BRUXELLES CULTURE 15 novembre 2018 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE : FEDERICO ARIU
RENCONTRE : FEDERICO ARIU Cinéphile devant l’Eternel, Federico Ariu a transformé sa passion en activité principale. Scénariste, metteur en scène, producteur et agent artistique, il ose un langage qui sort des sentiers traditionnels, tutoie le fantastique, manipule l’horreur ou jongle avec les codes du cinéma engagé. Réalisateur de nombreux courts-métrages, il a été récompensé dans le cadre de plusieurs festivals. Bruxellois dans l’âme, il n’en demeure néanmoins pas un citoyen du monde, cherchant et trouvant l’inspiration là où elle se présente. Rencontre. Où êtes-vous né et quel a été votre parcours scolaire ? Je suis né à Anderlecht en 1976 et je suis d'origine italienne. Au départ, je devais m’appeler Gregory mais, au dernier moment, ma mère a décidé de me prénommer Federico, en hommage au réalisateur italien Federico Fellini qu'elle admirait beaucoup. Voyait-elle déjà un signe de ma future passion pour le cinéma ? Ensuite, à l'école, j'ai vécu un parcours long et difficile. J'étais un élève assez perturbateur et la matière que j'affectionnais était le cours de français, enseigné par l’écrivain Jean Lhassa à l'Athénée Charles Janssens. C'est lui qui m'a transmis la passion de l'écriture par le biais de rédactions. Je ne savais pas encore que cela allait me servir pour la mise en place de scénarios. A quel âge et comment vous est venu le virus du cinéma ? Enfant, j'étais plutôt solitaire et je me réfugiais la plupart du temps devant la télévision. Alors que je n'avais qu'une dizaine d'années, mon père a acheté un magnétoscope. Un luxe au milieu des années 80. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à dévorer tous les films de la vidéothèque du quartier. Vidéothèque où j'ai travaillé plus tard comme étudiant. A seize ans, j’étais capable de guider et conseiller les clients qui cherchaient tel type de long métrage plutôt qu’un autre. De façon régulière, après les cours et une fois les leçons étudiées, je visionnais un nouveau film. J’en ai vu plusieurs en boucle. Je prenais un malin plaisir à les rembobiner pour les regarder à deux, à trois, voire à quatre reprises. La première cassette que j'ai louée était « L'Exorciste » de William Friedkin. Au lieu d'être terrifié, j'étais émerveillé par les effets spéciaux et les scènes horrifiques. « La malédiction » de Richard Donner a été mon deuxième choc visuel et n’a fait que confirmer mon intérêt pour les films d'horreur. Genre multiple et passionnant, quoique raillé par la majorité des critiques. Néanmoins, le cinéaste qui m’a donné l’envie de passer de l’autre côté de la caméra a été Wes Craven avec « Les griffes de la Nuit », premier d’une saga qui a mis en scène le psychopathe Freddy Krueger, revenu du domaine des morts pour se venger des descendants de ses bourreaux à travers leurs rêves. Suspense, montage inventif, comédiens brillants. Je sais que c’est à ce moment précis que j’ai su que j’allais tout mettre en œuvre pour devenir réalisateur. A mon tour, j’allais procurer des émotions aux spectateurs ! Armé d’une caméra VHS, vous vous êtes lancé dans la réalisation en parfait autodidacte. En quelque circonstance avez-vous réalisé votre premier courtmétrage ? En découvrant que ma passion pour le cinéma devenait de plus en plus intense, mon père m'a offert à quatorze ans une caméra VHS. Pour moi, c’était un cadeau inespéré. Le plus beau qu’un père puisse faire à son fils. Enfin, je pouvais commencer à fixer des images sur pellicule et me laisser entraîner par mon rêve. Avec un ami d’école, je
me suis mis en tête de tourner un court-métrage, que j'avais intitulé « Enfer et Damnation ». La même année, il a connu trois suites. Le scénario tenait en cinq lignes et s’inspirait de tout ce que j’avais dévoré sans répit. Puis, à force de pratiquer, j’ai développé certaines méthodes de cadrage, de montage et de mise en scène. Je me suis essayé à reproduire certains effets spéciaux. Le challenge consistait à aller toujours plus loin, à se surpasser. A dix-sept ans, j’avais à mon actif une vingtaine de films de format court. Les sujets portaient toujours sur l’angoisse ou le fantastique, avec un Père Noël sanglant, un loup-garou, une maison hantée, des fantômes, une momie. Bref je revisitais tous les mythes classiques, sans avoir honte d’y prendre plaisir ni du résultat. Il a toutefois fallu attendre l’année 1995 pour que je puisse tourner un premier court-métrage de qualité professionnelle, que j'avais minutieusement préparé durant une douzaine de mois et qui a été pu être diffusé. "Karma" raconte le récit d'un prisonnier plongé dans une sorte de coma, au cours duquel il déambule dans ses souvenirs. Il a remporté le premier prix au Festival du Film indépendant de Bruxelles et a ensuite été proposé dans différents festivals à l’étranger. Y a-t-il des réalisateurs que vous affectionnez particulièrement ? Pourquoi ? La liste de mes cinéastes préférés est assez longue car chacun, avec son style, m'a transmis quelque chose qui fait ce que je suis devenu. Puisque je n’ai pas suivi de cursus dans une école de cinéma, j’ai appris à me façonner seul, en tombant et en me relevant, en suivant mes idées, en regardant ce qui se fait ailleurs et en me formant à force de travail, sans jamais baisser la garde. Si Wes Craven reste mon réalisateur de prédilection, je voue une grande admiration à Steven Spielberg, Peter Jackson, Sam Raimi, Clive Barker, Tim Burton et David Lynch. Je ne peux pas m’empêcher de parler du film « La ligne rouge » de Terence Malick. Un chefd’œuvre absolu qui m’a scotché dans un fauteuil. Tout y est magnifique : photographie, rythme, direction des comédiens, partition. Pour moi, il y a un avant et un après « La ligne Rouge ». Vous avez eu l’occasion d’assister aux coulisses de « Faust » (2001) de Bryan Yuzna en Espagne. De quelle manière vous êtes-vous retrouvé sur ce tournage ? Avec mon ami l’écrivain Kenan Görgün, nous avons été accrédités au Festival de Cannes et nous avons eu la chance incroyable de rencontrer Bryan Yuzna lors de la première de « The Blair Witch Project ». En sortant de la salle, nous l’avons reconnu et avons été lui serrer la main. A cette époque, il venait d’être contacté par la société « Filmax » à Barcelone, pour mettre en place le développement de plusieurs films fantastiques ibériques. Il nous a donné sa carte et nous avons maintenu le contact. Assez naturellement, il nous a invités et nous nous sommes trouvés en plein cœur des rouages de la mise en scène de « Faust » dans la capitale espagnole. Nous avons vécu cette expérience comme une opportunité de découvrir le monde du septième art de l’intérieur, du côté coulisses, de voir jouer en live des pros de la trempe de Jeffrey Combs (de la série « Reanimator ») ou Andrew Divoff (de la série « Whishmaster »). Pendant deux semaines, nous avons secondé le chef décorateur dans la création des différents décors, dont la fameuse cellule capitonnée d'un hôpital psychiatrique. Depuis vos débuts, vous tenez régulièrement les leviers de vos projets : écriture, réalisation, montage. A quel moment et pourquoi avez-vous décidé de déléguer certains postes ?
Il est vrai que, lorsqu'on démarre en tant qu'amateur, on se trouve vite amené à tout faire sur le plateau. C’est le propre des équipes réduites. Il a fallu attendre des subsides pour confier certaines tâches à d’autres. En 2008, la Fédération Wallonie Bruxelles et le Vlaams Audiovisuel Fonds m’ont alloué un budget pour "Hudûd". Ce film est un drame social et a été inspiré de faits réels. Je me suis entouré de gens de confiance, sur lesquels je savais que je pouvais compter et qui maîtrisaient leur job. Le court-métrage « Hudûd » (2008) a été acclamé dans différents festivals. D’où vous est venue l’idée de raconter l’histoire de deux Iraniens sans papier en attente de régularisation ? L'idée du court-métrage est tout d'abord née de mon envie de parler de la situation des homosexuels en Iran. En effet, certains jeunes avaient été condamnés à la pendaison à cause de leur préférence sexuelle. Je me demandais de quelle façon je pouvais aborder le sujet, tout en faisant en sorte qu'il se déroule en Belgique. Au même moment, il y eu la crise des réfugiés iraniens à Bruxelles, que l'on expulsait des églises pour les enfermer dans des centres, en attendant de statuer sur leur sort. Deux migrants sont alors montés au sommet d'une grue pour protester et clamer leur détresse. Ce fait divers a été l'élément déclencheur qui m'a permis d'associer deux sujets : l’immigration et la persécution des homosexuels dans certains pays. Est-il aisé de monter un projet cinématographique en Belgique ou cela relève-t-il du l’épreuve ? Quelles sont les difficultés le plus souvent rencontrées ? Chez nous, il n'est jamais aisé de mettre un film en place. Si on veut passer par les chemins habituels de financement (Fédération Wallonie Bruxelles et autres organismes de l'Etat), le dossier de production doit être soumis à un comité de lecture, regroupant des professionnels du métier. Ils jugent les projets et décident lesquels méritent ou non l’octroi d’une aide. Il s’agit d’une loterie. Si on parvient à être retenu, tout peut ensuite s’accélérer, car le fait d'avoir une première source de financement devient un moteur non négligeable pour aller frapper à d’autres portes, qu’elles soient étrangères ou qu’elles relèvent du privé. Aujourd'hui, grâce au numérique et aux caméras bon marché comme les Canon 5D et autre Blackmagic qui filment en 4K, la chose devient plus facile. On parvient à tourner beaucoup plus sereinement, sans dépenser des budgets mirobolants, contrairement à ce qui se faisait par le passé. Le coût de fabrication d'un film comme « Babaï » n’a guère dépassé 1.000 €. Une aumône ! Aujourd’hui, vous semblez affectionner les sujets tirés de faits réels. S’agit-il d’une démarche sociale de votre part ou d’une envie de privilégier l’anecdote ? Plus que hier, il est important pour moi de traiter de sujets sensibles et sociaux, de rappeler que tout le monde n’a pas les mêmes droits qu’en Belgique et que les victimes d’injustices et de persécutions n’ont pas souvent le droit de s’exprimer. J’ai eu énormément l’occasion de voyager, tant pour le plaisir que pour le boulot. Ma vision de la vie et du cinéma a forcément évolué. L’Inde, l’Asie du Sud-Ouest et le Burkina Faso nous rappellent qu’il existe d’autres réalités que celles dans lesquelles nous nous vautrons. J'aime parler de l'être humain, de ses conditions d’existence, aller à l’écoute de l'autre pour m'inspirer et acquérir une ouverture d'esprit qui me sert tous les jours. Lors de chaque voyage, j'ai réalisé des séries de
portraits. Il s’agit de gens qui ont croisé ma route, qui m’ont ému ou dont j’ai admiré les valeurs ou la ténacité dans le combat qui les pousse à ne pas courber l’échine pour rester femmes ou hommes debout, avec leur fierté. Ces petits films peuvent être visionnés sur www.chacunsavie.be Depuis plusieurs années, vous avez également été amené à réaliser des clips pour divers chanteurs. Conçoit-on un clip dans le même état d’esprit qu’on traite une fiction ? Depuis quatre ans, Artfusion, la maison de production que j'ai créée, s’ouvre à tous les secteurs artistiques. Il s’agit d’une plateforme qui s’engage autant dans la production audiovisuelle, la conception de contenus multimédias, l’accompagnement d’artistes, la création de festivals que le tournage de clips à la demande. Assez naturellement, les sollicitations sont arrivées parce que les chanteurs étaient là. Concrètement, un clip se conçoit comme un télégramme. Tout doit être exprimé en deux ou trois minutes, doit accrocher le regard en suivant les pulsations de la musique et doit, surtout, correspondre à l’image que l’artiste souhaite véhiculer. Un clip doit refléter un climat, traduire une ambiance. Le travail d’introspection y est généralement aussi important que l’esthétique visuelle. Contrairement à ce que certains peuvent croire, il ne s’agit pas toujours d’une évidence ! De quelle façon envisagez-vous votre avenir artistique en Belgique ou ailleurs ? Mon but est de faire évoluer ma maison de production pour générer des talents et les encourager. A côté de la réalisation de projets personnels, je vis principalement de mes revenus comme agent artistique et producteur. Actuellement, je planche sur l’écriture du scénario d’un long métrage. Retrouvez Federico Ariu sur le site www.federicoariu.com et www.artfusion.be Propos recueillis par Daniel Bastié
THÉÂTRE : L’EMMERDEUR « L’Emmerdeur », ce classique de Francis Veber revient sur les planches avec Pierre Pigeolet, Daniel Hanssens, Victor Scheffer, Pierre Poucet, Laurence D’Amélio et Michel Hinderyckx. Un bel exemple de comique de situation qui oppose deux hommes qui, jamais, n’auraient dû se rencontrer. Si le rire naît du contraste entre un vendeur dépressif, cocu de surcroît, et un tueur à gages venu éliminer une cible, une part du succès vient des dialogues ciselés par le maître-d ’œuvre. On se souvient évidemment de la prestation de Jacques Brel dans le rôle de François Pignon et de Lino Ventura en « monsieur Milan ». Un peu moins de la version cinéma avec Patrick Timsit et Richard Berry. Qu’importe ! Il s’agit ici d’oublier tout ce qu’on a vu précédemment pour se laisser embarquer par une adaptation bien de chez nous et qui n’a pas à rougir avec ce que les Français sont capables de proposer. Si ce ne sera peut-être pas la surprise du récit qui vous poussera à assister à ce spectacle, sachez que le jeu des comédiens vaut mille fois le déplacement. Daniel Hanssens campe ici un emmerdeur incontournable, qui va empoisonner la mission de son voisin de chambre. « L’emmerdeur » (ou comment tenter de se défaire de quelqu’un qui ne pense qu’à se suicider et s’accroche obstinément à vous) est à voir du 4 au 8 décembre 2018 au Centre culturel d’Auderghem. Un régal ! Plus de détails sur le site www.ccauderghem.be Boulevard du Souverain 183 à 1160 Bruxelles
EXPOSITION : MAX PARISOT Né à Corbenay en 1945, Max Parisot a toujours exprimé sa sensibilité au long d’une carrière nourrie dans l’univers du design et de la création. Activité qui l’a amené à voyager un peu partout et à se sensibiliser à diverses pratiques. Au fil de ses pérégrinations, l’idée lui est venue de se servir de la photographie pour créer des œuvres personnelles, en les retouchant à l’infini grâce aux technologies qui se présentent. Bien entendu, l’arrivée de l’informatique a été une révolution dans l’art de s’emparer d’un paysage et de le transfigurer avant de l’offrir à l’œil avisé du public. Il ne s’agit jamais de coloriage ni de recomposition aléatoire. Il travaille chaque point de vue pour qu’il devienne idéalement ce qu’il aurait aimé découvrir sur le terrain. La transposition témoigne de la beauté telle qu’il la rêve. Utopiste ? Certes, mais quel créateur ne l’est pas un peu ? Depuis les Impressionnistes, les créateurs ont compris qu’il n’était plus nécessaire de reproduire la réalité mais de s’en détacher pour musarder dans des univers a priori moins tangibles, sans bornes et sans contraintes. Chaque cliché devient donc une adaptation libre qui interpelle sur notre entourage et qui l’expose dans un contexte différent, où chaque chose croît et décroît. In fine, on peut également interpréter cette démarche comme étant une réflexion sur la condition humaine et le sort de la planète. Riche d’une collection de plusieurs milliers d’images, Max Parisot utilise une technique baptisée digitalisme, née à la charnière du XXe et du XXIe siècle, supprimant les contraintes et s’ouvrant à diverses sources d’inspiration. Assurément, le nom fait référence à l’univers du digital, avec la possibilité de retravailler chaque photographie. De quoi s’agit-il ? Le digitalisme se veut un mouvement postcontemporain au sein duquel la liberté d'expression passe par tous les moyens possibles d’expression. Certains y voient la rupture promise entre les nouveaux contemporains qui défendent un certain traditionalisme d'exécution et l'art numérique essentiellement tourné vers les logiciels et les ordinateurs. Sans appartenir à quiconque, ce courant s’affranchit de toute règle et de tout diktat. Il ne prône aucun résultat et appartient à ceux qui souhaitent s’y essayer pour l’aimer et le partager. Une de ses caractéristiques consiste à se servir d’Internet pour véhiculer des idées, multiplier les visites et les vues. Après avoir mis fin à un métier bien rempli, Max Parisot s’est lancé à cœur perdu dans cette passion, toujours à l’affût de l’esthétique. Pour lui, pas question de procrastiner et d’attendre que l’inspiration lui vienne du ciel. En autodidacte, il esquisse des ébauches, tâtonne, met en place un langage plastique et le confronte à son entourage jusqu’à ce que les avis positifs émanent de partout. Homme de patience et de travail, il sait que les résultats ne naissent jamais sans efforts. Avant de rendre une œuvre publique, il en exige la perfection, selon ses critères : palette chromatique harmonieuse, équilibre, mouvement, envie de s’investir mentalement dans ce qui est montré. A ses contradicteurs, il répond qu’il ne fait pas de Photoshop mais qu’il concrétise un plaisir : celui d’apprécier la nature et de ne jamais s’en lasser. Il est possible de se rendre compte du résultat de ses travaux en allant les découvrir jusqu’au 25 novembre 2018 du mercredi au samedi de 11h 30 à 18h 30 à Espace Art Gallery. Plus de détails sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
