BRUXELLES CULTURE 15 avril 2019 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE AVEC ISABELLE EMMERY
RENCONTRE : ISABELLE EMMERY La commune d’Anderlecht possède un Centre culturel actif, dont la mission consiste à mettre les arts à la portée de tout un chacun, avec des représentations théâtrales pour les écoles, un ciné-club, des films familiaux durant les vacances scolaires, des expositions régulières, des conférences, du théâtre pour adultes et, parmi bien d’autres, des ateliers créatifs. Baptisé « Escale du Nord », il doit beaucoup au dynamisme de sa directrice Isabelle Emmery (également députée bruxelloise et conseillère communale), qui veille à sa pérennité et qui s’implique dans la programmation, conseillée par une équipe de fidèles qui connaissent le terrain et qui cherchent à relayer les attentes du public. Rencontre. Quelle est la mission d’Escale du Nord ? La mission principale d'Escale du Nord est d'amener le plus de monde à découvrir le travail des artistes, parce que je suis persuadée que la culture est un vecteur d'épanouissement individuel et sociétal. Toutes les disciplines sont concernées : le théâtre, la musique, la danse, les arts plastiques, etc. Avec une attention particulière pour le jeune public via les écoles ou les spectacles familiaux. Mais aussi pour les populations plus fragilisées, qui sont éloignées des grandes institutions culturelles et qu'il faut toucher en tissant des liens avec les associations de terrain (cours d'alphabétisation, écoles de devoir, centres thérapeutiques et bien d’autres,). Mais ce n'est pas que de la consommation. Il y a aussi les ateliers où on peut devenir acteur culturel ou encore les procédures où on peut participer au choix de programmation. Depuis combien d’années êtes-vous à la tête d’Escale du Nord ? Dix ans. Une aventure incroyable proche des gens. Qu’est-ce qui vous a motivée pour accepter ce poste ? Depuis que je suis petite, j'ai vécu dans un environnement familial où la culture était très présente. Lecture avant d'aller dormir, contact avec les arts vivants dès mon plus jeune âge et fréquentation assidue des salles de spectacles. J’en retire un goût et une curiosité de plus en plus intenses qui s’orientent aussi vers les pratiques nouvelles. Qui compose le staff d’Escale du Nord ? Un directeur qui en est le chef d'orchestre, des animateurs, mais aussi des gens pour l’accueil, des techniciens (les régisseurs) et du personnel administratif. Comment établit-on la programmation d’Escale du Nord ? La programmation est annuelle, mais sur base de l'année « académique ». Soit de septembre à août. Elle est proposée par l'équipe lors d’une assemblée générale et repose sur un travail réalisé par l'équipe elle-même, tout en s’appuyant, entre autre, sur sa participation à des festivals (Théâtre Jeune Public de Huy, Propulse, etc.). En-dehors de la salle Molière, l’asbl est-elle présente sur d’autres fronts ? Il y a effectivement la Salle Molière qui, soulignons-le, fera à terme l'objet d'une rénovation complète et, à deux pas, la Salle Thomas Owen. Le chantier d'une future implantation avenue de Scheut (entrée dans le parc) vient également de démarrer dans le cadre d'un contrat de quartier. Enfin, nous développons notre programmation en arts plastiques dans la Maison des Artistes (rue du Bronze) qui prochainement bénéficiera elle aussi d'un lifting.
Quel public cherchez-vous à fidéliser ? Tous les publics sont importants à mes yeux mais, comme je l'ai déjà précisé, les jeunes et les personnes plus fragilisés car, par leur situation sociale ou économique, elles doivent bénéficier d'une attention particulière. Quel est votre meilleur souvenir dans le cadre de ces activités ? Il y en a beaucoup, donc je vais prendre l’un des plus forts. Le concert de Viktor Lazlo dans le cadre de la Fête de la Musique en juin 2016 était tout bonnement magique. Une voix, un charisme et un public conquis ! Je garde également de grandes impressions du parcours artistique ItinéRart, qui m’offre la possibilité de jolies rencontres humaines et esthétiques avec des créateurs de la commune. Quel est votre pire souvenir ? Là, je dois chercher, mais c'est vrai que quand le public n'est pas au rendez-vous, je suis très triste. Que faudrait-il pour améliorer les services d’Escale du Nord ? On peut toujours s'améliorer, mais je pense que l'équipe commence à atteindre un degré de professionnalisme qui mérite d'être souligné dans cette interview et je profite de l'occasion pour les féliciter. Peut-on dire que les services d’Escale du Nord sont avant tout locaux ou … tournés vers l’extérieur ? Nous avons certes un ancrage local, mais ce territoire dépasse les frontières de la commune. Ainsi, nous travaillons à créer des liens avec d'autres centres culturels. Quels sont les grands challenges d’Anderlecht, la commune où vous exercez votre fonction ? La Région bruxelloise a connu un boom démographique très important et des communes telle qu’Anderlecht en particulier. Il s’agit maintenant de relever le défi de la création de logements, mais aussi des services indispensables aux nouveaux habitants : les crèches, les écoles, les lieux de loisir. Les défis ne manquent pas. Avec une baguette magique, que changeriez-vous dans la capitale ? Je ferais le vœu d'une ville libérée des voitures avec une mobilité plus adaptée aux modes de déplacement doux : transports collectifs, vélo, piétons. D’un retour des petits commerces de quartier. De l'installation d'œuvres d'art dans l'espace public. Je ne suis pas une fée, mais tout cela fait partie de mon combat quotidien. Je me bats aussi et surtout pour réduire les inégalités et apporter plus de cohésion sociale dans la ville. En tant que citoyenne, épouse et maman, où pourrait-on vous croiser ? Les boutiques et les restaurants, je n'en parlerai pas car il y en a beaucoup, mais je privilégie souvent les commerces et artisans situés à Anderlecht. Pour les spectacles, ce n'est pas difficile à deviner. Quant à un espace vert, je vous encourage à visiter le Jardin des Sens (rue de Neerpede). C'est un lieu très agréable, dont l'accès aux non-voyants est pour moi un élément qui le rend remarquable. « Escale du Nord » y a d'ailleurs organisé une très belle exposition de sculptures qui a fait l'objet d'une collaboration avec la Ligue Braille. Vous pouvez retrouver le programme du Centre culturel sur le site www.escaledunord.be Propos recueillis par Daniel Bastié
TOONE : LA PASSION A Pâques, que voit-on chez les Toone ? La Passion de notre sauveur, och erm, qui raconte les sévices infligés à Jésus par les Romains. La malheureuse passion ! Mais aussi la passion des marionnettes qui a toujours fait le succès du lieu. Toone est le diminutif bruxellois d’Antoine Genty, le fondateur du célèbre et populaire Théâtre des Marionnettes qui date du XIXe siècle. Depuis 1966, le Théâtre de Toone se niche au cœur de l’Îlot Sacré, à deux pas de la Grand-Place. On y accède par deux impasses. L’impasse Sainte-Pétronille donnant dans la rue du Marché aux Herbes lui sert d’entrée sous les enseignes Toone VII et VIII. La seconde impasse à l’arrière, l’impasse Schuddeveld, fait office de sortie et débouche dans la Petite rue des Bouchers. A Pâques, avant et après la Semaine sainte, c’est toujours la Passion qui est jouée au Théâtre de Toone. La pièce fut écrite en 1934 par Michel de Ghelderode, qui aimait le théâtre des marionnettes et qui s’en est inspiré pour développer son propre théâtre à partir des caractères hauts en couleur qu’on y mettait en scène. Ainsi de son Barabbas, tiré du personnage qui vient saluer le Christ mis en croix, ou le squelette de Pitch la Mort qui deviendra plus tard La ballade du grand macabre. Le mystère de la Passion marie la dérision, le sacré et le sacrilège, avec une verve loquace. Monsieur et Madame Judas, affreux ivrognes et gredins de toute espèce, forment les héros de la première partie, avant que Judas, à la fin de la pièce, ne se suicide en se pendant. On entend grincer et ricaner De Ghelderode derrière eux. Puis vient Jésus, ce Christ de la rue Haute, qui va se faire crucifier pour sauver le petit peuple. C’est une passion populaire, vue par le peuple et comprise par lui. Cette Passion est la pièce fétiche de José Géal qui la fit jouer le 1 er avril 1963, lors de l’ouverture du Théâtre des Marionnettes dans l’impasse Schuddeveld, ou lors de la réouverture de ce même théâtre, restauré en avril 1979. Elle se fonde, croit-on, sur une figure populaire des Marolles, dans la rue NotreSeigneur qui joint la rue des Brigittines à la rue Haute. C’est là qu’un certain Thomas Guys, condamné à mort en 1440 à la suite d’une révolte du peuple contre le duc de Bourgogne, aurait accepté de jouer le rôle du Christ pour avoir la vie sauve. Il l’eut pour avoir survécu à la crucifixion. La rue où il habitait prit le nom de Notre-Seigneur en son honneur. Le jeu de la Passion survécut chez les marionnettistes bruxellois, qui en parlèrent à Michel de Ghelderode, lui aussi féru des Marolles et des légendes. Il en a fait une transcription qui oscille entre l’humour et l’émotion. Toone VII a rajouté deux scènes en patois bruxellois, qui donnent leur ton à toute la pièce relevée d’un fort accent « brusselaire », avec des voyelles bien diphtonguées. Och erm ! Le mot signifie le pauvre pour ceux qui ne maîtrisent pas encore le patois de Bruxelles après les articles de notre distingué confrère Georges Roland. A voir et à revoir du 18 avril au 4 mai 2019 au Théâtre des Marionnettes, Impasse Ste-Pétronille (dans la rue du Marché aux Herbes), 66 à 1000 Bruxelles. Tél. 02/513 54 86 et www.toone.be Impasse Ste-Pétronille (dans la rue du Marché aux Herbes), 66 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
EXPOSITION : COULEURS À ESPACE ART GALLERY Né le 9 décembre 1961 au Portugal et émigré dans le nord de la France avec ses parents en 1974, Fernando Ferreira commence à seize ans des cours de peinture par correspondance et s’engage à réaliser des copies de toiles de maîtres. Un enseignement contraignant, mais certes fructueux. Bien vite, il se détache des sujets académiques pour travailler sur le motif, en puisant son inspiration dans le monde qui l’entoure. Artisan méticuleux, il vit du travail de ses mains et pratique l’exigeante profession de menuisier, qui réclame du savoir-faire et énormément de patience. Formé par la Fédération compagnonnique des Métiers du bâtiment, cette dernière l’engage à devenir peintre-décorateur. Tâche à laquelle il s’acquitte en mordant deux fois plutôt qu’une dans cette activité, lui permettant de joindre sa passion pour le monde des couleurs et des pinceaux à celui de l’entreprise. Depuis, son travail s’est vu décerner de nombreux prix et distinctions dont le « Coup de cœur » aux Picturales de Bourg-de Péage, la « Mention spéciale du jury » au salon international de Vittel, la médaille d’or au « Salon international Arts-Inter » à Dijon et, parmi beaucoup d’autres, le « Premier prix de la ville de Montélimar » Comme souvent à Espace Art Gallery, des sculptures viennent dialoguer avec les œuvres accrochées aux cimaises. Formée à l'École d'Arts Plastiques Martenot de Neuilly-sur-Seine, puis à l'Institut de Peinture Décorative de Paris, Aude Silve y fait l'apprentissage des techniques picturales et, plus particulièrement, de celles liées à la pratique de l'aquarelle et de la peinture en trompe-l'œil. Par la suite, son intérêt se focalise sur l'expérimentation de la sculpture, dont elle étudie les fondements théoriques et pratiques à l'École des Beaux-Arts d'Aixen-Provence. Heureuse d’avoir enfin trouvé son médium, elle fait le choix de s’exprimer exclusivement à travers la 3D et les matériaux solides, abandonnant la toile et le papier à dessin. Chaque œuvre voit le jour dans son atelier sis au cœur de la bonne ville de Marseille, si chère à Marcel Pagnol et qui ravive toujours en nous le souvenir de Marius et Fanny, de La gloire de mon père et de Le château de ma mère. Soucieuse de ne jamais se répéter, elle travaille les volumes à la recherche de courbes et de lignes parfaites (à ses yeux), laissant sortir de l’argile des personnages gracieux flanqués de membres inférieurs démesurés, seulement guidée par son goût pour l’harmonie et l’équilibre. Il y a aussi ces figures conçues dans la résine et le bronze, ensuite colorées, qui (selon les dires de l’artiste) se veulent un plaidoyer pour la féminité ou une invitation à la volupté. Sans doute s’agit-il enfin de la réminiscence de voyages lointains effectuées durant son enfance en Afrique ? Certains voient ici des analogies avec les doudous sénégalais aux formes généreuses et sans complexes. Vénus callipyges, chats bedonnants, vierges primitives … aucun thème n’est éludé ! Certains visiteurs qualifient même ses créations de ludiques et de lumineuses ou de monochromes à saisir entre la pulpe des doigts pour les retourner dans tous les sens et s’extasier devant à la finesse de l’exécution. Mayumi Unuma-Linck s’ajoute à ce duo original, en proposant des toiles abstraites nourries de couleur et où s’incruste chaque fois un élément offrant un lien avec notre société de consommation ; une montre, un pendule, un slogan, un codebarres. Des réalisations à l’acrylique qui méritent qu’on se déplace afin de les contempler. Cette exposition est à découvrir jusqu’au 24 avril 2019 à Espace Art Gallery. Voyez plus de détails sur le site officiel www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
FOLKLORE : MANNEKEN-PIS RHABILLÉ PAR LES NOIRAUDS Voilà donc notre petit bonhomme rhabillé de pied en cap par les Noirauds qui ont choisi, cette année, de le vêtir aux couleurs nationales. Les couleurs du drapeau belge. Juché au-dessus de la vasque, à l’angle des rues de l’Étuve et du Chêne, notre ket bruxellois arbore fièrement, pour quelques jours, la tenue qu’on lui a offerte le mercredi 13 mars à l’hôtel de ville de la Grand-Place : un pantalon bouffant rose fuchsia, un habit noir à longue queue et un haut de forme tout blanc. Mais surtout, son visage est caché par les couleurs du drapeau belge qui lui dessinent un loup autour des yeux. C’est son nouveau costume : le mille dix-huitième depuis 1619, nous assurent les Noirauds qui ont vêtu notre ket des pieds à la tête et qui ont défilé dans les rues de Bruxelles, leur visage peint lui aussi aux couleurs nationales : le rouge et le jaune le disputant au noir. C’est la première année qu’ils renoncent à se grimer les traits en noir d’ébène pour faire la quête dans les restaurants avoisinants. Leur nouveau look dans l’air du temps devrait leur permettre de conserver l’anonymat dans les collectes qu’ils organisent, tout en renforçant le caractère festif de leur manifestation carnavalesque. Cette décision a été cependant lente à mûrir, certains membres de l’association étant contre ce changement qui porte atteinte aux traditions du folklore. « Le but de notre association, c’est de récolter de l’argent pour les enfants défavorisés ou atteints d’un handicap grave, nous explique Albert Vermeiren, le président honoraire de la société des Noirauds. Nous devons donc éviter de nous mettre à dos une partie de la population qui voit d’un mauvais œil la couleur noire de notre maquillage. C’est comme pour Tintin au Congo. Il faut être attentif aujourd’hui à ne choquer personne. Car les susceptibilités sont à fleur de peau. J’ai 80 ans et si je ne les parais pas, c’est parce que je reste positif et que je souhaite aller de l’avant comme notre association. » L’ancien président des Noirauds fait allusion à la polémique lancée à propos de la couleur noire du maquillage. Cette couleur date de l’époque coloniale, quand l’association fut fondée en 1876 pour venir en aide aux enfants dans une crèche de Bruxelles au bord de la faillite. A cette époque, le « Conservatoire africain », né au lendemain des expéditions de Léopold II au Tanganyika, se teignait le visage en noir pour préserver l’anonymat des quémandeurs – souvent des bourgeois huppés de la ville – et pour pasticher aussi les monarques et les notables africains dans le viseur de la colonisation. Rien de mal dans l’esprit carnavalesque de l’époque, mais cet aspect du maquillage suscite la polémique aujourd’hui, où la communauté noire cherche ses valeurs et veut échapper aux préjugés, quels qu’ils soient. L’image par exemple du Noir quémandeur, tendant la main. Blackface La couleur noire du masque des Noirauds a été en effet identifiée à un « blackface », représentation caricaturale et raciste des personnes de couleur développée au XIX e siècle aux Etats-Unis, quand des comédiens blancs incarnaient des Noirs et se grimaient le visage pour les pasticher. Le blackface s’est répandu ensuite en Europe où on le retrouve dans la figure du Zwarte Piet, notre Père Fouettard, ou dans la « Nuit des Noirs » du carnaval de Dunkerque. C’est cette figure noire burlesque qui est critiquée par beaucoup d’Africains établis chez nous.
