Bruxelles culture Octobre 2019

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BRUXELLES CULTURE 10 octobre 2019 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com

RENCONTRE : FABRICE GARDIN


RENCONTRE : FABRICE GARDIN Fabrice Gardin vient de mettre en scène « La peste » d’Albert Camus. Pièce qui est proposée au Théâtre royal des Galeries du 16 octobre au 17 novembre 2019. L’occasion d’apporter un regard actuel sur ce classique de la littérature et de s’offrir une soirée de réflexion pour s’interroger sur la manière dont nous agirions en temps de crise réelle. La survie va-t-elle au-delà de l’intérêt collectif ? Rencontre ! Quelle est votre formation ? Après une licence en journalisme et communication de l’ULB et un troisième cycle en Arts du spectacle vivant, j’ai continué mes études au DAMS à Bologne et à l’Université de Paris VIII. Lorsque j’étais en Belgique, j’ai créé et animé des ateliers théâtraux et participé aux émissions culturelles de Radio Campus. En quelle circonstance avez-vous été amené à collaborer avec le TRG et quand cette aventure at-elle débuté ? Il faut savoir que je n’avais jamais mis un pied au Théâtre Royal des Galeries avant d’y travailler. Mon seul rapport professionnel avec ce lieu s’est inscrit dans le cadre du premier Kunstenfestivaldesarts, où j’étais responsable de la distribution des tracts et la chose s’est relativement mal passée. Depuis, je me suis rattrapé puisque, en revenant de Bologne en juillet 1995, j’ai découvert dans le quotidien « Le Soir » que Dominique Haumont, dont j’admirais le boulot de metteur en scène, avait été engagé aux Galeries. A la recherche d’un emploi, je l’ai contacté et, comme je souhaitais réaliser des spectacles, j’ai cru qu’il me prendrait comme assistant-metteur en scène. En réalité, il m’a proposé de m’occuper de la presse, de la promotion et de participer au renouveau de ce théâtre. On a fait une année de fous : cinq spectacles aux Galeries mais, aussi, une quinzaine au Molière situé Porte de Namur. On pouvait tout oser, car l’enseigne se trouvait en grande difficulté financière et qu’il fallait trouver des idées pour la maintenir en vie. On a donc innové, transformé et changé pas mal de choses. Malheureusement, Dominique Haumont s’est rapidement chamaillé avec Jean-Pierre Rey, le directeur-fondateur de la Compagnie des Galeries, et, après une saison, il a abandonné le navire. Pour ma part, je me trouvais bien, les portes étaient ouvertes et je pouvais toucher à énormément de choses, avec pour résultat que je suis resté. Avec David Michels, nommé co-directeur à l’époque et qui est devenu directeur à la disparition de Monsieur Rey, nous avons travaillé à redresser le lieu. Donc, depuis 1995, je travaille au TRG tant au niveau de la presse, de la promotion que de la programmation. Chaque année, on vous retrouve metteur en scène. Cette saison, il s’agit de « La peste » d’Albert Camus. Par quel truchement êtes-vous passé des coulisses administratives à la direction de comédiens ? Comme expliqué, je possède une double formation et j’ai toujours voulu concilier les deux. Depuis toujours, j’ai fait des choses en-dehors des Galeries : attaché de presse indépendant, créateur d’un café-théâtre, assistant-metteur en scène, écrivain en tous genres, etc. Fin des années 2000, je tournais un peu en rond, car mon travail administratif, avec le temps et l’expérience, était effectué de plus en plus vite. Après avoir adapté « L’assassin habite au 21 » que Claude Enuset avait dirigé, j’ai proposé à David Michels de mettre en scène « La Souricière » d’Agatha Christie. Il m’a accordé sa confiance et, de la sorte, les affiches se sont enchaînées.


Pourquoi avoir choisi « La peste », un texte réputé difficile et extrêmement sombre ? Je ne suis pas d’accord. Pour moi, ce roman n’est ni particulièrement difficile, ni exagérément sombre. « La peste » raconte une histoire linéaire. La chronique d’une épidémie dans la ville d’Oran au cours d’une année, avec les débuts, le combat et la disparition de la maladie. L’intérêt repose sur la manière dont les individus réagissent et comment ils abandonnent leurs intérêts personnels pour le bien de la collectivité ou, parfois, se replient sur leurs privilèges. J’ai donc choisi ce texte pour ses implications universelles. A travers lui, je peux parler de la nature de l’homme et faire un raccord avec ce qui se passe aujourd’hui. Par rapport aux adaptations précédentes, qu’y apportez-vous de singulier ? Je n’ai jamais vu d’adaptations de « La Peste » au théâtre et le film de Luis Puenzo est introuvable. Je pense, pour avoir transposé certains classiques (« Candide », « Amen », « Le portrait de Dorian Gray », etc.) que la particularité de mon travail repose sur le respect de l’écriture de l’auteur et permet de suivre au plus près le fil de l’intrigue, afin de mettre en évidence chaque personnage. Le découpage présente des courtes séquences révélatrices de la tournure des événements et, surtout, des hommes qui la subissent. Il importe d’aller à l’essentiel et de mettre en relief la pensée de cette œuvre à la fois fascinante et remuante, sans jamais trahir son père de plume. Il s’agit avant tout d’un récit fictionnel, mais doté d’une portée philosophique. « La peste » est une métaphore de notre société, où les extrémismes se réveillent de partout. On le sait, Camus fustigeait le fascisme et le colonialisme. Quelle portée cette prose possède-t-elle en ce début de XXIe siècle, alors que le résultat des urnes met toute la vitesse du côté de la droite extrême ? Votre intention est-elle de véhiculer un message ? Je ne parlerais pas de véhiculer un message, mais bien de transmission. Camus écrit : « Écoutant les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparait jamais, (…) et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse ». En ce sens, cet ouvrage demeure une parabole spectaculaire qui pousse à nous interroger sur notre monde, tant il nous invite à comparer la montée du populisme des années trente avec notre actualité. Il a également souvent été interprété comme une transposition de l’occupation allemande en France et l’organisation des réseaux de résistance. L’auteur a attesté cette interprétation. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas aller chercher d’autres significations ailleurs. Avant tout, Camus réfléchit du point de vue du philosophe, qui se questionne sur la condition humaine et la manière de l’accepter. Pour moi, monter « La peste » revient à ne pas végéter dans le silence déraisonnable, alors qu’il convient de s’ancrer dans un mouvement de mise en garde pour les générations futures. « La peste » encourage l’action collective en raison même de l’absurdité du sort qui accable nos semblables. Face à une fatalité unique, le roman collectionne la multiplicité des points de vue individuels pour faire sentir la nécessité de la force collective. « La peste » exprime surtout la nécessité de l’engagement, diffractée selon les différents cas personnels. De Rieux, lucide et pragmatique, à Tarrou, l’athée vertueux, en passant par Cottard, le collaborateur, ou Rambert, celui pour qui la situation est vécue comme un long processus de renoncement à des intérêts strictement égoïstes. Derrière l’adaptateur-metteur en scène, se dresse un citoyen. Camus a toujours défendu une position d’homme debout et de témoin. Monter « La peste », revient à la fois à lui rendre hommage, tout en faisant passer des idées de premier plan sur la civilisation en cours.


Disposez-vous d’une réelle latitude pour la sélection des pièces que vous mettez en scène, ainsi que pour l’engagement des comédiens ? Depuis quelques années, j’apporte mes projets. Ceux que j’ai vraiment envie de concrétiser. Après, c’est la pièce qui dicte les choix. Je connais et j’apprécie énormément d’acteurs. Je les contacte toujours en fonction des rôles. Par contre, pour l’équipe technique, il s’agit de la même depuis presque une décennie, car on se comprend et on fonctionne admirablement bien ensemble : Félicien van Kriekinge aux lumières, Laurent Beumier à la création sonore, Sandra Raco à l’assistanat, le plus souvent Lionel Lesire à la scénographie et Françoise Van Thienen aux costumes. Pour vous, une bonne pièce c’est … ? De la sueur et du bonheur coté plateau. Du rythme et du plaisir côté public. Et, surtout, de l’émotion ! On peut être surpris de découvrir ce titre dans la programmation du TRG, réputé pour être un théâtre familial, acclamé pour sa revue annuelle et qui, il n’y a pas bien longtemps, fidélisait les spectateurs avec le comique de boulevard, défendu par Serge Michel, Christiane Lenain, JeanPierre Loriot, etc. Assiste-t-on à un changement de politique ou à une demande qui a évolué par rapport aux années 70, 80 et 90 ? En réalité, depuis sa création, le Théâtre Royal des Galeries a toujours eu une programmation très ouverte. Dès le début de la Compagnie en 1953, quatre cycles ont été suivis : littéraire, classique, moderne et récréatif. Le dernier est celui qui fait écho aux succès de Paris : les fameux boulevards, souvent défendus par le trio magique que vous avez cité et, parfois, retransmis à la télévision. Recette qui a permis d’engranger d’énormes succès, mais qui a également occulté la vérité de la programmation. Car, des années 50 aux années 90, Jean-Pierre Rey faisait se succéder neuf à douze affiches par saison. Ainsi, Shakespeare était autant proposé que Molière ou Marivaux. Pour l’anecdote, Berthold Brecht a été joué pour la première fois aux Galeries. On le voit, ce théâtre a une image trompeuse, souvent tronquée dans l’esprit du public. Vous êtes également auteur de pièces de théâtre, dont « Destin », « Les Inconsolables », « Anna », « Une vie d’infortune », « Une rencontre comme une autre », « Hôtel Idéal » et « Compartiment non-fumeurs ». Pensez-vous monter l’une d’elles prochainement au TRG ? Non, car ces pièces sont bâties sur des sujets intimes et sont écrits pour des petits plateaux, au plus près des spectateurs. Elles ont toutes été créées (Théâtre du Méridien, La Samaritaine, Les RichesClaires, Festival de Spa, …) et j’en suis fort heureux. Certaines, comme « Destin » ou « Une vie d’infortune » ont même fait l’objet d’une reprise. C’est sympa pour un auteur ! Vous êtes né à Charleroi, mais vous résidez à Bruxelles. Selon vous, la capitale accorde-t-elle suffisamment de place aux créateurs ? Quelles mesures impératives prendriez-vous pour aider les gens du spectacle autant que les plasticiens ? Contrairement à ce qu’on entend, je pense qu’il y a beaucoup de lieux et de possibilités pour les créateurs. Après, il n’y en a jamais assez ! Des efforts sont consentis, même si on pourrait mettre davantage en lumière la création. Néanmoins, il existe déjà de belles choses pour le théâtre. Je pense au Festival Cocq’Arts. Pour les arts plastiques, je vois Carte de Visite. De jolies initiatives. Toutefois, je vous rejoins : donnez-nous-en davantage ! « La peste » est à applaudir du 16 octobre au 17 novembre 2019 au Théâtre royal des Galeries. Plus de détails sur le site www.trg.be Galeries royales Saint Hubert à 1000 Bruxelles

Propos recueillis par Daniel Bastié


THÉÂTRE : LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS Passer du roman à une adaptation scénique du célèbre roman de Jules Verne « Le tour du monde en 80 jours », voilà le challenge que s’est lancé avec succès le Théâtre royal du Parc. Face à la demande, les spectateurs auront l’occasion de revoir ce spectacle haut en couleur, dont il s’agit ici de la troisième reprise. Stéphane Fenocchi, Nathan Fourquet-Dubart, Thierry Janssen, Alain Leempoel, Othmane Moumen, Xavier Percy, Pierre Poucet et, parmi Beaucoup d’autres, Ana Rodriguez se retrouvent sur les planches pour incarner les personnages imaginés voilà plus de cent ans par l’un des auteurs les plus prolifiques de la littérature française, ancêtre de l’anticipation moderne et maître incontesté du récit d’aventure. La pièce raconte la folle course autour de la planète entreprise par un gentleman qui a fait le pari de boucler son tour du monde en quatrevingts jours. Il bénéficie du développement de nouveaux modes de transports tant aériens que maritimes. Il a été rapporté que Jules Verne s’est inspiré d’un fait authentique attribué à un certain George Francis Train en 1870. Action, fantaisie, dépaysement, exotisme … la difficulté a été de transposer l’univers vivifiant du célèbre écrivain sur les planches, sans en altérer la puissance d’évocation et de résumer les centaines de pages manuscrites à moins de deux heures de représentation. Thierry Debroux assure la mise en scène, tandis que Pascal Charpentier brode un univers musical idoine. Ce spectacle est à voir au Théâtre royal du Parc 31 octobre au 30 novembre 2019. Plus d’infos sur www.theatreduparc.be Rue de la Loi 3 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié

QUI ETAIT JULES VERNE ? Jules Verne est le 28 février 1828 à Nantes et est décédé le 24 mars 1905 à Amiens. Il fait partie des écrivains français les plus appréciés du XIXe siècle. Ses romans visionnaires en ont également fait le père de la science-fiction, même si toute son œuvre a avant tout été placée sous le signe de l’aventure. Son premier ouvrage « Cinq semaines en ballon » a connu un succès retentissant. Tour à tour, il a signé une poignée de livres qui ont marqué l’imagination (« Les enfants du Capitaine Grant », « Le tour du monde en 80 jours », Michel Strogoff », « L’île mystérieuse », « L’étoile du Sud », « Vingt mille lieues sous les mers », « De la terre à la lune », …). Sa passion pour les sciences a fait de ses intrigues des récits bien documentés qui ont permis aux lecteurs de voyager et de s’évader de la morosité du quotidien. Avec soixante-deux romans et dix-huit nouvelles, il reste un des auteurs les plus populaires et les plus adaptés au cinéma. Jean Lhassa


THÉÂTRE : SISTERS Myriam Leroy, Mehdi Bayad et Albert Maizel signent le texte de « Sisters », une pièce atypique qui parle de religion et de la condition des femmes à travers le prisme du monothéisme. Une catholique, une musulmane et une juive s’expriment sur leur vécu et s’empressent de tout balancer. Tout n’est pas simple lorsqu’on est née fille dans un monde d’hommes, où tout va dans le sens de ces derniers depuis et ce depuis de nombreuses générations. Si la plupart ne se posent pas de questions, elles ont choisi de s’exprimer à propos des coutumes, de leur foi, des règles qui façonnent l’existence et cherchent des réponses auprès de leurs consœurs. Avec intelligence et drôlerie, elles refusent de se plaindre. Parler devient un exutoire et évite la résilience. Dans une société de plus en plus multiculturelle, nulle ne peut désormais conforter les dogmes et les traditions ni accepter de se voiler la face. Le monde évolue à la vitesse 2.0 et la révolution est en marche. Les femmes refusent désormais de ressembler à leurs mères et à leurs grand-mères. Le dialogue est ciselé avec maestria, nourri d’arguments qui font mouche. Il est aussi arrivé à terme le temps où elles se soumettaient sans broncher, celui où elles passaient de la férule du père à celui du mari. Elles ont gagné le droit de travailler, de choisir leur époux, d’avoir un mot à formuler dans leur ménage. Si les clichés abondent souvent autant que les idées préconçues, on sait également que le combat n’est pas abouti. D’énormes efforts sont encore à produire un peu partout en Asie autant qu’en Afrique. Même chez nous. En ce sens, « Sisters » à l’heur de mettre des mots sur des situations qui font parfois mal. Il suffit de lire la presse pour s’assurer que la condition féminine est loin de s’avérer une victoire ici ou là-bas. Odile Matthieu, June Owens et Nathalie Uffner sont épatantes de sincérité et donnent corps à leur personnage jusqu’au bout des ongles sous la direction dynamique d’Emmanuel Dell’Erba et Nathalie Uffner. Un grand moment qui prête à la réflexion, tout en actionnant la mécanique du rire, à applaudir du 2 octobre au 2 novembre 2019. Voyez plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles Daniel Bastié


THÉÂTRE : LES COMBUSTIBLES Une pièce d’Amélie Nothomb écrite en 1994 sur l’importance des livres. Que choisirions-nous entre nous cultiver ou nous réchauffer au cœur de l’hiver, sous les bombes qui pleuvent à nos portes ? C’est le sujet de cette pièce de théâtre mise en scène par Michel Wright, qu’il joue lui-même aux côtés de Manoëlle Meeûs et de Fabien Dorsimont dans un huis clos brûlant, aux répliques implacables. Un professeur d’université, son assistant et une étudiante sont enfermés, en pleine guerre, en plein hiver, dans un appartement qui menace ruine. Passionnés de littérature, ils ont tout brûlé pour survivre. Tout, sauf les milliers de livres que le professeur de sociologie a accumulés au cours de sa vie, ne sachant pas toujours ce qu’il pourrait en faire et ne les ayant pas tous lus. Ces livres seront-ils leur ultime combustible ? Ils vont devoir choisir et défendre leur point de vue. La guerre, le froid et les pulsions du désir refoulé éclatent ici au fil des répliques entre les trois comédiens. Il faut se chauffer, même en brûlant les livres. Mais par lesquels commencer ? Par lesquels finir ? Les Combustibles traite du rôle vital de la littérature en mettant en question la valeur des œuvres. C’est une allégorie de la critique littéraire qui est au cœur de la pièce. Quel serait en fait le livre à emporter sur une île déserte, si nous devions nous y réfugier ? Cette question cruciale nous fait réfléchir sur les auteurs, les textes, leur écriture, leurs histoires et leurs personnages. Elle nous touche tous. Lorsque l’extrême s’invite chez nous, ici la guerre et le froid, les rapports entre les personnes deviennent plus intenses et les échanges se font dévorants. Dans une tension permanente où l’humour, le désespoir et le cynisme s’entremêlent, les faiblesses humaines apparaissent. Et avec elles, le désir qui tenaille chacun. Un huis clos torride aux répliques ciselées, qui ne laissera personne indifférent. A voir de toute urgence à la Comédie Volter du 2 au 13 octobre, avec une petite laine et, bien sûr, votre livre préféré en poche. Plus de détails sur le site www.comedievolter.be Avenue des Frères Legrain, 98 à 1150 Bruxelles Michel Lequeux


THÉÂTRE : L’ÉDUCATION DE RITA Une comédie sur l’émancipation par la culture. Elle est écrite par le dramaturge anglais Willy Russell qui a revu sa copie de 1983, en la mettant au goût du jour. Et elle est reprise au Théâtre de la Valette à Ittre. A l’heure où la culture doit se battre pour survivre, où l’Internet remplace les musées, où un tableau ne vaut plus que par le selfie qu’on prend de soi pour se mettre en valeur sur les réseaux sociaux, L’Éducation de Rita est une bouffée d’oxygène. Un grand bol d’air pur, même si l’on peut douter de la crédibilité de la pièce. Ce n’est évidemment pas le propos de cette comédie qui nous entraîne dans le feu des réparties entre Rita et son maître à penser. Le sujet est inspiré du Pygmalion de George Bernard Shaw (1913), dans une nouvelle traduction de Catherine Marcangeli. Une jeune coiffeuse qui n’a pas fait d’études veut échapper à sa condition sociale pour faire partie de l‘élite. Pour se changer complètement, quitte à mettre en péril son emploi, sa famille et son mari. Elle veut se remodeler à l’image du professeur d’université qui l’a accueillie pour lui donner des cours du soir. Entre la jeune prolétaire et le professeur alcoolique, poète à ses heures perdues et complètement dans le cirage devant ses étudiants, une relation va se nouer pour bientôt s’inverser. C’est lui qui finira par devenir subjectif et sentimental, tout le contraire de ses cours sur la dissertation, alors que sa jeune élève fera des progrès spectaculaires, dans une ascension sociale et intellectuelle. Elle finira même par se retrouver sur les bancs de l’université, tandis qu’il lâche prise et jette sa poésie au feu. Extraordinaire prestation des deux acteurs qui évoluent dans cette comédie comme des poissons dans l’eau. Stéphanie Moriau joue admirablement la coiffeuse qui s’émancipe en s’initiant à la littérature, en y mêlant l’argot et parfois les jeux de jambes accrocheurs, tandis que Michel de Warzée campe un vieux professeur bougon, qui a le cœur sur la main et qui se prend d’amitié pour sa jeune élève. D’une amitié qui se muera bientôt en tocade amoureuse. Trois heures drôles et tendres qu’ils nous font passer sans qu’on les voie passer, au fil des saynètes qui ponctuent la pièce. Ils crèvent littéralement les planches, dans une dramaturgie de Michel Wright (le même qui met en scène Les Combustibles dans l’article précédent). On les a applaudis à tout rompre à la Comédie Volter qui les produisait, et on fera de même ici au Théâtre de la Valette à Ittre, du 26 septembre au 13 octobre. Plus de détails sur le site www.comedievolter.be Rue Basse, 11 à 1460 Ittre Michel Lequeux