EXPOSITION : BERLIN 1912-1932 A l’occasion du centenaire de l’Armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale, les Musées Royaux des Beaux-Arts consacrent une rétrospective aux courants artistiques brassés à Berlin entre 1912 et 1932. Une époque dominée par l’expressionnisme que vous pourrez voir à travers 200 œuvres caractéristiques. Berlin était à l’époque la troisième plus grande capitale du monde après Londres et New York. La métropole comptait près de quatre millions d’habitants à la suite de la fusion des vingt-sept communes qui formèrent le grand Berlin des années 1920. Ville cosmopolite et migratoire, éclairée par l’électricité (50 % des ménages en étaient pourvus) et temple de la modernité que Walter Ruttmann magnifie dans son film Berlin, la symphonie de la grande ville en 1927. Ou que photographie Sasha Stone dans Berlin in Bildern en 1929. La capitale du régime de Weimar profitait de l’embellie économique du plan Dawes pour le règlement de la dette de guerre. L’expressionnisme allemand Venez découvrir dans cette exposition les peintres de l’avantgarde comme Ernst Ludwig Kirchner qui peignait les prostituées telles des épouvantails arpentant les trottoirs dans Femmes dans la rue (1915). Ou les peintres de l’après-guerre comme Otto Dix qui caricature un officier allemand se prélassant avec une dame de très petite vertu dans Souvenirs de la galerie des glaces à Bruxelles (1920). Ou comme George Grosz qui caricature, lui, la banqueroute et la violence exercée contre les ouvriers au lendemain de la guerre, à moins que ce ne soit les profiteurs de la guerre qu’il épingle (Loin dans le sud, la belle Espagne, 1919). Ou enfin les femmes peintres comme Käthe Kollwitz, Lotte Prechner, ou Jeanne Mammen qui peint la femme fatale de l’affiche de l’exposition vers 1926. Ces peintres, et d’autres comme Kandinsky, Beckmann ou Naumann, illustrent les années folles qui ont succédé à la Belle Epoque d’avant-guerre et qui sont marquées par l’expressionnisme allemand. Cette tendance oppose au réalisme des impressionnistes une image tourmentée et brutale reflétant le sentiment de l’artiste devant les angoisses et les incertitudes du moment. Des revues comme Die Brücke (Le Pont) à Dresde, ou Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) à Munich, exposent les théories de Kandinsky, Klee, Macke, Munther, Campendonck et d’autres, pour lesquels la recherche de la forme, de la réalité et de l’harmonie des couleurs est moins importante que « l’expression » de leur vision personnelle du monde. L’expressionnisme influença les courants parallèles comme le cubisme, le futurisme, le constructivisme, voire le dadaïsme, qui vont s’en inspirer. L’art géométrique sera marqué de son empreinte. On retrouve celle-ci dans les films muets de l’époque, comme Le Cabinet du Dr Caligari de Robert Wiene (1919), que vous pourrez voir dans l’exposition. Le film montre un jeu expressionniste des acteurs dans un décor de fausse perspective, tout en oblique, avec des angles aigus et des proportions tronquées. Ce décor correspondait bien au mouvement de l‘expressionnisme allemand, caractérisé par le chaos et les formes violemment torturées dans un univers de folie. C’est en effet un fou qui raconte sa folie à d’autres fous qui l’écoutent. L’éclairage jouait aussi sur les contrastes entre l’ombre et la lumière. Une galerie d’art a propagé cette esthétique en Allemagne et en Belgique : c’est Der Sturm (L’Orage), ouverte à Berlin en 1912 par Herwarth Walden qui collabora avec d’autres galeristes à Bruxelles et à Anvers pour nous faire connaître l’expressionnisme allemand. Vous verrez dans cette exposition deux cents œuvres qui illustrent le mouvement et cent artistes, certains étant allemands, d’autres russes, polonais, hongrois ou belges et français. Ils se sont tous côtoyés à
Berlin, ville cosmopolite, durant 20 ans, avant d’être déclarés « entartet » par le Troisième Reich – c’est-àdire artistes « dégénérés ». Beaucoup durent s’expatrier sous Hitler pour fuir le nazisme et sa sauvage répression. Petit conseil L’exposition vous permettra d’admirer leurs œuvres. Elle est longue et copieuse : évitez donc de vous attarder à l’entrée de la salle dans le prologue des affiches chronologiques, vingt en tout, qui font référence à l’histoire de l’Allemagne soumise au traité de Versailles, à la spéculation et aux luttes entre communistes et nationalistes pour prendre le pouvoir. Prenez l’audio-guide et laissez-vous mener au fil des grands tableaux, des sculptures, dessins, photographies, films et éléments d’architecture qui vous feront parcourir ces vingt années à travers quatre sections. C’est un magistral cours d’histoire de l’art qui vous attend. Vous en sortirez enrichis. Superbe catalogue écrit par des spécialistes au prix de 35 €. Dernier détail : au cœur de l’exposition, un cabaret philosophique a été reconstitué à l’image du Romanisches Café qui drainait les artistes et les intellectuels à Berlin en 1929. Il vous entraînera dans un dialogue autour des défis culturels qui se posent aujourd’hui comme hier. Il propose musique, débats, happenings, poésie, cinéma et danse selon une programmation établie, dans l’esprit des cabarets berlinois de l’entre-deux-guerres. L’exposition se tient aux Musées Royaux des Beaux-Arts jusqu’au 27 janvier 2019. Plus d’informations sur info@fine-arts-museum.be. Rue de la Régence 3 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
CONTRE-CULTURE AUX MARTYRS Deux jours de suite, du 21 au 22 novembre, Paul Pourveur nous entretiendra sur les mouvements de contestation et de contre-culture qui se sont succédé depuis Mai 68. Avec De Woodstock à Twitter, il propose une conférence sur les rejets culturels qui ont accompagné l’évolution de la société depuis 50 ans. Car nous avons fêté, cette année, le cinquantenaire de la révolution des esprits et des mœurs qui avait mobilisé les intellectuels sur les barricades de Paris et de Bruxelles (moins il est vrai) en mai 68. Nous étions jeunes à l’époque et nous croyions au bouleversement de la société à venir. Nous en sommes un peu, voire de beaucoup, revenus. Attentif et curieux des changements qui se sont produits, Paul Pourveur fera le topo de la situation aujourd’hui. Sa conférence dure 90 minutes et sera entrecoupée de musique et d’actualités. Elle pourrait faire office de spectacle au Cabaret philosophique des Beaux-Arts, dont nous vous parlions à propos de Berlin 1912-1932. Pour les amateurs de changement et ceux qui l’attendaient. Au Théâtre des Martyrs les 21 et 22 novembre prochains. L’entrée est libre. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be. Place des Martyrs 22 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
THÉÂTRE : JE SUIS UN POIDS PLUME Reprise d’un succès « percutant » au Théâtre des Martyrs où la pièce fut créée l’an passé. Ce « seule en scène » est écrit et joué par Stéphanie Blanchoud, l’inspectrice décidée et un peu têtue de la série belge télévisée Ennemi public qui reprend, comme elle, du service. Elle n’a rien perdu de sa sveltesse, de sa pugnacité, de son entrain pour enchaîner les uppercuts, les crochets, les esquives, le jeu de la corde aux pieds, les pompes et les « crunchs » de la boxe. Stéphanie a toujours cette énergie débordante qui va la tenir en scène et nous tenir en haleine pendant une heure de spectacle. Meurtrie par une séparation amoureuse qu’elle a du mal à « encaisser », elle se lance à corps perdu dans la boxe, où elle va apprendre à rendre coup pour coup. Elle va s’y défouler. Le punching-ball sera son expartenaire qu’elle affronte dans un combat singulier. Car c’est le récit d’un combat avec elle-même que nous livre ce poids plume qui donne son titre à la pièce. Une rupture sentimentale est en effet toujours difficile à vivre. Il y a le corps de l’autre qu’on avait appris à sentir, à percevoir, à aimer, et près duquel on s’endormait après avoir fait l’amour. Et quand l’autre est parti, quand tout est fini dans le couple et que chacun reprend ses billes, on se sent atrocement seul, comme la boxeuse. Stéphanie Blanchoud nous fait vivre cette déprime dans le long monologue qu’elle a écrit et qui se fonde sur son histoire personnelle. Elle va faire de la boxe pour se reconstruire. Pour oublier l’autre et franchir le cap d’une nouvelle vie. L’écriture de la pièce est hachée, morcelée, éclatée. Mais à travers cet éclatement, on perçoit bien la souffrance de la boxeuse, son arrachement à l’autre, à l’absent qui est suggéré par les mots. On perçoit son désarroi d’être livrée à elle-même. La pièce joue entre ce désarroi et l’initiation à la boxe qui nous est montrée. C’est le récit d’un combat entre la part physique et la part psychologique de son être qui s’affrontent. Entre le sentiment de rejet dont elle souffre (c’est lui qui l’a larguée, car il en aimait une autre qui attend un enfant) et la boxe qui va la réparer, la restaurer, la faire revivre. La boxe est la métaphore de ce combat, le médicament de son mal-être. Elle est un baume sur sa blessure intérieure. Les mots, jetés à la tête du public, sont crus et vrais. Ils font mal. Ce sont des mots désespérés qui nous tiennent en haleine jusqu’à la fin du spectacle. Petit bémol, toutefois : cette fin, peut-être voulue par la mise en scène de Daphné D’Heur, paraît ici redondante parce qu’elle casse le jeu intérieur de la pièce et fausse le ton. On aurait pu, me semble-t-il, se passer de cette chute, même si le dernier affrontement montre la victoire de la boxeuse sur elle-même, comme dans les films de Rocky. Repris au Théâtre des Martyrs du 6 au 18 novembre. Plus d’informations sur www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs 22 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux
THEÂTRE : LES FRÉRES ENNEMIS Au travers d’un scénario haletant, riche en rebondissements dignes de la série « Game of thrones », Racine, dans la belle animalité et fiévreuse sensualité de son écriture nous ramène à cette question cruciale : la haine, qu’elle soit d’origine familiale, politique ou religieuse, est-elle une fin ou un moyen, un prétexte ou une fatalité ? Première tragédie écrite de Jean Racine alors âgé de vingt-quatre ans, » Frères ennemis » (ou La Thébaïde) a été jouée en 1664 au PalaisRoyal par la troupe de Molière. Il situe l’intrigue à Thèbes, ville ravagée par la rivalité d’Étéocle et Polynice. Selon la volonté de leur père, Œdipe, les deux frères doivent se partager le trône et régner un an à tour de rôle. Soutenu par Créon, son oncle, Étéocle refuse de transmettre le pouvoir à son frère. Dans la ville assiégée depuis six mois par les troupes de Polynice, Jocaste et Antigone espèrent ramener la paix et réconcilier les frères. Une rencontre est organisée, un cessez-le-feu instauré. Rien n’y fera et cette famille sera décimée par la haine. Ces deux frères irréconciliables incarnent les conflits qui, aujourd’hui encore, ne cessent de ronger les êtres, les sociétés et les nations. Ils disent les ravages de l’orgueil et de l’obsession du pouvoir. Ils sont à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières géographiques et mentales. Ils sont nos contemporains. Un classique à applaudir au Théâtre des Martyrs du 8 au 30 novembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
THEÂTRE : UN PIED DANS LE PARADIS Virginie Thirion a choisi le biais de la comédie pour parler de la précarité. Elle nous écrit une histoire, parce qu’elle aime en raconter, parce qu’elle aime qu’on lui en raconte. Raconter une histoire. Conter une histoire. Un pied dans le paradis est un conte contemporain à trois voix. Elles composent un trio de sœurs qui, quand la bise vient, se demande à quelle porte aller frapper. Ensemble, elles tentent de ruser avec la pauvreté. Maladroitement. Jusqu’à ce que l’une d’entre elles ait l’idée de séduire un homme à la belle automobile et qui, signe extérieur de richesse oblige, doit avoir dans son portefeuille de quoi les nourrir. Elles découvriront que l’habit ne fait pas le moine, que le beau parleur est fauché - comme elles, inconnu dans l’immeuble où il prétend résider. Aux abois, les trois sœurs vont se transformer en voleuses et de voleuses en cannibales. Mais tout cela n’est qu’un conte. Tout finira bien, du moins sur une assiette ! Comment vivre quand on craint de se retrouver sans rien ? Comment continuer à avancer chaque jour alors qu’on sent qu’on va chuter ? Comment cette angoisse du lendemain affecte-t-elle les relations humaines ? Que reste-t-il de l’amour, de l’amitié, de la solidarité quand la précarité vous ronge ? Une performance scénique avec France Bastoen, Delphine Bibet et Laurence Warin à applaudir au Théâtre des Martyrs du 28 novembre au 15 décembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be
Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
TOONE : LE BOSSU Si t’as régulièrement eu droit à « De Drââ Mousketairs » sur les planches du poechenellekelder de Toone, c’est que tu sais qu’on y aime beaucoup les histoires de kip kap et d’épée, où les méchants ne font pas le Jacques bien longtemps et finissent en tranches. Après les flooskes du peï Alexandre Dumas, c’est au tour de Paul Féval de passer à la moulinette de la parodie et de voir sa prose transformée en grand moment de rire et de tragédie. L’occasion d’oublier Jean Marais (puis Daniel Auteuil) dans le rôle principal et de voir s’agiter des marionnettes à tringle qui ferraillent aussi fort que d’Artagnan lorsqu’il est en pétard. L’histoire débute et se termine par une bagarre. Parce qu’il possède une botte secrète (la botte de Nevers et pas celle de sept lieues !), Henri de Lagardère parvient à se tirer des stûûts les plus invraisemblables et à sauver la petite Blanche des sales pattes des ennemis de son poupa. Pour la rendre à sa mouma, il se déguise en bossu et fait éclater la vérité. Tout est bien qui finit bien et il colle une rammeling à ceux qui entravent sa route. Voilà du ramdam qui plaira à tous les amoureux de Bruxelles, avec des mots truculents, de l’action et des rebondissements qui font des bonds comme le Marsupilami. Devant tes yeux, tu verras aussi une partie de la jeunesse du héros (absente du livre du père Féval !), mais drôldement intéressante, puisque totalement inédite par rapport à tout ce que t’as pu lire ou voir ailleurs. Comme souvent, les décors ont été signés par un grand Michel-Ange de l’art monumental. A lui tout seul, Thierry Bosquet assure sa propre pérennité, avec une carte d’identité qui ne laisse aucun doute sur le fait qu’il n’est pas le snotneus d’une marchande de caricoles, mais qu’il aurait été béni par les muses. Comme un castard, il a tout appris à l’école et sait tenir le pinceau mieux que tu parviens à manger du Chop Choy avec des baguettes. Bien sûr, tu dois pas assister à cette pièce en te faisant précéder par ton dikkenek et ta tête de « monsieur je-sais-tout ». Tu laisses ton stouf à la maison et tu viens te distraire dans un cadre typique du vieux Bruxelles, avant ou après avoir siroté une Kriek ou une Mort subite. Il te faudra peut-être aussi expliquer à tes amis c’est quoi le bruselleir, car ils risquent de rester paf avec les yeux globuleux comme ceux d’un anchois. Bardaf ! Tout passe par le registre de la dérision, avec des jeux de mots pas possibles, des trouvailles visuelles et des références à La Marolle. Puis, tu connais sûrement la célèbre réplique : « Si tu vas pas z’à Lagardère, Lagardère ira t-a toi ! ». Ça c’est de la culture littéraire et il est toujours tof de réveiller les classiques. Alors, prêt à découvrir « Le bossu » version Toone ? Si t’hésites encore, c’est que t’es un flâve qui ne sais pas prendre du bon temps, qui préfère rester le nez dans tes dossiers ou faire du prout devant tes amis. Les représentations ont lieu du jeudi au dimanche et ce jusqu’à la fin du mois de novembre. Tu vois que t’as le temps de choisir le jour qui te convient le mieux, d’annoncer la sortie à ta madame et de te mettre sur ton 31. Tu trouveras tous les détails techniques sur le site www.toone.be Rue du Marché Aux Herbes 66, 1000 Bruxelles Daniel Bastié