La contestation a mis un certain temps pour se faire entendre. Les tenants de la tradition y restent opposés en disant qu’on touche là aux racines du folklore et à la part de notre héritage culturel. Les Noirauds viennent de trancher afin de couper court aux polémiques. C’est donc pour eux la fin d’une longue tradition qui remonte à 1876, la date de leur « berceau » d’origine. Chaque année, depuis plus de 140 ans, les Noirauds défilaient dans les rues de Bruxelles durant la semaine du carnaval, le visage peint en noir, entrant dans les cafés et les restaurants de la ville pour collecter des fonds au bénéfice de l’enfance dans leur escarcelle en forme de poupée noire. Certains de nos hommes politiques, comme Didier Reynders en 2015, y avaient même pris part, ravivant ainsi les rancœurs. Désormais, les Noirauds se teindront le visage en rouge, jaune et noir pour déambuler dans les rues. Certains pourront dire que le noir reste dominant, mais c’est l’une de nos couleurs nationales et la contestation n‘y changera rien. Les berceaux Quant à l’œuvre caritative, elle est toujours bien présente dans ces « Berceaux de la Princesse Paola », devenue entre-temps notre Reine mère et restée la patronne d’honneur de l’association depuis 1959. Depuis soixante ans donc. Ces berceaux symboliques correspondent au montant délivré pour les soins d’un enfant admis dans une crèche. Ces soins sont en principe calculés pour une année, et l’argent récolté est versé à tour de rôle dans chacune des crèches que patronne l’œuvre. Mais, avec le temps, les choses ont changé. « Un berceau auparavant était l’équivalent d’une année d’accueil pour un enfant dans une crèche, constate Albert Vermeiren. Aujourd’hui, un an équivaut à un mois. On a donc multiplié par douze l’accueil d’un enfant. C’est une évolution qu’on doit suivre, à laquelle il faut s’adapter, et c’est pour cela aussi qu’on a revu la tradition du maquillage. » La fameuse collecte des Noirauds se déroule chaque année le deuxième week-end du mois de mars, à Bruxelles et dans le Brabant wallon. Tous les renseignements et les dons à faire sont disponibles sur le site de l’association : www.berceaux.be Michel Lequeux CONCOURS REINE ELISABETH 2019 Achetez votre place et venez admirer en direct les jeunes violonistes du Concours Reine Elisabeth à Flagey et au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles ! Le prochain concours de violon aura lieu du 29 avril au 25 mai 2019. Les abonnements sont déjà en vente. Comme d'habitude, les réservations se font sur place à Flagey (première épreuve, demi-finale et récitals de lauréats) et à Bozar (finale et concerts de lauréats), au téléphone (+32 2 641 10 20 Flagey / +32 2 507 82 00 Bozar) ou en ligne sur les sites officiels www.flagey.be ou www.bozar.be. Cette année, un tarif spécial est proposé pour les jeunes de moins de vingt-six ans. On le sait, ce concours s’adresse aux musiciens dont la formation est déjà confirmée et qui sont prêts à se lancer dans une carrière internationale. Après le chant en 2018, le violon est cette fois mis à l’honneur. De grands instants d’émotion garantis ! Sam Mas
THÉÂTRE : LA VÉNUS À LA FOURRURE Je me suis rendu à la première de « La Vénus à la fourrure » et j’ai vraiment admiré la prestation de Fabrizio Rongione et d’Erika Sainte dans cette formidable pièce adaptée du roman de Leopold Sacher-Masoch, dont le nom a donné naissance au mot « masochisme. » Pourquoi David Ivès a-t-il adapté ce livre marquant les débuts de la littérature érotique ? Alain Leempoel, metteur en scène, donne d’emblée une réponse en nous montrant Thomas Novachek, interprété par Fabrizio Rongione, désespéré après une journée d’auditions pour découvrir l’actrice féminine qui campera le rôle principal dans « La Vénus à la fourrure », spectacle qu’il montera prochainement sur les planches. Tout en pestant contre les comédiennes qui se sont succédé, voilà qu’il y en a une qui surgit dans son salon et se déclare être LA Vénus qu’il cherche. Il refuse de la recevoir, mais elle s’installe et le force à lui donner la réplique, même s’il n’est pas acteur. Fort vite, elle lui oppose sa séduction, ses ruses et sa beauté. Ce huis clos, peuplé de fantasmes, de manipulations subtiles et d’intelligence, nous fait découvrir ce qui se cache à travers le masochisme et ce qui alimente le plaisir de souffrir. Cette aspiration à l’amour se lie à une pulsion de destruction du moi. Le philosophe Gilles Deleuze interprète le masochisme et le sadisme comme étant deux univers différents, mais qui parfois peuvent se rejoindre. Le masochiste choisit son bourreau et pactise avec lui, tandis que le sadique torture sa victime et jouit lorsqu’elle n’est pas consentante. Ce dernier vit de la nécessité d’infliger des souffrances pour s’épanouir sexuellement. A l’opposé, le monde du masochiste naît d’une relation dominateur-dominé, en signant un contrat plus ou moins détaillé sur la durée des sévices. Ici, c’est la personne qui se soumet qui garde le pouvoir, puisqu’elle fixe les règles. L’esthétique des mises en scènes concourt généralement à ce plaisir cérébral. On sort du profane pour entrer dans une scène sacrée, comme l’exprime le maître-dominateur, Hieros. Le plaisir s’articule dans une longue phase dite de préparation, où la douleur devient épanouissement. Hegel affirme que le maître dépend de l’esclave pour exister en tant que maître. Autrement dit, les êtres humains deviennent conscients d’eux-mêmes à travers le désir et les esclaves. Comme il n’existe pas de maître sans esclave ni d’esclave sans maître, tous deux sont réduits à des rôles inauthentiques et interchangeables. Cela signifie que les vivants sont habités par la dualité passion et raison. La présente pièce le prouve parfaitement avec le personnage de Thomas Novachek. Lui, le grand intellectuel, juge qu’il ne se laissera pas séduire par ce monde-là. Mais en jouant le rôle du masochiste, il oublie vite ses bonnes résolutions devant sa déesse. Celle-ci, qui demande l’égalité entre hommes et femmes, lui fait endosser son rôle pour qu’il puisse se rendre compte de ce que les femmes subissent dans une société régie par les mâles. Afin de résumer la pièce, je dirais que tant qu’il y aura un dominant et un dominé, il n’y aura jamais de relations valorisantes. En fait, pour combler la moitié que nous sommes, il ne faut jamais chercher à prendre la moitié de l’autre qui, lui aussi, demeure en manque. Seule, une relation à soi et d’égal à égal avec le partenaire peut nous faire prendre conscience que ce que nous cherchons ne se trouve pas à l’extérieur, mais à l’intérieur de chacun d’entre nous ou voilà comment un metteur en scène misogyne et orgueilleux se retrouve cloué au pilori par une femme déterminée. Le message est fort. Ce tour de force à deux voix confirme ce qu’on pense d’une société en souffrance. Cette traversée des apparences évite la claustrophobie grâce à un jeu impeccable de deux professionnels de la scène et à un ton juste. Voilà ce que j’ai découvert à travers ce spectacle que je vous conseille vivement d’aller découvrir jusqu’au 27 avril 2019 au Théâtre Le Public. Le dénouement fait basculer tout ce qui a été vu pendant une heure trente dans l’inattendu. Un bras d’honneur au machisme et aux idées faites sur le sexe dit faible ! Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles Maurice Chabot
THÉÂTRE : LES BELLES PERSONNES Sébastien Ministru fait partie des noms récurrents du Théâtre de la Toison d’Or. L’une des plumes sur laquelle l’équipe peut miser sans avoir peur de se fourvoyer. Né à Mons en 1961, il a réussi à imposer une encre mêlée de vinaigre et de miel, cherchant constamment la réplique qui fait mouche ou la formule qui déclenche d’immenses éclats de rire. En s’affranchissant des tabous, il ose tout et clame ce que beaucoup murmurent. Depuis le milieu des années 80, il est également réputé pour ses rubriques dans l’hebdomadaire « Moustique », dont il est devenu le rédacteur en chef. Chez lui, le décalage n’a pas de limites et son imagination foisonnante fait mouche. Pourquoi changer une formule qui plaît ? Après, entre autres, « Cendrillon, ce macho » et « Ciao Ciao Bambino », il revient en grande forme avec « Les belles personnes », une création mise en scène par Nathalie Uffner et défendue sur les planches par Laurence Bibot, Emmanuel Dell’Erba, Antoine Guillaume, Aurelio Mergola, Pierre Poucet et Soda, des comédiens qu’il connaît et apprécie. L’occasion de découvrir des individus singuliers et de gratter le vernis pour laisser émerger la vraie personnalité de chacun. La caricature est ici acerbe et rondement menée. Les trois couples, amis de longue date, aiment se réunir autour d’une table bien garnie et digresser à propos de tout et de rien, remodeler le monde, juger et critiquer autrui. Ils tiennent la chronique de leur amitié, de leurs espoirs, de leurs rêves, de leurs désenchantements et abusent un peu trop de l’alcool. Or, on le sait : in vino veritas ! Alors qu’ils comptaient passer une énième soirée conviviale, les propos dérapent et les libations avinées délient les langues. La situation vire très vite au burlesque le plus total et nous vaut des séquences d’une drôlerie irrésistible. « Les belles personnes » fait partie de ces spectacles conçus pour nous arracher de la morosité du quotidien, bousculer le ronron et décrisper nos zygomatiques. Cette création est à applaudir du 28 mars au 31 mai 2019 au Théâtre de la Toison d’Or. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d'Or, 396-398 à 1050 Bruxelles Paul Huet SPECTACLE : MARC YSAYE - ROCK’N’ROLL Marc Ysaye revient au TTO avec une reprise de son spectacle « Rock’n’roll ». Voix mythique de Classic 21 (dont il est le directeur) et membre du groupe « Machiavel », il n’y a pas mieux que lui pour nous raconter l’aventure du rock, des origines à nos jours. Pour un public passionné ou néophyte, il ouvre le grand livre d’une musique qui a fédéré plusieurs générations et qui a inscrit de nombreux titres dans le marbre de la variété internationale. Non seulement il partage ses coups de cœur, mais dévoile les coulisses d’une aventure qui s’est déployée sur plusieurs décennies. Genesis, Pink Floyd, The Beatles, The Pink Floyd, The Rolling Stones, Led Zeppelin … voilà le sommet de l’iceberg ! Avec truculence, il narre, parfois sur le ton de la confidence, et émaille ses propos d’extraits sonores. Du coup, chacun effectue un voyage dans le temps et agite la clochette de la nostalgie. Jamais, il ne balance. Il parle de ses expériences, de ses rencontres, de ses coups de cœur et remet plusieurs pendules à l’heure. Il n’hésite pas non plus à se faire didactique lorsque la nécessité l’y oblige et définit, sans termes doctes, l’un ou l’autre courant, afin de demeurer le plus accessible et compréhensible. Avec lui, on concède volontiers que la musique doit demeurer un plaisir offert à tous, intellectuels ou non, afin de générer de vraies tranches de bonheur. Seul sur scène, il capte parfaitement l’attention et se fait passionnant. Lorsqu’on se trouve en présence d’une personnalité qui connaît le métier et qui sait de quoi il parle, on s’abreuve de son discours. Attention, il ne s’agit pas d’un spectacle écrit à la virgule ! Selon l’actualité du moment ou de son inspiration, Marc Isaye s’engage dans la voie de l’improvisation sans donner l’impression d’abandonner la trame établie et nous gâte par un ton vrai. Bien entendu, il égrène son anthologie de multiples traits d’humour et recrée sur les planches l’ambiance d’un studio de radio. La maîtrise du sujet force l’admiration et, en fin de prestation, les spectateurs ont l’opportunité de s’adresser à l’artiste pour dialoguer courtoisement ou demander l’un ou l’autre éventuel détail qui les taraude. Quand le passé du rock fait le rock d’aujourd’hui, voilà une rencontre à applaudir sans modération au Théâtre de la Toison d’Or du 24 avril au 11 mai 2019. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d'Or, 396-398 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : COUP DE SOLEIL Le démon de midi n’est pas un mythe ! Plusieurs couples subissent de plein fouet ce réveil de libido tardif, qui fait que certains hommes aux tempes grisonnantes se sentent attirés par des femmes plus jeunes qu’eux. Il ne s’agit pas de vice ni de la volonté de défaillir aux promesses matrimoniales. A un âge où on bascule de la jeunesse à un âge plus mûr, on souhaite conserver intactes ses facultés de séduction. Bien sûr, au sein du ménage, ce coup de chaud apparaît comme une infidélité, voire une perte totale de confiance pour le conjoint. Les hommes sont-ils les seules victimes de cette tentation qui les engage à aller voir ailleurs ? Selon diverses études extrêmement sérieuses, cette espèce de coup de folie tarauderait aussi bien les femmes que les hommes. Marcel Mithois s’est intéressé à ce phénomène et a imaginé une pièce humoristique qui raconte les émois de Valentine, lasse du quotidien et qui rêve d’une existence pimentée. Il suffit d’un petit rien pour chahuter la morosité des semaines qui se suivent en se ressemblant misérablement. Engoncée dans le ronron, elle aspire à autre chose et s’apprête à quitter son amant. Un livreur, venu lui apporter un bouquet de fleurs, ravive bien vite des émotions qu’elle croyait éteintes depuis longtemps. Plus que le parfum des roses, il lui transmet l’arrogance de la jeunesse, la beauté d’un physique enjôleur et la force de l’insouciance qui ne se préoccupe que du présent. En moins de temps qu’il ne faut pour l’exprimer, la bourgeoise se sent revigorée, prête à se remettre complètement en question, à se lancer dans une aventure folle et à tirer un trait charbonneux sur le passé. Sans calcul, elle choisit l’exaltation à la somnolence, la passion à la tiédeur, le risque à la sécurité. L’auteur brosse le portrait d’une quarantenaire qui, brusquement, prend conscience de la stérilité de son existence et se met à aspirer au mouvement et aux embrasements. Malgré quelques appréhensions, elle envoie balader le qu’en dira-t-on et, sans complexe, se jette dans ce qui pourrait –peut-être ?- s’apparenter à une cure de jouvence. Démon de midi ou coup de soleil, peu importe le terme idoine ! Cette pièce, infiniment drôle, se joue d’une situation finalement ordinaire, mais refoulée chez beaucoup. Doit-on se laisser envahir par ses envies ou faut-il impérativement lutter ? Jalousie, quiproquos, approche ambiguë, mots teintés de sous-entendus, rien n’est épargné aux protagonistes. Plutôt que de tremper sa plume dans l’encre de la tragédie, Marcel Mithois joue avec les poncifs de la vie de couple pour mieux les dégonder et engendrer des scènes burlesques, où le rire entraîne les spectateurs à se regarder dans le miroir de leurs pensées intimes. Et moi, n'ai-je jamais songé à un ailleurs probable, à une vie loin des miens, à un futur que je bâtirais brique par brique sur les cendres des années écoulées ? Marie-Paule Kumps, Bernard Cogniaux, Camille Pistone, Damien De Dobbeleer, Julie Deroisin , Jean-Daniel Nicodème et Gudule sont parfaits dans leur rôle et incarnent à la perfection des femmes et des hommes qui s’activent sur le théâtre de l’existence, prêts à s’étriper, à s’opposer et à exposer de maigres arguments pour se justifier aux yeux des autres. Avec « Coup de soleil », on oublie ses rides, ses courbatures, ses complexes et ses pilules lénifiantes pour se laisser emporter dans un tourbillon de répliques savoureuses, où les a priori n’existent pas, et qui se définit comme un appel à laisser tomber nos œillères. Nathalie Uffner, qui maîtrise son métier à la perfection, propose une mise en scène dynamique où rien n’est laissé au hasard. Cette pièce est à découvrir du 24 avril au 19 mai 2019 au Théâtre royal des Galeries. Plus de détails sur www.trg.be Galerie des Princes 6 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : LE CHEVALIER D’ÉON Chacun connaît ou a entendu parler du célèbre chevalier d’Eon (1728-1810), officier, diplomate, homme de lettres et espion, demeuré célèbre pour son goût du travestissement. Le cinéma s’était déjà emparé de ses aventures en 1959 avec Andrée Debar devant les caméras de Jacqueline Audry. Le personnage apparaît encore dans le long métrage « Beaumarchais, l’insolent » (1996) sous les traits de Claire Nebout et dans un épisode de la série Nicholas Le Floch (2009). De son vrai nom Charles-Geneviève de Beaumont, on lui attribue plusieurs victoires diplomatiques, parallèles aux efforts officiels des hommes mandatés par Louis XV, parvenant à faire basculer la Russie dans le camp français lors de la guerre de Sept ans. Bien entendu, les romanciers ont principalement retenu ses relations galantes ambiguës, véritables feuilletons destinés à passionner ou à choquer les gens de son époque. Très vite, les paris ont été ouverts : estil mâle ou femelle ? Il a été rapporté que, en 1774 et pour faire taire les rumeurs, le monarque lui a ordonné de révéler officiellement son identité sexuelle. Le chevalier a solennellement affirmé être une femme, propos corroborés par les médecins. Pourtant, après son décès, une autopsie aurait clamé le contraire, relançant les supputations et donnant corps à la légende. Pour achever la saison, le Théâtre royal du Parc s’attaque à l’une des énigmes de l’Histoire et revient sur un protagoniste qui a fait couler énormément d’encre. L’imagination fertile des écrivains s’est rapidement mariée à la réalité, arguant que pour s’approcher du roi, il se serait déguisé en femme, afin de titiller son attention. Réputé pour sa maîtrise de l’escrime, sa réputation de fine lame le précédait partout. Créé en 2006, ce spectacle en costumes est aujourd’hui mis en scène par Daphné d’Heur qui, avec le dynamisme qu’on lui attribue, revisite le passé pour entraîner le public dans un tourbillon d’émotions et d’action. Pas de mauvaises surprises au menu de ce programme : les dialogues ciselés, la beauté des décors, la magnificence des costumes, le tempo soutenu, la puissance du récit et le jeu sans fautes des comédiens Maroine Amimi, Julien Besure, Didier Colfs, Laurence D’amelio, Perrine Delers, Baptiste Denuit, Jonas Jans, Nicolas Janssens, Marc Lauren, Tanthony Molina-Diaz et Valentin Vanstechelman contribuent vivement à la réussite d’un spectacle total, haut en couleur et bourré d’inventitivé. Au demeurant, une escapade divertissante et panachée au cœur du XVIIIe siècle, pétri de complexité et de violence. « Le chevalier d’Eon » est à applaudir du jeudi 25 avril 2019 au samedi 25 mai 2019 au Théâtre royal du Parc. Plus de détails sur le site www.theatreduparc.be Rue de la Loi, 3 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
CINE-DIMANCHE : THREE BILLBOARDS Dans la ville d'Ebbing (Missouri), une fille a été violée et assassinée. Comme la police tergiverse, la mère de la défunte décide de mener sa propre enquête. Pour attirer l’attention de la population, elle loue trois panneaux publicitaires et y placarde un slogan qui brocarde le shérif local, qu’elle accuse d’inertie. Bien entendu, l’officier réfute ses propos et tente de s’expliquer. Rien n’y fait ! Un manque cruel d’indices endigue les investigations. A cela, ce dernier se sent totalement impuissant, atteint d’un cancer en phase terminale. « Three billboards - Les panneaux de la vengeance » fait partie de ces longs métrages dont il vaut mieux ne pas divulguer l’épilogue, au risque d’altérer le plaisir en cours de projection. Le suspense nous entraîne dans une bourgade perdue au milieu de