EXPOSITION EN TRIO : TEXEREAU, KROLIG ET MOLLICA Chaque mois, Espace Art Gallery, situé quasiment derrière le complexe UGC De Brouckère et en face du Béguinage, multiplie les contacts avec les plasticiens de chez nous et d’ailleurs. Question de tutoyer l’art dans ce qu’il possède de plus contemporain, allant à la découverte des créateurs qui travaillent dans l’ombre et le silence de leur atelier pour (peutêtre ?) laisser leur signature dans les annales du XXIe siècle. Ce mois d’octobre, plusieurs d’entre eux sont entrés en résidence dans les locaux de la rue de Laeken, installant leurs œuvres aux cimaises pour trois semaines de rencontres et d’émotion. Stéphane Texereau est originaire du Poitou. Il a quitté sa région natale pour Marseille et son bord de mer. Là, il a intégré l’école des Beaux-Arts. Par la force de ses élaborations, il interpelle les visiteurs et les pousse à une réflexion introspective. A travers le portrait, il ose un face à face qui peut déranger, mais où le regard scrute et va au plus profond de chaque individu, veillant à ne jamais abandonner l’essence même de son travail qui se met au service des gens, autant pour plaire que pour poser des questions idoines. Il confie essayer d'inverser les rôles, en faisant que ce soit l'œuvre qui dévisage l'observateur, le renvoyant à luimême.et non l’inverse ! Recentrer l'humain dans les préoccupations quotidiennes revient à en faire un animal social, fragile dans ses sentiments, fort dans ses entreprises et courageux devant l’inconnu. Par le truchement de ses toiles, il exhibe le drame, la souffrance, la violence mais aussi la tristesse, l’accablement et l’interrogation qui nous assaillent. Côté pratique, il utile l’acrylique et l’huile. Ses compositions se mettent en place à partir d’un dessin au fusain, de manière très académique. Un retour à la matière qu’il adore. Au fond, une œuvre se doit d’être visuelle, tout en ne rejetant jamais son aspect tactile. Oui, on peut toucher la matière, y passer la pulpe des doigts pour s’imprégner de sa substance ! Une démarche un peu vampirique, mais tellement agréable … Krolig, voilà une signature mystérieuse, qui dissimule une jolie blonde aux yeux charbonneux. Une artiste qui a séjourné à Bruxelles et à Francfort et qui s’exprime par le jeu de ses pinceaux pour faire naître des œuvres colorées, où chacun peut s’amuser à découvrir des marines qui sentent l’écume et le vent du large. Érosion, trace du temps qui passe, passage éphémère d’un reflet sur le miroir de l’eau, empreinte qui disparaît, orbe discrète : son regard fige des instantanés et se pose sur des détails qui retentissent comme un appel à la contemplation. Enrico Mollica nous entraîne dans un monde qui lui est propre mais qui nous est toutefois familier avec des tissus, des motifs et des couleurs qui évoquent l’Italie de nos villégiatures. Son pays d’origine. Son univers organique et son goût pour les mélanges terrestres avec des branches feuillues et des racines qui émergent du sol ou des coraux, coquillages et méduses qui remplissent des plans d’eau prennent le temps de se disposer calmement. Le tout réalisé avec une palette extrêmement vive et un sens de la poésie qui paraît nimber l’artiste. Et pourtant, tout a commencé il y a moins de dix ans ! Pour vous rendre compte de la qualité des travaux exposés, vous avez jusqu’au 27 octobre 2019. La galerie est ouverte du mercredi au samedi. Faites-vous plaisir et découvrez tous les détails pratiques sur le site www.espacartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié


THÉÂTRE : #VU A la demande de son copain, Lisa lui envoie une photo d’elle, seins nus. Elle souhaite qu’il l’aime et, pour cela, se sait prête à toutes les folies. Alors, elle devient sensuelle. Un peu. Comme on peut l’être à quatorze ans. Sans réfléchir aux conséquences, elle appose le clic fatal. Très vite, sa poitrine fait le tour des copains, du quartier, de la famille, des réseaux sociaux et devient virale. Retourner à l’école : s’assimile à un enfer, car l’innocence se perd lorsqu’elle devient publique. « #VU » soulève le tabou du sexting (l’acte d’envoyer des messages sexuellement explicites par téléphone) et des photos volées. Le spectacle s’inspire de faits réels. En 2017, Child Focus a reçu un peu plus de cent trente demandes d’aide relatives à ce phénomène. Les ados concernés avaient en moyenne treize et quatorze ans. Sur ce thème d’une brûlante actualité, la compagnie Arts Nomades propose un spectacle tout en nuances qui immerge le public dans l’intimité des jeunes du XXIe siècle et dénonce un fléau encore trop demeuré tabou, malgré une loi qui empêche le cyber-harcèlement. Vivement conseillée aux élèves, cette pièce a reçu le coup de foudre de la presse aux Rencontres de théâtre jeune public de Huy et se veut d’utilité publique, chargée d’espoir et slamée. Un spectacle à voir au Théâtre de Poche du 15 au 25 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles

CONCERT: STAR WARS - THE EMPIRE STRIKES BACK (Re)découvrez le film qui a émerveillé une génération sur écran géant, avec la musique épique de John Williams (compositeur multi-oscarisé) et interprétée cette fois en concert par l’Orchestre national de Belgique. Si la partition s'ouvre avec la traditionnelle fanfare de Star wars, le score plonge rapidement l'auditeur dans l'action avec une variété de thèmes qui prouvent à quel point le musicien possède une parfaite maîtrise du rythme et de l’orchestration. Son écriture flamboyante laisse toute latitude à l’imagination et se rapproche souvent de la musique classique, ancrant dans l’esprit des spectateurs et des amateurs de B.O. des souvenirs durables. Digne représentant du renouveau hollywoodien, John Williams s’est durablement associé à Steven Spielberg pour générer des œuvres devenues des standards et qui se sont vendues par palettes. Les plus jeunes se souviennent de « Jaws », « Rencontre du troisième type », « Indiana Jones », « E.T. », « Il faut sauver le soldat Ryan », « Jurassique Park » etc. D’autres réalisateurs ont songé à lui au moment de musicaliser leur dernier-né. Qui n’a jamais entendu parler de « L’aventure du Poséidon », « Tremblement de terre », « La tour infernale », « Superman » et autre « Harry Potter » ? Des portées qui gagnent en profondeur à mesure que la saga s’étoffe. On reste scotché sous l’effet de la musique, sans laquelle le bébé d’Irving Kerschner (et de George Lucas) ne serait sans doute pas tout à fait le même. Un grand moment d’anthologie à revivre en live au Palais 12 le 2 6 o c t o b r e 2 0 1 9 à 2 0 H E U R E S . L a l é g e n d e c o n t i n u e ! Voyez tous les détails sur le site www.palais12.com Avenue de Miramar à 1020 Bruxelles Daniel Bastié


CONCERT : MICHEL HERR Amateurs de jazz, ceci va vous intéresser ! Michel Herr est de retour avec un nouveau programme, dont il est à la fois le compositeur, l’arrangeur et le principal musicien. Internationalement réputé pour ses talents de pianiste, il présente ici une musique qui lui tient à cœur, spécialement écrite pour un quatuor de cordes dans une démarche résolument personnelle. Le répertoire de ce concert est composé exclusivement de compositions originales, mises en valeur par une orchestration inédite. Il s’agit d’une musique réellement accessible, riche en mélodies, en harmonies et en grooves attachants. Avec des solistes de haut vol et des cordes en réelle interaction, il prouve une fois de plus qu’il n’est pas manchot. Un dialogue fascinant pour mélomanes à applaudir le jeudi 7 novembre 2019 à 20 heures au Théâtre 140. Plus de détails sur le site officiel www.le140.be. Avenue Eugène Plasky, 140 à 1030 Bruxelles

THÉÂTRE : CODEBREAKERS A chaque époque, des hommes et des femmes se sont dressés contre le conformisme ambiant, bousculant les croyances religieuses, politiques ou sociales. Le prix d’une telle audace se mesure souvent dans la douleur : arrestation, torture, mort soldent ces existences à contre-courant. Vladimir Steyaert sort de l’ombre des vies réécrites ou englouties par l’histoire. C’est en découvrant le parcours d’Alan Turing que le projet voit le jour. Scientifique britannique de génie, il parvient à briser le code de la défense nazie en pleine seconde guerre mondiale. Pourquoi étouffer le nom de celui qui a largement contribué à la victoire des Alliés ? Car il est homosexuel, un fait intolérable pour le puritanisme de l’après-guerre. D’autres figures croisent celle de Turing. Giordano Bruno, frère dominicain du XVIe siècle, périra sur le bûcher pour avoir soutenu les thèses de Copernic. Camille Claudel payera cher sa condition de femme artiste. Morte en 1943 dans un asile du Vaucluse, son art, non reconnu de son vivant, sort enfin de l’anonymat dans les années 80. Chelsea Manning, analyste militaire américaine, est incarcérée pour trahison. Son crime : avoir livré des documents secret défense sur les bavures de la U.S. Army en Irak et en Afghanistan. Autant d’existences qui font écho à l’heure où l’humanité peine à se réinventer. Un spectacle engagé à applaudir du 8 au 16 octobre 2019 au Théâtre national. Plus de détails sur le sitewww.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain, 111-115 à 1000 Bruxelles


THEATRE : ALORS ON S’AIME ! Max est à bout. Une fois de plus, alors qu’il rentre du travail épuisé à vingt-deux heures, il trouve le frigo vide et Charlotte en train d’essayer de souliers. Au cours d’une énième dispute, leur voisin du dessus, Docteur Love, auteur d’une thèse sur la vie à deux, descend pour les supplier de se séparer. Pourra-t-il les aider à mieux se quitter pour, enfin, s’entendre ? Avec un sujet banal, Flavia Coste nous propose une comédie de boulevard où les portes claquent, où les répliques ricochent et où le couple est mis à mal par les aléas du quotidien. Corinne Touzet (« Une femme d’honneur » à la télé) donne le ton à un trio complété par Daniel Russo et rehaussé par l’intervention de Loup Denis Elion. Grâce à des dialogues ciselés et à une interprétation extrêmement bien rôdée, « Alors on s’aime ! » se veut un instant caustique qui plonge les spectateurs dans la psyché du quotidien. Il ne faut évidemment pas faire la fine bouche. Il convient de se laisser aller et de s’amuser à s’en décrisper les mâchoires. On le sait, la banalité lamine la vie à deux, la monotonie tue la passion et l’habitude se transforme en fléau qui pèse sur la félicité. Sans temps morts, on découvre deux stars du petit écran au top et toujours capables de surprendre. Une pièce virevoltante annoncée du 15 au 19 octobre 2019 au Centre culturel d’Auderghem. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.auderghem.be Boulevard du Souverain 183 à 1160 Bruxelles Paul Huet

CINÉ-DIMANCHE : GIRL Le septième art foisonne chaque année de nombreuses sorties cinématographiques. Le Centre culturel d’Uccle vous propose huit projections dominicales, avec une sélection des meilleurs longs métrages de l’année écoulée. Tous les films sont ici présentés en version originale avec sous-titres (en français ou en néerlandais) dans la grande salle. Cette saison encore les thématiques vous promettent réflexion, nostalgie, charisme et bouffée d’air frais. « Girl » est un film belgo-néerlandais réalisé par notre compatriote Lukas Dhont, récompensé au Festival de cannes 2018 et acclamé aux Magritte de la même année, avec le jeune comédien Victor Polster. Lara, adolescente introvertie de quinze ans, s'impose une discipline stricte pour devenir danseuse étoile. Avec l'appui de son professeur de danse classique qui croit en elle, elle va au bout de ses possibilités physiques par un travail acharné, supportant avec stoïcisme les souffrances que lui infligent ses pieds meurtris. Née dans un corps de garçon qu'elle ne supporte pas, elle prend la décision de changer de sexe, avec l'appui de son père bienveillant et compréhensif. Mais elle perd patience quand la thérapie hormonale s'avère trop lente. En outre, les moqueries de ses camarades, qui veulent à tout prix la voir nue, et ses premiers émois amoureux teintés de honte et chaotiques, rendent son parcours, ses rapports humains et son équilibre mental de plus en plus fragiles. Avertissement : le ton, les propos et quelques scènes peuvent mettre mal à l’aise les spectateurs non avertis. Un long métrage à voir le dimanche 20 octobre 2019 à 10 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Daniel Bastié


THÉÂTRE : LA PESTE Adapter le roman « La peste » d’Albert Camus pour la scène n’est pas une gageure. Publié en 1947, Il appartient au cycle de la révolte rassemblant trois œuvres de l’auteur (avec « L’homme révolté » et « Les justes »), qui ont permis en partie à l’écrivain de remporter le prix Nobel de littérature en 1957. Parabole de la condition humaine, ce texte analyse sans aménité le caractère de l’être humain dans ce qu’il possède de plus misérable, avec la fatalité qui s’abat sur ses épaules et le pousse à regimber. Le récit débute avec une épidémie (en l’occurrence la peste bucolique) qui ravage l’Algérie française. Nous sommes en 1940 et la guerre fait rage en Europe. Malgré des corrélations avec la petite épidémie qui a frappé Oran en 1945, le sujet demeure ici fictionnel. Plutôt que d’une réflexion sur une situation de crise, le texte a été interprété par les exégètes comme se voulant une dénonciation du nazisme. La tragédie se manifeste par le truchement de rats crevés qui s’accumulent aux quatre coins de la ville, puis par des poussées de fièvre qui frappe la population. Le corps médical parle d’une voix unanime : une pandémie ravage le pays. Le docteur Rieux se dresse pour soigner ses pairs et, très vite, se trouve dépassé par le nombre de patients qui frappent à la porte de l’hôpital. Contraint d’opposer une décision salvatrice, il exige la mise en quarantaine de la cité. Albert Camus en profite pour décrire un microcosme et sonder l’âme de ses semblables, sans effets reluisants, exposant chacun avec ses doutes, ses fêlures, sa lâcheté ordinaire et son égocentrisme, mais aussi une solidarité indispensable lorsqu’il s’agit de survivre. Les spectateurs découvrent que le propos se veut plutôt ici à l’introspection davantage qu’à l’essai clinique ou pseudo-historique. On se situe face à une humanité désincarnée, où chaque intervenant tente de résoudre le mal à sa manière, avec des expédients, sans tenir compte de l’effort collectif. Curieusement, les hommes seuls prennent des décisions, comme si uniquement eux étaient capables de faire face à des défis de taille, excluant femmes et enfants. On le sait, la guerre est avant tout une question d’hommes ! Certains passages sont d’une crudité terrifiante et nous plongent dans nos peurs ancestrales. Aveuglément, la peste (sans distinction sociale et religieuse) frappe les foyers comme les plaies de Moïse se sont abattues sur l’Egypte de Pharaon. A l’instar d’une cape qui englobe la ville, elle étouffe celles et ceux qu’elle a choisi d’éliminer. Professionnel jusqu’au bout des ongles, le personnage principal ne s’encombre jamais d’émotions et fait face. Pour lui, il est avant tout question de ne pas perdre son sang-froid et d’être à la hauteur de l’éthique qu’il s’est fixée. On parle aussi d’un mal qui rampe insidieusement, de son implication dans le quotidien des quidams et des errements de l’un ou l’autre pour ne jamais sombrer dans la démence ou le désespoir. Ici, l'auteur ne délaisse jamais sa volonté de décrire le sentiment de détachement indispensable pour éviter toute empathie et accepter la fatalité dans ce qu’elle possède de plus inique. « La peste » peut être interprétée comme une prise de conscience de nos petitesses ou de notre force intérieure, mais également de la puissance des éléments extérieurs qui mordre à tout moment. On le sait, Albert Camus est et reste le philosophe de l’absurde et toute sa pensée converge vers la nécessité de se révolter contre le système mis en place pour vivre pleinement. Il n'a d'ailleurs jamais cessé de s'engager dans des combats complexes, au point de prendre position contre le colonialisme et le totalitarisme. Du 16 octobre au 17 novembre 2019, le Théâtre royal des Galeries propose une version live de ce roman étudié dans les universités et considéré comme la pointe de l’iceberg de l’œuvre d’un écrivain qui a toujours préféré ignorer les concessions. Dans les rôles principaux nous pouvons applaudir Sébastien Hébrant, David Leclercq, Toussaint Colombani, fabio Zenoni, Ronald Beurms, Freddy Siex, Frédéric Clou, Bruno Georis et Luc Van Craesbeek sous la direction de Fabrice Gardin. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.trg.be Galeries Royales Saint Hubert à 1000 Bruxelles Daniel Bastié


THÉÂTRE : BORDERS Dans la vie, il suffit parfois de se trouver au bon endroit au bon moment. Sébastien est jeune reporter. Pour l’instant, il est au Baloutchistan et n’a plus un rond en poche. Personne n’achète ses photos, le Baloutchistan tout le monde s’en fout ! Mais aujourd’hui, on aura besoin d’un photographe pour l’interview d’un seigneur de guerre local qui coordonne ses missions depuis une grotte ! Batman ? Non, Oussama Ben Laden... Clic-clac ! La photo prise avant l’attaque des Twin Towers va faire le tour du monde et bouleverser sa vie. Face à Sébastien, une jeune femme. Appelez-la « Sans Nom ». Elle, son truc c’est le dessin, elle veut faire une fresque, comme Michel-Ange ! Son père dit qu’elle va devenir une grande artiste. Mais la barbarie est en marche. La police secrète lui arrache son père et sa maison. Alors, « Sans Nom » entre en résistance et fait sa révolution. Plic, ploc, splash, elle peint des slogans, elle tague les murs et découvre le pouvoir de l’Art. Pour la police de Bachar El Assad, les femmes ne sont pas une menace. Grave erreur ! Voici le parcours en parallèle de deux résistants. Deux jeunes adultes déterminés qui se dressent de toutes leurs forces contre les tyrannies, jusqu’au moment où leurs vies, inévitablement, se croisent. Sous la direction de Jasmina Douieb, metteuse en scène engagée, sensible et talentueuse, deux acteurs nous rappellent que pour contrer la haine mortifère, les jeunes répondent par la force vitale de leur colère légitime. Une bombe ! Une pièce à découvrir au théâtre Le Public jusqu’au 19 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles

THÉÂTRE : ÊTRE OU NE PAS ÊTRE Dressé sur un tréteau, un acteur décide de réaliser le rêve de sa vie : interpréter un texte qui rassemble une quinzaine des monologues extraits de l’œuvre de Shakespeare. Mais le personnage s’empare du comédien et emporte le public dans un récit plein d’émotions et de rires, qui nous décrit les aléas, les combats et les envolées de la vie d’un artiste sur scène. Nous voici au théâtre pour le voir concrétiser son rêve et découvrir une sorte de best-of de l’auteur le plus interprété au monde. D’emblée, il annonce : De toute façon mesdames et messieurs, vous ne pouvez pas imaginer ce que c’est pour moi, d’être avec vous ce soir. Je vous ai tellement attendus… Mais là, je vous tiens ! Pris en otages ! J’ai kidnappé mon comédien. Je lui ai tout pris. Son sang, son souffle, son cœur. Être ou ne pas être, là est la question. Moi, je veux être, être et ne pas pas être. Voilà ma réponse. Nous franchirons ensemble, les limites de la simple représentation théâtrale, pour vivre l’expérience unique d’un spectacle éternel. Nous resterons unis à tout jamais pour trouver enfin la symbiose parfaite, jamais atteinte jusqu’à aujourd’hui, entre un simple personnage, moi, et son merveilleux public, vous ! Un seul en scène de et avec Luca Franceschi. Une performance à applaudir du 22 octobre au 21 décembre décembre 2019 au théâtre Le Public. Veuillez trouver tous les détails complémentaires sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles


THÉÂTRE : LA PROMESSE DE L’AUBE Paru en 1960, « La promesse de l’aube » est l’autobiographie romancée de Romain Gary. L’auteur y fait le récit de son enfance et de sa jeunesse auprès de sa mère, ancienne actrice russe portée par un amour et une foi inconditionnelle en son fils. L'histoire, pleine d'humour et de tendresse, raconte la lutte sans trêve qu'elle mène contre l'adversité, l'énergie extravagante qu'elle déploie pour qu'il connaisse un destin grandiose. Une existence qui commence avec une enfance en Russie, en Pologne puis à Nice, faite de luxe puis de pauvreté, suivie par un dur apprentissage d’aviateur et d’aventures en France, en Angleterre et en Afrique. Avec, à chaque instant, l’amour merveilleux et fou de Nina, à la fois généreuse, passionnée, idéaliste, courageuse et étourdie, indomptable et légère. Ce récit incarne la force de l’amour maternel, poussé à un paroxysme rarement atteint et la force d’avancer pour rencontrer les objectifs à atteindre. Les aînés se souviennent peut-être de l’adaptation cinématographique signée Jules Dassin (1971) avec Melina Mercouri. Les plus jeunes ont sans doute vu la version dispensable d’Eric Barbier (2017) avec Charlotte Gainsbourg. Michel Kacenelenbogen campe sur les planches le protagoniste dans ce seul face au public et redonne vie à un texte empreint de nostalgie. Cela se passe au théâtre Le Public du 24 au 26 octobre 2019. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles

THÉÂTRE : TCHAÏKA Dans les coulisses d’un théâtre, une vieille actrice au crépuscule de sa vie ne sait plus ce qu’elle fait là. S’approchant d’elle, une femme lui rappelle la raison de sa présence : interpréter le rôle d’Arkadina dans "La mouette" de Tchekhov. Ce sera son dernier rôle. Sa mémoire fout le camp et si elle ne sait plus tout à fait qui elle est pas plus que son rôle, elle entend assurer la représentation. Dans sa déroute, fiction et réalité s’entrecroisent. Elle tente de suivre la trame de la pièce. Suivent des dialogues avec son fils, les abandons répétés de Trigorine son amant, qui la replongent dans son passé. Au fil de la représentation, elle renoue avec la jeune comédienne qu’elle a été et refuse de courber l’échine. The show must go on ! Vaille que vaille, elle doit se tenir droite face au public venu l’acclamer. La voilà donc prête à affronter les planches, reprenant pied, se créant un nouvel espace théâtral. Comme dans la pièce de Tchekov, le temps se confond entre illusions et celles qui se sont décousues. Conté sur la trame du rêve, ce spectacle pour une actrice et une marionnette est le premier de la compagnie belgo-chilienne BelovaLacobelli et s’entend pareil à un exercice de virtuosité fait pour éblouir et secouer les habitudes. Un spectacle à applaudir jusqu’au 20 octobre 2019 au Théâtre des Martyrs. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : MÈRE COURAGE ET SES ENFANTS S’inspirant du roman « Les aventures de Simplicius Simplicissimus » de Grimmelshausen, qui situe la pièce pendant la guerre de Trente Ans qui a opposé catholiques et protestants, brossant en douze tableaux tantôt comiques, tantôt dramatiques, tantôt cyniques ou bouleversants, les pérégrinations d’Anna Fierling, cantinière tirant sa carriole de champ de bataille en champ de bataille, de Pologne en Bavière, ce spectacle nous propose une incursion dans une Allemagne tourmentée. Ne renonçant à rien pour faire une bonne affaire et préserver son gagne-pain, l’héroïne n’a ni religion, ni patrie et ne s’intéresse qu’aux petits profits qu’elle peut tirer en vendant quelques marchandises aux soldats. L’aumônier lui rappelle les risques qu’elle encourt et soutient que « pour déjeuner avec le diable, il faut posséder une grande cuillère ». Elle voit périr ses trois enfants et maintient le cap vaille que vaille, sans rien perdre de son opiniâtreté. « Vouloir vivre de la guerre ne va pas sans le payer cher », écrit Bertolt Brecht. Bien entendu, il s’agit d’une parabole de tous les conflits armés, aussi atroces les uns que les autres et qui inscrivent leur nom dans le sang de la population. Daphné D’Heur, Soufian El Boubsi, Alain Eloy, Sarah Joseph, Anthony Sourdeau, Romina Palmeri, Valentin Vanstechelman, Jérémie Zagba et Bogdan Zamfir s’investissent pleinement sous la direction de Christine Delmotte-Weber pour faire de cette adaptation une réussite complète. Une pièce à voir au Théâtre des martyrs jusqu’au 21 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles

CINÉMA : CARTE BLANCHE À MARC DIDDEN En plus d'être un réalisateur, scénariste, critique rock, enseignant et chroniqueur, Marc Didden (né en 1949 à Hamont en région flamande) est également un cinéphile inconditionnel. Il était donc évident de l’inviter à composer une carte blanche des films qui lui tiennent le plus à cœur et de lui proposer d’établir une nomenclature de ses coups de cœur à projeter à la Cinematek. En juillet dernier, il s’est exprimé à propos de cette démarche : « Certains réalisateurs rêvent d’un Oscar, d’autres d'une Palme, Lion ou d'un Ours d'or. Les animaux dorés ne furent jamais mon rêve. J’ai réalisé plusieurs films car j’étais un scénariste qui ne trouvait pas de réalisateur pour filmer mes histoires. Cinéaste par accident donc. Narrateur, certainement. Que les choses soient claires : je suis très content d’avoir réalisé mes films. Pas seulement les longs métrages, mais également les petits documentaires que j’ai pu tourner pour Canvas, les films des autres que j’ai pu scénariser ou coécrire. Ceux dans lesquels j’ai joué un petit rôle: ils sont tous inscrits dans mon âme. Et pourquoi ne filmez-vous plus ? m’a demandé dernièrement quelqu’un dans le bus 71. Je lui ai répondu que j’étais fatigué que ce soit devenu si compliqué et que je trouvais humiliant de devoir chaque fois, à chaque nouveau projet, m'agenouiller partout pour quémander un peu d’argent. Mais tout en donnant cette réponse, j’ai pensé combien j’avais encore envie de tourner. Mais d’une manière autonome, en dehors des normes de production en vigueur à l’intérieur du petit Hollywood que le monde du cinéma en Flandre a si souvent l’ambition


d’être. Je ne suis en somme pas de Flandre, que j’aime énormément, mais de Bruxelles. Donc, si je recroisais le monsieur du bus 71, je lui dirais plutôt que je désire faire, à partir de maintenant et jusqu’à ma mort, des films avec mes amis et dans ma cuisine. Un peu comme le génial Alain Cavalier le fait depuis quelques années à Paris. Et je ne leur souhaiterai pas un Oscar ou un Ours d'or. Que la Cinematek, réputée à travers le monde entier, m’offre une carte blanche ainsi qu’une petite rétrospective, s’en est déjà trop. Mais merci quand même. » Jusque fin novembre, voilà l’opportunité de revoir « Chantons sous la pluie », « De smaak van water », « Où est la maison de mon ami ? », « Samedi soir, dimanche matin », « La belle équipe » et (parmi quelques autres) « Le jour se lève ». Des classiques intemporels connus ou qui le sont moins ! Voyez plus de détails sur le site www.cinematek.be Rue Baron Horta, 9 à 1000 Bruxelles

HALLOWEEN AVEC DAVID CRONENBERG Le Musée du cinéma ou Cinematek propose de passer la soirée du jeudi 31 octobre en compagnie de David Cronenberg. Plutôt de revoir deux de ses films phares. En l’occurrence : « Scanners » (19 heures) et « La mouche » (21 heures), des longs métrages qui ont durablement installé sa renommée au faîte des metteurs en scènes sur lesquels nous avons à compter, des chefs-d’œuvre de l’horreur et de l’hémoglobine servie à foison. Né en 1943 à Toronto (Canada), l’homme a toujours été fasciné par l’univers de l’écran. Après des études au Harbord Collegiate Institute, il a été diplômé en littérature de l’University College de sa ville natale (où il réside toujours). Il a ensuite entamé une formation scientifique, avant de se tourner vers les arts. A l’aube des années 70, il a réalisé de nombreux courts-métrages avant de se lancer dans le grand format. « Frissons », « Rage » et « Chromosome 3 » ont suscité un effet inégalé dans la sphère cinématographique, dépliant la grammaire alors en usage, multipliant les images choc et combinant recettes de la science-fiction à celles du gore. Une partie de la critique s’est naturellement émue et a crié au sacrilège. Qu’importait, le jeune homme a décidé de poursuivre son travail sans se soucier des diatribes. La reconnaissance lui est arrivée en 1986 avec « La mouche », adaptation plus ou moins déguisée de « La mouche noire » (1950), vieux classique avec Vincent Price. Il y raconte l’expérience menée par Seth Brundle, un scientifique brillant mais excentrique, qui s’amourache de la journaliste Veronica Quaife. Il la ramène dans son laboratoire et lui montre son invention : une machine qui consiste à transporter quasi-instantanément d'une cabine à une autre un objet ou un être vivant. Il persuade la jeune femme de garder son secret en échange de droits exclusifs sur l'expérience. Elle accepte de l'assister. Néanmoins, les choses se gâtent lorsqu’une mouche se glisse dans l’appareil. Le public lambda ignore que David Cronenberg a fait appel à son compositeur Howard Shore pour lui peaufiner un opéra sur ce même thème et qu’il a été créé au printemps 2008 au Théâtre du Châtelet à Paris sous la direction musicale de Placido Domingo. Quant au film « Scanners », il nous plonge au sein de la société ConSec qui regroupe les meilleurs médiums. L’un d’eux, Cameron Val, découvre les zones obscures de cette entreprise nébuleuse. Carnage final pas piqué des hannetons ! Si vous souhaitez découvrir ou redécouvrir deux classiques qui ont fait trembler les aînés, voyez les détails pratiques sur le site www.cinematek.be Rue Baron Horta, 9 à 1000 Bruxelles Jean Lhassa


THÉÂTRE : SIGNÉ DUMAS Deux ans après avoir signé « Les Trois Mousquetaires » et « Le Comte de Monte-Cristo », Alexandre Dumas pavoise au sommet de la gloire. Dans l’ombre, il se fie à son célèbre collaborateur Auguste Maquet ; constituant avec lui un duo incomparable, de fusion de deux esprits et de deux talents. A l’un les idées. A l’autre, le style et la mise en forme. La pièce, « Signé Dumas » nous raconte la crise née entre les deux complices de plume. Une question cruciale se met alors en exergue : quelle est la part exacte de l'un et de l'autre dans le succès d’une œuvre admirée ? Lequel est le géniteur des aventures de d'Artagnan et de MonteCristo ? Et si c'est Dumas qui signe, jusqu'où Maquet peut-il, lui aussi, prétendre être l'auteur ? Alexandre Dumas est représenté comme une star, se souciant davantage de son château et de ses amours que de ses prochains écrits, certain de remporter du succès à chaque publication. À l’inverse, son co-auteur se révèle très discret et authentique, acharné au travail, peaufinant chaque ligne et cherchant l’expression la plus exacte. Le colosse Xavier Lemaire régale le public avec une interprétation magnifique de Dumas, face un excellent Davy Sardou tout en retenue. Les joutes verbales imaginées par Cyril Gély et Eric Rouquette sont à découvrir le mardi 22 octobre 2019 à 20 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas

HUMOUR : RICHARD RUBEN – EN CHANTÉ Après plus de vingt-cinq ans de carrière et dix one-man show, Richard Ruben est de retour aux affaires avec un spectacle totalement neuf, où les performances vocales et les imitations de haut vol sont la pièce maîtresse de ce nouvel opus. Ne s’interdisant rien, tel un conteur, jongleur de mots et d’émotions, il emmène le public dans un stand-up drôle, universel et tellement … Ruben ! Le tout coécrit et mis en scène par Sam Touzani. Pour ce revigorant voyage, l’artiste est accompagné par Thom Dewatt, talentueux musicien multi-instrumentiste, qui distille du bonheur et réveille les zygomatiques. Une performance puissante, dont le défi consiste à chanter la vie. Bref, un condensé d’existence, de son absurdité, de ses improbabilités, mais aussi de ses bons et mauvais côtés. Un miroir de notre quotidien dans lequel on reconnaît nos tempéraments, nos efforts et nos fêlures. Toujours drôle. Un opus à découvrir le Vendredi 8 novembre 2019 à 20 heures15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas


THÉÂTRE DE TOONE : LA PAIX Tout peut influencer notre théâtre de marionnettes folkloriques et nourrir son répertoire. Ainsi, les manifestations culturelles dans le cadre d’Europalia-Grèce (1982) ont titillé José Géal (alias Toone VII) et son épouse et collaboratrice Andrée Longcheval. A deux voix, ils ont imaginé une adaptation de « La Paix » d’Aristophane, cinquième pièce de l’auteur écrite en 412 avant notre ère et peu après la disparition du démagogue Cléon, partisan farouche de la guerre contre Sparte. Dans l’Antiquité, Aristophane, ennemi de la violence et de la dictature, prônait avec verve une paix durable. Cette paix que Polémos, dieu de la guerre, enferme dans l’opacité d’une caverne. C’est compter sans la bravoure du héros Trygée (interprété sur les planches par Woltje, la mascotte de Toone) qui vole jusqu'à l’Olympe, afin de libérer celle sans qui nous ne pouvons concevoir l’existence et que tant d’autres brident aveuglément. Bien entendu, les puristes tiqueront face aux nombreuses latitudes, aux ellipses multiples et à une mise en scène remplie de sous-entendus peu orthodoxes pour qui aime la littérature classique et ne connaît pas le théâtre populaire bruxellois. Mais, on le sait, hommage et transposition ne signifient jamais trahison. Dans la salle de l’impasse Sainte-Pétronille, on adore jouer avec les poncifs, pour les tordre et les passer au filtre de la swanze. Sans s’interdire quoi que ce soit, le théâtre de Toone a toujours abondé dans la parodie, pour prouver à la fois que personne ne peut lui dicter ce qu’il doit faire autant que pour prouver que, même si on aime rigoler en pastichant les chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, on est capable de respecter ce qui nous a été légué par les générations précédentes pour le transmettre aux familles présentes. Finalement, le fond importe autant que la forme et, en partant de ce principe, on recycle tout ce qui peut l’être pour créer du neuf. Dans le texte original, le vigneron Trygée, accablé par les longues années de lutte, se fait le messager des peuples grecs auprès des dieux. Ayant rejoint les cieux sur un coursier insolite, il se rend compte que ceux-ci ont été désertés par les divinités habituelles, auxquelles a succédé l'entité guerrière Polemos, qui envisage d'écraser le monde. Du coup, le vaillant émissaire de la race humaine n’a pas d’autre choix que de tout mettre en place pour éviter un cataclysme. Derrière un sujet qui a tout d’une tragédie, Aristophane est parvenu à trouver les mots justes pour faire rire ses contemporains. Il a bien sûr suffi de transposer ce récit à Bruxelles pour sentir poindre une bonne odeur de moules et de frites et pour prouver que les préoccupations des hommes n’ont guère évolué en trois mille ans. Leur bellicosité est demeurée aussi vive qu’autrefois. Si on s’amuse évidemment beaucoup des anachronismes, des expressions typiques de la capitale et des retournements inattendus, les spectateurs comprennent que cette pièce soulève une réflexion pertinente sur notre mode de vivre ensemble, le danger qu’encourt notre démocratie et la force des populismes qui, un peu partout, gonflent leur voile d’un vent mauvais. La paix serait-elle une aspiration éternelle face à une actualité en plein désarroi ? Si Nicolas Géal interprète la voix de tous les personnages, les habitués du lieu remarqueront que celle de Zeus n’est pas la sienne. Jean-Claude Frison, célèbre comédien belge, a fait l’honneur de se prêter au jeu, promu récemment Chevalier de Toone. Quant aux décors, ils ont été imaginés par le peintre Raymond Goffin, un de ceux qui ne possèdent pas deux mains gauches. « La paix » est à découvrir chez Toone jusqu’au 19 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.toone.be Rue du Marché-aux-Herbes 66 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié


THEATRE DE TOONE : DRACULA Voici la deuxième création du jeune Toone VIII (alias Nicolas Géal), qui sans flooskes a réussi à transposer la littérature du peï Bram Stoker, écrivain irlandais qui a foutu les poepers à tous ceux qui ont lu son bouquin. Depuis, le cinéma s’est emparé de ce livre cartache pour se faire un maximum de galette. Un drôle de tatchelul que ce Dracula, qui s’amuse à faire bibberer tout son entourage et qui ne se prend pas pour une lavette. Ça c’est du feuilleton. Ara ! Tu rencontres là-dedans des broukschaaiters, mais aussi un héros qui n’a pas peur de son ombre. Un echte manneke des Marolles qui aime la Kriek et le plattekeis et qui n’est pas un flave. L’action ne se passe pas à Zanzibar, mais chez nous, pas loin de la rue des Bouchers qui sent la frite et de la Grand Place. Avec aussi des péripéties en Transylvanie. Woltje, ket de l’impasse Sainte-Pétronille, a la langue bien pendue et du courage pour deux. Embarqué dans un stûût qu’il n’imaginait pas, il doit affronter un vampire qui ne pense qu’à venir froucheler à Bruxelles. Du coup, il doit droldement sauver sa peau, partir en stoumelings ou mettre fin au règne de terreur de ce labbekak qui croit dominer le monde à coups de canines. Il y a plein de choses dans cette pièce revisitée à la sauce rollmops : de l’action, de grands moments de romantisme et de la swanze à gogo. On rit beaucoup, même si ce n’est jamais fafoule. Nicolas Géal connaît ses classiques, maîtrise l’art du dialogue et ne prend jamais le public pour un snul. A la fin de l’histoire, Dracula prend une rammeling qui le laisse djoum-djoum. Maintenant, tu peux habiter à Paris ou sur la Côte d’Azur, tu comprendras ce qui se passe sur scène. Tout est extrêmement visuel et tu ne tomberas jamais de ton sus. « Dracula » par Nicolas Géal est une fête où tu te tordras en deux, même si parfois tu auras la kiekevlies. Comme il s’agit de pouchenels traditionnels, tu n’auras pas peur d’amener ta tribu pour, après, payer une Lambik ou une Kwak à ta madame et à tes lardons. Pas besoin de lexique à l’entracte. Si tu comprends pas tout, tu trouveras bien une meï qui t’expliquera. Au passage, tu admireras les décors de Thierry Bosquet, un cadeï qui connaît son métier et qui est sorti de la cuisse de Michel-Ange. « Dracula » est à voir jusqu’au 23 novembre 2019 chez Toone. Tu peux avoir tous les détails sur les jours, les heures de spectacles et le tarif avec le site www.toone.be Rue du Marché-aux-Herbes 66 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié

DÉDICACES AUTOUR D’HENRI VERNES Henri Vernes va bientôt fêter son cent et unième anniversaire et, avec Bob Morane, est toujours partant pour de nouvelles aventures ! Les éditions L’Âge d’Or (Claude Decnop) et Ananké (Claude Lefrancq) publient depuis de nombreuses années les œuvres d’Henri Vernes (Bob Morane) et de ses successeurs. Chaque année, une séance de dédicaces est organisée par L’Âge d’Or à l’occasion de ses dernières publications. Cette séance aura lieu le dimanche 13 octobre 2019 de 16 à 18 heures au restaurant “C’est bon, c’est belge” situé rue de Rollebeek, 5 à 1000 Bruxelles. L’occasion d’y rencontrer ceux qui ont repris les rênes des péripéties d’un des aventuriers les plus appréciés de la littérature contemporaine : Eric Chevreau pour Le général de l’ombre, Christophe Corthouts pour Terminus fatal, notre collaborateur Jean Lhassa pour Propos à propos d’Henri Vernes, Daniel Justens pour Les gardiens d’Ishango et Franck Leclercq (illustrateur des couvertures). Rien que du bon monde rassemblé sous le signe d’un écrivain qui a fait rêver moult générations et qui, malgré un âge avancé, demeure bon pied bon œil. Bon anniversaire, cher Henri ! Nous penserons à vous le 16 de ce mois, date officielle pour souffler les bougies. Sam Mas


HALLOWEEN FESTIVAL L’Halloween Festival s’est transformé en un événement incontournable de la vie culturelle bruxelloise. Des hordes de monstres, gnomes, farfadets et sorcières se rassemblent pour célébrer joyeusement le retour des spectres de l’audelà. Comme chaque année à la même période, ce festival folklorique se déroule au Musée d’Art Fantastique avec sa collection digne d’un des plus grands cabinets de curiosités, ainsi que le 31 octobre dans divers endroits maléfiques de la commune de Saint-Gilles. L’occasion de participer à une expérience riche en surprises et qui démarre sur les chapeaux-de-roues avec une kyrielle d’activités faites pour amuser les enfants et faire frémir les mamans. Bon sang ne saurait mentir ! Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.fantastic-museum.be Rue Américaine 7 à 1060 Bruxelles Sam Mas

HALLOWEEN À SAINT-GILLES Tradition oblige, le 31 octobre (jour de tous les sortilèges) actionnera le levier du bizarre et de l’incongru avec un lâcher de sorcières sur la place Morichar et dans le parc Pierre Paulus. Bien entendu, les malédictions seront pour rire, avec des roulements de tambour pour porter bien haut vers les étoiles la voix des créatures de toutes sortes. A partir de 17 heures, les animations débuteront avec des spectacles ludiques, un petit train déambulatoire, une démonstration équestre, un groupe musical itinérant et un atelier de grimage. Qui se cache derrière ce festival d’Halloween ? Il ne faut pas remonter très loin pour deviner l’ombre du Musée d’Art Fantastique, initiateur de l’événement et qui entend pérenniser cette fête placée sous le sceau de la bonne humeur et de la fantaisie. Comme chaque année, on s’amusera à se faire peur tout en rigolant de l’apparition d’un gnome ou d’un troll au détour d’un fourré. Pas question de traumatiser les enfants ! Temps récréatif et familial par excellence, cette date marque le début des congés scolaires d’automne. L’accès aux activités sera entièrement gratuit et tout visiteur est convié à venir déguisé. Un feu d’artifice devant la Maison communale clôturera la soirée vers 19h00. Parc Pierre Paulus et place Morichar – 1060 Bruxelles Sam Mas


OPÉRA : GIOVANNA D’ARCO Pour son septième opéra, Giuseppe Verdi renouvelle le succès de « Nabucco » et « I Lombardi ». Le livret de « Giovanna d’Arco » se concentre sur l’instant présent et sur les hésitations de Jeanne d’Arc. Les faits historiques s’estompent pour faire place à d’imposants tableaux pour chœur et à une caractérisation musicale héroïque du personnage principal. Cet automne, le public de la Monnaie découvrira plusieurs facettes de cette héroïne fascinante à travers le prisme du XIXe siècle dans cet opéra présenté en concert. Les spécialistes se sont interrogés sur les raisons du compositeur milanais pour choisir un pareil sujet. Gabriele Baldini, pour sa part, note que la lourde présence du père, d'abord violent ennemi, puis tendre soutien, aide à saisir le choix de cette version inspirée par Schiller, dont de nombreux points sont très éloignés de la réalité historique. Qu’importe ! Le côté lyrique prime ici sur tout le reste, avec des instants intenses et des airs mémorables qui font vibrer le cœur, chargés d’émotion, avec un pouvoir mélodique à la profondeur psychologique intense. Un drame vocal à découvrir du 12 au 16 octobre 2019 à La Monnaie. Plus de détails sur le site officiel www.lamonnaie.be Place de la Monnaie à 1000 Bruxelles

OPÉRA : JEANNE D’ARC AU BÛCHER Immortalisée au cinéma par une kyrielle de comédiennes (Maria Falconetti, Ingrid Bergman, Jean Sebergh, Mila Jovovich, etc.), Jeanne d’Arc a également inspiré de nombreux compositeurs tels que Giuseppe Verdi ou Arthur Honegger. Ce dernier (membre du Groupe des Six et expert en musique de films), a créé en 1935 une partition résolument originale, où la vie de la Pucelle d’Orléans est racontée à rebours, depuis sa condamnation à mort jusqu’à son enfance. Ce kaléidoscope de souvenirs et d’émotions est porté par des chœurs, deux imposants rôles parlés et un orchestre singulier, composé notamment de saxophones, d’ondes Martenot et de claviers. Dans la fosse de la Monnaie, qu’il retrouve après dix ans d’absence, Kazushi Ono intensifie la variété et la richesse de ces portées. Sur scène, Romeo Castellucci fouille les différentes couches qui se sont sédimentées sur Jeanne au cours de l’histoire. Il révèle ainsi la part de légende, ses paradoxes et le rapport intime que chacun de nous entretient avec elle. Lors de la première à Bâle en 1938, le public et la critique se sont montrés très enthousiastes. On le sait peu, mais l'oratorio a été adapté au cinéma sous le titre « Giovanna d'Arco al rogo » par Roberto Rossellini en 1954. A applaudir à La Monnaie du 5 au 12 novembre 2019. Plus de détails sur le sitewww.lamonnaie.be Place de la Monnaie à 1000 Bruxelles


UN KET DE BRUSSELLES : PALABRES AUTOUR D’UN KIOSQUE Dans le dictionnaire rédigé (très lentement) par des barbus avec un bicorne et une épée de saintNicolas, tu trouves plein de définitions du mot : « kiosque ». D’abord que ça vient de Perse (comment peut-on être Persan ?) et que ça se trouvait dans un jardin. Nous à Brusselles, on comprend : c’est net ce qu’on croit que c’est. Mais pour les Parisiens (tête de chien) c’est plutôt une aubette à journaux, pour un sous-marinier c’est le toit de son bateau, et pour un gars du cirque c’est le dessus de sa tente. Fais une fois le ménage là-dedans, potverdekke ! Nous autres (nosotros pour les Ibères) on dit un kiosque contre un pavillon rond, ouvert de tous les côtés, où tu trouves une fanfare qui joue des airs de monsieur Brahms ou de monsieur Offenbach. Tu me diras que c’est du tagada tsoin-tsoin et que ça date du temps des cavernes, et tu auras (presque) raison. N’empêche que de ce temps-là, les gens prenaient une heure pour écouter de la musique parfois pas très juste, parfois avec un couac solide, ils s’asseyaient sur les chaises à louer devant le kiosque et ils regardaient et écoutaient les musiciens. C’était pas le dernier MP3 de Les dits Gaga mixé et remixé que tu croirais une sauce Dugléré, non, c’était ce qu’on appelle aujourd’hui du « life ». Et quand Prosper le trompettiste soufflait un coup de travers, ça faisait d’autant plus vrai. Là je sens que tu vas me dire que le monde virtuel est plus joli, plus parfait. C’est comme ça que j’ai dur avec le temps moderne, tu vois ? Quand Gabin donnait une mott (gifle) à un peï, tu la sentais toi-même et ta joue rougissait, fieu. Brute Gillis lui, il envoie une chiquenaude et le peï fait une cabriole de cinq mètres en arrière. Et je te parle pas de Stuck Nogis qui fait des bonds de kangourou pour distribuer des baffes. Et tu veux que je crois ça ? Là tiens, à ton nez brodé ! Ça va, je sais que je m’éloigne des kiosques, mais tu vois, je sais pas me retenir, et je distribue aussi des mornifles (och erme, ça tu captes pas : c’est des gnons) virtuelles dans mes chroniques. Donc on écoutait les danses hongroises de monsieur Dvorak, assis sur un pliant loué, sous la frondaison des hêtres séculaires du parc de Warande (oué ça non plus tu connais pas : c’est le parc de Bruxelles, celui qui se trouve devant le palais du king, comme disent les Argentins quand ils parlent anglais). Et quand Prosper soufflait de travers, on sifflait et il savait tout de suite qu’il avait fait une fausse note. Essaie un peu de faire ça avec le dernier tube de Mikaka sur Youtube ! D’ailleurs, il risque pas car il recommence soixante-deux fois son truc si c’est nécessaire, pour arriver à le faire bien virtuel, donc sans faute. Prosper, lui, n’avait qu’à bien jouer du premier coup, arra ! La modernité a voulu que tous les kiosques soient démontés car ils étaient dans le chemin d’un parking, d’une galerie commerciale ou d’un HLM d’Étrimo. Car tu le sais pas, mais il y en avait partout, des kiosques, avec des musiqueurs à l’intérieur et des chaises à louer pliantes tout autour, et ils jouaient tous les dimanches pour les gens en goguette. Aujourd’hui tu parques ta BM sur la place de Prosper et tu vas regarder une série débile à la télé. C’est ça, l’évolution de l’espèce. Dans le parc de Bruxelles, il y en a encore un et parfois, il sert. C'est-à-dire qu’il y a des courageux qui osent encore jouer de leur instrument en public, ayant juste répété quelques fois avant de se lancer. C’est souvent du « Scheile sloegd af » (du gros lourd) mais ça fait plaisir aux vieux croums comme moi. Pas que je sois contemporain de messieurs Dvorak ou Brahms, pas même de Jules Destrée ou de Jean Jaurès, mais quand ces braves gens entament « La pie voleuse » de Rossini, je m’imagine en pleine Belle Époque, avec des omnibus sur la rue royale et j’entends presque le frou-frou des crinolines. Tu vas encore me croire nostalgique, réac, mais j’ai quand même la conviction qu’en un temps où on considère que coller un tracteur aplati au plafond d’un musée c’est de l’art, on est drôlement sur une voie de garage. Si tu vis dans une « réalité virtuelle » sans plus savoir le comment du pourquoi, c’est que, ou bien tu es complètement louf, ou alors on t’a mis des œillères pires qu’à une jument rétive. Juste un dernier petit truc avant de te laisser tranquille, c’est le « la ». J’adore ce moment dans un concert. Juste avant que le chef n’apparaisse, les instrumentistes accordent leur bidule. Le premier violon donne un « la » et les autres penchent l’oreille sur leur truc et tournent les manettes. Même le peï des timbales fait ça ! Moi, à chaque fois, je me demande comment ils font pour entendre rien que le « la » de référence et celui de leur propre instrument, dans cette cacophonie. Voilà j’ai tout dit. La prochaine fois je te parle du tram. NOTE : Rappelle-toi que je n’ai rien contre Brute Gillis, Stuck Nogis et Mikaka, je les connais même pas. Georges Roland (Retrouvez les romans bruxellois de Georges Roland sur www.georges-roland.com)


RENCONTRE : GAËTAN FAUCER Gaëtan Faucer, né le 31 décembre 1975 à Bruxelles, a le vent en poupe. Dramaturge, poète, nouvelliste et aphoriste, il multiplie les publications. Les comptes rendus de ses ouvrages fusent et témoignent de son parcours florissant. Gaëtan est avant tout un passionné. L'écriture est sa raison d'être et la création littéraire est pour lui une seconde nature, un besoin vital. A l'âge de 16 ans, alors que ses camarades de classe découvrent le cinéma contemporain, Gaëtan est émerveillé par Gérard Philippe. Cet acteur et comédien français, vedette de l'après-guerre, va le fasciner et l'emmener naturellement vers l'univers théâtral. Et Gaëtan ne s'arrêtera plus. Il va de découvertes en découvertes, en passant par les plus grands tels que Musset, Balzac, Suskind, Molière, Victor Hugo, Jean Cocteau, Jean Marais, Sacha Guitry et tant d'autres qui sont source d'inspiration pour lui. Sa soif d'écriture est à son apogée. Fortement inspiré par la poésie il jongle avec les vers sous toutes leurs formes. Il écrit de nombreuses saynètes et aphorismes. Ses écrits commencent à se faire remarquer et ses professeurs lui demandent de rédiger une pièce qui sera mise en scène à l'école de théâtre, pour la clôture des 3 années d'étude des arts de la scène. A 21 ans, Gaëtan est fraîchement diplômé et s'investit de plus en plus dans sa troupe de théâtre, pour laquelle il écrit de nombreuses pièces qui sont jouées en différents lieux de la capitale. Il est avide de lecture et dévore plusieurs livres par semaine ! A 24 ans, il a déjà une cinquantaine de pièces à son actif et a été publié dans une dizaine de revues de poésie. L'écriture de sa première grande pièce à deux personnages, "Situations Équivoques", se termine. Il crée un blog où il poste environ 200 poèmes afin de les partager. Il collabore également avec des comédiens du conservatoire et le conservatoire l'emmène dans l'univers de la musique classique qui va devenir son autre passion. Il écrit en écoutant Bach, Chopin, de Bussy, Rachmaninov et bien d'autres encore. Il reste un passionné de cinéma, surtout celui de l'entre-deux guerres. Il découvre le cinéma muet avec Keaton et Chaplin. En 2009, Gaëtan reçoit son premier prix, et pas le moindre, à la maison de la poésie de Namur. Il est plus motivé et passionné que jamais et enchaîne pièce sur pièce : OFF (2011, éd.Chloé des Lys), Poèmes pour nos lendemains (collectif, 2012, éd. Novelas), Sous le Pont (2012, éd.Novelas), La Nuit des Fauves (co-auteur, 2012), Divines soirées (2013, éd.Novelas), Le Noctambule (2013, éd.Edilivre). Il arrive à un tournant important de son écriture avec Notre Saint Valentin, qu'il écrit et publie en 2014 (éd. Brumerges). Il va rencontrer un franc succès en montant cette pièce dans divers lieux théâtraux et culturels bruxellois mais aussi en Wallonie. Il enchaîne rapidement avec « L'héritage » qui rencontrera le même succès sur les planches (2017, éd. L'Arlésienne) ainsi qu'avec Palindrome (2016, L'Harmattan), « Soeur sous X » (2016) et « Chloé ou les origines du mâle » (2015). Et citons encore : Le Noir me va si bien (aphorismes, 2015, éd. Novelas), « Délices et caprices poétiques » (collectif, 2016, Novelas), « Faces et Cie » (aphorismes, 2017, Edilivres), La Clepsydre et le sablier (2017, collectif, éd.Novelas), « La Triangulation » (2018, éd. Bernardiennes) Il publie, en 2017, « Le sourire de Rodin » (éd. Spinelle). Cette dernière sera prochainement montée sur les planches. En attendant d’aller applaudir une de ses pièces, retrouvez Gaëtan sur : https://www.babelio.com/auteur/Gatan-Faucer/298287 Silvana Minchella

PORTRAIT SUCCINCT DE NOTRE RÉDACTRICE SILVANA MINCHELLA Silvana Minchella est née dans un petit village du sud de l’Italie. Enfant unique et sans autre distraction que les éléments de la nature, son imagination l’a nourrie avec une rare fécondité. Etablie à Bruxelles, elle a rédigé onze ouvrages et a participé à de nombreux collectifs. « Angela », son dernier roman est toujours disponible en librairie et raconte un récit qui se déroule dans un village où sévissent la sorcellerie et les superstitions. Une nuit de pleine lune, un enfant vient au monde. L’aventure peut débuter !


LE CARNET & LES INSTANTS : NOS LETTRES VIVENT ! “...Autant de lieux qui font sortir la littérature des livres, pour la donner à voir, à entendre, à toucher. Pour rassembler autour d’elle. L’enjeu est de taille : il s’agit de transmettre, autrement, le goût de la lecture et de ses voyages imaginaires.”, la magnifique conclusion de l’éditorial “Lieux et Livres” du N°203 du périodique “Le Carnet & Les Instants”, auteur de l’article et rédactrice en chef du Carnet : Nausicaa Dewez, éditeur responsable : Nadine Vanwelkenhuyzen. Les livres en d’autres lieux ? Bien réels et physiques comme les librairies, les bibliothèques, les maisons d’écrivain et les centres culturels notamment. “Le Carnet & Les Instants” ? Revue de promotion des auteurs belges francophones publiée trimestriellement par la Direction des Lettres du ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a pour mission d’aider à la création, à l’édition et à la diffusion de nos ouvrages, ce périodique de belle facture est le reflet des moments les plus significatifs de la vie de nos Lettres et il peut s’enorgueillir de la contribution à sa rédaction et à son aura de collaborateurs de qualité, citons Véronique Bergen, Rony Demaeseneer, Fanny Deschamps, Daniel Laroche, Christian Libens, Christophe Meurée, Alexandre Oury, Anne-Lise Remacle et Michel Torrekens, mais il y en a d’autres encore et non des moindres. Que trouvons-nous précisément dans cette revue de haute teneur ? En introduction, l’éditorial de Nausicaa Dewez nous conduit invariablement au cœur des choses, de nos Lettres, “Lieux et livres” (N°203), “Le livre du futur” (N°202), “Faiseurs de roi” (N°201) sont autant de titres accrocheurs pour des articles élaborés qui éveillent sans conteste la curiosité; suivent de nombreuses rubriques, diversifiées, au contenu toujours en lien avec l’actualité du moment, dont nous livrons ci-après un aperçu qui est loin d’être exhaustif. Dernièrement, “A la Une” du Carnet ont été présentés Jean-Pierre Orban, Adeline Dieudonné et les Maisons d’écrivain, Thomas Lavachery dans la rubrique “Les Prix littéraires” et en “Evénement” les trente ans de poésie de Tétraslyre; notons également de belles rencontres et entretiens avec Rik Hemmerijckx, conservateur du musée Verhaeren, Antoine Wauters, Benoît Peeters et François Schuiten, des visites de bibliothèques d’auteurs, celles de Joseph Ndwaniyé et de Corinne Hoex, du côté Patrimoine la Correspondance Sollers-Rolin, de la littérature en lieux, les librairie et édition CFC, et les rendez-vous de La Luzerne notamment. L’hommage à Elisa Brune nous a émus tandis qu’en rubrique “Edition”, nous avons pu découvrir la collection Opuscule des éditions Lamiroy et les Eléments de langage; les portraits hauts en couleur de Rossano Rosi et Geneviève Casterman, les Instantanés des AML sur Maeterlinck et Henry Bauchau entre autres, l’écriture raffinée de Marcel Moreau, les Vues d’ailleurs sur la Maison Camille et Paul Claudel ainsi que le parcours de Yves Namur, poète et éditeur, sont d’autres étapes, instants qui parsèment ou émaillent le Carnet, instants captivants qui rendent compte de la vie animée et parfois bien pétillante de nos Lettres. Vie...ce petit mot à lui seul prouve qu’en Belgique nous ne sommes ni ne restons lettres mortes, le Carnet et ses Instants témoignent de la richesse et de l’éclat de notre patrimoine littéraire. Notre sphère Lettres n’a point dit son dernier mot, l’évidence-même ! Thierry-Marie Delaunois