EXPOSITION : LES FONCTIONNAIRES ARTISTES AUX HALLES SAINT-GÉRY Quand l’art et l’iris fusionnent, ça nous donne des artistesfonctionnaires de la Région de Bruxelles-Capitale. Artiris en est à sa 23e exposition, qui ouvrira ses portes aux Halles Saint-Géry du 24 novembre au 8 décembre prochain. En 25 ans, au fil du temps, de nouveaux talents ont rejoint ce groupement artistique du Service public régional de Bruxelles (SPRB), fondé en 1993. Le but d’Artiris, c’est de faire rayonner l’art et la culture dans les institutions régionales. Ses fonctionnaires, artistes amateurs à leurs heures de loisir, veulent témoigner d’une autre facette de leur vie au service de la Région en partageant, avec leurs collègues et le public, leur enthousiasme pour l’art. Ils en sont quasiment à une exposition par an. Cette exposition se tient près de la Bourse, aux Halles Saint-Géry, haut lieu de la culture bruxelloise. Ils seront une dizaine, peintres et photographes pour la plupart, dont on pourra voir les œuvres aux cimaises des belles caves voûtées, sous cet ancien marché couvert reconverti en galerie d’art et salles d’exposition. Au cœur d’un quartier chargé d’Histoire, puisque c’est sur cet ancien îlot de la Senne qu’est né Bruxelles autrefois. Les Halles furent construites par l’architecte Vanderberggen en 1881, comme l’indique la date au-dessus du porche d’entrée, dans un style néorenaissance flamande. Chaque année, nos fonctionnaires invitent un artiste venu de l’extérieur pour mettre leur passion en évidence. L’année dernière, c’était Antonio Cristovão, le peintre portugais spécialiste des chevaux, dont nous vous avions parlé dans une précédente édition. Cette année, c’est Pascale, peintre et calligraphe, qui est leur invitée d’honneur. Corps, mouvement, émotion « Au départ, je suis dessinatrice, nous confie Pascale qui s’en tient à son prénom pour signer ses œuvres. J’ai toujours adoré dessiner, étant toute petite. C’est vraiment une passion chez moi, quand je tente de saisir le mouvement du corps ou des arbres que je peins. Ce qui m’intéresse, même dans un paysage, c’est de saisir la vibration. Pour moi, le mouvement, c’est aussi l’émotion. Quand je peins, je laisse une grande place à l’imagination. J’aime la suggestion, comme en poésie. J’aime les formes ouvertes à l’interprétation du spectateur. » Il y a mot dans émotion. Les mots, elle les « bouffe », Pascale, en les dégustant, en les malaxant. Les mots l’inondent d‘images. Entre les mots qui la font vibrer et les compositions qu’elle en tire, une sorte d’alchimie s’instaure, qu’elle appelle ses « Pascalligraphies ». Ce sont des dessins à l’encre de Chine qu’elle réalise à partir d’un mot ou d’une phrase qui enfante chez elle une émotion. Refusant le chevalet ou la table, trop rigides sous ses mains, elle crée à même le sol, dans une sorte de danse avec le papier. Le mot, la phrase va générer une image qui la traverse. Elle s’en délivre dans une espèce de transe artistique, comme si ça lui sortait des tripes. Elle ne sait jamais ce qui va advenir du mot qui sert d’amorce au dessin et qui en sera la légende. « Je travaille un peu à la façon des calligraphes chinois pour lesquels le geste doit être juste et précis. Cela exige à la fois une maîtrise du dessin et une liberté totale d’improvisation. C’est pareil pour moi avec la couleur, la tache ou le trait qui doivent tomber juste. Savoir dessiner ou savoir peindre, c’est aussi savoir quand il faut s‘arrêter. Tout à coup, plus c’est trop. Il y a un moment où l’équilibre est atteint entre les pleins et les vides. La composition doit garder sa puissance pour qu’on puisse se la réapproprier chacun à sa manière. C’est quelque chose qu’on apprend par la force du travail. »
Elle travaille ainsi dans l’instant, en laissant couler le trait comme il vient. En s’attachant à la pureté, à l’authenticité du geste qu’elle abandonne sur la feuille. Ses « Pascalligraphies » sont une danse qui va du mot au dessin. Elle veut danser avec sa feuille blanche pour extirper ce qui se passe dans son corps ou dans sa tête quand elle est en train de créer. Son travail est donc très tactile : c’est le toucher qui anime ses créations. Elle a besoin du contact avec le sol pour se défouler avec une certaine sauvagerie. Elle reconnaît elle-même le caractère nerveux de ses compositions, comme certains pianistes qui se lâchent sur leur clavier. Un corps anime souvent ses compositions : c’est celui de la femme nue dont le visage est caché par la chevelure qui voltige. Toute la composition semble d’ailleurs tournoyer dans un mouvement qui l’emporte. Ce corps n’est pas créé par un mot, mais par un mouvement que saisit l’artiste. Ce qui compte, c’est l’émotion que le corps tracé par sa main va éveiller chez le spectateur. C’est un corps féminin, et chacun pourra y voir ce qu’il veut : beauté des formes abandonnées, convulsion du désir latent, pulsions qui nous animent en le contemplant. La composition se livre à l’interprétation de chacun. Passionnée par le corps et l’anatomie, Pascale exposera d’autres peintures de femme. Comment peint-elle ? Elle se sert d’une plume ou d’un pinceau, mais aussi d’autres instruments comme une feuille de papier froissée qui lui servira de brosse. Ne lui demandez pas quels sont ces instruments : c’est son secret. C’est le secret de Pascale. Atmosphère S’il travaille parfois en studio, Michel Steens préfère l’extérieur pour donner vie à ses projets et réaliser des ambiances douces et sereines. Nous l’avons rencontré en septembre dernier à la galerie Pappilia, alors qu’il exposait des « atmosphères » en compagnie de Pascale. Il est le président d’Artiris depuis trois ans, et son hobby est la photographie en couleur et en noir et blanc, qu’il pratique avec son appareil Fujifilm 35 millimètres. Cette année, c’est Saint-Tropez qu’il a arpenté, en photographiant les ambiances urbaines avant la saison, à cette période de l’année où le petit village du Var appartient encore à ses habitants et où la vie locale révèle des habitudes quotidiennes. Ainsi ce Passage vers le port, les bateaux et les quais : « L’idée, c’était de me mettre à la disposition du temps et de la lumière pour capter des moments que j’avais envie de m’approprier. C’était l’occasion de patienter pour que ce soit le juste moment. Un peu à la façon des impressionnistes, mais je voulais que les lieux parlent d’eux-mêmes. J’ai fait un recadrage de la photo. J’ai redécouvert à travers ce format carré toutes les intensités du noir dominant. C’est une ruelle qui a un plafond et un puits de lumière par où pénètrent les rayons du soleil. Les ombres y sont très fortement marquées. En même temps, il y a une logique de la progression vers le port : c’est un escalier qui monte par marches successives et espacées. Vous avez une perspective. La porte d’entrée est suffisamment basse pour donner l’effet d’un tunnel, mais c’est un tunnel lumineux. Ça donne une idée précise des villes du sud où l’on doit se protéger du soleil. » C’est cette protection du soleil qu’il a saisie dans le cliché. Michel Steens est à la recherche des photos qui ont un sens pour lui et pour le spectateur. Il exposait à la galerie Pappilia d’autres photos de SaintTropez comme le Petit voilier, de Rome avec Ambiances romaines, ou du Touquet, qui sont inondées de lumière. Il est toujours à l’affut du détail qui révèle l’ambiance du décor extérieur. Ainsi ce pigeon dont il n’avait pas remarqué d’abord la présence dans Passage, et qui semble le narguer dans l’ombre où il s’abrite. La photographie est pour lui un passe-temps qu’il prend au sérieux, sans se prendre luimême au sérieux, et qui donne du sens à ses voyages et découvertes. Vous découvrirez ses photos, les Pascalligraphies et les œuvres de dix autres collègues aux Halles SaintGéry à 1000 Bruxelles, du 24 novembre au 8 décembre prochain. Vernissage le 23, à 18 heures. Plus d’informations sur les participants en consultant le site d’Artiris.brussels. Michel Lequeux
CINÉ-DIMANCHE : AU REVOIR, LÀ-HAUT L’armistice signé, deux rescapés de la Grande guerre décident de faire fortune en exploitant la crédulité de leurs semblables. Pourquoi ne pas monter une gigantesque arnaque en proposant aux mairies des monuments aux morts qui n’existeront jamais. A la base de « Au revoir, là-haut », Albert Dupontel (ici réalisateur et acteur) s’est emparé du fort beau roman éponyme de Pierre Lemaître pour nous faire rire sur les ruines d’un des plus grands carnages du XXe siècle. Dans l’atmosphère de la joie retrouvée et des morts enterrés, les esprits cherchent à oublier l’absurdité d’une guerre perdue pour tout le monde, les souffrances et les égarements. Sans jamais donner l’impression d’en faire trop, l’homme à la double casquette signe un grand film, bourré de sensibilité, même si le burlesque rattrape le spectateur avec régularité. Bien sûr, ceux qui ont lu le livre, dont il s’est inspiré, reprocheront qu’il a modifié l’épilogue et pris certaines libertés par rapport à la prose originale. Mais faut-il forcément faire un copier-coller d’un ouvrage apprécié ? Chaque artiste, à son niveau, manipule, transforme et sublime. En filigrane, il nous parle aussi des souffrances endurées par les hommes amenés à combattre sur le front et nous livre une terrible séquence d’assaut, au cours de laquelle l’un des protagonistes perd une partie de son visage (les fameuses gueules cassées !). Quel avenir pour les vétérans (qui ont connu les pires abominations) dès leur retour à la vie civile, sans aide aucune, sans mutuelle ni pension ? Par la force des choses, le script se permet plusieurs raccourcis non dommageables et sans perdre la portée émotionnelle du récit. Egal à lui-même, Albert Dupontel prouve encore une fois qu’il est un artiste sur lequel le cinéma français peut compter, capable d’apporter une vraie dose de liberté et une dimension originale dans une industrie qui manque cruellement de pertinence. « Au revoir, là-haut » est à applaudir le dimanche 18 novembre 2018 à 10 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge 47 à 1180 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : INTRA MUROS Après plus de quatre cents représentations triomphales à Paris, la troupe de « Intra Muros », la dernière pièce d'Alexis Michalik, part en tournée. Elle les mènera en France mais aussi à San Francisco, Nouméa, Beyrouth, La Haye, Tahiti, etc. La troupe de cinq comédiens et un musicien posera ses valises à Bruxelles pour trois représentations exclusives du jeudi 6 au samedi 8 décembre. Dans sa dernière création, Michalik (le jeune prodige qui modernise le théâtre français selon Arte) présente Richard, un metteur en scène sur le retour qui vient dispenser son premier cours de théâtre en prison sous haute surveillance. Il espère une forte affluence, qui entraînerait d’autres cours – et d’autres cachets – mais seuls deux détenus se présentent : Kevin, un jeune chien fou, et Ange, la cinquantaine mutique, qui n’est là que pour accompagner son ami. Richard, secondé par une de ses anciennes actrices – accessoirement son ex-femme – et par une assistante sociale inexpérimentée, choisit de donner quand même son cours. Et là commence une exploration captivante, sombre et comique de la vie, entre les murs. Empreinte de la marque incisive de Michalik et de son excellent talent de raconteur d'histoires, cette comédie dramatique nous questionne sur le temps et ses effets sur l'esprit humain. Un spectacle à voir du 6 au 8 décembre 2018 au centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : UN GRAND CRI D’AMOUR Gigi et Hugo se sont follement aimés. Ensemble, ils ont formé un des couples les plus prisés du monde de la scène. Comme toujours, le temps a passé, la passion s’est émoussée et le divorce s’est avéré inévitable. Aujourd’hui, Gigi végète dans des seconds rôles alimentaires et trompe son ennui dans l’alcool et la dépression. De son côté, Hugo a réussi à se maintenir et caracole au sommet des affiches. Alors qu’un nouveau projet vient de se concrétiser, il apprend que sa partenaire fait faux bond. Sylvestre, son agent, lui soumet alors une idée à laquelle il n’aurait jamais songé : reformer le tandem Gigi-Hugo, toujours vivace dans l’esprit de plusieurs spectateurs, et convaincre la presse de l’importance de l’événement. Néanmoins, la chose ne s’avère pas aussi aisée que prévue. L’ancien tandem se voue une hostilité sans bornes et convaincre ces deux zigotos de reprendre le travail en commun est loin de s’avérer une sinécure. Cette pièce écrite par Josiane Balasko se caractérise par la confrontation de deux contraires et des dialogues ciselés, où les mots vaches fusent à un rythme soutenu. Non seulement, le public se faufile dans les coulisses d’une représentation, assiste aux répétitions, aux coups de gueule et aux moments de désespoir des comédiens, mais découvre une femme dans toute sa fragilité, abimée par l’existence et obligée de rebondir pour retrouver sa dignité. Face à elle, un ancien mari, à moitié convaincu de la pertinence du projet. Naturellement, le comique naît de l’opposition de deux contraires, du passé qui ressurgit et de la haine féroce qu’ils se vouent. Cabotins et égocentriques, chacun se renfrogne dans ses opinions, peu prêt à la moindre concession. Entre les deux, un homme veule qui use de mille stratagèmes pour mener le vaisseau à bon port. Le metteur en scène Daniel Hanssens connaît la mécanique du rire et a fait appel à un quatuor de choc pour faire vibrer les planches. Natacha Amal (Sam dans la série « Commissaire Moulin ») donne la réplique à Alain Leempoel, Pierre Pigeolet et Bernard Cogniaux. Gueulantes, crises de larmes et flagornerie se retrouvent au menu de cette pièce déjantée qui se veut un miroir de l’ego surdimensionné de certains artistes. Gigi joue la diva, multiplie les caprices, intime et menace. Hugo se confond dans la mauvaise foi. Bien sûr, l’humour se trouve au rendez-vous avec un duo excellent, qui passe par toutes les expressions et qui, au fond, s’aime peut-être encore. « Un grand cri d’amour » est à applaudir du 17 octobre au 18 novembre 2018 au Théâtre royal des galeries. Plus de détails sur le site. Plus de détails sur le site www.trg.be Galerie des Princes, 6 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
SPECTACLE : ANTI–HÉROS Né à Liège en 1979, Achille Ridolfi fait partie de la génération montante des artistes sur lesquels nous devons compter. Magritte 2014 du meilleur espoir masculin en 2014 pour son rôle d’Achille dans « Au nom du fils » de Vincent Lannoo, il se plie depuis des années à tous les registres, passant tour à tour du drame à la comédie. Rompu à diverses disciplines et après avoir touché tant au cinéma, à la télévision qu’au théâtre, il a choisi de franchir un pas supplémentaire en activant le levier du one-man show. Une manière de prouver qu’il ne craint pas les défis. Si on le retrouve seul sur les planches, on ne doit pas oublier qu’il est l’auteur de la prose qu’il défend sous les projecteurs. Il avait bien sûr le choix entre se livrer sans pudeur au public ou l’entretenir de sujets qui lui tenaient à cœur. Grand admirateur de Muriel Robin, Laurent Lafitte et Alex Lutz, il a préféré suivre leur voie, sans jamais perdre son originalité ni son authenticité. Quant à l’inspiration, elle naît naturellement des êtres qu’il croise et tutoie. La société demeure un réceptacle au sein duquel les créateurs peuvent s’alimenter sans craindre une pénurie de matière première. Avec un sens de la dérision non-feinte, il lance un regard sur ces quidams qui s’inventent une existence pour survivre. Pas des mythomanes ! Simplement des personnes qui décollent mentalement de la réalité pour croire qu’ils sont des autres, que leur quotidien se pare de mille couleurs, qui cherchent un sens à leurs actions ou qui tentent d’assassiner la routine. L’humour demeure une discipline méticuleuse, avec un dosage précis des effets, rôdé comme une mécanique bien huilée. « Anti-héros » parle des invisibles, des personnages ternes que nous croisons dans le tram, dans le métro, au bureau, à l’usine ou en rue et auxquels nous ressemblons tellement. N’avons-nous jamais songé à nous évader, à prendre un essor vers un ailleurs que nous imaginons plus radieux ? Il faut toute la délicatesse de l’interprète pour éviter les faux-pas et la charge agressive. Son but est avant tout d’entrer en communion avec les spectateurs et de leur offrir une jolie soirée de détente, loin des obligations professionnelles, des difficultés familiales et de la morosité qui règne un peu partout en Europe et dans le reste du monde. A hauteur d’homme, il parle de choses connues, de lieux communs et de situations vécues baignées de références pop. Achille Ridolfi déploie une véritable énergie et le découvrir en live équivaut à ne pas regretter le prix d’acquisition du ticket d’entrée. Un spectacle à applaudir jusqu’au 27 novembre 2018 au Théâtre de la Toison d’Or. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galerie de la Toison d’Or 396-398 à 1050 Bruxelles Catherine Clerbois
FESTIVAL CINÉMA MÉDITERRANÉEN Le « Festival Cinéma Méditerranéen » présente naturellement des films des pays méditerranéen et propose un cinéma tantôt drôle, haletant ou touchant. Vous y découvrirez des créations en marge des sentiers battus dans une ambiance conviviale. Reflet de la multi culturalité bruxelloise, cet événement est présent dans trois lieux emblématiques de la capitale : Le Botanique, Bozar et le Cinéma Aventure. Vitrine de ce qui se produit ailleurs, le Med entend servir la tolérance, le respect et le vivre ensemble. Chaque année en décembre, il envoie valser le temps maussade et les températures hivernales grâce à une programmation galvanisée de soleil et de lumière, mais également par le biais de concerts, de soirées, d’expositions et d’un marché artisanal qui fleure les odeurs lointaines. Le tout dans une atmosphère festive et chaleureuse. L’édition 2018 se déroulera du 30 novembre au 7 décembre. Voyez tous les détails pratiques et la programmation sur le site www.cinemamed.be Sam Mas
