BRUXELLES CULTURE 15 janvier 2019 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE : SOPHIE DUBOIS
RENCONTRE : SOPHIE DUBOIS Sophie Dubois vit à Woluwé et se consacre à la peinture depuis deux décennies. Ses œuvres se caractérisent par un goût prononcé de la couleur et un dessin stylisé. Il s’agit le plus souvent de paysages réinventés, dont l’artiste s’approprie la beauté, et les peuple de petits personnages sortis de son imagination. Rencontre. Quelle a été votre formation artistique ? Durant mon adolescence, j'ai suivi des cours de dessin par correspondance auprès de l'Ecole ABC de Paris. Ensuite, j'ai commencé la peinture à l'acrylique, puis à l'huile dans l'atelier d'une artiste résidant à Kraainem. Enfin, J'ai poursuivi mon parcours en autodidacte. A quel âge avez-vous réalisé vos premières peintures ? Je dessine depuis que je suis petite, mais j'ai vraiment commencé à apprendre la technique à quinze ans, lorsque je me retirais des heures dans le grenier chez mes parents pour copier des vases et, entre autres, des natures mortes. Avez-vous été encouragée par vos proches ? Mes parents étaient enthousiastes et convaincus que je possédais un don. Mon père m'a offert le cours par correspondance de l'école ABC, ainsi que leurs quatre livres de formation qui me servent encore aujourd'hui. Mes amis viennent régulièrement à mes expositions et, parmi eux, certains sont acheteurs ! Vous souvenez-vous de vos premiers dessins ? Oui et mes parents en ont d'ailleurs conservé quelques-uns. La nature a toujours constitué le thème récurrent de mon inspiration. Au départ, je dessinais sur de petits formats et je faisais souvent des miniatures. Je ne parvenais pas à m’émanciper et à laisser libre cours à mon imagination sur des modèles plus grands. A quel moment avez-vous décidé de vous consacrer plus professionnellement à l’art ? Cela fait maintenant quatre ans que je travaille à mi-temps. Ce choix m’offre la possibilité de peindre plus souvent. Les tableaux à l'huile nécessitent beaucoup de temps à réaliser. En moyenne, plusieurs mois de la gestation à la finition et je suis très heureuse de pouvoir y consacrer plusieurs heures en semaine, en dehors des week-ends. Quelles techniques utilisez-vous ? Je pratique la peinture à l'huile et, parfois, j’utilise l'acrylique en noir et blanc. Mes tableaux sont réalisés au pinceau ou au couteau, quand j'ai envie de donner plus de volume et de relief à mes travaux. Quelle circonstance vous a poussée à exposer vos œuvres ? Quand j'ai commencé à avoir une série de tableaux, j'ai éprouvé l’envie de les montrer, autant pour voir la réaction du public que pour en vendre quelques-uns, afin qu'ils puissent égayer l'intérieur de personnes étrangères à mon cercle amical et professionnel. Ma première exposition individuelle a eu lieu à la Galerie Vleurgat. Il s'agissait d'un espace d'exposition momentanément non-exploité et qui appartenait à la société Marubeni. A l’époque, comme je travaillais pour une banque japonaise située à l'étage du même bâtiment, je leur ai demandé l'autorisation d'utiliser ce lieu et ils me l'ont accordée. La seule condition était que je sois présente toute la durée de l'exposition, afin d’assurer une permanence.
Qu’avez-vous ressenti lors de ce premier contact avec le public ? J'ai trouvé extrêmement constructif de recevoir des commentaires sur mes œuvres, même s'il faut apprendre à accepter les jugements négatifs ! Tous les goûts se trouvent dans la nature. Grâce aux avis des visiteurs, j'ai vu mes tableaux d'une autre manière. Le public a attiré mon attention sur une série de détails qui m'avaient échappé. Comme mon but est d'abord esthétique, je n'ai la plupart du temps aucune idée préconçue d'impressions à transmettre. Je me rends seulement compte que l'âme de l'artiste passe à travers ce qu'il crée, avec une forme de mise à nu parfois déstabilisante lorsqu’elle est observée de l’extérieur. Comment pourrait-on définir votre style ? J'ai forcément un style qui m'est propre et quel que soit le sujet, on reconnaît tout de suite ma patte. Je mélange surréalisme et petits personnages naïfs. Mes tableaux sont oniriques, souvent légendaires, imprégnés de spiritualité et de symboles. A côté de votre travail pictural, vous êtes également auteure d’ouvrages de fiction. Concrètement, de quoi s‘agit-il ? J'ai en effet publié deux romans. Le premier s'intitule « L'Ile d'Avalone ou voyage au Pays des Rêves » et il s'inspire de mon expérience avec le travail onirique. Notamment les rêves lucides. « Le Cercle de pierres », quant à lui, raconte une histoire mystérieuse dans une Angleterre que je connais très bien, puisque j'y passe mes vacances depuis vingt-cinq ans ! J'ai également écrit un recueil de poèmes, que j'ai illustré de dessins au crayon et à l'encre de Chine. J'avais envie de réunir les meilleures poésies que j'avais rédigées depuis mon adolescence. Enfin, j'ai publié le livre « Traces », qui reprend des photographies de mes tableaux, agrémentés d’explications et/ou de poèmes. Que représente pour vous l’acte de créer ? Il s’agit d’une manière de vivre. Je n'imagine pas pouvoir fonctionner autrement. Je suis affreusement malheureuse quand je ne peux pas m'exprimer par la création, que ce soit l'écriture, la peinture, le bricolage ou la sculpture. Y a-t-il certains artistes que vous appréciez particulièrement ? Lesquels et pourquoi ? Oserais-je avouer que je fréquente peu les musées et les expositions ? J'aime voir d'autres œuvres, mais je ne prends simplement pas le temps de le faire. J'aime les surréalistes (Dali, Magritte) et j'apprécie beaucoup le travail féérique de Josephine Wall. J'ai eu la chance de rencontrer cette artiste chez elle à Bournemouth et son univers me parle beaucoup. A quel moment une œuvre est-elle achevée ? Quand je sais que dans l'état actuel de mon développement artistique, je serais incapable de l'améliorer. Quels sont vos projets ? Continuer à peindre, encore et toujours ! J'espère pouvoir participer à diverses expositions et je me tiens toujours au courant des possibilités. J'ai été acceptée comme Compagnon du Mérite Artistique Européen et je peux dès lors rejoindre leurs manifestations collectives. Chose que je fais avec un énorme plaisir. Retrouvez le travail de Sophie Dubois sur son site actualisé https://sophiedubois.blog4ever.com Propos recueillis par Daniel Bastié
EXPOSITION : BERLIN 1912-1932 Encore quelques semaines pour voir ou revoir l’exposition qui se tient aux Musées Royaux des BeauxArts jusqu’au 27 janvier. Aux cimaises, dans la grande salle, tous les courants artistiques qui se sont mêlés à Berlin entre 1912 et 1932. Vous y découvrirez l’expressionnisme allemand à travers 200 œuvres signées par une centaine d’artistes qui ont illustré les « folles années » de Berlin, semées d’utopies, de jazz et de décadence. Berlin était à l’époque la troisième plus grande capitale du monde après Londres et New York. La métropole comptait près de quatre millions d’habitants à la suite de la fusion des vingt-sept communes qui formèrent le grand Berlin des années 1920, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ville cosmopolite et migratoire où transitaient les artistes de l’Est et de l’Ouest, elle était éclairée par l’électricité (50% des ménages en étaient pourvus) et elle se présentait comme le temple de la modernité. Walter Ruttmann l’a magnifiée dans son film Berlin, la symphonie d’une grande ville en 1927. Et Sasha Stone l’a photographiée dans Berlin in Bildern en 1929. Vous en verrez des extraits et des clichés au sein de l’exposition. La capitale de Weimar profitait ainsi de l’embellie économique du plan Dawes qui étageait le règlement de la dette de guerre. Celle-ci ne fut jamais totalement apurée. L’expressionnisme allemand Venez donc découvrir les peintres de l’avant-garde allemande comme Ernst Ludwig Kirchner qui peignait les prostituées arpentant, le chapeau au vent sous leur robe d’épouvantail, les trottoirs de Berlin au sortir d’une impasse dans Femmes dans la rue (1915). Ou les peintres de l’après-guerre comme Otto Dix qui caricature un officier allemand se prélassant avec une dame de petite vertu dans Souvenirs de la galerie des glaces à Bruxelles, qui reflète cinq images des ébats amoureux dans un miroir (1920). C’est encore George Grosz, peintre communiste, qui caricature de son côté la banqueroute galopante et la violence exercée contre les ouvriers au lendemain de la guerre, à moins que ce ne soient les profiteurs de la guerre qu’il épingle dans Loin dans le sud, la belle Espagne (1919). Vous verrez aussi les femmes peintres comme Käthe Kollwitz, dont les gravures sur bois saisissent toute la douleur des parents ayant perdu un fils à la guerre, ou Jeanne Mammen qui peint la femme fatale de l’affiche de l’exposition vers 1926, ou encore Lotte Prechner qui célèbre le jazz en 1929. Tous ces peintres, et d’autres comme Kandinsky, Beckmann ou Naumann, illustrent les années folles qui ont succédé à la Belle Epoque d’avant-guerre et qui sont marquées par l’expressionnisme allemand. Cette tendance oppose au réalisme des impressionnistes une image tourmentée et brutale reflétant le sentiment de l’artiste devant les angoisses et les incertitudes de l’époque. Des revues notoires comme Die Brücke (Le Pont) à Dresde ou Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) à Munich exposent les théories de Kandinsky, Klee, Macke, Munther, Campendonck et d’autres, pour lesquels la recherche de la forme, de la réalité et de l’harmonie des couleurs est moins importante que « l’expression » de leur vision personnelle. On a donné à ce mouvement le nom d’expressionnisme.
Les courants parallèles L’expressionnisme allemand influença les courants parallèles que vous découvrirez dans l’exposition. Comme le cubisme né en France, le futurisme venu d’Italie, le constructivisme apporté par les artistes russes, voire le dadaïsme nihiliste et ses photomontages qui se moquaient de tout et de tous. Ces courants vont s’inspirer de la touche expressionniste. On retrouve cette touche dans les films muets de l’époque, comme Le Cabinet du Dr Caligari de Robert Wiene (1919), visible dans l’exposition. Le film montre un jeu haché des acteurs dans un décor de fausse perspective, tout en oblique, avec des angles aigus et des proportions tronquées. Ce décor correspondait bien au mouvement de l’expressionnisme allemand, caractérisé par le chaos des formes violemment torturées dans un univers de folie. C’est en effet un fou qui raconte sa folie à d’autres fous qui l’écoutent et qu’annonce le tableau cubiste d’Erich Heckel, Dans un asile (1917). L’éclairage jouait aussi sur les contrastes entre l’ombre et la lumière. Une galerie d’art a propagé cette esthétique en Allemagne et en Belgique : c’est Der Sturm (L’Orage), ouverte à Berlin en 1912 par Herwarth Walden qui collabora avec d’autres galeries à Bruxelles et à Anvers, comme Le Centaure et La Vierge poupine, pour nous faire connaître l’expressionnisme allemand. Vous verrez dans cette exposition deux cents œuvres qui illustrent le mouvement à travers une centaine d’artistes, certains étant allemands, d’autres russes, polonais, hongrois, italiens, français, hollandais ou belges comme James Ensor, Frans Masereel, Josef Peeters ou l’activiste Paul van Ostaijen, qui s’exila après la guerre. Ils se sont tous côtoyés à Berlin, ville cosmopolite, durant 20 ans, avant d’être déclarés « entartet » par le Troisième Reich, c’est-à-dire artistes « dégénérés ». Beaucoup, la peur au ventre, durent s’exiler dès 1933 pour fuir le nazisme et sa sauvage répression. Dernier conseil avant de visiter l’exposition Elle est longue et copieuse : évitez donc de vous attarder à l’entrée de la salle dans le prologue des affiches chronologiques, vingt en tout comme le nombre d’années, qui font référence à l’histoire de l’Allemagne soumise au traité de Versailles, à la spéculation et aux luttes acharnées entre communistes et nationalistes pour prendre le pouvoir. Prenez l’audio-guide et laissez-vous mener au fil des grands tableaux, des sculptures, dessins, gravures, photographies, films et éléments d’architecture qui vous feront parcourir ces vingt années à travers quatre sections. C’est un magistral cours d’histoire de l’art qui vous attend. Vous en sortirez enrichis. Superbe catalogue au prix de 35 €, écrit par des spécialistes sous la direction d’Inga Rossi-Schrimpf, la coordinatrice de l’exposition. Dernier point : avant que vous n’abordiez cette exposition, un cabaret philosophique a été reconstitué à l’image du Romanisches Café qui drainait les artistes et les intellectuels à Berlin en 1929. Il vous entraînera dans un dialogue autour des défis culturels qui se posent aujourd’hui comme hier. Il propose musique, débats, happenings, poésie, cinéma et danse selon une programmation établie à l’entrée, dans l’esprit des cabarets berlinois de l’entre-deux-guerres. L’exposition se tient aux Musées Royaux des Beaux-Arts jusqu’au 27 janvier 2019. Plus d’informations sur www.fine-arts-museum.be Rue de la Régence, 3 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
EXPOSITION : CAROLE BRETON Contrairement à ce que le nom de cette artiste pourrait conjecturer, Carole Breton ne vient pas de la péninsule qui occupe l’extrémité ouest de la France, entre Manche et golfe de Gascogne, mais du Pas-deCalais. Plus précisément de Liévin, commune jadis connue pour l’essor de l’industrie minière et toujours marquée culturellement par cette activité. Avec une sensibilité qui la caractérise, cette peintre propose des portraits élaborés couche par couche, qui reflètent son tempérament tout en finesse et en douceur, où rien n’est abandonné au hasard, et qui soulignent l’élégance du traitement autant que la manière d’aborder la matière. Chaque toile narre un récit, sans rien imposer ni opposer. L’interprétation doit venir de l’œil du spectateur qui investit chaque création, tâte les vibrations qui émanent du support et se nourrit de la palette ponctuée tantôt de gris, de beige, de mauve ou de bleus. En accédant aux cimaises qui présentent ses tableaux, chacun doit laisser au vestiaire ses a priori et redevenir l’enfant émerveillé qui contemple ce qu’il ne voit pas dans l’agitation du quotidien. Loin de promouvoir l’abstraction ou le réalisme concret, Carole Breton se rapproche du courant dit hyper-réalisme, sans toutefois y adhérer, travaillant sans relâche pour ne jamais émousser sa sensibilité et transmettre des émotions qui se dégagent de chaque carré de toile. Plastiquement, on peut également parler de maniérisme auquel s’ajoute une touche de poésie. Le dessin se veut parfait jusque dans le moindre détail et évite la froideur chirurgicale. Le temps qui passe ne semble avoir aucune prise sur les personnages, figés dans l’intensité du moment, le regard scrutateur et gardant la pose devant un fond le plus souvent uni. On peut bien entendu s’amuser à chercher des références, à comparer avec ce que d’autres plasticiens réalisent, à feuilleter des ouvrages d’art pour fixer des repères ou coller une étiquette. Alors que certains s’évertuent trop souvent à analyser une œuvre de façon froide et austère, ils oublient que le geste créatif part généralement de la spontanéité, sans intellect pointu ni soumission à quoi que ce soit. En ce sens, Carole Breton se targue d’une grande liberté, n’entend pas se laisser endiguer et prend plaisir à saisir les pinceaux pour exprimer ce qui la touche, la trouble et l’anime intrinsèquement. Il s’agit avant tout de travaux qui parlent au cœur, qui tutoient les visiteurs et qui les prennent lentement par le poignet pour leur dire de cesser de songer aux contingences qui les malmènent, d’oublier rumeurs et tracas et d’arrêter le temps qui pèse sur les aiguilles de la pendule pour retenir la dernière seconde en train de mourir, la ranimer indéfiniment et lui permettre d’entrer dans l’éternité du Beau. Malgré son admiration pour les peintres du XXe siècle, Carole Breton se situe résolument dans le XXIe, à la fois grâce à sa lecture personnelle que par sa définition de la forme. Souci du travail bien fait, soin du rendu, conception classique, harmonie chromatique et emploi de matériaux classiques, tout concourt à une maîtrise du sujet et à son traitement. Sans surprise, l’exposition bruxelloise de ses réalisations les plus récentes a été soustitrée « Douceur et finesse ». Quelle meilleure annonce que celle-ci pour entrer de plain-pied dans un univers délicat et ciselé avec une patience qu’on devine sereine. Une manifestation picturale à découvrir jusqu’au 27 janvier 2019. Plus de détails sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
OPUSCULE, DITES-VOUS ? Excepté le fait qu’il s’agisse de personnalités chacune dans leur domaine de prédilection, quel point commun pourrions-nous dénicher entre Kate Millie, Véronique Bergen, Adeline Dieudonné, Thierry Coljon, Jacques Mercier, Carlos Vaquera, Brice Depasse et Patrick Delperdange ? Ils ont tous été publiés dans la collection Opuscule des édifiantes Editions Lamiroy ! Ravissement. Opuscule ? C’est le nom donné à un livret en format de poche, 10x14cm, paraissant tous les vendredis ceci depuis le 1er septembre 2017 et qui contient une nouvelle, un court récit d’environ 5000 mots, au départ dix à onze pages en Word qui, une fois traitées, forment un livret de 45 pages; l’opuscule: une manière “nouvelle” de découvrir chaque semaine une histoire tour à tour poignante, amusante, captivante, poétique, folle, toujours différente en fait! L’auteur publié est lui aussi chaque fois différent. Plaisir. Mais où peut-on se procurer ces petites pépites de publication ? A Bruxelles, il nous suffit de pousser sans façon la porte des librairies Filigranes, Tropismes ou Mot Passant mais elles sont également disponibles sur le site des Editions Lamiroy, soit à la pièce soit sur abonnement, que du bonheur ! Qu’est-ce donc exactement qu’une nouvelle ? Un récit généralement bref ! Né vers la fin du Moyen-Âge, ce genre littéraire était proche du roman à la fois d’inspiration réaliste et relativement similaire au conte mais, dès le 19ème siècle, les auteurs ont petit à petit développé d’autres possibilités, s’appuyant sur la concentration de l’histoire, renforçant ainsi son effet sur le lecteur, par exemple par une chute surprenante puis, avec le temps, les thèmes se sont élargis, la nouvelle se dénichant une place de choix au sein de la littérature fantastique, policière et de science-fiction. Qualité et diversité. Les maîtres d’œuvre de cette collection aux lignes délicates et élégantes ? Eric Lamiroy et Serge Ryckoort, le premier se révélant tel un perpétuel épi-curieux passionné de communication et singulier agitateur culturel, tout un programme, le second, l’incontournable rédacteur et correcteur des éditions, fautes, erreurs et non sens scannés pour éviter d’éventuels désagréments côté lecteur. Satisfaction. Les particularités ou spécificités ? Editeur de personnalités, Eric Lamiroy aime créer des synergies entre artistes, développant également des initiatives novatrices qui parfois étonnent. Que nous répondrait-il probablement si on l’interrogeait sur ses motivations ? “Qu’en chaque être sommeille un livre à éveiller ! La collection Opuscule ? Des nouvelles autant pour l’aube que pour le crépuscule ! Thierry-Marie Delaunois
EXPOSITION : EXPLOSION DES FORMES ET DES COULEURS À LA PAPPILIA Trois mains et trois genres s’y mêlent. Symbolisme, surréalisme et futurisme se déclinent dans cette exposition haute en couleur qui se tient à la Pappilia jusqu’au 10 février prochain. Trois artistes y conjuguent leurs talents : Jean-Marie Bertrand, Walid Glaïed et António Cristovão qui ont chacun quelque chose à nous révéler derrière leurs toiles. En écoutant sonner l’Angélus Jean-Marie Bertrand anime cette galerie depuis trois ans. Il y accueille les jeunes talents qui veulent se manifester et qui sont en quête de reconnaissance. Il poursuit le rêve d’y attirer les peintres surréalistes qui cachent les choses sous l’apparence. Qui nous font découvrir le monde sous la réalité quotidienne. C’est le sujet de son dernier tableau qu’il nous présente et que nous avons reproduit en tête d’article. On y voit deux formes blanches percées de trous, comme deux gruyères, qui se penchent l’une vers l’autre en joignant des bâtons qui ressemblent à des échasses et qui explorent leurs cavités intérieures. A leurs pieds, ou ce qui en tient lieu, des ombres se dessinent sur le sol qui est blanc lui aussi : ce sont deux petites fourches qui encadrent une roue. Tout l’univers rural est dans cette peinture abstraite : les râteaux, la roue de brouette, la fourche jetée à terre ou portée en ombre, les deux paysans qui se recueillent pour écouter la cloche sonner au bout des champs. Tout cela est peint avec la touche surréaliste qui crée des vides dans les pleins. Voyez les corps creusés, perforés, éclatés par le labeur quotidien. A travers eux passent les râteaux qui les réunissent et en font un couple de paysans à la prière. C’est le couple de l’Angélus de Millet, peintre réaliste et champêtre du XIXe siècle, qui a servi de modèle à notre artiste. Salvador Dali y avait consacré tout un livre. A partir de ce tableau exécuté en 1859, Jean-Marie a extrait la sueur, le dépouillement et la foi des paysans voués à leurs champs. Cette toile nous y plonge. « Avec elle, nous dit Jean-Marie, j’ai viré vers l’abstraction totale. C’est quelque chose d’abstrait mais qui s’inspire d’une toile très connue en France, qui a été vendue aux Américains et que les Français ont rachetée. C’est l’Angélus de Millet dans un style abstrait. J’en suis très fier, d’autant qu’un de mes amis a fait tout de suite le rapprochement. Le laboureur et sa femme écoutent l’Angélus qui sonne au loin dans le village. » C’est encore le portrait expressionniste de Charles Bukowski, peint en rouge sur un mur de briques. Son visage porte les stigmates d’une acné juvénile et crie la rage de vivre de l’écrivain. Romancier et poète, grand admirateur d’Hemingway, de Camus et de Céline, il a passé sa vie dans la déchéance et l’ivrognerie. Il a connu le succès dans les années 70. On se souvient de son passage à Apostrophes en 1978 où, ivre mort, il en était venu aux mains avec Bernard Pivot et les invités de l’émission. C’est l’un des plus grands auteurs trash des Etats-Unis. Jean-Marie l’a peint après avoir lu Journal d’un vieux dégueulasse publié en 1969, qui est un recueil de nouvelles et de chroniques se rapportant à la débauche. Un livre culte aujourd’hui. « Bukowski