CINÉMA : WARDI Film d’animation de Mats Grorud, avec les voix de Pauline Ziadé, Saïd Amadis, Raymond Hosni et Aïssa Maïga. Norvège-FranceSuède 2018, 80 min. Sortie le 18 septembre. Résumé du film – Camp de Burj el-Barajneh à Beyrouth aujourd’hui. Le vieux Sidi, l’aïeul de la famille, se rappelle les couleurs, les odeurs des fleurs de sa terre natale en Galilée avant que ne débute la Nakba, la catastrophe qui les chassa en 1948. Il ne se souvient plus de leurs noms, mais il a encore en tête, au fond des narines, leurs parfums suaves qu’il voudrait transmettre à son arrière-petite-fille Wardi, 11 ans. Bonne élève, la fillette le presse de questions sur cette catastrophe qui a eu lieu voici longtemps et que les Palestiniens fêtent chaque année. Commentaire – Ce film d’animation avec marionnettes nous raconte l’exode palestinien commencé en mai 1948, lorsque l’Etat d’Israël vit le jour. Expulsés de leurs terres, 700 000 hommes, femmes et enfants furent contraints de se réfugier dans les pays limitrophes : au Liban, en Egypte, en Syrie et en Jordanie. Ce film, sous la forme de marionnettes animées, nous plonge au cœur d’un camp de réfugiés près de Beyrouth. Il nous conte l’histoire de ces réfugiés avec des mots simples et poignants. Des mots de tous les jours, baignés d’une musique nostalgique. Nous vivons leur espoir et leur détresse quand, au fil des décennies, ils se sont vus peu à peu enracinés dans ces camps où l’éphémère est devenu leur vie à tout jamais. Leur lot quotidien de misères soumises à la concentration (le temps passant, ils ont dû construire en hauteur pour loger les nouvelles générations, le périmètre du camp restant le même). La mère de Mats Grorud a été infirmière au Liban pendant la guerre, dans les années 1980 où Israël a occupé le sud du pays. Touché par ce qu’elle lui a raconté, le réalisateur norvégien s’est à son tour rendu dans des camps de réfugiés palestiniens pour écrire un récit très fortement ancré dans la réalité. Il s’est longuement documenté pour mettre en image cette histoire qui nous touche tous, et pas seulement les enfants. Son film met en scène une fillette et son aïeul parvenu au terme de la vie, qui lui remet la clé de sa maison en Galilée, dont il a été expulsé. Présenté au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2018, Wardi marie astucieusement la technique de la 2 D, moins coûteuse, à celle des marionnettes que pratique le réalisateur avec brio. On s’attache aux pas de Wardi et de son aïeul qui lui transmet les valeurs fondamentales de la vie. Grâce à Sidi, notre petite héroïne fait le tour de la famille et découvre ses racines et la richesse de son passé mis sous geôle. Avec les photos réelles qui ponctuent les scènes, on est plongé au cœur de l’histoire de ces réfugiés. Mais la poésie n’est jamais bien loin pour nous soutirer un sourire, voire un clin d’œil complice. La musique nostalgique que signe Nathanaël Bergèse n’y est pas étrangère. Avis – Pour petits et grands, petit bijou animé sur la cause palestinienne, avec la poésie en plus. Michel Lequeux


CINÉMA : LA FERME CONTRE-ATTAQUE Film d’animation de Will Becher et Richard Phelan, avec les voix de Justin Fletcher, Amalia Vitale et John Sparker. France et Royaume-Uni 2019, 90 min. Sortie le 16 octobre. Résumé du film – Un vaisseau spatial s’est écrasé près de la ferme de Shaun le mouton. A son bord, une délicieuse petite créature bleue nommée Lu-La. Avec ses pouvoirs surnaturels, son goût pour l’aventure et ses rots venus d’un autre monde, elle est immédiatement adoptée par le troupeau dont elle imite à la perfection les cris. Mais lorsque les chasseurs de soucoupes volantes se lancent à sa poursuite, bien décidés à capturer la petite Alien, la ferme contre-attaque. Shaun et le troupeau vont tout faire pour aider Lu-La à regagner sa planète d’origine. Commentaire – Quatre ans après le film tiré de la série télévisée d’animation britannique, Shaun le mouton nous revient dans cet épisode intergalactique hérité d’E.T. Le troupeau va mettre tout en œuvre pour sauver une petite Alien facétieuse des mains des chasseurs de soucoupes volantes qui la recherchent. La ferme contreattaque fait donc suite au film de Mark Burton et Richard Starzack réalisé en 2015 pour les studios britanniques d’animation Aardman. La technique d’animation employée ici, avec des marionnettes, est l’animation en volume 3 D déjà utilisée pour la série télévisée et pour la plupart des précédents films des studios Aardman. Les personnages sont des figurines dotées de squelettes métalliques plus ou moins élaborés, qui sont déplacées entre chaque plan pour filmer les scènes image par image. Le passage de Shaun au grand écran appelle des différences par rapport à la télévision. Les décors sont ainsi plus grands et ils sont divisés en de nombreux éléments amovibles pour faciliter l’accès des animateurs au plateau de tournage. Ceux-ci détaillent davantage les personnages, en particulier leurs expressions faciales avec les regards ou la bouche. Comme les épisodes de la série, le film ne comprend aucun dialogue articulé : les personnages s’expriment par cris d’animaux ou par grognements et syllabes inintelligibles, ce qui implique de faire comprendre l’intrigue et les émotions par d’autres moyens, principalement l’animation elle-même, la réalisation et la musique (Le beau Danube bleu par exemple). Will Becher, un des deux réalisateurs, était déjà l’animateur de Shaun le mouton et l’on retrouve sa technique dans l’animation des marionnettes. Par le jeu des dessins, on finira par comprendre pourquoi l’agente en gris qui a pris la succession de Trumper, l’agent de la fourrière dans le premier film, poursuit aussi assidument la petite Alien : elle-même avait dessiné, enfant, la soucoupe volante qu’elle avait vue et que personne n’avait voulu prendre au sérieux. Elle est ainsi devenue une chasseuse d’OVNI. Les images sont nerveuses et s’enchaînent bien. Mais il faut les interpréter. Avis – Un peu long et pas toujours intelligible pour accrocher le jeune spectateur, mais nourri par les références à l’E.T. de Spielberg. Si vous avez envie de vous y accrocher. Michel Lequeux


CINÉMA : DONNE-MOI DES AILES Film d’aventures de Nicolas Vanier, avec Jean-Paul Rouve, Louis Vazquez, Mélanie Doutey, Lilou Fogli et Frédéric Saurel. Coproduction franco-norvégienne 2019, 113 min. Sortie le 23 octobre. Résumé du film – Christian Le Tallec est un ornithologue visionnaire, spécialiste des oies sauvages. Pour son jeune fils Thomas, obnubilé par les jeux vidéo, venir passer ses vacances chez lui, en Camargue, est un véritable supplice. Il va pourtant se rapprocher de son père et de son projet fou : sauver une espèce d’oies menacées en guidant leur migration à bord d’un ULM. C’est le début d’un incroyable et périlleux voyage à travers la Scandinavie, vers le cercle polaire d’où émigrent chaque année les oies sauvages. Commentaire – On apprend plein de choses dans ce beau film d’aventures qui nous fait survoler la Norvège où il a été en partie tourné. On y découvre les flux migratoires des oiseaux, la protection de la nature, l’imprégnation qui consiste pour les oies naines à s’attacher à la première personne qu’elles ont vue en quittant l’œuf. Ou encore la beauté des paysages naturels que l’on parcourt à bord d’un ULM. Le réalisateur Nicolas Vanier, lui-même écrivain et aventurier, a mis en images son propre livre qu’il a publié en 2019, en s’inspirant d’une histoire vraie, celle de Christian Moullec, l’homme qui a volé avec les oies. Réalisateur de Belle et Sébastien (2013) et de l’Odyssée sauvage (2014), il est l’auteur de plus de trente récits d’aventures, où il nous raconte sa passion des voyages dans les régions de l’Arctique sur un traîneau tiré par des chiens. Le film s’inspire aussi du Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, qui fournira à Thomas le nom de son oie préférée, Akka. Ce conte pour enfants est cité à plusieurs reprises dans le film. Le tournage a commencé en Camargue, notamment à Grau-du-Roi, début juin 2018. Mais suite à la destruction de cinq cents œufs de flamants roses à cause du passage de l’ULM à basse altitude pour effectuer des repérages, l’équipe a dû déménager en baie de Somme, dans les marais au bord de l’Oise, puis finalement en Norvège où nous suivons l’itinéraire des oies. L’ornithologue visionnaire est campé par Jean-Paul Rouve, qui s’est révélé dans la série des trois Tuche. Il a prêté sa voix à la girafe dans les trois Madagascar et il est le réalisateur de Lola et ses frères (2018). Son sourire est beau à voir quand il voit reparaître les oies naines au bout de l’horizon polaire. Quant à son jeune fils Thomas, c’est lui qui pilote l’aéronef au-dessus de la mer du Nord, au plus fort de la tempête, en entraînant les vingt oies à sa suite. Louis Vasquez, encore novice mais bourré de talents, est tout simplement épatant dans son rôle de jeune héros téméraire, qui brave les lois et s’accroche à ses oies. Très belles images de ces oies volant autour de l’ULM dans le ciel de la Norvège. Avis – Un beau film écologique qui milite pour la défense des 490 000 oiseaux disparus au cours des dernières années. « Nous ne donnons pas le monde à nos enfants, nous ne faisons que le leur emprunter », dit le proverbe indien cité dans le générique final. Michel Lequeux


CINÉMA : NOTRE DAME Comédie sentimentale de et avec Valérie Donzelli, Pierre Deladonchamps, Thomas Scimeca, Bouli Lanners et Virginie Ledoyen. France 2019, 95 min. Sortie indéterminée. Résumé du film – Elle n’avait pas prévu d’héberger son ex-mari largué par sa petite amie, de tomber enceinte de lui et de rencontrer en même temps un ancien amour de jeunesse dans cet attaché de presse dépêché par la mairie de Paris. Car Maud Crayon, nom de cette architecte décoratrice, vient de remporter le concours du réaménagement du parvis de Notre Dame sous la forme d’un phallus en érection, prêt à éjaculer, qui servira de bouche de métro en face de la cathédrale. Un scandale qui fait grincer beaucoup de dents, notamment celles de son patron maghrébin, outré par cette abomination artistique. Les fidèles catholiques lui emboitent le pas en chantant « plus près de toi, Mon Dieu ». Commentaire – Terminée avant que n’éclate l’incendie de Notre Dame à Paris en avril dernier, cette comédie féministe de Valérie Donzelli s’inspire des films de Jacques Tati avec un personnage qui n’arrête pas d’enfiler les bourdes, voire les échecs, au fil des scènes. A la fois dans sa vie privée, où Maud collectionne les amours du passé qu’elle conjugue, et dans sa vie professionnelle où elle se met tout Paris à dos en déposant le projet d’une obscénité artistique. Mais Eiffel n’avait pas fait mieux avec sa Tour qui avait choqué les mentalités à l’époque. La force de cette comédie, c’est de mobiliser les esprits sur l’artistiquement correct. Sa faiblesse, c’est de le faire à travers un scénario où il ne se passe pratiquement rien, sinon le va-et-vient d’une femme tiraillée entre les deux amours de sa jeunesse, ponctués par son projet fou que la bourrasque emporte jusqu’à la mairie par un heureux hasard. Cette magie du hasard baigne tout le film et lui donne un air féerique. Comme lorsque la maquette de Maud survole les toits de Paris et que la neige fait atterrir sur le bureau de la mairesse subjuguée. Ou lorsqu’un accident chimique se révèle être un doux parfum rose qui s’est évaporé d’une fabrique après avoir mis la ville c’en dessus dessous. Ou encore lorsque l’attaché de presse prend la place de l’avocate décédée brutalement au tribunal, pour défendre les idées révolutionnaires de Maud dont il est toujours amoureux. Tout cela est drôle, léger, charmant, pétillant, mais le tout, il faut l’avouer, reste superficiel sous les intertitres du cinéma muet chers à Tati en mal de dialogues. La cheville ouvrière de Notre Dame est Valérie Donzelli, réalisatrice, scénariste et actrice, très proche de son personnage par sa formation initiale d’architecte et par sa vie privée (elle a eu trois enfants, comme dans le film, le dernier étant de père inconnu). Réalisatrice du clip de campagne de Benoît Hamon pour l’élection présidentielle, elle a signé cinq longs-métrages, dont La Guerre est déclarée en 2011, qui conte les difficultés d’un couple pour sauver leur petit garçon atteint d’une tumeur au cerveau. Couple interprété par Valérie Donzelli et son compagnon Jérémie Elkaïm, devenu entretemps son ex comme dans le film, qui racontent leur propre histoire. Notre Dame a été présenté au Festival du Film francophone de Namur en avant-première. Avis – Une comédie féministe où domine la légèreté inspirée de Tati. Et le paradoxe aussi : le sexe en érection face à Notre Dame pose la question de l’artistiquement correct à travers une femme en pleine ébullition sentimentale. Féministe, disions-nous. Michel Lequeux


CD NEWS : NEUF VIES DE FEMME Isabelle Rigaux est une auteure-compositrice-interprète que je suis depuis de nombreuses années. Fascination qui remonte à l’époque où je collaborais au mensuel « Bravo Uccle », alors mené de main-de-maître par Hervé Gérard, passé depuis à la tête des éditions Avant-Propos et directeur de la Foire du Livre. Je me souviens avoir annoncé la sortie du CD « La messe de Popayan », accompagné d’un mystique « Ave Maria », œuvre révélatrice et qui m’a, par la suite, amené à me procurer la comédie musicale « Thyl Ulenspiegel » et l’album de chansons intitulé « Déposer des larmes ». Ne pas faire l’éloge d’une artiste de cette trempe relève du sacrilège, d’autant plus qu’elle vit chez nous (à Uccle) et se produit sans grande aide des médias. Un comble pour celle qui a remporté le Premier prix « Découvertes francophones » en 1980 à Montréal avec sa chanson « Un piano sur le rivage », qui peut se targuer d’avoir été administratrice de la Promotion Artistique Belge de la SABAM, directrice du Centre culturel d’Uccle et soutien de nombreux talents de notre région. Alors, découvrir un nouvel enregistrement de ses compositions et de reprises de standards sélectionnés dans le répertoire intemporel de la chanson française tient du régal pur. Le seul challenge consistait à réunir quinze titres qui puissent parler à la sensibilité de l’auditeur, sans sombrer dans les clichés, privilégiant la beauté des mélodies et la poésie des textes. Aucun risque de se fourvoyer puisque, de nouveau, le bon goût se conjugue à la qualité vocale de l’interprétation. Par choix, autant pour mettre en évidence la musicalité des mélodies que son timbre cristallin, Isabelle Rigaux a préféré une instrumentation qui se limite au clavier d’un piano caressé par Philippe Decock plutôt qu’à la puissance d’un orchestre complet. L’album « Neuf vies de femme » s’ouvre sur l’archiconnu « Isabelle » de Jacques Brel pour, bien vite, embrayer sur des titres beaucoup plus personnels, écrits afin de laisser poindre l’émotion, tirer des larmes ou offrir des instantanés qui sollicitent le bonheur d’aimer, d’être aimé ou de se retrouver en compagnie d’amies et d’amis dans un cadre chaleureux. « Ferdinand, Emile ou Victor », « Mine d’épagneul », « Du bout de son crayon », « Un piano sur le rivage » : voilà le sommet de l’iceberg ! Entre plusieurs morceaux noircis sur les portées de l’artiste, on peut (re)découvrir, parmi quelques autres, « Insolente et infidèle » (Romain Didier), « Drouot » (Barbara), « Le plus fort, c’est mon père » (Lynda Lemay), « Chanson pour Marylin » (Claude Nougaro »), « Lily » (Pierre Perret), etc. Certes une madeleine de Proust, mais avant tout un disque plein d’enchantement, toujours à-propos et conçu pour passer une soirée délicieuse en présence d’un chandelier en argent massif et d’une bouteille de champagne. Voyez davantage de détails sur le site www.isabellerigaux.com Daniel Bastié

LES MYSTÈRES DE LARISPEM, TOME I La révolution de 1871 a transformé Paris en Cité-Etat qui a pris le nom de Larispem. Les années se sont écoulées et sous l’impulsion de Jules Verne, la métropole se trouve à la pointe de la technologie. Une organisation terroriste menace l’esprit de concorde qui règne ici. Saisis dans la tourmente d’attentats répétés, trois jeunes n’ont pas d’autre alternative que de faire face. Leur destin se voit irrémédiablement chamboulé par une actualité pressante. Lucie PierratPajot est née à Nevers en 1986 et travaille aujourd’hui comme professeure-documentaliste. Son manuscrit a été retenu par les Editions Gallimard pour la force du récit, le charisme de ses personnages et la mise en place d’un monde qui bouscule l’Histoire telle qu’elle est racontée dans les livres scolaires. Mieux, elle fait intervenir des personnages ayant réellement existé pour les bousculer dans le ronron et les doter d’un rôle purement fictif. Outre l’attrait d’une aventure explosive, elle offre plus de trois cents pages de fureur, d’amitié et de suspense, auxquelles s’ajoute une quête initiatique. Les épreuves aident à grandir et la fraternité scelle des liens solides. Deux autres tomes ont déjà été écrits et devraient prochainement faire l’objet d’une publication. A suivre, donc ! Ed. Gallimard Jeunesse (Poche) – 316 pages Sam Mas


VERAX Après les attentats du 11 septembre 2001, le monde entre dans une nouvelle ère : celle de la fin des certitudes, de la guerre à distance, de la dissimulation, des complots et de la radicalisation de la pensée. Les États se trouvent acculés, prêts à actionner d’énormes moyens, à mettre en veilleuse les socles de la démocratie, capables de se parjurer autant que de lancer une offensive militaire pour défendre des intérêts parfois discutables. Face aux pontes des nations se dressent des lanceurs d’alerte, des anonymes qui suivent leur conscience et dénoncent ce qui ne devrait pas être. Pratap Chatterjee et Khalil Bendid proposent une bédé qui revient sur ces personnes responsables et se basent sur des faits réels pour brosser un panorama de la citoyenneté dans ce qu’elle possède d’exemplaire. Quelques noms se mettent naturellement en exergue : Julian Assange, Laura Potras, Edward Snowden et, parmi quelques autres, Glen Greenwald qui ont eu énormément à perdre pour ne rien gagner. Dans la dernière partie de cet album, le duo imagine le futur de la surveillance électronique, de la guerre et le destin de ceux qui résistent. Comme il s’agit d’un livre aussi récréatif qu’engagé, le rythme a été boosté par un graphisme réaliste, des phylactères qui vont à l’essentiel et la volonté de réveiller les consciences. « Verax », pseudonyme d’Edward Snowden, signifie « Celui qui dit la vérité ». Ed. Les Arènes – 240 pages André Metzinger

LA TERRE INVISIBLE Nous en sommes en 1945, après la débâcle nazie. Les alliés ont pris possession des terres occupées encore hier par les troupes de la Wehrmacht. Les cadavres ont été inhumés et les villages qui se dressaient fièrement n’ont plus grand-chose à voir avoir le lustre passé, écrasés sous les bombes et pleurant leurs morts. Dans ce contexte particulier, un photographe de guerre peine à rentrer en Angleterre, hanté par les images de la libération d’un camp de concentration à laquelle il a assisté. Quelque chose en lui entrave ses pas. Il aimerait comprendre pour quelles raisons des citoyens lambda ont laissé commettre l’innommable. Savaient-ils ? Encourageaient-ils ces dérives ? Se renfrognaient-ils dans la passivité, par crainte, par aveuglement ou par fanatisme ? Au fil de ses pérégrinations, il saisit des clichés de femmes et d’hommes maintenant confrontés à l’évidence. Un jeune soldat, qui a échappé au feu du front, l’emmène à bord d’un véhicule réquisitionné et le balade d’un coin à l’autre du pays. Secrètement, dissimule-t-il, lui aussi, une blessure ? Hubert Mingarelli signe un récit qui s’ancre dans l’Histoire et qui revient sur l’une des pires tragédies du XXe siècle. Si toutes les guerres sont terribles, celle-ci l’a été particulièrement, transformant l’être humain en machine à tuer et prompt à créer des usines pour exterminer ses semblables. Ed. Buchet-Chastel – 192 pages Daniel Bastié