SPECTACLE : PETROUCHKA & L’OISEAU DE FEU Loin de s’embarrasser de balises, le Théâtre royal du Parc innove et tente chaque saison de nouvelles expériences. Après l’adaptation de romans (« Les trois mousquetaires », « Le tour du monde en 80 jours », « Zazie dans le métro ») et l’actualisation de plusieurs classiques (« Un tailleur pour dames », « Scapin 68 »), il se lance dans la gestuelle chorégraphiée grâce à « Petrouchka » et « L’oiseau De Feu », deux contes russes mis en musique par Igor Stravinsky et sommet de l’iceberg qu’est son œuvre. Le challenge a été de respecter la partition tout en n’oubliant jamais l’aspect visuel. Des ballets devenus des classiques, à la fois héritiers de la tradition et novateurs par la forme et le style. Reconnu de son vivant comme étant un artiste visionnaire, le compositeur a également dû faire front aux injures et à l’opprobre d’une partie des critiques et du public. Le scandale de « Le sacre du printemps » demeure toujours ancré dans les annales. Une musique pleine de vigueur et annonciatrice de ce qui se fera plus tard. Plutôt que de présenter des tableaux distincts, l’idée a ici été de conjuguer les deux partitions et d’imaginer un embranchement (sorte de pont) de l’une vers l’autre. Un défi intéressant et prompt à focaliser toutes les attentions. Avec Laurent Brandenbourger, l’équipe a imaginé deux transpositions en parfaite adéquation avec les portées noircies. L’opportunité de donner corps à une imagination débridée et de faire apparaître sur scène l’oiseau de feu annoncé dans l’un des titres, de transporter le public dans un univers féérique loin des standards Disney et de déployer des costumes chatoyants. Bien entendu, on ne galvaude pas des chef-d’ œuvres musicaux en les encombrant de récitatifs redondants, voire encombrants. Donc, pourquoi ne pas se baser sur le mime et la gestuelle, afin d’articuler une représentation qui pourrait s’apparenter à un film muet, entièrement basée sur le tempo et le mouvement ? On n’est pas déçu des effets et la tonicité de la mise en scène de José Besprosvany correspond aux attentes légitimes du public, avec des mécanismes surprenants et un souci de plaire au plus grand nombre. Bien entendu, ce récit baigne dans le féérique, avec des enchanteurs, des animaux singuliers, une quête, des protagonistes courageux et des princesses. Rien n’est toutefois gratuit. En filigrane, chaque tableau délivre un message et enseigne la nécessité de grandir, de franchir des étapes pour s’épanouir pleinement et devenir un adulte accompli. Il y est également question d’endiguer la peur de l’inconnu et de ne plus réprimer ses envies. Sur les planches, Joris Baltz, Lisard Tranis, quatre danseurs et un enfant s’impliquent pour nous galvaniser de plaisir. Un spectacle à découvrir sans modération du 15 novembre au 15 décembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatreduparc.be Rue de la Loi 3 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
EXPOSITION: LÉONARD FREED, WORLDVIEW Issu d’un milieu modeste, Léonard Freed naît à Brooklyn dans une famille juive originaire de Minsk, en Biélorussie. Jeune adulte, il rêve de devenir peintre, mais un voyage de deux ans en Europe et en Afrique du Nord au début des années 1950 le fait changer d’avis. Il sera photographe. Son œuvre, sensible, patiente et engagée, raconte la deuxième moitié du 20e siècle par le prisme des individus ordinaires. Rejoignant l’agence Magnum en 1972, l’artiste cherche à rendre intelligible le monde qui l’entoure. La reconstruction de l’Europe d’après-guerre, le mouvement des droits civiques aux États- Unis, le conflit israélo-palestinien, la police et le maintien de l’ordre, la chute du communisme après 1989 : à travers ces événements auxquels il rend toute leur complexité et leur caractère désordonné, ce sont des thèmes aussi intemporels que la peur, l’amour, la violence, la révolte ou l’éphémère des choses que le photographe met en lumière. De ses débuts new-yorkais en 1954 à ses derniers clichés pris à Garrison depuis la fenêtre de sa chambre en 2002, « Leonard Freed : Photographier un monde en désordre » retrace le parcours d’une figure majeure de la photographie documentaire. Son regard nous invite à une plongée inédite dans l’histoire du monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. A voir jusqu’au 17 mars 2019 au Musée juif de Belgique. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes 21, 1000 Bruxelles
EXPOSITION : NICOLAS DARTE, YORICK EFIRA ET RÉMY FICHEROULLE Nicolas Darte, Yorick Efira et Rémy Ficheroulle sont trois jeunes artistes valeureux qui creusent leurs sillons dans le paysage pictural. Ils aiment s’associer pour des projets communs. La peinture reste leur langage et ler médium. Toutefois, ils montrent, chacun à sa façon, une volonté de repousser les limites de la surface bidimensionnelle. Pour Nicolas Darte, peindre sert avant tout à prendre note de ses observations du temps traversé dans l’espace qui l’entoure. Rémy Ficheroulle travaille essentiellement la figure humaine et ses failles, sa beauté crue et son rapport à l’espace, ainsi que sa matière. Il essaie de retranscrire la vibration des choses et ne peint jamais une chaise comme il peindrait un arbre. Yorick Efira met le quotidien au cœur de son travail : un repas familial, un couple endormi devant la télévision ou des rangées de maisons bruxelloises. Sa peinture s’est progressivement mêlée à la sculpture. Il récupère des cartons, qu’il assemble ensuite pour former des maquettes urbaines. Des maquettes hybrides entre peinture et sculpture, coincées entre la deuxième et la troisième dimension. Il y a peu, ses travaux ont été présentés au Musée de la Frite (Forest), laissant les visiteurs sidérés par l’originalité de ses créations. Voilà un trio d’artistes à découvrir du mardi au dimanche de 10 à 18 heures jusqu’au 18 novembre 2018 à la Maison des Artistes d’Anderlecht. Voyez tous les détails sur le site www.escaledunord.brussels Rue du bronze 14 à 1070 Bruxelles
EXPOSITION : LES EDITIONS DU SPANTOLE Le Fonds Michel Wittock, par l’intermédiaire de la Bibliotheca Wittockiana, a le privilège de conserver l’ensemble de la production des Editions du Spantole. Nées au début des années 1970, celles-ci sont l’œuvre de l’écrivain thudinien Roger Foulon qui, sur une petite presse à pédales, publia un ensemble de recueils poétiques composés en typographie manuelle, souvent illustrés de gravures réalisées par Gustave Marchoul. Après le décès du fondateur, son fils Pierre-Jean continue les Editions et publie des livres d’artistes où ses propres textes sont associés à des images et des mises en page créées par des graveurs, des graphistes ou des artistes de l’art numérique. L’exposition est une invitation à pénétrer dans le monde raffiné de la presse privée qui privilégie la beauté et la simplicité pour créer des livres, à très petits tirages, où se conjuguent création poétique et artistique, belle typographie et papiers de qualité. Il s’agit également d’un voyage à travers la langue de Roger et Pierre-Jean Foulon, qui tantôt chante, tantôt roule, tantôt se lit et se délie. Une manifestation à découvrir à la Bibliotheca Wittockiana jusqu’au 20 janvier 2019. Plus de détails sur le site www.wittockiana.org Rue de Bemel 23 à 1150 Bruxelles
THÉÂTRE : LA MÉNAGERIE DE VERRE Tennessee Williams, auteur éblouissant, peintre subtil des méandres de nos comportements, de nos débordements, nous livre une œuvre forte qui dépeint avec intelligence et délicatesse, tout en nuances, les soubresauts, les maladresses et les élans de vie d’une famille ordinaire. Une fable toute simple qui par-delà les décennies nous parle d’aujourd’hui : des personnes comme vous et moi, que la vie a chamboulé, et qui doivent se débattre pour un avenir incertain. Avec révolte, espoir, avec humour aussi, elles nous tendent un miroir... Saint-Louis dans le sud des États-Unis, une famille ordinaire. Le père est parti vers d’autres désirs. Il y a Tom, le fils poète, qui rêve de voyages et gagne péniblement sa vie à la fabrique de chaussures. Il y a Laura, la sœur qui souffre d’une petite infirmité et d’une grande timidité, et trouve refuge dans sa ménagerie de verre. Et il y a Amanda, la mère, endurante, pétrie d’angoisses et de vitalité, qui s’accroche au passé. Ensemble, ils se débattent dans des vies trop étroites. Arrive Jim. Jim qui va tout chambouler, un vent de liberté. Pour lui, ce sera le grand soir, on mettra les petits plats dans les grands. Faut pas laisser passer la chance ! Un classique à applaudir au Théâtre Le Public jusqu’au 31 décembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt 64-74 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : UN FAIT DIVERS Laure raconte. Et vous verrez, pour le coup c’est vraiment vivant, courageux, rigoureux, drôle, sans concessions, sans fards. C’est Laure et son histoire avec les toubibs, les flics, les juges, les parents, les amies et les amis de Laure. C’est Laure dans toute la beauté et la force de ses 30 ans. C’est cette histoire simple comme bonjour, comme il en existe des millions de par le monde. C’est Laure qui parle… Car maintenant le temps est venu de raconter. Parce que maintenant nous sommes prêts à entendre. C’était il y a quatre ans. Laure a pris le temps d’écrire, pour trouver les mots… Cette histoire trouve aujourd’hui son achèvement sous les projecteurs pour qu’elle ne soit plus jamais reprise sous la rubrique des faits divers. Un soir qu’elle marchait dans la rue pour rentrer chez elle, il lui est arrivé quelque chose. Comment dire ? Quelque chose qui arrive… Parfois. Mais bon, ce n’est sans doute pas si grave, ça arrive à plein de gens, on ne va pas en faire une montagne... Faut pas exagérer, personne n’est mort non plus ! Ceci est l’histoire vraie d’une fille sans histoire. Généralement, cette fille-là, personne ne la remarquait particulièrement. Laure Chartier est à applaudir sans modération au Théâtre Le Public jusqu’au 1er décembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt 64-74 à 1210 Bruxelles
UN KET DE BRUSSELLES : UNE VESPASIENNE, ÇA VOUS PARLE ? Tu sais quoi ? On vient de (re)découvrir que « uriner n’est pas seulement une habitude, c’est aussi un besoin » (déjà découvert par le conseiller brusselois Kareman en 1849). On nous l’avait déjà dit depuis longtemps mais un conseiller communal n’est pas nécessairement un savant hygiéniste, newo, avec ce peï, il y a lieu de mettre les points sur les I et le x à Brusselles. Pour lui, une vespasienne ça fait désordre dans les rues et comme la pauvre Senne, il faut cacher cette horreur, donc l’ignorer. Quand tu ne fréquentes pas trop les bistrots, comme le chevalier Wyns de Raucour, et que comme lui tu ne fréquentes pas non plus les pisstrotjes (ruelles à pisse) comme l’ancienne rue du Cabas à la Bourse, alors tu inventes une vespasienne. Mais ce Charel a beau être chevalier, il n’a rien inventé du tout, mon ami. Ce machin s’appelle « vespasienne » car l’empereur romain Vespasien avait une blaus (vessie) comme un porc-épic en chasse, et qu’il devait se soulager tous les dix pas. Arra. Mossieur Wyns de Raucour peut refermer sa brayette, menneke. Brusseleir ou pas, il n’a fait que recopier un truc vieux de presque deux mille ans. À Paris, où il n’est que de bon bec comme disait Boileau, ils avaient déjà des vespasiennes parfumées au Coco n°5. À Brusselles ça sentait plutôt le faro, disait Baudelaire. Le docteur Seutin préconisait d’en placer dans chaque rue de notre bonne capitale. Des simples, des doubles, des quadruples, pour se soulager en compagnie. En chocheté (société) si tu es capitaliste. Une ville où on boit de la gueuze et où il n’y a pas d’urinoir, ça ne se conçoit pas. Et puis, tout d’un coup, on dit que les urinoirs ça pue, que c’est inconvenant, que ça dérange et hop ! plus de vespasiennes ! Amaï, dis, et les peïs où est-ce qu’ils pissent ? Dans les cafés ? Mais tu dois consommer, fieu, donc cinq minutes après tu dois retourner, et reboire… Ces conseillers sont donc des pousse-à-l’alcool, ou quoi ? Car tu vas quand même pas boire du Cacolac pendant toute ta journée de promenade sur le magnifique piétonnier de messieu Yves Van Mayer (lire « Rendez-vous à la fleur » de Georges Roland) ? Ils ont en tous cas inventé le cercle vicieux. Tu bois un verre et tu pisses un seau. Les madamekes elles devaient rester à la maison ou bien se retenir, ou bien aller boire dans un bistrot et re-pitchesbak (pour ne pas dire re-belote) le cercle vicieux ! Aujourd’hui à Paris – encore eux, potverdekke ! – ils ont un système révolutionnaire (pas étonnant pour des Parisiens). Pour 1€ tu peux te soulager à ton aise sur le bord de la Seine, et en même temps tu arroses les plantes sur le dessus de la pissotière. Écologique en plus, mon ami. Et je te garantis que les plantes se portent bien. Tour de force génial : les madamekes peuvent utiliser ça aussi, fieu, ils ont été malins assez pour ratisser du poen (pognon) chez l’autre moitié de la société. Et tu peux faire ça en regardant passer les bateaux-mouches devant Notre Dame. C’est pas beau, ça ? À Brusselles, tu trouves par-ci, par-là un engin où tu dois rentrer dedans (en payant, nature) bien à l’abri des regards, mais quand tu as fini tu dois te dépêcher de sortir car ça fait trois tours sur lui-même pour le nettoyage et toi si tu restes dedans je ne suis pas sûr que tu es nettoyé. Mouillé ça tu es carrément. Installer des vespasiennes dans une ville n’est pas de tout repos, tu sais. Illico tu as le lobby des cafetiers sur le dos, et pourtant n’importe qui peut entrer dans un café pour un besoin naturel et ne doit pas consommer pour autant. Vas une fois dire ça sur la Grand Place, ils remettent le billot du Comte d’Egmond en place pour te couper la tronche comme à lui. Plus fort, tu prends le métro : cherche toujours un pictogramme avec un menneke (garçon) ou une maske (fille) dessus, fieu ! Il y en a 4 pour les 69 stations et plus d’un million de passagers par jour. Qu’est-ce que tu dis en bas de ça ? Vraiment de quoi faire dans sa culotte, non ? Le jour d’aujourd’hui, un blaise atteint de la prostate doit ou bien rester à la maison à proximité de son cabinet, ou bien risquer une sérieuse amende, ou bien mouiller son caleçon. Tu vois une autre possibilité ? Tout ça pour dire qu’un conseiller communal se trouve en face de grandes responsabilités : le bien-être de ses administrés passe d’abord par le besoin physiologique (c’est Alexandre Maslow qui le dit) et si tu n’as pas compris ça tu dois faire autre chose. Agent de joueur de foute par exemple. Maintenant je finis car je dois y aller et c’est pressé. Heureusement il y a une vespasienne au bout de ma strotche… Georges Roland (Retrouvez les romans bruxellois de Georges Roland sur www.georges-roland.com)
PINK SCREENS FESTIVAL Voici revenu le temps du Pink Screens Festival organisé par l'asbl Genres d'à côté, le seul festival bruxellois de films queer qui célèbre les genres et les sexualités différentes ! Une fois encore, il vous propose un cocktail composé de fictions, documentaires, films expérimentaux, courts et longs métrages à savourer aux cinémas Nova et Aventure, mais aussi aux Galeries, au Palace et au Beursschouwburg. L’édition 2018 opte pour un régime particulièrement corsé. Il y est question de bonnes protéines ... évidemment humaines ! De quoi révéler la part carnassière en chacun€ de nous et pour agrémenter l’ensemble : des saveurs brésiliennes. Le Brésil est riche d’une production en écho avec les thématiques défendues par les organisateurs. Chose qui valait bien qu'on s'y attarde. Afin de plaire au plus grand nombre, les initiateurs du projet ont débusqué le meilleur, dévoilant ses contrastes, son histoire mouvementée et ses résistances. Toutefois le festival ne se résume pas à cela. Il explore la construction de la/des masculinité(s), fait raisonner les « queer voices », encourage les dykes qui prennent des caméras pour agir, goûte les crêpes au citron, embarque pour un road trip rose bonbon, hésite entre la case « animale » ou « sauvage » et croise des terrains de foot envahis de pékinois géants. Le « Pink Screens Festival » demeure une expérience à vivre et à partager. Dix jours de films avec une kyrielle d’animations, dont une exposition protéiforme, des débats pour gueuler (poliment), des rencontres surprenantes, des fêtes dont l’incontournable Pink Night, haut-lieu de la scène musicale queer. Si cela vous met l’eau à la bouche, vous avez jusqu’au 17 novembre 2018 pour découvrir la programmation. Voyez tous les détails sur le site www.gdac.org/fr/festival Sam Mas
FESTIVAL ARS MUSICA Pour cette nouvelle édition, Ars Musica plonge dans le monde de « l’inentendu ». De lutheries nouvelles en écritures inventives, de spectacles qui cultivent l’originalité des formes aux instruments rares ou parfois oubliés, d’opéras déjantés en réunions instrumentales inédites, il explore une nouvelle cartographie musicale et sonore. Imaginer l’Inouï revient à désorienter les points cardinaux et à dessiner des territoires inconnus. Car c’est en explorant ces espaces que les compositeurs ont inventé des langages reposant sur une métamorphose de la facture instrumentale, l’évolution des modes de jeux et le bouleversement des syntaxes sonores. Pour cette édition 2018, le festival s’engage dans les voies qui ont transformé l’art musical au fil du temps. Des spatialisations désarçonnantes aux environnements inattendus, en passant par les virtualités enivrantes, le programme plonge l’auditeur dans un bain sonore et ouvre des fenêtres un passé qui semblait être anticipatif en son temps. Redécouvrir des instruments comme l’éthérophone, les ondes Martenot, les pierres sonnantes, l’orgue de barbarie, l’harmonica de verre, se familiariser avec les nouvelles lutheries comme l’abrasson ou baigner dans un milieu aquatique pour palpiter au gré de l’expérience sont autant d’instants forts qu’Ars Musica propose au convive curieux. Loin des cloisonnements esthétiques, il s’enorgueille de marier avec subtilité des artistes venus d’horizons pluriels. Régis Campo, Marius Constant, Karlheinz Stockhausen, Mauricio Kagel, Michel Redolfi, Fred Frith, François Sarhan, David Lang, John Cage, Nicola Sani, John Zorn, Ennio Morricone, Julius Eastman sont autant d’îles qui forment l’archipel de l’Inouï. L’événement se passe dans divers lieux bruxellois jusqu’au 2 décembre 2018. Voyez davantage de détails sur le site www.arsmusica.be Sam Mas