était exactement comme je l’ai peint, surgi des profondeurs des ténèbres. Mais il a évolué dans des ténèbres encore plus sordides que celles de Joseph Conrad. C’est la boisson qui l’a miné et dont il est mort. Une vie inouïe que la sienne. J’ai été influencé par sa profondeur monstrueuse. On peut être influencé par des tueurs en série. Il n’en était pas un mais recherchait le trash absolu. Le voici, c’est vraiment lui, surgi du néant ! » Vous pourrez admirer encore Le dégel du permafrost qui montre le réchauffement climatique en Sibérie. On y voit la glace en train de fondre près du lac Baïkal qui ne gèle plus. Le permafrost est une croute de glace qui recouvre des quantités gigantesques de gaz à effet de serre. Cette croute commence à fondre dans toute la Sibérie et va produire un effet de serre sur la planète entière dans les prochaines années. C’est peint dans les tons bleu et blanc qui produisent un effet glacial sur le réchauffement en cours. « Il est temps d’intervenir », commente notre peintre qui se désole pour l’avenir du monde. Palette knife Cet avenir habite la palette de Walid Glaïed qui a participé depuis un an à plusieurs expositions, dont Itinérart à Anderlecht regroupant une centaine d’artistes et une autre à Florence. Il expose une douzaine de tableaux peints dans la veine post-expressionniste, avec un couteau à palette. C’est un outil émoussé utilisé pour mélanger ou appliquer de la peinture, avec une lame en acier flexible. La palette fait référence à celle de l’artiste qui mélange la peinture à l’huile ou la peinture acrylique faite de latex et de pigments. Walid l’emploie pour peindre ses toiles avec l’acrylique, sa peinture préférée. « Mes tableaux montrent l’expression d’un mouvement dans l’espace à travers les jeux de couleurs. Ayant déjà fait du théâtre, j’aime bien représenter l’espace qui va accueillir le mouvement. Dans l’espace vide, un mouvement même simple, même anodin, prend de l’importance. J’ai donc essayé de jouer avec les couleurs que j’applique à l’aide du couteau à palette. » Walid préfère le mot anglais, plus usuel, de palette knife pour désigner sa technique. On retrouve celle-ci dans son dernier tableau qui présente une vision sidérale de l’univers, avec un clair d’astre qui se profile sur la galaxie. Entre les deux planètes qui se conjuguent, comme la Terre et la lune, une éclaboussure rouge zèbre la voûte céleste constellée d’étoiles blanches. Serait-ce la trace du vaisseau spatial auquel rêve Walid et qui devrait emporter les prochains voyageurs dans l’espace ? « Non, répond Walid, c’est la collision des étoiles. D’après les images que j’ai collectées sur le site de la NASA, le choc des étoiles dans la galaxie crée des mouvements et des couleurs fantastiques. Des gaz comme le Platinum créent une énergie fabuleuse sous forme d’un jeu de couleurs. Une explosion de feu se déclenche avec un mouvement de couleurs que j’ai essayé de transposer sur la toile. La matière noire, qu’on appelle l’antimatière, est quelque chose d’inexplicable, qu’on ne peut décrire. C’est fascinant à regarder et j’ai tenté de représenter la matière sidérale en fusion. »
Un secret à découvrir Le dernier invité à cette exposition est le Portugais António Cristovão. Ses toiles sont dans la veine d’un expressionnisme aux couleurs fortes, non mélangées, qui s’appliquent en larges taches comme des aplats. On songe à Matisse ou à Picasso avec ces visages de femmes triangulaires dont les regards fuyants nous interrogent. Comme s’ils nous demandaient ce que nous voyons en les dévisageant. La palette du peintre semble cependant s’être éclaircie depuis que nous l’avons rencontré voici deux ans. António n’était pas présent au vernissage, mais nos deux artistes présentent ses toiles avec brio. « C’est un ami formidable, me glisse Walid. Je l’ai connu il y a deux ans, quand j’exposais à la galerie de Mérode. Il est venu me proposer de travailler avec lui. Il m’a amené ses tableaux et c’est ainsi que j’ai connu sa façon de peindre. » Il choisit bien ses couleurs pour peindre les trams qui passent dans les petites rues de Lisbonne ou les chevaux qui galopent au vent. Voici une danseuse qui exécute un pas de danse dans un mouvement qui la retourne sur ellemême : la torsion est combinée jusqu’à l’abstraction. On dirait une synthèse du mouvement. Ces deux autres visages de femme regardent une horloge qui égrène le temps. L’une d’elle semble pleurer. L’autre ferme les yeux. Le symbolisme ponctue chacune de ces œuvres. « Antonio travaille toujours avec des symboles. Sa peinture est symboliste », commente Walid. Quant aux femmes qu’il peint, rétorque Jean-Marie, elles ont toutes un air de parenté qu’il veut dissimuler d’une façon ou d’une autre. Quand on les regarde, ce sont toujours les mêmes femmes. C’est une partie du secret d’António. Chaque peintre doit avoir un secret qu’il cache sous le tableau. Sinon, ce n’est pas un bon peintre, conclut Walid en clignant de l’œil. Venez donc découvrir leurs secrets à la galerie Pappilia jusqu’au dimanche 10 février 2019. Tous les week-ends à partir de 17 heures ou sur rendez-vous au 0475 411 601. Vous trouverez plus d’informations sur le site www.pappilia.be Rue de la Brasserie, 71 à 1050 Bruxelles Michel Lequeux
THÉÂTRE : LA CLEF DE GAÏA Élevée à cheval sur deux pays séparés par la Méditerranée, Gaïa raconte ses cultures, son pays d’origine et son pays d’adoption. Elle nous ouvre les portes de la cuisine de sa mémé Mouima dont les souvenirs ont nourri ses rêves et ses chansons. Elle nous ouvre le cœur de toutes celles qui l’ont fait grandir, qui l’ont façonnée. On y parle d’amour, on épluche, on rit, on fait bouillir et on houspille les garçons ! Et plus Gaïa grandit, plus le passé surgit. La guitare devient le témoin de l’histoire de Gaïa, ses chansons la passerelle du présent au passé. Le charme opère. Gaïa chante, accompagnée de son guitariste, et via son récit abolit les frontières et les préjugés, nous emporte dans son monde entre Algérie et France. On vibre avec elle, aux sons des rythmes qu’elle a glanés chez sa Mouima, à la radio, dans les rues … Voilà un spectacle écrit et interprété par Lina Lamara, accompagnée à la guitare par Pierre Delaup. Il est à applaudir au théâtre Le Public du 23 janvier au 2 mars 2019. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : BENT Juin 1934. Au lendemain de la Nuit des Longs Couteaux, la Gestapo débarque chez deux jeunes homosexuels insouciants. Va s’ensuivre une traque sans merci, la peur, la fuite, les caches et finalement le camp de Dachau. L’épuisement, la torture et la destruction des individus. Pourtant, dans tout cet enfer, un amour va soulever des montagnes de courage et de résistance insoupçonnée pour contrer l’arbitraire et la barbarie. Et, dans un ultime défi, prouver qu’aucune dictature, jamais, ne viendra à bout de notre part d’humanité. L’écriture de Martin Sherman n’est pas sans rappeler celle de Samuel Beckett. Pas de belles envolées lyriques, mais une langue concise, précise, minimaliste qui tente d’aller à l’essentiel et dans laquelle s’engouffrent des silences lourds de sens. La période nazie a toujours beaucoup compté pour moi, dit l’auteur. Sans doute parce que il est juif. En ce sens « Bent » est autant une pièce homosexuelle que juive. Étant juif et homosexuel, il considérait donc essentiel d’écrire une pièce qui témoignerait des tortures supportées par ces deux minorités. Son travail porte évidemment à réfléchir sur le passé et sur le présent, lorsqu’on constate l’antisémitisme qui règne un peu partout dans le monde, confondant la raison d’une nation juive, le sionisme et la pratique de croyants libres de penser et de manifester leur foi à l’instar des fidèles d’autres religions. Il s’agit enfin d’une magnifique leçon d’histoire, appelant les spectateurs à se rendre compte que de pareilles intolérances ne doivent plus se reproduire, alors que gronde un peu partout en Europe le souffle des chemises brunes, nostalgiques de l’ère fasciste, de bras droits prompts à se lever en signe de salut ou de nationalisme qui appelle à la fermeture et au repli des peuples sur eux-mêmes. Créé par une troupe de théâtre amateur, ce spectacle a depuis remporté plusieurs prix au Trophée Royal 2017 de la FNCD (Meilleur spectacle, Prix du Public) et montre que le théâtre demeure avant tout une question de passion, tout en pouvant être une arme invitant à se questionner. Une pièce d’une belle intelligence à découvrir au théâtre Le Public du 8 au 19 janvier 2019. Plus de détails sur le site officiel de l’organisateur www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : LABORATOIRE POISON Existe-t-il encore des loyautés, symboliques ou pratiques, qui voudraient que l’on accorde plus de valeur à un héros mort qu’à une victime survivante ? Pendant des millénaires, il a été attendu des victimes confrontées à des circonstances extrêmes que leurs conduites se conforment à des codes d’honneur terriblement exigeants. Celui qui a survécu à la torture a-t-il trahi les siens ? Ces survivants suspects ont-ils sacrifié leur honneur à leur survie ? Dans « Laboratoire poison », Adeline Rosenstein s’inspire des documents historiques exhumés par Jean-Michel Chaumont pour son livre « Survivre à tout prix » et nous interroge sur la figure du traître et du héros dans notre société. « J’ai appelé ce spectacle Laboratoire poison, car c’est ainsi que se défendent certains rescapés accusés de trahison. Aurait-il fallu leur fournir du poison ? Ces rescapés l’affirment : « Si on avait pu se tuer, on n’aurait pas hésité. » Une création à découvrir du 29 janvier au 2 février 2019 à 20 heures 30 au Théâtre La Balsamine. Plus de détails sur le site www.balsamine.be Avenue Félix Marchal, 1 à 1030 Bruxelles
THÉÂTRE : LA CHUTE Adaptation au Théâtre des Martyrs d’un récit d’Albert Camus publié en 1956 sur notre mauvaise conscience. Elle est signée Vincent Engel, romancier belge, et s’intitule La Chute. Comme celle de notre âme confrontée à nos fautes. Il s’en dégage un sentiment de solitude et de profonde culpabilité. Un soir, dans un bar glauque d’Amsterdam, Jean-Baptiste Clamence apostrophe un individu et se confie à lui dans un monologue intarissable. Il a été un brillant avocat à Paris, défenseur des nobles causes, ayant de l’argent et étant adulé des belles femmes. Il nageait ainsi dans la félicité jusqu’à ce soir où il entendit derrière lui un grand rire qui lui rappela sa lâcheté passée, tapie au plus profond de sa conscience. Cette lâcheté qui lui avait fait tourner le dos, une nuit, à une jeune femme vêtue de noir qui se penchait au-dessus d’un pont sur la Seine. Il avait ensuite entendu un grand plouf dans l’eau et avait continué benoîtement son chemin, sans se retourner. Jean-Baptiste Clamence va faire le ménage de son âme. Il se présente à son interlocuteur, c’est-à-dire à chacun de nous, comme un « jugepénitent » en quête de la faute originelle qui le ronge et nous ronge. Ce magnifique texte est dû à la plume d’Albert Camus, mort quelques années plus tard dans un accident de voiture. Il date de 1956 et s’intitule La Chute après avoir failli s’appeler Le Cri ou Le Pilori. Vincent Engel, l’auteur d’Oubliez Adam Weinberger sur le génocide des juifs dans les camps de la mort, a réadapté le récit pour en faire un monologue dramatique, ce qu’il était déjà, sur un ton « grinçant, glacé, délicat, riche, varié, ironique... » Toute la gamme des tons y passe pour mettre à nu la mauvaise conscience collective qui est la nôtre à travers le sentiment de culpabilité de Clamence. Comme dans ce génocide juif que Vincent Engel évoque en négatif mais qu’il n’abordera jamais, en le mettant entre parenthèses pour nous en faire éprouver toute l’horreur. Ici aussi, c’est l’horreur de « la chute » d’une malheureuse faisant partie des causes perdues défendues par l’avocat. Chute qui aurait pu être évitée si Clamence s’était vraiment soucié de ses semblables plutôt que de les défendre devant ses pairs, en y allant de sa faconde. Il ne l’a pas fait malgré tous ses faux-fuyants. Accablé, acculé devant lui-même, il nous livre sa confession, lourde et amère, qui n’est pas seulement celle de l’après-guerre, dans les années 50, mais qui est aussi la nôtre. Nous avons tous quelque chose à nous reprocher, quelque chose que nous avons enfoui au fond de nous et qui appartient à l’espère humaine : notre remords. C’est la confession d’un « existentialiste » écrite dans une langue aux multiples facettes, où l’auteur de L’Etranger renouvelait son art. La Chute est interprétée par Lorent Wanson, comédien et metteur en scène qui a toujours cherché à donner la parole à ceux qui ne l’avaient jamais. Il s’interroge aujourd’hui, et nous avec lui, sur la sincérité de l’individu, sur la liberté qui est la sienne, sur les faux-semblants et l’amnésie de notre temps. A voir et à « encaisser » au Théâtre des Martyrs du 15 janvier au 9 février 2019. Plus d’informations sur www.theatre-martyrs.be. Place des Martyrs 22 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
THÉÂTRE : LES FEMMES SAVANTES Et si l’on revenait à l’école pour lire les grands classiques ? Le Théâtre des Martyrs nous en donne la chance avec la reprise des Femmes savantes montées, si l’on peut faire ce jeu de mot, par Frédéric Dussenne en septembre 2016. Il reprend ici la pièce de Molière écrite en 1672. Molière y faisait une véritable comédie de mœurs sur les défauts de son époque, que les Précieuses appelaient « une agréable peinture du temps ». De la satire des Précieuses ridicules jouée quelques années plus tôt, il passait ainsi à l’étude des caractères. Voyons les caractères qu’il campe. Sur la scène, deux sœurs se querellent au sujet du mariage. Armande, l’aînée, a renoncé aux plaisirs « bas et vulgaires » de la chair et voudrait en persuader sa sœur Henriette qui croit, elle, au grand amour trouvé dans les bras de Clitandre. Son prétendant lui a promis en effet le mariage. Mais leur mère Philaminte voit les choses autrement : elle règne en maîtresse femme sur la maison, son mari est à sa botte et elle entend imposer sa loi à ses deux filles et à sa belle-sœur Bélise, une vieille fille. Car elle a de l’amour une vision éthérée et chimérique qui est celle des Précieuses. Entendez : un amour platonique, à mille lieues des plaisirs de la chair. Elle a décidé qu’Henriette épouserait Trissotin, un poète fat et pédant, un faiseur de vers « plus sot qu’un sot ignorant », comme son nom l’indique. Et qui, en vérité, est à la recherche de la belle dot qu’il aura s’il épouse Henriette. Le père Chrysale, que mène Philaminte au doigt et à l’œil, voudrait bien protéger sa fille cadette, mais il reste toujours planté devant la chambre de sa femme et, chaque fois, il renonce à pousser la porte pour satisfaire ses désirs. Même dans le mariage, la retenue s’impose au lit. C’est donc un faible qui s’emporte à tue-tête contre sa propre faiblesse, voire son impuissance, et qui ne peut rien contre la volonté des trois femmes qui voudraient bien ouvrir une académie des belles-lettres où péroreraient Trissotin et son compère Vadius. Le sujet n’est plus actuel, dira-t-on, car les Précieuses ont laissé place à l’émancipation féminine d’aujourd’hui. Encore que les femmes n’aient pas tout gagné dans leurs revendications. Elles ont depuis longtemps leur mot à dire sur le choix de leur conjoint. On ne choisit plus pour elles. Et elles se trouvent, n’en déplaise à Molière, souvent plus savantes que les hommes eux-mêmes. Mais ceux-ci continuent d’avoir de meilleurs salaires qu’elles dans les postes qu’ils briguent. Le plafond de verre domine toujours les femmes, au lieu du platonisme qu’invoquaient les Précieuses pour se faire respecter à l’époque. Sans parler du poids religieux qui pèse sur certaines d’entre elles dans nos sociétés cosmopolites. La pièce laisse entrevoir tout le chemin parcouru dans l’histoire du féminisme depuis le XVIIe siècle. Ce chemin est semé d’avancées et de reculades. Comment donc Frédéric Dussenne, dont on connaît l’immense carrière de metteur en scène, a-t-il adapté cette pièce du répertoire de Molière, auquel il avait déjà touché avec deux diptyques en 1995 ? Sa mise en scène à première vue pourrait paraître un peu statique, avec ce grand mur blanc devant lequel sont figés les acteurs, et qui avance vers le public au fur et à mesure des cinq actes. Car, comme toute bonne comédie, la pièce en a cinq. Ariste, le frère de Chrysale, a inscrit sur le mur le mot concu-pi-scence, en rectifiant la science des doctes femmes qui la revendiquent. Ou qui s’y efforcent. Ce mot avec trait d’union traduit bien les « laides syllabes » contre lesquelles protestent les trois dames qui ont mis leurs attributs au vestiaire. Ces syllabes éhontées traduisent aussi leur secrète envie d’être aimées pour leur corps
qui n’en peut plus, qui se pâme et se meurt du plaisir rêvé. De mille frissons doux elles se sentent saisies, en attribuant leur pâmoison aux mots grecs et latins que leur débitent les deux cuistres. Cela, c’est vraiment Molière qui nous fait rire en chœur et qui joue magnifiquement sur l’équivoque des vers de la pièce. Frédéric Dussenne l’a bien compris et il nous les fait savourer dans sa mise en scène. Chrysale est un peu bouffon comme Molière le souhaitait, et certaines des comédiennes ont le ton trop haut perché, mais c’est cela aussi qui donne du tonus à la satire des Précieuses. Venez voir comment elles protégeaient leur charme, leur vertu, leur intimité, voici plus de trois siècles, contre le sexe vulgaire et les mains trop baladeuses. Avec notamment Hélène Theunissen dans le rôle de Philaminte et Benoît Van Dorslaer dans celui du mari frustré. Au Théâtre des Martyrs du 15 au 26 janvier 2019. Plus d’informations sur le site www.theatremartyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
UN SECOND AVIS CONCERNANT : LA CHUTE Dans cette adaptation proche et intime du roman d’Albert Camus, on assiste à un corps à corps avec les démons du siècle de la pensée en proie à l’amnésie de notre temps. À notre époque où l’égo est sans cesse mis en avant, où tout semble dilué dans le virtuel, ce texte Camus possède toujours une force intrinsèque qui interprète le lecteur et pose les questions qui font mal. Avant de passer ses soirées dans un bar d’Amsterdam, Jean-Baptiste Clamence a été un brillant et respecté avocat à Paris. À lui les causes perdues et la traque de la vérité ! Un soir, un événement a transformé sa vie. Cette œuvre, à l'atmosphère dramatique, nous transporte dans une façon de vivre fondamentale, propre au narrateur. Son indifférence face au suicide d'une jeune fille un soir de promenade a poussé ce brillant nanti à un questionnement au plus profond de la conscience humaine et le pousse irrémédiablement à réfléchir aux raisons qui obligent les hommes à arpenter une existence sans en explorer le sens ou la vérité. Cette vérité est le résultat des jugements que l'on peut porter, sur les autres ou sur soi-même, lorsqu'on se rend compte de ses fautes. Comme un dédoublement de la personnalité, lorsque la personne que l'on croit être n'est autre qu'un amoncellement de valeurs faussement acquises, comme si ce double portait un jugement nouveau sur soi. Vincent Engel signe une version scénique qui respecte le célèbre écrivain et confie le travail de mise en scène à Lorent Wanson, dont la carrière a toujours cherché à donner la parole à ceux qui ne l’avaient jamais. Un spectacle à applaudir du 15 janvier au 9 février 2019 au Théâtre des Martyrs. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : LA SOLITUDE DU MAMMOUTH Reprise d’un mélodrame créé au Théâtre des Martyrs l’an passé, de et avec Geneviève Damas qui règle ses comptes. « Béré », diminutif d’une mère de famille comme il faut, prompte à la tâche domestique, a tout donné dans sa vie de couple lorsque Brice, son mari, lui annonce qu’il a rencontré Mélanie avec qui il veut refaire sa vie. Il ne laisse pas Bérénice dans le besoin, puisqu’il lui abandonne une belle maison avec un beau jardin et qu’il lui propose la garde alternée de leurs deux enfants. Mais sa rivale est une jeune étudiante, qui a un joli corps et quinze ans de moins qu’elle. Voilà donc Bérénice jalouse, terriblement jalouse, et son amour (ou ce qu’elle croit être son amour encore) se transforme en haine pour le nouveau couple qu’elle va chercher à détruire. En feignant de comprendre son mari qui a pris ses distances et son indépendance, elle va ourdir contre lui, contre eux, les pires machinations. Elle entre, comme le mammouth, en période de glaciation intense. Et elle sort de l’étui son poignard. C’est une basse vengeance qui nous est ici décrite, menée par une femme qui songe à faire profondément mal et qui s’en délecte, sans remords ni pitié. Qui y prend même goût au fur et à mesure que progresse son imagination délirante pour faire regretter à son mari ses pulsions sexuelles de la quarantaine. Elle va mettre en œuvre les pires stratagèmes pour humilier, réduire, anéantir l’homme qu’elle aimait, qui l’a laissée tomber et qui s’est entiché d’une jeune gourde à qui il donnait cours à l’université. C’est Médée trahie, abandonnée, rejetée, qui ourdit sa vengeance. On entre ici dans la tragédie, plus dans la comédie avec laquelle paraît commencer la Solitude du mammouth. C’est grinçant, c’est hargneux, et on passe d’un registre à l’autre, comme sur un tableau noir rayé par l’ongle. C’est un mélodrame suffocant qui est proposé au spectateur. Tout cela nous est conté dans le menu détail par l’actrice Geneviève Damas, qui est aussi l’auteur de la pièce, sur le ton d’une confidence faisant de nous ses complices. Et qui nous met mal à l’aise lorsqu’elle manigance ses coups bas, en les décortiquant un à un devant nous. S’il y avait de l’autodérision dans la confession, celle-ci passerait le cap. Mais on n’y voit que la recherche du pire, qui va sur un ton crescendo. C’est un mauvais rêve que nous dévoile la comédienne, qui fait souvent la grimace – mais est-ce cela de l’autodérision ? Encore faudrait-il qu’on s’en réveille pour que la comédie puisse enfin s’installer. Le monologue finira dans un cauchemar que peaufine Emmanuel Dekoninck, le metteur en scène de Tableau d’une exécution, qui semble s’être trompé ici de tableau. Chacun y fourbira ses armes, le cas échéant. Une pièce à revoir au Centre Culturel d’Uccle, rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles, le vendredi 15 février 2019 (02/374 64 84 et www.ccu.be). Elle sera aussi jouée au Théâtre des Martyrs (Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles) du 19 février au 2 mars 2019. Plus d’informations sur le site www.theatremartyrs.be Michel Lequeux
