux me croire. Elle faisait aussi une exposition de jartels (jarretelles) comme chez moeïer Matil (madame Mathilde) la mercière. Et avec du monde au balcon, fieu ! Elle montre bien la marchandise, alleï. En une deux trois tout le quartier est au courant, il y a même des peïs qui vont voir du côté de la rue Fontainas ou de la rue des Mésanges, juste pour voir si c'est vrai. Des fois qu'on pourrait se rincer l’œil en stoumelings (en douce), tu vois. L'agent Diseré Vandenboer a poussé sa ronde jusque là aussi, simple contrôle, newo ? Quand les cafetiers se rendent compte que les gens ne croivent pas les flauskes (ragots) de Floeretoung, ils optent pour le plan B : la manière forte. Un seul homme est capable de leur sauver la mise : Wee Gust, dit Wee Cartach, veuivechter (fier à bras) diplômé, officiant présentement en qualité de videur au Den Uûge Plansjé (Le Haut Plancher), un café dansant des environs. Le de cujus n'est pas à proprement parler candidat au titre d'Apollon des Marolles. Un nez comme une fraise de Wépion, des quenottes comme des touches d'accordéon (ebony and ivory) où il manque des éléments, une kinne (menton) que tu sais repiquer des poraux (poireaux) avec, et une tignasse comme une fontaine d'orangeade. E schûu stuk (un bel individu), comme tu vois. Il a des poings de kuulkapper
(coupeur de chou) et l’œil pétillant des bovidés amateurs ferroviaires. Sur son éternelle camisole, il est écrit « Super klette des Marolles » comme pour confirmer la première impression qu'on a de lui, mais ce qui ne s'avère pas absolument indispensable. Wee Cartach est tout de suite prêt. Aller mettre des baffes à un peï c'est franchement dans ses cordes. À une meï aussi, d'ailleurs, il n'est pas sexiste pour un sou. Juste qu'il aime mieux quand ils sont comme ça un peu bronzés, ça le motive, mais enfin, on fait avec ce qu'on a. Depuis que son patron lui a dit que les boukaks (bronzés) n'aiment pas la kriek, il s'est trouvé rancunier. Une grande figure intellectuelle, en somme, défenseur du patrimoine culturel et folklorique de sa ville. À force de distribuer des coups et d'en recevoir, c'est un peu le koenkel-foenkel (méli-mélo) dans sa caboche, ce n'est pas la jalousera (jalousie) qui le pousse, mais une sorte d'instinct primaire de défense de son propre état. Ouille ouille je fais de la psychochose avec mes mots mennant dis ! Où est-ce qu'on va donc ! Donc le Wee Cartach se pointe au bistrot de Bère et commande direct une kriek au tonneau sans coup férir. Qu'il vide d'un trait, en apnée totale. — Awel Nattelup, tu as quamême de la bonne, toi. Potvedekke remets-moi une pinte, pendant que je vais pisser. Ça doit aussi se faire, hein ? On constate qu'outre sa grande culture, le Wee est également d'un pragmatisme déconcertant. Quand faut y aller, faut y aller. Lorsqu'il revient s'installer devant sa kriek embuée de fraîcheur, Bère Nattelup s'approche avec un regard circonspect : — Je dois te demander quelque chose. — Ouille ouille, quand je vois la tête que tu tires, ça doit pas être du facile. — Pour nous, non. Pour toi, oui. — Alleï,dis-le alors ! Deuxième regard inquiet du patron. Il ne tient pas à ébruiter sa requête : — Awel voilà. Le Flup du Litsbol, il fait beaucoup de tort à nos commerces ici sur la place, avec sa chanteuse et ses madamekes proetmachère. Tous les clients vont chez lui et nous on est là avec notre bouche pleine de dents (interdits) car on sait rien là contre. Si tu peux lui donner une bonne rammeling (tripotée) de notre part, ça nous aiderait. — La chanteuse que tu dis, c'est Lange Janet, non ? Celle avec un décolleté que tu vois pink (louches) quand tu le vois ? Moi j'aimerais bien une fois faire un tour du moulin avec celle-là. — Écoute Wee, on est tous gekeist (blousés) ici à cause de ce Charel. — Je croyais que tu parles de Flup le Litsbol ? Pourquoi tu l'appelles Charel ? — Janvermille, Wee ! Astableeft ! S'il te plaît ! Tu m'écoutes un peu, dis ? — Je fais que ça ! C'est toi qui parles d'un Charel quand c'est Flup ! Faut comme ça un peu savoir, aussi, hein ? Donc Flup joue avec vos pieds et je dois aller le taper mais je suis pas fâché après lui. Quand je tape un peï qui m'a rien fait j'ai comme ça le sûr (des aigreurs) ou alors je dois avoir un bon morceau dans mes bottes (être ivre). — Awel, Wee, j'ouvre le bar pour toi. Tu viens quand tu veux, tu bois comme tu veux, mais tu vas chez Flup lui donner une bonne caramel. — Oué parce que lui il va pas me donner à boire pour rien. — Surtout pas de la kriek au tonneau, fieu. Tu ne sais plus boire que du thé chez le Litsbol. — Quoi ? Un caféboes (cafetier) qui te verse pas de la kriek ? À Bruxelles ? Le roeigoet (le vilain) ! Je vais lui chatouiller ses reubbene (côtes) pour lui apprendre ! Et sa chanteuse, je vais lui apprendre la tyrolienne, ça tu as vu, cameroet (camarade). Donner que du thé à boire ! Qu'est-ce que c'est que ça pour une affaire ? Le voilà qui descend la rue de l'Hectolitre, fier comme Artaban, les poings déjà serrés. Il pousse la porte du Litsbol et clame fort et clair : — Une kriek au tonneau, s'il vous plaît ! Au comptoir, l'agent Diseré Vandenboer sirote sa troisième gueuze (de cette main-là ; il en avait déjà descendu quatre de l'autre) et sans lever la tête de son verre : — Wee Cartach ! Tu fréquentes les beaux quartiers, maintenant ? Amaï, ça va jaser du côté de la Place Royale... — Rien à f... de ta Place Royale ! J'ai commandé une kriek au tonneau et j'attends. Flup dépose devant lui un verre estampillé aux armes du Brabant, agrémenté d'un ravier de cacahuètes grillées :
— Voilà, monsieur, c'est trois euros septante-neuf service compris. — Holà, fieu ! Tu te crois au gril du Métropole ou quoi ? Presque quatre euros pour juste un verre de kriek ? T'es louf ou quoi ? Et c'est quoi ce geubel (vomi) dans ce pot ? — Quand on a pas les moyens, on va boire ailleurs. Les cacahuètes sont gratuites. — Toi tu cherches une bonne rammeling (passage à tabac) pour te remettre les idées en face des trous, hein ? Awel tu vas l'avoir. Il va pour contourner le comptoir, mais l'agent Diseré s'interpose : — Doucement, Wee. Ces personnes n'aiment pas de voir des vechtparties (rixes) d'ivrognes dans leur salon de thé. Ça fait peur à leur Chichihuahua. Il désigne deux dames assises sur la banquette, la tasse de fine porcelaine à la main droite, l'auriculaire désignant le lustre du plafond, et la main gauche délicatement posée dans le poil d'un animal plus proche du rat que du Saint Bernard. — Salon de thé ? On vend de la kriek dans un salon de thé ? C'est nouveau, ça. — À Bruxelles, mon cher, tout est possible. On a même des Chinois de Chine qui traversent le monde pour venir juste prendre une photo d'une posture de 55 cm de haut. Pour te dire ! Dubitatif, le Wee trempe ses lèvres dans la mousse rosée de sa kriek, la trouve agréable et vide son verre d'un trait : — Janvermille, c'est de la bonne, ça. Remets-en une. — Ça va te faire sept euros cinquante-huit, c'est pas trop pour toi ? — Comme le Bère Nattelup m'a filé cinquante euros pour venir te casser la gueule, je peux bien dépenser un peu, alleï. — Cinquante euros pour me casser la gueule ? — Et il a dit que je pouvais aussi un peu soigner ta mokke (petite amie), ça j'ai dit que c'est gratuit. Flup s'est emparé de la batte de base-ball qu'il conserve sous son comptoir pour les clients difficiles, et se dirige crânement vers le Wee : — Ça tu n'as pas dit pour rien, fieu ! De la porte de la koer, une voix le stoppe net : — C'est tout, oui ? dit Lange Janet. Vous dérangez madame la baronne avec vos zieverdera (bêtises) ! Un homme, c'est un cochon ; tu le retournes et c'est toujours un cochon ! Wee, je vais te donner une baise (un baiser) et puis fini. Tu retournes chez toi et tu penses à moi. Le Bère, il n'a qu'à mieux faire son travail, comme servir avec le sourire, et demander à une copine de venir chanter sur la place. Tu vas voir comme ça va marcher pour lui. — Oué mais il n'a pas les baronnes et le thé, c'est surtout ça. — Eh bien on va les lui donner. On partage. Pas vrai, Flup ? L'agent Diseré est aux anges. Voilà comment il aime son quartier : des gens de bonne entente, de tout bord, qui boivent ensemble, l'un de la gueuze, l'autre du thé, l'autre encore du faro, qui chantent, qui dansent ensemble, l'un la bourrée, l'autre le menuet, tous animés de la joie de vivre et de la zwanze. — Flupke, ta femme est une toeveres (magicienne). Alleï, verse-moi encore une striep (verre). NOMENCLATURE DES PERSONNAGES Flup le Litsbol, tenancier du café L'agent Diseré Vandenboer, îlotier Le gros Pie Den Trekker Meeke, la citroenwaaif Ware, le copain accordéoniste Lange Janet,chanteuse Bère Nattelup, patron d'un café concurrent Wee Gust va juûjeke zenne kabass, dit Wee Cartach, fier à bras diplômé La baronne Annie La comtesse des Honelles Floeretoung la gazette, babbeles diplômée Georges Roland Les expressions bruxelloises utilisées se basent sur les travaux de Louis Quiévreux, de Jean-Pierre Vanden Branden et de Jean-Jacques De Gheyndt. Texte déposé à la SABAM
LE MUSÉE ART & HISTOIRE OUVRE À NOUVEAU SES PORTES ! À partir du mardi 30 juin 2020, le Musée Art & Histoire (dans le parc du Cinquantenaire à Bruxelles) accueillera à nouveau ses visiteurs. Un parcours à travers le bâtiment et les collections a été conçu ces dernières semaines pour permettre au public de voir un maximum d’œuvres en tenant compte des directives pour une visite sécurisée. Ce parcours a été testé et approuvé par des instances de contrôle et de sécurité interne et externe. Mesures spéciales Suite aux mesures prises en rapport avec le Coronavirus, cette visite sera différente des autres. Le personnel a élaboré un parcours fixe qui guidera le visiteur à travers presque tout le musée. En respectant les règles de distanciation sociale, seul un groupe restreint de visiteurs pourra entrer petit à petit (maximum six personnes d’une même famille toutes les cinq minutes pour une promenade de deux heures). La vente des tickets se fera uniquement en ligne, avec des tranches horaires à respecter. Les visiteurs devront, à l’entrée, désinfecter leurs mains et recevront une brochure reprenant les directives de sécurité et le plan du parcours à suivre. Les préparatifs pour offrir une visite optimale, de qualité et en toute sécurité, réclament du temps et du travail. C’est pourquoi le Musée Art & Histoire a choisi de ne pas ouvrir ses portes hâtivement durant la semaine du 18 mai 2020, comme d’autres institutions. Ce qui donne également aux visiteurs une belle offre globale des musées fédéraux pendant tout l’été. Un tour du monde à Bruxelles Le fil rouge à travers cette visite adaptée est la découverte complète de collections étendues et d’une magnifique architecture. Des vacances dans son propre pays sont ici à prendre au pied de la lettre : de l’archéologie belge depuis la préhistoire, des époques galloromaines et mérovingiennes, en passant par les tapisseries et les retables jusqu’à l’Art Nouveau et l’Art Déco. L’étranger nous séduit également dans notre propre pays avec les splendeurs des cultures d’Amérique du Nord, d’Asie et du monde islamique qui sont à (re)découvrir. Les bains de soleil en Grèce, en Italie ou en Égypte feront peur à certains pendant ces temps de corona, mais s’immerger dans l‘art et l’histoire romaine, égyptienne et grecque demeure possible sans quitter le cœur de Bruxelles. Vous retrouverez toutes les informations idoines sur le site du Musée : www.artandhistory.museum, ainsi que les modalités pour l’acquisition d’un ticket. Sam Mas
EXPOSITION : MAPPA MUNDI La représentation du monde est aujourd’hui comme hier une nécessité pratique et scientifique afin d’appréhender notre géographie, proche ou lointaine, et une source de rêverie invitant aux voyages et au merveilleux. Les premiers explorateurs découvraient des mondes inconnus et en permettaient ainsi la traduction imagée. La cartographie reste toujours à compléter, à préciser selon les informations rassemblées mais aussi en fonction du sens que l’on veut lui donner. La carte en effet représente le réel mais l’interprète en créant une image à partir de données multiples plus ou moins fiables. La représentation du monde évolue sans cesse. Les technologies actuelles la rendent extrêmement précise, nous faisant voir le monde autrement. Il n’en reste pas moins que cette mise à plat est un artifice et que dès leur naissance les cartes témoignent pour ce faire d’un souci artistique qui s’ajoute à leur fonction de repérage. Les artistes contemporains se montrent eux-aussi captivés par la carte du monde qu’ils sont nombreux à réinventer et à transformer. Ils en éprouvent tous les potentiels, non seulement géographiques mais aussi politiques, poétiques ou utopiques. La carte est à la fois une forme plus ou moins obligée à partir de laquelle toutes sortes de dérives graphiques sont possibles, mais aussi le prétexte à une réflexion sur
l’état du monde, ou encore le lieu de projections imaginaires. Elle est illusion et réalité tout à fois. Elle réinterprète une vérité et la transforme. C’est sans doute ce qui explique que tant d’artistes l’aient privilégiée en mettant ainsi, chacun à leur manière, le monde à plat. Complétée par une sélection de cartes anciennes ou de références littéraires, l’exposition rassemble une trentaine d’artistes contemporains issus du monde entier. Elle témoigne de l’intérêt récent des artistes pour un Mapping revu selon leurs propres recherches esthétiques. Certains ont développé de nombreuses œuvres sur cette thématique, comme Marcel Broodthaers ou Mona Hatoum, là où d’autres ont rencontré ponctuellement la carte du monde au fil de leurs recherches quitte à en réaliser des ensembles conséquents. Tel sera le cas d’Alighiero Boetti, avec ses Mappa ou de Wim Delvoye qui réalise pour l’exposition une installation inédite. Ce ne sont là que quelques-unes des figures célèbres ou moins connues que l’exposition rassemble autour d’une thématique riche de significations, la carte étant pour les artistes prétexte à toutes sortes de commentaires sur la société contemporaine, les rapports de pouvoir, l’écologie, les conflits, etc. Un événement à voir jusqu’au 4 octobre 2020 à la Villa Empain. Plus de détails sur le site www.villaempain.com Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles
EXPOSITION : JUANJO GUARNIDO Connu pour sa remarquable série Blacksad, Juanjo Guarnido est un auteur dont le talent a vite traversé les frontières. Né en Espagne en 1967, il est depuis toujours féru de dessin. Après des études aux BeauxArts de Grenade et de nombreuses collaborations dans les fanzines, il travaille pour des séries télé à Madrid puis rejoint l’équipe des studios Walt Disney de Montreuil. Avec Juan Diaz Canales comme scénariste, il crée son premier album « Quelque part entre les ombres » (Dargaud, 2000) et entraîne le lecteur au cœur de l’Amérique des années 50 et des enquêtes du détective privé John Blacksad. Cette série animalière compte à ce jour cinq volumes traduits en plusieurs langues et de nombreux aficionados. Guarnido excelle dans ses dessins à l’aquarelle et la création d’ambiances. Que ce soit dans la noirceur de ruelles sombres ou sous la lumière éclatante de la NouvelleOrléans, le pinceau du maestro fait merveille. Il dessine également Sorcelleries (Dargaud), les aventures d’une fée au pays de sorcières écrites par Teresa Valero. Avec Alain Ayroles au scénario, il se consacre à un nouvel album, Les Indes Fourbes (Delcourt), qui fait revivre le Siècle d’Or espagnol et le Nouveau monde. Des premiers crayonnés aux planches finales, l’exposition permettra de découvrir l’univers fascinant d’un auteur contemporain majeur ! Une exposition à voir jusqu’au 8 novembre 2020 au Centre belge de la bande dessinée. Plus de détails sur le site www.cbbd.be Rue des sables, 20 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : PORSCHE 356 / 70 YEARS Créée par Ferry Porsche, le deuxième fils du Professeur Ferdinand Porsche, la 356 est la première voiture à porter le nom de ce qui allait devenir une marque mythique. C’est en Autriche, à Gmünd, que la fabuleuse histoire commence. Une histoire devenue un succès… une légende. Ce succès commence il y a 70 ans, en 1950, avec le lancement de cette petite voiture de sport légère avec un moteur Boxer 1100 cm³ à quatre cylindres à plat, refroidi par air. Cette petite Porsche connut une évolution rapide, notamment grâce à de nombreux succès sportifs sur les grands circuits, en particulier sur le marché américain. Pour fêter cet anniversaire et mettre du baume au cœur de tous les amateurs qui n’ont pu sortir leurs belles durant le confinement, Autoworld présente une quinzaine de modèles qui ont contribué à esquisser l’histoire de cette célèbre et emblématique voiture de sport. Et, chaque jour, une 356 sera mise en évidence devant le musée. Une histoire racontée sur plusieurs générations C’est pendant la guerre que Ferdinand « Ferry » Porsche et une poignée d’employés fidèles commencent à développer la 356 dans leurs ateliers, une ancienne scierie de Gmünd située en Carinthie, Autriche. Les premiers croquis sont terminés le 17 juillet 1947, et le 8 juin suivant, le gouvernement de Carinthie délivre un permis spécial pour l’homologation de la voiture. Sur la cinquantaine d’exemplaires fabriqués à Gmünd, seuls huit sont des cabriolets. Pour chacun d’entre eux, la construction de la carrosserie et de l’intérieur a été sous-traitée. Six ont été envoyés à Beutler, qui leur a donné une forme légèrement différente de celle des exemplaires de l’usine. La ligne du garde-boue arrière, plus haute, sera conservée sur les cabriolets Beutler suivants. Le tableau de bord est lui aussi unique. La Karosseriefabrik Ferdinand Keibl de Vienne a produit, d’après les plans d’usine, un cabriolet complètement différent à deux exemplaires seulement. En 1950, la production déménage à Stuttgart. Le 15 juin de cette même année, la célèbre pilote de rallye suédoise Cecilia Koskull remporte le Midnattssolsrallyt. Ce fut la première victoire internationale pour Porsche - une victoire qui sera suivie par beaucoup d’autres. A partir de cette époque, les prénoms de la 356 se déclinent en générations A, B et C, Speedster, Roadster, Knickscheibe, Carrera, etc. Des carrossiers comme Zagato, Denzel, Reutter, Karmann, Drauz et le belge D’Ieteren lui donnent parfois des lignes personnalisées. La toute première 356 (aussi appelée « pré-A ») se reconnaît facilement à son pare-brise en deux parties séparées par une barre médiane. En 1952, il est remplacé par un pare-brise unique à courbure centrale. En 1956, la 356 cède la place à la 356 A. Dès son arrivée sur le marché, ce modèle se décline en cinq motorisations 4 cylindres. Le pare-brise panoramique d’un seul tenant est l’une des principales différences visuelles entre la série A et la 356 originale (pré-A). Les clignotants avant sont toujours intégrés dans la grille de klaxon et tous les modèles possèdent une poignée de capot avant modifiée intégrant l’emblème Porsche. À partir de mars 1957, les feux arrière sont ovales. La production des modèles 1300 prend fin en 1958.Dès 1960, la 356 A fait place à une 356 B entièrement redessinée. La principale différence visuelle entre la série B et le modèle précédent est un pare-chocs avant doté de rosaces plus grandes et de phares positionnés beaucoup plus haut. Les grilles de klaxon à côté des clignotants, plus proéminents qu’auparavant, sont plus plates et ornées de deux bandes chromées. Le bas de la poignée du capot avant est également plus large. Les deux phares qui éclairent la plaque d’immatriculation sont intégrés dans le pare-chocs arrière, positionné plus haut que sur le modèle précédent, tandis que le feu de recul est monté sous le pare-chocs. La 356 C remplace la 356 B à partir de 1964. Le nombre de motorisations est réduit à trois et la version 60 disparaît au profit du bloc de 75 ch. Visuellement, la série C et la série B se ressemblent beaucoup. La dernière Porsche 356 C est livrée en mai 1966. Une exposition à découvrir jusqu’au 30 août 2020 à Autoworld. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.autoworld.be Parc du Cinquantenaire à 1000 Bruxelles