CONCERT : ENNIO MORRICONE Il a composé plus de trois cents partitions pour le cinéma et il estime n’avoir pratiquement rien fait. Surtout lorsqu’il se compare à ses prédécesseurs, qu’ils soient Jean-Sébastien Bach, Angelo Lavagnino ou Egisto Macchi. Pour lui, le véritable travail, c’est celui qui s’accomplit tous les jours, sans relâche. Né le 10 novembre 1928 à Rome, Ennio Morricone a été, sur le plan musical, l’élève et le disciple de Goffredo Petrassi. Il est diplômé de l’Académie romaine de Santa Cecilia et est … la simplicité en personne. La modestie aussi. Quand il réclame la paternité absolue de son œuvre, c’est sans doute légalité. Et s’il s’offusque du manque de sérieux de certains compositeurs pour le cinéma, c’est à force d’avoir voulu le meilleur de lui-même, le plus pur. C’est dans cet esprit de la perfection indispensable qu’il ne travaille qu’avec des solistes les plus réputés (Dino Asciolla, Franco De Gemini, Arnaldo Graziosi, Edda Dell’Orso, Oscar Valambrini, Gheorghe Zamfir). Il sourit volontiers quand il perçoit votre intérêt pour tel ou tel genre cinématographique et pour le style particulier qu’il lui a dévoué. Riche de son patrimoine culturel, Ennio Morricone n’est ni le compositeur du western italien, ni celui du film politique engagé, ni non plus celui du thriller, du « giallo » comme disent les Italiens. Le parodique transalpin, le gros cou français à la Belmondo, le lyrisme et le pathétique épiques, tout cela rejoint un fonds de création rigoureusement classique. On ne doit pas oublier que Morricone, avant d’accéder au septième art, composait de la musique de chambre, des symphonies et des partitions théâtrales. Et lorsque son ami Luciano Salce est venu le chercher en 1961 pour écrire la bande sonore de « Il federale », Morricone avait déjà derrière lui un intense passé de créateur. Aujourd’hui, le musicien regarde son œuvre avec l’air concentré de celui qui apprécie l’accompli mais songe principalement à ce qu’il reste à faire. Pour le bonheur de tous, il sera à Bruxelles au Palais 12 le 24 novembre 2018 à 20 heures pour nous régaler avec le best of de ses compositions. Plus de détails sur le site www.palais12.com Jean Lhassa
CONCERT ANGÈLE Angèle est un concentré d’humour et d’autodérision. Elle balade tout un package qui réinvente le concept de la chanteuse pop : celle qui ne craint ni le ridicule ni le malaise, et, tout en assumant ses références populaires, propose un univers singulier, urbain et résolument décomplexé. A vingt et un ans, la jeune femme dévore le monde à pleines dents avec un talent formidable et travaille au corps un public fidèle. Unanimement, la presse s’est accordée pour lui reconnaître un charisme indéniable. Avec son minois fin et ses mélodies entêtantes, la Bruxelloise est passée de petite à grande. Depuis ses débuts, elle a marqué de nombreux points pour se hisser en haut des affiches, faisant de son répertoire une référence pour quiconque souhaite se produire sur les podiums. Pour l’anecdote, elle est la fille du chanteur Marka et de la comédienne Laurence Bibot. Le goût de la scène est donc gravé dans son ADN. Quant à son influence, elle ne rejette rien et s’inspire à la fois de Prince, Les Beatles, Hélène Ségara et Ella Fitzgerald. Bien entendu, les festivals se sont entichés de sa présence et de sa voix de velours. Angèle sera en concert à L’Ancienne Belgique le 26 novembre 2018. Plus de détails sur le site www.abconcerts.be Boulevard Anspach, 110 à 1000 Bruxelles André Metzinger
CINÉMA : KURSK Drame de Thomas Vinterberg, avec Mathias Schoenaerts, Lea Seydoux, Colin Firth et Max von Sydow. Luxembourg-Belgique, 2017. Sortie le 7/11. Résumé – Alors que la flotte soviétique opère un exercice militaire au large des côtes, un sous-marin nucléaire est victime d’un accident au cours d’un tir en plongée. Une torpille explose à bord, entraînant le bâtiment au fond de la mer. Réfugiés dans un compartiment resté étanche, 23 hommes d’équipage tentent de se manifester en donnant des coups contre la coque du sous-marin et en économisant leur air. Les secours arriveront-ils à temps pour ces malheureux qui vivent leurs dernières heures, tandis que leurs familles s’inquiètent et que l’état-major se tait sur l’accident qui vient de se produire ? Commentaire – Un récit haletant, qui vous tient rivé à l’écran pendant deux heures. Il est inspiré par le drame survenu au Kursk soviétique qui sombra au fond de la mer de Barents en août 2000. Une tragédie hélas actuelle. On est scotché à la survie de ces marins qui vont tenter l’impossible pour échapper à l’enfer qui les a engloutis. On est avec le capitaine, magistralement incarné par l’acteur belge Matthias Schoenaerts, qui arrache des entrailles du bâtiment les cartouches d’oxygène qui vont maintenir ses camarades en vie pendant quelques heures encore. On est avec leurs familles qui affrontent le mutisme de la bureaucratie, muselée par les insuffisances techniques des secours qui s’organisent en vain. Avec l’aide internationale qui arrive dans les parages de la flotte russe et qui demande de pouvoir intervenir tant qu’il en est temps encore. Un montage en parallèle nous fait vivre ces moments qui s’entrecroisent. On est ainsi écartelé entre l’intérieur de l’épave où les survivants attendent une aide, et le monde en surface qui s’agite pour les en faire sortir. Le suspense reste entier jusqu’à la fin. C’est remarquablement bien filmé, avec des travellings avant et arrière qui nous font sentir l’exiguïté de l’espace intérieur. Ils nous font éprouver un sentiment de claustrophobie insoutenable. Superbe mise en scène du sous-marin et de l’explosion qui le couche au fond de la mer. Avec notamment Colin Firth dans le rôle de l’amiral britannique qui se porte au secours des naufragés, et Max von Sydow, l’amiral russe qui fait tout pour l’en empêcher et cacher la pénurie des moyens de sauvetage dont il dispose. Cette belle réalisation du cinéma belge n’en est plus à son coup d’essai. Kursk a été tourné en Norvège par Thomas Vinterberg (Loin de la foule déchaînée) et présenté en octobre au Festival de Gand. Avis – Ce docudrame poignant nous montre que la guerre froide continue de sévir entre les deux blocs antagonistes quand il s’agit de l’honneur national à défendre, et que la vie dans ce cas-là ne pèse pas lourd sur les consciences. Michel Lequeux
CINÉMA : LORO (SILVIO ET LES AUTRES) Comédie de Paolo Sorrentino, avec Toni Servillo, Elena Sofia Ricci et Ricardo Scarnaccio. France-Italie, 2018. Sortie le 31/10. Résumé – Décadent, polémique, vendeur d’appartements et chanteur rétro, il est tout sauf subtil. Il a construit un empire médiatique, gravi deux par deux les échelons de la politique italienne, et il a déclenché les scandales sur sa vie étalée dans les journaux. C’est le portrait de celui qu’on nomme Il Cavaliere, au moment où il perd le contrôle de son empire : sa femme, lassée de ses excès en tout genre, est sur le point de le quitter, ses amis l’abandonnent et les bimbos le déclarent « papy à la retraite », sentant bon la colle de son dentier. Le rideau tombe ainsi sur la carrière de Silvio Berlusconi. Commentaire – Un coup d’œil fascinant sur cet homme d’affaires italien, qui a défrayé la chronique pendant des décennies, et qui fut homme d’Etat au Conseil des ministres à Rome à plusieurs reprises. Accusé de fraude et de corruption, et intéressé par les bombasses aux formes plantureuses qui remplissent les journaux people. Silvio Berlusconi est interprété par Toni Servillo, l’acteur fétiche de Paolo Sorrentino qui nous livre ici son neuvième film avec ce « biopic », biographie romancée de la vie du politicien italien. La comédie est drôle et bien typée. Le personnage a un certain charisme, mêlé de bagou, qu’il distille sous ses yeux polissons, plissés à la façon d’un prince oriental, mais il n’échappe pas à ce que chacun pense en le voyant agir : il en a trop fait et trop dit derrière son visage refait à coup de liftings. Comme lorsqu’il se pique de reprendre son rôle de vendeur d’appartements pour se prouver qu’il est encore en forme, et qu’il peut convaincre la cliente dont il a cherché le nom dans l’annuaire. Ou lorsqu’il chante devant un parterre d’amis pour assurer sa voix de velours qui fait frétiller l’assistance. Toni Servillo vient du théâtre et il est passé au cinéma dans les années 90. Il a déjà tourné dans cinq films de Paolo Sorrentino, dont Il divo où il incarnait Giulio Andreotti, personnage clé de la politique italienne (son rôle fut d’ailleurs récusé par l’intéressé au Festival de Cannes en 2008). On l’a vu aussi dans Les Conséquences de l’amour (2004), où il jouait le rôle d’un homme d’affaires manipulé par la maffia. Il a obtenu le prix du meilleur acteur européen pour La grande belleza (2013), vie d’un mondain à Rome, se prélassant dans les fêtes, l’amour, le sexe et la mort. L’acteur et le réalisateur forment un duo de choc dans les biographies romancées qu’ils campent à l’écran. Avis – A voir si la vie de Berlusconi vous intéresse et si vous voulez zieuter les « bimbos » voluptueuses qui sont ici prises en gros plan dans leur plus simple appareil. Les zooms sont évocateurs des pulsions du Cavalier. Michel Lequeux
CINÉMA : DES FIGUES EN AVRIL Documentaire de Nadir Dendoune, avec sa mère et la famille. 58 min, France, 2017. Présenté à l’Espace Magh. Résumé – Portrait drôle et bouleversant d’une vieille mère kabyle habitant un deux-pièces dans l’île SaintDenis à Paris. Sa solitude est meublée par la présence invisible de son mari Mohand, atteint de la maladie d’Alzheimer et placé dans une maison de retraite où elle vient le voir chaque jour. Du moins, les jours où elle en a la force. Car ne pas le faire serait abandonner son mari et se déshonorer elle-même. Chaque matin, elle sert le café à son fils qui lui rend visite et qui en profite pour la filmer et l’interroger dans ses petites habitudes quotidiennes. On la voit ainsi nettoyer l’appartement, faire la vaisselle, regarder les jeux à la TV ou se pelotonner dans son grand lit, avec un ours en peluche pour lui tenir compagnie. Commentaire – C’est le témoignage vrai, sincère et bouleversant d’une mère kabyle qui a rejoint son mari en France en 1960 pour s’occuper des neuf enfants qu’ils auront. Paysanne venue des confins de la Kabylie, elle continue de répondre en tamazigh, la langue berbère, à son fils qui l’interroge en français. Elle montre ainsi son attachement à la langue de ses origines, cause première de l’immigration des Kabyles en France, alors que l’Algérie voulait arabiser la population à tout prix au lendemain de l’indépendance. Son fils lui donne la parole pour raconter l’histoire de leur famille déracinée. L’histoire de tous les immigrés de France qui rêvaient de revenir un jour au pays de leurs racines, et qui n‘ont pu le faire pour bien des raisons. La première étant leurs proches qui sont nés en France, et dont le français est devenu la langue de leur identité. Au-delà de la personnalité attachante de cette vieille dame de 82 ans qui se livre à son fils et à sa caméra de poche, le film aborde les thèmes fondamentaux des familles immigrées : l’exil intérieur des Maghrébins de la 1re génération, venus en France pour chercher du travail et fuir leur pays ; la vie des immigrés dans les banlieues, le partage des valeurs ou la transmission intergénérationnelle. C’est filmé avec une grande pudeur des sentiments. Mais le documentaire soulève aussi des tabous dans la culture musulmane, comme le foulard sur les cheveux que filme la caméra, la religion que pratique la mère derrière les regards, sa détresse face au mari que leurs filles ont dû placer en maison de repos, ou son empathie pour les autres, elle qui est pauvre et illettrée mais douée d’une grande sagesse intérieure. Le réalisateur, journaliste, écrivain et globe-trotteur, utilise le plan rapproché et le gros plan pour faire parler sa vieille mère, qui le fait de bon cœur et qu’il aime de tout son cœur. Il ne le lui a jamais dit, car ça ne se dit pas dans les familles musulmanes. Ça se sent. C’est la raison pour laquelle il lui a consacré ce documentaire poignant qu’elle a vu en septembre 2017, lorsqu’il fut présenté au public. Le seul regret de Messaouda Dendoune : que sa cuisine fût en désordre après le passage de la famille qui venait lui rendre visite, et qui est repartie en laissant les assiettes et les miettes sur la table. Avis – La vieille Messaouda est criante de vérité. On partage avec elle la vie des immigrés de la 1 re génération et celle de leurs familles. Ce documentaire leur rend la dignité et nous force au respect. Michel Lequeux
THÉÂTRE : DESPERADO Avant de mener une carrière séparément, Ton Kas (1959), acteur hollandais aujourd’hui connu pour ses rôles à la télévision et au cinéma, et Willem De Wolf (1961), auteur faisant partie depuis 2010 du noyau artistique de la Compagnie De Koe, formaient un duo. Entre 1985 et 2004, ils ont créé une vingtaine de spectacles dont « Desperado » qui marque leur parcours. La pièce a été sélectionnée au Theaterfestival 1998 parmi les « meilleurs » spectacles des Pays-Bas et de Flandre, et elle a été jouée récemment au Toneelhuis d’Anvers avec le même succès. L’amitié entre Marc, Bruno, Michel et Eddy est inébranlable, et leur rendez-vous de fin semaine incontournable. Visages impassib les, ils parlent et ils parlent, du monde, du travail, des femmes, de leurs vies. Ils pensent, ont des opinions, des rêves, ressassent. Ils sont les héros illusoires du Far West de la vie quotidienne. Ils nous font rire avec leur verbiage, leur quête d’un sens à donner à la vie, leur impuissance à y parvenir, mais en même temps derrière ce vide, il y a quelque chose de triste, de pas bien joli… et de très « trumpien ». Le style comique et acerbe de « Kas & De Wolf », jouant à la fois de l’autodérision et de l’absurdité de l’existence, n’est pas sans rappeler celui de la Compagnie néerlandophone Tristero, et celui de la Compagnie francophone Enervé. Il n’est donc pas si étonnant que la pièce ait réuni quatre as de la gâchette pour interpréter, pour la premièr e en français quatre cowboys du vendredi soir. « Desperado » est à applaudir jusqu’au 1 er décembre 2018 au théâtre Varia. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : #ODYSSÉE Pierre Megos est un acteur professionnel gréco-belge. Depuis plusieurs années, il écrit et met en scène ses propres spectacles. Avec Vision, sa dernière création qui a époustouflé à la fois par sa beauté, son interprétation et sa réalisation, il trouve sa marque de fabrique : confronter en temps réel théâtre et cinéma. Il pousse la prouesse technologique plus loin encore dans #Odyssée qui est une performance théâtrale et visuelle et une incroyable épopée. L’Odyssée d’Homère – ce texte fondateur des genres et codes narratifs, présent depuis la nuit des temps dans toute notre littérature -, devient le terrain de jeu de l’artiste protéiforme, et Ulysse devient Mister Peter, le héros ou anti-héros d’une autofiction. Après des déboires avec la justice, ce dernier tente de faire son come-back à Hollywood. Tel un Charlie Chaplin, Il gesticule dans la tétralogie des temps modernes art -argent-sexe-pouvoir et affronte une multitude de personnages (extra)ordinaires. Véritable poème vivant alliant comédie, trag édie et surréalisme, il démultiplie les points de vue et les mises en abymes. La quête de sens se heurte aux extrêmes d’une société néolibérale où les relations humaines sont des connexions aux machines idéalisées à coups de hastags compulsifs et où il devient presque héroïque de laisser une place à l’amour. « L’odyssée » est à découvrir au théâtre Varia du 7 au 20 décembre 2018. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : JACKIE (UN DRAME DE PRINCESSE) Créé au Théâtre de la Vie en mars 2018 par Olivier Lenel, « Jackie (un drame de princesse) » s’articule autour du monologue. Ecrit par Elfriede Jelinek (Prix Nobel de littérature en 2004) et tiré du recueil « Drames de Princesses. », ce personnage aux facettes multiples représentées par deux comédiennes, Marie du Bled et Marie-Paule Kumps, parle d’une seule voix et incarne une femme en lutte qui se revendique autant qu’elle se défend. Dans les années 60, Jackie Kennedy était la représentation de la femme idéale, le rêve de nos grand-mères, une épouse complice, une mère aimante, belle, gracieuse, réservée. Une femme luttant pour correspondre à cet idéal. Une princesse soumise à la domination masculine. Aujourd’hui, on nous dit que les temps ont changé. Quel héritage avons-nous conservé de cette figure du glamour des années 60, trompée, ridiculisée, digne dans le veuvage, star de la presse... Avec un humour grinçant, le spectacle explore, à travers la figure de Jackie, la violence de l'effort exigé des femmes pour correspondre à l'idéal que notre société actuelle se fait d'elles. Un regard cynique et éclairant sur l'image que cette société impose à la figure féminine : mise en valeur sans être mise en avant. Un spectacle à voir ou à revoir du 13 au 17 novembre 2018 au théâtre de la Vie. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue traversière, 45 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : POURQUOI JESSICA A-T-ELLE QUITTÉ BRANDON ? En s'emparant avec dérision d'outils numériques variés et en passant d'une conférence gesticulée au récit tragique d'un lanceur d'alerte, Pierre Solot et Emmanuel De Candido reconstruisent en direct un puzzle biographique dont chaque pièce aborde les notions complexes d'une société hyper connectée : réalité, virtualité, fiction, guerre propre, digital et pouvoir fascinant des médias. La scène se déroule dans un Café Starbucks. Les clients profitent d'une ambiance lounge un peu bas de gamme, idéale pour bavarder autour d'une boisson chaude choisie parmi une large sélection. Jessica et Brandon se sont installés au fond, à côté de la baie vitrée. Et c'est là que Jessica a cette phrase terrible : « Brandon, ou bien tu me parles, ou bien je te quitte. ». On préfère vous griller le suspens tout de suite : Jessica va quitter Brandon ! Il faut nous excuser mais c'est le principe d'une tragédie, tu connais la fin dès le début. Nous, ce qu'on veut, c'est comprendre « pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ? ». Et pour cela il faut comprendre qui est Brandon et plus précisément quel est le monde de Brandon ? Car c'est dans ce monde que se trouve l'énigme, et c'est dans ce monde que se trouve la solution. Un spectacle défendu sur les planches par les auteurs et à découvrir du 4 au 15 décembre 2018 sur la scène du théâtre de la Vie. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue traversière, 45 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : LES TROIS GLORIEUSES L’histoire commence dans une misérable pension parisienne qui n’est pas sans rappeler celle du père Goriot de Balzac. Véritable carrefour des détresses humaines et des aspirations souvent sans lendemain, la demeure voit défiler des résidents que rien ne prédestinait à se rencontrer au vu de leurs différences sociales. Aristocrates désargentés, aventuriers, anciens bagnards ou révolutionnaires s’y côtoient sans pouvoir s’ignorer. Malgré leurs masques ils s’efforcent de cohabiter. Pendant ce temps à l’extérieur, le peuple gronde, les barricades bloquent Paris, le peuple marche sur les Tuileries et le Palais Bourbon. Après une longue période d’agitation ministérielle, parlementaire et journalistique, le roi Charles X tente par un coup de force constitutionnel de freiner les ardeurs des députés libéraux par ses ordonnances du 25 juillet 1830. En réponse, les Parisiens se soulèvent et affrontent les forces armées, commandées par le maréchal Marmont, au cours de combats qui font environ deux cents morts chez les soldats et près de huit cents chez les insurgés. L’histoire a retenu cet épisode sous le nom des « Trois glorieuses » ou de « Révolution de juillet ». Patrick Chaboud imagine une parodie dynamique de cet épisode dramatique et l’offre à voir du 30 novembre au 29 décembre 2018 au Magic Land Théâtre. Vous trouverez tous les renseignements concrets sur le site www.magicland-theatre.com Rue d'Hoogvorst, 8 à 1030 Bruxelles Sam Mas