nulle part, où les esprits s’échauffent et les rumeurs vagabondent. Frances McDormand est toujours magnifique en femme bouleversée et bouleversante, qui sait faire preuve de pragmatisme et de détermination. Alors qu’on lui a volé la chair de sa chair, elle s’apprête à rendre coup pour coup, consciente qu’elle s’engage sur une voie sans retour possible. Au passage, le metteur en scène dresse une galerie peu réjouissante de personnages (ivrognes, obsédés sexuels, racistes, fainéants) et ne ménage pas ses efforts pour rendre ce film oppressant et d’une noirceur conséquente. Contrairement au titre, ce long métrage s’efforce de parler (non pas de vengeance !) mais de culpabilité. Celle de cette maman anéantie et qui se reproche d’avoir été une mauvaise mère, incapable de protéger son enfant contre un prédateur, puis freinée dans ses recherches de vérité par le poids de l’administration. En refusant la fatalité, elle déclenche un scandale qui remue la petite ville engoncée dans la somnolence. En profitant d’un casting trois étoiles (Woody Harrelson, Sam Rockwell, John Hawkes), cette histoire dénonce nos silences coupables, notre égoïsme et le postulat qui veut (parfois) que la violence soit la meilleure arme face au statisme. Film ambigu, il est à voir le dimanche 28 avril 2019 à 10 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.ccu.be Rue Rouge 47 à 1180 Bruxelles Paul Huet BALLET : SYNCOPE / BREL ET BARBARA / BÉJART Le profond attachement entre Maurice Béjart et Bruxelles n’est pas prêt de s’étioler – depuis ce jour de 1959 où Maurice Huisman, alors directeur du Théâtre royal de la Monnaie à Bruxelles, invita Béjart à réaliser un ballet. Le Sacre du printemps (musique de Stravinski) fut ainsi créé et, avec lui, le Ballet du XXe siècle. Suivirent en 1961 le Boléro de Ravel, la Neuvième Symphonie de Beethoven en 1964, Roméo et Juliette en 1966 (sur la partition de Berlioz), Messe pour le temps présent (musique de Pierre Henry) en 1967, Bhakti (musiques hindoues) en 1968 ou encore La Flûte enchantée de Mozart en 1981. Désigné comme successeur par Béjart, Gil Roman dirige la compagnie et préserve son excellence artistique depuis la disparition du maître en 2007. Par sa recherche et son travail chorégraphique, le directeur artistique fait vivre le répertoire de la compagnie qui demeure un espace de création, comme en témoigne notamment Syncope. Ovationné à travers les continents et créé en 2010 à Lausanne, il sera présenté pour la toute première fois à Bruxelles. À petits traits délicats, ce spectacle enracine sa chorégraphie dans un voyage esthétique où la majesté des mouvements se combine intimement aux arpèges de la partition. Quant à Brel & Barbara, créé en 2001 à Lausanne, Béjart propose des chorégraphies sur les airs de la dame en noir (L'aigle noir, Dis ! Quand reviendrastu ?, Ma plus belle histoire d'amour, etc.) et sur ceux du grand Jacques (La valse à mille temps, Ne me quitte pas, Rosa, etc.). Au sujet de ces deux artistes d’exception, le chorégraphe aimait rappeler que Barbara fut sa sœur de cœur pendant trente-cinq ans. Quant à Jacques Brel, Béjart fit sa connaissance à l’occasion de L'homme de la Mancha joué au Théâtre de la Monnaie. Très vite, il remarqua la fraternité et la complémentarité qui liaient les chanteurs Jacques Brel et Barbara, notamment lorsqu'ils jouèrent ensemble dans Franz. Ce ballet atypique simplement intitulé « Brel & Barbara », sonne comme un hommage à deux êtres dont la connexion paraissait évidente au danseur. C’est un Cirque Royal flambant neuf qui servira d’écrin à cette double programmation à voir du 1er au 5 mai 2019. Plus de détails sur le site www.cirque-royal-bruxelles.be Rue de l’enseignement, 81 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : FANTASTIQUE JEAN RAY Aujourd’hui, Jean Ray est glorifié, admiré. Et ceux, innombrables, qui se passionnent pour ses œuvres lui vouent un véritable culte (un culte presque maniaque). Quand par exemple ils en arrivent à posséder un de ses livres en version originale, c’est comme s’ils tenaient entre les mains un précieux incunable. Pour eux, l’homme est à prendre sans aucune réserve. Avec d’emblée tous les partis pris favorables. Par extraordinaire, sa vie les intéresse peu ou prou et, fatalement, ils l’acceptent avec ses parts d’ombre et ses légendes. Il a été raconté que Jean Ray aurait bourlingué aux quatre coins du globe, qu’il aurait été trafiquant d’armes, d’alcool, d’ivoire, de diamants dans les années 20 ou 30, qu’il aurait dompté des fauves dans un cirque, qu’il aurait activement participé à la prohibition aux Etats-Unis, qu’il aurait été bourreau à Venise, pirate dans les mers lointaines, gangster à Chicago. Bref, qu’il aurait vécu mille existences remplies de rebondissements et chargées d’adrénaline. Jamais, l’auteur ne s’est échiné à séparer le vrai du faux, s’amusant à ne pas démêle le clair de l’obscur. A-t-il participé à tout cela ? Les sceptiques doutent forcément, tout en se heurtant à des obstacles biographiques. Au demeurant, Jean Ray demeure insaisissable, coincé entre rumeur et vérité. Il a même eu le privilège d’entrer de son vivant dans le mythe, devenant pour beaucoup un des pères du récit fantastique moderne. Il a puisé son style dans la littérature américaine plutôt que dans le courant européen, même si le lecteur décèle ci et là des traits bien de chez nous, avec des descriptions flamboyantes, un goût prononcé pour les vieilles pierres, les reliques et les ruelles aux façades austères. Son fantastique accuse un étonnant syncrétisme entre le connu et l’inconnu, entre les signes extérieurs de la mythologie chrétienne et ses mystères essentiels. Avec lui, les certitudes humaines ne sont pas la rédemption ni la sérénité, mais l’effroi et l’épouvante. L’agression provient toujours de l’extérieur, de l’autre, du monde invisible que nous ne soupçonnons pas. Auteur de multiples nouvelles, du roman « Malpertuis » et de la saga des enquêtes de Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, il a vu ses textes couronnés par une réédition souhaitée par Marabout quelques années avant sa mort, devenant pour beaucoup un exemple à suivre, un écrivain prolixe et flanqué d’une imaginaire intarissable. Il écrivait vite, se relisait peu et ratait rarement la cible à atteindre. Jusqu’au 26 mai 2019, la Maison Autrique propose une exposition intitulée « Fantastique Jean Ray », dont l’objectif est de nous coller dans les pas d’un artiste hors normes et finalement pas suffisamment étudié dans les écoles. Plus de détails sur le site www.autrique.be Chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles Daniel Bastié
EXPOSITION : AU-DELÀ DE LA GRANDE GUERRE 1918 – 1928 Après la Première Guerre mondiale, la Belgique (à l’image du reste du monde) subit de profondes mutations. La société est fortement ébranlée mais, en même temps, elle revit. Dans l’exposition « Audelà de la Grande Guerre : 1918-1928 », le War Heritage Institute explore plusieurs thèmes majeurs tels que l’offensive finale, la libération, la période d’après-guerre, les révolutions géopolitiques, mais aussi la reconstruction économique, le processus de deuil et la mémoire, les changements sociopolitiques et socioculturels. Cette manifestation présente des pièces exceptionnelles provenant des riches collections du WHI, de musées nationaux et internationaux. Les décors et les témoignages des « Années folles » ainsi que des outils interactifs réservent au visiteur leurs lots de surprises et d’émotions. Un catalogue volumineux accompagne l’exposition afin d’illustrer en profondeur le contexte de cette période mouvementée. Un événement à voir jusqu’au 22 septembre 2019 au Musée Royal de l'Armée et d'Histoire Militaire. Plus de détails sur le site www.klm-mra.be Parc du Cinquantenaire, 3 à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : RATER MIEUX RATER ENCORE Hervé Piron, assisté d’Alice Hubball, assure pour la première fois la mi se en scène. Marie Lecomte et Eno Krojanker jouent pour la première fois ensemble, et pour la première fois encore, deux acteurs – Pierre Sartenaer et Marie Henry – viennent compléter la distribution. Cette composition inédite a navigué dans tous les rouag es de la création théâtrale. Elle est aguerrie à l’exercice de l’improvisation comme source première d’inspiration, et a un regard décalé sur le théâtre et les choses de la vie. Hervé Piron sera donc le chef d’orchestre d’un spectacle riche en inventions et en surprises. Dans un monde où la réussite a envahi tous les domaines de la vie professionnelle et personnelle, où elle semble être devenue un impératif en tout et à tout prix, l’échec serait-il son ennemi mortel ? Paradoxalement, celui -ci est aujourd’hui à la mode. On ne compte plus les ouvrages qui vantent ses mérites… comme un tremplin vers… la réussite ! Mais quoi ? N’aurions -nous pas droit à l’échec ? Pourquoi nous angoisse-t-il tellement ? Ne fait-il pas partie de la nature des choses ? La distinction entre l’échec et la réussite est-elle si évidente, et la réussite qu’on nous vend est -elle si idéale, si souhaitable ? Quatre acteurs vont se retourner sur leurs vies, considérer celles de leurs contemporains, revisiter quelques personnages historiques pour décrypter l’échec et tenter de le réhabiliter. Quand on veut, on peut. Et qu’en pense le chien ? Une pièce à découvrir du 30 avril au 18 mai 2019 au théâtre Varia. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
DANSE : OSHIIRE Uiko Watanabe est une adepte du “théâtre abstrait et de la danse concrète”, et Oshiire – sa cinquième création en est le plus bel exemple. Un oshiire est un meuble très populaire au Japon. Dans cette armoire au x portes de papier coulissantes, encastrée dans le mur, les enfants souvent se cachent ou s’y retrouvent, lorsqu’ils sont tristes, fâchés, punis ou qu’ils veulent s’isoler et rêver. C’est aussi là où les familles rangent les objets usuels et les souvenirs. Entre théâtre et danse, le spectacle raconte l’histoire d’une enfant pas comme les autres écartelée entre une mère seule, les secrets enfouis et les désirs de départ. C’est une histoire déchirante et délicate dans laquelle la chorégraphe danse l’enfant chargée de rêves qu’elle était, et l’acteur Vincent Minne, joue la mère dont elle se souvient. Une performance à applaudir du 14 au 17 mai 2019 au théâtre Varia. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : UN GRAND AMOUR Dans une ambiance feutrée, face à un miroir, Janine Godinas incarne Theresa Stangl, dans ses ambiguïtés, dans ses refus, dans sa lâche complicité. Elle y est magistrale, d’une théâtralité incandescente. Qu’est-ce que vivre aux côtés d’un bourreau ? Estil possible d’ignorer ses actions ? Peut-on encore l’aimer, partager son existence ? Theresa Stangl fut l’épouse de l’exterminateur de masse, Franz Stangl, commandant aux camps de Sobibor et de Treblinka. Son mari fut arrêté au Brésil en 1967, où le couple et ses enfants menaient un quotidien confortable. Une journaliste britannique, Gitta Sereny, les interviewa tous les deux. Pour son roman « Un grand amour », Nicole Malinconi s’intéressa aux propos de Theresa. Elle raconte ses souvenirs, ses doutes depuis l’entrée de son mari au parti nazi à ses fonctions dans les camps de la mort. Elle a ignoré, elle a su, a parfois refusé qu’il la touche mais a poursuivi sa vie à ses côtés. Pourquoi ? « Les raisons de ne plus l’aimer, moi je les ai contournées. Je m’en suis détournée comme on détourne le regard sans avoir vraiment vu, sans avoir vraiment voulu voir » dit celle qui s’est construit une bonne conscience et s’en est fait une carapace. La vérité est une chose terrible, trop terrible quelquefois pour que nous puissions vivre avec elle. Une pièce qui parle de l’innommable, de ce que la raison préfère censurer plutôt que d’avoir à affronter la réalité qui, forcément, amènerait à se poser moult questions et à ouvrir un débat de conscience. Une pièce à découvrir du 23 avril au 12 mai 2019 au Théâtre des Martyr. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : NERON Entre « Britannicus » de Racine et « Le couronnement de Poppée de Monteverdi », entre la musique ancienne et le rock, entre la sensualité et la violence, entre l’intime presque psychanalytique et le politique, entre le féminin et le masculin, voici une création qui réunit six performers acteurs, danseurs, chanteurs et musiciens qui glissent d’une discipline à l’autre et d’un rôle à l’autre avec un talent époustouflant. Cette proposition baroque à la structure rythmique et musicale au carrefour du style renaissance et du classicisme mélange les langues, les cultures et les genres pour générer une fête cruelle et flamboyante. Néron a été placé au pouvoir par sa mère. À vingt ans il décide de s’affranchir de toute tutelle et de mettre sa puissance au service de son désir, sans fixer de limite à sa jouissance. Il ne reculera devant aucun scrupule, aucune transgression. Sexe et pouvoir, individu et collectivité, désir et responsabilité ... Néron entend rendre compte de ce moment ambivalent et délicat dans les relations entre les générations, où la jeunesse prend le pouvoir et où elle va devoir inventer ses propres valeurs et traduire sa puissance fraîchement acquise, fruit de la conquête ou du legs, en choix et en actes. Un spectacle à découvrir au Théâtre de la Vie du 23 avril au 4 mai 2019 à 20 heures. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue traversière, 45 à 1210 Bruxelles
UN KET DE BRUSSELLES : GEORGES GARNIR, UN PEÏ QUI A RACONTÉ SA VILLE Tu me dis toujours que je suis en train de pleurer sur le passé, que je suis un dinosaure larmoyant pas capable de reconnaître le progrès. Je te signale qu’une étude très scientifique vient de paraître, où on constate – ouille, ouille, dis, comment ça est possible ? – que les gens deviennent plus cons depuis les années 1990 !!! Pak vast ! (Tiens prends ça). Ça veut dire quoi, ça ? Que le progrès marche en arrière ? Oué je sais, ils ne disent pas ça comme ça, si crument, ils mettent un peu des floches autour pour faire « politiquement correct ». Mais le constat est là : le Q.I. bat de l’aile, comme on dit chez les chics madames. Je vais t’avouer que ça fait quand même un peu peur. Un journaliste brusselois du début du XXe siècle disait déjà et là je le cite car ça vaut la peine : « Les mots s’en vont comme les choses, comme les hommes. Nos petits-neveux ne sauront plus ce que c’est qu’un loeffer (rustre), un zievereir (radoteur) ou un spekscheeter (vantard) ; ils ne songeront plus à la quantité énorme d’injures que recélait le mot architek en ce début de siècle… Le vrai Bruxelles s’en va (…) À mesure que les savoureuses caractéristiques du vrai Bruxellois deviennent une rareté, à mesure que disparaît la force de la tradition, on sent la nécessité de sauver quelques vestiges folkloriques. C’est la raison toute simple de l’intérêt qu’on apporte à mes croquetons. C’est signé Georges Garnir. Il y avait dans le vocabulaire brusselois une série de dénominations farfelues pour des personnages bien particuliers. Contrairement au bobo stéréotypé propre sur lui et politiquement correct d’aujourd’hui dont la fadeur n’a d’égale que son ego démesuré, mon époque était peuplée de trognes au caractère bien trempé. Des stoeffers (frimeurs), des sloekkers (goinfres), des zattekuls (ivrognes) des zonnekloppers (écervelés), des ettefretters (grognons) et j’en passe des centaines. Les femmes aussi avaient leur lot de sobriquets : la zieptreen (chichiteuse) ne côtoyait jamais la viswaaif (poissonnière), la trutt (conasse) s’engueulait avec la totteles (bègue) tandis que la kwezelke (bigote) se faufilait vers la sacristie. Georges Garnir a su faire un portrait de chacune et chacun. Tu vas me traiter de grommelpot (père la grimace) mais j’aimais ce temps-là, avec ses veuivechters (querelleurs) qui tapaient du poing sur la table du café (après avoir vidé une dizaine de demi-gueuzes) et qui le lendemain matin repartaient à l’ouvrage sans sourciller. Les chantres de Brusselles, de son folklore et de son langage sont nombreux. Jan De Baets, un chansonnier bruxellois, a été repris par Johan Verminnen (lui aussi chantre de Bruxelles) dans la chanson « In de rue des Bouchers », Léopold Courouble nous a fait sourire avec sa famille Kaekebroek, et tout le monde connaît le chef d’œuvre « Le mariage de Mademoiselle Beulemans » (Wicheler et Fonson) qui a donné son nom à la manière brusseloise de causer fransquillon. Ces personnages « tout droit dihors », sans vergogne, sans souci du qu’en dira-t-on, ont bercé mon enfance. Je revois ces trognes rougeaudes, âpres à la besogne, vivant quelquefois dans des cuisinescave, trois pièces en demi sous-sol chauffées par un unique poêle à gros boulets (ça coûtait moins cher que l’anthracite), dont la personnalité remplissait la rue. C’était avant facebook, avant les smartphones, avant la télé. On allait au cinéma une fois par semaine (quand on en avait les moyens) et c’était une fête. On allait « en ville » pour s’émerveiller devant les vitrines des grands magasins. Le Saint-Nicolas, Noël, étaient une féerie, et même si on croisait zwette Piet (père Fouettard) dans un escalier des Galeries Anspach, on tremblait juste le temps qu’il s’éloigne. C’était au temps où Brusselles brusselait, comme disait le grand Jacques. Le jour d’aujourd’hui tout le monde a remplacé le stoemp par un macdo et la demi-gueuze par du Cacolac. Au bistrot tu ne peux plus boire (car l’ajouën va te faire souffler dans le ballon) plus fumer (car Maggie viendra cracher sur ton cercueil de cancéreux) c’est à peine si tu peux encore respirer. Et Charles le Petit (pas de Gaulle, l’autre) est en train de réfléchir à une taxe sur l’air inhalé pour combler le déficit national… Alors tu vois, le folklore s’en va, et Georges Garnir a beau se retourner dans sa tombe, le beauf nouveau est arrivé. Georges Roland Retrouvez les romans bruxellois de Georges Roland sur www.georges-roland.com « MANNEKEN PIS NE RIGOLE PLUS » est maintenant disponible en format poche, ara !
VAGABONDAGES BRUXELLOIS De mes vagabondages dans la capitale, il me souvient de coins perdus, d’estaminets et de maisons anciennes vouées à la démolition. Rue du Fossé-aux-Loups disparut le resto « Le Globe » ouvert à toute heure : spécialité spaghettis. Souvenir du défunt cinéma « Le Laurier » et de la salle des fêtes « Patria » (style 1900). Elle eut ses heures de gloire à deux pas de la rue des Sables. Après sa fermeture, la bibliothèque principale de la Ville de Bruxelles s’y installa. Elle déménagera avenue de Stalingrad (« Palais des Sports ») où longtemps jouèrent « Les Semailles » et « Le Royal IV », clubs de basket-ball. La pentue rue d’Arenberg fut l’endroit idéal où trouver de nombreux magasins spécialisés en machines à écrire. Au fond d’une impasse, je m’étonnais de buter sur la porte close de « L’Enfer », une boite de nuit où Lucifer fit des jeux de lumière. Flâneries dans le Bruxelles d’autrefois : le café « La Reine de Saba », proche de la rue Neuve et de la superbe église du Finistère. Au Grand Sablon, je franchissais le seuil de la bijouterie Leysen, m’arrêtais chez un antiquaire renommé, assistais dans une galerie d’Art au vernissage de l’exposition du peintre Jean Milo. Sans oublier de faire la visite du musée de la Poste rue des Minimes. Je découvris le riche musée consacré aux instruments de musique et fis le lèche-vitrines rue du Midi, où les philatélistes et les numismates se rendaient volontiers. A deux pas de l’Académie des Arts de Bruxelles se nichait « La Bourgogne ». Ce bistro eut son heure de gloire. Arrêt au magasin « aux abeilles » rue du Midi : cent miels différents attiraient la clientèle. Nous allions en bande, en ligue, en procession dominicale au cinéma « Ambassador ». Il projetait les films des studios Disney douze mois sur douze. Comment ne pas oublier de consacrer de belles heures à la place des Martyrs, alors en pitoyable état, nous rendre - même l’après-midi - aux dancings « Le Carabin », et « Le Grenier », où trônait à l’entrée le clown triste de Bernard Buffet. La Grand’Place eut mes préférences en toutes saisons : les étages du « Roi d’Espagne », « Le Renard », « La Chaloupe d’Or », « La Rose blanche » … Vive la rue des Chapeliers ! Son auberge au nom éponyme où, nombre de fois, je fus en charmante compagnie féminine. Je fus spectateur privilégié de l’Omegang. Souvenons-nous des dancings « Les Cousins » et « La Cave », du marché dominical aux oiseaux … La Grand’ Poste a disparu. Il eut suffi d’appeler à la rescousse la firme « Euronet » pour la débarrasser de sa noirceur et conserver les lieux. Le « Centre Martini » a vécu comme la « Maison du Peuple » et le resto italien (« Le Napoli ? ») Petite rue au Beurre, où nous refîmes le monde. Suivant l’infini boulevard Lemonnier, je fréquentais assidûment la bien nommée librairie « Pèle-Mêle », vieillotte d’apparence. Manne céleste : encyclopédies, dictionnaires scolaires précieux, bouquins d’occase, illustrés coquins, échanges d’ouvrages lus contre tickets d’achats. Que de valises pleines de papier porté là-bas pour les vendre ! Défuntes librairies « Pauli » : la maison mère se situait rue de Namur. Elle me portera chance : je travaillerai pour « Pauli » une année les week-ends au Westland Shopping Center. J’appris à confectionner les emballages cadeaux et le métier de libraire. Un quartier calme, la rue de Flandre ? L’antre aujourd’hui branchée dans le cœur historique où les bruxellois flamands prirent place. Il offre nippes, fringues à la mode, agréables terrasses et bistros, compte non loin de nombreux restaurants asiatiques. Ambiance ! L’Ostendais Arno y habiterait. La rue des Pierres et des Riches-Claires figuraient parmi mes adresses favorites. Mêmement l’église baroque du Béguinage et son environnement m’émut : un charmant patio espagnol m’enchanta. Ah, ce nom comique du Boulet ! La rue du Boulet me rappelait-t-il la firme « L’Oréal et ses donzelles blondes platinées ? Il fut un Marché-aux-Fleurs qui resta gravé dans ma mémoire comme le furent nos riches Galeries SaintHubert, le Passage des Princes, une impasse bien bruxelloise ou ne passait qu’une personne. Idem « La Feuille en Papier doré » rue de Dinant et « L’Image Notre-Dame » où je pris quelques choppes. Agréables endroits ! Rue du Renard, je m’attardais au restaurant « Les Trois Chicons » avant de rejoindre le marché aux Puces et fréquenter les boutiques des disquaires. Les dites « secondes mains ». Retrouver la longue rue des Tanneurs (et les archives de Bruxelles) pour s’arrêter devant l’Hospice Pacheco. « La Maison des Ailes » me plut. Un magasin de la rue de Flandre se consacrait aux ustensiles pour gaucher ! Rêver aux soirées festives entre jeunes poètes et artistes non loin de la « Maison de La Bellone ». J’ai tant fréquenté le Mont-des-Arts, la rue des Sols, arpenté la galerie Ravenstein de long en large que mon ombre aurait pu se coller à leurs façades ! La fontaine-poisson
ressemble à celle des années 60 dans le film « Mon Oncle » du regretté Jacques Tati. A la gare Centrale, une sourde nostalgie me saisit en attendant le train retardé par la brume des souvenances. Rue Baron Horta, le Palais des Beaux-Arts sera laconiquement rebaptisé « Bozar ». Le renommé musée du Cinéma a bien changé depuis qu’il est devenu Cinematek. Les années courtes, les « rouleaux pelliculaires » d’antan : les entrées réservées par téléphone ou sur place bien à l’avance. Les excellentes rétrospectives et le fameux « Prix de l’Age d’Or » attiraient alors de nombreux jeunes cinéphiles. Quatre années bénies par le septième Art ! Nous allâmes en prendre plein les yeux, admirer nos stars favorites et suivre la prestigieuse programmation. Autographes reçus de Gina Lollobrigida autant que d’Antony Perkins et rétrospectives inoubliables des films ou réalisations de Clint Eastwood ou hommage à l’acteur Ugo Tognazzi. Rencontrant les pépites de François Truffaut, je devins cousin d’Antoine Doinel. Bette Davis surgissait au sortir du Château des Brouillards. Jeanne Moreau boudait dans « Ascenseur pour l’échafaud ». Je vis dans cet antre, entièrement consacré au cinéma, deux classiques muets réalisés par le génial Buster Keaton, films accompagnés au piano. C’était bien ! « Il y a une période où les souvenirs sont comme des sables mouvants dans lesquels on s’enfonce, on s’enlise … et puis, peu à peu, ils prennent pour ainsi dire de la consistance, jusqu’à devenir un terrain solide sur lequel on va d’un pas élastique et léger ». Voilà ce que formulait M. Donnay ! Je le rejoins parfaitement sur le plan des idées.