DE QUELLE MANIÈRE SOUTENIR LE THÉÂTRE DE LA TOISON D’OR ? De toute son histoire, le TTO ne s’est jamais senti aussi démuni face à vous. Les mesures gouvernementales concernant le Coronavirus ne nous permettent pas de savoir si, quand, et dans quelles conditions nous pourrons à nouveau ouvrir nos portes. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour annoncer au plus vite notre saison 20-21 et reviendrons avec des informations précises dès que possible -l’absence de communication du Gouvernement Fédéral en matière d’Arts de la Scène ne nous ayant hélas pas encore donné la visibilité nécessaire. D’ici là, nous remercions pour votre patience et vous demandons aimablement, afin de ne pas surcharger une équipe déjà décimée par le chômage temporaire, de ne pas nous écrire pour obtenir des informations sur la nouvelle saison. Croyez bien que vous serez les premiers informés lorsque celle-ci sera fixée. Dans le contexte d’incertitudes qui est le nôtre en ce moment, une chose est, néanmoins, certaine : le TTO va devoir être aidé dans les mois à venir, sous peine de voir notre futur irrémédiablement compromis. La crise actuelle ne fait que mettre en lumière la fragilité de notre structure et l’insuffisance criante du soutien des pouvoirs publics à notre égard comme à l’égard de tous les membres du milieu des arts. Nous ne pourrons donc continuer d’exister que si vous continuez à nous soutenir. Comment soutenir le TTO ? En réponse à vos très nombreux messages de soutien et propositions d’aide, nous avons décidé de lancer notre campagne d’abonnements pour la saison prochaine. Vous pourrez ainsi nous soutenir activement en achetant un ou plusieurs carnets de places pour la saison 20-21. Nous avons également décidé, étant soucieux de notre santé collective, de mettre en vente des masques solidaires afin de vous permettre de vous protéger, tout en soutenant notre structure à travers un masque à notre griffe. Ces masques personnalisés auront un coût de 25 euros. Après mûres réflexions, nous sommes, au TTO, arrivés à la conclusion qu’il était plus juste de solliciter votre aide de cette manière plutôt que de vous demander d’effectuer de simples dons financiers sans contrepartie de notre part. Nous espérons que vous comprendrez cette approche.et voulons, une fois encore, dire à quel point nous pensons aux malades et au personnel soignant en première ligne, ainsi qu’à tous ceux qui souffrent durant cette période particulièrement opprimante. Nous vous envoyons notre amour bienveillant et espérons vous revoir tous en bonne santé dans nos salles. L’équipe du TTO
EXPOSITION: HAHAHA EXPÉRIENCE MUSEUM Installé dans le Théâtre de la Toison d'Or, le "Hahaha Expérience Museum" plongera les visiteurs au cœur du fonctionnement d’un théâtre. Depuis l’idée qui germe dans la tête d’un auteur, jusqu’aux saluts finaux de la dernière représentation, les visiteurs suivront un parcours ludique en compagnie (virtuelle) de la directrice artistique du TTO, Nathalie Uffner. Cette visite traversera plusieurs lieux du théâtre, dont certains qui ne sont normalement pas accessible au public. Aujourd’hui, après les périodes de peur et d’angoisse, ce maillon de la culture bruxelloise veut une fois encore rebondir et réinventer une nouvelle manière de distraire le public en mettant à profit ses espaces. Welcome to the HaHaHa Expérience Museum ! un lieu unique dédié au rire. Cette aventure du Musée est aussi, et avant tout, une belle opportunité de réunir autour d’un projet original et ambitieux des équipes artistiques et techniques qui ont souffert de cet arrêt brutal de leurs activités. Une expérience à vivre du 10 juillet au 30 août 2020 et du jeudi au dimanche de 1 à 17 heures. Durée de la visite : 45 minutes Prix d'entrée : Tarif adulte : 12 euros / Tarif étudiant-enfant : 8 euros Réservations : Uniquement en ligne via www.ttotheatre.be Conditions : Maximum 10 personnes (masquées) par visite Galerie de la Toison d’Or, 396-398 à1050 Ixelles
EXPOSITION : YUKO NAKAYA Yuko Nakaya dépeint le monde du subconscient en quête de l’âme pure et immaculée. En tant qu’artiste, elle a pour but de montrer l’intégralité du spirituel dans l’art. Pouvoir atteindre et réveiller la partie subconsciente chez l’être humain est pour elle un fabuleux accomplissement. Ce « subconscient » présent en toile de fond, sous la surface consciente, est partagé par tous les Hommes et les relie dans la mesure où ce « subconscient » est influencé par celui des autres. D’après Yuko Nakaya, cette partie subconsciente est reliée à l’univers et entre en résonance avec lui. De la même manière que l’Homme a depuis toujours cru évident que la lunaison influençait le flux et le reflux de la mer, l’être humain est, lui aussi, influencé par la nature qui l’entoure. Il est constitué de la même proportion d’eau que celle qu’il y a sur Terre. Le corps humain fait partie intégrante de cette Terre car il partage avec elle les mêmes atomes. Dans le corps d’une mère, existe un autre univers qui lui aussi est influencé par les cycles lunaires. Nous tous avons la même expérience subconsciente d’avoir jadis vécu un temps dans cet univers maternel avant notre naissance. Nous l’avons oubliée, ce souvenir du moment passé au sein de l’univers maternel qui pourtant a bercé chacun d’entre nous. Si ce souvenir venait à resurgir et réveiller un sentiment de bien-être, à quel point l’être humain peut-il devenir bienveillant ? L’univers intracorporel lui fait penser, telle la lumière, à une imagerie blanche. Aucune illustration, aucune peinture ne devrait être un mur, un obstacle, mais plutôt servir de fenêtres. Ces fenêtres sont telles des portes d’entrée qui aspirent nos émotions. Elles se prolongent au loin faisant le pont entre le ici et le par-delà. Ce ne sont pas des fenêtres au travers desquels de l’intérieur on observe un paysage, non, elles sont la porte d’entrée de nos sentiments. L’artiste voudrait dépeindre la lumière. Elle ne parle pas d’une lumière extérieure qui nous illuminerait, mais de la lumière qui réside en notre for intérieur, notre âme qui nous fait briller de mille feux. C’est une lumière emplie de chaleur. Des œuvres à découvrir à la galerie Arielle D’Hauterives du 2 au 29 septembre 2020. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.arielledhauterives.be Quai des Péniches, 69 à 1000 Bruxelles
UN REQUIEM INSPIRÉ PAR LE COVID-19 ! Être créatif durant une période où il y a peu de perspectives et encore moins de certitudes, voilà un vrai défi ! Mais celui-ci n’est ni insurmontable ni redoutable si la volonté reste intacte. La création est en effet le cœur même de l’activité de l’Opéra royal de La Monnaie en tant qu’opérateur culturel. Là, chacun considère comme essentiel de poursuivre sa mission en faisant de l’art, même au beau milieu de la plus grave pandémie de ces dernières décennies. Si l’équipe a pu faire plaisir à plus de 150.000 spectateurs grâce à trois festivals en streaming proposant non moins de vingt productions différentes, il sera temps, dès l’automne, de revenir à la création proprement dite. Il ne s’agit pas d’une adaptation ni d’une production de remplacement avec une distribution restreinte, mais bien d’une commande originale qui s’inspirera directement de thèmes actuels comme la solitude, la mort et les adieux. Lorsqu’il faut vivre le deuil sans étreinte et lorsqu’on ne peut se consoler l’un l’autre que de manière virtuelle, la douleur n’en est que plus vive. On le voit : l’isolement laisse des séquelles ! C’est en particulier le cas chez les jeunes, qui sont en quelque sorte les plus durement touchés par cette crise. Ils ont beau ne pas faire partie du groupe à risque, ce sont eux qui voient leur avenir hypothéqué (qui sait dans quelle mesure ?) et qui subiront le plus longtemps l’impact de cette épidémie. Mais toutes les générations mènent actuellement une lutte presqu’irréelle avec la peur de la maladie et avec un besoin de recommencer quelque chose sans savoir précisément quoi. Dans un tel contexte, la Monnaie est fière de mettre au point, en quelques mois à peine, la création de Is this the end ? Scénario, livret et partition sont actuellement en cours d’élaboration. Si personne aujourd’hui ne peut détailler la forme qu’aura cette œuvre ni la manière dont elle sera présentée, car tout est encore en chantier. Il est cependant déjà clair qu’il s’agira de la première partie d’une trilogie qui se déploiera sur plusieurs saisons.
LOISIRS : GOLG IMAGINARIUM Après une période de fermeture forcée, toute l'équipe du Musée et du Centre d'Art Fantastique de Bruxelles est heureuse de pouvoir vous retrouver ! Plusieurs activités seront proposées cet été. Parmi celles-ci, le Golf Imaginarium a réouvert ses portes. Ce mini-golf totalement atypique, fruit de passionnés du fantastique et de l'imaginaire, est installé au sein du site industriel des anciennes glacières à Saint-Gilles, où les serpentins frigorifiques parcourent le plafond de cet espace singulier. Doté d'un décor fantasque réunissant, créatures étranges, araignées sortant du green, châteaux hantés et éléments steampunk, ce golf unique en son genre propose un parcours de dix-huit trous parsemé d'embuches le tout dans une ambiance de brouillard, agrémentée de diverses projections vidéo et de sons étranges. Un voyage à découvrir en famille et entre amis ! Etant donné la situation sanitaire actuelle, la réservation est devenue obligatoire via le site officiel du Maf, avec une dernière entrée à seize heures et le port du masque fortement recommandé. Plus de détails sur le site www.fantastic-museum.be Rue de la glacière, 18 à 1060 Bruxelles
LE MONDE DE L’AU-DELÀ DANS L’EGYPTE ANCIENNE La réorganisation future des salles consacrées à l’Egypte ancienne devrait permettre de créer progressivement plusieurs nouvelles salles thématiques. Le premier de ces projets (qui pourra se réaliser grâce au soutien des Amis des MRAH) sera la salle consacrée au Monde funéraire en Egypte ancienne. Cette nouvelle salle présentera l’ensemble des thématiques relatives à l’Au-delà dans l’Egypte pharaonique en abordant le sujet de la momification mais aussi celui de la survie en général. Elle présentera de nombreux objets issus des réserves, jamais exposés jusqu’ici, et accueillera des vitrines consacrées à la technique de la momification, aux vases canopes, aux ouchebtis, aux scarabées de cœur, ainsi qu’aux recherches les plus récentes sur les momies égyptiennes. Ces dernières font actuellement l’objet d’une importante campagne d’étude qui met en œuvre les techniques les plus modernes d’imagerie médicale, afin d’offrir aux visiteurs du Musée des visions en 3D, externes et internes, des principales momies de la collection. Le centre de la salle sera occupé par l’exceptionnel groupe de cercueils provenant de la « Deuxième Cachette de Deir el-Bahari », acquis par le Musée en 1894. La restauration de cet ensemble est menée depuis octobre 2015 par une équipe internationale de l’Istituto Europeo del Restauro d’Ischia, dans le contexte de expositions «Sarcophagi. Sous les Etoiles de Nout», aux MRAH, et «La Porta dei Sacerdoti», à Syracuse (Sicile). Cette opération ambitieuse a permis de mettre en valeur la richesse de l’’iconographie ainsi que la beauté des coloris de ces extraordinaires cercueils que les visiteurs pourront bientôt découvrir. L’équipe des MRAH
EXPOSITION : ANTARCTICA Explorez l’Antarctique comme si vous y étiez ! L’exposition Antarctica vous emmène en expédition en Terre Adélie, aux abords de la base française Dumont d’Urville. Vous êtes prêt ? Entrez dans le vestiaire où se préparent les plongeurs, avant de glisser avec les phoques et les manchots dans l’eau glacée de l’océan Austral. Puis rejoignez-les dans les profondeurs grouillantes d’espèces étranges et magnifiques. De retour à la surface, vous voilà au beau milieu de la banquise, à quelques mètres à peine d’une colonie de manchots empereurs. Asseyez-vous et écoutez leurs appels, observez comment ils s’occupent de leurs jeunes, regardez-les se tenir au chaud en se serrant les uns contre les autres… Il y a tant à voir dans ce paysage à 360 ° ! Antarctica est une exposition immersive au cœur de ce continent exclusivement accessible aux scientifiques. De superbes films projetés sur de grands écrans – dont une projection finale à 360 ° – et des infographies sur le mode de vie des animaux vous font découvrir la fascinante biodiversité terrestre et sous-marine du pôle Sud. Luc Jacquet, le réalisateur oscarisé pour son film documentaire La Marche de l'empereur, présente dans cette exposition deux mondes contrastés : un désert de glace inhospitalier où vivent à peine quelques espèces animales – des oiseaux et mammifères marins – et un monde sous-marin qui regorge de vie avec plus de 9000 espèces de poissons, mollusques, crustacés, coraux... Ses images impressionnantes et souvent uniques vous feront réaliser combien l'Antarctique est beau, mais également fragile ! Cela se déroule jusqu’au 30 août 2020 au Musée des Sciences naturelles. Voyez tous les de détails sur le site www.naturalsciences.be Rue Vautier, 29 à 1050 Bruxelles
EXPOSITION : ANA TORFS Vingt ans après sa première exposition individuelle à Bruxelles dans les antichambres du Palais des Beaux-Arts, l’artiste plasticienne belge Ana Torfs revient avec de nouvelles œuvres, dont Sideshow. Dans cette installation, une glerie de personnages sans visage (une geisha, l’homme invisible, des hommes-oiseaux et un illusionniste aux grandes mains) surgissent et disparaissent, dans un décor abstrait de lumières polychromes. Les prises de vue enregistrées image-par-image mettent en scène divers performeurs. L’artiste revient ici à ses premières amours : le théâtre, le film muet, le spectacle de marionnettes, le butō, le cirque, la mascarade et le cabaret. Une exposition à découvrir à Bozar jusqu’au 1er novembre 2020. Plus de détails sur www.bozar.be Rue Raventsein, 23 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : BRUEGEL, A POETIC EXPERIENCE À l’occasion de l’année célébrant le 450e anniversaire de la mort de Pieter Bruegel l’Ancien, l’Atomium propose à partir du 18 septembre 2019 une exposition immersive et interactive sur le célèbre peintre de la renaissance. L’exposition Bruegel, A Poetic Expérience présente des facettes connues mais aussi insoupçonnées de son œuvre et de sa personnalité. Cette exposition, réalisée par Tempora, s’inscrit dans la série consacrée à la belgitude organisée par l’Atomium depuis sa réouverture en 2006. Symbole de Bruxelles et de la Belgique, l’Atomium, qui attire deux millions de curieux et 600 000 visiteurs par an, a déjà organisé avec succès des expositions sur la Sabena et sur le peintre surréaliste belge René Magritte. L’exposition présente sur deux étages des installations immersives et interactives qui plongent les visiteurs au cœur du monde de Bruegel grâce à de grandes reproductions de ses œuvres. Au niveau inférieur, une installation pop-up met en scène cinq tableaux de la célèbre série Les six saisons dans une scénographie tridimensionnelle qui donne aux visiteurs l’impression de se promener dans les célèbres paysages. Des panneaux explicatifs invitent le public à découvrir quatre facettes innovantes de l’œuvre de Bruegel. L’on apprend ainsi que le peintre a bousculé les habitudes au niveau de la composition et du rythme, notamment à l’aide d’une vue plongeante et de la division de ses tableaux en plans successifs, ce qui crée une fascinante profondeur de champs. L’installation montre aussi que Bruegel se distinguait par une prodigieuse attention aux détails et par un jeu d’images humoriste.