EXPOSITION : PEOPLE OF 58 Par le biais de nombreux documents (vidéos, photographies, objets et costumes pour la plupart inédits), « People of 58 » s’intéresse aux gens qui ont fait l’Expo 58 et à leur expérience au cours de cet événement unique en Belgique. Même si cette manifestation peut paraître le reflet d’une époque révolue, elle n’en demeure pas moins un souvenir majeur, qui ravive la madeleine de Proust qui sommeille dans la mémoire des aînés, tant par son aura que par sa dimension humaniste et encyclopédique. Sur le site du plateau du Heysel, plus de cent dix pavillons s’étendaient à perte de vue et tentaient de rassembler les prouesses technologiques du monde entier en un seul lieu. Les styles de ces constructions variaient en fonction des prouesses architecturales et de l’inspiration des participants, pour correspondre aux reflets de chaque culture, tantôt empreinte de modernisme ou de tradition. Une des constructions a retenu toutes les attentions. Chef-d’œuvre de métal, l’Atomium est immédiatement devenu le symbole de l’Expo 58 et celui de Bruxelles, emblème des Sciences servant l’Humanité, soulignant l’ambition de l’exposition intitulée le « Bilan du monde pour un monde plus humain ». Pendant près de deux cents jours, ce furent environ quarante-deux millions de personnes qui sont venu fouler l’esplanade, qui a accueilli tous les jours plusieurs dizaines de milliers de visiteurs venus de tous les continents. Pour les familles belges, la visite est demeurée une expérience majeure. Certaines y ont découvert le monde et ses traditions, grâce aux pavillons étrangers, d’autres sont simplement revenues flâner. En plus de l’Atomium, les visiteurs se pressaient de découvrir les défilés de mode au pavillon américain ou la réplique du Spoutnik dans le pavillon de son grand rival, l’Union soviétique. Les badauds pouvaient aussi se promener dans la Belgique Joyeuse, village pittoresque et animé où se mélangeaient des maisons typiques de tous les styles de chez nous. L’engouement était total et a laissé dans l’esprit de chacun des pépites marquantes de cette époque d’optimisme et de confiance en l’avenir. « People of 58 » est à voir à l’Atomium jusqu’au 20 janvier 2019. Plus de détails sur le site www.atomium.be Square de l'Atomium à 1020 Bruxelles Willy Smedt
EXPOSITION : RESISTANCE Dans le cadre de l’année de la Contestation, la Ville de Bruxelles célèbre le cinquantenaire de 1968, période de rupture semée de multiples défis et année emblématique pour l’art et la société. À cette occasion, la Centrale remplit sa mission d’ouverture, avec un projet ambitieux intitulé « Résistance » et se penche sur la manière dont les plasticiens ont participé aux défis sociétaux et politiques ayant agité le dernier demi-siècle. Il s’agit d’une vaste exposition doublée d’une plateforme d’actions et de réflexions, qui explore à travers une approche thématique la manière dont la contestation et l’opposition s’inscrivent dans le corps des œuvres. En présentant un dialogue entre des pièces historiques de 68 et des travaux contemporains d’artistes belges et internationaux, elle réfléchit cette formidable émancipation qui a eu lieu au printemps 68 et à laquelle l’art contemporain demeure affilié. Depuis cette époque, certains artistes ont fait le choix de résister aux diktats du monde culturel et de pointer les failles qui mettent en péril les fondements même de nos sociétés surmédiatisées. L’art peut ainsi puiser sa force et son expression au sein de ces multiples résistances. Cet événement met également en lumière des créations issues d’une pratique relationnelle élargie au monde, usant de matériaux et de médias non conventionnels, animés par un éminent désir d’action au sein de la collectivité. Une pratique fondée sur des convictions profondes qui rejoignent des enjeux sociétaux majeurs tels que la liberté individuelle, le féminisme, la mondialisation et l’écologie. Au cœur de cette manifestation, le rôle de l’artiste se déploie comme acteur majeur d’une pensée révolutionnaire, entre résistance et contestation. Une exposition à découvrir jusqu’au 27 janvier 2019 à la centrale électrique. Plus de détails sur le site www.centrale.brussels Place Sainte Catherine, 44 à 1000 Bruxelles
CONCERT : ALICE ON THE ROOF Née en 1995 à Soignies, Alice Dutoit s’est fait connaîutre sous le pseudonyme Alice on the Roof. Concurrente de la troisième saison de « The voice-Belgique », elle a malheureusement été éliminée en demi-finale. Qu’importe, son talent a attiré l’attention d’un producteur qui, bien vite, l’a lancée en 2015 avec un premier single. Le succès s’est trouvé au rendez-vous et la belle s’est vue catapulter à la première place de l’Ultratop. Son deuxième single a suivi un parcours identique, en attendant la parution d’un premier album fédérateur en 2016. Pour l’artiste, les festivals se sont enchaînés. A un peu plus de vingt ans, elle est considérée comme une valeur sûre du paysage pop de notre petit royaume et continue de remplir les salles, tant dans la capitale, qu’en Wallonie et en Flandre. Avec des morceaux bercés d’influences électropop, l’artiste est attendue à Forest national le jeudi 6 décembre 2018 à 20 heures pour un méga-concert, annoncé comme une fête à son image : mélancolique, sans tabous et onirique. Aussi l’opportunité de découvrir son deuxième album qui vient de sortir à l’automne. Plus de détails sur le site www.forest-national.be Avenue Victor Rousseau, 208 à 1190 Bruxelles Willy Smedt
THEATRE NATIONAL : NACHTASIEL - LES BAS-FONDS « On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a … c’est à dire pas grand-chose ! » « Nachtasiel » connu en français sous le titre « Les Bas-fonds » est la première et la plus connue des pièces de Maxime Gorki (1868-1936). L’écrivain y dessine une galerie d’exclus dans la Russie prérévolutionnaire. Un acteur, un voleur, un évadé de prison et quelques autres sont réunis dans un asile de nuit, livrés à un couple de marchands de sommeil. Avec leurs maigres moyens, ils tentent de survivre. Malgré la misère qui les ronge jusqu’à la moelle, ils continuent d’espérer et demeurent optimistes. Tour à tour, ils vivent des déchirements amoureux et la maladie. L’arrivée d’un vagabond insuffle de l’espoir au groupe. Sous la direction de Raven Ruël, quatorze comédiens évoluent sur scène et incarnent presque autant de marginaux. Cette pièce dépeint crûment la condition d’individus rongés par la pauvreté et pose clairement la question : comment vivre avec la misère qui colle à l’épiderme ? En exposant la situation de ces déclassés, « Nachtasiel » développe une démonstration d’une cruelle actualité : impossible d’ignorer que, aujourd’hui dans notre pays, des gens vivent dans la rue, ne possèdent pas d’emploi ni d’accès aux soins de santé ou sont laminés par le surendettement. Tania Van der Sanden, David Dermez, Jos Verbist, Peter Monsaert, Soufiane Chilah, Benjamin Op de Beeck, Sophie Warnant, Eléna Doratiotto, Laura Sépul, Anthony Foladore, Thijs Lambert, Valentina Toth, Samuel Van Der Zwalmen et Fiona Willemaers sont à applaudir au Théâtre national du 20 au 25 novembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain, 111-115 à 1000 Bruxelles Sam Masx
THÉÂTRE : LE CHAGRIN DES OGRES « Le Chagrin des Ogres » est la première production de la Cie Artara, compagnie belge créée en 2006 par Jeanne Dandoy, Vincent Hennebicq et Fabrice Murgia, ce dernier étant aussi le metteur en scène. Créé en 2008 à Liège, cette pièce s'inspire d'histoires vraies à travers deux personnages. Le premier est Laeticia, une jeune fille plongée dans le coma après une tentative de suicide qui, dans ses rêves, croit être Natacha Kampush, victime séquestrée dans une cave durant huit ans. Le second est Bastian, un adolescent mal dans sa peau qui, après des mois d'annonces sur Internet, décide de perpétrer une tuerie dans son lycée. Jouant avec l'enfermement des protagonistes au moyen de projections vidéo, ce spectacle propose également un troisième personnage, une femme au comportement enfantin vêtue d'une robe blanche ensanglantée, tour à tour complice et cauchemar des protagonistes. De ce jeu de ping-pong, Fabrice Murgia a tiré une fable saisissante. Nourrie de faits divers, aujourd’hui elle n’a rien perdu de sa pertinence. Terriblement ancrée dans notre époque, « Le Chagrin des Ogres » explore les codes et les enjeux de ce moment si particulier entre enfance et adolescence. Un passage essentiel évoqué grâce à un dispositif scénique astucieux pour en révéler les renoncements, les fantasmes et la poésie. Une scénographie à voir au Théâtre national du 6 au 13 décembre 2018. Plus de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain 111-113 à 1000 Bruxelles Willy Smedt
EXPOSITION : MOTIFS D'HORTA. ETOFFES ET PAPIERS DANS LES MAISONS BRUXELLOISES Les amateurs sont conscients de la révolution esthétique apportée par l’Art nouveau, qui s’est inséré dans toutes les strates de la création, marquant une étape importante à la fin du XIXe siècle et faisant des logements des lieux d’expérimentation, où les créateurs donnaient libre cours à leur talent. La création des papiers peints et d’étoffes a bien sûr été prise en compte dans les intérieurs conçus par ces architectes d’un genre différent, qui affirmaient leur foi dans un concept d’art global et abolissaient la hiérarchie entre les différentes expressions plastiques. Originalité des motifs et complexité des savoir-faire artisanaux, l’exposition organisée à la Maison Autrique apporte à ce patrimoine fragile la place qui lui est due dans l’histoire des formes. Motifs d’Horta. Etoffes et papiers dans les maisons bruxelloises A la fin du XIXe siècle, les architectes de l’Art nouveau souhaitaient développer une esthétique homogène. Si l’enveloppe du bâtiment reste essentielle, le souci du détail dans l’aménagement intérieur devient une préoccupation constante de leur travail. Au début des années 1900, les papiers peints et les textiles conçus par les dessinateurs britanniques du mouvement « Arts & Crafts » jouaient un rôle prépondérant dans la décoration des intérieurs Art nouveau d’Europe occidentale, avec des motifs inspirés de la nature. Victor Horta et Henry Van de Velde utilisaient ces modèles dans les aménagements qu’ils concevaient chez nous. Aujourd’hui, il ne reste malheureusement plus beaucoup de traces de leur présence sur les murs de nos maisons, hormis quelques fragments ci et là et des photographies qui attestent de leur emploi, ainsi que des cartes postales. L’usage des papiers peints et tissus dans les maisons de Victor Horta Visiter une maison ou un hôtel de maître édifié par Victor Horta représente aujourd’hui un voyage dans le temps et la découverte d’une architecture fonctionnelle basée sur l’élégance de la ligne. Victor Horta associait volontiers formes, couleurs et matériaux, prenant soin de maîtriser en amont chaque élément de décoration, soit en le dessinant lui-même ou en faisant appel à des maîtres dans chaque technique. Si le papier peint change au gré des modes, les tissus subissent également les aléas des années et les goûts des familles. Afin de se rendre compte de l’importance de l’Art Nouveau à Bruxelles, il vous est possible de découvrir cette magnifique exposition jusqu’au 27 janvier 2019 de 12 à 18 heures à la Maison Autrique, commande réalisée par Victor Horta en 1893 pour son ami Eugène Autrique, ingénieur chez Solvay. N’ayant rien emprunté à quiconque, il en a fait un lieu de résidence exquis, appelé à devenir beaucoup plus tard un but de visite essentiel pour tout passionné de son œuvre. Voyez les détails précis sur le site www.autrique.be Chaussée de Haecht 266 à 1030 Bruxelles Paul Huet
LE BILLET DE SILVANA Connaissez-vous Neder-Over-Heembeek ? Non, il ne s’agit pas d’une région reculée de Flandre, mais d’une jolie petite commune de Bruxelles. Les habitants l’appellent affectueusement Le Village. Bordée par les champs dorés qui ondulent au gré du vent et par le canal nonchalant, le temps égrainé par les deux cloches de l’église monumentale visible depuis le centre-ville, la vie s’écoule paisiblement à NOH, loin des embouteillages. Pour vous la présenter, j’ai fait appel à André Van der Elst (connu sous le nom de Walli par les amateurs de BD), un enfant du coin. André a plusieurs casquettes. Auteur-illustrateur, il a participé au journal Tintin sous le nom de plume de Walli, avec Gil Sinclair, Modeste et Pompon, Chlorophylle, Cosmic Connection. Il est également astronome-amateur depuis l’adolescence, auteur de livres d’évaluation et de tests de matériel d’astronomie publiés aux Ed. Vuibert en France. Passionné par les vols de tableaux célèbres, il est également l’auteur (avec son complice de BD Michel de Bom) du livre « Le vol de l’Agneau Mystique » Ed. Jourdan. Dans son guide « Les plus belles balades à vélo » paru aux Editions Racine, André nous a concocté des promenades à travers les bois, parcs, réserves naturelles, étangs, roselières ou sentiers de notre belle capitale.Pour découvrir Neder-Over-Heembeek, vous pédalerez le long de charmants endroits méconnus, comme la petite église St Nicolas superbement rénovée et transformée en centre culturel. Vous découvrirez le Val Maria, cité jardin construite fin des années 50. Prévoyez une halte à la brasserie Den Achste Hemel, sur la place Peter Benoit, où vous pourrez déguster des bières artisanales pour tous les goûts. Sans oublier une halte à la ferme Nos Pilifs, son estaminet-restaurant qui offre une très belle terrasse ensoleillée, ses animaux de ferme, son épicerie bio, sa serre proposant des centaines de plantes pour l’intérieur et l’extérieur, ses nombreuses animations tout au long de l’année, ses stages pour enfants. Surprenante commune, à la fois rurale de par ses champs et ses bois, et mondaine avec le BRYC (Bruxelles Royal Yacht Club) qui exhibe fièrement une flotte de yachts. Silvana Minchella (Retrouvez les livres de Silvana Minchella sur le site www.ecrivainsbelges.be)