LA GRANDE ESCAPADE Le premier choc pétrolier fait l’effet d’un cataclysme un peu partout dans le monde, ébranle les certitudes et appelle à une modification des comportements. C’est aussi une époque qui secoue les mentalités, avec la revendication de droits nouveaux. Le MLF se créé, la mixité s’impose dans les cours d’école et les mamans se mettent en quête d’un emploi. Le profil de la société mue et les adultes comme les jeunes accusent le coup. « La grande escapade » raconte l’enfance et ces maîtres qui dispensaient un savoir depuis l’estrade face à un tableau noir. En agitant les grelots de l’humour, Jean-Philippe Blondel signe une chronique jamais surannée et jamais méchante qui revient sur les années 70 et la société d’alors, avec Raymond Barre qui devient premier ministre et les mentalités qui évoluent à une vitesse exponentielle. Naturellement, personne n’est épargné par ce vent nouveau qui gonfle les voiles de chaque foyer. Dans cette ambiance et ce décor, l’auteur suit à la trace le destin de quelques familles saisies dans les bras du quotidien, avec un cortège de bonheurs et de malheurs, du rire et des larmes, de la joie et de la tristesse. Voilà un roman qui nous incite à faire le tour du propriétaire du monde d’hier. Ah, nostalgie ! Ed. Buchet-Chastel – 270 pages Daniel Bastié

I.A. LA PLUS GRANDE MUTATION DE L’HISTOIRE On en parle énormément sans vraiment savoir ce qu’elle est. Intelligence Artificielle, voilà une étiquette qui, pour certains, relève du domaine de la science-fiction, alors qu’elle se bouscule à nos portes. La course à l’innovation encouragée par les entrepreneurs pousse le monde scientifique à exceller et à aller toujours de l’avant. Kai-Fu Lee, chercheur en informatique dans la Silicon Valley, puis président de Google China, démontre à quel point l’I.A. va modifier nos comportements et notre relation avec le monde du travail. En privilégiant les individus les plus adaptables et les plus créatifs, il suggère d’utiliser les ressources financières pour générer de nouveaux métiers et soutenir les activités qui seront forcément irremplaçables tels que l’éducation, l’artisanat, les services aux personnes, etc. Qu’on le veuille ou non, l’Intelligence Artificielle est occupée à se déployer dans tous les secteurs de notre société. Par le truchement de chapitres brefs et accessibles, il décrit l’impact de la surenchère technologique entre les Etats-Unis et la Chine sur la vie quotidienne, le mode de consommation et le basculement des emplois vers la robotisation. L’accroissement des inégalités va faire de certains secteurs – voire de certains pays !- des sinistrés de la modernité. Si ce futur est déjà présent ci-et-là, un énorme défi est lancé aux nations. Retenir le train en route demeure une utopie. Reste à générer des paramètres pour ne pas courir à la catastrophe ! Ed. Les Arènes – 368 pages Paul Huet


POURQUOI LES ENFANTS DES PROFS REUSSISSENT MIEUX Comment expliquer ce phénomène ? Aujourd’hui, il est notoire que les étudiants, dont un des parents est enseignant, possèdent davantage de facilités que leurs condisciples installés sur les bancs d’école. Ils refont les cours à la maison, ils sont encadrés par des professionnels de l’Education nationale, ils reçoivent des leçons particulières gratis, ils baignent dans un milieu où l’étude est reine. Voilà ce qui est proféré tous azimuts ! Assurément (et les chiffres l’entérinent !), tous les gosses de profs ne sont pas des génies et ne travaillent pas comme ils le devraient. Néanmoins, il ressort de l’essai réalisé par Guillemette Faure et Louise Tourret que l’univers des études ne met pas tout le monde sur un pied d’égalité. En chapitres successifs complétés par une boîte à outils d’attitudes et de pratiques, les auteures affichent un constat frappant. Le monde de l’école est aujourd’hui devenu un microcosme et repose sur de nombreux socles que sont la confiance dans les programmes, le respect de ceux qui professent dans ce milieu, l’assiduité aux cours et le travail à domicile, avec parfois de codes ou une méthode à acquérir. Cet ouvrage n’apporte aucune panacée, mais démontre à quel point les idées préconçues endiguent le quotidien de plusieurs élèves. A contrario, il semble que les filles et fils de profs passent plus d’heures à réaliser leurs devoirs et à mémoriser leurs leçons, sont moins stressés et font confiance à maman et à papa lorsqu’il s’agit de se confronter à une matière spécifique ou à un autre prof. Pas de solutions idoines, mais quelques pistes à digérer pour, qui sait ?, les appliquer. En forme de boutade : ils connaissent l’animal prof, puisqu’ils en possèdent un chez eux ! Ed. Les Arènes – 236 pages Sam Mas

L’INCROYABLE HISTOIRE DU VIN Le vin est le fruit de la vigne, symbole d’opulence né de l’eau et du soleil. Dès les premiers écrits apparus avant notre ère, plusieurs auteurs consignent les bienfaits de cette boisson, cadeau des dieux. En Mésopotamie, en Egypte et dans la Grèce antique, il est souvent question de vin à table, lors des moments festifs et dans le cadre de cérémonies diverses. Il est assimilé au breuvage des puissants, des riches et des forts. Dix mille ans après son apparition, il continue de distiller ses effluves et d’enivrer les passions. De quelle manière expliquer un pareil engouement ? Benoist Simmat et Daniel Cassanave, œnologues face à l’Eternel, ont décidé de revenir sur cette aventure extraordinaire et de la décliner sous la forme d’un roman graphique en 2D, question d’éviter le côté scolaire pontifiant ou l’analyse soporifique. Au fil des chapitres, on franchit les siècles, verre ou bouteille à la main, passant d’une cuvée à l’autre, d’un territoire à une nouvelle région qui s’intéresse à ce nectar. Evidemment, il a été impensable d’éluder les vins bios, moteur de la consommation de certains amateurs contemporains, et les produits venus d’Afrique ou d’Asie. La mondialisation frappe depuis peu aux portes de l’Europe et propose des crûs qui n’ont pas à pâlir de leur provenance. Il s’agit ici de la première histoire en BD du vin, un choix thématique mais diablement passionnant. A votre santé ! Ed. Les Arènes – 266 pages Sam Mas


LA MORT DU VIN Le vin est un bienfait de Dieu, né de l’eau et du soleil. Certains ajouteront : du labeur des hommes ! Depuis l’Antiquité, les humains offrent des libations à la santé de Bacchus, faisant de chaque bouteille un nectar à consommer en compagnie de convives. Bien sûr, on a beaucoup épilogué sur cette boisson. Autant pour la louer que pour la comprendre. Quant à parler de la mort du vin, voilà une idée lancée par Raymond Dumay voilà trente ans et qui comparait chaque cru à une œuvre d’art ou à l’état de la société. Avant sa mort survenue en 1999, il sentait que le monde s’enlisait avec la perte des valeurs traditionnelles, une absence d’éthique de plus en plus généralisée et la mondialisation. Les gestes ancestraux sont-ils en train de s’étioler ? L’alcool de contrebande ne remplacera jamais ce qui fait la fierté des producteurs locaux et la mainmise organisée par le monde industriel n’encourage personne à applaudir le gâchis qui s’organise. Tout le monde sait que les civilisations sont mortelles et, dans leur déclin, elles emportent leur savoir-faire et leurs racines. En traçant le portrait de trois vins d’excellence (le Bourgogne, le Bordeaux et le Champagne), l’auteur s’émerveille, s’interroge et craint pour les générations futures. Au fil des pages, il parle également du vin américain, destiné à pratiquer une concurrence peu amène. Aujourd’hui, la prédiction de Raymond Dumay est-elle en train de se réaliser : celle d’une France sans honneur et sans saveur ? Si on n’y prend pas garde, c’en est fini de la tradition et quel héritage laisserons-nous à nos enfants ? Ed. La Table Ronde (Poche) – 282 pages André Metzinger

LE CHÂTEAU ABSOLU Commissaire à l’aménagement du domaine national de Chambord de 2000 à 2003, Xavier Patier y a écrit ces pages, consignant au jour le jour ses réflexions sur le château, son histoire, son administration et le portrait de ceux qui en ont franchi les portes. Quel intérêt y a-t-il à publier ce carnet ? Sans doute celui de se plonger dans un instant privilégié et de se mettre dans la peau d’un homme qui a vécu dans un lieu exceptionnel à une période précise. Aussi de découvrir le côté cour d’une institution patrimoniale et d’en relever l’un ou l’autre secret. Ecrire, c’est le risque de se dévoiler, de formuler des avis qui risqueront de blesser l’un ou l’autre, de trahir la vérité ou, au contraire, de s’y coller au plus près (trop selon certains !). C’est aussi se mettre en danger en publiant des noms propres, en se regardant dans la psyché (parfois déformante) du quotidien. On le sait, Chambord a connu un passé extrêmement prolifique, riche en personnages insignes, en péripéties et en invités prestigieux. Le lieu fait également partie des joyaux architecturaux de la République. L’aimer et le raconter revient à le faire connaître. En orfèvre, l’auteur distille ses annotations, les enrichit de croquis et revient sur tout ce qui a crépité à ses yeux, sans chichis et sans censure. Ed. La Table Ronde – 262 pages Paul Huet


LES REINS ET LES CŒURS Après avoir débuté sa carrière sur les planches, Nathalie Rheims est devenue une auteure à succès. Son parcours affiche de grands noms : filleule de l’acteur Yul Bryner, compagne du réalisateur Claude Berri, du compositeur Frédéric Botton et, entre autres, de l’éditeur Léo Scheer. Avec son dernier roman « Les reins et les cœurs », l’écrivaine raconte une année de lutte contre un mal insidieux qui a ravagé son être et qui a frappé toutes les femmes de sa famille : une maladie génétique qui attaque les reins et dont l’issue a toujours été fatale. Arrivée aux limites du supportable, elle a cru indispensable de raconter son chemin de souffrance. Sans se départir de sa plume poétique, elle se raconte en langue directe, avec une précision qui ne laisse aucun doute sur l’épreuve qu’elle traverse. Au bout du tunnel réside une flammèche qui apporte de l’espoir. La médecine a évolué et chaque jour qui passe ravive une petite lumière qui vibre. Dans la veine de la trilogie « Laissez les cendres s’envoler », « Place Colette » et « Ma vie sans toi », elle se livre sans concession et sublime son mal, opposant à la fiction son vécu. Ed. Léo Scheer – 205 pages Amélie Collard

TOMBEAU DE RAOUL DUCOURNEAU Les Ducourneau sont natifs d’un village d’Aquitaine. Le récit débute avec Raoul qui va mourir. C’est l’aîné, un paysan à l’ancienne, un homme d’une autre époque, travailleur, brutal et borné, qui a subi de face l’évolution du monde rural, de la manière d’exploiter les terres et qui a vu l’irruption de la modernité dans le travail quotidien. Autour de lui, gravite une panoplie d’individus singuliers, fiers et remplis de paradoxes. Il y a sa femme, toujours présente, et cinq enfants au caractère qui ne souhaite qu’à s’émanciper. Bien entendu, les frustrations et les envies suscitent des jalousies et de la rancune. Aux prises avec un deuil annoncé, un nouveau drame se profile. Le jeune frère bien-aimé se trouve également au seuil de la mort. Bien vite, l’atmosphère devient étouffante. A travers une fratrie, Bruno Lafourcade retrace le vécu d’une région rurale et ouvrière confrontée au nouveau siècle, coincée entre tradition et actualité. L’auteur puise ses souvenirs dans sa jeunesse et dresse un portrait rude de la France profonde, servi par des dialogues percutants et des descriptions d’une rare précision. Après « L’ivraie », il propose une incursion dans une périphérie éloignée du monde citadin et qui commence seulement à faire entendre sa voix. Ed. Léo Scheer – 150 pages Paul Huet


LE DOIGT TENDU La guerre vue à hauteur d’épaules d’enfant, voilà l’idée de départ du dernier roman de Claude Raucy. En 1941, la rentrée des classes ne ressemble à aucune autre. Les troupes allemandes se sont emparées de la moitié de l’Europe et la Belgique, comme les autres pays conquis, fléchit la nuque pour ne pas afficher la honte de ne pas avoir su résister militairement au rouleau-compresseur nazi. Face à l’impensable, la vie continue à s’organiser, émaillée de petits comme de grands aménagements. La résistance s’organise dans l’ombre, plusieurs citoyens choisissent l’incivilité aux nouvelles lois imposées depuis Berlin, la traque aux Juifs se met en place. Du haut de ses treize ans, Pierre est confronté à une situation qui bouleverse son quotidien. Jusque-là, être juif ne représentait pas grand-chose à ses yeux. Une étiquette … sans plus ! Maintenant, cette appartenance lui éclate en plein visage. Pour échapper aux rafles, ses parents l’envoient à la campagne, chez des connaissances. Il y coule des semaines heureuses et y rencontre Jacques Néanmoins, cette parenthèse enchantée ne s’éternise pas, car ce dernier le dénonce à la Gestapo. Il est amené à fuir. Avec ce roman jeunesse, l’auteur met le doigt sur une période extrêmement sombre de notre civilisation et pointe le XXe siècle qui s’est singularisé par l’un des pires génocides de l’Histoire. Il s’agit d’un ouvrage jeunesse qui s’éloigne des manuels scolaires et qui fait entrer le lecteur dans le quotidien d’un garçon broyé par les événements. Le titre fait référence à ce doigt tendu par celui qu’on croyait être un ami et qui trahit. Au fil des pages, il apparaît que rien n’est finalement complètement blanc ni noir. Ed. Mijade - 190 pages Daniel Bastié

LE LIVRE LE PLUS NUL DE LA BIBLIOTHÈQUE S’agit-il d’un avertissement ou d’un titre racoleur ? A chacun de juger. Nicolas Ancion propose une succession de récits courts qui brassent tous azimuts. Des textes drôles, impertinents ou qui relatent des situations ordinaires. Un jour, une prof a demandé à un gamin de lire un ouvrage imposé. La première question du principal intéressé a été celle-ci : « Il fait combien de pages ? ». Un critère important pour un gosse qui n’aime pas la lecture et qui la subit comme une punition. Fort vite naît l’idée qu’il devra affronter le livre le plus nul de tous les livres, le plus nul de toute la bibliothèque. Naturellement, tout dépend des goûts et des couleurs. Nicolas Ancion est spécialisé depuis plusieurs années en littérature jeunesse et titulaire de nombreux prix. Ses récits se caractérisent par des trouvailles originales, un ton sympathique et un tempo qui scande l’action. Comme tous ses ouvrages précédents, « Le livre le plus nul de la bibliothèque » bénéficie d’un rythme énergique et colle parfaitement aux préoccupations des jeunes lecteurs. Chaque histoire courte est narrée sur le ton de la fable, sans chichis et avec efficacité. Avec un joli sens de l’observation, il brosse des instantanés qui font mouche et qu’il saupoudre de poésie. Ed. Mijade – 218 pages Daniel Bastié


ZEUS, LES J.O. ET LE TRICHEUR Assister aux Jeux Olympiques est le rêve de tous les enfants grecs. Cette année avant notre ère, l’été est redoutable et les avis vont bon train concernant les futurs champions. Des noms fusent et les esprits s’échauffent. Théo et Mélia sont transportés de bonheur lorsqu’on leur annonce qu’ils se trouveront aux premières places pour voir les athlètes s’affronter dans le stade. Un énorme moment d’émotion. Tandis qu’ils applaudissent à s’en rompre les phalanges des doigts, ils découvrent un tricheur parmi les concurrents, la pire trahison faite à Zeus, le Dieu des dieux. Plutôt que de demeurer les bras ballants, ils décident d’investiguer et de confondre le fautif. Mais, à neuf ans, n’est-ce pas un défi qui dépasse leur capacité ? Viviane Koenig nous plonge dans l’Antiquité et met en place un récit tonifiant qui engage le lecteur sur la trace d’ancêtres qui ont scellé l’esprit du sport. En multipliant les détails, elle fait également œuvre de pédagogue tout en rythmant son récit de belles émotions. Un livre jeunesse qui se complète avec un questionnaire portant à la fois sur l’aventure mise en place que sur les J.O. tels qu’ils se pratiquaient voilà plus de deux milles ans. Les gosses devraient adorer ! Un livre format poche vendu à moins de 9 euros. Ed. du Rocher – 115 pages Amélie Collard

LE BUREAU DES FANTÔMES Les fantômes sont de sortie ! Fanny Gordon nous certifie qu’on ne repose pas docilement dans une tombe, avec une stèle qui pèse sur l’abdomen. Tim et Mo en font la surprenante expérience au moment de mourir. Au lieu de profiter du repos éternel, ils intègrent une bizarre organisation appelée le Bureau des Fantômes. Nommés Agents Spectrus, ils reçoivent pour mission de convaincre les âmes récalcitrantes à franchir le cap de l’au-delà en abandonnant leurs habitudes auprès des vivants. Une fonction qui réclame autant de courage que de force de persuasion. Jamais ils ne se seraient doutés de la difficulté de cette tâche, d’autant plus qu’ils se trouvent confrontés au terrible MacAllan, qui brigue de faire main-basse sur le marché florissant de la Mort. Derrière un nom de plume aux consonances britanniques de l’auteure se cachent Pascale Perrier et Véronique Delamarre Bellégo, spécialisées dans le roman-jeunesse, en totalisant plus d’une centaine de manuscrits. Sans jamais se prendre au sérieux, elles dézinguent à coups d’encre les poncifs des livres horrifiques et s’amusent à faire voler en éclats les codes assimilés depuis plusieurs décennies. Le ton est drôle, enjoué et le tempo ne manque jamais de nervosité. A cela, des dialogues émaillent un script qui aurait parfaitement pu être adapté en bédé. « Le bureau des fantômes » est le premier tome des péripéties menées par Tim et Mo. Attendonsnous donc à une suite prochaine ! Ed. du Rocher – 174 pages Daniel Bastié


ALICE Il ne s’agit pas d’une transposition du célèbre roman de Lewis Carroll, malgré un titre pouvant prêter à confusion et la présence d’un lapin blanc sur la première page de couverture. David Moitet signe un récit 100% personnel, même si l’ombre de Carroll plane ci-et-là. Sam est une jeune étudiante brillante, dotée d’un Q.I qui dépasse largement celui de ses condisciples. Evidemment, elle s’ennuie à l’école. Pour seule compagnie, elle fréquente Arnaud, un ami également flanqué d’une intelligence supérieure. Afin de poursuivre son cursus scolaire, ce dernier a opté pour un nouvel établissement baptisé « Alice » et qui dispense une formation destinée à familiariser la jeunesse à l’informatique de pointe. Bien vite, il ne donne plus aucun signe de vie. Comportement qui a l’heur d’intriguer l’héroïne. Que se passe-t-il ? L’aurait-il déjà oubliée ? Se trame-t-il un mystère dont elle ignore les tenants ? Elle décide à son tour de rejoindre les étudiants de cette maison décrite (à force de spots publicitaires persuasifs) comme étant optimale pour former les élus de demain. Acceptée in extremis, elle accède au saint des saints et découvre une pédagogie à nulle autre pareille. Bien sûr, tout n’y est pas parfait et un danger qu’elle n’imaginait pas dans ses cauchemars les plus sombres se précise comme un monstre froid et sans âme. Ce récit mélange astucieusement enquête, technologie et aventure. Un ouvrage conseillé aux lecteurs âgés de dix ans et plus. Ed. du Rocher – 164 pages André Metzinger