THÉÂTRE : HUSTER CONTRE MOLIÈRE Qui était Jean-Baptiste Poquelin alias Molière ? Quel meilleur professeur que Francis Huster pour parler de l’homme, considéré comme un génie de la littérature. De 1622 à 1673, il a offert au monde des pièces intemporelles qui parlent de la condition humaine, des relations de l’homme à l’homme, de ses aspirations, de ses contraintes et de ses limites. Son théâtre a fort peu vieilli, parce qu’il traite de sujets forts, dont les assisses se nomment librearbitre, droit d’aimer sans pressions venues de l’extérieur et parité entre citoyens. Derrière l’humour et la caricature, il défie le pouvoir de son époque et devance les chantiers de réflexion nés dans le sillage de la révolution de 1789. Toujours intègre vis-à-vis de ses idéaux, il n’a jamais renié les valeurs auxquelles il a toujours cru. Francis Huster, réputé pour la pertinence de ses choix artistiques, sublime l’immense écrivain en ponctuant sa performance d’extraits de scènes connues ou qui le sont moins, rappelle son influence sur les auteurs modernes et évoque les grands instants qui ont apporté de l’intensité à sa vie, passant alternativement du rire aux larmes, de la gloire à la déchéance et des applaudissements aux critiques. « Huster contre Molière » est à découvrir au Centre culturel d’Uccle le lundi 28 janvier 2019 à 20 heures 15. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE MUSICAL : VOUS AVEZ DIT BROADWAY ? Amateurs de comédies musicales, ceci risque de vous intéresser. Antoine Guillaume arpente l’univers du show-business en racontant et en chantant plus de deux siècles de traditions. Avec Julie Delbart, complice et pianiste aguerrie, il déploie un répertoire de thèmes insignes, réveillant les courants et les étapes majeures de cet art souvent considéré comme uniquement récréatif et populaire, voire mineur. L’occasion de réentendre des standards anciens et modernes, en surfant allègrement sur la vague de « Hair » à celle de « Cats », d’accéder aux coulisses de ces triomphes, de dénoncer certains succès usurpés, de souligner les influences, de déployer l’abécédaire des anecdotes plus ou moins tenues secrètes et d’encenser les vrais chefs-d’œuvre. Dans une formule épurée et avec une réelle proximité, l’artiste s’incruste dans les pas laissés par Fred Astaire, Gene Kelly, Debbie Reynolds et Judy Garland, afin de générer un bonheur simple et transmettre celui-ci de manière communicative. Didactique, ludique et spontané, « Vous avez dit Broadway ? » s’assimile à une madeleine de Proust destinée à nous aider à franchir le cap de l’hiver sans mélancolie et à briser le cercle des contingences liées à la quotidienneté. Une envie de danser et de chanter à partager le dimanche 10 février 2019 à 16 heures au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue rouge 47, à 1180 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : LA LISTE DE MES ENVIES Le roman a été un bestseller et sa transposition cinématographique (avec Mathilde Seigner et Marc Lavoine) un succès public. Loin d’être une comédie, « La liste de mes envies » parle de la difficulté d’affronter le quotidien, malgré un bonheur superficiel. Jocelyne est quarantenaire et vit modestement de son travail de mercière dans une petite ville de province. Mariée à Jocelyn, son premier amour et ouvrier dans l’usine locale de crème glacée, elle rêve secrètement de s’évader de la routine et de s’offrir quelques distractions. Un billet de loterie lui permet d’accéder à la somme faramineuse de dix-huit millions d’euros. Que faire avec tant d’argent ? Les idées sont loin de faire défaut, néanmoins cette manne inattendue l’effraie. Ne risque-t-elle pas de perdre sa spontanéité, son humilité, ses amis de toujours et d’attraper la grosse tête ? Le vrai bonheur réside-t-il dans la possession matérielle et le regard des autres ? Incapable d’entrevoir son existence à venir, elle louvoie et hésite à aller encaisser le montant miraculeux. Pire, elle tait la grande nouvelle à son époux, préférant dresser silencieusement une nomenclature de ses besoins, de folies à visualiser et de rêves à concrétiser. A ses dépens, elle découvre que l’argent vicie les comportements et fait souffler un vent mauvais sur quiconque se laisse phagocyter par son aura. « La liste de mes envies » a été mis en scène par Christian Dalimier et est défendu avec un bel enthousiasme par Lorette Goose, également responsable de la présente adaptation. Ce spectacle est à voir le samedi 16 février 2019 à 20 heures 15 au centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
CINÉ-DIMANCHE : L’ÉCHANGE DES PRINCESSES La raison d’État demeure la plus forte. Afin de consolider la paix entre la France et l’Espagne, une idée germe dans l’esprit de Philippe d’Orléans, Régent de France. Nous sommes en 1721 et Louis XV, alors âgé de onze ans, va bientôt accéder au trône après des années de guerres meurtrières qui ont laissé les deux royaumes exsangues. Pour cimenter les relations diplomatiques, rien ne vaut un mariage. De la sorte, il est décidé d’unir officiellement le futur souverain à l’Infante d’Espagne, Anna Maria Victoria … âgée de quatre ans, et de promettre la fille du Régent, mademoiselle de Montpensier, douze ans, à l’héritier d’Espagne ! Sacrifiés sur l’autel des intérêts nationaux, les enfants sont arrachés à leur quotidien et envoyés dans un monde dont ils ignorent tout (langue, traditions, culture). Bien entendu, ils paieront cette décision au prix fort, au détriment de leur innocence. Tout pourrait aller au mieux, malheureusement la vie en décide autrement ! Pour son deuxième long métrage, Marc Dugain signe un film historique qui nous transporte en plein XVIIIe siècle, sans romantisme et parfaitement reconstitué. Gilles Porte, directeur de la photographie, a volontairement cherché à créer une atmosphère esthétique proche des huiles de Georges de La Tour, avec des clairs obscurs qui annoncent le drame et une ambiance pleine de violence tacite. Lambert Wilson, Olivier Gourmet, Catherine Mouchet et Thomas Mustin donnent corps à des personnages ambigus, préoccupés par leurs intérêts et capables d’énormes choses pour atteindre leur objectif. Le règne de Louis XV a fort peu intéressé le cinéma, qui lui a préféré son successeur, passé à la postérité pour avoir eu le cou tranché. Cet échange de princesses passe aujourd’hui pour un scandale de plus dans l’Histoire et reflète le peu de considérations des puissants pour leurs semblables. Un film académique, mais qui ne manque
jamais de profondeur. Il est à voir ou à revoir le dimanche 20 janvier 2019 à 10 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Daniel Bastié
CINÉ-DIMANCHE : LUMIÈRE ! L'AVENTURE COMMENCE Louis et Jean Lumière figurent parmi les inventeurs insignes de la seconde moitié du XIXe siècle. Un peu par hasard, ils ont inventé le cinématographe, qu’ils considéraient comme une attraction foraine, pas encore conscients du potentiel que certains allaient en tirer. L’Histoire nous a rappelé qu’ils ont été à la base de plusieurs courts-métrages, d’une durée moyenne de cinquante secondes, et qui racontaient brièvement des saynètes de la vie quotidienne. On leur attribue également l’art de filmer : trucages, travellings, direction des comédiens. Même si plusieurs de leurs réalisations sont aujourd’hui disponibles sur le Net, Thierry Frémaux a jugé utile de séparer le vrai du faux et de raconter la belle aventure qui leur a permis de devenir les pionniers d’une matière qui allait révolutionner notre rapport aux loisirs. Le cinéma moderne passe forcément par eux, sans qui rien n’aurait été possible ! Regroupées par thèmes (la famille, les voyages, la vie de tous les jours, etc.), le réalisateur s’est emparé de ces pépites glanées çà et là pour les présenter sous un jour actuel, dotées d’un commentaire en voix-off pertinent. Plus qu’un simple documentaire, « Lumière, l’aventure commence » nous plonge à l’aube du septième art et nous transporte de satisfaction en satisfaction, en compagnie de novateurs de talent. Assurément, les bobines retrouvées ont été entièrement restaurées pour une projection optimale. Outre le cinématographe, les frères Lumière se sont penchés sur maintes autres inventions, dont la plaque photographique sèche instantanée prête à l'emploi ou un travail sur des clichés en 3D. Au total, ils ont pêle-mêle déposé plus de cent quatre-vingts brevets. Petit bémol. Après la guerre, on leur a reproché une position pro-Pétain. En 1995, à l’occasion du centenaire de l'invention du cinématographe, la Banque de France a souhaité honorer les deux inventeurs en tirant un billet de deux cents francs à leur effigie. Plusieurs voix d’anciens combattants se sont élevées pour crier leur indignation. Selon elles et malgré leur génie, Louis et Jean ne peuvent pas être salués sans outrager les victimes du nazisme et de la collaboration. Une épine que les historiens cherchent à oublier ou à escamoter. Cela dit, aucun d’eux n’a été un criminel de guerre. Aujourd’hui, leurs films demeurent avant tout une illustration de la France d’autrefois et un regard unique sur le monde qui entrait de plain-pied dans le XXe siècle. Ce documentaire est à voir le dimanche 3 février 2019 à 10 heures 45 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Daniel Bastié
UN KET DE BRUSSELLES : BRUSSEPT, TU SAVAIS ÇA ? Tu as déjà remarqué qu’à Brusselles, tout va toujours par sept, comme si c’est inévitable. Dans toute son histoire, ce chiffre apparait partout. C’est (Sept ?) à croire que quelque chose, au début, a décidé que ce serait le talisman de la ville, ou bien que sept fées se sont penchées sur son berceau et qu’elles ont chacune voulu donner quelque chose à la ville. Les enceintes avaient sept portes (l’ancienne comme la nouvelle), la ville était dirigée par sept grands lignages, sur les sept collines on trouvait sept marchés, on comptait sept couvents et sept « maisons en pierre » (des steens), sur la Senne on a construit sept ponts et il y avait sept fontaines pour abreuver les citadins. Les Brussellois avaient sept patrons dans sept paroisses… Et il y a sept issues à la Grand Place ! Qu’est-ce que tu sais dire en bas de ça ? Un jour un peï a aussi compté sept langages, ça va du brussels vloms au français normatif mais pour comprendre ça tu dois être un expert en phiphilologigie comme le docteur Jean-Jacques De Gheyndt (il ne soigne pas la grippe) qui sait te raconter des zwanzes scientifiques pendant des heures dans ses conférences. Comme tu constates, le chiffre 7 est accroché à Brusselles comme un stroethond (chien des rues) est accroché à ton fond de pantalon quand tu reviens de chez le boucher. D’ailleurs je me demande si Blanche-Neige n’a pas retrouvé ses copains nains dans la Lange Zotten stroet (rue des Foulons) ou derrière l’église de la Chapelle… Ça se pourrait bien, tu vois ? Bien sûr tu vas me dire que Brusselles n’a pas le monopole du chiffre, qu’il y a les 7 collines de Rome, les sept branches du chandelier juif (la menorah pour les érudits) et beaucoup de six et de sept (pour changer des cinq et des six, newo) mais Brusselles cumule les sept comme un parlementaire cumule les fonctions lucratives. Dix fois le chiffre 7 pour une ville, c’est beaucoup, tu ne trouves pas ? Heureusement qu’elle ne se trouve pas en Chine, car là-bas c’est le huit qui porte chance, ça ce serait vraiment dommage. Quand j’habitais dans ma strotje (petite rue), on demandait aux gens : « Tu préfères avoir sept trous dans ta tête ou d’être mort ? » et il fallait répondre : « Sept trous, tiens ! Je les ai déjà : deux yeux, deux oreilles, deux trous de nez et une bouche. Arra ! » Chez nous à Brusselles, le chiffre 7 ça veut dire quelque chose, ça porte chance, c’est notre chiffre porte-bonheur, tout ça à la fois. Et on n’a pas besoin de tourner sept fois sa langue dans sa bouche pour dire une zwanze, ça vient tout seul après une ou deux gueuzes. À propos de la gueuze et du langage, je peux encore te dire que quand tu vas t’asseoir dans un café, ça s’appelle « Chez Méï Moeyal » ou « Chez les bons amis Pitje Schaveiger », tu commandes une demigueuze et tu regardes autour de toi. Je te garantis pas que c’est la salle de lecture de la Bibliothèque Royale ou le dôme de l’Institut, mais tu entends parler une langue universelle. Un mélange de flamand, de français, de lingala, de roumain, d’italien, d’espagnol et des tas d’autres que je ne connais même pas comment on les appelle. Quand tu sais plus dans une, tu continues dans l’autre, et tout le monde se comprend. La demi-gueuze, ça aide à la comprenure ; au plus que tu en bois, au mieux que tu deviens polyglotte. Ça ils ne te diront pas au journal tévé, car ils sont payés par Cacolac et pas par les brasseurs bruxellois. Et si tu veux tout savoir, j’aime tellement bien le chiffre que j’habite au numéro 7 près du ruisseau des 7 bonniers et que je vais passer mes vacances à… Sète. Si tu ne crois pas celle-là je veux bien t’en raconter une autre, celle du Petit Jésus qui habitait dans un pommier. Georges Roland (Retrouvez les romans bruxellois de Georges Roland sur www.georges-roland.com
LE BILLET DE SILVANA : RENCONTRE AVEC JULIE RIVER Nous voici à l’aube d’une année nouvelle qui, telle une page blanche, attend d’être « impressionnée » par les pensées, les images et les émotions que nous allons y déposer. Je vous propose d’en colorer une page avec la palette de Julie River qui manie les pastels avec la grâce d’une fée. Mais Julie a aussi un chapeau de magicienne d’où sortent des créations toujours surprenantes. Elle fut chargée pendant de longues années de créer des projets de créativité globale pour l’ensemble des écoles de la Communauté Française de Belgique. Auteure de plusieurs ouvrages de pédagogie de l’art et de recueils de poésie, dont certains pour jeune public, sa formation de théâtre la pousse, dans les années 2000, à mettre sur pied des ateliers de marionnettes pour aider les enfants d’origine étrangère à apprendre notre langue. Car chez cette artiste tournée vers le monde, l’engagement social et citoyen n’est jamais loin. Julie River est aussi présidente-fondatrice de l’asbl « Les Messagers du Cœur », qui fait entrer le créatif et le récréatif dans les services de pédiatrie. Touchée par le monde clos des blouses blanches et l’isolement de certains petits malades, elle s’entoure de nombreux artistes et éducateurs, afin de contribuer à plus d’humanisation en milieu hospitalier, pour aider le jeune patient à mieux supporter la maladie et les soins. Et c’est ainsi que les couloirs des pédiatries se sont vus dotés de plaques de rues aux noms rigolos : « Rue des sparadraps » ou « Place des p’tits bobos » ou encore « Avenue des mille globules », et animés par une troupe de théâtre de rue, magie, jonglerie, musique. Les murs sont décorés avec les dessins d’artistes. Autant de projets développés avec passion et persévérance. Depuis une dizaine d’années, un personnage de théâtre haut en couleur a ainsi vu le jour : Balladino ! Il est aujourd’hui incarné par trois comédiens. L’un à Tournai, un autre à Braine et Mons, un troisième à l’Hôpital des Enfants Reine Fabiola. Maniant avec la même dextérité la plume et le pinceau, Julie River a publié aux Editions CPS Consult trois tomes des histoires de Balladino. Elle en signe les textes et les illustrations. Balladino, le Messager du Soleil. Balladino et Gingash à l’hôpital. Et le dernier-né, Balladino et les baleines blanches, qui vient de paraître. Trois magnifiques albums tout en délicatesse qui ravissent parents et enfants. Tout récemment, à l’occasion des trente ans de l’asbl, c’est en fanfare que Manneken-Pis a reçu le costume de Balladino ! Vous voulez en savoir plus au sujet des Messagers du Cœur ? www.lesmessagersducoeur.be Retrouvez également Julie River sur son site www.julieriver.be Silvana Minchella (Découvrez les romans de Silvana Minchella sur le site www.ecrivainsbelges.be)
THÉÂTRE : LA REVUE 2018 Moment attendu comme le vin nouveau, la Revue demeure l’événement phare qui clôture l’année civile et qui prélude aux fêtes. Impossible de passer outre et de ne pas avoir l’esprit titillé par l’envie de découvrir la cuvée 2018, avec une équipe au meilleur de sa forme et des personnages récurrents qui ont fait l’actualité politique belge et étrangère. Pour ceux qui ne connaissent pas la formule, il s’agit de regarder dans le rétroviseur, de résumer les douze mois écoulés et de s’amuser avec tout ce qui a alimenté les médias (même si plusieurs sujets ne prêtent pas toujours au rire !). Sans méchanceté et avec un sens contagieux de la dérision, les comédiens du Théâtre royal des Galeries s’offrent sans complexe dans des numéros de cabaret et des parodies déjantées, toujours drôles, en abordant des domaines qui ne sont a priori pas les leurs : imitation, chanson et danse. Il y a un peu d’Hollywood sur scène, avec du strass, des paillettes et des numéros qui visent avant tout l’efficacité. Maintenant, l’objectif consiste avant tout à offrir deux heures de détente pure et de décontraction en laissant au vestiaire les tracas quotidiens et en se gardant d’abandonner les codes du genre, au risque de parfois se répéter de saison en saison. Pas de crainte en amont ! La troupe sait parfaitement ce que le public attend et redemande. Avec une bonne humeur tangible, un rythme trépidant et un mimétisme qui permet d’endosser de nombreuses personnalités, les acteurs changent de costume à chaque saynète, enchaînent les prestations et débordent d’enthousiame. L’occasion de découvrir, entre autres, Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Perrine Delers, Marie-Sylvie Hubot, Frédéric Celini dans des rôles loin des comédies et des classiques auxquels ils nous ont habitués. La mise en scène est signée Alexis Goslain, tandis que les multiples costumes ont été conçus par Ronald Beuma et Françoise Miessen. Du show total à applaudir sans modération jusqu’au 27 janvier 2019. Vive la satire politique, le music-hall et les grands élans de liberté ! Plus de détails sur le site www.trg.be Galerie du Roi, 32 – 1000 Bruxelles Daniel Bastié Photo : ©-Isabelle-De-Beir
THEÂTRE : MACBETH William Shakespeare demeure intemporel et chaque nouvelle adaptation prouve que ses pièces traversent le temps sans s’émousser, revenant sur les ambitions et les tourments propres aux hommes de toutes les générations. Transposer une pièce ancienne à l’époque actuelle relève évidemment du challenge, mais mérite toutes les attentions. L’occasion de mettre au goût du jour un récit qui n’a jamais cessé d’agiter les passions et qui est étudié dans les universités. Avec « MacBeth », le Théâtre royal du Parc monte à l’assaut d’un classique, sans crainte de perturber les puristes qui ne jurent que par une mise en scène en costumes. Un drame intense qui parle du pouvoir, du despotisme, du jusqu’au-boutisme, de la démence criminelle des puissants, de la manipulation et du rôle terrifiant de certaines épouses sur leur mari. Alors que MacBeth, général de Duncan, roi d’Écosse, croise la route de trois sorcières qui lui prédisent une remarquable destinée, son regard se modifie. Selon elles, il détrônera le monarque pour s’emparer du pouvoir. Très vite, les idées se chevauchent dans son esprit chauffé à blanc. Plutôt que d’attendre son heure, il décide de porter un coup d’accélérateur au futur, sans se douter que la divination n’est pas une science exacte. Confronté aux illusions corruptrices de l’avoir, il dépose les pieds dans un engrenage qui ne peut que lui être fatal. La dramaturgie se prête parfaitement à l’actualisation de ce drame et, l’effet de surprise passé, les spectateurs oublient tout ce qu’ils ont vu ailleurs pour se laisser embarquer dans une course à l’avidité, qui devient l’illustration de ce que nous ne devons pas faire, au risque de gâcher notre existence et le bonheur que les autres nous procurent. La noirceur du sujet en fait une symphonie de l’horreur où chaque rouage enclenche le suivant, pour mener le protagoniste à la déchéance complète. Faut-il se trouver face au bilan des actions accomplies pour, enfin, prendre conscience de sa responsabilité dans chacune d’elle ? « MacBeth » devient en sorte l’Homme de tous les siècles (passés, présent et futurs) et sert d’archétype pour analyser le fonctionnement de la psychologie humaine. Pour qui ne connaît pas la pièce, le choc est frontal, avec une hécatombe sans retour possible en arrière. Sur le plan de la mise en scène, Georges Lini a opté pour un style très cinématographique, sans lenteur et en se basant sur une poignée de comédiens qui ne sont pas des bègues. De fait, Muriel Bersy, Didier Colfs, Itsik Elbaz, Stéphane Fenocchi, Ingrid Heiderscheidt, Louise Jacob, Thierry Janssen, Nicolas Ossowski , Jean-François Rossion ,Luc Van Grunderbeeck, Félix Vannoorenberghe et Anouchka Vingtierhabitent réellement leurs personnages et n’offrent pas une demi-mesure de leur talent. Les répliques sont évidemment un atout fort, mais elles ne sont pas tout sans la prouesse de tous les techniciens qui ont permis à ce spectacle de se concrétiser sur les planches. Bien entendu, on va voir Shakespeare les yeux fermés, en toute confiance, certain d’en avoir pour son argent. Même si certains pourraient prétendre que cette version ressemble à un compromis, elle n’altère en rien le génie de son auteur, la force du récit ni la valeur symbolique d’une histoire qui invite à s’interroger sur la force hostile qui grouille en chacun de nous. Un classique qui ne nous laisse pas sur notre faim. Au final, une heure trente de spectacle total autour de la folie destructrice d’un homme à qui rien ne suffisait et qui en voulait davantage. Edifiant ! « MacBeth » est à voir du jeudi 17 janvier 2019 au samedi 16 février 2019. Référez-vous en toute confiance au site www.theatreduparc.be Rue de la Loi 3 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : ARIANE EUPHONIE SOUNDSCAPE OF A REFUGEES GREEK CAMP Les spectacles de Pietro Marullo, metteur en scène, chorégraphe et plasticien, sont des métaphores où les tensions du monde contemporain et les mythes fondateurs se chevauchent et s’expriment dans des formes qui hybrident les arts. Ainsi dans Wreck – List of extinct species, son dernier spectacle, il mélange l’art plastique, la création sonore et le mouvement, pour créer une puissante allégorie du naufrage. Dans cette nouvelle création – Ariane [eu]phonie -, Il nous fait voyager en Crête, ce berceau de l’humanité occidentale où les civilisations se croisèrent, cette île des mythes devenue aujourd’hui une « nouvelle Lampedusa ». Au milieu d’un camp de réfugiés, la figure d’une femme. La langue grecque qu’elle apprend aux étrangers lui permet de percer la toile de l’actualité tragique et de remonter aux récits ancestraux. Minos, fils de Zeus et d’Europe, légendaire roi de Crète, eut avec Pasiphaé, son épouse, une fille, Ariane. Celle-ci, éprise de Thésée et guidée par l’amour, l’aidera à tuer le Minotaure et à sortir du Labyrinthe. Les temporalités, les archétypes, les images se croisent et Pietro Marullo tisse une nouvelle vision de la scène. Il met au centre du Labyrinthe l’oreille humaine pour bousculer les limites de l’imaginaire et traverser le « dédale » humain. L’organe auditif où réside le sens de l’équilibre devient le lieu d’échos intimes et de la perception du monde pour interroger les frontières matérielles et immatérielles qui sans cesse s’érigent entre les hommes, les dieux et la terre. Que perçoivent les migrants – et nous – de ce mythe d’Ariane symbolique d’une libération de la tyrannie et d’une mutation du monde ? Et cette femme apprenant le grec et cherchant à rester en équilibre dans une Crête décomposée à l’image du monde, s’adresse-t-elle, telle Ariane, aux forces divines et leur demande-t-elle : « Quand est-ce que vous, les dieux, vous nous laisserez vivre en paix, sans vous ? Aujourd’hui commence l’ère de la terreur, mon royaume est déjà fini, et je ne verrai pas naître l’île des femmes, et je ne verrai pas surgir la ville des hommes ? ». A voir du 22 au 24 janvier 2019. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : CRÂNE Patrick Declerck est anthropologue, psychanalyste, philosophe et auteur d’essais, de nouvelles, de contes pour enfants, de pamphlets et de romans, dont Crâne qui raconte son opération d’une tumeur au cerveau à travers un double fictif : Alexandre Nacht. L’intervention est risquée, intrusive, spectaculaire. Elle doit se faire crâne ouvert et en étant éveillé pour ne pas endommager les fonctions cognitives. Elle a réussi. Sur scène, trois acteurs se succèdent face à Patrick Declerck en personne, et sous l’œil attentif du metteur en scène du spectacle.Bien avant de faire connaissance avec l’homme, son charisme, son humour, c’est d’abord l’écriture de Patrick Declerck qu’ Antoine Laubin rencontre. Un choc déterminant qui amène ce dernier non seulement à lire tous ses livres, mais à s’inspirer de son ouvrage Les naufragés, pour le spectacle Dehors, qu’il met en scène et co-écrit avec Thomas Depryck en 2012. Suit en 2015, Démons me turlupinant, une adaptation de son roman autobiographique. C’est durant les représentations de ce spectacle que naît l’idée qu’un jour, Antoine Laubin mettra en scène et fera jouer Patrick Declerck. Cette idée ne pouvait trouver meilleure place que dans « Crâne », ce récit clinique intense de son opération selon l’impressionnante technique de la chirurgie éveillée, qui raconte les étapes étonnamment vivifiantes d’un parcours médical et, à travers lui, l’évolution d’un rapport à l’altérité, à l’écriture, à la mort, au sens de l’existence. « Crâne » est à voir du 29 janvier au 12 février 2019 au Théâtre Varia. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : MARE NOSTRUM Le collectif Le Groupe Sanguin poursuit son travail autour des auteurs belges contemporains et des formes d’écriture novatrices en mettant en scène « Mare Nostrum » d’Aïko Solovkine, une tragédie poétique déconstruisant l’idée d’un monde binaire, remettant en question notre perception du bien et du mal. Pendant les fêtes de Noël, au large de la Méditerranée, la tempête fait rage et les chalutiers sont cloués à quai. Le village ne survivra pas à une mauvaise saison de plus. Quand la tempête se calme, les pêcheurs reprennent la mer mais remontent de leurs filets des corps de migrants décomposés et gonflés d’eau. Ils connaissent la procédure, elle est lourde de temps et de pertes financières. Instantanément, ils décident de rejeter les corps à la mer et de garder le silence sur ce qu’ils ont vu. Par l’intermédiaire d’un carnet de pêche, nous assistons à la mise en mots de l’indicible, aux choix que nul n’a été préparé à faire et à leurs conséquences inexorables. En suivant le cheminement intérieur de ces pêcheurs, Mare Nostrum interroge le sens des idéaux opposés à la réalité d’un quotidien. Lénaïc Brulé, Yannick de Coster, Adrien Hoppe et Anaïs Spinoy sont à applaudir sur les planches du théâtre de la Vie du 15 au 26 janvier 2019 à 20 heures. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue traversière, 45 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : LA REINE LEAR Six ans après le succès de « Mamma Medea », Tom Lanoye et Christophe Sermet, reforment leur tandem pour revisiter l’un des classiques de Williams Shakespeare : « Le Roi Lear ». Sous la plume de l’écrivain flamand, le vieux monarque change de sexe et évolue dans un cadre résolument contemporain, au cœur de la haute finance internationale, dans une sphère virtuelle qui décharne les corps et exacerbe les comportements. A la tête d’un empire colossal, la reine Lear convoque ses trois fils, afin de distribuer un héritage trop démesuré pour être honnête. Mère tyrannique et castratrice, elle exige (avant de concéder au partage) une preuve d’amour verbale de ses enfants. Le cadet, Cornald, refuse de se plier aux attentes flatteuses de celle qui l’a engendré et fuit dans un pays émergent, afin d’y développer le concept de micro-crédit.Voilà les prémisses de la tragédie sur fond de tempêtes climatique et financière. Elle coûtera la vie au jeune rebelle et verra la famille Lear s’entredévorer, alors que les intérêts du groupe vacillent sous les assauts de la concurrence. Tom Lanoye n’enlève rien de la force et de la virulence originelles du texte de Shakespeare. Il se permet une libre adaptation avec une langue charnelle et baroque, qui met en mouvement les corps. Une pièce interprétée, entre autres, parUne pièce interprétée, entre autres, parUne pièce interprétée, entre autres, parAnne Benoît, Philippe Jeusette, Yannick Renier, Baptiste Sornin, Bogdan Zamfir et Claire Bodson sous la direction de Christophe Sermet à découvrir au Théâtre national jusqu’au 19 janvier 2019. Plus de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain 111-115 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : RESISTANCE Dans le cadre de l’année de la Contestation, la Ville de Bruxelles célèbre le cinquantenaire de 1968, période de rupture semée de multiples défis et année emblématique pour l’art et la société. À cette occasion, la Centrale remplit sa mission d’ouverture, avec un projet ambitieux intitulé « Résistance » et se penche sur la manière dont les plasticiens ont participé aux défis sociétaux et politiques ayant agité le dernier demi-siècle. Il s’agit d’une vaste exposition doublée d’une plateforme d’actions et de réflexions, qui explore à travers une approche thématique la manière dont la contestation et l’opposition s’inscrivent dans le corps des œuvres. En présentant un dialogue entre des pièces historiques de 68 et des travaux contemporains d’artistes belges et internationaux, elle réfléchit cette formidable émancipation qui a eu lieu au printemps 68 et à laquelle l’art contemporain demeure affilié. Depuis cette époque, certains artistes ont fait le choix de résister aux diktats du monde culturel et de pointer les failles qui mettent en péril les fondements même de nos sociétés surmédiatisées. L’art peut ainsi puiser sa force et son expression au sein de ces multiples résistances. Cet événement met également en lumière des créations issues d’une pratique relationnelle élargie au monde, usant de matériaux et de médias non conventionnels, animés par un éminent désir d’action au sein de la collectivité. Une pratique fondée sur des convictions profondes qui rejoignent des enjeux sociétaux majeurs tels que la liberté individuelle, le féminisme, la mondialisation et l’écologie. Au cœur de cette manifestation, le rôle de l’artiste se déploie comme acteur majeur d’une pensée révolutionnaire, entre résistance et contestation. Une exposition à découvrir jusqu’au 27 janvier 2019 inclus à la centrale électrique. Plus de détails sur le site www.centrale.brussels Place Sainte Catherine, 44 à 1000 Bruxelles
SPECTACLE : SOIS BELGE ET TAIS-TOI ! L’actualité est là pour nous rappeler à quel point la politique belge se prête à un show haut en couleur qui brocarde les travers de nos mentors, leurs promesses, leurs écarts et leurs défis face à des situations d’urgence qui réclament des réponses capables de satisfaire une population en manque de repères et qui croit de moins en moins aux slogans du 16 rue de la loi. Entre Charles Michel qui hurle « Job, job, job ! » à tout-va, une NVA qui menace de réveiller les démons communautaires alors que se profilent les élections de mai prochain, l’ombre du Vlams Belang qui regagne des voix au nord du pays, la crise des migrants et une conjoncture qui précipite davantage de ménages dans la précarité, la matière demeure une manne pour les humoristes en quête d’inspiration. Selon une formule extrêmement bien rôdée, « Sois Belge et tais-toi ! » revient pour une vingt-et-unième saison remplie de dérision et de causticité, en évitant la méchanceté gratuite et en ciblant ce qui ne va pas. C’est forcément à chaque fois différent des éditions précédentes, tout en maintenant l’ADN de ce qui fait son succès. Les auteurs André et Baudouin Remy savent quelle est la demande des spectateurs et caressent le public dans le sens du poil en multipliant sketches, pastiches et détournements de chansons célèbres. La drôlerie de l’écriture et son intelligence ont réussi à fidéliser les amateurs depuis deux décennies, évitant de se plagier toutes les quatre saisons, combinant les énergies pour rendre chaque représentation vivante et parlant d’une voix soudée pour se mettre au service de la démocratie et d’une nation unie. Cette année, l’équipe se renouvelle avec Stéphane Prard, Maxime Thierry, Benoit Charpentier, Manon Hanseeuw et Sandra Racco dans une mise en scène signée Christian Dalimier, sans abandonner l’idée maîtresse de faire rire de ce qui n’est pas forcément drôle. Continuer à surprendre demande du talent, de l’audace et de l’ambition. Challenge réussi ! « Sois Belge et taistoi ! » est à applaudir les 29, 30 et 31 janvier 2019 au Centre culturel d’Auderghem. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.soisbelge.be Daniel Bastié
AU THEATRE HIER ET CE SOIR J’ai fréquenté « Les Jeunesses Théâtre » cinq années. J’y applaudirai par deux fois les ballets de Maurice Béjart. Ils débutaient une prestigieuse carrière. Je fus abonné des années au « Rideau de Bruxelles », Palais des Beaux-Arts. J’eus la chance de voir l’acteur et professeur Claude Etienne sur scène et de le côtoyer, lui et son épouse comédienne et traductrice d’auteurs anglais, Suzanne Fally. Cette dernière donnait cours de diction rue Traversière à Schaerbeek. Je croiserai la route de Claude Etienne suite à une critique que j’écrivis relative à une comédie musicale révélée au « Rideau » et un travail de bibliothécaire que j’accomplis sur sa demande. Je vis l’admirable « Volpone » (Ben Johnson) et l’interprétation de Bernard Frison dans une forme éblouissante de mémoire au « Théâtre du Parc ». Claude Etienne fut pour moi homme de parole, courtois comme le fut son successeur au « Rideau de Bruxelles » Jules-Henri Marchand. Passionné par le music-hall, le cinéma, la lecture, j’oublierai un temps le théâtre pour y revenir à bribes abattues. Abandonnant le Cap Horn pour doubler le Cap de Bonne Espérance, je revins en force au théâtre. N’avais-je pas écolier joué dans un acte du « Bourgeois gentilhomme », aimé « Les Fourberies de Scapin », « Le Malade imaginaire » et plus encore « Le Misanthrope ? » Je dus composer comme celles et ceux de ma génération avec les omniprésents, omnipotents Camus et Sarte. Je découvris André Roussin et « Bobosse » interprété par l’inimitable François Perrier, Osborne, Pinter, Pagnol, Salacrou, Courteline, Feydeau et l’Anversois Hugo Claus (« Vendredi »). Je m’abonnerai plusieurs saisons à trois compagnies bruxelloises. Il s’agissait de surveiller mon agenda, coordonner les dates des représentations. Je fréquentai cinq années le « Théâtre National ». Il sera dirigé de main de maître - quinze années - par Philippe Van Kessel. « Le National » fut obligé de quitter la tour Rogier et le Martini Center. Le célèbre mentor Vastapane y invitait les artistes et chanteurs (Aznavour, Bécaud, etc.). La troupe du « Théâtre National » trouvera refuge trois années au cœur du cinéma « Pathé Palace ». Un comble : « Le Théâtre National » dut ensuite donner sous chapiteau les représentation place du Marché-aux-Poissons. Sonnera pour moi la fin d’une époque. Pendant l’entracte nous causions avec les actrices et acteurs et parlions à brigadiers et bâtons rompus en compagnie de comédiens et du directeur Philippe Van Kessel. Il accueillit les spectateurs au bar et au foyer des artistes. Les abonnés en début de saison visitèrent les coulisses, vestiaires et ateliers de couture. Inouï, le théâtre fêtait chaque année les inconditionnels abonnés ! Van Kessel offrait généreusement sur scène un bouquet de fleurs fêtant 20, 25, 30 ans de présence des inconditionnels. Nous-nous rendions aussi rue Marché-aux-Poulets pour nous réabonner en de sombres bureaux « affrétés » par la ville de Bruxelles. Je connus les débuts du théâtre situé à Saint-Josse et vécus avec bonheur l’ouverture du « Public » seule salle bruxelloise alors non subsidiée. Au « Théâtre Poème » de Monique Dorsel rue d’Ecosse, je serai plusieurs fois généreusement invité par l’infatigable maîtresse des lieux. Intrigué par la verve et la faconde de Gascon du directeur Jacques Domani, je fis un tour au « Poche » au bois de la Cambre. Domani y fera découvrir l’excellentissime Niels Arestrup (1973) aujourd’hui au pinacle des acteurs. Je suivis trois années les programmes éclectiques des « Martyrs » à la place éponyme. Je m’invitai hors abonnement aux représentations du « Théâtre du Parc » sans omettre les bons moments passés à Schaerbeek au «140 » dirigé sous la houlette attentive du précurseur et talentueux Jo Dekmine. J’y applaudis la troupe épatante « The British Rubish » et l’inénarrable Raymond Devos ! Le nasillard Serge Gainsbourg interpréta in situ « Le rock de Nerval », « L’Eau à la bouche », « Le poinçonneur des Lilas ». Il se produisit devant une salle clairsemée. J’y fus en compagnie de mon cousin Eric de Kuyper. Eric deviendra metteur en scène, acteur et écrivain flamand réputé. De Kuyper fut nommé directeur-adjoint au « Musée du cinéma » d’Amsterdam. Il manqua de peu atteindre la direction de « La Cinémathèque nationale » où je resterai fidèle spectateur quatre années. Je fréquentai la bonbonnière ixelloise, la salle de l’actuel « Petit Théâtre Mercelis » aujourd’hui rénovée, pimpante de fraîcheur. La troupe de Damien, comédien de classe et directeur, oeuvra à « XL-Théâtre ». Il souquait comme un « pauvre diable » au devenir de la salle rue Goffart. Faute de recevoir les crédits indispensables à la bonne marche de son théâtre, il s’exila à Paris. Il s’agissait en hiver de conserver
sur soi pull et/ou manteau ; le chauffage, mis au pain sec était éteint. Damien et quelques jeunes comédiens doués seront mis au four et au moulin. André Baccichet sera un temps de la partie. Peu ou prou de pièces classiques ou policières se programment au Centre culturel d’Auderghem pour le cycle « Paris Théâtre ». Place à la comédie ! Nombre de vedettes féminines françaises furent invitées : Marthe Villalonga, Marina Vlady, Delphine Depardieu, la spitante Delphine Chauvin. Au rang des comédiens citons l’admirable Francis Huster, Guy Bedos, Alexandre Brasseur (peu convainquant), Jean Piat (charisme et superbe diction), Berlanger, Dany Sardou, Patrick Sébastien, le sympathique et acrobatique fils Jugnot, Pierre Arditi essoufflé. De grandes pointures. La saison 2017-2018 faiblira. Pièces étranges et moins convaincantes. Passion réelle, inassouvie, pour le théâtre ! Joie de me souvenir d’avoir vu brûler, consumer sur les planches, les comédiens belges n’ayant guère à envier aux artistes parisiens : Jacques Dutoit, Raoul de Manez, Jacques Loriot, Suzanne Lenain, l’inoubliable mousquetaire Claude Volter, Claude Etienne, Jacqueline Godinas, Patrick Mac Cornick, Jacques Lippe, Pascal Racan, Jacqueline Bir, la jolie et pétillante comme le champagne Taitinger Dolorès Del Rio. Dolorès ne mène plus « La Revue des Galeries ». Elle vogue pour l’heure à RTL. Je me suis plaint de son absence à madame Chapeau. Elle me rétorqua : « A la quarantaine, Dolorès a bien d’autres chats à fouetter ! » Jacques Burton, comédien atypique, hélas tôt disparu, fera les belles soirées du « Théâtre la Balsamine », sis à Schaerbeek aux anciennes casernes Dailly. J’applaudirai Burton interprétant l’époustouflant monologue russe « Moscou-Petoutchki ». Le fils de Claude Volter, Philippe - si jeune grand acteur qui se suicida - joua en compagnie de Guillaume Depardieu dans le film « Cyrano de Bergerac » et pour le salutaire « Le Pantalon rouge », téléfilm réalisé en Belgique et réalisé en partie (scènes de combats) dans une décharge publique bruxelloise ! Après avoir quitté la superbe maison de maître qu’il occupa à l’avenue Franklin Roosevelt, Claude Volter s’installera à Woluwé-Saint-Pierre. « La Comédie Claude Volter », avenue Legrain, fit salle comble maintes fois. J’y fus notamment pour voir Volter interpréter une comédie loufoque. Il donnait la réplique à son ex épouse Jacqueline Bir. Sur une seule réplique oubliée par l’acteur, Jaqueline Bir fit, tout à trac : « Et moi je vous dit que vous perdez la mémoire, Claude ! » Il partit d’un long fou rire et se réfugia derrière le rideau rouge. Applaudissements nourris. C’est toujours le virevoltant Claude Volter qui lâcha, lors d’une conversation au picrate tenue avec le Ministre de la Culture Parisis : « Vous n’y connaissez que dalle au théâtre, cessez de nous ignorer, donnez-moi les subsides que sans vergogne vous me refusez ! » Aux « Galeries » se déroulèrent jadis les « Galas Karsenty ». Nous y attendîmes (1985) à la sortie des artistes Jean Piat. Ma compagne Myriam désirait faire dédicacer par Jean Piat le programme de « Domino », pièce de Marcel Achard. Ce qui fut fait aimablement. Le comédien décédé à 93 ans, écrivain, metteur en scène, viendra de nombreuses années plus tard honorer plusieurs fois de sa présence le « Centre culturel d’Auderghem ». Il offrit par exemple au public, en duo avec l’épatante Marthe Villalonga, une leçon de diction et d’interprétation. Le nombre de théâtres à Bruxelles décupla. Les théâtres ne peuvent plus comme auparavant présenter les réalisations demandant de nombreux comédiens et faire appel à d’importants décors coûteux ; mêmement la location de costumes chamarrés fait cruellement défaut. N’oublions pas les efforts consentis par les centres culturels bruxellois (p.ex « Le Senghor » à Etterbeek, le « Toots » de Saint-Josse), la création du complexe « Wolubilis » idéalement situé proche du boulevard de la Woluwe. Aux prestigieuses Galeries Saint-Hubert bénéficiant d’un parfait nouvel éclairage nocturne, « Le Vaudeville » renaît de ses cendres, sans parler du « Théâtre royal des Galeries » où je suis abonné depuis quelques vingt années. Le « Théâtre Molière » est plus que discret. J’y applaudis jadis le comédien Michel Galabru dans une œuvre de Molière au théâtre éponyme. La galerie d’Ixelles privée de la situation d’une grande banque française, de la renommée bibliothèque américaine, de commerces attractifs, reste sans théâtre ouvert à temps plein. La « galerie africaine » ressemble au passage des courants d’air. Citons toujours à Ixelles le théâtre de la rue du Sceptre. Il eut ses heures fastes et accueillit notamment Claude Etienne et quelques manifestations de la Communauté française. Le « Sceptre » n’est plus d’Ottokar. Charles Aznavour enregistra en public sur un 33 tours « Ce métier », une admirable chanson dédiée à l’art théâtral et à ses comédiens. Le charmant théâtre de marionnettes « Toone », après de longs et pénibles travaux de rénovation, a repris ses représentations. Il connaît d’inquiétantes difficultés pécuniaires. Un effort, Madame la Ministre responsable, sauvons de grâce ce lieu mythique où se conserve le riche patois bruxellois ! Reprenons le chemin du château du Karreveld où en 2017 fut programmé « Le Dîner des Cons ». Jean-Louis Cornellie
RESTAURATION DE LA MAQUETTE DE LA ROME ANTIQUE Films, animations en 3D, applications, réalité virtuelle… C’est une véritable expérience interactive et immersive que proposera dès la rentrée scolaire prochaine le Musée Art & Histoire aux visiteurs de l’incontournable maquette de la Rome antique, qui sera dotée d’un dispositif de mise en valeur hors du commun. La restauration du dispositif ‘son et lumière’ associera les nouvelles technologies à la préservation d’un élément clé du patrimoine belge, et bénéficie pour ce faire du soutien du Fonds Alexis Liénard, géré par la Fondation Roi Baudouin. La première étape de ce projet a démarré cette semaine avec une impressionnante opération de nettoyage de la maquette. C’est bien pour remettre en valeur cette œuvre majeure de notre patrimoine et cet exceptionnel outil pédagogique que le Fonds Alexis Liénard, géré par la Fondation Roi Baudouin, s’engage dans le projet de restauration ‘son et lumière’ de la maquette représentant la ville de Rome à la fin du IVe siècle, à l’apogée de sa splendeur monumentale. Exposée au Musée Art & Histoire, cette maquette constitue l’un des éléments clés de la section des antiquités classiques, admiré chaque année par des dizaines de milliers de visiteurs venant du monde entier. Véritable monument en soi, l’œuvre se caractérise par sa rareté : l’architecte Paul Bigot avait réalisé quatre tirages de la maquette, dont ne sont conservés que son modèle de travail (à l’Université de Caen) et l’exemplaire de Bruxelles, qui est le seul à avoir été coloré et à être exposé dans un grand musée national. Mesurant 11 x 4 mètres, le plan en relief au 1/400e est également un incontournable de toute visite scolaire au Musée Art & Histoire. Tant pour les écoliers que pour les étudiants en architecture ou les archéologues, la maquette offre d’excellents atouts pédagogiques. Technologies modernes Malgré son remarquable état de conservation, des travaux de restauration de la maquette mais surtout de son dispositif de mise en valeur s’imposent aujourd’hui. Inédit, le projet de restauration ‘son et lumière’ couvre tant la transformation du système d’éclairage et de projection, que le recours aux nouvelles technologies. Avec l’intention de répondre aux attentes d’un public désormais habitué aux technologies modernes et d’offrir aux visiteurs une expérience interactive basée notamment sur des films, applications et animations 3D liées à l’urbanisme de la Rome antique ainsi qu’aux spectaculaires découvertes archéologiques récentes. Estimé à 200.000€, le projet est entièrement financé par le Fonds Alexis Liénard, géré par la Fondation Roi Baudouin. Créé en 2014, le Fonds a pour objectif de contribuer par tout type d’actions pertinentes à un enseignement de qualité du latin et du grec en Belgique. Nettoyage en hauteur Mais avant de pouvoir démarrer ce projet, une photogrammétrie (scan) doit être réalisée, ce qui nécessite un minutieux nettoyage de la maquette. L’opération, qui a démarré cette semaine, requiert un impressionnant dispositif : deux échafaudages placés de part et d’autre du plan en relief retiennent une planche à 50 centimètres au-dessus de la maquette. Couchés sur celle-ci, des restaurateurs s’activent pour nettoyer au pinceau les moindres recoins de la maquette. Une fois entièrement nettoyée, la photogrammétrie pourra alors être réalisée. Les travaux de restauration en tant que tels démarreront fin 2018 et dureront environ huit mois - période durant laquelle la maquette fera l’objet d’une attention particulière de la part de nombreux experts.