LA PISTE DES OUTLAWS Les derniers congés d’été furent propices aux rétrospectives de films cent fois vus, soit au cinéma, soit à la télévision. Parmi ceux-ci, invariablement programmés sur les chaînes francophones, la série des « Gendarmes » avec de Funès et comparses, le « Vol du Phoenix », « 2001 l’Odyssée de l’Espace », « Les Sept mercenaires » et les réalisations du renommé Sergio Leone… O, miracle « Certains l’aiment chaud ! » de Wilder fut programmé en août ! Revu, pour la cinquième fois, « Il était une fois dans l’Ouest » (1968). Long, très longue réalisation (175 minutes) qui a pris soudain un coup de vieux. Certaines scènes muettes durent cinq minutes : maniement de revolvers, sieste sous le chapeau, attente du grimaçant tueur sans scrupule à la gare déserte, mouches importunes, yeux vengeurs cadrés de près. Innovations à l’époque du western-spaghetti envahissant les écrans. Le « chefd’œuvre » de Leone manque de cohésion dans son déroulement ou alors on effaça plusieurs passages « scabreux » ? Harmonica omni présent entre les lèvres de Bronson, yeux grimaçants, sourcils vengeurs et les longues « capes » portées en selle ou à pied. Assauts vengeurs du vent de la plaine et sifflements du train (le cheval de fer) et description longuette du parfait salaud infini estropié ; on assassine à tour de bras, fume comme des locomotives, « glougloute ferme ». Sublime musique d’Ennio Morricone : inoubliable et lancinante. Le nonagénaire romain est considéré aujourd’hui comme un fabuleux musicien international. Le film du réalisateur et producteur Sergio Leone se caractérise par la violence du scénario et présente la pulpeuse Claudia Cardinale, une femme fatale aux ambitions sans fin et au maquillage outrancier, fine mouche rêvant de bains chauds en tenue de vamp. Henry Fonda, dur à cuire, ne lui résistera pas… Leone engagea des acteurs peu coûteux issus de la série B américaine : Van Cleef et Wallach. Edi Wallach eut des débuts tardifs. Passé par l’Actor’s Studio des Strasberg. Après avoir été l’idéal truand révélé par Leone, il fut même un Napoléon parodique dans « Les Aventures du brigadier Gérard » d’après Conan Doyle ! Pour moi, Eli Wallach, acteur mythique, fut souvent mal récompensé par son talent. Selon une étrange déclaration de Belmondo (égocentrique au carré), « l’acteur inné ou d’instinct n’a pas besoin d’être sans cesse dirigé, conseillé oui. » Voire. Le nombre d’actrices et d’acteurs passés réalisateurs sont légions mais les phalanges furent-elles pour autant victorieuses ? Nombre de bides se comptent dans certains pays pour de trop rares découvertes. Au rang des livres publiés sur la Conquête de l’Ouest, les « novels » aux USA, je vous cite un livre étonnant : « La Piste des Hors-la-loi ». Les auteurs ? Robert Redford et le photographe hors pair Jonathan Blair. Redford et ses courageux compagnons vont ainsi, à dos de cheval, traverser les plaines désertes, rencontrer éleveurs et cowboys dont certains sont les descendants de ces hors-la-loi si jaloux de leur indépendance. Ainsi l’expédition des neufs hommes fut fructueuse et atteignit les cachettes des frères McCarthy, de Cleophas Dowd, de Mexican Joe, des sœurs Basset. Redford s’arrêta en chemin à la maison natale de Parker, près de Ciclevill, dans l’Utah ; il était en conversation avec Lula Parker Betenson, sœur de Butch Cassidy. La piste des hors-la-loi sinuait du Montana au Nouveau Mexique à travers l’Utah, le Colorado et l’Arizona pour regagner leurs refuges dans les dédales des canyons ou sentiers de montagne vertigineux comme « Le Trou-dansle-Mur ». Une expédition parfois périlleuse que réalisa Redford et ses compagnons. Splendides photographies. Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende ! Jean-Louis Cornellie
UN SPLENDIDE DÉSENCHANTÉ : MAURICE RONET Fils unique de comédiens connus, René Ronet (1927-1983), né à Nice, fut non seulement comédien mais réalisateur. Elevé dans une famille heureuse, il n’en demeure pas moins qu’il ressentira une profonde solitude. Il débute sa course aux étoiles à seize ans. Il monta à Paris, au centre théâtral rue Blanche, où il suivra les cours d’art dramatique et fréquentera le Conservatoire. Acteur de théâtre donc. Du haut de son mètre quatre-vingt-sept, il porte beau et le sait. Ce grand vivant, amateur de musique, brûlera la vie par les deux bouts et « imprévisible, insupportable, il aurait été un personnage de roman » dira Eric Neuhoff. Jeune premier du cinéma français, il débutera dans « Rendez-vous de juillet » de Becker. Il tournera ensuite dans le mythique « Plein soleil » qui révéla son talent. Un autre Delon. Rivalité ? Ce désenchanté mena une existence mystérieuse puis disloquée, forma un couple parfait avec Anouk Aimée, une actrice au caractère « trempé » (une difficile actrice dixit Lelouch). Parmi ses conquêtes : Anna Karina et Ava Garner. Là, il lui fallut une fameuse dose de courage pour supporter les foucades de « la Comtesse aux pieds nus ». Ainsi, ce mélancolique amateur de voitures collectionna les belles carrosseries et les conquêtes féminines. Il jouera aux côtés de Brigitte Bardot, sous la férule de son copain Roger Vadim qui lui donnera un rôle dans « Don Juan 73, » on ne rêve pas ! Il épousera la grande actrice Maria Pacôme qui sacrifia sa carrière pour lui et avec qui il eut un fils, Julien. C’est, à mon humble avis, en 1958, son meilleur rôle au générique du film de Louis Malle « Ascenseur pour l’échafaud » (vu trois fois, musique inoubliable de Miles Davis). Avec pour partenaires Jeanne Moreau et Lino Ventura. Il fit là une étonnante contribution à ce casting de rêve. On y aperçoit Jean-Claude Brialy et l’épatant Charles Denner. Dans « Le feu follet » (1963) il récidive. Il damnera le pion à Delon dans le classique et lent « La Piscine », avec Romy Schneider. Y apparaît une jeune pousse maigrichonne : Jane Birkin. Je me demande toujours ce qu’elle vint faire dans ce bain-là. Il sera l’acteur préféré de Claude Chabrol. Il fut séduit par l’appel du cinéma italien, qui sera attiré par les actrices et acteurs français. Citons Alain Delon (maté enfin par son grand ami Visconti !), Jacques Perrin, Jean-Louis Trintignant (ah, « Le fanfaron avec Vittorio Gassman ! »), Jean Sorel, Bernard Blier, Jean-Paul Belmondo, Jeanne Moreau (primée à La Mostra de Venise), Annie Girardot, Dominique Sanda, Catherine Spaak, l’immense Charles Vanel et Lino Ventura. Cet écorché de nature instable, porté sur l’alcool, épousera (1980) en secondes noces Joséphine, la fille de Chaplin : un enfant naîtra de cette courte union. Cet acteur bourré de talent mourra à Paris d’une longue maladie. En tant que réalisateur, il tourna quatre films dont « Le voleur de Tibidabo » et des reportages pour la télévision (« Vers l’île aux dragons » et « Mozambique »). Il conçut enfin deux téléfilms adaptés d’Edgar Allan Poe (« Ligeia » et « Le scarabée d’or »). Il écrivit aussi « Le métier de comédien ». Anecdote : à Bruxelles, rue du Bailli, à Ixelles je croisai le comédien. Il tournait rue du Bailli, à Ixelles, dans un hôtel de maître : de mémoire dans le sombre récit « Le feu follet » de Louis Malle. Oui, il eut été un personnage de roman. Ce « Centurion », il côtoie dans ce film Antony Quinn, Delon et la sublimissime Claudia Cardinale - fut « une épée » trop tôt brisée sur les genoux du succès. Salut, l’artiste ! Jean-Louis Cornellie
MÉDITATIONS HEUREUSES SOUS UN CERISIER DU JAPON Grégoire avait tout pour être heureux. Du moins voilà ce qu’il pensait jusqu’à ce que Lorena le quitte. Lorena était son soleil, sa proue, sa respiration. Celle avec laquelle il aurait conçu des enfants aussi beaux qu’elle. Pour ne pas s’étioler, il a été amené à réagir, à ne pas se lamenter et à colmater ses angoisses. Simplement pour ne pas perdre la tête et ne pas devenir fou. Plutôt que de se gaver d’antidépresseurs, il a cherché la sérénité dans la méditation, apprenant à se saisir des mille beautés qui l’entourent, à ne plus se laisser parasiter par un monde qui fonce à toute allure droit dans le gouffre et à prendre le temps de se poser pour observer les raffinements de l’existence. Puis, il trouve un viatique par le truchement d’un cerisier du Japon, un arbre majestueux dont il écoute le bruissement des feuilles, flaire la sève, touche sa proximité avec le sol. Assez vite, il découvre que résoudre ses difficultés passe impérativement par le détachement vis-à-vis d’un ego arrogant et la recherche de la simplicité. On ne résout jamais rien en arrachant des portes, en bâtissant des murs ou en se mettant martel en tête. Au pire, on s’épuise vainement et on lamine ceux qui nous sont chers. Il ne faut pas chercher une kyrielle de rebondissements dans ce roman initiatique. A son accoutumée, Frank Andriat parle des gestes qui se succèdent pour parcourir le fil de l’existence, avec ses hauts et ses bas, use d’une belle langue (souvent poétique) pour asseoir de belles descriptions qui débouchent sur l’émerveillement et ose une réflexion sur le sens de chaque instant, faisant de tout silence une pépite pour évacuer les doutes, renforcer la confiance en soi et prouver que la vie mérite cent fois d’être vécue. Mieux, il nous entretient de notre précarité sur terre et de la quête permanente qui nous tire vers la lumière. Ed. Marabout – 218 pages Daniel Bastié
MESSAGÈRE DE L’OMBRE L’amour et la guerre sont au rendez-vous de ce récit émouvant sur fond de tension. Alors que les noces de Pauline et Albéric viennent d’être consommées, le jeune homme est consigné pour monter au front. Mortellement touché lors des premiers assauts, il laisse une veuve éplorée. Pour survivre, elle s’active dans l’officine familiale en secondant son père et passe le reste du temps en compagnie de Juliette, qui exerce le métier d’institutrice. Contrairement à beaucoup de patriotes, elle refuse de cautionner la politique de Philippe Pétain et s’engage dans la résistance. Lorsque les trésors du Louvres sont menacés d’être dérobés par l’occupant, elle s’implique pour leur maintien dans l’Hexagone en compagnie d’un des conservateurs du célèbre musée. Naturellement, une attirance réciproque unit les deux jeunes gens, sans jamais leur faire oublier la violence de l’étau nazi. Daniel Crozes signe un magnifique portrait de femme libre, qui refuse de se laisser brider et qui clame son droit de vivre. Il met également à l’honneur celles et ceux qui se regimbent face au totalitarisme et qui, au péril de leur vie, se battent pour faire à nouveau flotter le drapeau national sur le balcon des mairies. Loin des poncifs, il offre un roman manichéen, richement documenté et qui nous plonge dans les coulisses d’un conflit qui a mis l’Europe à feu et à sang. Avec une belle acuité, il ne s’égare jamais en circonvolutions et resserre l’intrigue autour de deux idéalistes trop jeunes pour demeurer seuls. Il s’agit enfin d’un pan du conflit rarement traité en littérature comme au cinéma : celui du sauvetage des œuvres d’art ! Ed. Rouergue – 391 pages Daniel Bastié
RUBIEL E(S)T MOI Les murs de l’orphelinat de Bienestar ont longtemps été son unique horizon, avec des portes qui claquent et le vent qui s’infiltre par tous les interstices. Né en Colombie en 1987, le personnage principal a réellement commencé à vivre en 1991, jour de son adoption. Son enfance a été une succession d’événements heureux et d’autres qui l’étaient nettement moins. A l’âge adulte, il avait déjà vécu mille existences que d’autres ne connaîtraient jamais : la rue, la violence, la délinquance, l’amour. Au moment de quitter ses compagnons d’infortune, il ne savait pas qu’il allait changer de prénom, quitter le pays et que son futur allait verser dans l’inconnu. Durant des années, il a grandi sans se poser la moindre question ni regarder dans le rétroviseur. Puis, l’adolescence est devenue signe de mal-être, avec un sentiment de déséquilibre accentué, au point d’avoir la désagréable sensation de se tenir au bord d’un gouffre, avec une impression de vide insondable. Pour s’affirmer, il a plongé dans tous les vices : la drogue, l’argent facile, les femmes impudiques, les coups de gueules et les uppercuts. Alors, pour lénifier la fièvre qui le taraudait, il s’est mis à rédiger, à coucher par écrit ses impressions, à fuir le quotidien en s’inventant une autre vie et à développer une plume schizophrène, mélangeant le vrai et le faux, le vécu et le fantasmé. A force d’introspection, il a fini par circonscrire ce qui le tourmentait et l’empêchait de s’assumer pleinement. Mais que ce serait-il passé si jamais un couple ne l’avait choisi parmi les nombreux enfants en manque de tendresse ? Et si un autre avait quitté l’Institution à sa place ? Remonter le temps, postuler des hypothèses, supputer. Et si tout devenait chimère ? Vincent Lahouze a été révélé sur le Net et a fort vite attiré l’attention des éditeurs. Avec « Rubiel e(s)t moi », il signe un premier roman en forme de miroir, à la fois extrêmement personnel et chargé d’une force évocatrice déroutante. Ecrire pour mûrir est son viatique autant que celui du protagoniste avec lequel il tisse des liens ténus. Ed. Michel Lafon – 268 pages Daniel Bastié
DOCTEUR, RENDEZ-MOI MA LIBERTE Parmi les grands débats de société, l’euthanasie revient régulièrement à la Une des médias. Même si les avis divergent, le droit à une mort décente reste pour beaucoup une liberté à inscrire dans la constitution. Pour le médecin Yves de Locht, chaque patient doit pouvoir maîtriser son destin jusqu’à la dernière seconde et il importe que le corps médical puisse l’assister jusqu’au bout, sans craindre des sanctions pénales ou la révocation. Euthanasier un malade revient à endiguer les souffrances. Non pas de mettre fin à une existence, mais d’abréger l’agonie. On meurt malheureusement mal au pays des libertés, prouvant que la démocratie n’a pas été complètement acquise. Au nom de sacro-saints principes, de nombreux élus refusent de légiférer, alors que près de 90% de la population serait favorable à une mort médicalement encadrée et choisie. On devine que son livre se veut à la fois un pamphlet en faveur du dernier soin, tout en étant un cri en faveur de plus d’humanité dans les centres hospitaliers. Pour lui, il y a urgence de porter le débat sur la scène publique. Bien mourir se résume à bien partir. Maladies incurables et douleur intenable doivent pouvoir être éradiquées pour mettre un terme à des situations déshonorantes. Ed. Michel Lafon – 238 pages André Metzinger
CET ENFANT QUI NOUS POURRIT LA VIE Être parent n’a jamais été une panacée et, confrontés à la venue de l’enfant, les adultes se rendent compte de ce que la chose implique. Très vite, chacun est confronté à une série de contingences ou limites à sa propre liberté au bénéfice du nouveau-venu. Un modus operandi qui n’a rien d’aliénant mais qui implique une organisation et un rythme différents. Très vite, la maman et le papa se rendent à l’évidence qu’ils se retrouvent en présence d’un petit être de chair nanti d’un réel caractère et capable d’astuces pour obtenir gain de cause. Danielle Graf et Katja Seide nous proposent un ouvrage teinté de légèreté et d’humour pour aider le lecteur à se rassurer face à un rôle auquel il n’était pas forcément préparé. L’idée n’est pas de donner de leçons, mais de rassurer et de prodiguer des conseils utiles dont chacun pourra tirer le meilleur profit. De nombreux témoignages étayent les propos et deviennent du coup bien plus efficace que de longues explications sur la manière dont on doit s’occuper de bébé. Evidemment, il ne s’agit jamais d’une sinécure et il convient de trouver ses marques, avec sa sensibilité, son caractère et sa façon d’affronter les inconvénients au quotidien. Néanmoins, malgré un bouleversement opéré dans le foyer, la venue de l’enfant correspond à un bonheur immense et incomparable. Traverser sans stress l’étape des cinq premières années de croissance de la petite fille ou du petit garçon qui illumine ou empoisonne l’existence. Au demeurant, on oublie rapidement les caprices, les nuits blanches et les langes sales au profit d’énormément d’amour qu’on ne manque jamais de prodiguer. Ed. Michel Lafon – 3178 pages Daniel Bastié
TAMARA PAR TATIANA Tamara de Lempicka occupe une place singulière dans l'art du XXE siècle et ce malgré une production modeste recensant environ cent cinquante toiles. Des œuvres qui témoignent du faste et de l’insouciance de l'entre-deux-guerres et qui se caractérisent par une stylisation néo-cubiste, Il s’agit principalement de portraits avec un modelé accentué et des couleurs vives mises en valeur par des fonds gris ou noirs. Même si le nom de l’artiste ne vous dit peut-être rien, il y a de fortes chances pour que l’un ou l’autre de ses tableaux vous soit connu. Tatiana de Rosnay est depuis longtemps fascinée par le travail de son aînée et, après des décennies de contemplation et d’admiration, elle a décidé d’aller à la rencontre de son idole, en voyageant dans le passé, en se greffant à son quotidien, en l’imaginant à son chevalet et en parlant de sa vie privée. Audelà des données officielles, elle ouvre des portes jusqu’ici tenues closes et entraîne le lecteur au rythme du Paris palpitant des Années folles. Avec des mots empreins de beauté, elle raconte et confie. Il n’existe pas à proprement parler de mystère Tamara De Lempicka, même si certaines mises au point ont le mérite d’être soulignées. L’artiste ne serait pas née à Varsovie, mais à Saint-Pétersbourg. Qu’importe ! Séductrice, il lui fallait sans doute tenir secret l’un ou l’autre nœud de son existence. En femme du monde, elle n’aimait pas non plus afficher sa date de naissance. Quant aux nombreuses photographies qui émaillent cet album, elles sont le fruit de la méticulosité de Charlotte Jolly de Rosnay, fille de la narratrice. Ed. Michel Lafond – 216 pages Paul Huet
ROMANESQUE Le comédien Lorant Deutsch se lance à travers l’histoire de la langue française. Une aventure passionnante qui nous plonge à ses origines et qui, au passage, démonte plusieurs idées préconçues. Non, notre belle langue n’est pas le gaulois mais le roman, dérivé du latin ! Remonter aux origines sert avant tout à nous connaître et à savoir d’où nous venons. Une expérience enrichissante qui nous situe par rapport à nous-mêmes et aux autres. La langue est avant tout objet de communication. Au fil des époques, elle a été sujette à bien des porosités, que ce soit au fil des échanges commerciaux, des guerres, des mariages ou des invasions. Le vocabulaire s’est naturellement enrichi avec les nécessités, l’avancée des technologies. Surtout parce qu’il est matière vivante et donc fluctuante. Les apports se sont avérés nombreux, venus d’Angleterre, des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Espagne, etc. Avec un joli sens de la narration, l’auteur évite le pensum assommant et nous invite à un périple chatoyant dans l’univers des mots et des expressions, afin de nous assurer que le français reste une langue bourrée de nuances, riche et qu’elle nous uni à la fois dans un passé et un présent communs. Ed. Michel Lafon – 398 pages André Metzinger