À l’étage supérieur, l’exposition s’attarde à éclairer la personnalité de Bruegel. Si peu de détails de sa biographie nous sont connus, ses œuvres recèlent des indices précieux sur l’homme et le peintre. À commencer par sa renommée comme peintre de la vie paysanne, le plus souvent associée à son fameux tableau Le repas de noces. Chez ses contemporains, Bruegel était en outre réputé comme le second Jérôme Bosch. Mais cette exposition prend soin de montrer comment il a su se démarquer de son modèle, par exemple en intégrant dans sa Chute des anges rebelles des animaux du Nouveau Monde récemment découvert et inconnus de Bosch, qui était mort un demi-siècle auparavant. Une troisième caractéristique de Bruegel, souvent oubliée, est son humanisme reconnaissable dans les sujets de ses tableaux. L’exposition dévoile enfin un aspect plutôt surprenant de la personnalité de Bruegel : avant d’être un peintre célèbre, il était principalement connu comme dessinateur de gravures. L’invention récente de l’imprimerie avait en effet facilité la diffusion de ses créations dans toute l’Europe. L’exposition Bruegel, A Poetic Experience. An innovative world and mind est présentée jusqu’en septembre 2020 et est comprise dans la visite de l’Atomium, tout comme le parcours retraçant l’histoire du monument. Suite à la crise du Covid-19, cette exposition est prolongée jusqu’au 15 novembre 2020. Voyez les renseignements pratiques sur le site www.atomium.be Place de l’Atomium, 1 à 1020 Bruxelles
VISITE AU WIELS La brasserie Wielemans-Ceupens a été construite en 1930 par la famille qui lui a donné son nom. Il s’agissait du plus grand producteur de bière de la capitale et qui souhaitait que ses travailleurs soient heureux pour effectuer leur tâche avec passion. L’architecte Adrien Blomme a donc été chargé d’édifier un bâtiment à la fois pratique et agréable, avec de vastes zones lumineuses et aérées. L’atelier où était fabriqué le précieux liquide doré était le plus grand d’Europe et les gigantesques fenêtres qui s’ouvraient sur la voirie permettaient de faire pénétrer la lumière, tout en donnant aux passants la possibilité de se rendre compte des conditions de travail du personnel. La nuit, le bâtiment était illuminé de l’intérieur et irradiait dans tout le quartier. Quant à la décoration, les patrons l’ont souhaitée à la fois belle et sobre. Inutile de préciser que la réputation du nectar s’est fort vite répandue dans tout le royaume. Que s’est-il ensuite passé ? La fin de la guerre et le début des années 50 ont vu les affaires décliner, même si la qualité était toujours au rendez-vous ? On le sait, le goût de la clientèle modifie parfois ses envies et se focalise sur d’autres marques plus efficaces sur le plan de la communication ou moins chères. Quoi qu’il en fût, le bâtiment a été délaissé et abandonné dans son état d’origine, en attendant une hypothétique reprise. En 2007, l’infrastructure a été transformée en musée mais, pour garder un témoignage de son glorieux passé, quatre des huit cuves en cuivre à brasser ont été maintenues. Depuis, des expositions sont organisées autour de thématiques permanentes ou temporaires, toutes focalisées sur l’art moderne, aussi bien pour mettre en évidence des valeurs établies que des créateurs émergents, sans aucune distinction. Bien que le Wiels n’ait pas encore acquis le statut de musée, il est communément désigné comme tel. Au cours de la dernière décennie, il s’est construit une réputation sur son programme engagé et critique, multipliant les démarches et osant se placer de biais par rapport aux formules exploitées ailleurs. Plus qu’un simple lieu de passage, il entend se singulariser comme étant un vrai lieu de dialogue, où les styles ne connaissent pas de frontière et où les restrictions n’existent pas. A ce jour, il se targue d’avoir convié les visiteurs à découvrir une grosse soixantaine de manifestations, d’avoir accueilli un peu moins de cent cinquante artistes venus de tous les horizons et d’avoir mis sur pied de fort nombreuses activités éducatives et socio-culturelles. Que découvre-t-on au Wiels ? Il y en a évidemment pour tous les goûts et, comme les goûts ne se critiquent pas, le public se trouve confronté à des œuvres picturales, à des sculptures et, parfois, à des installations qui témoignent de la vitalité des créateurs d’aujourd’hui avec, toujours, en filigrane, la grande question qui porte sur le rôle de l’art dans la société contemporaine. Il n’est pas rare non plus de voir des productions à résidence tutoyer des pièces spécialement créées pour un événement. Au demeurant, le lieu est devenu en l’espace de quelques années une plateforme des idées, mariant le plus accessible à ce qui l’est forcément moins. Un défi de taille qui semble avoir été remporté haut la main par une équipe volontaire et finalement sûre de la démarche à poursuivre. Le Wiels est accessible gratuitement au public chaque premier dimanche du mois. Plus de détails sur le programme des expositions via le site www.wiels.org Avenue Van Volxem 354 à 1190 Bruxelles Daniel Bastié
EXPOSITION : HORIZONTAL MATTRESS La jeune plasticienne Aviv Szabs (née en 1992) développe ici une création inédite, dans le contexte d’un projet initié il y a trois ans à Tel Aviv. Tout part d’une vision presque banale : un matelas jauni par le temps, abandonné dans la rue au milieu des ordures. Une image qui soudainement la bouleverse et l’interpelle. Que va devenir cet objet qui a abrité l’intimité ? C’est le début d’une enquête au cœur de la matière usée et orpheline, qu’elle questionne et réhabilite jusqu’à l’obsession. Au cours d’une résidence artistique exceptionnelle de quatre semaines dans les murs du Musée, Aviv Szabs ancre sa recherche dans le paysage local, à partir d’un matelas récupéré dans les rues de Bruxelles. Une création in situ, à découvrir dans notre nouvel espace dédié à la création contemporaine. Avec une précision chirurgicale et une précaution qui confine au fétichisme – approche qu’elle revendique elle-même -, l’artiste dissèque des matelas grand format laissés à l’abandon et explore l’anatomie d’un derme de mousse et de métal. Mis à nu, divisé et soigneusement démantelé, le “corpsmatelas” déstructuré se recompose de manière insoupçonnée. Aviv Szabs fouille puis transforme la matière brute avec une appétence pieuse : chaque épaisseur, chaque composant, est senti, collecté puis classifié avec l’égard et la méthode d’un archéologue en quête de précieuses reliques. Traité avec le respect que l’on porte à une matière vivante, le matelas prend une dimension sacrée : transformé en sanctuaire d’une histoire qui a échappé à la disparition, il incarne le cycle de la vie qui se perpétue, audelà de toute adversité. Fort d’une forme nouvelle, le matelas « parle » à nouveau et se propose comme support de langage inédit : triomphant de la mort, il devient matrice. Son architecture fragmentée trouble les frontières au profit d’un territoire hospitalier. La matière à vif, démembrée et éparse fait le récit d’une régénération et invite étrangement à l’union. Imaginé par l’artiste en nouvel espace d’accueil, propice au dialogue, le matelas transfiguré s’offre ainsi aux spectateurs en refuge singulier. Une œuvre à mi-chemin entre installation et performance, qui nous invite à penser le matelas, élément matériel de notre quotidien, comme objet organique, porteur de mémoire et de lien. Aviv Szabs vit et travaille à Tel Aviv. Portée par sa fascination pour le textile, elle se forme à l’école Shenkar d’art et de design (Ramat Gan, Israël) et se spécialise dans le tissage. Elle forge son expérience et nourrit ses recherches grâce à des séjours prolongés en Inde, Argentine, Japon et Maroc. « Horizontal Mattress » est sa première exposition à Bruxelles. Cette dernière est prolongée au Musée juif de Belgique jusqu’au 23 août 2020. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes 21, 1000 Bruxelles
EXPOSITION : BACK TO BRUEGHEL La mythique Porte de Hal, vestige de l'enceinte médiévale de Bruxelles, s'ouvre sur l'univers du peintre Bruegel. Effectuez un plongeon surprenant dans une version en réalité virtuelle de ses peintures mondialement connues. Quatre œuvres du maître prennent vie et vous entraînent, pour un instant, dans la vie quotidienne d’il y a 450 ans. Voyagez au cœur du XVIe siècle, face à d’authentiques trésors du Nouveau Monde, des armes et armures, des instruments de musique et d’autres œuvres des Musées royaux d’Art et d’Histoire. Complétez votre découverte par le toucher, l’odorat ou la manipulation. Au sommet du bâtiment, profitez aussi du magnifique panorama sur Bruxelles et laissez-vous transporter dans le temps de Bruegel grâce aux longues-vues virtuelles. Un audioguide gratuit est disponible en six langues : français, néerlandais, anglais, allemand, espagnol, russe (possibilité de télécharger le texte des audioguides via Google Play - tapez Orpheo Porte de Hal ou Orpheo Hallepoort & App Store - tapez Porte de Hal ou Hallepoort). Une exposition à découvrir jusqu’au 18 octobre 2020 à la Porte de Hal. Plus de détails sur www.kmkg-mrah.be Boulevard du Midi, 150 à 1050 Bruxelles
EXPOSITION : C’ÉTAIT MIEUX DEMAIN Découvrez une expérience d’un nouveau genre : le musée BeLvue revu par un groupe d’une trentaine de « citoyens-commissaires » d’âge et d’origine divers, sans expérience muséale ! L’expo « C’était mieux demain » est le résultat d’un projet de cocréation qui pose un nouveau regard sur le patrimoine belge d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Que laisserons-nous aux générations futures ? Le patrimoine, c’est bien plus que des bâtiments historiques ou des traditions culinaires. Dans chaque salle du musée, découvrez une facette différente du patrimoine belge et interrogez-vous sur son évolution dans le temps et dans l’espace. Voyez-vous l’avenir comme un progrès continu ou comme une réinvention perpétuelle du passé ? Pour y répondre, vous serez amenés à découvrir les monnaies et les religions du futur, mais aussi à découvrir des œuvres des artistes contemporains Hans Op de Beeck, Panamarenko, Jacques Lizène, Walter Leblanc et Luc Deleu. Un événement à découvrir jusqu’au 23 août 2020 au Musée BeLvue. Plus de détails sur le site www.belvue.be Place des Palais, 7 à 1000 Bruxelles Sam Mas
EXPOSITION : LIBÉRER LES FEMMES ET CHANGER LE MONDE Au début des années 1970, les féministes sont dans la rue. Donnant un nouveau souffle à d’anciennes revendications, elles exigent pour les femmes l’égalité dans la famille, à l’école, au travail et dans la loi. Elles portent aussi un nouveau regard sur le corps, dénoncent les préjugés et les violences et réclament une sexualité épanouie et le droit de maîtriser sa fécondité. Leur militance est jeune et dynamique : elles écrivent, s’assemblent, manifestent et organisent des actions joyeuses et tapageuses dans l’espoir d’une société solidaire, égalitaire et épanouissante pour tous et toutes. Aujourd’hui, leurs revendications et leurs analyses restent d’une brûlante actualité. Car malgré d’indéniables progrès, beaucoup reste à faire pour une société égalitaire. Un événement à découvrir jusqu’au 30 août 2020 au Musée BeLvue. Plus de détails sur le site www.belvue.be Place des Palais, 7 à 1000 Bruxelles
PORTRAIT : FRANCOISE MARQUET Présente lors des vernissages qui se déroulent régulièrement à Espace Art Gallery, Françoise Marquet fait partie des visages connus que les habitués prennent plaisir à retrouver. Toujours installée au même endroit, dans un angle discret de la galerie, sa présence enchante, tandis qu’elle ponctue la soirée avec grâce et délicatesse, en pinçant les cordes d’une harpe celtique (beaucoup plus petite que le modèle classique) et dont elle tire des sonorités cristallines. Avec des mélodies issues de la nuit des âges, la plupart transmises par la tradition et qui n’existent pas sur partition, elle séduit. Partager des émotions par le truchement de cet instrument mal connu dans nos contrées relève d’un long apprentissage, qui tient autant de l’étude que de la pratique, mais qui doit également beaucoup à la sensibilité de l’interprète, obligée de faire corps avec son outil de travail. Tout musicien le dira, il ne suffit pas d’effectuer des arpèges ou de savoir lire une portée pour exceller. L’émotion n’a jamais tenu de la technique pure, mais de l’état d’esprit dans lequel le soliste aborde sa prestation. En écoutant Françoise Marquet égrener son répertoire, on se surprend à vouloir réécrire son parcours et à lui inventer des influences multiples. Sans placer un mot plus haut que l’autre, elle confie avoir été formée au Conservatoire de Mons, avoir suivi le cursus de l’école Parallax et s’être formée à Paris. Elle s’est également fort vite entichée de légendes bretonnes et de mythes anglo-saxons, peuplés de créatures étranges, à la fois merveilleuses, dangereuses et attirantes. La quête du Graal par les chevaliers du roi Arthur ne pouvait que retenir son attention, s’inventant un dialogue avec la fée Morgane ou avec les entités qui hantent la forêt de Brocéliande. Certains affirmeront que sa harpe est céleste, qu’elle tutoie les esprits venus de l’au-delà et possède des vertus presque magiques. Il n’en est rien ! Passionnée, sa musique est simplement humaine et propice à l’évasion. L’écouter reste un plaisir dont on aurait tort de se priver. Davantage de détails sur le site: www.francoisemarquet.com Daniel Bastié
EXPOSITION : EXPERIENCE BRUSSELS Explorez les quatre coins de de la Région bruxelloise et imprégnez-vous de son charme unique. « Experience.Brussels » est une exposition interactive à travers laquelle locaux comme visiteurs auront l’opportunité d’en découvrir davantage à propos de leur capitale. C’est au cœur de Bruxelles, sur la Place Royale, que se trouve l’exposition « Experience.Brussels », le point de départ pour découvrir ou redécouvrir ce que la capitale peut nous offrir. Cette exposition changera votre vision de Bruxelles et mettra en valeur différents endroits, institutions, ainsi que la population travaillant au cœur de l’Europe. Quel est le symbole phare de Bruxelles ? Un atome géant ? Un petit garçon faisant pipi ? Une grande place dorée ? Un temps pluvieux ? Un cornet de frites ? « Experience Brussels » vous permet d’élargir votre vision. L’exposition vous aide à comprendre et interpréter Bruxelles de la meilleure des manières. Interagissez avec les transports publics bruxellois et élargissez vos connaissances sur cette capitale et ses habitants. Parcourez les quatre coins de Bruxelles, ses dix-neuf communes et découvrez un nombre incalculable de personnalités au sein de cette métropole. Tournez les pages d’un livre géant pour découvrir les moments-clés de l’histoire bruxelloise ; testez vos connaissances sur l’Union Européenne ; rencontrez de vrais Bruxellois ; apprenez de nouveaux mots de la langue locale ; interagissez avec notre maquette. Que vous soyez Bruxellois ou étranger, vous apprendrez à coup sûr de nouvelles choses sur cette capitale. Et avant de partir, n’oubliez pas votre carte postale personnalisée ! Que vous soyez en ville pour quelques jours ou Bruxellois de naissance, vous découvrirez le charme de quartiers insolites et/ou touristiques et vivrez réellement l’ambiance bruxelloise. Un événement qui met en avant différents quartiers de la capitale, pouvant être appréciés entre amis, en famille, en groupe ou en solo ! Davantage de détails sur le site ww.experience.brussel.com Rue Royale, 2-4 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : MONET L’EXPÉRIENCE IMMERSIVE Découvrez l’un des maîtres de l’Impressionnisme l'artiste comme jamais auparavant ! « Claude Monet, l'expérience immersive » est une exposition d'art numérique exceptionnelle. Les œuvres de l’artiste s'animent sous vos pieds et à 360 °. Une plongée inoubliable au cœur de ses toiles les plus connues (et pas seulement !) Un spectacle son et lumière époustouflant ! Plus de trois cents toiles de Claude Monet sont projetées de manière animée, créative et surprenante tout autour de vous pour un véritable éveil des sens, grâce à des coups de pinceaux virtuels. Le tout sur une musique originale du compositeur belge Michelino Bisceglia. Bien plus encore ! L'expo Monet ne se résume pas à la seule salle immersive. Le parcours comprend également quelques pièces supplémentaires. Notamment un avant-goût de l'Atelier de Giverny, qui n'est autre que l'atelier de Monet. Vous pouvez y contempler quelques reproductions de l'artiste. L’exposition offre également un espace plus didactique avec des explications sur la technique, les influences et la vie de l'impressionniste. Cerise sur le gâteau Une expérience VR (réalité virtuelle) unique est également proposée. L'occasion de vous glisser dans la peau de Claude Monet grâce aux lunettes spéciales. Cette expérience de dix minutes vous emmène de Giverny à Londres, mais également aux Pays-Bas et en Norvège, sans oublier ses œuvres.
Voilà une aventure dépaysante, à la fois récréative et didactique, à vivre en solo, en famille ou en compagnie d’amis à la Galerie Horta jusqu’au 6 septembre 2020. Voyez tous les détails pratiques sur www.expo-monet.be Rue du marché aux Herbes, 116 à 1000 Bruxelles
ANTHOLOGIE DU CINÉMA MUET VIA FACEBOOK La Cinematek poursuit jusqu’au 15 août la diffusion de films muets sur Facebook. Des projections en direct, permises grâce au concours des pianistes Hugues Maréchal et Stéphane Orlando, artistes réputés et improvisateurs de talent. Pour la circonstance, ils joueront en live depuis chez eux, tandis que le long métrage sera proposé gratuitement aux amateurs via ordinateur. Une formule née durant la crise du Covid-19, afin de ne pas laisser les cinéphiles en berne. Pour profiter de cette animation, il suffit de vous connecter dès 15 heures le dimanche via Facebooklive. Avis aux curieux comme aux amateurs !
LE THÉÂTRE LE PUBLIC VOUS FIXE RENDEZ-VOUS SUR YOUTUBE ! En attendant une reprise des activités, le Théâtre Le Public vous propose de le retrouver via sa chaîne Youtube pour découvrir « Les invités du Public », une série de rendez-vous enregistrés intra-muros, Peut-être y étiez-vous ? Les prises de vue ont eu lieu certains samedis et ce pendant plusieurs saisons. Eric Russon, célèbre journaliste de la RTBF et du magazine Moustique, mettait son talent au service d’entretiens à bâtons rompus avec les artistes, en leur posant des questions amusantes et pertinentes. Ces enregistrements n'avaient jamais été diffusés auparavant, voilà l'occasion d'amener les artistes dans votre salon pour les (re)découvrir. Au menu : Charlie Dupont et Tania Garbarski,Laurence Vielle, José Van Dam, Yasmina Douieb, Janine Godinas, Nicolas Buysse et beaucoup d’autres !
BATTLE DE DANSE TOUT L’ÉTÉ DANS LE CENTRE DE BRUXELLES Depuis le 15 juillet dernier, les Detours Cyphers ont lieu chaque mercredi de l'été de 18 à 20 heures. Ces battle de danse entre professionnels du Hip Hop se déroulent en plein air sur la Place du Musée, à deux pas du Mont des Arts dans le centre de Bruxelles. Les Cyphers (Cercles de danseurs où chacun peut montrer son talent en freestyle) permettent aux danseurs de s’exprimer librement et de partager leur inspiration du moment avec les autres participants. Chaque semaine, un style différent est mis à l’honneur ; de la compétition de headspin (tour sur la tête) au championnat du meilleur robot, en passant par le Krump. Durant ces rencontres, la scène est ouverte tant aux démonstrations spontanées qu’aux performances en cours de création, transformant notre bitume bruxellois en véritable laboratoire d’expérimentation urbaine. Les Detours Cyphers sont l’occasion pour les jeunes, et moins jeunes, de se retrouver cet été autour de la danse dans la capitale. Des adaptations sont mises en place afin de respecter l'ensemble des mesures sanitaires. Notamment, grâce à un marquage au sol réalisé par des street-artistes, mis en place pour assurer la distanciation individuelle du public et des participants. Et également, grâce à une diffusion des Detours Cyphers en ligne et en direct afin que le public puisse également profiter de ces battle et voter à domicile. Ces sessions de Detours Cyphers précèdent le Detours Festival 2020, onzième édition de ce festival international d’Arts urbains qui aura lieu du 23 au 26 septembre prochain. A la frontière entre la danse Hip hop et contemporaine, cet évènement proposera différentes activités, battle, workshops et spectacles dans divers lieux de la capitale.
RÉNOVATION DE LA MAISON DES ARTISTES À partir de ce mois d'août, la Maison des Artistes (Anderlecht) bénéficie d'une rénovation complète. En plus d'un rafraîchissement de ses salles d'exposition, elle disposera d'une entrée commune avec une toute nouvelle crèche qui sera créée à la place de l'actuel parking. Un atelier pour les artistes en résidence sera également aménagé dans le grenier. Rendez-vous donc après les travaux pour une programmation riche et variée.
RÉNOVATION DE LA SALLE MOLIÈRE Toujours à Anderlecht, la salle de spectacle Molière (qui fait partie de l'Espace Maurice Carême, dont elle occupe le rez-de-chaussée et le sous-sol) disposera bientôt de sa propre entrée et pourra fonctionner indépendamment de la bibliothèque et du reste du centre culturel. La salle et son hall d’accueil ont été réalisés dans un style années 1970. Esthétiquement remarquable, ils sont à rafraîchir pour accueillir à nouveau un public avide de culture (théâtre, concerts, cinéma). Un lifting qui s’est fait attendre et qui voit enfin le jour. L'objectif de rendre le parcours plus fluide, avec un meilleur contrôle des accès. De la sorte, l'accès à la salle et aux tribunes sera déplacé au rez-de-chaussée, en contact direct avec les espaces extérieurs. Au sous-sol, on trouvera toutes les fonctions de service, telles que les sanitaires, le vestiaire et les locaux techniques.