X ou Y La question des genres sexuels est plus que jamais d’actualité, avec des débats qui soulèvent les passions, les avis qui s’opposent ou se télescopent. Mais y a-t-il réellement une réponse idoine à formuler ? Séverine de la Croix raconte le parcours de Camille qui, depuis plusieurs mois, se fait appeler Yann, puisque son frère jumeau est décédé dans un accident. Autant profiter de la confusion avec un père gonflé d’alcool et qui ne sait plus très bien où il en est, ni lequel de ses deux enfants a été inhumé. Une façon de se protéger, de vivre une existence par procuration. Au sein de son nouveau lycée, l’illusion est parfaite et chacun est dupe. Elle n’envisageait néanmoins pas de tomber amoureuse de Thomas. Se met alors en branle une série de plans plus ou moins improbables pour redevenir celle qu’elle aurait toujours dû rester. Il suffirait de parler, de trouver les mots adéquats. Le courage lui manque, malgré un terrible mal au ventre qui la taraude. Puis, son père ne perdra-t-il pas le peu de raison qui s’accroche à lui, alors que sa santé paraît de moins en moins stable ? Après plusieurs romans plaisants pour les moins de 12 ans, l’auteure signe ici une histoire grave qui devrait interpeller les adolescents. En évitant le pathos, elle apporte des réponses qui aideront les jeunes à grandir et à regarder ceux qui les entourent avec bienveillance. Un thème difficile traité avec finesse et sans pathos. Ed. du Rocher – 246 pages Sylvie Van Laere


EPHREM HOUËL Officier des haras nationaux et homme de cheval accompli, Ephrem Louël a été le premier à songer puis à permettre la création de la race du Trotteur français, qui a fait la fortune du pays. Si les courses au trot sont, malgré la crise qu’elles traversent aujourd’hui, les meilleures et les plus riches au monde, elles le doivent à un homme exceptionnel sans qui rien ne serait pareil. Un passionné et un visionnaire qui a authentiquement révolutionné le monde des hippodromes, animé par une volonté sans bornes et une connaissance inégalée. Jean-Pierre Reynaldo, journaliste, écrivain et historien (également passionné par le cheval !) revient sur le destin formidable d’un être unique qui a passé toute son existence sur les champs hippiques pour servir et défendre la cause équestre et les premiers balbutiements d’une discipline qu’il s’est efforcé de baliser pour la rendre extrêmement vivante et reconnue sur le plan international. Comme l’auteur de cet ouvrage n’est plus de ce monde, Hilde Hoffman s’est fendue d’une préface et de la relecture du manuscrit, afin de le présenter de manière in extenso dans la forme voulue par le rédacteur et en achever le dernier chapitre laissé en suspens, afin que le nom d’Ephrem Houël ne tombe pas dans l’oubli et soit connu par le plus grand nombreux. Voilà un regard dans le rétroviseur et un voyage dans le passé à une période où la France manquait de chevaux et où la guerre faisait rage entre nations voisines ! S’appuyant sur des témoignages d’époque, l’écrivain s’est attelé à retranscrire une aventure fantastique loin des poncifs et vraie de long en large. Bien entendu, il ne faut pas être connaisseur de la chose hippique pour se laisser prendre par la main et vivre par procuration des sensations fortes qui sentent bon l’odeur des écuries. Ed. du Rocher – 218 pages Sam Mas

AU REVOIR LES ENFANTS Sorti en 1987 et récompensé par le Lion d’Or à la Mostra de Venise, le film « Au revoir les enfants » revient sur la vie du Père Jacques, religieux qui a fondé un collège à Avon. Dès l’entrée en guerre, la situation se dégrade. Les nazis exigent l’arrestation des juifs, tous âges confondus. Un peu partout, les rafles se multiplient. A la passivité, il préfère la résistance et prend sur lui de protéger les enfants inscrits dans son établissement en falsifiant leur identité. En janvier 44, la Gestapo découvre ses activités et l’arrête manu militari. Transféré à Mauthausen, il refuse de baisser les bras et vient en aide à ses condisciples de détention. Là, les sévices se succèdent sans répit. Ensuite, il se retrouve à Dachau, réputé moins dur, à l’instar d’autres prêtres capturés par les Allemands. Il se familiarise avec le polonais, afin de se rapprocher des prisonniers. Naturellement, il gagne le respect de chacun d’entre eux qui le baptisent Père Zak. Lorsque les alliés évacuent le camp en mai 45, il pèse moins de trente-cinq kilos. Transféré à l’hôpital de Linz en Autriche, il meurt de la tuberculose à l’âge de quarante-cinq ans, moins d’un mois après sa libération. Camille W. de Prévaux et Jean Trolley proposent un roman graphique d’excellente tenue en noir et blanc et n’éludent pas l’horreur d’une époque. Un livre façonné pour réveiller les souvenirs, ne pas laisser le sang sécher dans les annales de l’Histoire et témoigner du courage d’un homme qui a placé sa foi et sa conscience au-dessus de tout. Ed. du Rocher – 136 pages Daniel Bastié


LE PENSIONNAT DE CATHERINE La guerre de 40 a semé bien des malheurs, dont certaines cicatrices sont encore tangibles. Si certains se répandent en commentaires, d’autres vivent dans la résilience et préfèrent taire les malheurs vécus. Quinze ans plus tard, les secrets commencent à émerger et les langues se délient. De la sorte, Samuel, jeune professeur, apprend le décès de sa maman d’adoption, une femme d’exception qui l’a recueilli en 1943. A cette époque, la région a été marquée par un massacre organisé. Des réfugiés juifs ont été abattus dans un traquenard tendu par les Allemands. L’arrivée d’une nouvelle enseignante, Miss Rawelle, réveille cet événement douloureux. Directement, elle s’oppose à la directrice du pensionnat et affirme connaître les activités de cette dernière durant les années terribles d’occupation. La même nuit, elle est défenestrée. Titillé par la curiosité autant que par le besoin de savoir, Samuel mène une enquête aussi discrète que personnelle. Savoir devient son obsession. Florence Roche signe un roman plein de passion qui revient sur l’horreur de la seconde guerre mondiale, avec une description des comportements. Jalousie, règlements de comptes, racisme et violence : le panorama n’a rien d’amène. En mélangeant le chaud et le froid, la romancière signe une chronique à hauteur d’épaules qui revient sur les petites trahisons et les faits ignobles qui ont émaillé cinq années de souffrance. Ed. Presses de la Cité – 300 pages André Metzinger

LA MENTEUSE ET LA VILLE Malgré un prénom de fleur, Nymphea n’a pas été biberonnée par les fées qui auraient dû se pencher sur son berceau. A dix-sept ans, elle vit une adolescence morose et traîne ses complexes comme un boulet. Pendant l’été, elle déniche un job d’étudiante chez un glacier. Se passera-t-il enfin quelque chose au contact d’une clientèle variée et son existence se pimentera-t-elle de surprises ? Loin d’en être convaincue, elle enfile chaque jour son tablier et attend que vienne l’heure de la fermeture. Contre toutes attentes, un chanteur sur le retour franchit le seuil de l’échoppe. Ce dernier l’apostrophe sans aménités et, lorsqu’elle s’enfuit dans la cour de l’établissement, il la poursuit sans réfréner ses invectives. Elle hurle lorsqu’il cherche à la serrer dans ses bras. Du coup, les passants se précipitent et, en quelques secondes, ils se retrouvent tous deux au centre de toutes les attentions. L’homme est placé en garde à vue, tandis qu’elle devient le symbole des femmes outragées par la violence des mâles. Malgré elle, elle se voit propulsée sur le devant de l’actualité, avec des retombées qu’elle n’imagine pas encore. Fidèle au thème qu’elle exploite depuis de nombreuses années, Avelet Gundar-Goshen signe une chronique sur le monde des apparences, où les relations humaines partent à vau-l’eau et survivent comme elles le peuvent. Parallèlement à cette histoire, elle nous parle de Raymonde, vieille femme juive issue de l’immigration marocaine en Israël, et qui prend l’identité de sa meilleure amie Rivka, rescapée de la Shoah. On est saisi par les détails de cette histoire en marche qui s’accommode d’ellipses et se nourrit d’apartés. Une manière de percevoir avec quelle force les petits riens façonnent le quotidien et à quel point le maillage peut être dense quand l’intime rejoint le général. Un livre d’une belle vivacité et d’une troublante vérité sur le mensonge, la dissimulation et les non-dits ! Ed. Les Presses de la Cité – 546 pages Daniel Bastié


POUR LE SOURIRE DE LENNY Dany Rousson signe un quatrième roman rempli de fraîcheur et de simplicité, qui parle de la vie dans ce qu’elle possède d’unique, rythmée par les aléas du destin, de multiples rencontres et l’étau du passé qu’on cherche parfois à desserrer. Lorsque deux vagabonds font halte dans le Gard, ils ignorent que leur avenir va se jouer en quelques jours. Invités à se restaurer chez Pacôme, Marcellin (retraité paisible) se démène pour leur trouver un emploi. Toutefois, c’est un petit garçon pas bien haut qui les marque durablement. Amateur de skateboard, Lenny s’attache à Savane, le plus sévère des deux. A son contact, la rudesse se lézarde et l’homme se sent investi par un sentiment qu’il croyait avoir oublié. Comme lui, le gamin porte un fardeau, car mal aimé par son père. Dans ce village perdu au milieu d’une nature luxuriante, tout prend rapidement une allure d’Eden. Puis, on s’en doute, rien ne peut s’éterniser. Le passé revient avec la vélocité des tentacules d’une pieuvre et compte tout broyer sur son passage. Rattrapé par de vieux démons, Savane parviendra-t-il à sauver ce qui peut l’être ? Quel douloureux secret dissimule-t-il ? Avec un découpage soigné, l’auteure distille lentement un suspense qui plonge le lecteur dans l’attente de l’épilogue. Oui, on souhaite savoir ce qui se trame, comment cette histoire va finir et si Savane (dont ce n’est pas la véritable identité !) aura enfin droit au bonheur. Un roman qui joue la carte de l’émotion et qui se veut particulièrement attachant ! Ed. Presses de la Cité – 264 pages Amélie Collard

LE RÊVE DE TOINET Les guerres de religion font rage au cours d’un XVIIIe siècle plein de fureur et de rage. Au nom de Dieu, les nations s’étripent et les alliances se déchirent aussi vite qu’elles se nouent avec de nouveaux alliés. Dans ce contexte, Toinet, jeune chevrier cévenol, quitte le mas familial pour entrer en apprentissage chez maître Roque, avant d’être placé chez un potier de la ville. Travailler l’argile fait-il partie de la voie à suivre ? Loin de s’en laisser compter, il décide de se perfectionner en rejoignant les compagnons du Devoir et entame un tour de France des artisans. Lors de la Foire de Beaucaire, il découvre le raffinement des vases Médicis. Un éblouissement ! Il trouve également l’amour en croisant le regard de la belle Apolline, une rousse flamboyante aux traits bien marqués. Mireille Pluchard, habituée du catalogue des éditions Presse de la Cité, signe ici un roman initiatique qui exhale un parfum d’authenticité et chargé d’un message positif. L’auteure excelle dans la narration et le soin apporté à l’accumulation des petits détails qui ponctuent chaque fresque qu’elle brosse. A nouveau, elle ne traque pas la facilité avec ce récit itinérant d’un jeune à la recherche de lui-même et en quête d’affection. Au final, on savoure les chapitres sans regretter le temps passé à la lecture, sorte de chant décalé de notre existence, avec d’immenses instants de bonheur, mais également des failles, des doutes et le besoin de croire que tout ira bien demain. Sans rompre le tempo, elle maintient le cap d’une plume maîtrisée et mature. « Le rêve de Toinet » peut in fine être celui de n’importe quel adolescent qui entend embrasser une profession par respect de la chose bien faite et du travail accompli. Une leçon de vie transposable de nos jours. Ed. Presses de la Cité – 582 pages Daniel Bastié


LE VOYAGEUR DES BOIS D’EN HAUT Le milieu du XIXe siècle est particulièrement rude pour les paysans creusois. A l’instar de nombreux compatriotes, Camille part sur les chemins à la recherche d’un emploi et s’en va rejoindre les « limousants », ces hommes qui travaillent comme ouvriers à Lyon, ville en pleine expansion démographique. Il y fait le dur apprentissage du métier du bâtiment, debout onze heures par jour sur des échafaudages à servir les maçons et les tailleurs de pierre. En filigrane, il entend investiguer sur la disparition de son père, envolé lors de la grande crue du Rhône qui a ravagé la région en 1856. Néanmoins, sur place, il se raconte une autre version. Son géniteur serait en vie, installé avec une belle Italienne aux yeux noirs. En quête de réponses, l’adolescent se soumet aux exigences des adultes. Jean-Guy Soumy signe un roman au souffle épique qui se veut à la fois une description d’une époque, de l’exode rural et d’une profession, tout en se parant d’un cheminement initiatique. Marcher sur les traces de l’absent aide à grandir. Un récit fragmenté, mystérieux et marqué par le sceau du destin. L’émigration saisonnière dite des « maçons de la Creuse » a duré plusieurs siècles et a modelé le quotidien des populations locales. Au fil des pages, le lecteur découvre le profil d’une métropole (en l’occurrence Lyon !) qui entre de plain-pied dans la modernité avec l’édification de maisons bourgeoises. Une page méconnue de l’histoire de France ! Ed. Presses de la Cité – 207 pages Daniel Bastié

UN CHEVAL DANS LA TÊTE Jack tire le diable par la queue. Dans son entourage, tous le traitent de marginal. Néanmoins, il se suffit à lui-même et vit sans luxe. Epris de liberté, il élève deschevaux aidé par Chayton, un individu troublant. Son quotidien est bousculé lorsque débarque Louise, sa fille adolescente bien ancrée dans la modernité, et Célie, une jeune femme énigmatique. Que viennent-elles faire ? Dès les premiers instants, il devine que sa stabilité sera mise à l’épreuve. Dans toute famille, il réside l’un ou l’autre secret à exhumer, une rancœur à proclamer ou une demande à formuler. Puisque ses affaires vont de mal en pire, il est également amené à se questionner sur la voie à emprunter. Heureusement, un riche industriel lui promet d’acheter une partie de son cheptel. Cette offre venue du ciel lui assurera-t-elle de quoi se maintenir quelques mois (voire quelques années) encore ? Sylvie Krier, née à Auxerre et aujourd’hui installée près d’Avignon, livre ici un premier roman particulièrement réussi, qui se situe au plus près de la nature et qui analyse les tempéraments en opposant les caractères. Si la première partie du récit se cristallise autour du protagoniste, le deuxième et le troisième segment font intervenir les deux jeunes invitées, en quête de certitudes et prêtes à beaucoup pour annihiler les démons qui les habitent. Sans jamais appuyer sur la carte de l’émotion, l’auteure ausculte les individus et met en relief les points de vue qui éclairent le passé du héros. Un récit choral qui touche viscéralement et qui bénéficie d’une écriture dialoguée d’une belle richesse ! Ed. Serge Safran – 206 pages Daniel Bastié


ON NE MEURT PAS D’AMOUR L’amour tisse des liens complexes et pourvoie à la rencontre de personnes que rien n’aurait dû mettre en présence l’une de l’autre. Il existe des histoires contre lesquelles il est vain de lutter. De celles contre lesquelles on ne peut rien. Elle vient d’emménager avec son fiancé dans un beau loft immaculé. Ils doivent unir leur destinée au printemps devant le maire. La date est fixée et les familles prévenues de souligner dans leur agenda le jour J. Lui va emménager au deuxième étage du bâtiment B avec son épouse et leur fillette. Lorsque leurs regards se croisent par un dimanche comme les autres, Cupidon décoche l’une de ses flèches dont il garde jalousement le secret. D’entrée en matière, tous deux comprennent qu’il vient de se passer quelque chose, que leur présent est chamboulé et que le futur fera qu’ils devront compter l’un avec l’autre. Géraldine DalbanMoreynas, ancienne journaliste et aujourd’hui à la tête d’une agence événementielle, est particulièrement active sur Intagram, où elle publie des chroniques de vie. En abordant le mode du roman, elle parle du plus vieux sentiment qui embrase les individus et leur fait perdre toute notion de la réalité. L’amour avec un grand A se situe au cœur de ce récit, à la frontière entre confidence et grand déballage. Son écriture savoureuse et généreuse permet d’éviter les longueurs et offre un temps de lecture plein de séduction qui suscite l’envie de (re)tomber amoureuse. Délicieux, même si on devine la fin. Ed. Plon – 202 pages Sylvie Van Laere

D. D. comme l’initiale du nom qui a suscité les passions et a déclenché un conflit social et politique majeur à la fin du XIXe siècle. Accusé de trahison, le capitaine Alfred Dreyfus a été mené face aux juges et condamné pour intelligence avec l’ennemi. Un procès où se sont succédé les témoins douteux, des preuves qui n’en étaient pas et une haine pesante du juif, le tout dans un contexte difficile. Sur le plan militaire, la défaite de 1870 était encore fraîche dans les esprits et s’est soldée par l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Allemagne. Un esprit de revanche encourageait les exaltations. Dans le cadre d’une surmédiatisation, le romancier Emile Zola est monté au créneau et a publié « J’accuse », diatribe en faveur de l’accusé et dans laquelle il clouait au pilori les véritables traîtres et menteurs de toutes espèces. Robert Harris a choisi d’utiliser les techniques du roman pour relater une affaire maintes fois traitée en littérature autant qu’au cinéma. Aucun des personnages qu’il met en scène ne provient de son imagination. Il ressort toutefois que pour la nécessité du tempo, il a été amené à séquencer l’action, à pratiquer des ellipses et à broder autour de l’un ou l’autre passage. Chose qui n’endigue en rien la vérité historique et qui a pour résultat de soutenir l’intérêt de la lecture. Au fil des chapitres, le lecteur s’immisce dans l’une des pires machinations mise en place au nom de la raison d’Etat. On le sait, après diverses péripéties judiciaires, Alfred Dreyfus a été innocenté et réincorporé dans l’armée avec le grade de commandant. On ignore souvent qu’il a participé à la guerre de 14-18. Ed. Plon – 486 pages André Metzinger


LES OPÉRATIONS LES PLUS EXTRAORDINAIRES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE Les manuels scolaires ne racontent pas tout. On l’ignore souvent, mais la seconde guerre mondiale a été jalonnée d’opérations militaires éparses. Des actions tactiques visant à bouter les nazis des terres conquises par la force ou à écraser l’envahisseur nippon. A côté de l’opération Overlord, Market Garden et Barbarossa, d’autres gagnent à être connues. Des plus modestes aux plus audacieuses. Le cinéma a naturellement relayé certaines d’entre elles à travers des longs métrages faits pour divertir davantage que pour appuyer sur la pédale de la pédagogie. Reste donc un grand vide à combler et auquel s’est attelé Claude Quétel, historien et ancien directeur du mémorial de Caen, mais également auteur bien connu d’ouvrages appréciés sur cette période sombre de l’histoire de l’humanité. Fort de son érudition, il s’est lancé le pari d’exhumer dans un style accessible une série de faits occultés par nos contemporains, à la fois par un manque d’intérêt criant autant que de par absence de connaissances. Il s’agit naturellement d’actions courageuses, souvent inventives, et destinées à accélérer la fin des hostilités. Audace, ruse, sacrifice, imagination, persévérance, raison d’Etat, etc. Voilà une série de termes destinés à qualifier la motivation de ces femmes et de ces hommes prêts à tout pour leur patrie et la liberté. Par sa durée et sa violence exacerbée, la seconde guerre mondiale s’est imposée comme une nouvelle manière d’opposer les pays belligérants, au cours de laquelle il a fallu improviser ou planifier des actions avec les moyens disponibles. Tous ces coups d’éclat n’ont évidemment pas été couronnés de succès, loin s’en faut. L’auteur revient ici sur trentedeux opérations plus incroyables les unes que les autres, Par exemple, sait-on qu’il a été envisagé d’empoisonner les pâturages allemands avec le bacille du charbon ou de lâcher sur le Japon des millions de chauve-souris incendiaires ? Incroyable et, pourtant, vrai ! Ed. Perrin – 396 pages Daniel Bastié