CINEMA : LE RETOUR DE MARY POPPINS Dans « Le Retour de Mary Poppins », Emily Blunt joue le rôle de la nounou presque parfaite qui réapparaît magiquement dans la vie de la famille Banks lorsqu'elle en a le plus besoin. Avec un casting fabuleux, neuf nouvelles chansons et une visite éclair des lieux les plus iconiques de Londres, ce long métrage se veut la suite moderne et pleine de magie du film original. Se situant vingtquatre ans après le premier opus, Michael Banks a maintenant sa propre famille et travaille dans la même banque où son père et son grand-père gagnaient leur vie avant lui. Touché par un drame familial associé à des problèmes financiers, il se trouve en difficulté pour subvenir aux besoins de ses trois enfants. Alors que la famille craint que la situation s'empire, Mary Poppins fait irruption dans leur existence. Publié pour la première fois en 1934, ce livre est dû à la plume de P.L. Travers, auteur de huit livres en cinquante ans. Bien entendu, « Le Retour de Mary Poppins » est directement inspiré du plus célèbre d’entre eux. Le réalisateur Rob Marshall a expliqué : « Il était évident qu’il y avait beaucoup de choses à raconter et, en amont, j’ai pris conscience que je pouvais adopter une approche différente de la version féérique avec Julie Andrews, sans pour autant la trahir. Choix qui exhorte à ne pas se laisser ronger par la désillusion et le cynisme des personnages devenus adultes et confrontés à d’énormes responsabilités. Conserver leur âme d’enfant dans un corps de parent, voilà le challenge ! » Trouver une actrice pour suivre les pas oscarisés de celle qui l’a précédée dans le rôle-titre n'était pas simple, mais Emily Blunt apporte quelque chose de nouveau à l'un des personnages les plus aimé du cinéma. « Rob Marshall m'a présenté le personnage de Mary Poppins de manière très passionnée. Dans cette nouvelle aventure elle est à la fois élégante, drôle et énigmatique et dispose d'un plan secret. Je l'ai imaginé avec un côté un peu plus strict mais je me suis aussi souvenu du sentiment de réconfort que j'ai ressenti enfant » a expliqué l'actrice. Bien que les goûts puissent être débattus, « Le retour de Mary Poppins » se décline comme étant un film familial fait pour tous, enchanté et enchanteur, plein de vitamines pour nous aider à franchir le cap de l’hiver. Sam Mas
BRECHT EVENS SIGNE L’AFFICHE DE LA 9e CEREMONIE DES MAGRITTE DU CINEMA Alors que la cérémonie des Magritte du Cinéma est annoncée en fanfare pour le 2 février 2019, l’Académie André Delvaux est fière de présenter l’affiche (signée Brecht Evens) de cette 9ème célébration. Auteur de bande dessinée, Brecht Evens raconte des histoires en sortant des cases. Chez lui, tout est dynamique : les murs dansent, les images se superposent et la lumière coule à flot. Comme au cinéma. Un style unique remarqué, dès ses premières sorties, par les lecteurs et salué par la critique. Son premier album, Les noceurs est récompensé du Prix de l’audace à Angoulême en 2011, Panthère, son 3ème album, remporte un important succès tout comme Rigoles, son dernier et ambitieux roman graphique. En 2016, la Fondation Louis Vuitton publie un livre de voyage sur Paris, avec Brecht Evens comme premier artiste belge. Sa palette et son sens du récit sont portés par son « coup d’aquarelle » unique. Une touche qu’il a choisie pour le plus grand bonheur de l’Académie André Delvaux de mettre au service des Magritte du Cinéma. Après Denis Meyers et Jean-Luc Moerman, c’est à son tour de concrétiser le projet. Une affiche dynamique à l’image du cinéma de chez nous. Sam Mas
THÉÂTRE : MÉNOPAUSÉES Créé à partir d’une cinquantaine de témoignages de femmes d’ici et d’ailleurs (mères de famille, artistes, sportives, rêveuses, femmes d’affaires, cougars, celles qui assument, celles qui veulent rester jeunes à tout prix, etc.), voici « Ménopausées », un spectacle qui libère la parole, rit de ce qu’on dit rarement et de ce qu’on cachait jusqu’alors. Rides, coups de chaud, pression sociale, vision tronquée de soi, prise de poids, souhait de plaire ou libido qui se fatigue : rien n’échappe à la verve des comédiennes qui se donnent à 100% sur scène ! La ménopause se veut également l’heure du bilan : Qu’ai-je fait de mon existence ? C’est aussi le temps des défis atteints et des frustrations qui se replient sur elles-mêmes. Le miroir de la salle de bains renvoie également le reflet d’un corps qui n’est plus celui des années de jeunesse, avec la peau qui se parchemine, les pattes d’oie à l’angle des yeux et les cheveux qui grisonnent ou blanchissent. On affirme souvent qu’on a la même ménopause que sa mère et sa grand-mère. Au théâtre de Poche, on pense que chaque existence reste une expérience unique et que, même si le thème de la ménopause embarrasse et demeure encore trop souvent tabou, il mérite largement d’être traité sans œillères pour aider les femmes à s’affranchir mais, aussi, aiguiser le regard des hommes qui les accompagnent dans le cheminement de l’existence, car leur destin se veut étroitement lié à celui de leur compagne ou épouse. Après « Les Monologues du Vagin » et « Volcan », ce spectacle continue son exploration du genre féminin avec une grande sensibilité, de manière ludique, touchante et souvent drôle. Anne Grandhenry, Serge Demoulin et Dominique Pattuelli sont épatantes sur scène et manient avec discernement toutes les émotions mises en texte. « Ménopausées » est à voir du 8 janvier au 2 février2019 au Théâtre de Poche. Plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase 1A à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : COMME LA HACHE QUI ROMPT LA MER GELÉE EN NOUS Voilà deux amis d’enfance, nés de parents ou de grands-parents venus d’ailleurs. Ils ont vécu dans la même ville cosmopolite d’un pays d’Europe et ont fréquenté les mêmes écoles. Aujourd’hui adultes, ils se retrouvent et remuent leur passé commun. C’est, vraisemblablement, le moment de s’avouer certaines vérités, de lâcher les non-dits et de de remuer les idées qui fâchent. On le sait, le plus difficile est de commencer à s’exprimer lorsqu’on aborde des thèmes sensibles. Tout passe ensuite à la moulinette de la franchise : les identités, les appartenances religieuses et culturelles, les choix de vie, de langues, de conjoints et de territoires. Bref, une confrontation sur leurs expériences singulières, mais qui révèle d’autres incompréhensions, dissensions, griefs, ressentiments, voire des haines longtemps enfouies. Voici un spectacle qui débusque et attise les questions qui fâchent pour tenter de se mettre à la hauteur de cette phrase de Kafka à propos de la mission d’une œuvre : « Être la hache qui rompt la mer gelée en nous ! » Après l’éblouissant « Sans Aile et sans Racine », Hamadi nous propose un face à face qui monte à l’assaut des radicalismes violents de tous bords. Malgré un ton de tragédie, ce spectacle tisse une gigantesque arantèle qui écorne les certitudes, la bêtise et qui parle surtout d’amitié et de tendresse. A côté de moments d’opposition souvent violente, de courts échanges ponctuent le déroulement de l’histoire et transforment les protagonistes en personnages à la Beckett, perdus dans un no man’s land où ils s’agitent tels des fantômes. « Comme la hache qui rompt la mer gelée en nous » est à applaudir du 12 février au 12 mars 2019 au Théâtre de Poche. Plus de détails sur www.poche.be Chemin du Gymnase 1A à 1050 Bruxelles
THÉATRE : AVANT LA FIN Michel Graindorge s’est éteint le 19 avril 2015. On se souvient de l’avocat de gauche et du personnage public, souvent aperçu à la télévision. On ne sait pas qu’il était aussi le père de la comédienne et violoniste Catherine Graindorge. Loin de tout hommage, cette dernière raconte le lien qui l’unissait à celui qui l’a aidée à grandir et évoque la perte d’un être cher. Avec ses mots et une musique idoine, elle parle des quinze derniers mois de la vie de son papa, leur vécu commun et les souvenirs laissés par un homme intègre et unique. Sans grands effets scéniques, elle raconte et évoque, seule sur les planches avec son violon, une table et un projecteur. Des images, une partition, des lettres et des souvenirs servent de support à une rencontre intime et surprenante. L’occasion de découvrir un personnage hors du commun et de revenir sur certains pans de son existence. On a un peu (beaucoup ?) oublié l’affaire de 1979 (aussi appelée François Besse), qui l’avait mené en prison avant d’être totalement blanchi. En évitant l’hagiographie, sa fille rend sensible chaque parole, ne place jamais un mot au-dessus de l’autre et rend passionnante une existence au service des autres et de la justice. Un solo en scène bourré d’émotion et qui vise à concilier le souvenir et le présent. Ce spectacle est à voir du 16 au 27 janvier 2019 à la Comédie Claude Volter. Plus de détails sur le site www.comedievolter.be Avenue des Frères Legrain, 98 à 1150 Bruxelles Sam M as
JOSÉ DUCHANT HONORÉ L’Ucclois José Duchant a reçu la médaille d’Or et le diplôme de reconnaissance de la ville de Bruxelles pour sa notoriété artistique internationale et son investissement comme consultant auprès des polices européennes dans le cadre de la lutte contre les pickpockets. Homme de scène, il a sévi dans les deux hémisphères, faisant les belles heures du show-business tant à Bruxelles, à Paris qu’à Las Vegas. Roi des pickpockets, rien ne lui résiste et, avec dextérité, il déleste le spectateur qui le rejoint sur scène d’un bijou, de sa montre ou de son portefeuille. Les aînés se souviennent de ses nombreux passages à la télévision et les évoquent avec une pointe de nostalgie. Assurément, plusieurs personnalités se sont déplacées pour la cérémonie et sont venus féliciter le récipiendaire de vive voix. Le cadre majestueux de l’Hôtel communal (Grand Place) a servi d’écrin à cet événement, malheureusement trop peu relayé par les médias. Daniel Bastié
UN DEMI-SIÈCLE DE MENSONGES J’ai rencontré Jean-Louis Aerts pour la première fois à la Foire du Livre belge d’Uccle. Un entretien qui a débouché sur une interview publiée dans nos colonnes en avril 2017 et la découverte de son premier roman intitulé « Un siècle de mensonges ». A cette époque, il annonçait déjà une suite au récit et travaillait à celle-ci. Un peu moins de deux ans plus tard, elle débarque dans les librairies et conclut le voyage temporel (ou introspection) entrepris par Marylou. A force de creuser dans les méandres de sa propre histoire, l’héroïne finit par déterrer les vieux démons. Entre thriller et livre de science-fiction, l’auteur fait œuvre personnelle, maintient le suspense et ouvre des pistes qui jouxtent chaque événement. L’enquête ressemble à un puzzle dont les pièces s’assemblent ou se percutent. Qui a intérêt à freiner les investigations et pour quels motifs ? A nouveau, le lecteur est obligé de s’immiscer dans les limbes du passé pour circonscrire le présent. Trois femmes se trouvent opposées à des drames intimes et, malgré les décennies qui les séparent de leur jeunesse respective, se voient soudées à travers les difficultés. Tout commence au début de la Seconde guerre mondiale avec Emilie, qui voit ses rêves se laminer. Quant à Jeanne, les années 60 scellent une tragédie qui la marque de manière indélébile. Enfin, Marylou peine à garder la tête hors du marasme et voit le XXIe siècle se déplier autour d’elle sans qu’elle puisse interférer sur les mouvements d’horloge. Remuer les souvenirs améliore-t-il le quotidien ou sert-il d’exutoire ? Quoi qu’il en soit, les fantômes se réveillent sans qu’on s’y attende et viennent hanter les vivants. De bout en bout, l’écriture est fluide et la narration soutenue. De rebondissement en rebondissement, ce deuxième roman génère de l’enthousiasme et revient sur quelques faits marquants de l’histoire de notre pays. Ed. 180° - pages Daniel Bastié
BRUXELLES ART NOUVEAU ART DÉCO Le patrimoine bruxellois est un chef-d’œuvre à ciel ouvert et beaucoup de citoyens passent à côté de joyaux architecturaux sans prendre conscience de la richesse qui les sollicite à chaque passage. Les trésors Art Nouveau et Art Déco sont légion, mais l’œil n’a pas été éduqué à les admirer à leur juste valeur. Anne-Lise Quesnel est historienne de l’art et créatrice de Lupinette Concept Store, qui fait la part belle au design vintage. Elle a ressenti la nécessité de présenter ce qui fait la renommée de notre belle capitale en allant à l’essentiel, sans digressions et en s’appuyant sur de magnifiques photographies. Que vous soyez simples curieux ou passionnés de culture, ce livre a pour ambition de vous entraîner à travers les dix-neuf communes et effectuer des arrêts admiratifs devant des façades insignes ou franchir le seuil de lieux accessibles à tous. Musées, maisons de maître, tavernes et restaurants se succèdent avec bonheur et proposent une vitrine du meilleur à contempler. Des lieux réputés aux enseignes plus discrètes, des monuments publics aux statues, rien n’est éludé. L’occasion de voyager pour le bonheur des yeux et de devenir touristes de ce qui nous entoure, avec l’affligeant constat que nous nous ébahissons lorsque nous partons à l’étranger et que nous restons trop souvent de marbre devant ce qui attire les voyageurs venus d’ailleurs. En évitant le langage technique, l’auteure partage ses coups de cœur et nous incite à écarquiller les yeux pour comprendre et aimer les joyaux de notre métropole, tout en opposant deux styles et en soulignant leur filiation autant que leurs différences. Un guide pratique qui s’assimile à une promenade dans nos quartiers ! Ed. 180° - 132 pages Daniel Bastié
CHAMBOULE TOUT Forain depuis toujours, Marcel Campion se livre aux confidences. Durant sa longue existence, il a traversé tous les départements et a serré des mains à l’envi. A l’âge où certains songent à une retraite anticipée, il revient sur ses souvenirs et nous parle d’un métier qui lui colle à la peau, aux gens qu’il a croisés, aux personnalités qui l’ont marqué. Sans langue de bois, il narre, évoque et se révolte contre les politiciens sans conscience qui usent et abusent de leurs prérogatives. Assurément, plusieurs ne sortent pas grandis de se sa mémoire et en prennent pour leur grade. Sans jamais faire dans la demi-mesure, il dévoile également les dessous du show-business, les événements sur lesquels il a travaillé (stands de foire, marchés de Noël, installations d’attractions comme la Grande Roue, manèges et baraques diverses). Entier et prêt à tout pour dénoncer ce qui met à mal la démocratie, il a choisi de se lancer à son tour en politique sous la bannière citoyenne, afin de contrer les maux qui vicient la société. Conscient de l’énormité de la tâche, il appelle chacun à reprendre le contrôle de ses libertés et de (re)découvrir son vrai pouvoir en se rendant aux urnes. Si certaines batailles sont perdues, la guerre n’en est pour autant pas finie. De grands chantiers doivent être mis en œuvre pour relever le pays du marasme et redonner confiance aux gens. Par son incroyable expérience et malgré les chausse-trapes, il se lance dans la candidature pour la mairie de Paris. Ed. du Rocher – 244 pages André Metzinger
SPEAKERINES Durant plusieurs décennies, les speakerines se sont avéré le lien privilégié qui reliait les téléspectateurs à la chaîne. Considérées parfois comme femmes troncs ou potiches, elles intervenaient entre deux programmes et annonçaient ce que les familles allaient découvrir sur l’écran rectangulaire de leur poste de télévision, entraient sur la pointe des pieds dans les foyers afin de créer de la proximité et fédéraient le plus souvent un maximum de sympathie. Généralement jeunes, jolies et souriantes, elles constituaient l’atout charme et incarnaient le rêve. Jacqueline Joubert, Catherine Langeais, Jacqueline Huet, Denise Fabre, Evelyne Leclercq, Fabienne Egal et, parmi beaucoup d’autres, Evelyne Dhéliat ont rythmé les soirées de maints spectateurs qui, aujourd’hui, regardent dans le rétroviseur de leur existence avec une touche de nostalgie, regrettant une manière de faire qui n’existe plus. Avec un recul (peut-être) indispensable, leur rôle a été totalement repensé jusqu’à leur disparition. Pourtant, il s’avère qu’elles étaient pourvues d’un vrai talent et que, dans un monde en proie aux revendications éparses, incarnaient le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes et à gagner leur vie en travaillant. Olivier Minne, homme de médias, revient sur la longue histoire qui lie la France à ses présentatrices modèles et qui, sans s’en douter, ont gravé leur nom dans le marbre l’histoire de l’Ortf, puis de ses chaînes concurrentes, passant du noir et blanc à la couleur, quittant leur chaise face à la caméra pour devenir animatrices d’émissions diverses ou monter sur les planches. Dans ce livre, souvent drôle et truffé d’anecdotes, l’auteur nous fait découvrir l’envers du décor, sans jamais étioler le mythe. Du pur régal ! Ed. du Rocher – 368 pages Paul Huet
LES GUERRIERS SILENCIEUX – JOURNAUX APACHES Longtemps, les Apaches ont été considérés comme des ennemis extrêmement dangereux, capables de toutes les violences et redoutés pour leurs attaques furtives. A partir du journal de son père, l’anthropologue Grenville Goodwin, Neil relate une aventure incroyable loin du folklore, avec ses allures de drame dignes d’un opéra. Au cours des années 20, il était raconté que quelques membres de la tribu Chiricahua vivaient cachés au nord du Mexique et qu’ils s’y déplaçaient en toute liberté. Un fait divers a soudainement fait enfler la rumeur avec le meurtre d’un couple et le rapt de leur enfant. Il n’en a pas fallu davantage pour monter une expédition de représailles et ouvrir la chasse aux derniers Apaches se mouvant loin des territoires qui leur avait été a été circonscrits. Retrouvés en 1962, les cahiers de Grenville Goodwin fourmillent d’éléments précieux, avec des notes de terrain, des croquis et des coupures de presse. Plus qu’un récit personnel, il raconte l’unique tentative d’enquête sérieuse et de description des Indiens de la Sierra Madre. A son tour et à partir des documents laissés par son géniteur, Neil se lance dans un gigantesque périple à la poursuite de fantômes maraudant tels des ombres. Une manière de marquer son attachement à celui qui l’a aidé à grandir, de ne pas abandonner des conclusions figées par écrit et jamais publiées officiellement et de boucler une affaire qui ne ressemble à aucune autre. « Les guerriers silencieux – Journaux apaches » mêle deux époques en un texte unique et tient en haleine grâce à un suspense savamment entretenu sans jamais perdre le contrôle de la vérité. Ed. du Rocher – 392 pages Daniel Bastié
PURGATOIRE Voilà le deuxième cantique de « La divine comédie », l’œuvre la plus lue et étudiée de Dante Alighieri, passée au rang de classique et qui fournit au lecteur maints détails sur le Moyen Âge méditerranéen. Selon des sources avérées, cet ouvrage aurait été rédigé entre 1303 et 1304 et serait le fruit de longs mois de labeur et réflexion, poussant son auteur à s’interroger sur la religion et la condition humaine. Après un voyage au sein de l’Enfer et avant une visite de l’Éden, le poète nous entraîne au purgatoire des âmes humaines, où chaque paria attend l’heure heureuse du pardon dans un cercle, dont chacun correspond aux sept péchés capitaux clairement identifiés par le clergé : l’orgueil, l’envie, la paresse, la colère, la luxure, l’avarice et la gourmandise. A mesure qu’ils font preuve de contrition, les hommes sont autorisés à gravir la montagne qui leur ouvre les portes du Paradis. « Purgatoire » se veut le règne des voix, loin des cris et des gémissements de l’Enfer. Le climat décrit la sérénité du lieu en attendant le pardon des fautes commises et l’accueil dans les bras du Rédempteur, qui connaît la vertu du repentir et sait y répondre par de la bienveillance. Il se dégage de ce poème, composé de trente-trois chants, une musicalité totalement absente du livre précédent et qui en fait une ode à la beauté, remplie de métaphores, d’instants lyriques et d’hymnes rassurants. Si le texte a été écrit en italien médiéval (ou florentin), la présente édition le couple a une nouvelle traduction moderne et dynamique due au talent de Danièle Robert, qui n’écorne ni le style ni la personnalité de l’écrivain. « Purgatoire » se singularise également par une musicalité omniprésente et joue avec les assonances et les correspondances, afin de composer une harmonie pleine d’élégance et de mysticisme. Bien entendu, Virgile accompagne le narrateur au cours de ce périple improbable dans un monde inconnu des vivants. Au passage, Dante cite abondamment Ovide, son maître à penser et poète chéri par tous les latinistes. Ed. Actes Sud – 538 pages Daniel Bastié
DRÔLE D’HISTOIRE : LA RÉVOLUTION FRANÇAISE Stéphane Bern passe de la petite lucarne des postes de télévision à la case de papier d’une bande dessinée par la magie du crayon de Dominique Mainguy, stimulé par le script de Jérôme Derache. L’occasion de voyager dans le temps et de se plonger au cœur de la Révolution française, des évènements de 1789 à l’an VIII du nouveau calendrier. Accompagné de sa nièce et de son neveu, il ouvre la porte de sa bibliothèque personnelle et livre le secret de son érudition. Plutôt que de privilégier un ton scolaire, les auteurs lui opposent une forme humoristique avec un dessin façon hebdomadaire « Spirou » et une narration découpée par planche. Le sujet se veut forcément intéressant, avec une série d’informations historiques utiles au jeune qui souhaite se familiariser avec le passé européen et l’un des événements à la base des démocraties modernes. Si les grandes lignes de la prise de la Bastille, de la mise en place de la Terreur et de la personnalité de gens tels Danton et Robespierre sont archi-connus, ce petit rappel n’a rien de déplaisant et a le mérite d’user d’une certaine décontraction pour incruster l’Histoire dans le crâne des adolescents actuels, particulièrement rétifs aux vieux manuels scolaires poussiéreux. Cette bédé se lit vite et reste agréable, tout en pratiquant de nécessaires raccourcis dans un monde ou le zapping est roi. Ed. Jungle – 48 pages Daniel Bastié