Jean-Louis Cornellie PORTRAIT : STANY NOEL Il est difficile de choisir parmi les talents multiples de Stan, il nous enchante dans les domaines de la musique, de l’écriture, de la gastronomie, de la mise en scène et de la photographie ! Un homme passionné et généreux, certes, qui est heureux du bonheur qu’il peut apporter. Pour tenter de mieux le connaître, partons à la rencontre des étapes qui ont jalonné sa vie. Sa première passion fut la cuisine. Il exerça ses talents à l’ambassade de Belgique à Madrid, à la C.E.E, chez Belgacom, Ing et, finalement, chez Rob. En 2008, changement de cap. Stan décide de suivre des cours de photographie et parallèlement de créer un groupe de musique « Histoires 61 ». 2009 voit la création du premier projet photographique « Les liens de soie » sur le thème Stop au sida. Expositions et conférences récoltent un grand succès. En 2015, exposition de photographies pendant un mois au siège de la Sabam ! Juste récompense de son grand talent. En 2016, création du concept « Elles et eux » en collaboration avec Patryck De Froidmont, sur le thème de la solidarité envers les femmes et les hommes qui contractent le cancer du sein. Stan fait partie d’associations pour les droits de l’homme et multiplie les projets avec la volonté de mobiliser et de rallier les individus. En 2018, création du spectacle « Trois chefs dans les étoiles », performance dans laquelle il réunit ses talents pour l’écriture, la mise en scène et la cuisine. Il y parle des personnages qu’il a côtoyés pendant sa carrière de Chef. Une des pièces a été jouée trois soirs d’affilée au Whall Station Studio à Woluwé-Saint-Pierre. Une fois de plus la générosité et la créativité de l’artiste étaient au rendez-vous. Chaque soir, après la représentation, les spectateurs se régalaient d’un plat concocté par Stan. Le premier soir, il fut servi une entrée, le deuxième soir un plat et le troisième soir un dessert. Tous les sens étaient à la fête et le public aux anges. Parmi les nombreux prix qui lui ont été décernés, il a reçu le prix de la Cocof pour « Le cygne des temps ». Stan a bien sûr des projets qui mijotent sur le feu. Des ateliers, des expositions et… le tapis rouge au festival du cinéma à Cannes en mai 2019. Son œil qui voit la lumière dans chaque personne fera des merveilles. N’hésitez pas à le contacter pour organisation d’événements ou reportages divers via l’adresse info@stanycapteur.click ou +32 478 29 23 27. Silvana Minchella (Retrouvez tous les ouvrages de notre collaboratrice sur le site www.silvanaminchella.be)
CINÉMA : WALLYWOOD, ÇA TOURNE EN WALLONIE ! Quel est le point commun entre Rosetta des frères Dardenne (1999), Jacquouille la Fripouille des Visiteurs 3 (2016) et le Don Quichotte de Terry Gilliam sorti l’été passé ? Leur point de convergence, c’est que les trois films ont été produits en Wallonie sous les auspices de Wallimage qui gère, depuis vingt ans, l’industrie audiovisuelle dans le sud du pays. Vous allez bientôt voir les lieux de tournage de 400 réalisations grâce à Wallywood qui débarque sur nos portables. Lancement de l’application : les 27 et 28 avril prochains. Depuis le succès de la Palme d’Or wallonne à Cannes en 1999, près de 400 réalisations ont donc vu le jour chez nous en l’espace de vingt ans : longs ou courts métrages de fiction, séries, animations, documentaires ont été portés à l’écran, dont près de la moitié sont des œuvres belges, comme Ennemi public ou Trêve coproduits par la RTBF et Wallimage. Le reste est européen et se répartit entre la France, l’Angleterre, l’Italie et le Luxembourg à raison d’une aide à la production variant entre 215 000 et 500 000 €. Tout cela made in Wallonie ! Comment est-ce possible à l’heure où la Région wallonne compte ses sous et se serre la ceinture ? Simple comme le jeu du pétrole dont les raffineries font monter le cours : tout l’argent avancé par la Région à la production d’un film, via le concours d’un investisseur wallon, doit être réinvesti en Wallonie avec une plus-value. Les Visiteurs 3 par exemple, film français de Jean-Marie Poiré, a bénéficié de 350 000 € mais en a rapporté un million deux cent mille, soit près de quatre fois la mise de départ. Ou comme Le Couperet de Costa-Gavras, tourné à Liège et devenu l’ambassadeur de Wallimage à Paris en 2005. Il en est ainsi des autres productions, leur financement compensant les réalisations belges dont le rendement est moindre. « Ce qui compte, nous explique Philippe Reynaert, le patron aux lunettes blanches qui dirige Wallimage depuis 2000 et qui fut aussi le présentateur attitré du Ciné-Club de minuit sur la chaîne 3 de la RTBF, c’est que la balance annuelle soit en faveur des films produits par Wallimage chaque année. » Et elle l’est, cette balance commerciale : on estime à 420 % le rapport aux investissements consentis. Les années d’aide entre 2001 et 2018 ont atteint en effet le bénéfice de 315 millions d’euros sur un budget de 75 millions accordé par la Région wallonne. Les Bruxellois s’y sont mis à leur tour, et puis la Région flamande qui vient de produire Girl. Wallywood, on tourne Pour fêter ce succès, Wallimage, la société mère basée à Mons, lance sur les portables une nouvelle application : Wallywood. Comme Hollywood aux Etats-Unis ou Bollywood en Inde. Cette application gratuite, développée par Emoticom, s’adresse aux Wallons eux-mêmes, aux cinéphiles et aux visiteurs qui découvriront sur le petit écran de leur smartphone les lieux de tournage qu’ils côtoient. Ces lieux où ont été tournées quelque 400 réalisations leur seront signalés. La Hulpe par exemple sera illustrée par Le Maître de musique de Gérard Corbiau (1988). L’application optionnelle permettra, via un moteur de recherche, de saisir tous les films tournés dans le sud du pays. Elle donnera accès à une base de données et aux rétrospectives. Grâce à la réalité augmentée, vous pourrez situer avec précision, en tournant tout autour par 360°, l’emplacement des acteurs de chaque scène. Wallywood on tourne sera disponible sur IPhone et sur Android sans
que les identifiants personnels soient localisables, ceci assurant la protection de l’utilisateur de l’application. Le week-end de lancement, les 27 et 28 avril prochains, sera un week-end événementiel. Quarante entreprises audiovisuelles vous ouvriront leurs portes pour vous faire partager les coulisses du cinéma, comme le bruitage ou le maquillage. Vous serez aussi sur le tournage de six films en Wallonie. C’est le concept du vraifaux tournage : vous pourrez y donner la réplique à Danny Boone dans Rien à déclarer via une séquence d’une minute à mémoriser. Si vous n’y parvenez pas, un prompteur sera là pour vous aider dans votre réplique. Vous devrez bien sûr vous inscrire sur l’application qui sera disponible dix jours avant le week-end. Trois tournages sont prévus le samedi (à Louvain-la-Neuve, Liège et Namur) et trois autres le dimanche (à Marcinelle, Alleur et St-Hubert). Le train devrait vous y emmener gratuitement dans un parcours « vert ». A Namur par exemple, au Musée des Arts décoratifs qui a gardé une porte reconstituée du château, on rejouera une scène des Visiteurs 3. Les candidats acteurs ou actrices seront maquillés, coiffés et habillés pour dire « Okaaay » à Godefroy de Montmirail et lui donner la réplique. Durée des extraits à rejouer : une minute. Dernière petite chose : l’anniversaire des comédiens sera annoncé sur l’application sans vous dire leur âge. On attend 20 000 utilisateurs. Pour lancer l’événement, le thriller Duelles (cité dans notre chronique des films) sera projeté le samedi soir dans quinze salles de cinéma, dont plusieurs à Bruxelles. Un entretien avec l’équipe précédera la projection du film et sera retransmis en direct depuis l’Acinapolis de Namur. Le public aura l’occasion, durant cette émission, de gagner des places de cinéma grâce à un jeu par sms. Si vous voulez y assister, il faudra réserver vos places, là encore, sur www.wallywood.be, où vous pourrez télécharger l’application. Date de ce week-end mémorable à inscrire dans vos agendas : 27 et 28 avril. Plus d’informations sur le site lui-même. Michel Lequeux CONCERT : TYPH BARROW Typh Barrow est une chanteuse, auteure, compositrice et pianiste belge née à Bruxelles en 1987. Elle est considérée par la presse comme l'Adèle ou l'Amy Winehouse belge. On l’a récemment vue à la télévision, puisqu’elle a été la dernière artiste à chanter en duo avec la regrettée Maurane et on a pu la voir toute une saison comme jurée de l’émission « The voice ». Dès 2013, elle commence à faire parler de son talent avec des reprises en piano-voix de tubes hip-hop des eighties, qui lui procurent des millions de vues. Coolio la salue pour sa reprise de Gangsta’s Paradise. Quelques mois plus tard, sa voix se brise au milieu d’un concert. Ses cordes vocales sont endommagées par un kyste et des nodules. Afin d’éviter l’opération, elle se voit contrainte de garder le silence durant plusieurs mois. Pause salvatrice et créatrice qu’elle met à profit pour écrire et composer. L’année suivante, elle revient en première ligne et dévoile deux EP Time et Visions. Véritable révélation musicale, sa voix unique et ses premières chansons font mouche. Voilà sa carrière lancée ! Elle enchaîne aussitôt les tournées et la magie opère. Les radios la soutiennent, les articles élogieux se multiplient et les concerts sont sold-out dès les premières dates. Grâce à un style qui mélange pop, jazz et soul, elle s’installe tout en haut des podiums des hit-parade et, quoi qu’il arrive, parvient à maintenir le cap. Typh Barrow sera en concert au Cirque royal le 26 avril 2019. Plus de détails sur le site www.cirque-royal-bruxelles.be Rue de l’enseignement, 81 à 1000 Bruxelles Sam Mas
CINÉMA : MON INCONNUE Comédie romantique d’Hugo Gélin, avec François Civil, Joséphine Japy, Benjamin Lavernhe, Camille Lellouche et Amaury de Crayencour. France 2019, 118 min. Sortie le 3 avril 2019. Résumé – Après dix ans de mariage entre Raphaël, auteur de romans à succès, et Olivia qui a raté sa vie de pianiste, rien ne va plus. Mais quand Raphaël se réveille ce matin-là, après une sortie en célibataire, Olivia a disparu et leur vie a changé. Le jeune auteur de best-sellers se retrouve dans la peau d’un professeur de lettres qui ignore tout du cours qu’il va donner à ses élèves. Alors que pour Olivia, la foule se presse d’aller écouter les concerts qu’elle donne. C’est un monde parallèle qui s’ouvre à Raphaël et dont il voudrait s’échapper. Il rêve de retrouver l’amour de ses vingt ans et il va tenter l’impossible pour y parvenir. Commentaire – C’est une comédie romantique qui nous attend sur une relation à refaire. Combien d’entre nous n’ont pas rêvé en effet de rejouer un épisode de leur vie sentimentale ? Combien ne se sont pas dit : et si c’était à refaire, pour imaginer leur vie autrement ? C’est le point de départ de Mon inconnue, troisième film d’Hugo Gélin, petit-fils de l’acteur Daniel Gélin, qui développe ici une uchronie. Une histoire à recommencer à partir d’un élément qui a perturbé le cours des choses : une pluie de neige s’abattant sur Paris au début du film avec un roman à finir pour le jeune Raphaël. Côté romantique, c’était déjà le sujet de Quelque part dans le temps (1980), où le regretté Christopher Reeves plongeait dans le passé pour aller à la rencontre d’une actrice dont la photo l’obsédait. Les deux protagonistes sont contemporains, mais le succès de l’un a fini par déstabiliser leur couple et leurs dix ans de mariage. Il fera tout, Raphaël, pour récupérer celle qu’il aime toujours et qui, dans cette autre vie, est devenue pour lui une étrangère. Son « inconnue » qu’il aborde en connaissant tout d’elle. C’est interprété par François Civil qui a obtenu pour ce film le Prix de l’interprétation masculine au Festival de l’Alpe d’Huez, après avoir prêté une oreille d’or dans Le Chant du loup. Toujours sympathique, ouvert, désarmant de candeur et beau gosse – bref, un jeune premier du cinéma français d’aujourd’hui – aux côtés de Joséphine Japy, qui incarnait France Gall dans Cloclo, la biographie de Claude François. Ils forment un couple glamour, l’un cherchant l’autre à travers tout le film, ponctué par la présence de Benjamin Lavernhe qui joue l’ami fidèle dans les deux vies. Avec aussi Edith Scob à l’immense carrière cinématographique et théâtrale, dans le rôle d’une grand-mère qui donnera au repenti un petit coup de pouce pour arriver à ses fins. Avis – Et si chacun pouvait recommencer son histoire d’amour là où elle s’est arrêtée ? Ce film vous dira si votre ex vous aime toujours et comment la reconquérir. Michel Lequeux
CINÉMA : CAPTIVE STATE Film de SF de Rupert Wyatt, avec John Goodman, Vera Farmiga, Ashton Sanders et Jonathan Majors. USA 2018, 1 h 49. Sortie le 3 avril 2019. Résumé – Dix ans après une guerre venue de l‘espace, Chicago survit sous la coupe des aliens qui se terrent dans les profondeurs de la terre, comme des taupes géantes. Ces extraterrestres contrôlent tout par leurs caméras implantées dans la ville et dans le corps des citadins sous forme de puces électroniques. Via aussi leurs engins volants : d’immenses blocs de rochers qui surplombent la ville de leur masse écrasante. Une bonne partie de la population s’est ralliée à eux. Les autres, cachés dans les décombres de la guerre, mènent la résistance contre l’occupation. On va suivre un petit groupe de rebelles prêts à dynamiter le stade où les citadins acclament leurs nouveaux maîtres. Commentaire – Captive State est un film américain coécrit, coproduit et réalisé par le Britannique Rupert Wyatt qui revient à la SF (La Planète des singes : les Origines, 2011). Il s’inspire des romans de Wells, entre la Guerre des mondes et la Machine à explorer le temps, avec des extraterrestres qui habitent les profondeurs de la Terre pour exercer leur dictature sanglante. Avec leurs guerriers de l’espace qui ressemblent à des porcs-épics géants se servant de leurs épines comme de lances, ces aliens dominent Chicago. Seule une minorité des habitants continue, dix ans plus tard, de leur résister sur une musique rock qui nous rappelle Terminator. Du fond de la terre et du haut de leurs engins volants, les E.T. passent toute la ville au crible des caméras et des puces inoculées parmi la population. Ils sont là sous le pas des citadins, les guettant dans les moindres recoins de la ville, les contrôlant à travers tous les pores de la peau, comme de véritables sangsues qu’ils sont. Ils se nourrissent des terriens comme les Morlocks du roman de Wells. La caméra suit un petit groupe d’individus qui se cachent dans les décombres de la cité et qui vont réussir à faire sauter le stade où l’on révère la puissance étrangère. Cette caméra, due à Alex Disenhof, est mobile. Elle n’arrête pas de bouger et de coller aux personnages comme une sangsue. C’est une steadicam qui les suit dans le dos, en s’attachant à leurs corps qu’elle dévore. A la longue, le jeu en devient lassant, car il n’y a jamais de plan d’ensemble qui permettrait de situer les scènes. Tout le film est ainsi animé d’un mouvement constant qui perturbe les images et fatigue les yeux. Le chef des collaborateurs est John Goodman, qui semble du mauvais côté de la barrière jusqu’à la fin où il abat ses cartes. Chanteur de rythme & blues et de soul music, on l’a vu aux côtés de Clint Eastwood dans Une nouvelle chance de R. Lorenz, dans Fight de R. Zemeckis et dans Argo de Ben Affleck, où il jouait le rôle d’un producteur de films (2012). Il a perdu depuis 50 kilos et s’est recyclé dans la SF. Avis – Un remake sans le dire de la Machine à explorer le temps. Dommage que la caméra soit si brouillonne en serrant au plus près les corps. On finit par s’y perdre. Michel Lequeux
CINÉMA : DUELLES Thriller d’Olivier Masset-Depasse, avec Veerle Baetens, Anne Coesens, Mehdi Nebbou, Arieh Worthalter et Jules Lefebvre. Belgique-France 2018, 1 h 33. Sortie le 24 avril 2019. Résumé – « Duelles » rime avec « jumelles » pour qualifier ces deux villas jointes, dont les épouses sont devenues les meilleures amies du monde et plus seulement de bonnes voisines. Elles s’entendent fort bien, leurs maris les quittent chaque matin pour se rendre au travail, et elles ont chacune un petit garçon, Théo et Maxime qui sont des camarades de classe. Jusqu’au jour où un grave accident arrive, qui met fin à la belle harmonie des deux foyers. Le soupçon va s’installer entre les deux femmes pour laisser place bientôt à la haine. Commentaire – Duelles, car ce qui oppose ces deux amies va nous tenir en haleine durant tout le film qui scrute la tension grandissante entre elles, la paix de plus en plus difficile à rétablir entre les deux couples, et finalement l’affrontement qui va se déchaîner. Duelles, elles le sont toutes les deux, ces deux mères au foyer, chacune ayant un grain de folie qui lui germe en tête pour l’inciter à se méfier de l’autre après le drame survenu. Ce thriller belge, adapté d’un roman de Barbara Abel, Derrière la haine, Prix des Lycéens 2015, nous place dans la peau de la plus névrosée des deux. Alice fait un complexe de culpabilité à l’égard de l’accident de voiture de ses parents, culpabilité renforcée par le drame auquel elle vient d’assister sans pouvoir intervenir. Mais sa voisine Céline a aussi une part d’ombre en elle. Laquelle des deux est vraiment sincère, laquelle fait semblant de l’être ? Ce va et vient constant de l’une à l’autre met en scène le soupçon, avec des jeux de reflets, des visions floues et des rideaux entrouverts sur le jardin et cette haie où toutes deux s’épient, avec une approche très organique des corps. Un thriller donc dominé par deux femmes qui cherchent à se venger l’une de l’autre. Le réalisateur Olivier Masset-Depasse, dont c’est le troisième long-métrage après Cages et Illégal, a situé l’intrigue dans les années 60. L’époque est bien restituée dans un quartier huppé de la banlieue bruxelloise, à Cointe : voitures aux couleurs flash et aux ailes arrondies, tenue soignée, voire guindée, des deux épouses à leur fourneau, ou encore ce verre de whisky que l’un des maris se sert au retour du travail et qui déclenchera l’épisode final... Tout cela nous replonge dans un passé qui fournit le cadre à ce thriller hitchcockien, avec une blonde et une brune qui s’affrontent. C’est fort bien interprété par le tandem Veerle Baetens (Tu ne tueras point), actrice néerlandophone et chanteuse, et Anne Coesens (Tueurs), la compagne du réalisateur avec laquelle il tourne ses films : elles nous mènent en bateau jusqu’au bout, sur une fausse piste. Comme d’ailleurs les maris euxmêmes, joués par Mehdi Nabbou (Joséphine) et Arieh Worthalter (Girl), qui se font manipuler dans un drame qui les dépasse. Quant au jeune Théo, incarné par Jules Lefebvre, il a une présence étonnante devant la caméra. Ils assistaient tous les cinq à la cérémonie des Magritte du cinéma belge. Vous les reverrez à la soirée de Wallywood. Avis – Un bon thriller qui nous surprend, dans la veine de Hitchcock. La fin aurait pourtant mérité un autre dénouement, moins surréaliste. Mais cela aussi, c’est belge ! Michel Lequeux
CINÉMA : HELLHOLE Drame de Bas Devos, avec Willy Thomas, Alba Rohrwacher, Hamsa Belarbi et Lubna Azabal. Belgique/Pays-Bas 2019, 89 min. Sortie le 20 mars. Résumé – On accompagne trois personnages n’ayant rien en commun dans les mois qui ont suivi les attentats terroristes de Bruxelles. Un médecin flamand, dont le fils est un pilote de chasse envoyé en mission en Syrie, doit faire face à la solitude qui le ronge. Un jeune garçon d’origine algérienne se demande, lui, s’il volera les bijoux de sa mère pour venir en aide à son frère acculé par les dettes de jeu. Quant à cette Italienne qui travaille au cœur des institutions européennes, elle perd peu à peu pied sous la pression de son emploi de traductrice. La même question qui hante la ville se pose à eux trois : que vont-ils faire pour échapper à la déprime ambiante ? Commentaire – On est plongé dans ce film comme dans un trou noir, le trou d’enfer qui lui sert de titre. Ou le trou à rat de Donald Trump pris comme cible. Rarement un film aura à ce point usé et abusé des longs plans inutiles qui durent une éternité. Ils sont bien trop longs pour des spectateurs habitués aux plans raccourcis du cinéma d’aujourd’hui – trois secondes en moyenne dans les films américains, de cinq à huit secondes chez nous en Europe. Ainsi ces plans de trente secondes sur le ciel plusieurs fois répétés. Ou sur la pénombre du métro où erre le jeune Algérien avant de rentrer chez lui. Ou encore sur le pilier du pont de la gare du Nord, autour duquel tourne la caméra pendant une minute pour nous donner la nausée décriée par le président américain à l’égard de Bruxelles, planque des djihadistes. Ces plans filmés par Nicolas Karakatsanis nous restent sur l’estomac et finissent par nous écœurer. Cette nausée, c’est l’angoisse qu’éprouvent les trois personnages confrontés aux attentats qui ont frappé la capitale en 2016. Comme beaucoup, ils ne savent pas quoi faire pour surmonter leur peur du quotidien, mais cela n’est pas dit. C’est exprimé au niveau des images métaphoriques de leur angoisse qui est la nôtre. L’image la plus spectaculaire est ce trou noir qui nous assaille plusieurs fois au cours du film et dont nous sortons, l’angoisse aux tripes. Ce trou noir que confesse l’Italienne pour expliquer ses somnolences au travail lui vaudra le renvoi de son poste. C’est l’aspect dramatique du film, le reste se perdant dans une certaine complaisance à l’égard de la solitude des personnages. La leur et la nôtre qui se confondent sous le regard de la caméra. « Il a fallu des mois aux Bruxellois pour oser relever la tête dans les rues et se ressaisir après les attentats », confesse Bas Devos, le réalisateur flamand de Hellhole qui signe ici son deuxième long métrage après Violet, un film sur l’adolescence. Il a voulu montrer ce désarroi de tous à travers trois cas. C’est une intrusion qu’il filme dans le vécu des citadins choisis au hasard. Son film est un psychodrame qui ne confronte pas les protagonistes mais les abandonne à leur déprime. Avis – Un état d’âme après les attentats de Bruxelles. Que faire pour en sortir ? C’est la question que nous pose ce film tourné dans la capitale. Mais que de plans inutiles et quelle lenteur pour nous la poser ! Michel Lequeux
CINÉMA : ROYAL CORGI Royal Corgi sort sur les écrans ce 3 avril. C’est le nouveau film d’animation des studios belges nWave Pictures, avec les voix de Guillaume Gallienne (Rex), Franck Gastambide (Jack) et Shy’m (Wanda). On y suit l’aventure d’un adorable chiot offert en cadeau à Buckingham Palace. Il ne lui faudra pas longtemps à Rex avant de supplanter les trois autres corgis dans le cœur de Sa Majesté la Reine. Il provoque ainsi la jalousie de son meilleur ami Charlie, qui rêve de s’attribuer sa place tant convoitée. Un bond malencontreux à l’égard d’un invité de marque, le Président des Etats-Unis, va précipiter sa disgrâce. Recueilli dans un chenil, Rex devra surmonter bien des épreuves avant de retrouver le chemin du palais. Sur sa route, il rencontrera la belle Wanda aux longs poils soyeux, qui fait tirer la langue à tous les chiens, notamment un pitbull. La technologie numérique 3 D procure une expérience immersive à vous couper le souffle dans ce film d’animation réalisé à Bruxelles, avec des images claires, nettes et hyperréalistes. Si réalistes qu’on a l’impression d’être dans le film. La projection avec les nouvelles lunettes à trois dimensions de Kinepolis (la 3D RealD) ajoute aux images une profondeur qui place le spectateur au cœur de l’intrigue. Les objets lancés semblent voler à travers la salle obscure. L’équipe a pu travailler à partir d’images existantes, dont celles de Buckingham et de ses intérieurs qui ont été photographiés sous tous leurs angles. Ben Stassen, réalisateur belge (Samy et le manoir magique, 2013) et son coréalisateur Vincent Kesteloot se sont également servis du film réalisé pour les J.O. de Londres, où Daniel Craig arpente un couloir aux côtés de la Reine et de ses chiens. Ce couloir-là est devenu un élément moteur du décor de Royal Corgi présenté en mars au Festival de Valenciennes. Une sacrée aventure pour notre jeune public, qui en raffolera à la veille des vacances de Pâques. Michel Lequeux
CINÉMA : BINTI Binti de Frederike Migom, avec Babel Tshiani et Beloji qui interprètent une famille monoparentale d’origine congolaise sur le point d’être expulsée de Flandre, où la jeune Binti a passé son enfance. Elle rêve de devenir une vloggeuse célèbre, comme toutes ces adolescentes qui s’affichent devant la caméra avec les produits dont elles veulent faire la publicité sur You Tube. Ici, une vidéo sur les okapis au Congo qui passionnent Binti et son ami Elias. La seule façon pour elle d’y parvenir serait que son père épouse la mère de cet ami pour leur éviter l’expulsion définitive de la Belgique. Le film revendique le droit pour tous ces jeunes sans papier et sans diplôme de rêver à un meilleur avenir. Il est signé Frederike Migom, réalisatrice flamande de courts métrages soutenus par le Fonds Audiovisuel de Flandre (VAF) et membre, cette année, du Jury du Festival des CM à Bruxelles. Le film a bénéficié aussi de l’aide de la Fédération de Wallonie-Bruxelles et du Tax Shelter fédéral – une réduction sur les bénéfices imposables d’une société – via BNP Paribas Fortis. C’est donc bien un film on ne peut plus belge, avec des plans rapides au goût du jour, sorti le 3 avril. Michel Lequeux
CINÉMA : RAOUL TABURIN Notre compatriote Benoît Poelvoorde incarne Raoul Taburin, un marchand de vélos n’ayant jamais enfourché une bicyclette de sa vie mais faisant semblant être un cycliste rompu aux épreuves du guidon. Et qui descend les pentes à fond de train sur sa bécane. Il vit donc dans le mensonge. Le film est tiré d’une bande dessinée de Sempé publiée en 1995 (Une bicyclette à propos de mon père), où le dessinateur du Petit Nicolas déclarait que « le vélo, c’est un moyen simple d’être libre. Vous lâchez les mains du guidon, et vous voilà libre d’aller où bon vous semble ». Une telle liberté d’agir et de mentir à sa guise est le sujet de cette comédie réalisée par Pierre Godeau (Eperdument amoureux d’une détenue, 2016), avec Edouard Baer qui avait déjà prêté sa voix au Petit Nicolas de Laurent Tirard, et Suzanne Clément qu’on a revue dans Le Jeu de Fred Cavayé (2018). C’est frais, drôle et parfumé d’un air de Provence, avec la petite terrasse au soleil sous le cricri des grillons. Sortie le 10 avril. Michel Lequeux
CINÉMA : HOTEL MUMBAI Thriller du réalisateur américain Anthony Maras, Hotel Mumbai est la reconstitution des attentats terroristes survenus à Bombay, en Inde, entre le 26 et le 29 novembre 2008. Ces attentats islamistes, coordonnés dans plusieurs parties de la ville, avaient coûté la vie à près de deux cents victimes, dont 26 ressortissants étrangers. On assiste au déroulement de l’attaque au Taj Mahal Palace pris sous le feu des dix assaillants qu’on voit arriver en canot pneumatique dans la baie de Bombay, depuis vraisemblablement le Pakistan. Un thriller de choc saisissant, percutant, haletant, décrit au fil des événements qui montrent la détermination des terroristes ayant partiellement détruit le plus grand des hôtels de la ville. Un seul d’entre eux survécut mais fut condamné à mort. Avec Dev Patel, le petit génie de Slumdog Millionaire (2008), qui jouait aussi le rôle du jeune hôtelier accueillant dans la comédie The Best Exotic Marigold Hotel, avec Judi Dench (2011). Sortie le 1er mai. Michel Lequeux
CINÉMA : LE BRUSSELS SHORT FESTIVAL EST DE RETOUR !