CASTING / A LA RECHERCHE D’UN JEUNE ACTEUR Êtes-vous un garçon âgé de 10 à 13 ans ? Si le métier d’acteur vous tente et que vous ayez envie de voir ce qui se passe devant et derrière la caméra, envoyez quelques photos de vous et une fiche de présentation à Lukas Dhont : menuet.casting@gmail.com . Le casting aura lieu fin août. Pour rappel, Lukas Dhont, né en 1991, est le réalisateur et scénariste gantois de Girl, son premier long-métrage sélectionné à Cannes, qui a obtenu la Caméra d’or et la Queer Palm en 2018. Girl a aussi été récompensé du Magritte du meilleur film flamand. Le réalisateur est à la recherche de nouveaux interprètes pour son film à venir. Michel Lequeux
CINÉMA : JEUNESSE SAUVAGE Drame de Frédéric Carpentier avec Pablo Cobo, Darren Muselet, Léone François et Jérôme Bidaux. France-Belgique 2018, 80 min. Sortie le 22 juillet. Résumé du film – Raphaël est le chef d’une bande de jeunes loubards spécialisés dans le vol à l’arraché et le car-jacking sur les plages françaises de la Méditerranée. Jusqu’au jour où il voit son autorité menacée par son fidèle lieutenant Kevin. Pour garder le pouvoir, il va affronter la trahison et un univers de plus en plus violent, où les armes remplacent les coups de poing, son lot habituel. Sa vie bascule après un meurtre accidentel qui fait de lui le chef incontesté de la rue. Commentaire – C’est le premier long-métrage signé de Frédéric Carpentier, réalisateur et scénariste français de plusieurs séries télévisées, dont A cheval dans une maison vide qui a obtenu le Palmier d’Or d’Hyères en 2013. Intéressé par les reportages sur les quartiers difficiles des banlieues, Carpentier s’est lancé dans un casting sauvage avec des jeunes sortis de la rue, pour leur donner une seconde chance. Cette chance, certains d’entre eux l’ont saisie pour devenir des acteurs en puissance. Jeunesse sauvage (plutôt que Vie sauvage déjà pris) montre les qualités et les défauts d’une première réalisation. Les acteurs sont bruts, d’une sensibilité à fleur de peau, qu’ils expriment sans retenue, dans un élan fort spontané. Cette énergie est à mettre à leur crédit. Mais le résultat n’est pas à la hauteur de cet élan, parce qu’ils se cantonnent dans des attitudes stéréotypées, souvent excessives d’ailleurs. Cela peut lasser le spectateur qui se dira qu’il a déjà vu pas mal de ces clichés. D’autant plus que l’intrigue manque de rebondissement : c’est un film à la limite du reportage, qui s’arrête court après 80 minutes, faute d’ingrédients. Et pourtant, il y en avait. Le réalisateur aurait pu trouver une autre fin que cette fuite en avant dans le port d’une ville qui n’est jamais précisée. Vraisemblablement Sète où le film fut tourné à la fin de l’été 2017, ainsi qu’à Montpellier et à Nîmes dont les ruelles campent le quartier sordide où sévit cette jeunesse. Pablo Cobo, le chef des jeunes truands, a fait un gros travail sur lui-même pour être ce chef de bande. Il joue son personnage avec une rare énergie, en allant la chercher au fond de lui-même et en l’affichant sur son visage buté, fermé. Garçon brisé, en révolte contre la société, meurtri par sa vie d’enfant de la zone, il erre à la recherche de lui-même. C’est le point positif du film. Avis – Hormis la fin décevante, c’est la vie brute des jeunes loubards confrontés à la violence de la rue. Dix minutes supplémentaires auraient suffi pour ménager une autre issue moins mélodramatique – Michel Lequeux
CINÉMA : BIGFOOT FAMILY Comédie d’animation en 3 D de Ben Stassen et Jérémie Degruson. Musique du groupe Puggy. Coproduit par Wallimage. Belgique-France 2020, 1 h 30. Sortie le 5 août 2020. Résumé du film – Depuis son retour en ville, Bigfoot est devenu la star des médias. Au grand désespoir de son fils Adam qui rêvait d’une vie de famille tranquille. Lorsque des militants écolos l’alertent, Bigfoot s’envole pour l’Alaska, bien décidé à combattre la société pétrolière X-Trakt qui a mis le grappin sur une mine dans une vallée perdue. Mais il disparaît bientôt sans laisser de traces. Cap sur le grand nord pour Adam, sa mère Shelley, Trapper, un raton-laveur intrépide, et Wilbur, l’ours maladroit, pour retrouver le superpapa qui a disparu. Commentaire – Bigfoot Family est la suite très attendue du film d’animation à succès Bigfoot Junior, sorti en 2017. Ce nouveau film d’aventures est l’œuvre des studios belges nWave, spécialistes de l’animation en 3 D, à qui l’on doit entre autres Royal Corgi, Les aventures de Sammy, Fly To the Moon ou encore Le Manoir magique. Grâce aux lunettes qui vous seront proposées à l’entrée de la salle, vous serez projetés dans la réalité de la troisième dimension, où les objets s’avancent à votre rencontre jusqu’à vous percuter. Où les drones ne vous lâchent plus. Où la mine vous tient dans ses galeries et son fleuve souterrain, qui vous emportera au fond. Les effets sonores se mêlent aux effets de perspective et vous donnent le tournis. C’est une descente dans les tréfonds de l’image et de la couleur. Cette production nous arrive d’un petit pays, le nôtre, plus précisément de la province de Liège où est né le réalisateur Ben Stassen qui dirige la nWave. C’est d’Aubel, en effet, qu’est originaire la famille Stassen, active dans la production du cidre. Le fils, qui a fait des études de sciences politiques à Leuven, puis de cinéma à l’Université de Californie du Sud, a créé en 1994 la nWave Pictures, société qui produit des films d’animation à succès. Ben Stassen est aujourd’hui le pape de la 3 D chez nous, c’est-à-dire le concurrent attitré de James Cameron, le réalisateur d’Avatar aux Etats-Unis. Stassen y a rencontré Jérémie Degruson, le coréalisateur des deux Bigfoot. Et ils forment un tandem qui déchire la 3 D. Avis – Bigfoot Family ravira les petits qui se précipiteront dans cet univers peuplé d’animaux du Grand Nord. Mais aussi les grands qui se laisseront séduire par cet appel à l’écologie. Michel Lequeux
CINÉMA : PETIT PAYS Drame d’Éric Barbier, avec Jean-Paul Rouve, Djibril Vancoppenolle, Isabelle Kabano et Delya De Médina. France 2019, 111 min. Ressortie le 28 août 2020. Résumé du film – Dans les années 1990, le jeune Gaby vit au Burundi avec son père Michel, entrepreneur français, sa mère Yvonne, une Rwandaise tutsie, et sa petit sœur Anna. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe, jusqu’à ce que la guerre civile entre Hutus et Tutsis se déclare, mettant fin à l’innocence de son enfance. Il va comprendre pourquoi une affaire de nez a mis le feu aux poudres dans une région de l’Afrique où grondait la révolte depuis longtemps. Commentaire – Depuis des siècles en fait. Depuis que l’élite tutsie s’est imposée aux Hutus, majoritaires mais plus frustes, dans les deux pays voisins du Rwanda et du Burundi, et que la colonisation a consacré cet état de fait. Les Tutsis, grands et au nez fin, ont dominé la société malgré les révoltes populaires. Même pays, même langue (le kinyarwanda au Rwanda, le kirundi au Burundi), même territoire mais pas le même nez, sur lequel se disputent les enfants en voyant celui de Cyrano de Bergerac à l’école. Le génocide dans les deux pays limitrophes nous est conté à partir du Petit pays de Gaël Faye, tourné au Rwanda avec 90% d’acteurs rwandais. Le réalisateur est Éric Barbier (La promesse de l’aube, 2017), qui en fait une adaptation très fidèle. Sauf la fin du livre, qu’il adapte dans un souci de vraisemblance, en recentrant les éléments un peu émiettés de l’histoire. Tout est donc conforme au récit, et l’on suit les aventures d’une bande de cinq gamins qui vont découvrir l’horreur du génocide, mal profond et contagieux. Il se communique d’un pays à l’autre comme un virus, ou comme une gangrène, dévastant tout sur son passage. Jean-Paul Rouve incarne bien l’ingénieur français passionné par la coopération au Burundi, tandis que sa femme, réfugiée tutsie ayant fui le Rwanda, ne rêve qu’à Paris pour arpenter les Champs-Elysées. Yvonne a gardé une certaine arrogance héritée de l’aristocratie tutsie qu’elle représente, et elle le fait sentir à son mari qu’elle domine de la tête et du nez. C’est une femme au port altier, et leur couple s’en va à vau-l’eau, au bord de la dérive. On suit leur brouille, tandis que la situation dégénère sur le plan social et qu’une grande noce se prépare à Kigali, où doit se rendre Yvonne pour assister au mariage de son frère Pacifique. C’est alors que l’avion des deux présidents sera abattu au-dessus de Kigali, le 6 avril 1994, entraînant l’assassinat d’un million de Tutsis et d’Hutus modérés. Tout nous est minutieusement raconté comme dans le livre, qui le faisait à travers les paroles d’un enfant. C’est raconté ici à travers la bouche des adultes, que couvrent le crépitement des rafales et le lynchage des corps. Moins poétique il est vrai, mais plus circonstancié, le réalisateur ayant soin de situer les faits horribles qu’il met en scène. Le film a été tourné au Rwanda, où l’unité nationale a pu être reconstituée après la tragédie, Tutsis et Hutus se fondant dans une nation recomposée. Ce n’était sans doute pas le cas au Burundi, le petit pays décrit par Gaby, où les tensions restent fortes, vingt-cinq ans plus tard, entre les deux communautés. Il a été présenté à Kigali en avant-première. Avis – A voir si vous n’avez pas lu le best-seller de Gaël Faye, Prix Goncourt des Lycéens et Prix du premier roman en 2016. Le film n’y apporte rien de plus, sinon la beauté des images et la présence des deux jeunes acteurs, magnifiques dans leur rôle. Michel Lequeux
COSTA-GAVRAS, INVITÉ D’HONNEUR DU 3e BRIFF Le Brussels International Film Festival, dont la date a été différée du 3 au 13 septembre 2020, annonce que son invité d’honneur sera, pour la 3e édition du festival, le réalisateur franco-grec Costa-Gavras. Cinéaste du questionnement, du refus de l’ordre établi, de l’audace politique, il s’est fait connaître avec Z, L’Aveu, Etat de siège, Missing, Amen, Le Couperet, Adults in the Room, soit quelques-uns des vingt films à son actif. Costa-Gavras a reçu tous les honneurs du cinéma : une Palme d’or, deux Oscars, un Ours d’or, un César. Il a fait tourner les plus grands noms du 7e art, en Europe ou de l’autre côté de l’Atlantique : de Dustin Hoffman à John Travolta, en passant par Jack Lemmon, Sissy Spacek, Ulrich Tukur, Matthieu Kassovitz, Olivier Gourmet, Jessica Lange, Catherine Allégret, Simone Signoret, Michel Piccoli, Yves Montand, Charles Denner, André Dussolier, Pierre Arditi, et plus récemment José Garcia, Karin Viard, Gad Elmaleh, Natacha Régnier, Céline Sallette, ou Hippolyte Girardot... Costa-Gavras, de son nom grec Constantinos Gavrás, sera à Bruxelles début septembre pour nous faire revivre l’engagement de certains de ses films et partager avec nous son immense amour du cinéma. Le réalisateur fête cette année ses 87 ans. Toujours bon pied bon œil ! Michel Lequeux
DVD : LE PRINCE OUBLIÉ Huit ans, Sofia vit avec son père. Chaque soir, il lui raconte une histoire qui met en scène la jolie princesse Sofia et un prince courageux, qui n’est autre que le double de son papa. Puis, le temps faisant, la gamine grandit, entre au collège et se tourne vers d’autres prétendants. Ceux de son âge ! Hébété, le père doit se rendre à la conclusion que sa fille n’est plus une enfant et qu’elle est en train de se métamorphoser en adolescente, prête à bientôt vivre sa vie loin du nid paternel. Michel Hazanavicius (metteur en scène multirécompensé grâce à « The artist ») n’a pas son pareil pour faire naître la poésie de situations ordinaires. Conforté par le talent d’Omar Si, il donne à voir une fable virevoltante qui jongle avec la banalité du quotidien et l’imaginaire débordant d’un homme prêt à tout pour combler son enfant de bonheur. Costumes chatoyants, décors des Mille et une nuits, partition envoûtante de Gabriel Yared, humour et montage rythmé font de « Le prince oublié » un long métrage familial à conseiller sans modération. Audelà du simple récit, il s’agit également d’une parabole sur la nécessité de laisser les poussins quitter le bercail. François Damiens campe un méchant de pacotille, plus bête que réellement dangereux, avec ses tics habituels et son accent bien de chez nous. Le challenge de ce film est de juxtaposer deux univers et de présenter celui des contes de fées tel un gigantesque studio de cinéma, au sein duquel les officiants s’agitent sans cesse. La réalité sociale est également partie prenante, puisque le cinéaste souligne les dures conditions de vie du protagoniste, technicien au chômage et seul pour éduquer sa gamine. Un bravo particulier à la jeune Sarah Gaye à la justesse parfaite. Daniel Bastié
LE DERNIER ICEBERG Un livre prémonitoire de Guy Servranckx que ce thriller climatique ou thriller écologique. Il faut savoir qu'il a été écrit en 2018. A l'époque, Guy Servranckx avait envoyé son manuscrit à plusieurs grandes maisons d'édition qui, toutes, ont refusé de le publier sous le prétexte qu'il risquait de semer la panique auprès des lecteurs. Ce bruxellois passionné d'art et agrégé en biologie ne se doutait pas que deux ans plus tard, son histoire allait se produire dans la vraie vie. Nous sommes en 2040... et la terre souffre. Montée des eaux, fonte des glaces, démographie galopante, croissance effrénée, déforestation sauvage, pillage des océans, réchauffement climatique... la cause principale, le dénominateur commun à toutes ces souffrances, c'est l'homme ! Le réchauffement climatique libère une bactérie sur le marché de la ville de Guangzhou. Une bactérie qui va se "lancer à la conquête du monde"... Nous retrouvons de nombreuses similitudes avec ce que nous avons connu lors de la pandémie du covid19, à savoir les appels sans réponse des scientifiques, les hésitations et les erreurs des gouvernants, etc. Extrait : "... A peine a-t-il salué ses collègues, qu'il s'effondre inconscient, accompagné d'une toux effrayante expulsant un sputum ensanglanté. Aussitôt, on s'affaire autour de lui; dégoulinant, il est placé en position latérale de sécurité, ses yeux sont injectés de sang, son pouls est faible et irrégulier. De ses oreilles s'écoule un étrange liquide rougeâtre. Il est entre la vie et la mort quand l'équipe médicale d'urgence l'emmène à l'hôpital. Il est immédiatement transféré à l'unité de soins intensifs. Pour le docteur Feng, les symptômes sont impressionnants : ils rappellent ceux d'une fièvre hémorragique brutale. La température du corps s'élève à 42° et résiste aux premiers traitements. S'ils n'arrivent pas à la juguler, les dommages cérébraux seront sérieux..." Voilà un roman choc qui nous incite à une réflexion profonde sur nos comportements comme le souligne un personnage du roman : la fin de l'humanité est inéluctable. Nous ne sommes pas faits pour durer. Nos actions ne sont dictées que par le plaisir et l'immédiat. Notre cerveau reptilien délivre la dopamine qui nous procure la satisfaction de l'instant : manger, boire, avoir des relations sexuelles, dominer, asseoir son pouvoir... cette hormone du plaisir nous empêche de nous configurer dans un avenir négatif, comme si nous refusions de le croire ou de l'imaginer. Il nous conforte dans la loi du moindre effort, dans l'assistance technique ou domotique, et donc la consommation et la pollution. C'est donc bien nos comportements qu'il faudrait bouleverser... Un roman à la fois passionnant et angoissant... Un roman qui résonne comme un signal d'alarme face à la fatuité humaine... Un roman que je vous conseille vivement... Editions Mot Passant - 217 pages. Alain Magerotte
QUINZE RENCONTRES ARTISTIQUES Etrange et mystérieux métier que celui d’artiste. On l’a récemment vu avec la crise du Covid-19, ils ont été les oubliés de la pandémie, les rejetés du système, amenés à subsister par eux-mêmes, en puisant dans leurs réserves, en s’autogérant, en voyant se distendre les liens qui les soudent au public tellement cher. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, ils sont néanmoins toujours debout, l’esprit plein d’idées, prêts à revenir au rendez-vous. Armés de quelques pinceaux ou de brosses, d’un stylo ou d’un ordinateur, d’une trompette, d’une guitare et de papier à musique, ils persistent à vouloir, en ce siècle de zapping, d'excès et de folies, agrémenter les loisirs et les nimber de couleurs ou de sons jusqu'à ce que tout le monde se sente heureux. Ils contribuent également à faire avancer les choses, à poser une réflexion sur ce qui doit être débattu, à jeter un regard indépendant sur les injustices et les exactions qui exaspèrent notre planète, à des lieues de leur fonction d’acteurs du monde du divertissement. Peut-on, aujourd'hui, être moderne sans s’intéresser à ce qui se produit dans les ateliers, dans les studios d’enregistrement, dans les coulisses des théâtres ? Pour les artistes dont le portrait a été brossé, cela ne fait aucun doute. Les quinze rencontres vont à la découverte de Jean-Louis Aerts, Frank Andriat, Ariane Bosquet, Jeannine Burny, Héléna Darcq, José Duchant, Sabiha El Youssfi, Maurice Frydman, Fabrice Gardin, Hugues Henry, Corinne Hoex, Joël Jabbour, Clément Martinery, Maria Palatine et Henri Seroka, possédant toutes et tous un lien ténu avec Bruxelles. Ed. Ménadès – 103 Pages Sam Mas
UN DÉVELOPPEMENT TRÈS PERSONNEL Sophia a tout pour plaire. Belle et moderne, avec un visage aux traits radieux. Pourtant, un événement imprévisible remet toute son existence en question. Elle se croyait néanmoins invincible. Coach en développement personnel, elle a mis au point une technique infaillible tout bonnement intitulée « Ce que l’univers peut pour vous … ». Quoi de plus galvaniseur ! Sans se méfier, une dure réalité l’attend au tournant et met ses assisses en péril. Fragilisée au plus profond de son être, elle s’imagine totalement perdue … comme un pantin désarticulé qui perd tout d’un coup ses facultés. C’est là qu’elle prend conscience de l’inanité de sa méthode. Si l’univers peut, sans doute, beaucoup pour les autres, que peut-il pour elle ? Elle sait qu’elle ne doit compter que sur elle-même pour surnager et faire face. Entre offrir des conseils tous azimuts et les appliquer dans son quotidien, elle réalise le gouffre qui sépare les mots des actions à poser. Sabrina Philippe est psychologue et connaît parfaitement les méandres de l’âme humaine. A travers le personnage de Sophia, elle propose un regard introspectif qui parle à la fois de la condition de la femme, de ses attendes et de son rôle dans la société, mais également de ses blessures et de sa fragilité. En choisissant le roman, elle met en lumière les vertus positives qui prouvent que la vie mérite d’être vécue. Il n’existe pas de recette magique pour vaincre les phobies. Il faut dresser les épaules et s’astreindre à faire face aux avanies. L’énergie intérieure est un cadeau et il serait vain de ne pas l’utiliser à bon escient. Un livre tour à tour parabolique et inspirant ! Ed. Flammarion – 285 pages Amélie Collard
BUKOWSKI ET MOI Eric Neirynck a "fait la connaissance" de Charles Bukowski par le biais de Louis Ferdinand Céline. Une révélation ! Il nous livre ici d'une longue lettre adressée à l'auteur américain. Une véritable déclaration... d'admiration ! "Ah mon cher Hank, il me faudrait un truc fort, fort comme tes mots, tes livres, tes poésies, mon vieux dégueulasse. Un truc qui en une ou deux phrases résume la tristesse et le pathétique de ce monde pourri que tu as si bien décrit dans tes livres." Et de faire ce triste constat au sujet de cette classe moyenne que l'on voyait triomphante dans les années 60/70 et qui est en train de se casser la gueule. Et de dénoncer un monde du travail bien pourri, depuis toujours en fait, par des patrons et des petits chefs arrogants se raccrochant à leurs pouvoirs. Aujourd'hui, l'exploité n'est plus enchaîné au sens propre... les chaînes du XXIème siècle sont plus vicieuses car virtuelles... Et de maudire cette moralité austère par laquelle tout est interdit, à commencer par la cigarette, l'alcool dans les endroits publics et de dénoncer cette beauté que l'on voile au nom de pseudo-créatures célestes, d'amis imaginaires ou de féminisme exacerbé... Et puis il y a cette sympathique participation de Linda King (ex-partenaire de Bukowski) qui a bien voulu répondre à quelques questions... A la suite de cette lecture, on ne peut s'empêcher de faire un parallèle entre l'auteur de ce livre et son modèle : des petits boulots à la pelle, des victimes de la violence conjugale mais surtout un style d'écriture direct. Ils écrivent comme ils parlent. Ils écrivent leur époque avec les mots du moment, sans fioriture et cela, croyez-moi, c'est un exercice bien plus difficile que de se laisser aller à un style emphatique ! A noter les belles illustrations de Hugues Hausman (couverture), Jacques Cauda, Lisette Delooz et David Peeters. Editions Lamiroy - 39 pages Alain Magerotte
ÉTAT DE CHOC J’ai toujours aimé les livres, particulièrement les romans. Je m’attache au déroulement de l’intrigue, même si l’auteur bouleverse la chronologie, à l’évolution des personnages, quel que soit leur caractère. En somme, je suis une lectrice facile à contenter. J’aime moins les nouvelles, plutôt un genre anglo-saxon, parce que j’ai l’impression que le récit est trop court, que ce n’est qu’une ébauche de roman. Quand j’ai acheté « Etat de choc », paru aux éditions Ménadès, je me suis laissé influencer par le titre, générateur croyais-je, d’une histoire violente, mystérieuse, voire sordide. Aucune mention ne signalait qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles, sinon j’aurais passé mon chemin. Et j’aurais eu tort. En douze nouvelles, l’auteur brosse les portraits d’une série de personnages pittoresques, dans des récits qui allient la satire, l’humour, parfois le tragique. Le grand intérêt de ces histoires, c’est qu’elles comportent presque toujours une chute inattendue, qu’il s’agisse de la description d’une beauté rare (Exotisme), d’un personnage d’une naïveté excessive (Le jobard), d’une assemblée de snobs plus vrais que nature (L’aristo du cœur), d’une plongée dans le milieu juif pendant la guerre (Téléphone rose), d’une incursion dans le fantastique à travers les tribulations d’un mégalomane (Le défi), d’un cycliste aux prises avec les milices privées dans une Flandre ultra-nationaliste (Vue de la terre promise), ou d’un militariste à tous crins (Un bon petit soldat).Voilà une lecture roborative que je vous conseille vivement. Ed. Ménadès - 168 pages Amélie Collard
L’ANTI-MAGICIEN - LES TRAÎTRES DE LA COUR Pour la cinquième reprise, Kelen est de retour ! Un comeback qui réclame toutes les attentions, puisque ses aventures empruntent une tangente qui appuie sur l’accélérateur de l’action, avec un virage à deux cents à l’heure. Sébastien De Castell a mis en place une véritable saga qui sent la sueur des pistes sauvages et qui prend le contrepied des récits traditionnels de chevalerie et de heroic fantasy, en bazardant un postulat jusqu’ici inédit. A savoir : que peut faire un être ordinaire dans un monde peuplé de magiciens et de mages ? Alors qu’il ne possède aucuns pouvoirs, il va devoir se débrouiller vaille que vaille pour déjouer les pièges, se sortir de moult ornières dressées sur sa route par ses ennemis et (rien que cela !) sauver le royaume de maléfices venus d’ailleurs. A mesure que les chapitres se succèdent, les duels vont bon train, les rencontres (bonnes ou moins bonnes) se multiplient, de fidèles adjuvants lui prêtent main forte et l’amour prend l’apparence d’une belle jeune femme. Assurément les thèmes se chevauchent pour le plaisir des lecteurs : courage qui ne demande qu’à croître, sens moral à ne pas abandonner en chemin, éthique qui rime avec loyauté et parole donnée, instinct nécessaire pour se sortir d’une impasse. Cette fois, Kelen a commis un acte impardonnable et est condamné à être pendu haut et court. Seule la Grâce de la reine de Darome peut lui permettre d’échapper au gibet. Mais le palais ressemble à celui des Borgia, où tout se défait aussi rapidement qu’il s’est lié, avec des traîtres qui foisonnent et les intérêts personnels qui prennent le dessus face à la raison d’Etat. Le suspense ne tient pas dans la question de savoir si Kelen sera ou non pendu, mais de quelle façon il s’en sortira. Avec un authentique sens du rythme, l’auteur mitonne un récit dont on se délecte sans regimber et dont les ados raffolent ! Ed. Gallimard Jeunesse – 508 pages Daniel Bastié