GEEK GIRL Elle se prénomme Harriet et déteste la mode. Avec ses grosses lunettes qui lui donnent un air intellectuel, elle n’a pas beaucoup d’amies ni de petit copain. Qu’importe ! puisqu’elle traîne la réputation d’être geek. Avec un ton léger, les romans signés Holy Smale sont devenus d’improbables succès de librairie, miroir de ce que beaucoup de jeunes filles ressentent alors qu’elles traversent la puberté et qu’elles peinent à croire qu’elles sont jolies. Lorsqu’une agence de mannequins la sollicite pour devenir modèle, elle ne sait pas quelle réponse formuler. Pourtant, le challenge mérite d’être clair : changer de peau et passer de vilain petit canard à fille super chic. Pas un simple défi ! Malgré un ton versatile, le sujet de cette histoire expose les difficultés de l'identité chez les adolescents et la cruauté qui peut sévir entre eux. Les stéréotypes pleuvent, mais il est toujours bon de remettre les pendules à l’heure pour rappeler que le harcèlement et les humiliations peuvent provoquer des blessures profondes. La présente adaptation en bande dessinée reste fidèle aux personnages du livre original, à ceci que plusieurs ellipses se sont avérées nécessaires pour faire tenir un roman complet en moins de cinquante pages dotées de cases dessinées et de phylactères. Ed. Jungle – 48 pages Amélie Collard
L’HOMME SANS OMBRE La mémoire d’Elihu Hooper reste un mystère insondable pour les médecins. Atteint d’une infection rarissime, son cerveau ne parvient pas à conserver les souvenirs davantage que quelques secondes, tirant un trait sur son passé, son vécu et ses émotions. Auteure d’une œuvre colossale, Joyce Carol Oates possède un rythme qui ne faiblit pas et, à presque quatre-vingts ans, prouve qu’elle a toujours autant de choses à raconter, maîtrisant à la perfection les rouages d’une bonne intrigue. Davantage qu’un thriller, elle propose une enquête psychologique qui renvoie le protagoniste dans le temps et relance l’image obsédante d’une jeune fille morte flottant sur les eaux. Fraîchement diplômée, Margot décide de saisir à bras-le-corps le singulier patient de l’hôpital qui l’a engagée. Entre eux se noue une relation ambiguë et freinée par l’éthique qui restreint chaque médecin aux gestes strictement professionnels. Avec un sens de la formule, l’auteure maintient le tempo sans essoufflement et reste à l’écoute du sens de la réalité, en ponctuant chaque chapitre de détails idoines pouvant mener à une effroyable explosion de violence ou à une révolte intérieure. La sécheresse de l’écriture (peut-être due à la traduction ?) dote l’histoire d’une tonalité presque chirurgicale, où l’empathie est mesurée et l’anecdote camouflée. De facto, il s’agit d’une plongée dans l’Amérique de toutes les contradictions. A nouveau, l’écrivaine refuse d’apposer le moindre jugement, essayant simplement de décrire le plus objectivement possible des tourments obsessionnels sous leurs aspects divers. Ceux qui connaissent ses livres précédents l’affirment : « L’homme sans ombre » parle de la fragilité humaine, de ses errements et de sa souffrance. Entre confort et inconfort, ce roman peut s’apparenter à une gifle qui nous arrache du ronron et de notre suffisance. Efficace et bien huilé ! Ed. Philippe Rey – 394 pages Paul Huet
BONHEURS ET SURPRISES DE LA LANGUE Le français, à l’instar de toutes les langues véhiculaires, est un matériau intangible et poreux, qui réagit au contact de nombreux vecteurs, toujours en réaction avec une société qui s’accroche aux modes, aux technologies et à une jeunesse à la recherche de ses propres formules sémantiques. Les adeptes du bon langage ne peuvent évidemment pas nier cette évidence et savent que lutter contre le temps qui passe est voué à l’échec. Le présent ouvrage s’évertue à dépister dans le parler de nos concitoyens ce qui le rend tellement attractif et ce qui en fait sa richesse. A côté de l’écriture de dictionnaires et d’essais, l’Académie française a pour vocation de constater la manifestation du génie oral par le truchement d’interventions qui deviennent progressivement des mots nouveaux ou expressions devenues communes auprès d’une frange de la population. Emprunts, déformations et créations, tout se conjugue dans un vaste réservoir qui laisse aux années l’opportunité de célébrer ou non son office. Qu’on le veuille ou non, tout change, servi par des paramètres qui échappent au quidam. Pourtant, il n’y a pas matière à se heurter à un mur, la langue française se sert de ses atours pour rayonner dans le monde et prouver qu’elle n’a rien d’une vieille dame. Le présent essai se targue de revenir à l’origine d’expressions familières telles que « Je t’aime grave » ou « C’est plié », tout en ne rechignant jamais à comparer ce qui peut l’être. Quelle différence existe-t-il entre « lardons, brocards et autres piques » ? Faut-il encore utiliser le subjonctif imparfait ? Savourons ce divertissant hommage à nos racines sans avoir peur de relire l’un ou l’autre chapitre. Ed. Philippe Rey – 288 pages Paul Huet
VENISE Sans collaboration avec l’Office italien du tourisme, Dominique Fernandez (auteur) et Ferrante Ferranti (photographe) se sont baladés dans Venise, ville éternelle, pour immortaliser des instants nappés de beauté, de la lagune aux palais somptueux chargés de souvenirs frémissants. Evidemment, les photographies restent l’atout premier de ce bel ouvrage couché sur papier glacé. Un livre que l’on feuillette pour voyager sans quitter le velours de son canapé et l’ambiance feutrée de son intérieur, qui donne également des envies de vacances et qui dégage une ambiance feutrée où rien n’est laissé au hasard. S’il y a une cité qui captive autant les regards, il s’agit bien de celle-ci, avec une légèreté toujours de mise, une douceur qui attrape le touriste sans jamais insister et un murmure insolite qui sourd des pierres dissimulant mille secrets. On songe forcément aux doges qui ont façonné son histoire, aux peintres Véronèse, Pietro Longhiu et Gimbattista Tiepolo qui ont immortalisé ses façades et à Antonio Vivaldi qui y a fait naître moult concertos et opéras. Sans forcer la promenade, l’écrivain et son photographe exhument les odeurs du passé pour prouver à quel point le présent s’inscrit dans tout ce qui a été vécu par d’autres générations et avec quelle force la ville se nourrit de tradition, fière de garder la tête haute face à la modernité et sans avoir à forcer la marche à coups de pied. Musarder au hasard des ruelles, entrebâiller la porte de maisons séculaires ou marteler des talons le carrelage des musées, voilà un objectif qui se veut un itinéraire loin des guides formatés pour les touristes d’un jour. « Venise » nous parle du développement de l’art, rappelle les navigateurs audacieux et dessine les contours d’un lieu mythique, sans s’abstenir de parcourir ses endroits phares tels que la place San Marco, l’Academia les Zattere ou l’église San Zanipolo. Ed. Philippe Rey – 158 pages Daniel Bastié
SUR LES AILES DE LA BEAUTÉ On a beaucoup disserté sur le sexe des anges, au point d’en faire une expression prouvant à quel point les religieux peuvent disserter de points futiles au détriment de questions largement plus importantes. Loin de vouloir dresser une étude théologique de nos compagnons ailés, Michael Lonsdale, comédien et chrétien convaincu, revient sur leur rôle à travers le travail de divers artistes anciens et modernes et en profite pour nous rappeler qu’ils demeurent omniprésents dans la Bible, figurant l’action de Dieu autant dans l’Ancien que le Nouveau Testament. Durant des siècles, les créateurs (tels Fra Angelico, Georges de la Tour, Piero della Francesca, Raphaël, Rubens, Le Caravage et, parmi beaucoup d’autres, Marc Chagall) se sont inspirés des textes saints pour donner naissance à des toiles, des dessins ou des sculptures inspirés par leur dimension surnaturelle. Le grand défi a toujours été de les humaniser pour les rendre proches des membres de la communauté des croyants. Fasciné par leur mystère, l’auteur a rassemblé soixante œuvres, qu’il juge essentielles, et revient sur chacune d’elles pour une analyse à hauteur d’homme, destinée avant tout à replacer chaque séquence dans son épisode littéraire et à présenter succinctement l’artiste dans son époque, avec son style et sa technique. Il en ressort une riche représentation et un voyage à travers les siècles qui ressemble à un musée de papier destiné à nous émerveiller ou à nous inviter à la méditation. Ed. Philippe Rey -128 pages Daniel Bastié
RESTITUER LE PATRIMOINE AFRICAIN La récente réouverture du Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren) s’est doublée d’une polémique. Que faire des objets spoliés au début du siècle précédent et de l’image colonialiste inscrite dans le marbre du bâtiment ? La question se pose également un peu partout en Europe et nous renvoie au temps du colonialisme, époque où il était coutumier de s’emparer des richesses du Sud afin de les rapatrier dans les pays industrialisés. Aujourd’hui, plus aucun historien sérieux ne nie cette évidence, même si de nombreux états préfèrent éluder le débat. Comme la Belgique, la France s’est emparé de matières premières pour alimenter ses usines et d’œuvres d’art pour étoffer ses collections. Malgré maintes protestations, il n’a jamais été jugé bon d’évaluer la situation autrement qu’en affirmant l’inaliénabilité de ce patrimoine, jusqu’à ce qu’Emmanuel Macron ose lever le tabou dans le cadre d’un discours survenu en novembre 2017 à Ouagadougou et évoque la possible restitution de certains biens. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy savent que les palabres n’ont aucun effet constructif et préfèrent saisir le problème à ses origines, en dressant le récit de deux siècles de conquête et en racontant de quelle manière les Européens se sont servis au-delà de toute décence. Ce livre dresse un inventaire des pièces volées, narre les efforts des pays africains pour se réapproprier leur dû et analyse les points juridiques permettant peut-être un jour de rendre une justice attendue avec impatience. Aujourd’hui, les pourparlers dégagent quelques espoirs, même si rien de tangible ne semble acquis. Néanmoins, on le sait, il s’agirait d’un geste fort qui ferait date dans l’histoire des deux continents et qui relancerait une dynamique attendue tant chez nous que de l’autre côté de la Méditerranée. Ed. Philippe Rey – 192 pages Daniel Bastié
LA DERNIERE AUBE Au seuil du vingtième siècle débute une saga virevoltante avec pour destination les deux hémisphères. Voilà l’idée de départ de l’épais roman signé Rebecca Nicais, née en 1950 à Bruxelles d’un père Français et d’une mère Hollandaise. Après des études classiques et un cursus à l’université, elle travaille comme rédactrice publicitaire puis comme directrice de la communication. Aujourd’hui retraitée, elle dispose de toute latitude pour se consacrer à ses loisirs que sont la promenade, le jardinage, la lecture et l’écriture. Fruit d’une longue réflexion et d’un énorme travail de recherches historiques, « La dernière aube » raconte l’existence des Hartog, famille juive aisée, saisie dans le tourbillon et la folie des années 30 et 40, assistant à la montée des nationalismes, entendant les discours haineux distillés depuis Munich ou Berlin, voyant la peur gagner les gens de leur communauté et préférant l’exil aux persécutions. Pourtant, le choix n’est pas facile. De quelle manière échapper à son destin, surtout lorsqu’on n’a pas de prises sur la politique et le temps qui se consume ? Passions, trahisons, décisions urgentes … rien ne leur est épargné ! Chacun tente de s’accommoder de ce qui se présente, fait face aux avanies, élude les menaces et cherche à vivre malgré tout pour crier son indépendance et son besoin de réalisation. La grande force de la narratrice rend les absents présents. Bien sûr, il s’agit de personnages de fiction, mais combien de Hartog y a-t-il eu en Belgique, en France, en Autriche, en Pologne et ailleurs ? Un livre qui exhume les fantômes du passé et qui nous rappelle que ce genre de choses ne doivent jamais plus se reproduire. Ed. Dricot – 804 pages André Metzinger
LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES CRIMES DE GRINDELWALD Alors que la saga Harry Potter s’est achevée en fanfare avec un septième opus rempli de fureur, J.K. Rowling s’est attelée à une nouvelle série façonnée autour du monde des sorciers et de la magie. Elle ancre son action en 1920 (soit plus d’un demi-siècle avant les événements dramatiques qui se déroulent à Poudlard) et nous invite à suivre Norbert Dragonneau qui entraîne le lecteur de New York à Londres jusqu’à Paris. Avec un sens unique de la narration et une imagination sans bornes, elle concocte à nouveau un monde tour à tour fascinant et angoissant, où les forces antagonistes du Bien et du Mal s’affrontent dans un combat apocalyptique. Elle y exploite des personnages qui se dévoilent sous diverses facettes et contribuent à enthousiasmer. Contrairement aux sept histoires d’Harry Potter, « Les animaux fantastiques » a été conçu directement pour le cinéma, avant d’être publié en volume broché à l’usage des amateurs. « Les crimes de Grindelwald » débute là où s’achève le premier long métrage et nous raconte de quelle manière le sorcier Grindelwald s’active à recruter des partisans après son évasion de prison. Dans ce monde de plus en plus divisé, la loyauté et l’amour sont soumis à mille épreuves, refusant d’épargner l’amitié et les liens familiaux. Comme il s’agit du script original, celui-ci ressemble davantage à une pièce de théâtre qu’à un roman traditionnel. Chaque séquence y est respectée et l’histoire se nourrit de dialogues qui se succèdent, enrichis de didascalies. Chaque élément y est également précisé comme autant de notes à l’attention du responsable des décors ou de la photographie : mouvement des protagonistes, décors, état d’esprit à incarner, atmosphère. Finalement, la chose importe peu puisque l’histoire subjugue du début à la fin et permet de retrouver en version papier les émotions vécues en salle. Ed. Gallimard Jeunesse – 302 pages Daniel Bastié
LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES CRIMES DE GRINDELWALD : LA MAGIE DU CINÉMA N°4 Afin de prolonger l’univers dévoilé au cinéma, voilà un ouvrage destiné aux fans comme aux curieux pour s’immiscer dans le monde mis en place par J.K. Rowling et découvrir les ficelles du deuxième film des aventures de Norbert Dragonneau, le magizoologiste le plus connu de la sphère cinématographique. Les surprises s’accumulent à mesure que le lecteur tourne les feuillets, passant des secrets du tournage à la fabrication des décors, de l’intervention de nouvelles créatures fantastiques au travail des comédiens. L’occasion de s’offrir une plongée dans les coulisses d’un des longs métrages les plus populaires de l’année et de revivre des scènes chargées de mystère, de rêve et de fantaisie. Afin de rompre toute éventuelle monotonie de la lecture, ce livre a été conçu de manière dynamique, en faisant se succéder photographies inédites, croquis, dessins, autocollants, rabats à soulever et affichettes à déplier. Bien entendu, les inconditionnels sont ravis et en redemandent. On le sait, les mondes mis en place par J.K. Rowling fourmillent de références, se décryptent à différents niveaux et peuvent être interprétés autrement selon l’âge de chacun. En ce sens, on peut affirmer que l’écrivaine la plus célèbre (et la plus riche !) de Grande-Bretagne a réussi à fédérer plusieurs générations et a mis en place un mythe loin de s’essouffler. Ce quatrième tome d’une collection appréciée n’a pas d’autre vocation que celle d’entretenir la fougue des amateurs et de revivre chez soi la magie découverte sur grand écran ou par le biais du livre qui en a été tiré ! Ed. Gallimard Jeunesse – 96 pages Daniel Bastié
UNIQUE(S) L’être humain est un animal grégaire, pourtant il ne s’exprime jamais mieux que par son unicité. Quel intérêt et quel épanouissement trouve-til à reproduire l’avis de la meute et à se fondre dans la multitude ? Personne n’est dupe et, pourtant, la société nivelle le débat en rappelant constamment une série de règles qui brident l’expression des talents. La famille, l’école, la sphère professionnelle intiment et pointent de l’index pour uniformiser et standardiser les esprits. Que penser également d’un avenir qui investira toujours davantage dans l’intelligence artificielle et qui, à terme, risquera de supplanter l’homme par des machines ? Pourtant, des voix s’élèvent à contre-courant afin de réveiller les consciences et secouer la vive intelligence qui réside en chacun pour, avec ce que nous sommes intrinsèquement, construire une chaîne faite de talents épars et d’initiatives destinés à bâtir la société de demain. Alexandre Pachulski signe un plaidoyer vibrant en faveur de la révolution indispensable pour nous aider à reprendre le contrôle de notre bien-être le plus singulier et le plus précieux : c’est-à-dire nous-mêmes ! En étayant ses arguments d’exemples tirés principalement de la culture pop, il nous incite à prendre conscience à quel point nous demeurons des autodidactes du bonheur, sans véritable mode d’emploi et rarement stimulés au moment de mettre en œuvre des processus destinés à accéder à nos aspirations. Au passage, il ose plusieurs slogans : conserver son idéalisme sans perdre son innocence, essayer plutôt que de planifier, le travail idéal n’est pas au travail, ne pas confondre chemin et destination, savoir provoquer sa chance, apprendre à digérer les échecs, ne pas gagner sa vie puisqu’elle est déjà acquise, s’ouvrir à de nouveaux possibles, anticiper les dérives, etc. Selon lui, les impératifs modelés par le groupe s’opposent au temps qu’on devrait réserver au bien-vivre, bousculé par la course à l’argent, la réussite sociale ou le regard des autres. Cet ouvrage plaide pour davantage de libertés et la redécouverte de soi. Ed. E/P/A – 298 pages Daniel Bastié
LES COSTUMES FONT LEUR CINÉMA Mimi Lempicka est costumière, avec cette spécificité de travailler pour le cinéma français et de contribuer au rêve qui consiste à faire décoller des milliers de foyers de la banalité du quotidien. Nommée dans la course au César pour « Cloclo » (2013), elle a enfin vu son métiersalué par toute la profession avec l’obtention du César 2018 des meilleurs costumes pour le long métrage « Au revoir, là-haut ». A force de persévérance et de savoir-faire, elle est devenue un atout précieux dès l’instant où un projet se concrétise, apportant un savoir-faire et un talent fou à chaque production entraînant le spectateur dans un univers en deux dimensions. Sans perdre un temps fou à digresser, elle se sert d’exemples concrets et sort ses précieux carnets de croquis, ainsi que ses maquettes, pour révéler en quoi consiste le travail dans les coulisses d’un studio et démontrer la nécessité du regard précis en accord idoine avec le metteur en scène. De la compréhension du script à la recherche de l’inspiration, de la construction des personnages à la sélection des tissus et accessoires, rien ne doit être pris à la légère, car les habits dotent les protagonistes d’une aura singulière qui se reflète à l’écran et participe à la magie globale du film. Active depuis la fin des années 80, Mimi Lempicka a œuvré sur plus de cinquante productions allant de « Le grand bleu » à « Harrison’s flowers », sans oublier « L’ennemi intime », « Les beaux gosses » et, parmi beaucoup d’autres, « Iznogoud ». Un job passionnant trop souvent relégué au second rang et méconnu du public. Voilà un beau livre à offrir à ceux qui s'intéressent au septième art, mais aussi à la mode et aux vêtements. Ed. E/P/A – 252 pages Daniel Bastié
LE JOUR OÙ TU ES NÉ UNE DEUXIÈME FOIS Non sans tendresse, Élizabeth Tchoungui se raconte à travers un récit touchant et évoque le drame de son fils Alexandre, né en 2008 et révélé autiste à la naissance. Très vite, elle adopte un ton qui a toujours fait d’elle une battante. Un : ne pas se fier à l’avis d’un seul professionnel de la médecine. Deux : prendre les dispositions qui lui paraissent les plus utiles en se fiant à son instinct. La vie n’est finalement pas si compliquée. Il suffit d’écouter son cœur et de ne pas s’inféoder aux sirènes de désespoir qui hurlent à tout-va. Au passage, elle parle des difficultés qu’elle rencontre avec une société peu prête à affronter la différence, des quidams qui ne prennent pas la peine de s’informer, du monde de l’école et, de manière plus globale, d’un système hermétique aux difficultés des autres. Puis, il y a toujours un espoir de progression, une brèche qui s’autorise deux doigts d’air dans la bulle qui englobe le patient. Bien sûr, il y aura encore des crises d’angoisse, des replis sur soi, de gestion d’instants qui témoignent que l’échange est possible, que les émotions parviennent à s’exprimer et que chaque progrès, aussi minime soit-il, devienne signe d’espérance. Au fil des années, la maman, l’auteure, la journaliste télé, a appris à ne pas se projeter dangereusement de l’avant et à profiter des pépites du quotidien, attestant que le présent demeure un bien vraiment précieux. En compagnie de son enfant, elle a principalement découvert la vertu d’être attentive à ce qui façonne la vie de surface, à ne pas se laisser gober par les facilités qui nuisent à la simplicité du bonheur, à ne pas chercher la suffisance et à se satisfaire à être heureuse seconde après seconde, entourée de ceux qu’elle aime. Ed Flammarion – 218 pages Amélie Collard
LES COLOMBES DU ROI-SOLEIL : LA PROMESSE D’HORTENSE Hortense, Isabeau, Charlotte et Louise sont inséparables. Toutes quatre sont réunies au pensionnat de Saint-Cyr et attendent ardemment leur majorité pour épouser un jeune homme de leur rang, conscientes de l’énorme chance qu’elles ont de suivre une instruction destinée aux jeunes filles issues de la noblesse de province. L’objectif consiste à les former pieusement, mais également de manière libérale. Néanmoins, tout ne se passe pas toujours sans anicroches. Hortense est follement éprise de Simon, mais a beaucoup de mal à s’épanouir loin de lui. Alors, pour donner un coup d’accélérateur au destin, elle s’enfuit en sa compagnie, même si elle sait qu’elle peut provoquer l’ire de Louis XIV. Anne-Marie Desplat-Duc (auteure), Roger Seiter (scénariste) et Mayalen Goust (dessinatrice) signent un roman graphique bardé de fantaisie. La série « Les Colombes du roi soleil « se poursuit avec ce quatrième opus et parle d’amour vrai, d’initiation à la tolérance et du droit de formuler des opinions personnelles. La syntaxe se base sur une histoire linéaire, des phrases simples et un vocabulaire d’époque, permettant une plongée dans le Siècle des Lumières sans avoir mal au crâne. L’héroïne vit une aventure à la hauteur de son caractère et qui se finit bien. Optimiste ! Ed. Flammarion Jeunesse – 68 pages Daniel Bastié