FILM
Du 25 avril au 5 mai se déroulera à Bruxelles le 22e Festival du court métrage. Avec ou sans trait d’union, c’est comme vous voulez. Le CM est au film standard ce qu’est la nouvelle au roman, avec les mêmes qualités en concentré. Bien des cinéastes y sont passés avant ou après avoir réalisé leurs films. Comme Mathieu Kassovitz dans Assassin(s) ou, chez nous, Jaco Van Dormael, le réalisateur du Neuvième jour qui viendra nous présenter The Shape, son CM sur l’Europe et ses rêves. Ce festival réunira donc 340 films d’une durée moyenne de vingt minutes, dont 136 en compétition. Parmi ces derniers, 62 proviennent d’une trentaine de pays, 34 sont belges et 40 sont issus des écoles de cinéma réparties à l’étranger et chez nous. De la jeune bobine en perspective – même si le cinéma est aujourd’hui numérique – qui se déroulera sur les écrans d’Ixelles et du centre-ville. Le cœur du Festival battra en effet son plein sur la place Flagey, sous le chapiteau dressé cette fois à côté du paquebot de l’INR qui domine les étangs d’Ixelles. Un petit bijou de l’Art déco bruxellois, mélange de construction navale et de chromatisme hollandais des années 50, où l’on se replongera avec délice dans le bain des projections. La séance d’ouverture se tiendra le jeudi 25 avril au studio 4 de Flagey. Il y aura aussi des séances au Lumen voisin, qui dispose de 400 places, et au Vendôme, porte de Namur. D’autres séances encore au mont des Arts pour des projections gratuites offertes au public. Le cinéma Palace à la Bourse, enfin, accueillera la clôture du Festival le dimanche 5 mai à 19 h 30. Entre ces deux dates, vous pourrez voir 136 films qui se disputeront les faveurs du Jury composé des membres de la Presse, des professionnels du 7e Art, des télévisions étrangères, des jeunes réalisateurs ainsi que des jeunes tout courts (ils sont cinq, âgés de moins de vingt ans). Ce Jury remettra l’équivalent de 40 000 € aux lauréats des différentes compétitions. Parmi eux, vous découvrirez l’heureux gagnant de la Compétition nationale 2019 qui sera récompensé par un voyage à Hollywood pour fêter la promotion de son film. L’année dernière, Nicolas Boucart l’avait emporté pour Icare, qui terminait la course aux Oscars. Le nom de ces lauréats sera dévoilé au cinéma Vendôme après le Festival, les lundi et mardi 6 et 7 mai à 19 heures. Soirée d’ouverture Pour cette 22e édition, le BSFF vous montrera la crème des crèmes des courts métrages qui vous seront proposés tout au long du Festival et qui illustrent les différentes thématiques de l’année. Vous y verrez le « best des best », c’est-à-dire cinq films, au studio 4 de Flagey le 25 avril dès 19 h 30, pour une soirée inoubliable qui sera suivie d’un drink offert aux spectateurs. Avec au programme L’île aux fleurs du réalisateur brésilien Jorge Furtado, qui nous emmène sur une île où les humains ont pris la place des porcs et vice versa. Fiction ou réalité dans cette utopie au pays du carnaval de Rio ? Avec aussi une spéciale « Vélo » le lendemain 26 pour annoncer le départ du tour de France depuis Bruxelles, en juillet 2019 : vous y verrez La Montée de Michael Covino, où deux cyclistes se disputent une femme à vélo. Métaphorique et très excitant dans la montée de la côte... On a chaud pour eux et pour leur belle soumise à la pédale. Eu and Me et la Nuit du Court Egalement inscrite au programme la section Eu and Me, l’Europe et moi, menée par les Etats membres de l’Union européenne pour éclairer les citoyens sur les valeurs chères à l’Europe et sur la chance de pouvoir y réaliser leurs rêves et leurs passions. Sept films d’auteurs européens vous seront proposés. Ils sont off, hors compétition, dont The Shape de Jaco Van Dormael qui aborde la question de la liberté d’expression des citoyens et des médias. Le réalisateur de Toto le héros et du Neuvième jour sera présent lors de la projection de son film le 27 avril, au studio 4 de Flagey. Toujours dans ce studio, vous pourrez assister à la soirée nocturne, électrisante et grisante, de « La Nuit du Court » qui suivra The Shape, de 22 à 3 heures du matin. Six films vous seront montrés dans
le registre international. Le Festival des très courtes productions conclura cette nuit en beauté avec des films condensés, percutants, de moins de trois minutes, qui éclaireront la salle comme des spots au milieu de la nuit. Un vrai feu d’artifices entrecoupé d’un petit verre à la réception pour se détendre. Tarif de la séance d’une heure trente : 6 €, ou le pass pour toutes les séances, y compris la Nuit du Court, l’Ouverture et la Clôture du Festival pour 25 € (33 € à partir du 19 avril). Plus d’informations sur www.bsff.be où vous serez tenus au courant de l’ensemble du Festival du CM, de ses invités qu’on attend en nombre et de la programmation des séances. Michel Lequeux
RENÉE FLEMING : BROADWAY La soprano américaine Renée Fleming chante Broadway. L’occasion d’un peu de légèreté dans un répertoire jusqu’ici plutôt calibré pour le monde de l’opéra. Soutenue par le BBC Concert Orchestra, dirigé par le chef Rob Fisher, elle pose sa voix sur des mélodies ciselées pour les planches. Si on n’échappe pas aux classiques du binôme Rodgers - Hammerstein ni à ceux de Cole Porter et de Stephen Sondheim, cet album lorgne également du côté des compositeurs vivants tels qu’Andrew Lloyd Webber et Maury Yeston. Genre prisé par les Américains, le musical a fait le succès de Broadway, avec des titres qui sont demeurés de longs mois à l’affiche, révélant de nouveaux talents, faisant la richesse des anciens et propulsant les artistes sur le devant de l’actualité. Renée Fleming est évidemment une interprète idéale pour chanter des standards mille fois entendus et connus par cœur. Elle les pare de sa générosité et de son timbre tour à tour léger et puissant. Plutôt que d’affectionner les orchestrations tonitruantes, elle privilégie ici le dialogue avec les musiciens dans un idéal de communion et de sérénité. Il en ressort des plages de toute beauté, où rien n’est abandonné au hasard et où le charme agit dès les premières mesures. CD Decca – 17 titres Daniel Bastié Renée Fleming est une soprano américaine née le 14 février 1959 à Indiana (Pennsylvanie). Les possibilités étendues de sa voix lui permettent d’aborder des rôles extrêmement variés qui s'adressent aussi bien aux sopranos lyriques et dramatiques. Elle « tient » les notes les plus aiguës sans jamais faiblir. Son registre étendu, son timbre « crémeux », velouté, enveloppant et suave voire charnel alliés à un travail incessant la font considérer comme une des plus grandes sopranos actuelles. Elle a été particulièrement applaudie pour ses interprétations de la Comtesse Almaviva, Desdémone et Violetta. Elle est surtout l'inoubliable Rusalka de l'opéra homonyme (Source : Wikipedia)
CONNECTÉE « Pâle, la mine inquiète, les cheveux en broussaille, Marie commençait à s’enfoncer : elle avait déjà oublié la mise en garde de son amie ainsi que le discours pourtant judicieux de Thomas sur les réseaux sociaux et leurs dangers. Debout dans son bus auprès de sa compagne de route, elle ne quittait pas des yeux son smartphone, l’autre l’imitant mais avec plus de détachement. La technologie numérique, un progrès considérable mais non sans incidence. Marie avait déjà eu vent de graves cas de dépendance ayant abouti au suicide mais elle pensait que cela ne pouvait qu’arriver aux autres, pas à sa propre personne ! Il n’y avait aucun danger, elle n’était pas déraisonnable … » « Connectée » un roman à placer entre toutes les mains ? Marie, seize ans, privée de père, hypersensible mais très bonne élève, et son premier smartphone...le bonheur à l’état pur en perspective ? Béatrice, sa mère, généreuse et le cœur à l’ouvrage, une femme fière et digne, tout pour sa fille...pour le meilleur ? Thomas, la belle cinquantaine, professeur de français et de morale, célibataire et seul, mission principale : l’écoute et le soutien...les valeurs à l’honneur ? Un énigmatique personnage vivant reclus, dont on ne sait rien ou presque ... dangereux ou inoffensif ? « Connexion, déconnexion, reconnexion, dérives, choc et drame, c’est au cœur d’une odyssée psychologique évoluant en crescendo que l’auteur nous entraîne… » (quatrième de couverture). Auteur de dix publications, chroniqueur, membre de l’Association des Ecrivains Belges de langue française, Thierry-Marie Delaunois cherche perpétuellement à mettre en valeur les relations humaines dans toutes leurs complexités. Leurs forces et leurs faiblesses. Les thèmes évoqués au cœur de son septième roman ? Le stress post-traumatique, une maladie de ce siècle toujours incurable et l’addiction aux réseaux sociaux. Extrait d’une première critique reçue : « ...foisonnant, entre rires et larmes, bonne humeur et sacrés coups de gueule, un roman qui aurait probablement inspiré Hitchcock par certains aspects… » Ed. Bernardiennes – 416 pages Claude David LES MONDES CANNIBALES DU CINÉMA ITALIEN Une couverture rouge annonce la couleur ! Daniel Bastié est un auteur prolixe qui ose étonnamment sortir des chemins battus. Cinéphile averti, romancier, auteur de nouvelles, il parcourt le chemin du renommé cinéma italien des miraculeuses années 1970. Il ose aborder un thème oublié, parcourt "le monde du cannibalisme" et s'attache à défendre le genre comme on défendit le western spaghetti ou le péplum. Le cannibalisme d’Umberto Lenzi et Ruggero Deonato eut un certain succès. S'imaginer qu'il s'arrêta en jungle amazonienne, en forêt impénétrable tropicale, aux îles lointaines, en Afrique, Asie, est un leurre. Nous connûmes le cannibalisme en Europe également. Nous le tûmes. Un sujet peu ou prou traité ? Je n'imaginais pas Daniel Bastié approcher, étudier ce sujet tabou. L'horreur dans tous ses états ... Il y a quelques années, dans un grand magazine américain, on publia d'effrayantes photos de cannibalisme et de tortures infligées en Amazonie et un empalement d'indigène ! Bastié a voulu en 226 pages consacrer ses heures à un aspect méconnu du septième art, étayer soigneusement ses propos. Quoi, on étudia soigneusement les films "gore", le monde des vampires, du cinéma "pornographique !" Nous lui souhaitons un succès de ventes à l'heure où le monde est trop souvent à feu et à sang. Les sociétés changèrent mais la chair humaine n'a plus guère de prix et le cannibalisme existe toujours. On l'écrivit. Mordez dans ce livre intéressant que je vous recommande chaudement. Ed. Ménadès – 226 pages Jean-Louis Cornellie
ET SURTOUT J’ÉTAIS BLONDE La poésie peut s’avérer revendicatrice et engagée. Née à Bruxelles en 1946, Corinne Hoex a longtemps travaillé comme enseignante et documentaliste, avant de se convertir au métier de plume. Auteure d’une œuvre considérable, elle est aujourd’hui membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique et livre chaque année un ou plusieurs recueils qui s’inscrivent dans la continuité de sa démarche, davantage féminine que féministe, même si elle souligne que le combat mené par les femmes est loin d’être gagné dans un monde où tout a été édicté par les hommes. S’attaquer aux inégalités revient à dénoncer la violence faite aux filles, à pointer l’hyper-sexualisation des corps, le harcèlement de rue, les mariages arrangés, le tabou de la virginité et des règles, la grammaire qui affirme toujours que le masculin l’emporte sur le féminin. Même si des avancées sont en train de porter des fruits, le modèle patriarcal demeure omniprésent. En six évocations courtes, « Et surtout j’étais blonde » évoque l’acharnement pour briser l’innocence et la beauté, la peur, l’amour abimé, les rituels oppressants, le visage du Père (qu’il soit géniteur, époux ou Dieu), le chemin qui mène lentement à ce qui est appelé le paradis et qui, pourtant lui aussi, ressemble à une basse-fosse. Au terme d’une existence bien remplie, il est fort de constater que toutes les issues sont tenues et que, bien sûr, la femme pourra y déployer ses ailes, mais piquées sur une plaque de liège, sous une vitre et avec des épingles dont les petites pointes maintiendront la pression afin de les figer. Les vers sont magnifiques, chargés de souffrance, avec un ton ironique et dramatique qui invite au positionnement. De l’enfance à l’âge mûr et sous forme de comptines acérées, la prédation masculine est fustigée, avec pour toile de fond le saccage de la blondeur, connotation de candeur et de pureté. J’étais belle et, surtout, j’étais blonde et jeune et vierge. De la sorte s’ouvre ce chant douloureux ! Ed. Tétras Lyre – 64 pages Daniel Bastié
LES CONTRÉES DES ÂMES ERRANTES Jasna Samic est franco-bosnienne et partage son existence entre Paris et Sarajevo. Auteure prolifique, elle marque son attachement aux deux pays qui rythment son existence à travers des écrits intimes et populaires. Entrecroisant errance, interrogations sociales et réflexions politiques, elle reste trop peu connue en Belgique, malgré les efforts prodigués par les éditions M.E.O. qui la suivent depuis de nombreuses années. Avec « Les contrées des âmes errantes », elle plonge au cœur de l’histoire avec le vécu de trois personnages au destin mêlé, tous descendants d’Aliocha, brillant informaticien aujourd’hui rongé par l’alcool. Il y a Liza qui a tutoyé Tolstoï et fui le bolchevisme en immigrant en Bosnie, Lena qui a réépousé son ex-mari afin qu’il échappe à la guerre et Grete, réfugiée à Vienne. L’homme s’interroge surtout sur le sort réservé à son père, embarqué dans les trains nazis de la mort et disparu en 1945. Réquisitionné ou complice des meurtres intolérables commis par le régime hitlérien ? En quête permanente d’authenticité, cet ouvrage se caractérise par un ton indépendant, qui mêle vie amoureuse et passé houleux, anecdotes et non-dits, supputations et allégations. Quant au style, il se veut frontal pour dénoncer les atrocités et les absurdités de notre société, la suffisance de certains mâles, les imposteurs qui se targuent de culture, le snobisme rampant et les intégrismes qui brident le libre-arbitre. Ed. M.E.O. – 431 pages Sam Mas
SADE ROMANCIER Né Donatien Alphonse François, descendant de l’illustre maison de Sade (d’origine méditerranéenne, avant d’asseoir sa réputation en Avignon), Sade est né le 2 juin 1740 à Paris. Assez tôt, son oncle paternel dit « l’abbé de Sade » l’a encouragé dans la voie des études et l’a initié aux plaisirs de la vie. Le port de la soutane n’a pas empêché le religieux de se livrer à la débauche et d’être condamné pour dépravation. Dès 1750, le garçon s’est retrouvé sur les bancs du collège Louisle-Grand, toujours à Paris. Quatre ans plus tard et diplômé, il est incorporé à l’école de cavalerie, avant d’être nommé souslieutenant, puis lieutenant et de prendre part à la guerre de Sept ans. Démobilisé, il a regagné les terres familiales, muni d’une pension de capitaine. Ses parents l’ont encouragé à épouser la jeune Renée-Pélagie de Montreuil, issue de la nouvelle noblesse. Sans amour, il y a consenti tant pour leur plaire que pour bénéficier de la fortune de son épouse et de ses entrées à la cour. Quelques mois après ses noces, il est incarcéré pour comportement dépravé et impiété. En remuant ciel et terre, son épouse a obtenu une lettre de relaxation signée de la main du roi. Il a entamé tour à tour une liaison avec une actrice et plusieurs femmes du monde. Après le décès de son père et la naissance de son second fils, la fièvre s’est à nouveau emparée de lui et le récit de nombreuses atrocités a commencé à circuler sur ses pratiques sexuelles. Piètre gestionnaire, ses finances allaient au plus mal. Passage par la case prison pour dettes en 1771. Afin de gagner un peu d’argent, il a écrit une pièce et l’a fait monter à ses frais. Echec total qui a aggravé sa précarité. De plus en plus enclin à laisser parler ses instincts, il a organisé des soirées de fornication en conviant des amis et des filles légères. Ses exigences effrayaient les jeunes femmes, qui parlaient de torture physique et qui témoignaient d’un appétit sexuel anormal. Les incarcérations successives du marquis ont provoqué le courroux de sa belle-famille, avec pour conséquence de lui faire perdre toute protection. Pire, la mère de sa femme a usé de ses relations auprès des magistrats pour le faire écrouer. Contre toute attente, il s’est évadé quatre mois plus tard et a disparu en Italie. De retour en France, il a accumulé de nouvelles frasques et les procès se sont ouverts les uns après les autres à son encontre. Le vrai a été mêlé au faux et la légende a grandi plus vite que la vérification des faits qui lui étaient reprochés. Les chefs d’accusation demeuraient implacables et les juges s’engonçaient dans leurs principes. Pour eux, il convenait avant tout de protéger la société d’un récidiviste qui refusait de se repentir. Son statut de noble lui a valu d’échapper à la peine capitale et de bénéficier d’un traitement de faveur. Au cours de sa détention, il a été autorisé à se promener et à écrire. Contre une somme fixée par ses geôliers, ces derniers lui fournissaient du papier et de l’encre. Malgré une situation de plus en plus complexe, son épouse lui est restée fidèle et a maintes fois tenté d’obtenir son élargissement. De son côté, le prisonnier s’est appliqué à la rédaction de textes qui réveillaient en lui le faste des fêtes organisées dans le château de ses ancêtres et le souvenir de l’époque où l’argent pouvait être dépensé sans compter. Les mots qu’il couchait n’étaient-ils pas avant tout une échappatoire à la solitude du cachot ? Chaque jour, il noircissait plusieurs pages pour oublier sa condition d’homme privé de liberté, seul dans une cellule avec, pour seule vue vers l’extérieur, une petite fenêtre pourvue de solides barreaux. Sans l’écriture, il aurait pu devenir fou, s’ouvrir les veines avec une lame ou se pendre avec un vêtement qu’il aurait torsadé pour remplacer la corde du bourreau. La création lui a permis de tenir le coup, de ne pas courber l’échine et de rester un homme debout. Sans surprise, chaque chapitre renvoyait au passé, avec une puissance d’évocation intarissable. Alors qu’il aurait aimé devenir un disciple de l’abbé Prévost et de d’Alembert, il ne pouvait pas renoncer à rester lui-même. Sade a été un écrivain singulier, doté d’un style travaillé et qui a traversé son époque en s’appuyant sur une vision perspicace, toujours sincère et remplie de force de la société. Dominique Dussidour lui consacre aujourd’hui un essai qui appuie l’idée que l’auteur a édifié sa bibliographique en trouvant des assisses dans l’histoire, la politique et la littérature des années 1740 à 1814. Ed. Serge Safran – 272 pages Daniel Bastié
JUSTE AVANT DE MOURIR Le syndrome d’Asperger est un trouble neurologique du spectre autistique qui touche le cerveau et qui endigue le développement. Ses causes sont toujours inexpliquées, bien que le facteur génétique soit souvent mis en exergue. Adam, Kath et leur petite Lyla se trouvent frappés par ce mal. Ils vivent retirés dans une vieille maison fichée au cœur de la lande dans le Devon. Après avoir été victime d’un accident de la route, la mère revient chez elle, affectée par une amnésie partielle qui occulte les circonstances du drame. Directement, elle découvre que Lyla dessine de curieux motifs et répète voir une silhouette qui gravite dans les parages. A cela, elle est témoin de plusieurs mises en scène macabres à partir de ses effets personnels. Quant à son mari, il paraît lui en vouloir terriblement pour des motifs qui lui échappent. Tessa, belle-sœur et psychologue, entre alors dans l’arène et lui explique qu’elle voulait en finir avec l’existence. Le choc fait l’effet d’une déflagration. Alors qu’elle semble jouir d’un réel bonheur, avec un époux adorable et une enfant merveilleuse, pourquoi voulait-elle en finir avec le quotidien ? Le suspense va crescendo et mène le lecteur à un épilogue qui surprend autant qu’il glace. Ed. Presses de la Cité – 393 pages Daniel Bastié
LE BERCEAU DES JOURS MEILLEURS Deux générations se tutoient au cœur de ce roman. Odile et Isabelle sont mère et fille. Elles passent leur existence entre Nacy et Champigneulles. Leur existence témoigne de la mutation d’une époque de toutes les métamorphoses. En un demi-siècle, le monde a évolué davantage que durant les mille dernières années, avec des avancées sur le plan des mentalités et l’acquisition de droits pour les femmes : travail, vote, contraception, etc. Si Odile a connu maintes difficultés au moment d’élever seule ses enfants au sein d’une société ouvrière, Isabelle a eu la chance de poursuivre des études et devenir journaliste. Toutefois, cette dernière refuse d’oublier ses racines populaires et cherche à gagner sa vie pour ne pas dépendre d’un homme, ne pas perdre son indépendance et conserver sa liberté. Ce roman d’Elise Fisher parle également de la crise du logement, de la condition féminine et réveille en filigrane le souvenir de deux figures locales : l’abbé Pierre, aimé de tous, et Jean Prouvé, architecte qui rêvait d’une maison sociale afin d’accueillir les plus démunis. Nous sommes ici en présence d’un livre, qui fait office de mémoire et qui renvoie à hier et à avant-hier. Le contraste est évident. Le fil conducteur se base sur le rôle de la destinée, la puissance de l’effort, le besoin de mordre l’existence à pleines dents et la nécessité d’être heureux. Naturellement, rien ne s’obtient par la procrastination. Une morale pourrait apparaître : jalonner sa vie de combats apaise ! Ed. Presses de la Cité – 429 pages Amélie Collard