PAUVRE BAUDELAIRE Charles Baudelaire se trouve au terme de son existence, malaimé, usé, fauché. Un coup dur est en passe de l’achever. Par jugement du tribunal, six poèmes de son recueil « Les fleurs du mal » viennent d’être interdits de publication. Il quitte Paris et s’installe à Bruxelles. Contrairement à ses aspirations, la presse belge ne l’accueille pas de manière dithyrambique. Lui qui se proclame le Prince des poètes. Du coup, il se met à ruminer contre le jeune royaume et se lance dans une diatribe nourrie d’amertume et de mauvaise foi. Pourtant, le pays lui a permis de publier l’ouvrage censuré chez lui et ce grâce au soutien du graveur Félicien Rops. Cent cinquante-six ans plus tard, Francis Lalanne, chanteur, compositeur et écrivain, lui darde une réponse cinglante en vers octosyllabiques. La fureur du ton et la virulence acrimonieuse qui caractérisent « Pauvre Belgique », Lalanne les rapproche des pamphlets haineux de Céline. Porté par un souffle empruntant bien des tonalités (ironiques, crues, métaphysiques, lyriques), « Pauvre Baudelaire » dépeint la trajectoire d’un écrivain gâté par les muses, mais en proie à ses passions, en bute à ses détracteurs et victime de son caractère. C’est donc en peaufinant les rimes que Lalanne s’adresse au grand rénovateur du sonnet, au sondeur de l’abîme et à l’homme hanté par l’Idéal du Beau, déchiré entre extase et horreur Au demeurant, l’aventure belge de Baudelaire s’est soldée par une non-rencontre au lieu de célébrer la communication. Dommage ! 180° Editions – 224 pages Daniel Bastié
CURRYS À TOUTES LES SAUCES Curry est un terme générique qui évoque une vaste quantité de plats, principalement exotiques (Afrique, Asie, etc.). Il est également question d’un mélange d’épices plus ou moins piquant et dont la couleur peut varier du jaune au rouge, en passant par le vert et le brun. La poudre de curry, telle qu'elle est connue actuellement, date du XVIIIe siècle et était principalement préparée par les marchands indiens pour les membres du gouvernement colonial britannique et de l'armée qui retournait en Angleterre. Dans cet assemblage, on peut retrouver (pêle-mêle) des graines de coriandre, de moutarde, de cumin, des piments, du gingembre séché ou autres. Catherine Madani propose de nous faire voyager dans la cuisine, en livrant quarante-six recettes faciles et commentées étape par étape, de manière à satisfaire les convives les plus exigeants. Bien entendu, dans le cadre d’une préface judicieuse, elle présente chacune des saveurs et les met en contexte. Des photographies couleur s’y emploient tout au long des pages qui suivent. Un livre riche d’astuces et de moyens d’accommoder chaque préparation. Pourquoi pas un curry de boulettes d’agneau, des pommes de terre masala ou des filets de poulet katsu ? Le dépaysement démarre dans l’assiette sans quitter son domicile ! Ed. de La Martinière – 158 pages Sylvie Van Laere
BAR À SMOOTHIES Pleins de vitamines, doux et onctueux, les smoothies sont nos alliés à l’heure de démarrer une nouvelle journée sur les chapeaux de roues. Il s’agit d’un cocktail idéal qui aide à nous charger de fibres et de minéraux pour vaincre la fatigue et nous booster. Leur nom vient de l’anglais et signifie « lisse ». Pour concocter ce mix apprécié, il ne faut pas avoir suivi les cours du chef Philippe Etchebest. Un minimum de matériel suffit avant de passer à l’action : un robot blender et des coupes de dégustation ou de simples verres. Quant à la matière première, elle se nomme fruits, légumes et glaçons. Sans chichis, Sarah Vasseghi dévoile soixante recettes ultra-gourmandes pour tous les palais. De la sorte, on transite des versions classiques à celles franchement exotiques (fruits tropicaux), sans oublier les déclinaisons vertes (par exemple à l’avocat ou aux épinards) ou rouges (à partir de framboises ou de pommes grenades). Bien entendu, chaque recette ne doit pas forcément être suivie à la lettre et peut être remaniée en modifiant l’un ou l’autre composant, en augmentant la dose de sucre ou en garnissant le résultat final d’un élément décoratif. Généralement, on consomme les smoothies à la paille mais, dans un bol, on peut leur adjoindre des carrés de fruits en morceau. Outre les soirées entre amis et les après-midis en creux le long d’une piscine, ils se prêtent harmonieusement à tous événements marquants : baptêmes, fiançailles, mariages … Ed. de La Martinère – 160 pages Sylvie Van Laere
À LANCES ET À PAVOIS Pour beaucoup, Philippe Auguste a été l’inventeur de la nation française, un roi adoubé par la population et aimé. Malgré ses déboires matrimoniaux et son extrême fragilité nerveuse, il s’est révélé un grand souverain par son œuvre administrative et l’ampleur de ses conquêtes, qui lui ont valu de quadrupler le domaine royal, au point de le faire entrer dans l’Histoire avec le surnom de Le Conquérant. Jean d’Aillon nous plonge en l’An de grâce 1193, au même moment où il se réconcilie provisoirement avec Jean sans Terre, successeur de Richard cœur de Lion, emprisonné quelque part en Allemagne. Dans ce contexte chaotique, l’auteur met en scène Guilhem d’Ussel, jeune chevalier, qui voyage sur les routes normandes. Escorté par Enguerrand, un serf qu’il souhaite affranchir, il a juré protection au fils de la belle dame Evaëlle. Chemin faisant, il échappe à la mort et se découvre un ennemi en la personne du prévôt de l’abbaye du Hec. Maintenant traqué, de quelle manière pourra-til mener sa quête alors que l’ombre du gibet se profile de plus en plus nettement ? Embuscades et trahisons se trouvent au menu de ce roman épique qui s’inscrit dans la lignée des bons livres d’aventures classiques et qui ne laisse pas de temps à l’ennui ! Ed. Presses de la Cité – 484 pages Paul Huet
LES SŒURS VAN APFEL ONT DISPARU Un mystère plane sur une lointaine banlieue de Sydney, en lisière du bush. En 1992, lors d’un été particulièrement caniculaire, trois gamines se sont volatilisées. Parties sans laisser de traces. Les filles du pasteur ont profité de l’entracte d’un spectacle scolaire pour s’évanouir dans la nature. Que s’est-il passé dans leur tête ? Fort vite, les conjectures ont fusé de toutes parts. Souhaitaient-elles fuir leur père, réputé pour sa rigueur et son autorité ? Pire ! Ont-elles été victimes d’un prédateur ? Vingt ans plus tard, Tikka revient sur les lieux du drame. Le silence se confond avec le paysage impressionnant : un désert à perdre de vue ! Le souvenir d’Hannah, de Cordelia et de Ruth semble éteint. Pourtant, Tikka ne parvient pas à se résigner au mutisme de la population. Elle doit comprendre ! Félicity McLean soigne un étrange roman aux odeurs de nostalgie sépia, servi par un ton lancinant et une justesse qui épate. Elle renoue avec un genre chérit par Steven King (sans la note fantastique !), souligne les affres de l’enfance, les envies de libertés, les émotions volontairement souillées et un spleen rythmé par des journées qui meurent aussi vite qu’elles débutent. Addiction garantie ! Ed. Presses de la Cité – 283 pages Daniel Bastié
LA DEMOISELLE À L’ÉVENTAIL Entière, Raphaëlle entend bien se vouer à sa passion. Pour elle, la photographie est un viatique depuis la mort de sa mère et le temps passé à veiller sur ses sœurs et frères. Cette fois, à vingttrois ans, elle a décidé de déployer ses ailes et de vivre pleinement. Une rencontre fortuite bouscule son quotidien. Sacha Aubanel, son écrivain préféré, est de passage à Menton et, séduit par sa fraîcheur autant que par sa fragilité, lui suggère de le guider à travers les quartiers de la ville. Conquise, elle accepte sans conditions. De ces heures éphémères naît un sentiment tout particulier, presque magique, avec un basculement vers quelque chose de beaucoup plus profond et de densément intime. Mais voilà, le cœur de l’homme est déjà pris ailleurs, lié à une belle journaliste à l’avenir prometteur et au présent nuancé ! Peut-on vivre une passion a priori contrariée ou se voir en cachette ? Lyliane Mosca échappe aux stéréotypes et évite de narrer un ménage à trois. Elle raconte le vécu de l’un et l’autre, géographiquement distanciés, avec les naturelles évolutions de situation, les épreuves qui se dressent et les révélations qui éclatent. Dans de telles conditions, les rêves sont-ils à même de prendre chair ? Même si le chemin du bonheur se barde d’embûches, le destin unit celle et celui qui doivent convoler. La demoiselle du Sud et l’homme du Nord sauront-ils taire leurs craintes et afficher leurs désirs ? Ed. Presses de la Cité – 313 pages Daniel Bastié
CLIMAT - PARLONS VRAI Le monde est menacé. Les glaciers fondent, le niveau des océans gonfle ostensiblement, la température se réchauffe et plusieurs espèces animales disparaissent. Le verdict des experts est unanime. Sommes-nous à l’aube d’une apocalypse et que restera-t-il de notre manière de vivre ? Le journaliste Baptiste Denis a eu l’idée de proposer à Jean Jouzel, climatologue insigne, un dialogue à bâtons rompus afin d’aborder toutes les questions qui nécessitent des réponses, une remise à plat et une dénonciation des contre-vérités lâchées à la cantonade. Cet échange comporte d’un côté la rigueur scientifique d’un homme inquiet pour le futur et, de l’autre, le questionnement d’un professionnel des médias soucieux des prochaines décennies. Il ressort de cette lecture que l’urgence écologique est à nos portes et que pratiquer la politique de l’autruche revient à s’immoler au nom de la bêtise, de l’immobilisme ou du je-m’en-foutisme. Dans une société aux antipodes de ce que nos parents ont connu, il importe de s’interroger, de modifier nos manières d’agir, de se positionner et de consommer autrement. Est-il finalement trop tard ? Une justice climatique relève-t-elle de l’utopie ? Que doit-on penser du capitalisme vert ? La collapsologie est-elle aussi paralysante que le climatoscepticisme ? Voilà autant de points abordés dans un style direct et didactique. Entre mises au point et réflexion sur nos responsabilités, cet ouvrage suggère une analyse lucide et rappelle le besoin de se ressaisir sans procrastiner ! Ed. Harmonie Mundi – 207 pages Daniel Bastié
LES DEMOISELLES 1923. Le pays basque français. Chaque année, des jeunes filles traversent les Pyrénées pour trouver un emploi saisonnier à Mauléon, alors réputé pour la confection d’espadrilles. Un métier qui leur permettra de gagner un peu d’argent et fuir la vie à la ferme. Cette fois, c’est au tour de Rosa et de sa sœur Alma de tenter l’aventure et d’espérer un avenir meilleur. Chemin faisant, elles croisent la route d’un groupe qu’on surnomme Les Demoiselles, femmes qui refusent l’autorité des hommes et qui souhaitent suivre leur voie sans avoir à se subordonner à quiconque, éblouissantes, libres et mystérieuses. Rosa est fascinée par leur discours et comprend que personne ne peut entraver son futur. Même si l’histoire possède une fâcheuse habitude à se répéter, chacun est capable d’influer sur son cours, voire à en modifier le tracé. Il n’existe aucune prédestination et la vie dépend le plus souvent de ce qu’on en fait. Anne-Gaëlle Huon dresse un magnifique portrait de femme qui, peu à peu, choisit de se rebeller contre sa condition modeste et décide d’aller de l’avant pour éclore pleinement. Il y a également une parfaite reconstitution de l’entre-deux guerres, période charnière où les gens comprennent que la misère sociale doit cesser et au cours de laquelle les mouvements féministes commencent à acquérir de la crédibilité. A défaut de certitude, Rosa se gave d’espoir ! Quel secret cachent-elles ? Un livre écrit à la première personne et qui sent la nostalgie en couleur sépia ! Ed. Albin Michel – 333 pages André Metzinger
FRAGILITÉ BLANCHE – CE RACISME QUE LES BLANCS NE VOIENT PAS Plus que jamais, le racisme est pointé du doigt à l’heure où l’on parle de l’assassinat de George Floyd aux States, de la décolonisation et du rôle tenu par Léopold II au Congo. La blanchité n’est plus un statut et une hypersensibilité s’est installée dans les discours, au point qu’on ne peut plus parler comme avant et que la société multiculturelle réclame de bannir une xénophobie larvée pour bien vivre ensemble. Il s’agit le plus souvent de vieux stéréotypes que la population blanche ne voit pas et qu’elle a assimilé au fil des siècles par le truchement de lectures, des propos de certains politiciens et des blagues véhiculées par quelques humoristes. La sociologue américaine Robin Diangelo s’est intéressée à cette question et a passé vingt ans à étudier notre mode de fonctionnement. Elle en a tiré un concept fondamental pour comprendre le rapport difficile qui se noue parfois (souvent ?) entre population blanche et noire. Elle en a fait germer le concept d’une fragilité du côté des Européens et de leurs descendants venus immigrés un peu partout dans le monde. Il s’agit, pour elle, d’un mécanisme de défense ou de déni, qui permet de détourner la conversation pour empêcher d’identifier le racisme et de ne pas le combattre. Un manuel de l’antiracisme en tête de vente au pays de l’oncle Trump ! Ed. Les Arènes – 249 pages Sam Mas
L’UNION EUROPÉENNE À L’ÉPREUVE DES NATIONALISMES Ils sont partout et clament bien fort leur amour exclusif de la patrie, en niant le droit aux migrants de vivre en Europe. Du Brexit aux élections européennes, en passant par des intentions de vote de plus en plus nombreuses, ils gonflent les voiles du populisme d’un vent mauvais. Leur objectif : saper les fondements de l’Europe pour revenir au monde d’hier. Tous s’accordent sur des thèmes tels que l’immigration et le mythe d’une grande coalition nationaliste-identitaire. Leur progression s’explique par la conjonction de facteurs tels que les crises économiques successives, la fragilité de la construction européenne et le ras-lebol d’une frange de la population qui vit une précarité de plus en plus ostensible. Grâce à des discours simplistes, ils dénoncent ce qui ne va pas, en se gardant bien de proposer des alternatives concrètes. Un problème se met naturellement en exergue et il porte sur la sémantique. Comment faut-il étiqueter chacun d’eux ? Extrême-Droite ? Droite radicale ? Ultra nationaliste ? Il importe également de faire front à leur stratégie qui vise à débouler notre système actuel ? Se bâtir des murs de verre n’a aucun sens, pas plus que de pratiquer la politique de l’autruche. Seront-ils enfin capables de mettre leur programme à l’œuvre ? Voilà l’énorme challenge auquel doit faire face le Parlement européen, miné de l’intérieur par des troublions élus par le peuple. Ed. du Rocher – 216 pages Sam Mas
JEAN-CLAUDE IZZO Qui était vraiment Jean-Claude Izzo ? Pour beaucoup, il demeure le père de plume du flic Fabio Montale, dont les spectateurs ont suivi les aventures sur Fr3 dans la série éponyme, personnage campé par l’acteur Alain Delon. Mais sait-on que l’écrivain a galéré avant de connaître la notoriété à un âge où d’autres préparent leur pré-retraite ? Elevé dans le respect de la foi catholique, il s’est très vite orienté vers la voie de l’enseignement technique en décrochant un CAP d’ouvrier tourne-fraiseur, tout en se découvrant un don pour la poésie. Embarqué dans des groupuscules pacifistes, il milite contre la guerre d’Algérie, s’oppose à la course aux armements et se retrouve milicien dans un bataillon disciplinaire à Djibouti. Revenu à la vie civile, il enchaîne les emplois : livreur, libraire, pigiste. Pour lui, les années de vaches maigres se multiplient. Situation qui ne l’empêche jamais de conserver sa bonne humeur et de ne pas baisser les bras. Il occupe une partie des nuits et de ses loisirs à rédiger. Pour lui. Pour les autres. Incapable de ne pas garder un œil sur les activités politiques, il s’engage du côté des gens d’en bas. Il rencontre le succès littéraire avec « Total Khéops ». Jean-Marc Matalon fait revivre cet auteur inclassable, également réputé pour sa vie amoureuse foisonnante, ses prises de position et son imagination féconde. Plutôt que d’embrayer sur le ton de l’essai, il choisit la voie de la biographie à partir de témoignages multiples, de documents glanés de part et d’autre et narre la vie peu ordinaire de l’icône du polar marseillais dans un style extrêmement visuel, lui-même proche du roman. Ed. du Rocher – 170 pages Paul Huet
LA TZIGANE ENVOÛTANTE L’heure est au bilan. Arrivé au crépuscule de son existence, un homme regarde dans le rétroviseur et part à la conquête de ses rêves lointains. Il affiche à la fois de la nostalgie et un bonheur sans failles de retrouver le souvenir de celles qui l’ont tant ébloui. Des femmes merveilleuses, fascinantes et toutes différentes. De l’intellectuelle qui a séduit un de ses camarades la veille d’un 14 juillet à Liège, de cette gitane ensorcelante croisée à Bruxelles à la gare du Midi, de cette inconnue de Middelkerke et de cette artiste charmeuse qui a littéralement envouté un vieil écrivain farouche et un photographe au Pays des Collines. Jean-Pierre Delhaye signe une chronique sans amertume, qui déplie un bel album de photographies carrées sous une épaisse couverture cartonnée et leur redonne le goût de vivre par petites touches murmurées. Il ne s’agit pas d’un roman, plutôt d’un recueil de textes plus ou moins longs qui ravivent des instants heureux ou … presque ! Il ne s’agit bien entendu pas d’une autobiographie, mais d’états d’âme inventés de toutes pièces servis par des dialogues improbables et surréalistes qui inspirent des réflexions soudaines, justifiées ou inopportunes sur le devenir de l’humanité, sur le temps qui fane et qui oppose des courants d’opinion publique avec des thèmes aussi controversés que l’immigration, la xénophobie, la sécurité et, assurément, la recherche du bonheur. Des récits humains, apparemment simples et sans heurts, qui deviennent fables ou philosophie. Ed. Marcel Dricot – 181 pages Sam Mas
DEMAIN N’ATTEND PAS L’écologie reste une priorité et, aujourd’hui, aucun gouvernement n’omet de placer une touche verte à son programme. Mais est-ce suffisant ? Marine, étudiante en médecine, est décidée de mener de front des actions contre le réchauffement climatique. Plutôt sceptique, elle s’inscrit à un séminaire consacré aux divinités. Fort vite, elle comprend que l’orateur souhaite faire prendre conscience aux jeunes de l’utilité de ne pas pratiquer la politique de l’autruche et de ne s’en référer qu’à eux-mêmes, plutôt que de miser toute fortune sur une puissance supraterrestre. Sauver la planète induit un engagement total et immédiat et s’en remettre à un dieu quelconque demeure hypothétique. Pour faciliter la compréhension de tous, il les invite à le rejoindre dans le cadre d’une seconde session, au cours de laquelle il les fera voyager dans le futur. Enfin, le futur tel qu’il l’imagine ! Il est persuadé qu’un périple virtuel les aidera à prendre conscience des dangers qui menacent la planète. Plusieurs années se sont écoulées et Marine, devenue doctoresse, milite toujours pour une société plus verte. Quelle place a-t-elle accordée à sa vie privée ? Si on ne peut certes rester les bras croisés, on doit absolument secouer l’indolence qui agite la plupart des gens autour de nous. Jean Ghyssens paraphe un roman qui va dans le sens des documentaires de Yann Arthus-Bertrand et lance un cri d’alarme, tout en proposant un portrait de femme moderne, amenée à concilier vie familiale et vie professionnelle, demeurant tributaire des contraintes de la maternité et de quelques rigidités éducatives qui parfois bétonnent les rôles des deux sexes. Ed. Marcel Dricot –161 pages Sam Mas
OUFTI ! Interjection qui marque la surprise, l’étonnement ou le soulagement « Oufti ! » est une expression liégeoise qui ponctue énormément de phrases. Voilà de quelle manière Françoise Dehan, verviétoise d’origine, résume des vacances (fictives ?) passées dans la région de Spa et organisées par une de ses cousines. Bien entendu, elle baptise son personnage principal Vivi ... question de distanciation ou plus simplement pour ne pas avoir à s’expliquer sur certains points. Un récit imaginé dans le train et mis lentement en place en mêlant le vrai et le faux, des images singulières (un vieux manoir aux allures spectrales) et magnifiques (des couchers de soleil à couper le souffle). Entre un époux un peu décalé, la fameuse cousine dont la carrière politique la dépasse, de nouvelles connaissances, une secrétaire hypocrite et une kyrielle de seconds rôles plus farfelus les uns que les autres, elle déplie un regard vif sur un microcosme qui s’agite et se révèle peu à peu. Il y a aussi une once de gravité qui se terre derrière la légèreté, des projets qui s’accordent ou non et l’incertitude qui prouve qu’aucune décision n’est agréable à formuler. Plus que l’échec, la peur de l’échec lamine les êtres. Oufti ! Voilà un roman en petits caractères et couché sur papier crème qu’on lit comme une tranche d’existence, avec des protagonistes qui nous ressemblent et agitent des préoccupations semblables aux nôtres. Une histoire qui veut vivre ! Ed. Marcel Dricot – 334 pages Sam Mas
APOCALYPSE Dans « Apocalypse », journal intime humoristique du confinement, Thierry Lefèvre nous livre ses réflexions et revient sur plusieurs scandales qui ont fait la une de l’actualité : les masques promis, commandés, perdus, mal distribués, le gel hydroalcoolique, les écoliers renvoyés à la maison, le télétravail ou le chômage pour tous. Plutôt que d’en pleurer, il a pris le parti de rire des grains de sable qui ont coincé l’engrenage institutionnel. Avec la volonté d’apporter un zeste de légèreté dans la cacophonie ambiante, il a usé de sa plume corrosive pour pointer les travers de notre monde surinformé, en relation avec tous les continents, à la pointe de la technologie et, néanmoins, incapable d’aviser dans l’urgence. Au jour le jour, il a pris des notes, consigné ses humeurs et partagé ses états d’âme. S’il ne nous apprend rien sur le virus, il ratisse large et démystifie ce qui doit l’être. Le Covid-19 a vraiment chamboulé nos habitudes, a fauché plusieurs milliers de citoyens décédés à l’hôpital ou en maison de repos et nous a poussés à prendre le temps de poser un silence pour regarder dans le rétroviseur. Un exercice d’écriture jouissif, qui libère et fait du bien ! Ed. Memory – 172 pages Paul Huet
ËTRE UNE FEMME EN 2020 A l’heure de #MeToo, il convient de se repositionner en tant que femme et de revoir son rôle dans la société, loin des clichés d’autrefois. Que souhaitent les femmes d’aujourd’hui ? Certainement pas réitérer le rôle tenu par leurs mères et grandsmères ! Il s’agit de se débarrasser de la mainmise religieuse et de la marchandisation de leur corps avec leur lot de préjugés pesants pour progresser et trouver une vraie place au sein de la société. Les médias parlent encore trop souvent d’inégalités salariales, de paupérisation, de harcèlement sexuel et de violence familiale. Les droits des femmes restent toujours préoccupants dans de nombreuses régions du monde. Laurence Traillade est laïque er féministe convaincue et elle propose une réflexion qui replace l’égalité des sexes au centre des terrains de conquête du XXe siècle. Face à de nombreux siècles d’Histoire, elle revient sur tout ce qui contribue (ou a contribué) à dénigrer la femme. Comme le disait fort bien Victor Hugo, il est difficile de composer le bonheur de l’homme avec la souffrance de la femme. Un ouvrage qui parle également d’amour, de contraception, de pureté, de travail, de pouvoir et de choix. Ed. Michalon – 184 pages André Metzinger