ZOMBIES ZARBIS : RIEN NE VA PLUS Les zombies se suivent et ne se ressemblent pas. Après ceux de « Walking dead », voici les cadavres animés du petit cimetière de Noirsant, aussi tranquilles et sympathiques que leurs confrères ne le sont pas. Ils passent la nuit à discuter, à partager le thé et à jouer aux osselets. Malheureusement, la rumeur se répand qu’un sort maudit les lie au lieu où ils ont été inhumés et qu’un promoteur cupide veut détruire leur dernière demeure. Mouvement de panique et sentiment immédiat de révolte. Seul Romain, un garçon humain, pourrait les tirer de ce mauvais pas. Marie Pavlenko et Carole Trébor passent à la vitesse supérieure avec un récit jeunesse qui s’éloigne des codes et fait des non-vivants des compagnons drôles et attachants, scellés à leur passé et heureux de vivre une seconde existence plutôt que de pourrir sous terre. A l’aide d’un vocabulaire simple, de descriptions efficaces et d’un rythme soutenu, elles entraînent le lecteur dans un univers plaisant, où les méchants ne sont pas ceux qu’on croit et où les préoccupations ressemblent beaucoup à celles des citoyens ordinaires. Enfin, elles proposent une leçon de tolérance qui aide à grandir. Prendre un zombie par la main devient une option qui trouve ici tout son sens dans une société de plus en plus rétive à accueillir l’autre et qui regarde avec crainte les migrants s’installer chez nous. Attention, les humains passent à l’attaque ! Ed. Flammarion jeunesse – 228 pages Daniel Bastié
DEUX FEMMES Deux femmes que tout oppose se retrouvent confrontées à un commando de terroristes. Durant une nuit, elles vont partager leurs émotions et leurs angoisses, prêtes aux extrémités pour survivre et retrouver la lumière du matin. Pourtant, dès le départ, rien ne semble gagné. Chacune possède une vision personnelle de l’existence. Les coups qui pleuvent, elles connaissent ! Pour faire un mauvais sort au destin, la première lutte contre le chagrin qui la lamine depuis la mort d’une de ses filles. Elle se bat de toutes ses forces pour faire taire la douleur qui lui ronge le crâne, vicie sa mémoire et hante ses souvenirs. Quant à la seconde, elle est tireuse d’élite et chargée de mission afin d’éliminer plusieurs criminels de guerre. Sans empathie, elle est entrée dans les services secrets pour servir sa patrie, faisant abstraction de son bonheur personnel. Après « Mektoub » et « Les frangines », Denis Soula signe un troisième roman qui met en scène des femmes modernes et raconte leurs blessures, leurs émois et leurs espoirs. Malgré des passages glauques, il offre une vision optimiste de la vie, qu’il parfume de descriptions poétiques et de belles envolées lyriques. Son style très narratif bascule du rire au silence, de l’intériorisation aux confidences impudiques et du mouvement au repos lénifiant. Le récit se déroule quelque part en France. De nos jours. Ed. Joëlle Losfeld – 112 pages Amélie Collard
EN PREMIÈRE LIGNE Depuis que la presse existe, les journalistes se trouvent sur tous les fronts pour couvrir l’information, parfois au risque de leur liberté ou de leur vie. En entrant dans l’ère des guerres modernes, leur métier a évolué, les entraînant aux quatre coins de la planète pour être les premiers à ramener ce qui fait l’actualité. Jean-Paul Marthoz revient sur l’histoire de ces femmes et de ces hommes qui bravent le danger au nom du droit des médias à s’exprimer sans entraves. Cet ouvrage dépasse le portrait complice de baroudeurs sans peurs et soulève des questions primordiales que sont le prix d’un reportage, la manière de gérer les risques comme les appréhensions, la façon idoine de relater l’horreur sans sombrer dans les excès, la neutralité à conserver quoi qu’il arrive et la force d’aller à contre-courant de la pensée globale pour revenir sur le passé afin d’expliquer le présent. Au fil des chapitres, il apparaît que cette profession est autrement plus complexe que nombreux l’imaginent à travers la petite lucarne de leur téléviseur ou le papier recyclé de leur journal. Des dilemmes surgissent régulièrement. Sous quel angle exposer un événement ? Peut-on faire preuve d’empathie pour les victimes ? Pourquoi couvrir telle tragédie plutôt que celle-là ? Les enjeux géopolitiques associés à telle ou telle partie du monde influencent-ils les missions ? Couvrir une guerre revient surtout à la décrire de l’intérieur, avec des récits de souffrance et de sacrifices. Sans se départir de son humanité, le professionnel se doit de transmettre un témoignage intact, à défaut de quoi le journalisme deviendrait partisan ou, pire, collaborerait aux exactions. Voilà un essai qui montre que les envoyés spéciaux ne doivent jamais devenir des hyènes de l’info, mais demeurer des êtres responsables soutenus par des convictions morales et éthiques qui pèsent sur le poids du monde. Ed. Mardaga – 272 pages Daniel Bastié
CHRÉTIENS D’ORIENT : MON AMOUR On connaît forcément les catholiques, les protestants, les Témoins de Jéhovah et les orthodoxes, pourtant il nous est souvent raconté que les disciples du Christ se comptent par familles entières et que nous ne disposons pas suffisamment de doigts pour les additionner. Sous la direction de Marie Thibaut de Maisières et Simon Najm, une équipe s’est évertuée à recenser sous forme de mosaïque la diversité des chrétiens d’Orient, dont certains sont issus des premières années antérieures à la crucifixion de Jésus. Il ne s’agit pas d’un dictionnaire, mais d’un voyage à travers les communautés, qui ne cherche pas à prouver quoi que ce soit mais à montrer la ferveur de gens différents qui adhèrent à une foi commune et prêts à donner du temps et de l’énergie pour la faire fructifier. Des boîtes de nuit de Beyrouth aux premiers rangs des églises coptes, d’Al-Mynia en passant par les zones de conflits, ce bel ouvrage richement illustré par les photographies de Johanna de Tessières et Olivier Papegnies se veut un partage d’enthousiasme destiné à approfondir notre connaissance du christianisme, même si la volonté des auteurs n’a jamais été de faire œuvre de réflexion ni de catéchèse. Voici plutôt un abécédaire qui parle de mots aussi disparates que : araméen, engagement, jeunes, Jordanie, martyr, Ninive, pudeur, racines, vin et bien d’autres. Ed. Mardaga – 267 pages Sam Mas
LA FOLLE CAVALE DE FLORIDA MEYER Cédric Fabre signe un road-movie qui ne ressemble à aucun autre. A la poursuite de son avenir et cherchant à tirer un trait rouge sur son passé, Florida roule à vive allure au volant d’une Triumph TR4. Direction : la maison de son amant, un puissant avocat dont le cadavre repose dans le canoé tracté par la belle cylindrée. Depuis que l’homme s’est accidentellement tué en tombant lors d’une excursion dans les gorges du Verdon, une obsession la taraude : éviter le moindre scandale et tenir la presse à distance. Pour ce faire, elle ne voit qu’une solution : ramener le corps chez lui et mettre tout en scène pour faire croire qu’il est décédé entouré de l’affection des siens. Naturellement, rien ne se déroule selon les plans escomptés. Le trajet est extrêmement long et de nombreuses rencontres émaillent le voyage, dont un auto-stoppeur peut-être pas totalement là par hasard. A mesure que le temps s’égrène, Florida s’interroge à quel point elle connaissait vraiment celui qu’elle enlaçait de ses bras. Et si les apparences étaient trompeuses et si de tierces personnes avaient planifié un meurtre en le déguisant en chute ? Suspense magnétique et histoire d’amour trouble, « La folle cavale de Florida Meyer » se déroule sur fond de remous sociaux et traite des fêlures qui meurtrissent certains individus entiers, en proie au soupçon. Ed. Plon – 298 pages Daniel Bastié
LES ÉMOTIONS CACHÉES DES PLANTES Depuis quelques années, Didier Van Cauwelaert s’intéresse à la nature et à la vie sous toutes ses apparences. Après « Les abeilles et la vie » et « Si tu étais une abeille ? », il a décidé de traiter le vaste réservoir scientifique que sont les plantes et, plutôt que nous proposer un énième traité de botanique, il nous parle de la relation des végétaux entre eux, attestant qu’ils sont capables d’éprouver une gamme variable d’émotions et de transmettre des ressentis. Avec un sens inné de la pédagogie, loin des termes techniques pontifiants, il use d’un langage qui opte pour la vulgarisation, afin de nous expliquer de quelle manière les plantes interagissent pour communiquer, dotées d’une véritable intelligence, voire d’une forme primaire de télépathie. Le contenu de ce livre est le fruit de longues observations menées par des spécialistes insignes et repose sur des expérimentations reconnues. Selon l’auteur, la nature ne cesse de nous solliciter et de nous transmettre des messages auxquels nous restons sourds. Pourquoi certaines personnes parlent-elles à leur géranium ou à leur bégonia ? Alors, en route pour une fabuleuse histoire de la conscience qui mène à nos racines végétales, dont le monde sauvage semble nous fournir tant de preuves éloquentes comme si elles nous tendaient un miroir ! Pourquoi en être étonnés ? Aujourd’hui, plus personne ne nie que l’humanité descend du singe. Chose qui nous amène à omettre qu’une algue originelle s’est un jour et il y a fort bien longtemps métamorphosée en animal tel que nous le racontent certains fossiles. Ed. Plon - 199 pages Paul Huet
LES BÂTARDS DU DIABLE La foi n’est pas tout. Un jeune séminariste prêt à prononcer ses vœux est blessé dans les bois et s’évanouit. Lorsqu’il se réveille, il se retrouve entravé à un lit et séquestré par une femme mutique. Que lui veut-elle ? Qu’attend-elle ? A ses questions s’oppose un silence assourdissant. Pourtant, elle prend soin de sa personne, le soigne et le nourrit. A mesure que les journées passent, elle ose des vêtements moins gris et se met également à lui parler par énigmes, comme si elle craignait de se dévoiler complètement ou d’étioler la raison de ce kidnapping. Alors que le jeune homme pensait que le pire était arrivé, il se fait violer. Juchée sur lui, la femme se tord sans plaisir, avec des gestes froids et mécaniques. Enfin, il parvient à fuir, en emportant une photographie de celle qui l’a mortifié. De retour chez ses parents qu’il tenait à rassurer, il décide de mener une enquête, sans leur confier les affres de son enfermement. Ses investigations l’amènent à exhumer le passé et à découvrir les traumatismes vécus par sa tortionnaire. Dès lors, il n’a de cesse que de vouloir la libérer du mal qui la taraude, tout en souhaitant expier ses propres démons nés dans le péché. Daniel Cario signe un roman dont le début fait songer à « Misery » de Stephen King, pour s’en échapper rapidement et tenter la piste du thriller psychologique teinté de mysticisme. L’auteur est professeur de lettres et cela se sent à travers sa plume maîtrisée qui multiplie les effets sans jamais appuyer sur la pédale des excès. Au demeurant, voilà un livre complexe qui fait la part belle aux descriptions et qui analyse en profondeur les tourments d’un futur prêtre confronté à une réalité qu’il n’imaginait pas dans ses rêves les plus lugubres. Ed. Presses de la Cité - 318 pages André Metzinger
GALA-DALI Muse et épouse de Salvador Dali, Gala (1894 -1982) a traversé le vingtième siècle à vive allure. En réalité, nous savons peu de choses à son sujet. C’est pourquoi Carmen Domingo a préféré revisiter son existence sous la bannière du récit romancé et narrer son enfance solitaire dans la haute société russe entre ses deux frères et sa sœur, la tuberculose dont elle souffrait, ses débuts d’institutrice et son départ pour la Suisse dans un sanatorium où elle a fait la connaissance de Paul Eluard. Tous deux se sont mariés et de leur union est née une fille. Ensemble, ils ont fréquenté les avant-gardistes : Breton, Soupault, Aragon, etc. Elle est ensuite devenue la maîtresse de Max Ernst, qui en a fait de multiples portraits. Lors de la projection du film « Le chien andalou », elle s’est liée à Salvador Dali et ne l’a plus quitté. Elle le pressentait comme le plus grand peintre du XXe siècle, séduite par son imagination et sa personnalité. Très vite, elle s’est métamorphosée en inspiratrice, en agent et en intarissable source de félicité. Biographie romancée « Gala-Dali » se penche sur l’une des femmes les plus charismatiques et les plus importantes du monde culturel des années 1900 et raconte une formidable histoire qui a donné naissance à des toiles remarquables, façonnées par le pinceau d’un génie excentrique. Sans Gala, Dali n’aurait vraisemblablement jamais été l’artiste adulé de son vivant. Sans doute pour des questions de droits, la couverture de ce livre ne reproduit pas une œuvre du Maître … Ed. Presses de la Cité – 410 pages Daniel Bastié
LORD GWYNPLAINE Histoire de vengeance librement inspirée de Monte-Cristo, JeanBernard Pouy et Patrick Raynal proposent un récit viscéral et pulsionnel qui raconte de quelle manière un homme revenu de quinze longues années de geôle dans un bagne guyanais décide d’en découdre avec les salauds qui l’ont trahi et expédié devant les juges. Flanqué d’un trésor aux origines sibyllines, il a adopté une nouvelle identité, tout en se bardant d’une détermination à toute épreuve. Prêt à défier le sort, il se lance dans une mission corrosive à la recherche de l’auto-justice. Politiciens corrompus et traitres de tout acabit, tous deviennent sa cible de prédilection. Avec un sens du rythme qui fait mouche, le duo se délecte à actualiser un récit classique et à le circonscrire dans la société actuelle pour offrir au lecteur des instants jubilatoires faits de rebondissements et de surprises. Plutôt que de signer un copié-collé du classique d’Alexandre Dumas, ils osent les chemins de traverse et nous parlent de l’argent-roi qui permet de se placer au-dessus des lois et d’arracher les masques. Dès les premiers chapitres, on se rend compte qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise et que les auteurs remplissent leur contrat avec un thriller addictif, sans temps morts, au point d’éprouver un réel sentiment d’empathie pour le héros qui a eu la malchance de se trouver à la mauvaise place au mauvais moment. Du coup, on jubile lorsque les coups de bâton pleuvent en sens inverse et que les crapules succombent progressivement. Il convient également de saluer la manière dont un homme ordinaire (un quidam !) trouve la force de se métamorphoser en machine à broyer et à faire payer au centuple l’addition d’une punition imméritée. La construction du livre ressemble à une gigantesque arantèle qui, lentement, se tisse au-dessus du crâne des perfides et souligne l’évolution psychologique du gentil Erwan en cruel Lord Gwynplaine, devenu incapable d’émotions et de pardon. Concis et dramatique, ce roman bénéficie d’une langue claire et sans facilités, où chaque détail prend de l’importance à mesure que l’aventure progresse vers un dénouement forcément violent. Ed. Albin Michel – 572 pages Daniel Bastié
DE SI BELLES FIANÇAILLES Mary Higgins Clark doit son succès à un tricotage de polar et de romance, avec la réputation d’être l’une des auteures les plus lues à travers le monde. Son œuvre a également fait l’objet de nombreux films et téléfilms, qui ont contribué à exporter son nom. Depuis quelques livres, Alastair Burke s’est associée à la reine du suspense pour la seconder dans l’écriture, capable d’un mimétisme étourdissant et fédérant à son tour bien des enthousiasmes. Sans rien modifier à une formule rondement menée de main-de-maître, toutes deux racontent le destin de Laura Moran qui, depuis la célébration de ses fiançailles, flotte sur un nuage. Néanmoins, la réalité la rattrape au quart-de-tour. Enquêtrice pour une célèbre émission télévisée, elle est amenée à se pencher sur une sordide affaire de meurtre jamais élucidée. Les parents de la victime font appel à sa sagacité pour rouvrir un dossier vieux de cinq ans, qui accumule la poussière sur une étagère et que personne ne souhaite évoquer. D’emblée, une suspecte est mise en exergue : la veuve qui, curieusement, refuse tout entretien. Il apparaît également fort vite que des zones d’ombre ont été négligées et que les investigations ont été bâclées. Réveiller le passé réanime forcément des démons que peu aiment voir exhumés, d’autant plus que de sordides secrets semblent être cimentés à ce fait divers tragique. Bien entendu, tout serait trop facile si les apparences n’étaient pas trompeuses et si la vérité se situait là où on aimerait la trouver. Sans plus rien avoir à prouver, Mary Higgins Clark demeure fidèle à son style et cisèle une atmosphère angoissante devenue sa signature. Ed. Albin Michel - 377 pages Daniel Bastié
ALEXANDRE SOLJENITSYNE, UN ÉCRIVAIN EN LUTTE AVEC SON SIÈCLE Né en 1918 dans le Nord du Caucasse, Alexandre Soljenitsyne grandit dans la sphère soviétique. Enfant d’une famille modeste, le régime lui permet d’effectuer de brillantes études de philosophie et d’histoire. Promu officier, il rejoint le front lorsque l’Allemagne déclare la guerre à son pays, période durant laquelle il se distingue par son courage. En 1945, la police l’arrête à cause de sa correspondance contre Staline. Condamné, il interne un goulag ou camp de travail pour huit longues années. Afin de trouver un emploi et survivre, son épouse demande le divorce. Réhabilité en 1956, il reçoit un poste d’enseignant à l’Université. Dès le début des années 60, ses ouvrages obtiennent un retentissement mondial, faisant de lui l’un des plus grands écrivains vivants d’URSS. Forcé à l’exil, il refuse de se soumettre aux pressions diverses et n’a de cesse de dénoncer les dérives du communisme, les exactions de ses dirigeants et les crimes commis au nom de la raison d’État. En 1973, « L’archipel du goulag » fait l’effet d’une bombe et décrit les conditions extrêmes des prisonniers politiques, témoignage percutant contre un régime devenu dictature sanguinaire et véritable rouleau-compresseur du Kremlin qui contraint les artistes à se mouler dans les idées imposées d’en-haut. Rendre hommage à ce géant de la littérature, à cet homme visionnaire qui, plus que tout autre, est parvenu à circonscrire les maux du XXe siècle que sont le matérialisme et l’arrogance, voilà l’objectif de ce livre rédigé sous la direction de Georges Nivat. Inclassable, Alexandre Soljenitsyne laisse une œuvre prophétique et universelle, jamais réductrice et sertie d’éléments autobiographiques. Dans le cadre de la Glasnost, on sait qu’il est revenu en Russie et que sa nationalité lui a été restituée. Symbole de la résistance intellectuelle, il a été régulièrement attaqué par ses concitoyens, avant d’être célébré et paré d’une aura qui continue d’être associée à son nom. Ed. des Syrtes - 304 pages Daniel Bastié
LES ANIMAUX DANS LA SPIRITUALITÉ ORTHODOXE Les animaux sont présents dans la Bible et revêtent une importance capitale dès le premier chapitre de la Genèse, puisqu’ils sont créatures de Dieu, venus à la vie par sa volonté et dotés d’une force intrinsèque. De facto et par leur comportement, ils ont énormément à apprendre aux hommes tant sur la nature que sur notre manière de fonctionner. Le livre saint parle également du rapport de l’humanité au monde animal. Au cours de l’histoire, on sait également que de nombreux croyants en ont tiré de l’enseignement et des exemples de vie. Selon la diversité de leur espèce, chaque être vivant possède de l’importance aux yeux du démiurge. « Les animaux dans la spiritualité orthodoxe » vise à rassembler des extraits de textes bibliques, autant que des morceaux d’écrits tirés du parcours des Saints. Ici, tout concourt pour nous inviter à un esprit de concorde et de communion avec ce qui nous entoure. Chaque animal possède sa raison d’être, même le plus sauvage. Tous incarnent une partie du plan divin destiné à mener le monde à sa plénitude et à son accomplissement. Ce bel ouvrage rassemble des enseignements de la vie spirituelle orthodoxe, mais également de saints orientaux et occidentaux du premier millénaire et qui sont devenus au fil des siècles le patrimoine commun des chrétiens. Empreinte de sagesse et souvent de merveilleux, cette sélection nous invite à appréhender le paradis des origines du bout des ongles et à saisir nos responsabilités face à l’état de la terre qui suscite de plus en plus des réactions écologiques. Des illustrations en couleur, souvent rares et méconnues du large public, émaillent les chapitres tout en exprimant l’importance de l’iconographie dans la ferveur populaire. Une manière artistique et originale de remonter aux fondements de notre foi et de s’instruire. Ed. des Syrtes – 274 pages Sam Mas
TWIN PEAKS - LE DOSSIER FINAL Alors que les nouveaux épisodes viennent d’être diffusés à la télévision, Mark Frost sort une étude qui revient sur le phénomène « Twin Peaks » et caresse notre addiction dans le sens du poil. Contrairement au dossier précédent, dans lequel les documents étaient pour la plupart présentés dans leur intégralité, ils sont cette fois assemblés de manière à former un récit continu. L’occasion de se replonger dans le mythe mis en scène par David Lynch et qui a fait connaître le compositeur Angelo Badalamenti et la voix de la jolie Julee Cruise, avec l’exhumation de secrets macabres et l’historique de nombreux habitants. La joie est toujours aussi grande lorsqu’il s’agit de se replonger dans ce qui nous a fait frémir voilà plus de vingt ans et de retrouver certains repères qui nous avaient permis de savoir qui avait vraiment tué Laura Palmer. L’ambiance se veut lugubre, avec des descriptions pas piquées des hannetons et des instants d’introspection qui permettent à l’action de mieux rebondir après un moment de calme (apparent). Le dossier de l’archiviste, qui s’achevait brutalement en 1989, nous avait laissé de multiples orientations possibles. L’idée a germé de les exploiter en quête de réponses. « Twin Peaks – le dossier final » se veut un ouvrage complexe, bourré de suspense et qui s’adresse à celles et ceux qui ont adoré la saga vue dans la lucarne du petit écran, sirotant sans complexe un gin tonic ou un whisky on the rocks. Ed. Michel Lafon – 142 pages André Metzinger