L’ÉTRANGER DANS LA MAISON Lorsque les habitudes vacillent, elles annoncent le pire. Unis dans un mariage qui semble parfait, Tom et Karen vivent un bonheur que beaucoup leur envient : train de vie aisé, belle maison et entente amoureuse au zénith. Pourtant, les apparences dissimulent un secret lourd à peser. Un soir, le mari en fait l’étrange découverte lorsqu’il rentre du boulot. La police l’attend et lui annonce que son épouse a eu un grave accident de voiture dans un quartier malfamé de la ville. Qu’y faisait-elle ? A sa sortie de l’hôpital, Karen semble avoir tout oublié des circonstances du drame. Une aubaine diront certains, si ce n’est que la jeune femme se trouve jugulée par une appréhension irrésistible. En fait, l’intrusion d’un inconnu dans la demeure. Shari Lapena joue avec les nerfs et ouvre une série de brèches qui débouchent sur un réel suspense. Malgré le fait que les médecins parlent d’amnésie temporaire, les indices se multiplient et deviennent parfaitement tangibles. Comme il s’agit d’un thriller, l’auteure nous fait découvrir le point de vue des divers protagonistes et joue à nous faire peur. Au fil du texte, on découvre que les petites trahisons peuvent faire voler en éclat une sérénité apparente. Voilà un récit où chaque chose devient possible et où la morale s’étiole à défaut d’en prendre soin. Un roman qu’on ne dépose pas avant de l’avoir lu jusqu’à la dernière ligne ! Ed. Presses de la Cité – 300 pages Daniel Bastié
L’AIR DE L’ESPOIR La guerre cogne à la porte de l’Europe. En cette année 1940, les espoirs d’un armistice rapide s’amenuisent. Du haut de ses vingt ans, Viviane voit son monde s’embraser. Que deviendra-t-elle alors que la fureur frappe partout, que les repères s’étiolent, que la peur s’immisce par le truchement de la propagande ennemie et le déferlement des troupes allemandes à travers le pays ? Les siens ne risquent-ils pas de souffrir face à cette crise dont elle ne saisit pas tous les tenants, coincés entre le désir de rejoindre la résistance ou d’attendre que d’autres fassent le travail. Il y a aussi le vignoble à entretenir. Pas une sinécure ! Dans cette folie incandescente, l’amour se manifeste alors qu’elle ne s’y attendait pas. Un rêve incarné venu de loin, dans un instant de douleur et de liesse conjointes. Récit intime et sensible « L’air de l’espoir » explore les liens entre passion enivrante et construction individuelle, s’intéresse à la part de projection qui manifeste le rapport à l’autre. L’écriture enveloppante maintient le lecteur dans un état de doux flottement, d’où surgissent des fulgurances et une complexité greffée sur les événements en cours. Fragile, douce et lucide, l’héroïne voit néanmoins sa jeunesse s’étioler lorsque les envahisseurs s’installent dans son village d’Alsace sans deviner que ... Ed. Presses de la Cité – 414 pages Daniel Bastié
LA PUNITION QU’ELLE MÉRITE L’histoire tient du fait divers. Sombre, Cruel. Dans une bourgade bucolique du Shrapshire, le diacre est accusé de pédophilie. Un scandale au sein de la paroisse tranquille où jamais rien ne se passe. Placé en garde à vue, l’homme est retrouvé pendu dans sa cellule. Dépêchée sur les lieux, le commissaire Isabelle Ardery a bien envie de classer l’affaire, en appuyant la thèse du suicide. Néanmoins, plusieurs indices l’amènent à croire qu’il pourrait s’agir d’un meurtre. Assez vite, les questions se bousculent. Pourquoi aurait-on eu intérêt à éliminer le suspect ? Pour le faire taire ? Par vengeance ? Secondée par le sergent Barbara Havers, elle décide de mener sa petite enquête en se mêlant à la population et en invitant chacun à se confier. Derrière un calme apparent, elle se rend à l’évidence qu’un lourd secret pèse sur chaque contribuable. A partir de cette idée de départ, Elizabeth George déploie un script sinueux, qui joue avec les apparences et réveille les petits démons teigneux qui peuvent sommeiller en nous. Elle multiplie les points de vue, joue avec les chausse-trappes, ne perd jamais le fil de l’intrigue et ménage un suspense qui croît à mesure qu’on approche de l’épilogue. A cela, Isabelle Ardery n’a rien d’une super woman. Victime d’une addiction à l’alcool, elle mène sur le plan personnel un combat difficile et dont l’issue ne lui paraît pas une évidence. Une affaire beaucoup plus difficile que celle annoncée d’entrée en matière, avec des personnages jamais drôles et peu attachants. Surtout un climat plombé qui élimine toute envie de faire la fête. Ce qu’on qualifie de polar noir de noir ! Ed Presses de la Cité – 668 pages Daniel Bastié
LES DISPARUS DE TRÉGASTEL Georges Dupin est un flic imaginé par Jean-Luc Bannalec. Depuis 2014, ses enquêtes ont été transposées pour la télévision allemande, avec dans le rôle principal l’acteur Pasquale Aleardi. Très vite, ses investigations ont conquis toute l’Europe, avec chaque fois plus de 400.000 exemplaires vendus. Parti profiter de vacances idylliques avec Claire, sa compagne et son médecin privé, rien ne se passe comme prévu. Le repos l’agace et la vie trépidante du commissariat lui manque. Alors qu’il effectue une énième balade dans le jardin de l’hôtel où ils résident, il apprend qu’une statue a été dérobée dans la chapelle. Une mort suspecte vient s’ajouter à cette énigme. Enfin, il se sent revivre et son flair de limier se remet en action. L’auteur possède un solide sens de la narration et s’amuse à décrire les coins typiques des Côtes-d’Amor, avec une mer turquoise et un ciel bleu lumineux. Même si on n’est pas toujours fort éloigné de la carte postale, le charme opère et permet de voyager par procuration. Quant à l’intrigue, elle progresse lentement, sans bousculer les indices. Dupin n’est pas un policier à l’américaine qui enfonce les portes. Il promène sa carrure et se mêle aux quidams, délie le vrai du faux et tire des conclusions pour confondre le ou les fautifs. Cédez à la Dupinmania reste un plaisir vrai ! Ed. Presses de la Cité – 386 pages Amélie Collard
GLISSEZ, MORTELS Paul Signac fait partie du groupe des peintres impressionnistes. Né dans une famille aisée au milieu du XIXe siècle, il découvre adolescent les travaux de Monet, Degas, Seurat, Pissarro et est séduit par la beauté de leurs exécutions. Il abandonne le lycée et décide de devenir peintre. Il s’installe à Montmartre et se lance dans la création. Spontané, travailleur et engagé politiquement aux côtés de ses amis avant-gardistes, il mène également une vie sentimentale agitée. En 1912, il délaisse Berthe, son épouse, et suit Jeanne. Pour lui, elle divorce et abandonne ses enfants. Avec elle, il aura une fille. L’auteure s’interroge sur la nature de cet amour. Entier, Signac était également un homme de principes. Toujours, il a refusé de divorcer mais, jamais il n’a réussi à faire accepter le nouveau-né au sein de sa famille officielle. Sur fond de Première guerre mondiale, l’auteure raconte le destin de trois personnages qui se sont croisés, quittés, retrouvés et qui dessinent la toile d’un récit authentique qui s’appuie sur les souvenirs et une abondante correspondance. Charlotte Hellman est l’arrière-petite-fille du célèbre peintre et, mieux que quiconque, a su trouver les mots justes pour décrire le parcours intime d’un aïeul dont le nom figure dans les anthologies d’art moderne. Ed. Philippe Rey - 206 pages Sylvie Van Laere
ÉLOGE DES PHARAONS ET REINES D’ÉGYPTE L’antiquité égyptienne fait partie du patrimoine universel avec trois mille ans d’histoire, des noms qui ont marqué l‘imagination populaire, des sites que les touristes s’empressent de visiter et des savants qui continuent d’étudier cette civilisation qui n’a toujours pas livré tous ses secrets. Parmi les trente et une dynasties qui se sont succédé, on retient certaines figures devenues mythiques dont celle de Toutankhamon, Néfertiti, Hatshepsout, Cléopâtre, etc. Philippe Valode se base sur les recherches récentes pour exhumer ce passé exaltant. Il nous parle de quarante reines et pharaons à l’aide d’anecdotes vérifiées et des propositions de visites sur les sites ouverts au public. S‘éveiller à l’Egypte par le prisme de ses voyages, de ses impressions, de ses connaissance (puisqu’il est professeur d’histoire-géographie !) et transmettre le goût de savoir. Voilà sa démarche ! Jamais vaine et passionnante, puisqu’il encourage la vulgarisation et évite volontairement les termes techniques, comme les dates inutiles. L’archéologie sort également du sable Khéops, Gizeh, … Pays de la plus vieille religion connue de l’Histoire, pays aux mille contrastes, il fournit un exemple de majesté dans une région violente. Le voyage égyptien est indispensable pour comprendre la grandeur de l’homme, son humanité, et soutenir un peuple qui, dans sa majorité, croit aux vertus de la tolérance. Ed. Philippe Rey – 414 pages André Metzinger
KYLIAN MBAPPÉ Pour beaucoup d’observateurs, Kylian Mbappé reste un des plus grands joueurs de foot de notre époque. D’origine camerounaise, il voit le jour à Paris. Son père pratiquait le ballon rond et, assez naturellement, a transmis à son fils le virus de ce sport. Très jeune, ce dernier a fait ses débuts à l'AS Bondy. Remarqué pour son jeu, il a évolué fort rapidement pour devenir un des espoirs du club. A deux reprises, il est sélectionné par l’équipe de France. A l’époque, il n’était pas encore majeur. En 2015, il a débuté une carrière de professionnel et est devenu une véritable star du gazon. Comment ce garçon a-t-il gravi un à un tous les échelons du succès ? Voilà une des nombreuses questions que se pose Martin Leprince. En quelques années, le sportif s’est transformé en machine à accumuler les buts, servi par une technique que beaucoup lui envient. Derrière un sourire qui fait chavirer les cœurs, est-il vraiment le gendre idéal ? Ce livre-enquête revient sur la formidable ascension de l’homme et nous parle d’un sportif appelé aux plus hautes destinées. Un champion qui ne semble pas attendre les années pour que tout lui réussisse … Ed. Mareuil – 247 pages Paul Huet
IRONMAN On pourrait croire à une adaptation d’un récit graphique Marvel. Il n’en est rien ! Jonathan Drutel, atteint de mucoviscidose depuis la naissance, a dû livrer un combat quotidien contre la maladie. Suivi par le corps médical, il a subi une greffe bi-pulmonaire à vingt-quatre ans. Opération sans résultat. Un an plus tard, un second essai a été tenté. Cette fois avec succès. A vingt-cinq ans, il décide de faire de son existence un exemple et se fixe le challenge de témoigner que rien n’est impossible à quiconque prend son existence en mains. Il s’engage dans la course à pied. Grâce à une préparation intensive, il entreprend le Marathon de Paris et atteint la ligne d’arrivée en cinq heures. Une autre idée germe alors dans son esprit. S’essayer au triathlon et participer à l’une des épreuves les plus dures au monde : l’Ironman de Nice. Il sait que les médecins le tiendront à l’œil, qu’un coach lui prodiguera des conseils idoines et que les préparatifs iront crescendo. Que risque-t-il ? La motivation l’encourage, tout en sachant que rien ne l’oblige à tenir jusqu’au bout. Un peu moins de quatre kilomètres de nage libre, cent quatrevingts kilomètres à parcourir à vélo et un peu plus de quarantedeux kilomètres de course à pied. Il croit pouvoir assurer. Aidé par la journaliste Laura Salin, il se raconte, n’élude ni ses doutes ni ses grands instants de solitude. Par le truchement de ce témoignage, il entend redonner de l’espoir aux malades qui, comme lui, ont vu leur existence ralentie ou paralysée. Il tient principalement à affirmer que rien n’est jamais écrit et que chaque journée mérite d’être vécue. Plusieurs photographies en couleur permettent de visualiser les étapes de son parcours. Ed. Mareuil – 185 pages Amélie Collard
CES GRANDS FLICS QUI ONT FAIT LE 36 Adresse mythique de la préfecture de police parisienne, le 36 quai des Orfèvres est connu de tous à travers romans, séries, téléfilms et longs métrages qui le mettent en scène. On sait beaucoup moins que, sur le quai de cet hôtel, se tenait un marché aux volailles et des rôtisseries, qui ont affublé les flics du sobriquet de « poulets ». Si le commissaire Maigret demeure sans doute le plus célèbre d’entre eux, bien que le personnage soit purement fictif, d’autres visages bien réels se sont efforcé d’inscrire leur nom dans les annales de la légendaire maison. Charles Diaz et Claude Cancès reviennent sur l’historique du 36 et nous apprennent qu’il a été fondé en 1811 par l’ancien bagnard François Vidocq avant de céder la place à des enquêteurs de premier rang, dont l’inspecteur Rossignol, le commissaire Kuehn et les non moins efficaces Xavier Guichard, François Le Mouël, Robert Broussard et, parmi beaucoup d’autres, Martine Monteil. L’occasion de réveiller une kyrielle d’anecdotes et de revenir sur des affaires qui ont marqué le pays : le sinistre docteur Petiot, la parricide Violette Nozière, le dynamiteur Ravachol, la bande à Bonnot, Jacques Mesrine, Guy Georges, etc. Sans jamais prétendre à l’exhaustivité, cet ouvrage se veut à la fois attrayant et historique, ponctué de dates précises et de références à la presse. Au fil des pages, on découvre de quelle manière la police française passe d’un siècle à l’autre, voit évoluer les mentalités, lutte contre le crime et se confronte aux réformes. On partage enfin les craintes, les doutes, les espoirs, les succès et les échecs d’hommes qui, en âme et confiance, se sont investis pour défendre le droit commun et faire respecter la justice. Ed. Mareuil – 511 pages Daniel Bastié
DES HOMMES ET DES MOLÉCULES La chimie est une science de la nature qui étudie la matière et ses transformations. Autant dire que, aujourd’hui, elle est présente à tous les échelons de notre société afin d’améliorer notre bien-être ou chercher des solutions à une série de problèmes concrets. Chaque jour, nous utilisons des produits qui ne seraient pas là sans le support de cette discipline, que ce soient les technologies complexes ou les matériaux plus ordinaires. Tout est transformation. Bien entendu, nous ne pouvons pas saluer que des victoires. Les déconvenues existent, avec pour corollaire un usage abusif de certaines substances, une pollution accrue de la planète, un suremploi des plastiques et un recyclage à ce jour difficile. Kenneth Bertrams et Geerdt Magiels retracent cent ans de découvertes et d’innovations dans ce domaine, avec des exemples concrets, une présentation de savants insignes et des avancées qui font que nous ne consommerions pas identiquement sans leurs recherches. En ce sens, cet ouvrage retrace les étapes fondatrices de l’industrie chimique et pharmaceutique en Belgique, mais souligne également l’importance de l’innovation pour l’avenir d’un monde en perpétuelle mutation. Avec un vrai sens de la pédagogie, ils expliquent de quelle manière les molécules influencent notre quotidien. Sans elles, comment vivrions-nous ? Ed. Mardaga – 239 pages André Metzinger
PERLES D’ACCUEIL Voilà un petit livre qui parle d’altruisme. Un sentiment dont nous avons grandement besoin dans un monde qui part à la dérive, confronté à maints défis grandissants, qui ploie face au contact de personnes issues de différentes cultures et chargées de sensibilité qui, parfois, se heurte à la nôtre. L‘ExtrêmeDroite gonfle les voiles du populisme d’un vent mauvais. Décemment, on ne peut pas laisser vivre des gens dans des conditions dégradantes et les confronter au rejet et à la haine. Il importe que s’organise une véritable solidarité pour retrouver l’humanité qui régit l’existence de chacun. L’urgence de notre époque consiste à protéger l’étranger pour annihiler les discours de peur, montrer que le vivre ensemble n’est pas une utopie et prouver que la foi déplace des montagnes. Pour ce faire, une révolution sociale est réclamée. Avec espoir, tout semble opéré pour la mettre en marche. « Perles d’accueil » regroupe une série de petits textes qui traitent du rapport à autrui par le truchement d’auteurs issus de différents milieux. Des histoires simples et parfois plus complexes qu’on le pense. Il ne s’agit jamais de démonstration. L’intention consiste plutôt à inverser une tendance, en prônant la paix, la solidarité et le bonheur de vivre dans un bel esprit de concorde. Ed. Mardaga – 165 pages Sam Mas
GIORGIO DE CHIRICO – AUX ORIGINES DU SURRÉALISME BELGE Né en 1888 et décédé en 1978, Giorgio de Chirico a marqué la peinture moderne d’une empreinte indélébile, même si son nom n’évoque pas toujours grand-chose pour le public lambda. Attiré tout un temps par le mouvement surréaliste, il s’en dégage pourtant très vite et travaille sans entraves pour faire naître un univers façonné de bâtisses abandonnées et peuplé de mannequins. Chez lui, le mot énigme revient de manière récurrente. Sans renier la métaphysique, il prône un retour à un certain classicisme, tout en n’abandonnant jamais son indomptable liberté. Plutôt que de revenir sur sa carrière, le présent ouvrage s’attache à jeter des ponts entre ses toiles et celles de plusieurs artistes belges. André Delvaux, Jane Graverol et René Magritte en tête. A l’occasion de l’exposition consacrée à son travail et nourrie par de nombreux prêts prestigieux, cette publication nous aide à mieux appréhender son influence sur plusieurs de ses contemporains, notamment en Belgique. Sans jamais rien copier, ces derniers se sont approprié ses atmosphères singulières, ont repris l’un ou l’autre élément architectural à leur compte et se sont complu dans la représentation du réel et de l’imaginaire, faisant du rêve la voie royale de leur inspiration. Il s’agit bien entendu d’œuvres qui ne cherchent aucune explication mais qui, magnifiquement, appellent à l’interprétation subjective. Cet ouvrage doit avant tout être lu comme un voyage au pays des couleurs, essaimé de photographies qui aident à la comparaison et à la compréhension. Ed. Mardaga – 144 pages Daniel Bastié
DES TRAVERSÉES ET DES MOTS L’exil est une aventure qui entraîne les citoyens loin de chez eux, sans connaître leur futur, en appréhendant le présent et en abandonnant le passé. Comment parler de ces migrations voulues ou contraintes sans les avoir vécues ? Le présent recueil s’attache à regrouper des témoignages mis par écrit afin de les exposer sans fard. Changer de pays équivaut à affronter d’autres cultures, à s’intégrer sans perdre sa nature intime, sans renoncer à ce qu’on est et à frôler l’enfer ou à s’y enfoncer. Ces voix sont celles de femmes et d’hommes qui ont vécu, subi ou accompagné les cheminements, les fuites et les rêves des leurs. Les mots racontent la force des émotions et la puissance de l’espoir. Il ressort de ces textes courts un irréductible besoin de fraternité. Les droits d’auteurs issus de la vente de ce livre seront reversés à l’association « Médecins du monde » en vue de soutenir des programmes destinés aux personnes migrantes en Belgique. Ed. Mardaga – 90 pages Sam Mas
UN MONDE POSITIF Pascale Sury et Jonathan Bradfer sont journalistes et ont parcouru le globe pour aller à la rencontre de gens qui, par leur action responsable, sèment des petites graines dans le but d’édifier un monde meilleur et réveiller la conscience assoupie en chacun de nous. A l’aide d’images superbes, ils démontrent que des solutions existent, souvent à la portée de tous. On y voit des hommes et des femmes (de toutes nationalités) inspirés par le changement. Du Chili à la Papouasie, de la NouvelleGuinée au Bhoutan, en passant par l’Australie et le Groenland, les auteurs se laissent inspirer par des peuples éloignés, des modes et des valeurs différentes des leurs pour saisir en quoi la terre doit se mettre en marche pour évoluer dans le bon sens. Lâcher prise, opter pour un recul salutaire, se déconnecter d’une société 2.0. et se questionner sur notre manière de consommer, voilà leur credo. En ce sens, « Un monde positif » est nécessaire et porteur d’espoir. Il devrait être lu par tous, y compris et surtout par les membres de la classe politique. Il représente un véritable engagement pour les générations futures. Ed. Mardaga – 236 pages André Metzinger
J’ARRÊTE DE FUMER : COMPRENDRE SON ADDICTION POUR MIEUX LA VAINCRE Un jour, pour des raisons qui me sont personnelles ou pas, je décide d’arrêter de fumer. Comment m’y prendre ? Autour de moi, on répète que ce ne sera pas facile et j’en suis consciente. Le tabac engendre une addiction sévère. Mon corps est totalement devenu dépendant. Très vite, je me confronte à différentes pistes : chercher de l’aide, puiser ma force dans la volonté, compenser par du sport, user de substituts pharmaceutiques, opter pour la cigarette électronique. Les éditions Mardaga proposent un ouvrage pratique rédigé par plusieurs experts, réunis sous la direction du docteur Vincent Seutin, pour analyser point par point le rapport que l’on entretient avec le tabac et envisager des alternatives. Evidemment, il n’existe aucune panacée. La lutte contre la nicotine est un combat difficile sur la durée. Malgré les campagnes récurrentes de prévention, le nombre de fumeurs croît ostensiblement, même si chacun connaît ses effets dévastateurs sur la santé. Qu’est-ce qui pousse les gens à consommer davantage ? Comment vaincre cette mauvaise habitude ? En trente questions, les auteurs fournissent des réponses concrètes pour en finir avec la langue de bois et mettre à terre les slogans erronés. « J’arrête de fumer : comprendre son addiction pour mieux la vaincre » est un outil fait pour soutenir celle ou celui qui décide d’arrêter le tabac. Si la cigarette est toujours une manne pour le gouvernement par le biais de la TVA, elle demeure un poison vendu librement et que nous aurions intérêt à bannir. Autant s’en convaincre pour résister ! Ed. Mardaga – 252 pages Amélie Collard