PLUS VIVANT QUE JAMAIS ! Jean-Luc est marié à Christophe. A deux, ils forment un couple aimant, même si différent. Un jour, Christophe disparaît. Il n’apparaît pas sur un salon de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, dont il est le secrétaire général. Les messages téléphoniques qu’on lui adresse restent sans réponse. Quelques heures plus tard, la police prévient son époux qu’il est décédé. Une annonce aussi soudaine que brutale. Que s’est-il passé ? Une prise de drogues de synthèse. Un mélange qui l’a emporté. JeanLuc reçoit un uppercut en plein visage et défaille. Comment surmonter pareil drame ? Comment se résoudre à mettre des mots sur ce qui paraît injuste et tellement stupide ? Pour faire son deuil, il décide de prendre la plume et de raconter sa (leur) vie en commun. Un journal qui tient à la fois de la confession, du journal intime et de l’histoire d’amour, jamais impudique, mais ouvert à tous les lecteurs. Bien entendu, il suggère en filigrane des pistes pour aider les gens dans la détresse et revient sur une évidence : celle d’aimer avec sincérité et de ne pas vouloir oublier. Le récit d’un homme qui pousse un cri d’alerte face au vide immense de l’absence et qui dénonce l’urgence de s’attaquer aux drogues, quelles qu’elles soient. Un livre qui traite principalement de résilience ! Ed. Michalon – 292 pages André Metzinger
HÉRÉSIES GLORIEUSES Lorsque Maureen revient à Cork après avoir passé quarante ans ailleurs, elle redécouvre le décor d’une ville pauvre d’Irlande, où la misère abîme le quotidien et où son fils Jimmy est devenu un gangster notoire. De quelle façon renouer les liens distendus ? Une nuit, elle tue un inconnu en le frappant au visage. Sans le savoir, elle déclenche une cohorte d’événements qui mélangent sang et feu. En cherchant à expier ses fautes anciennes, ne vient-elle pas de condamner celui qu’elle aimerait tant tirer d’affaire et remettre dans le droit chemin ? Lisa Mcinerney signe un roman dur, avec un rythme haletant, écrit dans la rage et qui dépeint une région en proie à mille démons. Un livre qu’on aligne aisément dans la veine d’un Irvine Welsh, d’un Hubert Selby et d’un Melvin Burgess. Un récit crépusculaire à la fois sombre et teinté d’une gaieté inattendue. Le talent de la narratrice permet également d’aller au-delà des clichés et d’entraîner le lecteur plus loin que les sentiers balisés auxquels il s’attend en démarrant le premier chapitre. Après le grand format, voilà la version poche à moins de dix euros ! Ed. La Table Ronde – 539 pages Amélie Collard
LA BRODEUSE DE WINCHESTER Violet, trente-huit ans, fait partie de ces jeunes femmes demeurées sans époux. La guerre de 14-18 a fauché une partie des hommes, laissant plusieurs survivants traumatisés ou éclopés. Pourtant, la société voit mal celles-ci demeurer célibataires dans un monde où elles se doivent d’être au service d’un mari et enfanter. En quittant Southampton et une mère acariâtre, elle décide de prendre son existence en main et d’aller s’établir à Winchester. Ville dont elle attend de nouveaux amis et, qui sait ?, l’opportunité de croiser le regard de celui avec lequel elle poursuivra sa vie. Là, elle découvre un cercle de brodeuses chargé de confectionner des coussins et des agenouilloirs. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement attirée par ce travail, elle les rejoint. Tracy Chevalier brosse un beau portrait de femme à une période particulièrement difficile et la fait évoluer dans le milieu de la broderie, assez peu exploité en littérature. Après un début assez lent, le tempo s’accélère et gagne en intensité. L’auteure fait même preuve d’une empathie qui devient contagieuse, au point qu’il est difficile de ne pas s’identifier au protagoniste et de ne pas partager ses émotions. Parmi les thèmes développés, on retrouve évidemment le poids d’un monde patriarcal et, en filigrane, on assiste à la montée du nazisme de l’autre côté d’Atlantique, apôtre d’une guerre future. Ed. Quai Voltaire – 352 pages
Amélie Collard
LA TOMBE DU PÉCHEUR Le plus célèbre des apôtres est Pierre, bras droit du Christ et choisi pour lui succéder à la tête d’une Eglise terrestre. Le Nouveau Testament nous parle de lui avec ferveur, même si nous savons que des textes apocryphes évoquent son ministère. De son véritable nom Simon, il a été pêcheur en Galilée, avant de se vouer complètement à Jésus et devenir l’un de ses porte-paroles à l’alacrité la plus vivre. Toutefois, de nombreuses zones d’ombre émaillent son existence et les historiens s’opposent avant de poser certaines conclusions, alléguant que la tradition n’a rien à voir à avec des faits avérés. De la sorte, il est raconté qu’il aurait été crucifié à Rome et que son corps aurait été inhumé sous une colline du Vatican. Mais, ce lieu de sépulture aurait disparu depuis des siècles. John O’Neil revient sur une expédition qui a duré près de 75 ans et qui a eu pour objectif de retrouver le tombeau du disciple préféré de notre Sauveur. Une aventure humaine et authentique qui a commencé en 1939 et qui a impliqué l’aide financière d’un riche américain et le zèle d’une des plus brillantes archéologues du XXe siècle. « La tombe du pêcheur » est le récit de cette victoire contre toute attente et le signe d’une foi inébranlable ! Ed. Artège – 224 pages Sam Mas
LOUIS ET ZÉLIE MARTIN Vulgariser une biographie par le biais de la bédé, voilà une démarche faite pour attirer les jeunes à découvrir des visages insignes de la foi ! Par le truchement de cet ouvrage, Marco Greselin, Marie et Olivier Malcurat nous racontent le parcours spirituel de Louis et Zélie Martin, tous deux contrariés dans leur projet religieux et qui, providentiellement, se sont rencontrés en 1858 pour se marier et donner naissance à neuf enfants. Leurs cinq filles sont entrées au couvent et la benjamine y a pris le nom de Thérèse de l’EnfantJésus et de la Sainte Face. Malgré une époque difficile, le couple a fait front à toutes les avanies, uni comme peu d’autres, et a veillé à éduquer sa progéniture avec droiture et diligence. Le 18 octobre 2015, le pape François les a déclarés saints. De la sorte, ils sont devenus les premiers parents et époux à être canonisés ensemble, exemples de ce doivent être les croyants selon l’Eglise, renforcés par une foi inébranlable, abandonnée à la Providence et soucieuse de tout un chacun. Malgré une existence fort ordinaire, ils ont réussi à combler leur vie avec un bonheur intense et une force incroyable. Dominé par une palette sépia, cet album se décline au rythme d’un graphisme fort classique et une mise en page sans recherche de modernité. Un dossier de quatre pages clôt ce livre. Ed. Artège – 52 pages
Sam Mas
QUAND LES NEURONES NE RÉPONDENT PLUS Que sont les maladies neurodégénératives et comment les comprendre ? Elles correspondent à une pathologie progressive qui affecte le cerveau ou, plus globalement, le système nerveux, entraînant la mort des cellules. Les plus célèbres et les plus fréquentes sont la maladie d'Alzheimer et celle de Parkinson, mais il en existe d'autres. Leur origine n’est pas toujours connue, même si le monde médical s’emploie à les cerner et à en circonscrire le mécanisme. Dans cet ouvrage, le docteur Pascal Mespouille s’emploie à rétablir l’historique de ces différentes affections, en décrivant les symptômes, les zones cervicales concernées et les éventuels traitements. Bien entendu, les succès rivalisent avec autant d’échecs thérapeutiques. Face à des maladies sournoises, l’auteur souligne la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire, tout en insistant sur la relation triangulaire qui unit le patient, le docteur et la famille. Sans nier le caractère dévastateur de ces pathologies, il entend apporter un peu d’espoir aux proches de celles et ceux qui en sont atteints. La recherche progresse et de sérieuses avancées voient le jour, même si le combat s’avère loin d’être gagné ! Alors que la génétique peut être prise en compte chez certains malades, on ne peut évidemment pas en tirer une généralité. Ed. Mardaga – 352 pages Paul Huet
L’ACTIVATION COMPORTEMENTALE On a beaucoup parlé de problèmes post-Covid19. Notamment, en évoquant la dépression, un fléau qui frappe les sociétés modernes avec une puissance mal évaluée par beaucoup. La dépression taraude et nuit au comportement. Il s’agit de cette impression de nuire à soi-même, d’avoir perdu le goût de vivre, de se trouver enlisé sous une pyramide de problèmes insurmontables et d’être écrasé par le poids de la solitude, de l’abandon ou du harcèlement. Pour soigner ces troubles, les traitements se cristallisent sur l’approche psychique ou médicamenteuse. Après un cadastre des connaissances actuelles en la matière, Sylvie Blairy, Céline Baeyens et Aurélie Wagener privilégient des actions qui portent sur l’activation comportementale et les évitements. Leur livre présente des stratégies d’intervention pour pallier aux difficultés vécues par leurs patients. En résumé, l’activation mentale consiste à augmenter l’engagement dans des activités associées à un sentiment de plaisir et/ou de maîtrise de la tâche à accomplir et à diminuer l’engagement dans des comportements qui maintiennent les affects négatifs ou qui en augmentent les risques. Constat qui importe de planifier des activités, de veiller à la reconstruction cognitive et de revoir certains pans du comportement. Bannir la rumination mentale : voilà l’objectif ! Ed. Mardaga – 286 pages Paul Huet
MICHEL PICCOLI - LES CHOSES DE SA VIE La crise du coronavirus a un peu estompé la disparition de l’acteur français Michel Piccoli, artiste à la filmographie gigantesque. Il nous a quittés à l'âge de 94 ans le lundi 18 mai 2020 d’une crise cardiaque, laissant les cinéphiles orphelins d’un talent qui a traversé plusieurs décennies. Comédien d’une rare discrétion, il haïssait les honneurs et les cérémonies. Après une figuration dans « Sortilèges » (1945) de Christian-Jaque, il débute vraiment dans « Le point du jour » (1949) de Louis Daquin, après avoir effectué ses gammes sur les planches. Passion du théâtre qui ne le lâchera jamais et qu’il gardera intacte jusqu’à la fin. Progressivement, son visage et sa voix grave s’imposent auprès du public, lui permettant de gagner peu à peu de la crédibilité. Il doit néanmoins attendre Jean-Luc Godard et « Le mépris » (1960) avec Brigitte Bardot pour triompher. Dès lors, il tourne avec les plus grands cinéastes français (Jean Renoir, René Clair, René Clément, Alain Resnais, Agnès Varda, Jacques Demy, Alain Cavalier, Michel Deville, Claude Sautet, Claude Chabrol, Louis Malle, Jacques Doillon, Jacques Rivette, Léo Carax, Bertrand Blier) et européens (Luis Buñuel, Costa-Gavras, Marco Ferreri, Alfred Hitchcock, Jerzy Skolimosky). Parce qu’il parle couramment italien, la Péninsule fait régulièrement appel à lui. En 1973, il défend bec et ongles « La grande bouffe » de son ami Marco Ferreri, objet de scandale sur la croisette et film vomi par les critiques. Frondeur, il préfère les productions indépendantes aux grosses pointures friquées, se jetant à corps perdu dans des longs métrages dits d’auteurs, se moquant de la rentabilité attendue en aval. On ne le sait pas souvent, mais il a mis sa notoriété au service de causes qu’il jugeait utiles (les sans-papiers, les droits de l’homme), tout en demeurant proche du parti socialiste, au point de soutenir ouvertement François Mitterrand dans le cadre des élections de 1974. Sur le plan privé, il a tour à tour épousé la comédienne Eléonore Hirt, la chanteuse Juliette Gréco et la script Ludivine Clerc. Si certains rôles doivent être retenus, il s’agit sûrement de sa prestation dans « Les demoiselles de Rochefort » (1967), « Belle de jour » (1968), « Les choses de la vie » (1970), « Max et les ferrailleurs » (1971), « Le charme discret de la bourgeoisie » (1972), « Le trio infernal » (1974), « Vincent, François, Paul et les autres » (1974), « Sept morts sur ordonnance » (1975), « René la canne » (1976), « Espion, lève-toi » (1980), « La passante du SansSoucis » (1982), « Milou en mai » (1989) et « La belle noiseuse » (1991). Une liste loin de s’avérer exhaustive ! A la télévision, il a été un magnifique « Don Juan » (1965) pour Marcel Bluwal. Philippe Durant spécialiste du septième art, lui consacre un livre complet. Une biographie qui permet de cerner au mieux un comédien majeur de sa génération ! Ed. Favre – 256 pages Daniel Bastié
LES CONQUÉRANTS D’ATON Amenhotep IV (né probablement entre -1371/-1365 et mort vers 1338/-1337), mieux connu sous le nom Akhenaton (ou plus rarement Khounaton), est le dixième pharaon de la XVIIIe dynastie. Monarque controversé, considéré parfois comme l’un des grands mystiques de l’Histoire, il bouleverse, le temps d'un règne la religion de son époque en souhaitant imposer le monothéisme en faveur du dieu Soleil. Loin de l'image idyllique d'un poète rêveur, sa domination sur l’Egypte est considérée par de nombreux historiens comme une période sombre de l'antiquité. Philip Kayne le met en scène pour raconter la guerre des clans qui a divisé le royaume, dressant les plus hostiles à son encontre pour dénoncer un blasphémateur. Dans ce contexte particulièrement virulent, où l’un jure la perte de l’autre, tous les coups sont permis et les tragédies personnelles se succèdent. Alors que la défaite semble poindre, Akhénaton fourbit ses armes en tentant une ultime manœuvre pour bouter les séditieux au-delà du Nil. Un roman rempli de fureur, de larmes et de sang et qui réveille tout un coin oublié du passé. Bien entendu, l’auteur se base sur certaines spéculations et les mêle aux vérités historiques. Tout simplement passionnant ! Ed. Baudelaire – 406 pages Paul Huet
PUISQUE TU M’AIMES Janine Boissard est une abonnée aux fresques romantiques, parfois mâtinées d’Histoire. Cette fois, elle nous met sur la piste d’un pyromane qui sévit à Montsecret, petite bourgade de Basse-Normandie. Les habitants sont en émoi, car chaque incendie peut coûter la vie à plusieurs d’entre eux. Lou, dix-sept ans, et Stan, son amoureux, décident d’investiguer et de prendre le responsable la main dans le sac. L’oncle Léon, chef de la caserne de pompiers, accepte de les épauler. Avec le talent qu’on lui connaît, l’autrice mène tambour-battant un nouveau roman de vie qui sent bon le terroir et la romance, avec de jeunes héros déterminés et épris l’un de l’autre. Bien entendu, elle s’entend pour livrer un récit efficace, sans temps morts et qui magnifie les belles intentions. Ici, elle rend hommage aux hommes du feu qui, chaque jour, risquent leur vie pour la collectivité. En quarante ans de carrière, Janine Boissard a vendu plusieurs millions d’exemplaires de ses romans et certains d’entre eux ont fait l’objet d’une adaptation pour le cinéma ou la télévision. Qui a oublié la série « L’esprit de famille », formidable saga familiale avec Maurice Biraud et Monique Lejeune ? Ed. Fayard – 220 pages André Metzinger
CHICAGO A LES BOULES Il y a quatre états principaux dans l'existence : le sourire, le rire, l'éclat de rire et le mort de rire. Il y a quatre moyens d'amener l'humain à ces états : le persiflage, l'ironie, l'humour et l'esprit. Les deux premiers sont à double tranchant : ils engendrent tant le rire que la souffrance ; les deux suivants dépendent de la culture, mais ne génèrent que des heureux. Alain Magerotte est de ceux qui cultivent le mort de rire au moyen de l'esprit. L'humour, c'est du premier degré, l'esprit demande une relecture au second degré, et derrière la tarte à la crème on découvre profondément ancrée, une vision sans doute ironique, sans doute onirique, mais aussi empreinte d'une autodérision aussi sincère que clairvoyante. Esclaffez-vous à la première lecture, demandez-vous à quel point ce roman se moque de son lecteur, étranglez-vous de cette ironie cinglante ; puis, le livre fermé, interrogez-vous ; — Il s'est fichu de nous ? C'est quoi, ce truc ? Une avalanche d'absurdités ? Alain est devenu fou ? Un premier roman comme un collector de non-sens et pourtant ! On réfléchit encore, parce que ce « truc » vous a interpellé. Une avalanche d'absurdités ? C'est aller vite en besogne. Comparez-la avec le quotidien, les journaux, les nouvelles, la tendance, et vous reformulez votre interrogation : — Alain n'est pas si fou que ça. Un entassement de non-sens ? Que nenni ! Ces personnages -caricatures ne sont pas loin de la réalité du quotidien. « Chicago a les boules » est un roman déjanté, une farce policière impossible à résumer, un pied de nez à la littérature detective étasunienne, un pavé dans la mare de la fiction-réalité et des effets spéciaux. Les super-héros sont devenus nains de jardin ! Des noms de héros à vous tordre le cou, des situations de Grand-Guignol, amenés avec une verve digne de Cyrano... mais... C'est aussi une source d'interrogation, comme aime la pratiquer Alain Magerotte : Guignol sort de sa boîte et vous côtoie sans vergogne. Les personnages malmenés par l'auteur, poussés à la limite de l'antipathique, se révèlent en deuxième analyse des familiers croisés chaque jour dans le métro. Un roman jubilatoire à lire sans modération, un jour de déprime. Ed. Bernardiennes – 238 pages Georges Roland
ESMÉE, ENVOYÉE D’OUTRE-TOMBE Bédé à la fois drôle et romantique, ce premier opus des aventures d’Esmée, adolescente morte trop tôt, marie deux univers avec un bonheur communicatif, alternant les planches aux couleurs froides (qui évoquent le monde des défunts et le cimetière où ils résident) et chaudes (pour marquer l’évolution de
la jeune héroïne dans le XXIe siècle auquel elle n’a jamais appartenu). Malgré l’appréhension de ses proches, elle décide de se rendre dans la métropole des vivants, afin d’y résoudre un mystère devenu entêtant, vêtue d’une robe très XVIIIe, avec une coiffure à la Marie-Antoinette et des idées d’une autre époque. Bien évidemment, face à la modernité et aux mœurs d’aujourd’hui, le choc est immense. Toutefois, servie par sa bonne volonté et une curiosité inextinguible, la belle finit par s’intégrer au collège, à se faire des amies et à trouver l’amour. De retour dans la crypte aux croix dressées, elle sait qu’elle ne pourra pas rester loin de ses nouvelles fréquentations. En jouant la carte de l’anachronisme, la scénariste Christine Naumann-Villemin et la dessinatrice Maëlle Schaller signent un récit fédérateur fait pour passer de bonnes vacances d’août. Avis aux jeunes filles un brin fleur bleue ! Ed. Jungle- 48 pages Daniel Bastié
NOUVELLE : LE MARCHAND DE TIMIMOUN Timimoun, l’oasis rouge aux confins méridionaux du grand Erg occidental… Les visages y sont noirs et les tambours battent la chamade de l’Afrique ancestrale. A l’hôtel Gourara bâti au sommet de la cuvette qui abrite aujourd’hui l’oasis, à la place d’un ancien lac asséché, nous avions assisté la veille à une représentation folklorique qui nous avait fort impressionnés, ma femme et moi. Une troupe de danseurs y était venue donner un spectacle. C’étaient de grands hommes noirs brandissant fusils et cimeterres, dont la tête était enveloppée par un chèche qui cachait à demi leurs traits comme sculptés dans l’ébène. A Timimoun, je l’ai constaté, les traditions berbères et africaines se mêlent indistinctement, comme le vent et le sable : ce sont des noirs musulmans, mais la peau, mais le sang, mais les rythmes continuent de parler la vieille langue de l’Afrique noire. Ce sont les harratin qui habitent la casbah au fond de la cuvette, les descendants des esclaves noirs jadis acheminés depuis le Soudan et les pays de la boucle du Niger, pour servir de main-d’œuvre aux riches Berbères, propriétaires des troupeaux et des oasis. Nous avons rencontré l’un de ces Berbères blancs sur le boulevard de la ville moderne, en quittant l’hôtel le lendemain matin. Paule voulait acheter un burnous pour se protéger du froid vif, car nous étions en février et il gèle la nuit dans le désert. Nous déambulions donc à la recherche d’une échoppe de vêtements. Nous avisons soudain de l’autre côté de la rue, sous un portique, un passant vêtu d’un burnous blanc. Il boite et je le rejoins sans peine. Il me renseigne sur une boutique tenue par un de ses amis. Chemin faisant, nous sympathisons et notre guide, toujours boitant, nous invite à passer la soirée dans sa maison, dont il nous indique le chemin à travers un lacis de ruelles rouges et étroites. Il se présente comme un marchand du M’Zab et nous laisse sur la promesse que nous prendrons le thé avec lui, après le coucher du soleil. Vers cinq heures du soir, nous revenons dans la ruelle poussiéreuse qu’il nous avait montrée et nous nous arrêtons devant une porte basse, au milieu d’un mur aveugle. Nous frappons. Un long temps se passe. Il vient enfin nous ouvrir en clopinant. Au bout d’un couloir sombre qui tourne à angle droit, nous passons dans une petite cour intérieure sur laquelle s’ouvre l’atelier de notre hôte : un regard jeté sur son établi où s’alignent toutes sortes de montres nous fait comprendre qu’il est horloger. Au hasard des pièces qui se suivent et qui forment comme un labyrinthe peu éclairé, il nous conduit jusqu’à ce qu’il nomme pompeusement la chambre des invités. Il l’a préparée à notre intention. Sur le sol sont en effet disposées deux nattes. C’est une petite pièce carrée qui met ma femme mal à l’aise. Sur les murs de pisé, il y a des motifs ocre qui imitent les formes du corps humain : seins plantureux, courbes d’un fessier charnu… Des photos d’actrices complètent la frise érotique. Des tissus aux couleurs vives et aux dessins géométriques, qui proviennent sans doute du Niger, sont tendus çà et là. Sur une étagère, nous remarquons beaucoup de bijoux en or et en argent. Ces chaînes, ces médailles, ces bracelets attestent la richesse du marchand, qui nous observe de ses petits yeux perçants. Il nous ramène dans une pièce voisine et nous fait asseoir sur des banquettes au fond d’une alcôve, avec des tapis sous nos pieds que nous avons déchaussés en entrant. La pièce est nue, avec cependant la même frise de motifs qui court partout sur les murs de cette demeure. Qui peut bien être cet obsédé qui vit apparemment seul ? Notre hôte va et vient à pas furtifs pour nous apporter thé et pâtisseries. Enfin, il s’assied en face de nous, à même les tapis. Il a allumé une lampe à carbure au milieu de la pièce, près de la maïda chargée de gâteaux. La lumière qui tremble éclaire son visage osseux, surmonté d’un chèche bleu, et y allume par moments d’étranges lueurs. Il semble flotter dans sa gandoura comme un génie des Mille et une nuits. Malgré les quelques rides qu’il a autour des yeux, il ne doit pas être âgé. La cinquantaine peut-être. A peine nous a-t-il servi le thé à longs jets brûlants dans de petites tasses de faïence, qu’il nous raconte son histoire à demi-mot. Il s’interrompt de temps en temps pour aller vérifier dans la cour si personne d’autre n’écoute ses confidences. C’est un Chaamba de Metlili, dans la région du M’Zab, cinq cents kilomètres plus à l’est du grand Erg. Il y possède une palmeraie et une femme. A Ghardaia aussi il a une femme et une maison. Allah est généreux, qu’il en soit remercié. Mais depuis quelques années, notre marchand s’est installé à Timimoun, où il fait du commerce. Pas les montres, pensez-vous ! Non, un commerce beaucoup plus lucratif. Du moins, ce l’était lorsqu’il accompagnait les caravanes sur Gao pour faire le trafic de l’or, acheté bon marché et revendu très cher en Afrique du Nord.