A LA POURSUITE DE DIEU Dieu n’est pas une croyance mais une expérience a dit l’alchimiste français Albert Poisson. Ce livre raconte le parcours d’un athée devenu croyant non religieux. Une quête initiatique qui débute dans le New Age, en passant par la maçonnerie, l’ésotérisme, l’alchimie, pour finalement arriver à une voie de spiritualité véritable, une voie chrétienne non religieuse qui est aussi une voie non dualiste appelée la Voie Infinie de Joël Goldsmith. Apprenez, vous aussi, comment faire l’expérience de Dieu ou peu importe le nom que vous lui donnez, comment améliorer votre vie, comment réaliser une prière de guérison. L’objectif de ce livre est de vulgariser le message qui n’a pas cessé de se transmettre au cours des siècles. Un livre écrit par Serge Baeyens et disponible uniquement via Amazon en livre broché ou en eBook. Ed. Independently Publishing – 107 pages Sam Mas


LE GUIDE COMPLET POUR INVESTIR DANS LES CRYPTOMONNAIES ET LES ICO Sortir du système monétaire international, voilà ce que préconisent certains ! Mais s’autoprogramme-t-on champion de l’investissement pour autant ? A côté des produits traditionnels, la cryptomonnaie attire chaque année davantage d’intéressés. Ce nouvel Eldorado s’appelle ICO, anagramme d’Initial Coin Offering. Il s’agit d’une méthode de levée de fonds qui fonctionne via l’émission d’actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d’un projet. A la frontière entre le financement participatif et l’offre publique d’achat, ce système bouscule l’empire des banques de papa par sa simplicité, son aisance d’accès et sa disponibilité. Stanislas de Quénetain a signé un guide pratique, dont le propos résume plusieurs années d’expérience, afin de faire gagner au lecteur un temps bien précieux et lui éviter plusieurs déconvenues. Il est essentiellement destiné à toute personne ayant déjà acquis certaines compétences dans la matière. Il n’apprendra toutefois pas à devenir un investisseur lambda, car la matière se révèle extrêmement complexe sans aucun résultat promis. Avant de placer ses économies dans une ICO, il importe de ne jamais perdre de vue que les risques existent de la même manière que lorsqu’on achète un bouquet d’actions. Une analyse préalable s’impose en étudiant scrupuleusement chaque projet, en ne s’emballant pas impulsivement et en dégageant une liste de de critères bien précis. Même si cet ouvrage recense un grand nombre de cryptomonnaies, son objectif n’a jamais été de les passer toutes en revue ni de conseiller l’achat de l’une plutôt qu’une autre. L’auteur propose ici une approche didactique qui permet de participer à un premier investissement en limitant les risques de crash. A chacun de voir ! Ed. Mareuil – 228 pages André Metzinger

SOPHIE MARCEAU EN TOUTE LIBERTÉ Sophie Marceau est une icône du cinéma français et cela fait quarante ans qu’elle occupe le fronton des cinémas en multipliant les rôles, passant des films populaires aux œuvres d’auteur. Son nom a également défrayé la chronique par le biais de relations entretenues, entre autres, avec Andrzej Zulawski, Christopher Lambert, etc. Toutefois, pour beaucoup, elle demeure la petite Vic de « La boum », cette gamine aux joues roses et aux yeux pétillants, la petite fiancée aimée de tous et l’amie parfaite. L’enthousiasme du public est resté intact. Selon Frédéric Quinonero, la comédienne aime l’idée de s’inscrire dans la génération des eighties et d’avoir été suivie tout au long de son existence, vivant tantôt retranchée des médias ou placée sous les feux des projecteurs. En cheminant, elle a appris son métier et peaufiné son jeu. Star et antistar, terrienne, rêveuse et accessible, sociale et solitaire, insolite et prévisible, elle a toujours surfé entre doutes et certitudes, coups de foudre et replis instinctifs. Son atout majeur ? Elle n’a jamais eu de plan de carrière et n’a jamais rêvé de gloire. Venue d’une cité ouvrière, elle a forgé sa personnalité à la dure. Son ambition première : se situer dans le vrai, ne pas décoller de la réalité, garder le goût des choses simples et ne jamais désavouer la petite Sophie Maupu (sa véritable identité) qui vit en elle. L’auteur propose ici un texte richement documenté, émaillé de nombreux témoignages inédits et étayé d’extraits de presse. Il suit chronologiquement l’évolution d’une jeune fille ordinaire à travers une filmographie extraordinaire, parle de ses rencontres, de ses succès, de l’avis de la critique, de l’engouement du public et, au final, d’un destin exceptionnel. L’ouvrage s’achève par une nomenclature de sa filmographie complète. A ce jour, il s’agit de la première biographie complète de l’actrice. Ed. Mareuil – 368 pages Daniel Bastié


LE MATIN DE NEVERWORLD Depuis un an, Béatrice vit dans la résilience. Comment surmonter le décès de Jim ? Elle s’enferre dans le silence et se retranche de ses amis. Toutefois, elle devine qu’on lui cache quelque chose. Quelles sont les circonstances exactes de la mort de son amoureux ? La soirée de retrouvailles dérape et un individu aux manières étranges annonce qu’ils sont coincés au Neverworld et qu’ils revivront indéfiniment la même journée jusqu’à ce qu’ils se décident à prendre la décision la plus difficile de leur existence. Non-dits, mensonges et craintes éparses font que progressivement les masques tombent pour révéler la personnalité profonde de chacun. Au jeu du chat et de la souris, Marisha Pessl excelle et signe un roman qui flirte avec le thriller et le fantastique. Au fil des pages, le lecteur se familiarise avec une violence qui sourd des comportements, les secrets qu’on cherche vainement à dissimuler et la vérité qui bouscule les certitudes. Outre l’intérêt que l’auteure porte à ses personnages, elle possède un réel don lorsqu’il s’agit de poser un climat à la fois tentaculaire et délétère. Il convient toutefois de ne pas s’égarer. Il ne s’agit pas d’un ouvrage destiné aux adultes, mais écrit pour une jeunesse avide de textes nés sous la plume de Stephen King et autre J.K. Rowling, avec un cortège de protagonistes au tempérament bien torché et des rebondissements qui n’en finissent jamais de rebondir. Déjà traduit dans onze langues, « Le matin de Neverworld » apparaît déjà comme LE titre que les ados s’arracheront. Un exercice de virtuosité ! Ed. Gallimard Jeunesse – 320 pages Paul Huet

LA FILLE AU CŒUR DE DRAGON Il était une fois dans une ville magnifique, pleine de gens, de chocolat et de mille possibilités, une fille intrépide et audacieuse. Mais il existe une autre vérité. Pourquoi ne pas la narrer de manière excitante ? Le Cœur de chocolat est devenu le lieu le plus en vue de Drackenburg. Un endroit comme il n’en existe pas ailleurs, réputé pour la cuisine d’Aventurine et les histoires de Silke. Un jour, la princesse décide de transformer la conteuse en espionne à sa solde. De complots en trahisons, entre trolls sanguinaires et fées cruelle, l’avenir se joue par le truchement de la perspicacité de la jeune fille. Son don de narration suffira-t-il à sauver sa famille et les citoyens de la cité ? Elle sait que le temps joue en sa défaveur et que le danger devient pressant. Action à foison, rythme haletant, dangers qui pointent à chaque coin de venelle, créatures fantastiques, tempo martelé et humour latent contribuent à la réussite de « La fille au cœur de dragon », roman d’aventure et initiatique ciselé avec gourmandise par Stéphanie Burgis, nouvelle voix dans le monde de la littérature jeunesse au style chatoyant et à l’imagination débordante. Une partie de la réussite de la version française de cet opus est due à Julie Lopez, à qui nous devons la présence traduction de l’anglais. A chaque page émane également une bonne odeur de fève de cacao torréfiée pour raviver des sensations olfactives. Magique ! Ed. Gallimard Jeunesse - 339 pages Daniel Bastié


ALORS, ÇA ROULE ? Stop aux idées préconçues ! Si la mobilité demeure un problème majeur dans les métropoles, il convient de relativiser et de lutter contre les poncifs qui altèrent le débat. Toucher à la voiture et proposer des solutions alternatives a souvent l’heur d’agacer les inconditionnels du quatre-roues. Même si les experts sont unanimes pour affirmer qu’il est vital de modifier notre comportement, il importe de repenser notre usage des moyens de locomotion et d’éviter d’ouvrir les portes au grand n’importe quoi. Pollution, voies carrossables saturées, sécurité de plus en plus souvent mise en péril par le fait de certains irresponsables, hausse du prix du carburant, gestion laborieuse des transports en commun, etc. Frédéric Denhez décortique ici nos us et coutumes et les passe au crible d’une analyse à la fois pertinente et caustique, agrémentée par les dessins de Red. L’occasion de se remettre totalement en question et de se regarder dans le miroir de nos habitudes. A bord, suis-je le seul maître ? Ne peut-on vraiment rien pour éviter le stationnement en double file ? Pourquoi n’applique-t-on pas la taxe carbone ? Le plein d’électricité est-il moins onéreux que le plein d’essence ? Demain se déplacera-t-on à l’hydrogène ? Les transports en commun sont-ils vraiment une galère ? L’autocar est-il aussi idoine que le train ? Mêlant écologie, politique et économie, cet ouvrage annonce une nouvelle orientation, plus environnementale, de la collection « L’humour est dans le pré », tout en conservant sa marque de fabrique, en balançant un fameux coup de pied dans le ronron et en remettant les pendules à l’heure. Ed. Delachaut et Niestlé – 127 pages Daniel Bastié

LES LARMES DE VESTA Les petites maisons d’édition indépendantes peuvent se mettre en-dehors des modes pour afficher des coups de cœur. Bien en soit ! Avec « Les jambes de Vesta », M.E.O. donne la parole à Michel Joiret, romancier, poète et naguère enseignant. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, l’homme a obtenu de nombreux prix et distinctions, dont le prix du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son roman « Madame Cléo ». Cette fois, il nous convie à un voyage dans le temps, en évoquant le destin de Luna et maman Lune, celui de Lucius et Luc Rodin, professeur de latin à l’Athénée des Coteaux. Fou d’antiquité romaine, ce dernier est à la recherche de son identité et débarque à Pompéi, la ville millénaire où le Vésuve a failli rayer la région de la carte d’Italie. Un lieu chargé d’histoire et où s’élevaient jadis de somptueuses demeures patriciennes. Pour lui, le bonheur serait-il à portée des doigts ? La plume est bien sûr somptueuse, chargée de poésie et de justesse. Y a-t-il un héritage à revendiquer ? Ce roman nous vaut des anecdotes intéressantes, loin des cours poussiéreux et scolaires. Michel Joiret se veut un être d’une grande érudition et il a la finesse d’esprit de ne jamais en faire exagérément, sachant que trop de détails tuent le détail. Ed. M.E.O. – 145 pages Sam Mas


THOREAU, COMPAGNON DE ROUTE « Walden ou la Vie dans les bois » demeure à ce jour l’ouvrage le plus connu d’Henry Thoreau (1817-1862), auteur américain un peu oublié de nos jours et qui prônait un retour aux valeurs simples d’une vie proche de la nature, loin des incitants de la vie moderne et de la société de consommation. Malgré que certains ont parlé de lui comme une sorte d’ultra-protestant rigide peu féru des plaisirs terrestres, sa parole remue nos pseudo-certitudes. Avec les années qui ont passé et les problèmes suscités par un monde en perte croissante de ses racines, à la recherche permanente de bénéfices et qui s’individualise au point de se retrancher des proches, les écrits de Thoreau sont remis dans les rayonnages des libraires, riches d’une réflexion qui porte à l’essentiel. Influencé par l’Asie (le bouddhisme et l’hindouisme) autant que par les évangiles, il a grandement œuvré au développement d’une philosophie accessible et basée sur l’homme au centre de toutes les préoccupations, conscient du rôle de l’écrivain, véritablement moteur des transformations à venir sur le plan de l’éthique et de la morale. Néanmoins, ses ouvrages méritent une analyse pédagogique à l’attention du néophyte. Kenneth White s’est ingénié à rassembler quelques-uns de ses textes les plus cruciaux et les a soumis à son regard perspicace, afin d’ouvrir un espace de vie et de pensée en adéquation avec nos attentes bien ancrées dans le monde contemporain. Le résultat tient dans un petit livre compact à découvrir pour vivre plus intelligent. Ed. Le Mot et la Reste -129 pages Willy Smedt

DIPLÔME DÉLIVRÉ(E) Raphaëlle est une étudiante motivée et qui se croit utile à la société. Après un parcours classique, elle se lance dans une formation d’infirmière. Bons résultats scolaires, dynamisme, excellents contacts avec les enseignants et ses camarades de cours. Tout se gâte lors d’un stage en milieu hospitalier. Très vite, elle se confronte à l’hostilité du personnel, devient le souffre-douleur de l’équipe, subit durant plusieurs mois des brimades et mortifications répétées, sans oser en parler. Trois jours avant la fin de cette aventure, elle craque. Le cas de l’auteure est loin d’être unique. De récentes études démontrent que les nouvelles et nouveaux venus subissent des agressions verbales (parfois physiques) de la part de leurs collègues de travail. Le comble dans un lieu qui est censé venir en aide aux autres et aider à retrouver le bien-être et la santé ! Autant comme exutoire que pour aider d’autres victimes à s’exprimer, Raphaëlle Jean-Louis revient sur son histoire dans un récit à la première personne et dénonce l’inacceptable. Tous les services seraient-ils concernés ? La situation diffère évidemment d’une entité à l’autre, mais il semble que le bizutage ou le mépris par les aînés (médecins, infirmières, aide-soignant) soit le quotidien des petits nouveaux et des stagiaires. Pour mieux protéger le personnel, il est désormais conseillé de ne jamais éluder les coups et de les dénoncer. Or, on le sait, incriminer un supérieur n’a jamais été tâche aisée, d’autant plus que le silence généralisé fait office de chape de plomb. Un cauchemar qui perdure et qu’aucune difficulté professionnelle ne doit justifier. Voilà un uppercut dans le ronron décoché par une infirmière décidée à faire bouger les choses, autant qu’un témoignage en aparté carrément indispensable ! Ed. Michalon – 156 pages Amélie Collard


DU SANG SOUS LES ACACIAS Après une trentaine d’ouvrages de types divers, Bernadette Richard s’essaie au polar. Un exercice qu’elle surmonte avec maestria. Dans la savane tanzanienne, Yannis Cortat, flic atypique, est confronté à une terrible affaire de cœurs arrachés. Réputé pour son acuité, il mène chaque enquête en s’appuyant sur un réel sens de l’observation et un instinct optimal. Une journaliste américaine, bien décidée à décrocher un scoop, lui colle aux talons, précédée par un chien qui l’accompagne partout. Néanmoins, pour l’aider à comprendre les rouages de la réserve animalière (scène de crime), il peut compter sur les compétences d’une jeune biologiste aussi efficace que sensuelle. De fil en aiguille, les soupçons se cristallisent sur une secte sibylline coutumière des sacrifices rituels. En arpentant un terrain inconnu, ils ignorent encore à quel point la fureur va se déclencher. Au-delà du fil rouge qu’est l’investigation policière, l’auteure plonge le lecteur dans les affres de la mémoire, dans les fêlures que chacun traîne comme un boulet et propose une introspection psychologique qui réserve maints rebondissements. Secrets, failles et passions se conjuguent dans un feu d’artifice détonant qui fait vaciller les certitudes. Ed. Favre – 314 pages André Metzinger

UNE CERTAINE IDEE DE LA GUINÉE Alpha Condé dirige la Guinée depuis deux quinquennats. Un pays qu’il a souvent comparé à un aigle enchaîné. Métaphore choisie pour dénoncer les effets du colonialisme insidieux, malgré une indépendance célébrée depuis 1958, et la succession d’autocrates au sommet de l’Etat. Assurément, ses prises de position visant à obtenir davantage de démocratie n’ont pas plus à la caste mise en place et lui ont valu l’exil, plusieurs années de prison pour un complot supposé et des menaces éparses. Dans ce livre d’entretiens recueillis par François Soudan, ce panafricain revient sur son itinéraire hors-normes, son doctorat obtenu à Paris, ses combats à côté de militants, ses aspirations, ses espoirs, ses déceptions et ses réalisations. A la fois acteur et témoin d’une époque, cet universitaire devenu chef d’une nation nous fait découvrir sa vision de la Guinée moderne avec franchise, passion et en s’abstenant de toute langue de bois, conscient que toutes les luttes n’ont pas encore abouties et qu’il faudra autant de persévérance que de temps pour mener chacune à terme. Pour lui, la nécessité d’être un dirigeant juste et humain s’inscrit naturellement dans la voie à suivre, tout en sachant que l’exercice du pouvoir change profondément celui qui l’exerce par le simple fait que les rouages du commandement demeurent inflexibles et soumis à des impératifs qui doivent tenir compte du bien commun et de l’intérêt général, sans préférences individuelles ou ethniques. Ed. Favre - 127 pages Sam Mas


DEMAIN EST À NOUS Et si les enfants nous montraient la voie ? Ce beau livre adapté du film de Gilles de Maistre suit la tendance qui veut que la jeunesse soit plus sage que les aînés. Peut-être parce que les gosses sont animés par un idéal qui fait défaut à la majorité des adultes ou parce que ces derniers se débattent avec moult problèmes socioéconomiques, sont épuisés par un travail de plus en plus harassant et par un manque de reconnaissance dans un monde qui fait toute la place à l’ultralibéralisme forcené ? Alors du haut de leur dix, douze et quatorze ans, ils tirent une salve pour attirer sur eux l’attention de tous, qu’ils se prénomment Arthur, José, Félix, Jocelyn ou Heena. L’intention de ce livre est merveilleuse : suivre quelques gosses qui ont choisi de redresser le front pour exprimer leur avis et revendiquer le droit de vivre décemment ici ou ailleurs. Relayée par le cinéma sous la forme d’un documentaire, puis par le présent ouvrage, leur mission en devient du coup révélatrice et galvanisée par une médiation inattendue pour qui s’inquiète de l’avenir, alors que beaucoup d’esprits chagrin condamnent un peu précocement cette génération nourrie aux réseaux sociaux et très dépendante aux écrans. Au fil des pages, on découvre des portraits pleins de détermination à l’heure où la planète demande à être protégée, là où chacun n’a pas toujours droit à l’éducation, à la santé, à un travail décent ou à l’eau potable. De l’Inde au Pérou, de la Bolivie en passant par l’Europe et les States, voilà un exemple à suivre pour un demain qui doit rimer avec égalité et écologie. Inverser le cours des choses, refuser le fatalisme et entraîner avec eux des dizaines d’autres enfants : voilà leur credo ! Ed. Gründ – 224 pages Daniel Bastié

TOURGUENIEV En 1903, le philosophe russe Léon Chestov s’était attaqué à l’œuvre de Tourgueniev et préparait un essai, dont la publication s’est concrétisée en 1982. Pour la première fois, cette édition en français oppose les modifications effectuées en plus d’un demi-siècle de travail et dévoilent les mouvements liés à la rédaction. Le présent ouvrage s’appuie sur l’édition de 1982 parue chez Ardis. Les passages en italiques correspondent aux morceaux raturés sur le manuscrit original, les mots entre astérisques ont été cité en français dans ce même document et les aphorismes qui émaillent l’écriture ont été reproduits in extenso. Plus qu’un essai, cet ouvrage se veut une réflexion sur un auteur majeur de la littérature russe et, au-delà, sur le rôle de l’écrivain à apprécier à l’égal d’un philosophe lorsqu’il penche pour la vérité. Au demeurant, la littérature s’impose ici comme le domaine où la pensée peut avancer sans brides. Le lecteur se trouve donc face à une création ex-nihilo, à partir de rien, pure et intuitive, avec le refus de regarder en arrière, de tomber sous l’égide de la nécessité et de se soumettre aux lois dont se targuent les Académiciens. Etant donné que trente-deux aphorismes proviennent de la plume de Tourgueniev, la traduction réalisée par Maxime Lamiroy a pour volonté de transmettre un texte accessible au plus grand nombre, qui ne détient pas forcément les références liées au monde russe. Ce livre est divisé en deux parties : une version française et la version originale. Ed. Kniga-Lamiroy – 310 pages André Metzinger


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