LE TRAVAIL INVISIBLE Du pain et des jeux. Voilà le credo que les Romains appliquaient ! Toutefois, on ne situait pas dans un monde angélique. L’esclavage et la violence rythmaient le quotidien. Aujourd’hui, toujours, on nous promet une société de bien-être au sein de laquelle on gagnerait de quoi vivre décemment avec la possibilité de s’adonner aux loisirs. Travailler moins pour gagner autant (voire davantage !) est même le slogan prôné par certains ténors de la classe politique et d’économistes qui se veulent rassurants. Ils basent leurs allégations non pas seulement sur la nécessité des travailleurs à se divertir, mais sur le besoin de partager les emplois, afin d’éviter une crise sociétale. Si l’esprit de rente est devenu un opium, il ne faut jamais oublier que l’argent domine le monde. De plus en plus, la classe moyenne se manifeste et réclame un meilleur pouvoir d’achat, des conditions de travail moins astreignantes, de la flexibilité et des contrats durables. Pierre-Yves Gomez détricote ce raisonnement, selon lui absurde et qui encourage à appuyer les réformes allant toujours dans la même direction. Pour rendre l’économie vivante, il incombe de mettre en place une vraie stratégie qui comble à la fois le patronat et la masse laborieuse. Notre système est gangréné et le piège de la spéculation s’est refermé sur lui. En soi, la finance est-elle l’unique ressort ? Existe-t-il des alternatives ? Plusieurs paramètres se mettent en exergue et lesquels choisir ? Sont-ils viables à termes plus ou moins longs ? La liberté demeure-t-elle vecteur de progrès ? Il faut se défier des prévisions largement optimistes. Un travail repensé devient certes nécessaire, mais pas sans réflexion neutre et totalement désintéressée. La fin des impératifs professionnels ou travail invisible est-elle finalement une chimère ? Ed. Desclée de Brouwer – 349 pages Sam Mas
LA GUERRE QUI NE PEUT PAS AVOIR LIEU La menace nucléaire n’est pas qu’une appréhension. Des signes tangibles laissent croire que l’arme ultime sera utilisée au cours des prochaines décennies. Depuis le bombardement des villes d’Hiroshima et de Nagasaki, chacun a pu découvrir les ravages occasionnés. Que dire aujourd’hui, alors que les spécialistes se font efforcés de la rendre encore plus performante ? Les experts affirment qu’elle sert avant tout à titre dissuasif. Instrument capital dans la course aux armements à laquelle s’engagent de nombreuses puissances. Au demeurant, si on se réfère à ce qui est répété tous azimuts, elle empêche les états antagonistes de passer à l’offensive. L’actualité se veut naturellement peu ou prou rassurante. Il n’y a pas si longtemps, les présidents Kennedy et Khrouchtchev se menaçaient simultanément lors de la crise de Cuba. Tout récemment, Donald Trump et Kim Jong Un parlaient d’une apocalypse imminente, impliquant leur nation. Pourtant, si on peut miser sur l’intelligence, nul ne reste à l’abri d’une erreur de jugement, des systèmes de déclenchement semi-automatiques, de calculs erronés, d’accident ou d’impulsivité. Sans chercher le scoop à n’importe quel prix, JeanPierre Dupuy pose les questions idoines et argumente en s’appuyant sur des recherches précises. Pas vraiment rassurant ! Ed. Desclée De Brouwer – 232 pages Daniel Bastié
LE LABYRINTHE CATALAN De façon unilatérale, la Catalogne a décrété son indépendance. Un vote illégal selon l’Espagne et aucunement soutenu par l’Union européenne. Cette crise a surpris par son intensité et a fait l’effet d’un mini cataclysme, mettant sur le devant de l’actualité les leaders séparatistes poursuivis par la justice espagnole, arrêtés ou contraints de s’engager sur les routes de l’exil. Pourquoi cette décision de se séparer de la métropole ? L’indépendantisme catalan n’est pourtant pas un sujet récent. Les sécessionnistes défendent l'idée que la nation catalane n'atteindra jamais sa plénitude culturelle, sociale et économique tant qu'elle fera partie de l'État unitaire qu'est l'Espagne. En revanche, une partie du courant indépendantiste a historiquement défendu la participation d'une Catalogne indépendante à une Espagne qui serait devenue confédérale et plurinationale. Etape par étape, Benoît Pellistrandi analyse cette crise et explique ce phénomène en mettant les pieds dans un labyrinthe complexe, où se mêlent revendications, passions et dialogue de sourds. Aujourd’hui, alors que les tensions semblent avoir atteint un paroxysme, on devine que le retour à la normale prendra du temps. Va-t-on vers l’explosion ? Actuellement, personne n’est capable d’émettre un avis assuré ni rassurant. Ailleurs, la situation est observée avec crainte ou intérêt. D’autres populations souhaitent se libérer de l’entité centrale. Si une telle effervescence a engendré du meilleur au XXe siècle, elle peut fournir le pire alors que l’unité européenne se fissure de partout. Ed. Desclée de Brouwer -228 pages Sam Mas
LA REINE MAIRE DE PARIS Disons-le tout de go, il s’agit d’un livre à charge qui tire à boulets rouges sur Anne Hidalgo, membre du parti socialiste, maire de Paris depuis 2014 et candidate à sa propre succession dans le cadre des élections de 2020. Née Ana Maria Hidalgo Aleu en Espagne voilà tout juste soixante ans, elle s’engage dans des réformes qui divisent dès son accession au plus haut poste de la ville. Bien entendu, mon propos n’est pas de prendre position puisque, depuis Bruxelles, la situation est parfaitement étrangère autant que lointaine. Je ne peux que reproduire ce que déclarent François Delétraz (rédacteur en chef au Figaro Magazine) , Etienne Jacob et Yohen Blavignat qui affirment avoir mené une enquête de fond et s’être basés, entre autres, sur le sondage exclusif Odoxa pour dresser le bilan de la popularité de la susdite dame auprès des Français. Toujours selon eux, il ne serait pas brillant, avec 63% des Parisiens qui ne souhaiteraient pas la voir reprendre les rênes du pouvoir, 64% qui la verraient comme une femme autoritaire et 70% comme intolérante, tandis que 61% affirmeraient qu’elle pratique la langue de bois. L’usage du conditionnel me permet évidemment de prendre de la distance par rapport aux allégations des auteurs. Au fil des différents chapitres, ils présentent son action sur le plan de la dette qui aurait augmentée d’un milliard chaque année, de sa gestion calamiteuse (toujours selon eux !) du stationnement, de travaux permanents, du fiasco Vélib, de la prolifération des rats, de l’ambiguïté dans l’attribution des logements sociaux, du coût exorbitant de certains projets architecturaux, etc. Pour mener à bien leurs investigations, ils allèguent avoir rencontré des centaines d’interlocuteurs, tout en se procurant des documents accablants et confidentiels. Difficile de juger. Bien entendu, la parution de cet ouvrage ne devrait pas manquer de faire réagir la principale intéressée et il y a fort à parier que ses avocats fourbiront une riposte. Un procès dans l’air ? Quant aux collaborateurs et adjoints d’Anne Hidalgo, ils auraient réfuté du revers de la main les diverses récriminations dont fait l’objet leur supérieure hiérarchique, alléguant qu’elle est aimée et que la population la soutient dans ses efforts. La méthodologie utilisée repose sur un sondage auprès de 1991 personnes de plus de dix-huit ans interrogées par Internet les 13, 14 et 15 février 2019, tant dans la métropole qu’en province. A chacun de voir … Ed. du Rocher – 232 pages Sam Mas
L’OLIVIER POUR VOTRE SANTÉ L’huile d’olive semble idéale pour la santé. Voilà ce qu’affirme le professeur Henri Joyeux, ancien chirurgien et cancérologue. Connu pour ses ouvrages médicaux, il a toujours privilégié la pédagogie et la vulgarisation pour défendre ses points de vue. Manger mieux pour protéger sa santé a constamment été son credo. Aujourd’hui, il nous propose une plongée dans la vie de l’olivier et vante ses bienfaits. Cet ouvrage nous fait découvrir une explosion de connaissances scientifiques dans le domaine de l’oléiculture française et méditerranéenne. Ce livre pragmatique a pour vœu de toucher l’expert comme le profane. Du choix variétal à la plantation, de la conduite d’une oliveraie à travers la taille, la fertilisation, les traitements phytosanitaires, la pollinisation et la transformation en matière comestible. Enfin, il matérialise avec brio l’objectif qui consiste à la promotion et la sauvegarde de cet arbre millénaire. A l’aide de chapitres courts, il nous aide à intégrer au mieux les bienfaits de cette substance dans notre vie et nous explique de quelle manière appliquer une sélection, comment déguster cette huile délicieuse et pourquoi transformer nos repas à l’aide de recettes simples et pleines de saveurs. Ed. du Rocher – 234 pages Sylvie Van Laere
MOI SAM BEGAY, HOMME-MEDECINE NAVAJO Marie-Claude Feltes-Strigler est anthropologue et, depuis une vingtaine d’années, s’est rapprochée du peuple navajo. Notamment de Sam Begay, le plus grand homme-médecine de la tribu. Au cœur de l’Amérique indienne contemporaine, elle l’a invité à se confier pour partager son savoir en perpétuant la mémoire du passé et ses racines ancestrales. Au fil des pages, l’homme dévoile ses croyances, la foi qui l’anime, sa vision du monde et il nous initie à plusieurs rites et cérémonies séculaires. Qu’il s’agit de guérissons, de prières ou d’offrandes. Cet ouvrage retranscrit des traditions et des mythes inconnus des blancs. A partir des enregistrements recueillis (plus de trente heures réparties sur de nombreuses entrevues !), il a fallu opter pour des choix, mettre en forme certains récits, respecter les propos et ne jamais s’encombrer de répétitions ni de termes approximatifs. La voix du vieux sage exprime les richesses d’une nation, la volupté de la nature, les maux de la société actuelle, les discriminations et le risque de voir la culture navajo se dissoudre dans un monde qui nivelle tout. Il souhaite enfin qu’on se souvienne de lui en termes agréables. Un témoignage de première main sur un peuple fier. Ed. du Rocher – 355 pages Paul Huet
JÉRÔME LEJEUNE : LA LIBERTÉ DU SAVANT L’intelligence est un des moteurs du monde. Sans elle, nous ne disposerions pas d’immenses talents pour vivre et faire éclater la beauté de la nature humaine. Suivre ses convictions est également vecteur d’épanouissement. Jérôme Lejeune était catholique pratiquant, fidèle à son baptême, et exerçait la médecine en se fiant au message des Evangiles, sans ambiguïté, certain de s’ouvrir à l’autre, de partager un amour fraternel et de souhaiter le meilleur pour tous. Durant son existence, il a prouvé de quelle manière il alliait foi et pratique professionnelle, en s’appuyant sur une éthique chrétienne, en s’engageant sans calcul en faveur de ses patients et en témoignant de sa liberté dans chaque geste médical. Pour lui, la science ne doit jamais être un puits de connaissances, mais un appel à l’humilité, loin de la vanité qui détourne les hommes de l’objectif qui consiste à soigner et à éradiquer la souffrance. Il n’a jamais cessé de clamer que les théories se soumettent aux données de la création et se trouvent perpétuellement soumises au questionnement, même si certaines vérités sont acquises. Aude Dugast, philosophe de formation, a rédigé la présente biographie de Jérôme Lejeune, tout en étant à la base d’une demande de béatification de l’homme. A son décès, survenu en 1993, il a laissé beaucoup de familles dans le désespoir, inquiètes de savoir qui prendra désormais le relai. Afin de répondre à leurs attentes, ses héritiers ont créé la Fondation Lejeune, dédiée au soin, à la recherche et à la dignité des personnes handicapées mentales, puis un centre médical qui est devenu l’Institut Jérôme Lejeune. Histoire de prolonger son travail et de pérenniser son nom. L’important est de ne pas oublier ! Ed. Artège – 474 pages Sam Mas
DU CORPS À L’OUVRAGE Matière tangible, le livre demeure un support majeur pour la connaissance, les loisirs et l’information. Si certains ne regimbent pas à le voir disparaître au profit des fichiers électroniques, d’autres luttent pour son maintien tant à l’école qu’à la maison. Eric Dussert et Christian Laucou proposent aujourd’hui un petit ouvrage qui n’est pas essai ni un dictionnaire. Pas non plus un guide ou un manuel. Il a été pensé comme une joyeuse collection de mots, de figures et de notions qui se lisent dans le désordre pour découvrir ou se souvenir de ce qui fait de la civilisation humaine une exception dans toute la galaxie. « Du corps de l’ouvrage » s’adresse autant aux professionnels qu’aux néophytes. Une riche idée alors que, un peu partout, les libraires disparaissent les uns à la suite des autres, que plusieurs éditeurs cessent les affaires et que la jeunesse se range du côté des nouvelles technologies au détriment du papier. Un livre est non seulement palpable, mais il se singularise par une odeur caractéristique, permet des annotations au crayon et se transmet de main à main. Un héritage qu’il serait dommageable d’abandonner ! Ed. La Table ronde – 212 pages Sylvie Van Laere
EDITH ET OLIVER Irlande. Début du XXe siècle. L’existence n’a rien de drôle. Oliver travaille comme illusionniste. Un soir de fête trop arrosée, il rencontre Edith. Le coup de foudre est réciproque. Le lendemain, elle l’accompagne au piano sur scène. Les années passent. Résolue à gagner l’Angleterre, elle s’apprête à abandonner son mari et à embarquer avec leur fille pour Londres. Michèle Forbes signe un roman d’une belle densité et restitue avec justesse une époque difficile, où les certitudes basculent au profit de la modernité. Déçu par une carrière qui stagne, Oliver sombre dans le désespoir, ravagé par ses démons. L’arrivée du cinéma met à mal l’existence des théâtres et de nombreux artistes se retrouvent sans emploi. A l’aide de descriptions fouillées, l’auteure reproduit l’ambiance 1900, fait sentir la moiteur des chambres louées, ressuscite les applaudissements et les huées du public, partage le goût des aliments ingérés par les protagonistes et, surtout, plonge le lecteur dans le mental d’un homme trop sûr de lui, ambitieux et qui subit un revirement du sort dont il ne se relève pas. On se situe ici dans un roman réaliste, qui témoigne de la dureté d’une époque. Ed. Quai Voltaire – 442 pages André Metzinger
COMMENT FAIRE MENTIR LES CARTES Toute transposition est forcément trahison, voire mensonge plus ou moins souhaité. S’appuyant sur plus de cent vingt cartes et documents, Mark Monnonier pointe une stratégie qui, par le choix des couleurs, la mise en avant d’un élément particulier ou la sélection des échelles, participe à cette entreprise de manipulation. On peut parler de points de vue à soutenir, d’intérêts à défendre ou de la simple difficulté à reproduire une réalité tridimensionnelle en 2D. Bien entendu, dans des cas précis, on peut parler de propagande, d’aménagement du territoire, de publicité ou de communication cadrée. Le mensonge est naturellement facile avec les cartographies et leurs utilisateurs acceptent bien volontiers quelques modulations. Le propos de cet ouvrage consiste à encourager une circonspection raisonnable et raisonnée à leur sujet et non de développer le cynisme ou la malhonnêteté intellectuelle. Enquêter sur leur mauvais usage fournit également une introduction intéressante sur la nature même de celles-ci. Bien entendu, la falsification ne frappe pas toutes les cartes. Ce livre cherche avant tout à poser les bonnes questions en vue de réponses idoines. Le lecteur sera de la sorte mieux armé pour discerner le vrai du faux. Il s’agit de la troisième version de cet ouvrage, plus de vingt ans après sa deuxième publication, et assurément enrichie de nouveaux arguments. Ed. Autrement – 305 pages Paul Huet
ETHAN IRA-T-IL À L’ÉCOLE ? Ethan est un gamin charmant, qui ne pose aucun problème particulier. Si ce n’est qu’il est polyhandicapé. Situation peu commode pour son entourage, car il réclame énormément d’attention et une présence accrue. Ce n’est pas lui qui s’adapte aux autres, mais l’adulte qui doit se montrer disponible, avec un cortège de difficultés à gérer. Depuis plus de dix ans, Kristelle Chassang, la maman, se bat pour que son fils puisse aller à l’école. Malheureusement, cette lutte quotidienne (et malgré la loi du 11 février 2005 !) semble demeurer sans effet. Bien sûr, Ethan n’est pas le seul enfant à vivre une pareille situation. Face à la différence, la société a beaucoup de mal à se positionner. Par crainte, en ne sachant pas de quelle façon agir, par manque de formation des enseignants, des éducateurs et des directions d’établissements scolaires. S’agit-il parfois de bêtise humaine ou de lâcheté ? Vivre avec un handicap ne devrait pas s’avérer une douleur permanente. Les différences et les déficiences pourraient devenir sources d’ouverture, de découvertes et de communion avec l’autre. A contrario, les portes qui se ferment deviennent vecteurs d’épuisement, de contrariétés récurrentes et de fatigue obsédante. Autant qu’un témoignage de première main, cet ouvrage a été écrit comme un appel vibrant à davantage de justice, tout en invitant le lecteur à se défier de ses appréhensions. Le droit à la scolarisation est inscrit dans la législation. Pourquoi y a-t-il donc autant de difficultés à la faire respecter ? Ed. Autrement – 288 pages Amélie Collard
LE MAROC VU DU CIEL Yann Arthus-Bertrand nous a ravis à la télévision comme au cinéma avec des documentaires splendides qui visent autant à éblouir par la beauté des images qu’à sensibiliser les spectateurs à l’urgence de prendre soin de la terre. Ecologiste avant la marche des jeunes en faveur du climat, il est un des premiers à asséner la nécessité de réduire l’empreinte carbone en vue des générations futures. Une fois encore, le photographe-cinéaste s’est élevé dans les airs pour scanner d’en bas un pays de long en large. Avec « Le Maroc vu du ciel », il se promène à l’extrémité occidentale de l’Afrique, à quelques kilomètres de l’Europe, et raconte une terre qui s’est bâtie au fil des siècles, entre tradition et modernité. Après les cités impériales de Fès et de Meknès le long de la côte Atlantique, il s’engage dans la vallée de l’Anti-Atlas jusqu’à Marrakech, ravive le souvenir des caravaniers qui empruntaient la route des oasis et remonte vers la Méditerranée. Le royaume se dévoile sous un nouveau prisme, entre paysages éternels et vision actuelle d’un monde en mutation constante, un sol béni d’Allah fait d’eau et de sel. Un lieu de contrastes violents où se côtoient reliefs abrupts et plaines, dunes de sable et terres arables, cèdres et palmiers, métropoles et villages perdus au fond du désert rocheux. Le présent survol offre un regard privilégié sur des merveilles souvent méconnues des étrangers. Un régal pour les yeux ! Ed. La Martinière – 168 pages Daniel Bastié
AUPRÈS DE MA BLONDE Trois sensibilités se tutoient au sein du sixième roman de Thierry-Michel Delaunois, avec un mystère qui plane sur chacune d’elle. Séréna médite sur un banc, Hélène (flanquée de trois enfants) se trouve à un point de rupture et André subit une solitude qu’il ne souhaite à personne. Chacun vit dans la résilience. Comment réagir sans sombrer dans l’impulsivité ou la déraison ? Le lecteur comprend que le drame n’est pas loin. De quelle manière s’en sortir indemne, sans accuser les coups du sort, remonter la pente et bénéficier de jours meilleurs ? Drame contemporain, on songe parfois à la tragédie antique. L’auteur cisèle les mots, travaille les dialogues et offre une plongée au cœur de l’être humain dans ce qu’il possède de plus complexe et de plus fragile. Partage, solidarité et passion, tout s’enchevêtre pour susciter l’envie de tourner les pages et de de découvrir le dénouement. Bien entendu, toutes ressemblances avec des personnes existantes est purement fortuite. « Auprès de ma blonde » se veut un livre introspectif sans candeur et qui connecte au monde du réel. Enfin, il évoque la culpabilité, le besoin de contrition et le droit au pardon. Nous sommes tous coupables de certaines choses et avons le droit à nous réconcilier avec nousmêmes et les autres. Un roman signé par un des collaborateurs réguliers de Bruxelles Culture ! L’illustration de couverture est signée Jose Mangano, artiste qui a été présenté dans l’une de nos éditions précédentes. Ed. Chloé des Lys – 226 pages Daniel Bastié
SIMENON : TOUT MAIGRET VOLUMES 9 & 10 Le commissaire Maigret a vu le jour sous la plume de Georges Simenon, écrivain liégeois né en 1903 et décédé en 1989. Ses enquêtes s’étalent des années 1930 à 1960 dans une France en pleine mutation, avec des gens ordinaires et des crimes qui n’ont rien de rocambolesques, puisque le plus souvent aiguisés par la passion ou l’argent. Au fil des romans, on apprend que le flic a été affecté au Quai des Orfèvres, avant de bourlinguer aux quatre coins du Paris d’antan pour élucider des affaires dont il délie progressivement l’écheveau. A cela, l’auteur n’hésite jamais à se servir de divers prétextes pour faire sortir le protagoniste de l’étau de la métropole, qu’il s’agit de vacances ou de requêtes officielles. Là où un meurtre a lieu, Maigret n’est jamais loin, pipe au bec, chapeau vissé sur le crâne, mains en poches, flair à toutes épreuves. Plutôt que d’enfoncer les portes, il préfère humer l’atmosphère d’un lieu de crime, se mêler à la population, chercher à percer le mobile du ou des coupables dans les bistrots et sur les marchés. Au départ, il devait figurer dans une vingtaine de romans puis, emporté par le succès, les récits se sont envolés au point de devenir récurrents durant de nombreuses années pour, finalement, atteindre quatrevingts enquêtes menées au cordeau. Avec Maigret, le lecteur sait à quel genre d’ouvrages il se frotte. Maigret est le flic qui procède en se laissant guider par son flair, adore le dialogue, ne s’encombre jamais de théories complexes et pratique l’art de l’observation. Loin de Sherlock Holmes et de Miss Marple, il n’affirme jamais tout connaître. Il décode la personnalité de chacun et se sert de ses conclusions pour confondre le coupable. Issu d’un milieu populaire, le policier est avant tout animé par le souci d’effectuer son travail le mieux possible, de ne pas se laisser affecter par les sentiments et de servir la justice. Pour aller au fond des choses, il se mêle aux suspects, entre dans leur monde sans émotion, étudie leurs habitudes et leurs réactions. Une méthode qui porte des fruits puisque, chaque fois, il confond le criminel. Massif et un zeste lourd, Maigret abhorre la bagarre. On ne le voit jamais piquer un cent mètres à la poursuite d’un fugitif ni s’engager dans un corps à corps brutal. Son intuition et sa sensibilité, couplées à une intelligence et à une culture pourtant moyennes, lui permettent de saisir les mécanismes qui poussent un être ordinaire à dévier. Généralement, ses enquêtes se terminent par la confession du fautif. Georges Simenon ne prête aucun jugement. Il se contente d’un épilogue qui rétablit le quotidien et remet les pions en ordre sur l’échiquier de la société. Les éditions Omnibus viennent de rééditer l’intégrale des enquêtes du commissaire Maigret en dix volumes, collection tout simplement intitulée « Simenon- Tout Maigret », illustrée par un dessin de couverture signé Pierre Loustal. Les tomes 9 et 10 concluent ce beau travail d’exhumation, regroupant chacun huit romans connus ou qui le sont moins. Du bel ouvrage ! Ed. Omnibus - 955 pages Daniel Bastié