Il descendait avec les nomades par le Tanezrouft, le terrible désert de la soif. Il pourrait nous servir de guide à l’occasion… Mais l’or aujourd’hui ne paie plus comme hier : trop de risques pour un bénéfice minime. A Tombouctou, il avait épousé une femme qu’il a répudiée (Mahomet est compréhensif), car elle servait mal ses projets. Elle refusait… Ah ! ce n’est pas comme cette petite Anglaise de Niamey qu’il épousa ensuite, une certaine Linda (qu’il appellera plus tard Edith), une femme intelligente celle-là, qui avait le sens des affaires et qui n’hésitait pas à cacher des pièces d’or dans l’endroit le plus intime de sa personne charnue (ses yeux s’allument de plaisir quand il y pense). Avec Linda ainsi « remplie », il pouvait passer, au nez et à la barbe des douaniers algériens, des quantités importantes d’or, qu’il revendait à Ghardaia. Quand Linda n’était pas du voyage, il mêlait l’or à la nourriture des dromadaires, qu’il affamait jusque passé la frontière. Puis il les gavait et recueillait les piécettes sous forme de petits crottins ronds et dorés. L’argent n’a pas d’odeur. Ce n’est pas comme son slip. Un jour, il avait caché l’or dans son caleçon, mais afin de prévenir le danger d’une fouille possible, il s’était barbouillé d’excréments. Arrivé à la frontière, il dut en effet se déshabiller (car ses passages réguliers étaient devenus suspects) mais il sentait si mauvais que les douaniers renoncèrent à le fouiller cette fois-là. Heureusement pour lui. Dieu est grand et Mahomet est son prophète ! A Ghardaia, il avait eu recours à une autre ruse pour éloigner de sa maison un policier soupçonneux. Il s’était déguisé en femme pour l’attirer chez lui. Il avait mis ce voile dont les musulmanes s’accommodent si bien pour fixer leurs rendez-vous galants – mais Dieu les voit, attention ! Une fois l’inspecteur entré dans la chambre, notre rusé marchand de s’éclipser pour reprendre son aspect ordinaire. Il feint alors d’être le mari trompé qui rentre à l’improviste, donne de la voix et accorde à l’amant tout le temps d’être confus et de filer sans demander son reste. L’autre courait toujours, nous assura-t-il avec malice. C’est une autre sorte d’or qu’il convoyait du Maroc jusqu’en Tunisie. Un or blanc que l’on prend pour faire des rêves bleus. La came, quoi ! Si nous étions amateurs, il pouvait d’ailleurs nous en procurer à un bon prix. Mais que ne nous aurait-il pas proposé, ce voyageur des mille et un commerces ? Il évitait d’ordinaire les chiens dressés à repérer l’odeur du haschich en cachant la drogue au fond d’une gherba remplie de goudron – ce goudron qui sert à assurer l’étanchéité des outres. Les chiens n’aiment pas l’odeur du goudron, et ainsi il les éloignait de ses précieuses outres. Régulièrement, il prenait donc le train de Tunis, plaçait les gherba au fond d’un compartiment et s’en tenait ostensiblement éloigné, comme s’il ne se fût pas agi de son bien. Si par hasard on avait ouvert les outres à la frontière, il aurait pu encore tout nier… Etrange personnage sorti d’un roman d’aventures exotiques. Combien d’histoires ne nous a-t-il pas racontées ce soir-là, jusqu’à ses démêlés une nuit avec les douaniers marocains qui attrapèrent les autres trafiquants. Une fois encore, il réussit à leur échapper. Il se cacha toute la nuit au fond d’un ravin qu’il avait déboulé, et au petit jour, malgré sa jambe cassée, il franchit la frontière, tandis que ses complices étaient arrêtés et jetés en prison. Qu’Allah ait pitié d’eux : les prisons marocaines sont terribles. Notre marchand s’en tira donc, mais conserva cette jambe morte qu’il traîne derrière lui, depuis, comme un châtiment divin. Nous l’avons quitté fort tard en déclinant son hospitalité pour la nuit. Je crois bien que Paule avait un peu peur de lui, et il ne nous semblait pas prudent d’en écouter davantage : les femmes, l’or, le hasch, peut-être qu’il avait inventé tout cela pour nous amuser, et peut-être pas. Peut-être le marchand de Timimoun n’avait-il été que notre marchand de sable, par une nuit d’insomnie. Je ne l’ai jamais su. Mais chut ! A Timimoun, les murs sont rouges et ont parfois des oreilles, la nuit… Michel Lequeux
NOUVELLE : LA FILLE DE L’AUBERGISTE Rodrigue et sa fille subsistaient en bonne intelligence dans leur petite auberge de Broekseel, la région des marais. Ils avaient presque chaque jour leur compte de clients et ne se plaignaient de rien. Pour Rodrigue, veuf et père au bout d’un an de mariage, l’existence n’avait pas toujours été commode, pourtant. On ne vit pas sans peine aux abords d’un faubourg qui se bâtit, tant bien que mal, sur un sol difficile. Les hivers étaient rudes, les étés torrides, la solitude parfois intolérable : mais la petite Isabeau, qu’il avait élevée de toute sa fierté de père isolé, l’avait soutenu par sa grande bonté d’enfant devenue si vite pucelle. Les bandits de grand chemin n’étaient pas parvenus à les décourager de leur séjour à Broekseel et les bons voyageurs, qui s’arrêtaient avec le coche, suffisaient à les exhorter dans leur service. Ces nobles seigneurs qui partaient à Bruges ou à Anvers, pour affaires, ne manquaient jamais de leur lâcher quelques pièces en trop – pour le beau corsage de la petite, disaient-ils. Un jour vint à l’auberge un moine qui n’avait guère bonne allure. Rodrigue ne s’était pas trompé. À peine le bonhomme s’était-il attablé devant un pichet de gros rouge, qu’il commandait à Rodrigue de s’approcher pour causer. Rodrigue eut beau protester qu’il avait à préparer la pitance de midi, que la clientèle était nombreuse, rien n’y fit. Il fallut causer. Et de quoi causa-t-on ? C’était simple. Le serviteur de Dieu entendait acheter l’auberge de Rodrigue pour un prix encore plus dérisoire que malhonnête. Un Ordre religieux voulait bâtir ici un nouveau monastère, car la région allait bientôt prospérer. Ce beau village des marais deviendrait une grande ville, avec beaucoup de passage vers les quatre coins du pays. En somme, dans quelques dizaines d’années, Broekseel serait la première cité du pays et alors les monastères y rempliraient de précieux offices à l’encontre des hérétiques impies. Bref, il fallait que Rodrigue se délestât de son unique bien au monde, pour une poignée de sous. Rodrigue eut vite fait le tour de la question. S’il avait pu nourrir sa chère fille jusqu’à ce jour, c’était grâce à l’auberge des marais. Et il en serait toujours ainsi. Il profita de l’appel d’un marchand de tissus anversois pour se dégager de la table du moine et vint au comptoir où sa fille, sans qu’il lui eût rien dit des manigances du visiteur clérical, le supplia en ces mots : -Mon bon père, ne vendez pas à cet homme notre seul bien… Et lui, très simplement, de rétorquer : -Non, ma fille, paix ! Je ne vendrai pas notre unique recours. Même pas à l’Église de Dieu ! Conforté dans sa décision, il en fit part nettement au moine, qui changea de ton et osa prétendre qu’il ne s’agissait pas seulement de l’opportunité du site pour la prière, mais plus encore d’un intérêt pécuniaire personnel : il était prêt à doubler, voire tripler sa mise de départ. Et si l’aubergiste vendait, bien entendu, toutes les indulgences lui seraient octroyées gratis pour ses nombreuses fautes de pécheur. Écœuré, Rodrigue persista durement dans son refus, se vit payer le vin et pria le religieux de s’en aller. Trois jours plus tard, des soldats de la Très Sainte Inquisition faisaient irruption dans l’auberge de Rodrigue, s’emparaient d’Isabeau, contre ses cris et ses pleurs, et l’emmenaient loin de son père, effondré. Le pauvre homme avait naturellement voulu s’opposer à l’arrestation de l’enfant, autorisant ainsi les gardes à le rouer de coups, au vu de clients pétrifiés. Après un jugement des plus sommaires, la justice fut ainsi rendue : sur simple parole du religieux, qui avait vu Isabeau dialoguer avec un chat noir tandis qu’il tentait de convaincre son père de vendre, Isabeau fut conduite au bûcher et brûlée vive. Il n’est pas de pire sorcellerie que de prendre conseil d’un chat noir. Il savait très bien que l’infâme et démoniaque bête avait déterminé la volonté du père et de la fille, tous deux en grande connivence. Rodrigue ne survécut pas à sa chère Isabeau, dont les cris au bûcher lui avaient détruit la poitrine. En quelques jours, il eut rendu son ultime souffle et libéré l’auberge, qui passa sans frais aux mains du
moine et de ses bons frères. L’auberge fut rasée. Sur le site des marais poussa comme un champignon sur la moisissure un vaste monastère, qui devint lieu de prière et de silence. Franz Marcq n’avait jamais tout à fait quitté ses souvenirs d’enfance. Chaque année, il revenait au village de son père, aux abords de Bruxelles, et refaisait le circuit de ses plaisirs de petit garçon. En fin de course, son pèlerinage le ramenait toujours à la vieille crypte. Architecte bien installé dans la capitale, Franz était par nature bon photographe, en quête comme il se doit de clichés originaux. Cette année professionnelle l’avait éprouvé plus que d’ordinaire. La fatigue, le bruit, le rythme, cette trépidation de tous les jours quasi insensée, tout l’avait encouragé à prendre le frais plus tôt que prévu. Franz avait sur beaucoup une chance qu’il appréciait à sa juste valeur : le village de son père était à deux pas de Bruxelles. Ses amis devaient parfois rouler cent cinquante kilomètres avant de retrouver le silence apaisant des campagnes. Pour Franz, il suffisait de quitter l’autoroute à la première sortie passé Bruxelles, en direction de la côte. Ternat. Alors qu’il circulait sur les ruines du monastère – que personne ne s’était jamais donné la peine de protéger et moins encore de rénover –, Franz fut étonné du chemin qu’empruntait un ravissant petit chat noir. Il adorait les chats, mais tout particulièrement ceux-là qui, de robe noire, présentaient une gentille ligne blanche sous le menton. C’était le cas de celui-ci, qu’il suivit jusque dans la crypte. Pour tenter de le caresser, Franz dut s’engager dans une annexe de la salle effondrée, où traînaient encore quelques vieux manuscrits dont n’avaient voulu ni les moines ni les historiens. Comment pouvait-on négliger des pages d’une si lointaine société ? Le chat avait disparu, mais les livres étaient là, qui ne demandaient qu’à être dépoussiérés, compulsés et… lus. Pourquoi s’en serait-il privé ? Il était en vacances. Il avait tout son temps. Son attention fut alors captée par un lot d’archives qui reposaient sur une écritoire. Il se souvint parfaitement que, l’an dernier, ces archives n’étaient pas là. Pas à cet endroit. Quelque curieux, comme lui, était donc passé dans le coin. Il ne lui restait que de suivre l’exemple. Un sceau avait dû clore ces archives, mais ledit sceau n’avait pas résisté au temps. À y regarder de plus près, l’épreuve du temps remontait à peu, fort peu. L’éclatement du sceau était pur comme s’il était survenu dans la semaine, la veille même. La lecture se révéla difficile mais possible. Le vieux français mêlé de bas-latin et de flamand n’avait pratiquement aucun secret pour Franz qui, en plus de la photographie, avait eu dans ses hobbies les écritures archaïques. Tous les goûts sont dans la nature. Franz n’apprit rien d’autre que les origines du présent monastère mais, somme toute, ce n’était déjà pas si mal. Un conservateur de passage avait probablement voulu instruire le rare touriste en mettant à sa disposition des archives locales. Curieuse idée, tout de même. Comment pouvait-on manquer d’un tel soin à l’égard de documents si précieux ? Un craquement dans son dos le fit tressaillir. Franz n’était pas du genre à paniquer pour un rien mais, quand on se croit seul quelque part, c’est toujours un choc de se retrouver en compagnie. Charmante compagnie, cela dit : une jolie jeune fille se tenait à ses côtés, en toute simplicité, et lisait par-dessus son épaule. Depuis combien de temps était-elle là ? Et comment diable avait-elle fait pour qu’il ne l’entende pas approcher ? -Bonjour, et excusez-moi si je vous ai effrayé… Je vois que vous faites comme moi quand vous revenez au village… -C’est-à-dire ? -À peine avez-vous visité votre père que vous accourez ici… Y chercheriez-vous quelque chose ? -Eh bien, on ne peut rien vous cacher… La jeune fille sourit. -Je n’ai aucun mérite. Mon père tient la ferme à côté de chez votre père. Nous sommes voisins donc, et je vous ai suivi… -Je vois, dit Franz, et je suppose que vous avez joué ici quand vous étiez petite ? -Exactement… Comme vous… Mais jamais en même temps que vous… Nous devions prendre nos vacances à des moments différents… Ils parlèrent de bien d’autres choses qu’ils avaient en commun, des études qu’ils avaient faites à l’Université de Bruxelles, des vacances donc qu’ils n’avaient jamais cessé de prendre au village familial, et puis d’un moine maniaque qui, la semaine dernière, était mort dans cette crypte, alors qu’il lisait les pages posées sur l’écritoire. Triste destin. Une pierre triangulaire s’était détachée de la voûte et l’avait tué net en lui fendant le crâne. Si on y regardait bien, on pouvait encore voir des traces de sang dans la
poussière au sol, juste à côté de la pierre meurtrière. Martine Dulac, c’était son nom, conseilla par conséquent à Franz de jeter un coup d’œil à la voûte et de ne plus s’attarder devant les archives. -J’ai trouvé ces archives passionnantes, dit Franz quand ils se retrouvèrent à l’air libre. Mais n’est-ce pas imprudent, de la part des autorités communales, de laisser de tels documents à la portée de tout le monde et… et de rendre l’accès libre à la crypte, vu l’accident ? -Bah ! dit la jeune fille d’un air désabusé, ces documents ne sont pas complets et n’intéressent personne, même pas les savants… et cette crypte n’est plus dangereuse… Ils ont cimenté les joints poreux… - Bien, bien… Au hasard de leur promenade, le petit chat noir qu’avait poursuivi Franz tout à l’heure rappliqua et sauta sans aucune crainte dans les bras de Martine. Tandis qu’elle le couvrait de baisers, la gentille voisine poursuivit ses explications à propos des archives : -En fait, tout cela n’était pas vraiment à l’abandon. Le moine qui est mort voici quelques jours avait dans ses attributions la surveillance des ruines. De temps en temps, il y jouait le guide, quand on prenait rendez-vous avec lui. Le pauvre, on dit qu’il adorait lire dans la crypte. Ça lui a coûté cher. On dit aussi qu’il était le dernier descendant de la longue lignée qui a fondé ce monastère à la fin du dixième siècle… Mais on dit tant de choses… Et c’est si loin tout cela… -En effet, répondit Franz, qui n’écoutait plus vraiment la jeune fille, trop absorbé par ses charmes et notamment par l’exquise fraîcheur de sa nuque que laissait à nu une robe finement découpée. -Parmi toutes ces choses qu’on raconte à qui veut bien les entendre, poursuivit Martine comme si elle avait voulu instruire malgré lui son voisin de campagne, on rapporte qu’un drame serait à l’origine de ce monastère… -Ah oui ? Tiens ! fit évasivement Franz. Mais la jeune fille s’obstinait. -Un brave aubergiste et sa fille auraient été chassés de leur auberge par des moines promoteurs et spéculateurs. On aurait même attenté à leurs jours. Ce qui est passionnant, dans l’histoire, c’est que toutes les générations de moines qui ont occupé ce monastère n’ont cessé d’être victimes d’incidents plus ou moins graves. Il paraît – mais seuls les superstitieux sont sensibles à ces dires – que les décès des moines étaient toujours liés à la présence d’un animal, le plus souvent un chat. Martine eut l’air de vouloir s’emballer. Franz l’interrompit gentiment : -Aujourd’hui, nous sommes trop rationnels, me semble-t-il, pour prêter la moindre attention à ces récits de bonne femme… Pardonnez-moi, Martine, je ne voulais pas vous offenser… Au bout d’une heure de déambulation par les ruines, Franz n’y tint plus. Il tomba dans les bras de la demoiselle et, sans trop comprendre par quel miracle de volupté partagée, il eut la chance que la compagne au chat noir le trouvât à son goût au point de ne pas lui refuser ce qu’elle avait de plus tendre, ses lèvres. Ce bonheur du baiser dura environ une nouvelle heure, abrité par les ruines du monastère tant de fois séculaire. Tout à coup, revenant sur une idée antérieure et s’arrachant brutalement à la bouche goulue de Franz, Martine éclata : -Les salauds ! s’ils ne m’avaient pas brûlée, s’ils n’avaient pas tué mon père, si… si ce fichu monastère n’avait pas remplacé notre bonne auberge… jamais cet imbécile ne serait mort comme ça… -Quel… quel… imbécile ? ! bredouilla Franz, cette fois vraiment interloqué. L’amour fiévreux faisaitil tant divaguer ? Il avait connu peu de femmes jusqu’ici, peu d’aussi belles et désirables en tout cas, mais il croyait savoir que beaucoup de femmes étaient sujettes à l’hystérie, dans certains cas incontrôlables. -Le moine… Cet imbécile de moine qui a eu la tête fracassée la semaine dernière ! -Je vois, je vois, dit Franz, qui n’y voyait plus rien du tout mais qui était prêt à conclure à une démence spontanée. Enfin, la jeune fille était sensuelle et délicieuse à croquer. On pouvait bien lui passer un moment d’égarement. Tout le monde se prend pour un autre une fois au moins dans sa vie. Ils se remirent en marche, sans plus un mot. Franz avait gardé dans sa main la douce main de sa compagne, inquiet à l’idée qu’elle puisse n’avoir tout à coup plus la moindre affection pour lui. Aussi bien cherchait-il à lui faire sentir, de chair à chair, tout ce qu’il éprouvait de passion pour elle. Elle s’arrêta de marcher, au bout d’un certain temps, planta ses yeux irrésistibles dans les prunelles de Franz et déclara, de manière tout aussi incongrue :