AU RYTHME DE TON SOUFFLE Deux êtres malmenés par la vie se découvrent à Sunset Beach. Hope Anderson vit avec un chirurgien qui peine à s’engager. Lasse d’attendre qu’il prenne la décision de l’épouser, elle prend du recul pour réfléchir à leur relation et renouer avec son père gravement malade. De son côté, Tru Walls, fraîchement divorcé, choisit d’enquêter sur ses origines et de percer le mystère de sa naissance. La passion, aussi soudaine que brutale, les pousse dans les bras l’un de l’autre, mais de quelle manière conjuguer leur avenir alors que tout semble les séparer ? Nicholas Sparks signe un roman plein d’empathie, qui fait plaisir et qui mérite d’être lu. Il parle de passion et prouve que chacun a le droit de s’offrir une seconde chance. Le bonheur n’est pas une quête veine et survient là où on s’y attend le moins. Durant quelques jours, le couple né par hasard s’ébat (et se débat) dans des paysages splendides. Comme toujours, l’auteur se sert de détails pointus pour nourrir la narration, jongle avec la psychologie des personnages sans en faire trop et joue avec le temps qui se rétrécit, alors qu’on souhaiterait le voir se figer pour immortaliser les minutes de vive intensité. Sa plume se veut toujours fluide et intime, avec un traitement énergique et quelques rebondissements bienvenus. Plusieurs de ses ouvrages ont été scénarisés pour le cinéma, dont « Une bouteille à la mer » avec Kevin Costner, « N’oublie jamais » avec Rachel McAdams, « Nos nuits à Rodanthe » avec Richard Gere et, parmi beaucoup d’autres, « Cher Jones » avec Amanda Seyfried. Des dix livres adaptés de son œuvre pour le grand écran, tous ont reçu des critiques élogieuses. Comme toujours, le romancier se tient à trois règles de base : des personnages charismatiques, une intrigue romantique et les décors magnifiques de la Caroline du Nord. Une formule qui paie ! Ed. Michel Lafon - 334 pages Amélie Collard
UN ÉTÉ SURRÉEL Salvador Dali est un peintre de génie, encore méconnu du grand public. Nous sommes en 1929 à Cadaquès. L’été flamboie. Chez lui, il côtoie la fine fleur du mouvement surréaliste. Parmi les convives, il tutoie le poète Paul Éluard et croise le regard de Gala, l’épouse de ce dernier. Leur rencontre est hypnotique. Modèle féminin par excellence, il sait qu’elle deviendra sa muse, faite de mystère et de fascination, d’ordre et de désordre, princesse Russe émigrée d’un Moscou en flammes et amante torride, femme aux cheveux noirs et aux courbes parfaites. Maxence Fermine ne signe pas une énième biographie, mais un roman librement inspiré de la vie d’un duo entré de son vivant dans la légende et qui a fait couler énormément d’encre. Il raconte une histoire plutôt qu’un pan d’Histoire, propose une fusion entre un artiste et celle qui n’a jamais cessé de l’inspirer. On y croise la passion sans censure, une liberté absolue, le besoin de créer, la folie de l’imaginaire et une ambition qui ronge les entrailles. « Sans Gala, je ne serais rien ! », voilà ce que l’immense artiste a déclaré à qui voulait bien l’entendre. Cette phrase résume tout son attachement, dont il tirait son énergie et sa vitalité. Sans rien apporter de neuf, l’auteur revient sur des faits connus et nous plonge dans l’intimité d’un ménage médiatique, sans éluder les goûts de luxe d’une femme extrêmement magnétique. Bien entendu, on descend en apnée dans l’un des courants artistiques les plus féconds du XXe siècle sans déplaisir et avec un sens aigu du détail bien choisi. Ed. Michel Lafon – 208 pages Daniel Bastié
A LA LUMIÈRE DU PETIT MATIN Professeure de danse, Hortense aborde la quarantaine sans réel plaisir. Elle entretient une liaison chaotique avec un homme marié, qui ne la satisfait que moyennent et avec lequel elle sait qu’elle n’aura pas d’avenir. A l’âge des bilans, il importe de faire le point sur son vécu et de corriger certains angles. Peu à peu gagnée par une étrange mélancolie, elle refuse de baisser les bras et de se laisser entreprendre par ses vrais sentiments. Le présent la déstabilise et le futur lui paraît sombre. Une chute dans l’escalier et une cheville abimée la met face à ses responsabilités. Difficile de poursuivre son activité professionnelle dans cet état, tandis que son amant la préfère plus mobile. Afin de prendre du recul, elle se réfugie à la campagne dans une maison léguée par ses parents. L’occasion de faire le point, d’évaluer son potentiel à trouver le bonheur et oser tout remettre en question. Agnès Martin-Lugand nous invite au réveil d’une femme bercée de promesses lénifiantes, installée dans la routine et qui rencontrera l’amour vrai dans les bras d’un homme beau, généreux et stable. L'auteure nous raconte une histoire contemporaine à travers le portrait d'une héroïne qui ne sait plus vraiment où elle progresse, qui vit en stand-by et qui s’interroge sur le sens de l’existence, sa passion pour la danse et un amant indisponible en-dehors des relations sexuelles. En elle naît surtout le désir de constance, le besoin d’enfanter et la peur de vieillir. Comment raviver la flamme qui s’éteint lentement, de quelle manière ne pas perdre la saveur des plaisirs simples et ne pas galvauder ses choix ? Sans aucune prétention, « A la lumière du petit matin » traite d’adultère, de romance, de deuil et de la crainte d’affronter le temps qui s’égrène sans aménité avec, in fine, la question de savoir si on parvient à s’épanouir en se mentant éternellement. Ed. Michel Lafon – 364 Daniel Bastié
ET MAINTENANT Voilà un roman plein d’espoir et qui parle d’amour par le truchement du quotidien. Celui qui est magnifié par les mille attentions que le couple se porte mutuellement, qui grandit par la force des sentiments, que les poètes encensent depuis des siècles et qui pousse chacun à soulever des montagnes pour affronter les affres de l’existence. « Et maintenant » relate également le récit d’un combat. Celui que mènent Lola et Bertrand pour continuer de cheminer ensemble. Crucifiée à une douleur implacable, elle se bat pour tordre le cou aux avanies, tandis qu’il affronte ses démons. Angélique Barbérat invite le lecteur à les suivre dans l’intimité d’un foyer et accorde toute son attention aux petits gestes qui banalisent le quotidien, aux promesses, aux efforts et à l’instant magique où les destins fusionnent. Loin d’être glauque, son dernier roman traite de ce qui touche au plus profond de chacun et comble les vides laissés par les atermoiements. Après deux premiers récits, Elsa s’en est allée, abandonnant le lecteur face à un miroir qui pourrait ressembler à son propre vécu. Il ressort de ce récit que nous ne vivons pas dans une bulle protectrice et que chaque décision influe le présent. L’amour se travaille chaque jour comme un bien précieux et, s’il demeure vrai, gagne en puissance à chaque fois. Il s’agit de l’épilogue de la trilogie consacrée à Lola et Bertrand, égal à ce qui a été lu au préalable. Ed. Michel Lafon – 556 pages Sylvie Van Laere
LE JOURNAL D’AURÉLIE LAFLAMME – VOLER DE SES PROPRES AILES Ce neuvième tome permet de retrouver Aurélie au seuil de son vingt-deuxième anniversaire, avec son diplôme en poche et prête à affronter l’univers du travail. Elle postule chez « Miss magazine », pour s’engager dans la voie du journalisme. Alors que son boy-friend s’envole aux States, elle découvre les joies de la colocation avec son amie d’enfance Kate. Loin de la vie chez sa maman en compagnie de sa sœur (l’impossible Sandrine !), elle affronte un quotidien bien neuf pour elle, fait d’expériences, d’illusions et de désillusions. Bref : le vécu de toute jeune femme qui découvre le monde des adultes et qui s’y baigne par la force des choses. Pour ne rien changer à une formule qui a fait ses preuves, cette série se singularise par une folle énergie, du peps à revendre et des personnages (un peu stéréotypés) mais drôlement efficaces. Découverte à l’âge de quatorze ans, Aurélie a depuis bien évolué, mais n’a rien perdu de son aspect légèrement décalé. Face à une société en pleine effusion, elle se sent (comme à l’accoutumée) pareille à une extraterrestre égarée dans un monde où tout va trop vite, où les défis se multiplient et où maintenir son rang demeure une gageure. India Desjardins est une auteure qui gagne à être lue. Avec une verve remplie de charme, elle croque les moments qui sculptent l’existence et parvient à rendre chaque chapitre passionnant. Depuis l’apparition de son héroïne voilà une dizaine d’années, on grandit avec elle et on la suit à travers une adolescence chahutée mais diablement enthousiasmante, le tout avec une légèreté et un humour fédérateurs. La plume est fluide et n’élude jamais les thèmes profonds que sont le décès du père, les premières amours, l’entrée dans le monde actif, les amitiés fertiles. Un tout qui consiste à permettre à chacun de s’identifier aux protagonistes, sans tomber dans la psychologie facile. Quoi qu’il en soit, de volume en volume, Aurélie reste extrêmement touchante et le succès ne s’est pas fait attendre. A ce jour, plus de deux millions d’exemplaires de ses aventures se sont écoulés à travers le monde. Un véritable succès de librairie ! Ed. Michel Lafon – 319 pages Amélie Collard
LISA OU LA TERRE PROMISE Voilà la réédition d’un roman publié en 1983 et aujourd’hui épuisé ! Bien sûr, depuis, le monde a évolué et ce qui était présenté comme de la science-fiction est en passe de devenir ordinaire. Pourtant, il ne s’agit pas d’une déclinaison à la manière de « Stars war » et autre « Star Trek ». Ce serait bien mal connaître Barbara Y. Flamand, auteure à la plume prolifique et qui doit sa réputation à son talent de poétesse. Cela pour dire que ses ouvrages se nimbent toujours d’une touche de délicatesse, de termes particulièrement bien choisis et de jolies descriptions destinées à faire naître des atmosphères qui entraînent le lecteur loin des pavés de Bruxelles. Plutôt que de manipuler les poncifs, elle opte pour une histoire futuriste qu’on découvre à hauteur d’enfant, puisque le protagoniste a douze ans et se prénomme Hans. 2025 se trouve à nos portes et est presque demain. Il suffit de feuilleter les pages et de s’attarder aux chapitres pour s’assurer que la terre n’est plus la même et que de nombreuses modifications façonnent le quotidien. Au siècle des nouvelles technologies, on peut voyager dans l’espace et se diriger vers d’autres planètes. Une société de tous les possibles dans laquelle on se déboulonne des vieux cadres pour rêver autre part, s’installer loin de chez soi et aspirer à une vie meilleure. Plutôt que d’un livre rempli de bagarres et de fureur, l’auteure ose un récit en forme de parabole qui traite certes de notre vie grégaire mais qui insiste surtout sur la manière de bien grandir, de se comporter face aux autres et de devenir des adultes responsables. Même s’il n’est jamais question de comparer l’histoire avec ce qui a été écrit antérieurement, « Lisa ou la terre promise » possède un côté « Petit Prince » sans l’ombre de Saint-Exupéry. Un livre qui parle enfin de la spontanéité de la jeunesse et de ses enthousiasmes. Ed. Bernardiennes – 186 pages Daniel Bastié
LES FAMILIUS Vivre avec une tribu de lardons : voilà le quotidien des Familius, des Français qui pourraient être autant Belges que Suisses ou Hollandais, tant le quotidien varie peu d’un côté ou l’autre de la frontière et que les petits aménagements se déplient avec la routine. Légèrement gaffeur le père se targue d’être le mentor, secondé par son épouse accessoirement dépassée par les événements et un quatuor de choix : Toinette, une adolescente bien dans son jean, Oscar avec sa coiffure à la mode, Bertille qui joue encore à la poupée et Symphorien à peine sorti des couches. Ce qui se passe chez eux ? Rien de vraiment extraordinaire, sinon à peu-près la même chose que nous découvrons dans notre intérieur, chez les amis ou les voisins. Nicolas Doucet se sert d’un crayon pour croquer les traits de caractère, raconter des anecdotes rigolotes et prouver que la vie de famille mérite mille fois d’être vécue. On se situe ici à des lieues du fameux « Famille, je vous haïs ! » hurlé par André Gide. Voilà une bédé à lire pour se dérider les zygomatiques et qui propose un effet de miroir. Rigolote, tendre et fédératrice ! Ed. Artège – 48 pages Amélie Collard
LA PRIÈRE À L’ÉCOLE DU PAPE FRANÇOIS Dans notre communauté, la prière a souvent été l’enfant pauvre du christianisme. Pour le croyant, elle demeure cependant le carburant qui alimente sa relation à Dieu, le lien privilégié qui permet de s’exprimer face à lui. Si on songe directement aux prières de demandes, cela revient à occulter toutes celles qui revêtent d’autres intentions : l’offrande, le remerciement, l’adoration ou le repentir. Comme un diamant à mille facettes qui chatoient, elle endosse autant de formes qu’il existe de personnalités. Prier, c’est reconnaître notre besoin d’être vrai et chacune d’elles est respectable si elle demeure sincère. La prière confiante peut se définir comme une réaction du cœur qui s’ouvre ou de la pensée qui se libère des artifices de la société. Il ne faut pas maîtriser le latin ou le grec ancien ni avoir effectué de longues études théologiques pour se glisser dans la voie de Dieu. Même murmurée ou abrégée, elle reste authentique et valable. Le pape François nous dévoile ses secrets et nous rassure en formulant que nous n’avons pas besoin des trésors de la technologie pour exprimer notre foi. Apprendre à prier ne s’oppose à aucune contingence. En possession du langage, cela revient un peu à réaliser des mouvements de brasse lorsqu’on se retrouve dans une piscine. Des prières peuvent certes être mémorisées mais, avant tout, elles sont innées. Ce recueil thématique est complété par une sélection d’exemples sélectionnés par le pontife. Ed. Artège – 188 pages Sam Mas
SIGNES ET SACREMENTS DANS LE QUATRIÈME ÉVANGILE Jean a été apôtre et s’est retrouvé au pied de la croix, en compagnie de Marie et Marie-Madeleine. Détail qui revient à formuler à quel point il était proche du Christ. Après avoir rédigé son « évangile » ou sa version de l’histoire des faits et paroles de Jésus, il a couché par écrit l’Apocalypse, livre symbolique qui annonce le retour triomphant du Messie. Aujourd’hui, on comprend la Bible beaucoup mieux qu’il y a cent ou deux cents ans. Chaque texte est remis dans son contexte et étudié à la lumière de tout ce que nous connaissons à propos de l’Antiquité et de ses communautés parallèles ou successives. Yves-Marie Blanchard a choisi d’étudier ce quatrième évangile en tenant compte de plusieurs paramètres. Jean n’a pas souhaité relater une énième version d’un récit déjà retranscris par Matthieu, Marc et Luc, mais lui apporter son propre regard, en tenant compte de tout ce qui était déjà connu. L’évangile de Jean se veut donc une sorte de catéchèse, nourrie de signes à décrypter. Au fil des chapitres, l’auteur insiste sur la nécessité d’aller au-delà de la narration et souligne ce qu’il convient de retenir. Ici, tout converge vers le supplice au Golgotha et la résurrection. Actions, paroles, rencontres et discours font partie d’un tout qui aboutit à la conclusion que Jésus est bien l’Envoyé de Dieu, descendu pour le Salut de tous, chargé de rompre les chaînes de la souffrance et d’apporter un message d’espoir. Yves-Marie Blanchard est professeur à la Faculté de Théologie et de Sciences religieuses à Paris et propose une clé de lecture utile à quiconque souhaite aborder le Nouveau Testament. Ed. Artège – 232 pages Sam Mas
LES FEMMES FORMIDABLES À L’HEURE DU CHOIX Alice, Emma, Andréa et Chloé ne sont pas débarrassées de leurs difficultés. Après un voyage bénéfique en Grèce, elles retrouvent la banalité du quotidien et les ennuis qui lui font cortège. La routine les attend à chaque coin de rue, au boulot et à la maison. Comme Shiva, elles devraient posséder plusieurs bras pour effectuer toutes les tâches qui les sollicitent. Trop souvent, la routine ressemble à un rouleau-compresseur qui les rétame sur le pavé, au détriment de toute latitude et de toute liberté. Rien ne leur est épargné. Au quatuor s’ajoute désormais Laurence, bardée de problèmes et à la recherche du bonheur. Lorsqu’on n’a plus vingt ans ni l’insouciance de l’âge de tous les possibles, il ne s’agit pas d’égrener le chapelet des bonnes résolutions pour vivre heureuses. A force d’expériences, de victoires avortées, de frustrations et de chimères, elles apprennent que les choix ressemblent à des portes qu’on ouvre ou qu’on garde obstinément closes. Face à certaines situations, il importe néanmoins d’apprendre à trancher sans jamais craindre les conséquences qui peuvent mettre à mal l’amitié, la vie professionnelle ou le couple. Alex Riva, maman de deux adolescentes, travaille dans le domaine de la communication et dresse le portrait de contemporaines qui sont un peu le reflet d’elle-même, de ses emportements, de ses passions et de ses déceptions. Alors que les années s’ajoutent et que les certitudes ont fait leur temps, le regard perd de son intangibilité et s’ancre pour gagner en stabilité. Avec acuité, elle mène son récit sans jamais oublier que l’humour aide chacune à sortir du marasme. Ed. Denoël – 316 pages Amélie Collard
ERECTUS Science-fiction, roman apocalyptique, parabole de notre monde qui part à la dérive ? Xavier Müller propose un livre qui pousse à la réflexion tout en jouant avec les codes du fantastique et de l’anticipation. Un terrible virus transforme une partie de l’univers en êtres primitifs. Plutôt que de se métamorphoser en zombies, les victimes arborent des mâchoires proéminentes, perdent l’usage de la parole et se couvrent d’une pilosité envahissante. Si l’homme descend du singe, il importe qu’il n’y retourne pas. L’auteur part du postulat que l’homo erectus pourrait revenir et vivre de manière grégaire, totalement déboussolé par son nouvel état et prêt à suivre ses instincts. Une scientifique se lance le défi d’endiguer le fléau et de trouver un vaccin pour protéger ses semblables. Très vite se pose la question de savoir de quelle manière traiter les contaminés. Faut-il les considérer comme des malades ou voir en eux des sauvages capables de menacer la société ? Le danger semble réel et sollicite l’urgence. Dans son laboratoire, Anne Meunier sait que le temps fuit inexorablement et, afin d’empêcher l’irréversible, elle n’a pas d’autre choix que d’agir promptement en cherchant une solution idoine. Avec un sens affuté du rythme et du découpage, l’auteur narre l’indicible, en surlignant nos peurs primitives et en renvoyant l’humanité à ses origines. Au-delà de chapitres menés au cordeau, il signe une parabole effrayante sur la destinée d’une terre livrée aux apprentissorciers, à des expériences qui leur échappent et aux dérèglements de nos dirigeants. Avis aux amateurs ! Ed. XO – 429 pages Daniel Bastié
LA BIBLE ET SA CULTURE La Bible est à la fois un ouvrage sacré, humain, divin, terriblement simple et horriblement complexe. Au demeurant, celui des paradoxes ! Néanmoins, il incombe de ne pas l’aborder sans s’informer. Presque deux millénaires se sont écoulés depuis la fin de sa rédaction et il importe de ne jamais oublier qu’elle s’inscrit dans une société qui n’est pas la nôtre, avec une culture différente et des représentations autres. A cela, elle ne se targue pas d’être un manuel de sciences, mais parle des connaissances d’hommes inscrits dans une époque, qui s’exprimaient avec vérité de ce qu’ils connaissaient du monde et de leur intimité avec Dieu. Cet ouvrage fondateur (à la base de notre civilisation) a accompagné l’existence de milliards d’individus à travers les siècles et les a inspirés au plus haut point. Malgré certaines difficultés, elle demeure d’une formidable cohérence. Afin d’aider le lecteur à cheminer entre Ancien et Nouveau Testament et à ne pas se fourvoyer en interprétant erronément plusieurs textes, Michel Quesnel et Philippe Gruson, secondés par une armée de collaborateurs érudits, ont décidé de fournir un axe de lecture pour faciliter la tâche de chacun. Il apparaît dès lors que les différents livres rassemblés sous une même reliure se caractérisent par une logique implacable et obéissent à une volonté précise. Qu’on lise la Bible par conviction religieuse, par curiosité ou dans le cadre d’une démarche historique, elle reste un ouvrage majeur, rempli d’enseignements et de spiritualité. Toute l’ambition de « La Bible et sa culture » revient justement à nous guider pour visiter les récits en les resituant dans leur cadre socio-culturel autant que temporel et décrypter les symboles en s’appuyant sur des documents de son temps. Une démarche colossale ! Ed. Desclée De Brouwer – 1184 pages Paul Huet
COMMENT PEUT-ON ÊTRE TOLÉRANT ? L’aversion conduit à la ségrégation par un mouvement rationnel de rejet. On le sait, il y a de nombreuses raisons pour s’éviter et ne plus s’adresser la parole avec, à la base, des préjugés, de la défiance ou de l’éloignement. Parfois, elle mène à la répulsion ou à la haine. Aujourd’hui, la vertu passe par la tolérance, un exercice qui a modifié notre rapport au monde, avec des critères subjectifs et applaudis par les démocraties. Au XXIe siècle, il est de bon ton de s’ouvrir à tous et d’accepter les mœurs venues d’ailleurs, les orientations sexuelles les plus éparses et les croyances étrangères. Pourtant, avec les extrémismes qui se réveillent un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, on constate que l’esprit d’ouverture n’est pas inné et reste loin d’être acquis. Il exige un effort constant. En allant plus loin dans sa réflexion, Claude Habib affirme qu’elle demeure une pensée creuse tant qu’elle ne se double pas d’un réel désir d’aller au-delà de nos peurs et de nos appréhensions. Fort vite, elle risque de se fissurer à la moindre expérience négative pour sombrer à nouveau dans ce qui alimente nos travers. Toujours selon l’auteur de cet essai, la tolérance empêche essentiellement l’humiliation de l’homme par l’homme. Parce qu’elle est précieuse, elle possède un coût et réclame de l’énergie pour aller à contre-pied de nos instincts primitifs, tout en requérant un examen de conscience que bien des gens préfèrent éluder. Ed. Desclée De Brouwer – 282 pages André Metzinger