LES SPAGHETTIS DE BAUDELAIRE Il a été écrit que la culture est ce qu’il reste lorsque tout a été publié. Thierry Maugenest s’empare d’extraits de romans, d’aphorismes et de métaphores pour dispenser un cours de français non académique. Un livre fait pour briller en société ou à lire avant de, peut-être, se lancer dans la rédaction. Avec humour et acuité, il nous enseigne la méthode de fabriquer une citation, d’inculquer l’art de rédiger et d’explorer silencieusement notre belle langue et sa littérature. Sans entraves, il passe des classiques aux auteurs contemporains, s’empare du monde de la publicité et de certains thèmes de dissertation imposés aux étudiants. Il décode les arcanes de la grammaire, des rimes croisées et du parler actuel. Cet anti-manuel a pour ambition de transformer tout un chacun en cador des belles lettres, avec des exemples pertinents et des conseils avisés. Bien sûr, en moins de cent cinquante pages, on ne remplace pas un cursus universitaire. L’idée consiste plutôt à transmettre le goût des belles lettres, à susciter l’envie de rédiger ou de mieux comprendre ce que les écrivains d’hier ou d’aujourd’hui ont fait de leur héritage. N’hésitez pas à vous procurer cet essai, vous y trouverez quelques conseils ad hoc agrémentés d’exemples concrets. Assurément, le style se travaille et l’exigence repose sur l’effort. Cela se sait ! Ed. Omnibus – 142 pages Sylvie Van Laere
MAIGRET – TRAVERSÉES DE PARIS Georges Simenon et Jules Maigret, voilà une longue relation littéraire qui a inspiré maints cinéastes ! Originaire de Liège, le prolifique écrivain a choisi de planter l’essentiel des actions de son célèbre policier à Paris, l’amenant à traverser la ville de part et d’autre, faisant de la capitale un personnage à part entier, devenant au fil des enquêtes une respiration, un tempo. Les ouvrages publiés à un rythme effréné nous apprennent que le célèbre commissaire habite avec son épouse boulevard Richard Lenoir, qu’il travaille quai des Orfèvres et que les rues des différents arrondissements se transforment en zones de crimes (à résoudre). Flanqué d’un flair infaillible, le protagoniste va à la rencontre des habitants de quartiers aussi disparates que la population qui y réside, franchit la porte des bistrots, des ateliers et des hôtels de maître à la recherche de la vérité. Michel Carly, grand spécialiste de l’œuvre de Simenon, a eu l’intelligence de proposer un ouvrage qui invite à suivre les enquêtes de Maigret sur le terrain. Celui des années 1930 à 1960 à partir de photographies en noir et blanc pour rendre compte d’un quotidien oublié. Il s’agit souvent du Paris populaire, loin des clichés pour cartes postales avec ses monuments fétiches. « Maigret, traversées de Paris » se concentre sur sept itinéraires pour découvrir cent vingt lieux de Pigalle à Montmartre, en transitant par le Marais et le canal Saint-Martin, sans oublier les résidences cossues et les guinguettes. La plupart des documents publiés proviennent ici de la Bibliothèque des Littératures policières et de la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Cet ouvrage se veut avant tout une invitation à relire Simenon et à redécouvrir les vieux films avec Jean Gabin dans le rôle principal et les séries télévisées avec Jean Richard, puis Bruno Cremer. Ah, nostalgie ! Ed. Omnibus – 192 pages Daniel Bastié
LE VOL DE L’AUTRUCHE Aujourd’hui on parle du surpoids qui menace une grande partie de la population. Fléau du XXIe siècle qui causera des arrêts vasculaires, de l’hypertension et bien d’autres maux. On a même consacré une journée mondiale à l’obésité. Avec « Le vol de l’autruche », Crysten Sullivan parle de Maggie, jeune femme trop grosse pour être bien dans son corps, et qui installée à Paris postule pour un emploi. Une entreprise l’embauche et veut faire d’elle l’égérie des employés dans le cadre de sa prochaine campagne de communication sur le bienêtre au travail. Si cela fonctionne, elle risque de voir son existence totalement métamorphosée. Quelles épreuves l’attendent ? Petit à petit, elle découvre que Louis-Valentin, un jeune médecin, n’est pas insensible à ses rondeurs, au point de l’inviter à devenir sa petite amie. Il y a aussi Leïla, une collègue plutôt sympa qui adapte ses vêtements pour la mettre en valeur, et Bouddha atteint d’une maladie orpheline qui l’aide à gérer un forum Internet. En évitant les stéréotypes sur les gros, l’auteure nous invite à suivre une héroïne qui ne songe qu’à manger, souffre de la violence des regards extérieurs, ne s’aime pas et ne croit pas à l’amour. Afin d’éviter le pathos, elle a trempé sa plume dans l’humour et le rejet des complexes. Au final, l’émotion prime sur tout le reste et nous gratifie de grands instants de bonheur. Ed. Carnetsnord – 368 pages Amélie Collard
LES PETITES VOIX Nous menons souvent une existence rythmée par le ronron. Doit-on s’en satisfaire ? Personne n’y voit le moindre mal. Pourtant, ci et là, les certitudes se fracassent et la vie renvoie le reflet de mauvais choix, de portes qu’on a volontairement fermées, de rencontres inabouties et de discours vains. Alors qu’elle pensait vivre pleinement un bonheur durement acquis, Christelle Lauret se rend à l’évidence qu’elle a raté le coche malgré un salaire mirobolant, un job stable, des amis proches et l’amour. Récit intime et sensible « Les petites voix » explore les liens du moi profond et s’intéresse à la part de rêve qui sourd en chaque être vivant et hante le rapport à soi. L’écriture ciselée et enveloppante de l’auteure devait être nécessaire pour se raconter sans fards ni exhibition malsaine. Voilà un incroyable destin qui propulse la narratrice loin des sentiers balisés et qui lui a permis de trouver l’épanouissement alors qu’elle pensait avoir tout pour vivre un bonheur éternel. Ôter les masques, cesser de s’illusionner, accepter le risque et suivre son instinct : voilà les conseils prodigués au cours de ce témoignage qui, fatalement, engendre une profonde introspection. L’art de s’écouter est la route à suivre ! Ed. Carnetsnord – 448 pages Amélie Collard
LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MOREAU Voilà une saga familiale telle qu’on les adore ! Janine Boissard s’est fait un nom en littérature depuis qu’elle dresse des fresques où on se sent chez soi, relevant les petits riens qui façonnent le quotidien et le rendent tellement exceptionnel. Sans jamais appuyer sur les émotions, elle entre dans les ménages français et relate ce qu’elle y trouve. Chez les Moreau, la vie est-elle meilleure qu’ailleurs ? Claire rêve de devenir une égérie de la mode, Bernadette s’attèle à défendre la nature, Pauline cherche à devenir une autrice célèbre et, enfin, Cécile rue dans les brancards, rebelle à tout. Pour chapeauter ce petit monde, le père s’active entre l’éducation du quatuor et son métier de médecin. Quant à la maman, elle observe, écoute et attend que les sœurs mûrissent pour prendre leur essor. D’ici là, les semaines s’égrènent avec leur lot d’illusions, de brouilles, de réconciliations, de rêves à concrétiser, de petits chagrins et de transports passionnés. Avec une quarantaine de livres à son actif, Janine Boissard est l’une des romancières préférées des Français. Certains ont toujours en mémoire « L’esprit de famille », adapté à la télévision et qui a réchauffé les foyers au cours de l’année 1982. On n’oublie pas le souvenir de feu Maurice Biraud dans l’un des rôles principaux ! Ed. Fayard – 219 pages Daniel Bastié
LE PETIT NICOLAS FAIT LA FÊTE Intemporel, le Petit Nicolas est né il y a un demi-siècle de l’imagination de René Goscinny et a pris forme sous le crayon de Jean-Jacques Sempé. Pourtant, rien ne semblait gagné. Lorsque la première histoire est sortie en librairie, les lecteurs ne se trouvaient pas au rendez-vous. Il a fallu attendre l’émission « Lecture pour tous » afin que les ventes démarrent. A un rythme annuel, les différents récits sont devenus des best-sellers. Pour écrire et dessiner ces aventures, l’auteur et le graphiste se sont naturellement replongés dans leurs souvenirs d’écoliers. Partiellement autobiographiques, elles croquent admirablement l’univers de l’école, avec sa cour de récré, ses profs, une camaraderie à toute épreuve et les mœurs de l’enfance. Au fil des récits, on découvre un microcosme drôle, poétique et finalement très proche de chaque lecteur, de façon à ce qu’il puisse s’identifier dès les premières pages. Quelques adultes évoluent dans ce monde : parents, surveillants, marchands, etc. Il s’agit le plus souvent de faire-valoir. Avec plus de quinze millions d’exemplaires vendus à travers le monde, servis par des traductions dans près de quarante langues, « Le Petit Nicolas » demeure une valeur sûre. Adapté au cinéma et à la télévision, il a réussi la gageure de fédérer autour de lui la nouvelle génération. Aujourd’hui et pour la première fois, une sélection de ses récits est publiée dans une édition collector. Grand format, reliure cartonnée et abondantes dorures, voici « Le Petit Nicolas fait la fête ! ». Dix belles histoires à (re)lire sans modération ! Ed. IMAV -104 pages Daniel Bastié
ET QUE LES BARRIÈRES SAUTENT ! Michael Caine est une des dernières légendes vivantes du cinéma international, qui a durablement marqué la mémoire des spectateurs avec des rôles forts de flics, de truands ou de séducteurs cyniques. Âgé de plus de quatre-vingts ans, il poursuit une carrière en apparaissant au programme de longs métrages (plus confidentiels) ou dans de la figuration au service de blockbusters. Aujourd’hui, il livre ses mémoires, en refusant la biographie traditionnelle. Il rassemble ses souvenirs sous la forme d’un florilège sans vraie chronologie et donne une leçon d’existence à travers la sienne. Bien entendu, il parle de son enfance dans une famille pauvre du sud de Londres, de sa formation et de ses débuts de comédiens. Aussi des acteurs qu’il a fréquentés et des metteurs en scène qui l’ont dirigé. Le tout sur le ton de la confidence ou de l’anecdote, en donnant l’impression de ne jamais se prendre au sérieux. Au fil des pages, le lecteur se rend à l’évidence qu’il cherche surtout à partager sa vision de la vie et des conseils qu’il dispense sans rien imposer. Il profite également de l’occasion pour révéler les coulisses de certains tournages, revenir sur la femme qu’il a épousée et qu’il est allé chercher loin d’Angleterre, son arrivée à Hollywood, ses triomphes, sans oublier ses échecs cuisants. En nous saisissant par la main, il nous fait voyager dans un demi-siècle de création et souligne l’évolution d’un art né avec les frères Lumière. Il reconnaît surtout avoir bénéficié d’une chance extraordinaire, en se trouvant au bon moment au bon endroit. Nul ne détient la formule du succès et nul ne peut promettre la richesse et la gloire. Le travail et le talent s’acquièrent à force de persévérance et de sueur. Instructives, surprenantes ou humoristiques, ses mémoires prennent l’allure d’une madeleine de Proust qu’on savoure avec nostalgie. Ah ! ces films qu’on tarde de revoir : Zoulous, Alfie, L’homme qui voulut être roi, Le limier, Pulsions, L’éducation de Rita, etc. Ed. Baker Street – 334 pages Daniel Bastié
L’AVIATEUR Innokenti Platonov est devenu amnésique et est hospitalisé. Pour l’aider à rassembler les bribes de sa mémoire, le médecin lui conseille de consigner par écrit les souvenirs qui émergent un à un. Visages, senteurs, couleurs … tout se mélange dans une sorte de puzzle. Forcément, cet exercice réveille des moments passés. Des heures heureuses, mais aussi des coups qui possèdent un goût âcre. Amours, pardon, fautes … la combinaison donne lieu à un désordre indescriptible. A sa sortie de la maison de soins, une nouvelle vie l’accueille. Obligé de s’adapter à une société dont il a oublié les codes, il doit réapprendre les limites à ne pas franchir, réacquérir les bons usages, retrouver des repères. « L’aviateur » est un roman porteur de réflexions philosophiques profondes où l’écriture fonctionne comme un liant dans un va-et-vient entre passé et présent. Avec une pointe de nostalgie, l’auteur parvient à émouvoir, tout en ne sombrant jamais dans les poncifs. Innokenti reste un homme debout, décidé de vaincre les troubles qui l’affectent et de retrouver sa personnalité malgré le chaos qui l’agite. Evgueni Vodolaskine est né à Kiev en 1964 et est chercheur à l’Académie des Sciences de Russie, spécialiste du Moyen Âge. Il offre ici un regard décalé sur l’ex-URSS, où même la tragédie d’un rescapé des goulags donne lieu à un show démonstratif. Le fantastique devient prétexte à une réflexion parabolique sur une époque traversée par la tragédie. Ed. des Syrtes – 384 pages Sylvie Van Laere
LOIN DU VACARME Le Maroc sert de cadre à ce roman engagé de Mohamed Berrada. A travers quatre personnages, il explore la société et s’interroge sur ce qu’elle est en train de devenir depuis qu’elle a acquis son indépendance. L’occasion d’explorer l’histoire d’un pays à mi-chemin entre modernité et tradition. Comme dans ses précédents ouvrages, l'auteur mêle fiction et actualité, mémoire et oubli, combats et chimères. Le rapport à l’autre est naturellement primordial. A travers des récits francs et intimes, il exprime l‘évolution des mœurs et des idéaux, parle des chemins empruntés par chacun pour s’adapter aux mutations inévitables et évoque la politique de ce dernier demi-siècle. Le narrateur est ici un avocat conservateur. « Loin du vacarme » a été traduit de l’arabe en français par Mathilde Chèvre et Mohamed Khounche. Ils nous livrent ici une autre approche du Maghreb, remplie de contrastes, de sensualité et de défis, loin des images d’Epinal. Les existences s’enchaînent et s’emboitent. Mohamed Berrada a toujours raconté qu’il souhaite intégrer les techniques de narration du monde arabe dans les codes du roman français. A chacun de se forger un avis … Ed. Actes Sud – 256 pages André Metzinger
MARRAINE DU DJEBEL Le service militaire obligatoire, voilà un souvenir mitigé qui passe par la nostalgie ou la douleur d’avoir perdu plusieurs mois de son existence pour servir la nation. Comme beaucoup de jeunes de son âge, Pierre Simon est enrôlé et envoyé en Algérie à côté de garçons venus des quatre coins de l’Hexagone. Nous sommes à la fin des années 50 et la colonie souffre de remous de plus en plus croissants. Le dépaysement, la séparation avec les siens et les longs courriers adressés à sa marraine de guerre, qui deviendra institutrice et qu’il épousera plus tard, rythment ce récit à la fois intimiste et historique. Photos et correspondance à l’appui, Isabelle Laurent retrace la vie de ses parents. Si le lecteur se donne la peine d’appuyer sur cette chronique, il entendra une voix de synthèse lui murmurer que la grandeur de la France réclamait maints sacrifices et que l’amour vrai survit à la détresse. L’auteure parle également de la désolation des champs de bataille, de la solitude des militaires, d’amitié au sein des unités, de la peur paralysante et de scènes de guerre. Ce livre s’adresse à la mémoire, afin que les générations montantes prennent soin de ne pas oublier. Surtout de savoir. Enfin, ce livre dit l’après-guerre, le retour des combattants confrontés à une métropole insouciante et refusant d’entendre le récit des recrues parties défendre dans le djebel les couleurs du drapeau national. La guerre d’Algérie a été un des mauvais choix de l’Histoire, celui d’unejeunesse sacrifiée et perdue ! Reste une passion entre une femme et un homme comme il en existe tant. Celle d’un couple uni et comblé par la joie des retrouvailles et la félicité de s’unir durablement. Ed. Michalon – 252 pages Paul Huet
L’ENFANT DE GARLAND ROAD Longtemps resté éloigné de l’écriture si chère à son père, Pierre Simenon est né à Lausanne en 1959 et a exercé plusieurs métiers avant de se sentir, à son tour, attiré par le désir de rédiger. Après une biographie et le roman « Au nom du sang versé », il s’est lancé dans un nouveau suspense qui tient en haleine jusqu’au dernier round. Kevin O’Hagan, écrivain torturé, vit cloîtré loin de tout, agité par ses démons et l’envie de mettre fin à ses jours. Alors qu’il a perdu le goût de profiter de l’existence, il hérite de la garde de David, un neveu âgé de dix ans et récemment orphelin. Contrairement à toute attente, il se surprend à éprouver des liens d’amitié et à renouer avec le bonheur. Aussi, lorsque l’enfant disparaît mystérieusement de l’école, il se lance dans une course effrénée pour le retrouver. L’auteur traite ici de la noirceur humaine et des dérives qui poussent certains hommes à abuser sexuellement de gamins innocents. Bien que classique, la narration emprunte des voies de traverse et use d’un procédé qui veut que des images fortes percutent le lecteur. Au fil des pages, on apprend qu’un simple citoyen est autorisé à appréhender (dans certaines juridictions) des personnes qu’il suspecte d’avoir commis un crime ou un délit, même s’il n’en a pas été lui-même témoin. L’usage de l’autorité et de la force y est même autorisé dans des limites raisonnables. Avec ce récit, Pierre Simenon prouve qu’il a de qui tenir et nous livre un uppercut qui laisse sans voix. Ed. Plon – 326 pages Paul Huet
CUPIDON A DES AILES EN CARTON Le style de Raphaëlle Giordano se singularise par un ton léger, qui paraît murmuré, et où les détails prennent soudain beaucoup d’importance. Ecrivaine 2.0., elle aime parler d’amour, raconter des histoires au sein desquelles l’enthousiasme s’emballe et se trouve opposé aux pièges tendus par Cupidon. Comédienne en herbe, Meredith aime follement Antoine. Toutefois, elle craint que cette relation s’émousse, voire se ramasse sur le macadam. Alors, elle s’interroge, se pose mille questions, brode des stratégies. Pour combler l’autre et redorer l’image de soi, il n’existe pas d’alternative que celle de s’accepter tel qu’on est. Elle profite d’une tournée avec Rose, sa meilleure amie, pour pratiquer une introspection. Chose qu’elle appelle un love tour. Tour de soi. Tour de l’autre. Tour de l’amour tout simplement ! Il apparaît fort rapidement que rien n’est simple lorsque Vénus ne demande qu’à émerger de l’onde. Elle s’offre six mois et un jour pour tout remettre en question, évaluer sa passion tout comme le manque lié à l’absence. La fuite est-elle la solution ? L’engagement a toujours été un geste fort et ne donne pas droit à l’erreur. Avec humour et sans jamais appuyer sur l’accélérateur, l’auteure réussit un roman pétillant qui se veut à la fois un joli portrait de femme, qui vit à deux cents à l’heure et qui part à la conquête de ses rêves. Un roman plein de peps ! Ed. Plon – 432 pages Amélie Collard
LE RETOUR DU JEUNE PRINCE Ici, on assiste au retour du Petit Prince de Saint-Exupéry. L’idée d’un prince errant, à la recherche du bonheur et en plein questionnement sur le sens de l’existence, la rencontre qu’il effectue avec un homme prêt à philosopher et la simplicité de ses réactions contribuent à apporter une joie de vivre contagieuse. Il y a également le dessin de couverture sans ambiguïté, qui renvoie au personnage créé en 1943 par le célèbre aviateur. Alejandro G. Rommers est né à Buenos Aires, s’est singularisé comme poète et a reçu de multiples prix littéraires. Avec plus de deux millions d’exemplaires vendus à travers le monde, « Le retour du jeune Prince » a été déclaré d’intérêt culturel par le Ministère de l’Education d’Argentine, afin d’inculquer certaines valeurs aux adolescents. L’action se situe ici en Patagonie, un pays soumis à une nature difficile et aride. Les héritiers de Saint-Exupéry ont encouragé la diffusion de ce manuscrit, même si une partie de la critique s’est d’abord sentie mitigée par rapport à cette suite, arguant que jamais (dans le texte original) le protagoniste n’apporte de réponses, laissant au lecteur le choix d’argumenter Au contraire, il oppose à l’aviateur des salves de questions. Rassurons les puristes. Il n’est pas question d’une prolongation à l’histoire archi-connue. Plutôt d’une actualisation de thèmes éternels dans un monde de plus en plus complexe et confronté à une violence accrue. Puis, le personnage a grandi et mûri, conscient de son cheminement personnel et du temps qui a passé. Le récit invite à un voyage spirituel jusqu’au transcendantal, à la plénitude. Pour bâtir un monde de tendresse et de partage, il faut apprendre à s’aimer et à ne pas oublier ses rêves d’enfant. Qu’on se le dise ! City Editions -180 pages Paul Huet
LA PART DU CIEL La certitude d’un après, d’un ailleurs vient d’une croyance inculquée dès l’enfance ou d’une espèce de morale révocable du revers de la paume. Pour Pauline, il s’agit d’une intuition, d’une sorte de septième sens inné. La mort ne peut pas être une fin tragique, mais la continuité de l’existence présente, un renouveau ou recommencement en plus beau, loin du néant de la tombe ou des cendres de l’incinération dont parlent les athées. Décédée après que son crâne ait buté contre la roue d’une voiture, son corps est ramassé sur le trottoir, baignant dans le sang. Débute alors une traversée sensorielle par le truchement d’un tunnel lumineux où s’activent maints sentiments. La victime de l’accident est confrontée à son passé, entraîné dans une spirale mnésique. Elle revisite un à un les grandes étapes de son existence, passe de son enfance malheureuse à ses amours compliquées, sans oublier les douleurs subies par ses proches. Sa rédemption s’opère forcément par la contrition et son propre pardon. Stéphanie Halperson développe ici un thème fédérateur et use d’une plume où se déploie mille descriptions chatoyantes. Ed. La Bruyère – 189 pages Sylvie Van Laere