-Si tu m’épouses, je mourrai enfin… et je cesserai de torturer tous ceux qui procèdent de la grande famille de cet infâme monastère… Je mourrai, mais je veux bien, si tu le veux, toi aussi… Ça ne s’arrangeait pas. -Je ne te comprends pas très bien, Martine, osa dire Franz en relayant volontiers son gentil tutoiement, mais il y a une chose au moins sur laquelle nous nous entendons parfaitement : d’accord, je vais t’épouser… La jeune fille éclata d’un rire harmonieux, étincelant, qui fit s’esclaffer Franz. Tous les trucs étaient dans la nature pour faire tomber l’amant. Mais Franz avait grande envie de tomber. -Si je t’avais laissé lire jusqu’au bout, tu aurais su comment sont morts tous ceux qui ont précédé le moine imbécile. Tu aurais vu aussi comment je vais t’aimer… Le jeune couple revint à la crypte, avisa un coin d’ombres et s’y retira en silence, pour une première nuit d’amour. -Il faut que tu saches bien ceci, dit Martine au plus profond de leur étreinte, par notre mariage devant cet autel je suis redevenue mortelle comme tout le monde, grâce à toi, et si tu ne changes pas d’avis… -On ne change pas d’avis quand on aime… -Bien ! dit Martine, en s’offrant. Ceci sera donc ma dernière vie. Résolument, la jeune épousée fixa le grand livre des secrets archivés, demeuré sur l’autel, qui se mit à flamber dans un brasier effrayant. Jean Lhassa
NOUVELLE : MAL DANS SA PEAU Il y a six mois, j’ai vécu une angoisse existentielle. Un matin, je me suis regardé dans le miroir de ma salle de bains et pour la première fois de ma vie, je me suis demandé si j’étais bien dans ma peau. C’est l’expression même qui m’avait alerté. A force d’entendre parler à tout bout de champ de gens qui sont ou ne sont pas bien dans leur peau, je me suis interrogé : « Et moi, je me sens comment dans la mienne ? » Jusque-là, je ne m’étais jamais préoccupé de ma peau, sauf pour la tondre sous le nez, sur les joues, le menton et le cou, pour la laver quotidiennement de haut en bas, pour tenter de la faire bronzer sur les plages pendant l’été (non sans l’avoir dûment enduite de Nivéa indice 50), ou bien pour la confier au spécialiste lorsque j’y voyais fleurir l’une ou l’autre éruption. Mais réflexion faite, cette peau n’est en effet qu’un contenant dont je suis le contenu, et s’il faut en croire la rumeur, il y a des manières plus ou moins confortables d’être contenu dans son enveloppe. Ce matin-là, j’ai soudain été consterné de découvrir que je ne m’y sentais pas si bien que ça. Ayant l’habitude d’aller au bout des choses, j’ai tenté d’analyser le phénomène pour connaître la cause du mal. Si j’étais gêné dans ma peau, ce n’était pas qu’elle soit trop étroite pour mon corps (je la trouvais même par endroits un peu trop large, depuis que j’ai fait un régime pour maigrir), ni qu’elle soit trop fragile. Si je ressentais parfois un malaise, cette pauvre peau n’y était pour rien. C’était seulement une expression, comme on dit qu’on est assis entre deux chaises ou qu’on marche à côté de ses pompes. Moi, c’était au niveau des idées que je me sentais gêné. Il aurait été plus juste de dire que mon cerveau n’était pas bien dans ma tête. Il n’y avait donc pas à tergiverser plus longtemps. J’ai feuilleté l’annuaire et j’ai pris rendez-vous avec un psychanalyste qui n’habite pas trop loin de chez moi. Le professeur Z… m’a reçu dans un salon feutré où il m’a fait asseoir devant son bureau. Sur un fond de musique douce, il a commencé par me faire subir un interrogatoire d’identité afin d’établir ma fiche. L’homme inspirait confiance : cinquantaine allègrement portée, tempes argentées, calvitie rassurante,
costume trois pièces bleu sombre de coupe classique, cravate élégante et discrète. Son aspect était avenant et plein de charme. Bref, le personnage devant lequel on a envie de se déboutonner. Moralement, s’entend. -Alors, monsieur, s’enquiert aimablement le spécialiste, dites-moi quels sont vos problèmes. -Il ne s’agit pas vraiment de problèmes, dis-je prudemment. Mais je me suis aperçu que beaucoup de mes conceptions se trouvaient en porte-à-faux avec les idées actuellement répandues. J’en arrive à me demander si je suis tout à fait normal. -Voyons cela. Pourriez-vous m’en préciser quelques-unes ? J’étais mis au pied du mur. Après tout, n’étais-je pas venu pour parler ? -Eh bien, docteur, dis-je avec la voix hésitante de quelqu’un qui s’engage sur un terrain glissant, je dois vous avouer que je suis cartésien. -Ce n’est pas à proprement parler une anomalie, me rassure-t-il avec un sourire engageant. Il n’y a rien là qui doive vous inquiéter. J’ose lever les yeux sur mon interlocuteur et je m’enhardis à préciser : -Par exemple, je crois que deux et deux font quatre. N’ai-je pas raison ? -C’est à voir…, me fait-il en laissant planer un sous-entendu. -Pardon ? -Ça pourrait faire vingt-deux. Je suppose qu’il s’agit d’une plaisanterie. Mais son regard est tellement désarmant que je ne peux pas lui en vouloir. -Je veux dire deux PLUS deux, évidemment. -Alors, il faut le préciser. Remarquez que même dans ce cas, ce n’est pas toujours vrai. -Ah ! bon ? -Il arrive que dans une certaine mécanique quantique relativiste, cette affirmation ne soit plus vérifiable. Je le lui accorde. De toute façon, je ne connais rien en mécanique quantique. Si on bute déjà sur les prémices, on n’est pas sorti de l’auberge. -Oui, enfin, vous m’avez compris. Je veux dire que je suis méthodique, rationnel. -Mais c’est très bien, cela, opine mon vis-à-vis sur un ton condescendant, j’en déduis que toute attitude qui vient battre en brèche cette position vous heurte. -Exactement. -Nous allons voir les choses de plus près, me ditil en se levant de sa chaise et en contournant le bureau. Allongez-vous là. Je me suis retrouvé étendu sur un petit divan. Le professeur s’est assis derrière moi, en quelque sorte à mon chevet. La séance de psychanalyse commençait. Un moment, j’ai dû refréner une envie de m’en aller poliment. Je me disais : « Je suis sur le point de confier à un inconnu ce que précisément je n’ai jamais osé raconter à personne. En plus, je devrai le payer pour cela. C’est absurde. » Puis j’ai pensé que si j’étais venu, ce n’était pas pour partir. Je suis resté. J’entends la respiration du spécialiste derrière moi puis l’homme me parle d’une voix persuasive : -Voilà. Nous sommes seuls, nous sommes tranquilles. Vous allez, sans aucune réticence, me dire les choses qui ne vont pas. Vous m’avez dit que vous étiez cartésien. Bon, mais à part ça, qu’est-ce qui vous gêne encore ? Je me jette à l’eau : -L’honnêteté. Je sens à ce moment chez mon analyste un léger flottement de surprise.
-L’honnêteté des gens vous incommode ? -Non, docteur, la mienne. Ce qui me dérange, ce n’est pas tellement d’être honnête, c’est que les autres ne le soient pas. Quand je prête de l’argent, on ne me le rend pas. Alors que je ne subtiliserais pas un cendrier dans un café, je vois des clients qui planquent des tas de choses dans leurs poches au supermarché. Au restaurant, bien que je déplore qu’on m’extorque une somme prohibitive pour un minuscule verre d’eau plate, je signale au patron la moindre erreur d’addition en ma faveur. Je déclare scrupuleusement tout ce que je gagne, tandis que la plupart considèrent la fraude fiscale comme un sport. Mon interlocuteur me paraît mal à l’aise. Je l’entends s’agiter sur son siège. Peut-être se sent-il visé par mon dernier exemple ? Il s’empresse en tout cas de minimiser mon état pathologique : -Vous souffrez de conformisme obsessionnel bénin. Il n’y a pas de quoi se mettre martel en tête. Le diagnostic me surprend un peu. Je ne peux pas m’empêcher d’objecter : -Mais si j’étais conformiste, justement, je ferais comme tout le monde. Or, je vous le dis, j’ai l’impression de ne pas être normal, dans le sens le plus étymologique du terme, c’est-à-dire de ne pas suivre la norme. Le maître paraît intrigué. -Expliquez-vous. -Eh bien voilà, c’est assez difficile à dire : je ne bois pas, je ne fume pas, je n’ai jamais désiré sexuellement ma mère, je n’ai pas de seconde résidence, je n’ai pas de voiture, je ne joue pas au loto, je n’ai pas de lecteur de DVD, je ne suis pas connecté à Internet, je n’ai même pas de smartphone. J’ajoute que je ne suis pas passionné par la bande dessinée et que la télé ne m’emballe pas : les films sont souvent des navets, je trouve les séries débiles, les pubs m’assomment, le football m’énerve, le tour de France m’endort et Laurent Ruquier m’emmerde. En plus, je n’ai jamais trompé ma femme. Et vous me traitez de conformiste ! -Comprenons-nous bien, cher monsieur, me dit le praticien avec un geste d’agacement, je n’ai pas voulu dire que vous étiez traditionaliste dans toutes vos attitudes. J’ai seulement tenté de cerner votre problème, à savoir que, sur le plan de l’éthique, vous éprouvez quelques difficultés à adapter vos principes à des conceptions, disons… modernes. -Eh bien, alors, dis-je, continuant sur ma lancée, vous n’avez encore rien entendu ! Si je vous disais que je ne parviens pas à éprouver de la sympathie pour les casseurs et les malfrats… -Tiens… Vous ne pensez pas que ce sont des hommes comme vous ? -Non. Et je dois vous avouer pire : si l’un d’eux est tué par un policier lors d’une prise d’otages, j’aurais plutôt tendance à être du côté du flic. -Étrange réflexe, marmonne mon interlocuteur. Et ceux qui sont en prison ? -Je dois reconnaître que je ne me sens pas non plus très attiré par les prisonniers de droit commun. Je trouve qu’avant d’améliorer leur sort, on devrait d’abord se préoccuper des sans-logis ou augmenter le salaire des infirmières. Vous voyez, docteur, je ne vous cache rien. -Vous faites bien, opine l’homme de l’art. Hors du verbe, point de salut. Allez jusqu’au bout. Puisqu’il m’y engage – et que je suis venu pour cela –, je me résous à tout lui confesser : -Et puis, voyez-vous, il y a une chose dont je suis vraiment malade. J’en ai marre d’être rendu responsable de tout ce qui ne va pas parmi une certaine jeunesse. Qu’un adolescent passe en jugement pour un délit grave, on lui trouve toujours les mêmes excuses rituelles, les mêmes justifications obligées : son enfance a été malheureuse, il n’a pas connu son père, sa mère se prostituait, ses professeurs ne le comprenaient pas, il était en décrochage scolaire, il a fait une fugue, il s’est laissé entraîner dans la drogue, et j’en passe. C’est toujours la faute de la société, qui n’a pas su encadrer ce jeune désemparé. Pour un peu, on le plaindrait, une fois son coup fait, de s’être laissé choper par la police. J’en ai marre de me sentir culpabilisé parce que je fais partie de cette société responsable de tous les maux. J’en ai marre qu’on m’explique que si des gamins de quinze ans barbouillent de « tags » les façades des maisons, cassent les vitres des abribus, éventrent les sièges dans les rames de métro, détériorent les appareils des cabines téléphoniques, frappent un vieillard dans la rue, mettent le feu à leur école ou se relaient pour violer une fillette qu’ils ont coincée dans un lieu désert, c’est parce qu’ils sont démotivés, qu’ils n’ont plus goût à rien dans la perspective d’un avenir voué au chômage, qu’ils n’ont plus de repères. Si vous examinez la population scolaire, vous y trouverez un énorme pourcentage d’enfants issus d’une famille éclatée ou constituant ce qu’on appelle des « cas sociaux » ; ils n’en deviennent pas pour autant des délinquants, que je sache, et c’est heureux. Moi-même, j’ai perdu mon père à l’âge de douze ans et ma mère s’est remariée avec un individu qui, lorsqu’il avait bu, m’humiliait et me foutait
parfois des torgnoles. Et même si j’étais révolté, je ne me vengeais pas sur mes compagnons de classe en les rackettant. Il est vrai que ce n’était pas encore la mode. Alors qu’on cesse de nous bassiner avec le manque de repères. A moins d’être fou ou totalement inconscient, tout être humain, quel que soit son âge, a toujours suffisamment de repères pour savoir le mal qu’il fait. J’ai appris dernièrement par la presse – et vous aussi, je suppose – qu’un garçon d’un peu moins de dix-huit ans, coupable d’avoir violemment agressé une vieille dame, avait été relâché par le juge de la jeunesse parce qu’on ne lui trouvait pas de place dans un établissement spécialisé. Le comble, c’est que le soir même, ce triste sire s’en prenait à une autre victime parce qu’elle s’était cramponnée à son sac qu’il tentait de lui arracher. Sans doute avait-il, lui aussi, perdu ses repères… Il y a de quoi se poser des questions, non ? Et ne me dites surtout pas que je suis réactionnaire, antijeunes ou facho, je sens que je vais bondir ! Sans doute ai-je dû inconsciemment faire mine de joindre le geste à la parole et prendre une attitude menaçante car l’analyste a esquissé un mouvement de recul. -Je m’en garderai bien, cher monsieur, a-t-il dit, apaisant. Il est capital de se libérer de ses complexes, de vider une bonne fois son sac. Sur ces bonnes paroles, il s’est levé et m’a engagé à reprendre ma place initiale. J’ai compris que l’entretien était terminé et j’ai eu l’impression qu’il n’avait pas servi à grand-chose. Après s’être rassis derrière son bureau, le professeur a déclaré en grattant pensivement son crâne dénudé : -Mon confrère Gronowsky dirait que vous souffrez d’un syndrome de sclérose et d’inadap-tation. -Et c’est grave ? -Pas du tout, a répondu l’homme d’un ton enjoué. Ce cas est bien plus fréquent qu’on ne le croit. De savoir que ma maladie était somme toute assez répandue, je me sentais déjà rassuré. J’ai mis la main à ma poche intérieure : -Je vous remercie, docteur, vous m’avez fait du bien. Quel est le montant de vos honoraires ? -Quatre-vingts euros, me dit le spécialiste. Les voici. Et il me tend quatre billets de vingt qu’il a cueillis dans son portefeuille. -Mais… fais-je, interloqué. -Vous les avez bien mérités. Tout au long de cette consultation, vous avez parlé comme j’ai envie de le faire depuis bien longtemps. Moi aussi, je souffrais d’un malaise. Grâce à vous, je l’ai localisé. Merci. Le traitement, pour moi comme pour vous, consiste à nous foutre du qu’en-dira-t-on et à nous taper un bon gueuleton de temps en temps. Si vous êtes libre demain soir, je vous invite à la Villa Lorraine. C’est depuis lors que je me sens bien dans ma peau. Gus Rongy
NOUVELLE : JEAN DORMY Jean Dormy était kinésithérapeute depuis vingt ans. Ceci n’est pas tout-à-fait exact. Il avait pratiqué la kinésithérapie avec enthousiasme pendant quelques années puis, insidieusement, le mode de vie autour de lui s’était accéléré. Paradoxalement, tout s’était raccourci ! Le temps pour se nourrir, le temps pour se parler, les phrases, les mots… C’est ainsi que kinésithérapeute fut compacté. Désormais, les patients allaient chez le « kiné ». Vite fait. (Du Grec kinésis : mouvement). Jean s’adapta à ses nouvelles fonctions et fit exécuter des mouvements à ses clients, jour après jour. Plus de traces de la vibration « thérapie » (Du Grec : soin) Ce matin-là, Jean Dormy buvait sa troisième tasse de café noir pour tenter de se réveiller. Il avait passé une nuit agitée à cause d’un rêve dont il ne parvenait pas à se souvenir. Il ne subsistait qu’un vague malaise qui enserrait ses tempes. Bonjour Monsieur Dormy, puis-je entrer ? Il sursauta, regarda sa montre et maugréa dans sa barbe, voilà déjà Madame Doucet, toujours à l’heure…rien d’autre à faire… à son âge…
Il choisit un ton de voix neutre et poli pour répondre. Bonjour Madame Doucet. Entrez dans la cabine nr1 et installez-vous. J’arrive. Madame Doucet obéit en souriant, tira le rideau de la cabine derrière elle, ôta son manteau, ses chaussures, sa robe de laine noire et ses bas et les plia soigneusement avant de les déposer sur la chaise. Elle s’assit ensuite sur la table de massage, souleva ses jambes l’une après l’autre, avec application, et se coucha sur le ventre les bras le long du corps. Deux fois par semaine. Depuis des mois. Jean Dormy ouvrit le rideau d’un geste sec, le referma derrière lui et lança un machinal, comment ça va ce matin Madame Doucet ? Pas de réponse. Une pensée filante bavarde lança « elle dort ». Elle en a de la chance ! J’aimerais bien en faire autant. Ce foutu rêve a gâché ma nuit et va me pourrir ma journée ! Il poussa un long soupir et manipula avec des gestes professionnels les hanches de la vieille dame. Il alla ensuite chercher une bouillotte chaude qu’il enveloppa d’un essuie éponge avant de la déposer sur le bassin de la patiente. Il n’y eut pas le « aah, ça fait du bien » habituel. Jean Dormy ressentit un léger malaise au creux de la poitrine, malaise qui s’accentua quand il aperçut sur la chaise quelque chose qui ressemblait à un petit nuage duveteux. Le petit nuage ondula et les contours d’un corps humain se dessinèrent. Il sentit une coulée de sueur le long de sa colonne vertébrale. Son regard, tétanisé, ne pouvait se détacher du « fantôme » qui ressemblait de plus en plus à Madame Doucet. Des yeux bleu délavé, au regard tendre, lui sourirent. Une décharge d’adrénaline lui permit de saisir le corps de la vieille dame et de le retourner. Aucune réaction, deux myosotis fanés… Alors une vague glacée, surgie de nulle part, s’engouffra dans la pièce et fouetta le corps de Jean Dormy. Jean serra Evelyne dans ses bras en sanglotant. Silvana Minchella