GRANDS POÈMES Marina Tsvetaïeva était une poétesse née à Moscou le 26 septembre 1892 et décédée à Lelabouga le 31 août 1941. Si la plus grande partie de ses vers prend sa source dans son enfance troublée, elle n’a jamais eu de cesse de magnifier son pays, tout en se laissant influencer par le mouvement symboliste russe. De ses nombreux voyages en Europe, elle acquiert une liberté d’esprit qui la pousse à ne jamais fléchir lorsqu’il s’agit de parler sentiments. On lui prête même une liaison saphique. De retour en Russie, elle est témoin de la révolution bolchevique et du grand changement opéré au sein de la nation. Après un premier recueil de ses travaux, les éditions des Syrtes proposent vingt et un longs poèmes peu connus chez nous, ainsi que des contes d’inspiration folklorique et plusieurs textes inachevés. Certains d’entre eux correspondent à des étapes importantes de la vie de l’auteure et se singularisent par un style travaillé. Loin des écrivains qui se contentent de quelques quatrains pour exposer une émotion ou une ambiance, Marina Tsvetaïeva travaillait sur la longueur et s’exposait en multipliant les vers par centaines, voire par milliers. La présente édition est composée de la version bilingue des textes. A savoir, français et russe. Il s’agit enfin du dernier volume d’une trilogie consacrée à l’une des auteures les plus prolifiques de sa génération. Ed. des Syrtes – 1120 pages Daniel Bastié
L’ANTI-MAGICIEN : L’OMBRE AU NOIR Kelen poursuit sa quête, affichant sa détermination dans chacune de ses mimiques. Naturellement, il ne tarde pas à s’imputer de nouveaux ennemis et n’a de cesse de découvrir un remède contre le mal qui le ronge. Bien sûr, ses pouvoirs ont été réduits à peau de chagrin (voir le tome 1) et il procède davantage en braconnier qu’en jeteur de sorts. A cela, ses adjuvants n’arrangent rien à sa réputation, acolytes incontrôlables et fantasques toujours en marge de la légalité. Ce deuxième volet des aventures d’un adolescent (qui possède un profil d’anti-héros et qui se singularise par la recherche de sa véritable identité et d’authentiques pouvoirs disparus) se veut autant initiatique que philosophique, amenant le lecteur à s’interroger sur le monde qui l’entoure et sur les agissements à développer lorsque la vie devient question de survie. L’éthique prônée semble ici celle de propager la méchanceté et la violence, quitte à se vautrer dans des situations intenables et de s’opposer à chaque instant de bonheur. Au fil des pages, on apprend que le héros n’est pas foncièrement pervers et qu’il cherche une issue pour gagner sa rédemption. Avec une plume énergique, le romancier canadien Sébastien de Castell accumule les séquences musclées, met en scène des personnages hors-normes et suggère le doute sans jamais renoncer à un humour qui atténue les moments de tension. Les univers traversés sont envoûtants et une surprise guette le lecteur tous les cinq ou six chapitres. Voilà un livre dont la vocation consiste à se laisser dévorer sans vergogne, pourvu qu’on adhère à la fantasy. Ed. Gallimard-Jeunesse – 400 Pages Daniel Bastié
MOI, MES BLESSURES, LE MAQUIS La guerre, la résistance, les souffrances d’hommes qui ont fait le choix de se battre pour leur patrie plutôt que de se renfrogner dans la passivité en attendant des mois meilleurs. Le Commandant de Réserve Florian Verney était de ceux qui ne craignaient pas la mort et qui se sont jetés dans l’aventure pour faire triompher la démocratie face à la barbarie nazie. Mobilisé, interné dans les cachots allemands, évadé, et membre d’un réseau de partisans, il se raconte à travers un journal fictif imaginé par le romancier Richard Yves Storm, fils et petit-fils de militaires. Même s’il ne s’agit pas d’une biographie, « Moi, mes blessures, le maquis » aurait pu l’être, puisque l’auteur se base sur un contexte historique précis et relate avec méticulosité la vie des Belges durant le second conflit mondial. Partant de souvenirs familiaux, de documentaires et d’archives, il a mis en place l’aventure (qui aurait pu être authentique) d’un héros qui expose ses doutes, ses questionnements et qui s’insurge contre la collaboration de certains avec l’ennemi. L’écrivain met également en exergue les réticences de plusieurs au moment d’apposer des actes décidés en amont, conscients des conséquences pour leur intégrité physique. Réaliste jusqu’au bout, ce roman parle également de relations amicales, d’amour, de défiance et de trahisons dans un contexte agité et bien souvent guerrier, jusqu’à ce jour fatal durant lequel le bombardier qui devait le conduire sous des cieux plus cléments prend feu en plein vol. Des cris fusent de partout, l’odeur devient insupportable et le rideau de scène se rompt. Au secours, nous brûlons ! Ed. Academia – 139 pages Daniel Bastié
1001 PHOTOGRAPHIES QU’IL FAUT AVOIR VUES DANS SA VIE Si le choix demeure forcément subjectif, ce collectif a pour mérite de nous exposer des clichés qui ont modifié la vision du monde, fait évoluer les mentalités ou éblouit sur le plan esthétique. D’Elliott Erwitt à Gerry Cranham, chaque photographe est passé à la notoriété grâce à son talent. La grande question était de classer les clichés pour les présenter sans les doter d’une importance exagérée par rapport à ceux qui les suivent ou les précèdent. Plutôt que de choisir une nomenclature alphabétique, il a été préféré de répertorier les œuvres selon une source chronologique, partant du début du XIXe siècle à notre époque. Une option qui en vaut une autre, mais qui permet de se rendre compte de l’évolution des mœurs et de l’impact de la photographie sur la société. Les pièces sélectionnées ne prétendent en aucun cas demeurer une liste définitive du meilleur en la matière. En amont, l’objectif a été d’inviter le lecteur à voyager dans le temps, à découvrir ou à se souvenir autant pour s’informer que pour s’initier à une discipline en perpétuelle évolution. A l’instar de la musique, la sculpture ou la peinture, la photographie reste un art entier, avec ses règles, ses adeptes et ses courants. Tutoyer le genre permet surtout de s’épanouir pour bien comprendre certains aspects de notre existence en collectivité avec, au bout du chemin, la possibilité de vivre moins stupidement et de s’ouvrir aux autres. Bien entendu, chaque instantané fait figure de fragment ou d’instant figé dans le temps. Ed. Flammarion – 960 pages Daniel Bastié
LE ROMAN VRAI DE LA MANIPULATION Aujourd’hui comme hier, la politique manipule le citoyen. A chaque échelon du pouvoir, on trouve des hommes prêts à tout pour asseoir leur autorité et leur influence. A un certain stade, elle peut même être interprétée comme étant un art, profitant des réseaux sociaux et des médias pour étendre son aura. Spécialiste des questions russes, Vladimir Fédorovski a mené une enquête indépendante pour cerner les arcanes du Kremlin et dévoiler des profils dignes des meilleurs James Bond : espions, sbires du KGB, hommes forts du pouvoir. On demeure ébahi face à tant d’énergie déployée. Si la Russie peut être considérée comme l’expert mondial de la désinformatioin, les Etats-Unis n’ont pas grand-chose à lui envier. Ce livre se découpe en deux grandes parties. La première se focalise sur l’ex-bloc soviétqiue, d’Ivan le Terrible à Poutine. La seconde s’intéresse à l’ensemble de la planète et nous pousse à relever les hauts et les bas de notre siècle agité, avec pour constat alarmant que la manipulation échappe aux dirigeants pour se métamorphoser en propagande zélée de citoyens peu ou mal informés, fanatisés ou adeptes de la théorie du complot. Au fil des chapitres, on découvre qu’aucun gouvernement n’échappe à cette pression et que les codes se modifient à mesure que les années se succèdent. Au demeurant, il apparaît que la manipulation non maîtrisée demeure omniprésente et est en passe de devenir plus tangible que la polituqe de terrain. Effrayant ! Ed. Flammarion - 258 pages Paul Huet
SOUS LES TOITS DE PARIS Il est doux de se glisser sur la pointe des pieds dans l’appartement de quidams et de se familiariser avec leur intérieur pour sentir la chaleur d’un foyer. Inès de la Fressange et Marin Montagut nous invitent à découvrir une quinzaine de logements au charme typique, tous situés à Paris, et qui reflètent le tempérament de celles et ceux qui les ont aménagés et les habitent. Un nouveau style apparaît, né du désir de ressusciter les souvenirs et d’offrir une seconde existence aux objets habituellement relégués dans les caves et les greniers. Glanés sur les brocantes, nettoyés, restaurés ou repeints, ils dotent chaque univers d’une aura singulière et apportent une touche sensitive unique. Il apparaît directement que les matières naturelles sont privilégiées, avec un grand retour du bois brut sans privilégier aucune essence. S’y côtoient lin, coton, pin, osier avec la volonté de ne pas heurter le regard. Le vintage se retrouve évidemment à l’honneur, avec des pièces qui ont traversé le temps et réutilisées ici de manière parfaitement pragmatique comme boîte de rangement, coffre, étagère ou à des fins purement décoratives. Quant aux murs, ils déploient des aquarelles, des collages, des sérigraphies ou des tissus qui apportent une touche de poésie ou un décalage par rapport à ce qui peut être vu ailleurs. Bien entendu, cet ouvrage se laisse découvrir pour la beauté des clichés qu’il nous présente ou, plus simplement, tel un guide visant à nous inspirer au moment de s’attaquer à l’aménagement de notre petit chez-soi. S’y ajoutent une série de conseils pratiques pour aider chacun à créer un cocon qui privilégie le bien-être. Un livre idéal à offrir ou à se procurer pour le plaisir. Ed. Flammarion – 256 pages Paul Huet
JACK ET LE MYSTÈRE DES RUBIS Accusés à tort d’avoir dérobé un rubis maléfique pouvant provoquer un cataclysme irréversible, Jack et Gwen sont amenés à fournir la preuve de leur innocence. Pour se faire, ils se lancent à la poursuite du coupable, un voleur sans foi prêt à tout pour mener le monde à sa ruine. James R. Hannibal signe un roman énergique qui combine aventure, suspense et pouvoirs occultes dans un décor londonien aux images à couper le souffle, avec la nuit comme linceul et des personnages obscurs dont l’âme se révèle progressivement. Il y a un peu de « Da Vinci Code » et de la série « Sherlock » dans ce récit haletant qui ne laisse aucun temps mort et qui multiplie les effets pour resserrer l’intrigue jusqu’au dénouement. Une touche de fantastique se greffe sur la quête entreprise par les deux jeunes héros, stupéfaits de découvrir que le joyau disparu faisait partie d’un ensemble ayant appartenu au célèbre Gengis Kahn et que, réuni à nouveau, il dégagerait une puissance capable de bouleverser l’ordre de l’univers. « Jack et le mystère des rubis » s’adresse avant tout aux amateurs de magie. Un roman conseillé à partir de treize ans. Ed. Flammarion Jeunesse – 422 pages Daniel Bastié
LA NUIT A MANGÉ LE CIEL Gauthier Steyer est né près de Strasbourg et exerce le métier d’éducateur spécialisé. La lecture et l’écriture l’ont toujours accompagné dans son sacerdoce auprès des personnes fragilisées et lui servent de viatique pour surmonter les défis qui se dressent au quotidien. Il croit également à la vertu des mots pour modifier le cœur des gens. Installé depuis presque deux décennies à La Réunion, il s’implique ardemment dans un job qui contribue à libérer ses semblables du désespoir. Naturellement, « La nuit a mangé le ciel » nous parle des humbles et des oubliés du système à la recherche de repères et d’un futur amène. A onze ans, Juanito a été placé dans une famille d’accueil et s’interroge sur la raison qui a poussé les services sociaux à l’arracher des bras de sa maman, qui habite une cité baptisée La Marmite. Perturbé par sa nouvelle condition, il se scarifie, avec comme conséquence d’être expédié dans un foyer pour jeunes instables. Profitant d’une excursion, il fugue et entreprend de rentrer chez lui. De déceptions en espoirs laminés, l’auteursuit pas à pas et avec un langage sans fard les errements d’un gosse (plus totalement enfant et pas encore homme) en quête de bonheur. Indulgence mêlée à une encre poétique, il traite de la condition des parias, loin de toute compassion facile, et qui usent de la débrouille pour maintenir le visage hors de la gadoue. L’instinct de survie et l’appel à la dignité passent évidemment par la solidarité et l’amitié. Ed. Denoël – 221 pages Daniel Bastié
LE RÔLE DE LA GUÊPE Un orphelinat, un fantôme, des condisciples hostiles, un directeur étrange : voilà le décor de « Le rôle de la guêpe », le dernier roman de Colin Winnette qui décrit un univers clos où chaque événement s’exacerbe et où les petits riens ensevelissent des secrets profonds. Un nouveau pensionnaire vient d’arriver dans l’établissement et, fort vite, se trouve confronté à une réalité à laquelle il ne s’attendait pas. Devant faire front à des condisciples violents, il tente de survivre vaille que vaille. Une rumeur est véhiculée par le groupe : un revenant hanterait le bâtiment et, une fois par an, assassinerait un résident. Pourquoi ne pas tenter de mettre un terme à son activité ou de résoudre le mystère qui l’enveloppe ? L’auteur multiplie les points de vue et brosse le portrait terrible d’une enfance mal aimée, qui attend impatiemment l’émancipation pour se prendre enfin en charge et vivre son destin. Au fil de la lecture, chacun s’empare de ce récit avec son tempérament et s’y accommode en y péchant certaines couleurs, métissées, morcelées et rarement clinquantes. On songe forcément un peu à l’univers cruel de « Sa majesté des mouches », parabole sur la société et ceux qui la tricotent et où (là aussi) les faibles sont relégués à demeurer des entités négligeables ou à subir la férule des forts. Ed. Denoël – 202 pages Paul Huet
PAS D’AMOUR SANS AMOUR Difficile de vivre sans amour. Surtout d’entretenir une vie sexuelle active si les sentiments demeurent l’élément déclencheur de tout. Eva subit le célibat plus qu’elle ne l’accepte. Compliqué de s’épanouir à quarante ans lorsqu’il manque l’essentiel, même si on est belle et avide de bonheur. Sans renoncer à ses désirs, elle décide de se lancer à la recherche de l’homme parfait. La perle rare vit bien quelque part et le croiser repose sur un minimum (ou beaucoup) de chance. Quoi qu’il en soit, la procrastination ne sert à rien, même si chacun sait que les mâles se révèlent trop souvent décevants. Evelyne Dress propose un roman chargé de mélancolie, bourré de nuances et qui fait la part belle à l’imagination. La quête d’amour devient évidemment le motif récurrent de ce récit contemporain. Entraîné par la prose addictive de l’auteure, le lecteur se laisse happer par chaque situation au point de s’identifier. « Pas d’amour sans amour » se veut avant tout une comédie de mœurs simple et pertinente, qui véhicule des propos de notre temps. Loin des relations adolescentes et des premières amours, l’héroïne refuse de se soumettre et se sait encore suffisamment jeune pour croire que tout demeure possible. Bien entendu, elle refuse de livrer son corps sans passion et sait prendre soin d’elle, à la fois par respect et par protection, Si on peut se tromper d’histoire d’amour, on peut se reprocher toute la vie de n’avoir pas tenté sa chance. Ed. Glyphe – 240 pages Paul Huet
ROMÉO CHERCHE ROMÉO En amour, il existe maintes possibilités d’épanouissement. Lorsque James, journaliste pour une revue à potins, se sépare de son boy-friend Adam, il se retrouve en proie à une angoisse sans nom. C’est alors qu’une amie le dirige vers un site de rencontres, afin de vivre de nouvelles aventures. Très vite, sous le pseudonyme Roméo, il acquiert une réputation qui le dépasse. De rencontre en rencontre, il se lie avec une vedette du sport qui, naturellement, objecte à sortir du placard. Justin Myers propose une fiction romantique bien de notre temps, qui refuse d’éluder les problèmes actuels et qui ose parler d’homosexualité. Avec humour et sans aucune vulgarité, il brosse le portrait d’un homme à la recherche de son identité, Lui-même gay, il a puisé moult anecdotes dans ses expériences avant de s’attabler à cette histoire atypique qui évolue au gré des rencontres virtuelles. Ici, détails et digressions viennent agrémenter l’observation d’une société en perpétuelle mutation à l’ère 2.0. Ed. LJ – 352 pages Amélie Collard
LAISSE TOMBER LA NEIGE L’amour ne vient pas toujours frapper à la bonne porte. Larguée alors qu’elle devait épouser l’homme de sa vie, l’héroîne imaginée par Cécile Chomin décide de fuir la réalité en quittant Paris pour s’enfoncer dans la campagne enneigée. Attérée par le destin qui semble s’acharner et frigorifiée, elle n’attend plus rien du présent. Sans trop bien savoir où elle dépose les pieds, elle atterit dans une vaste propriété, avant d’être interpellée par un homme format ours géant qui lui demande ce qu’elle fait là. Professeure dans le sud de la France, l’auteure narre ici une passion atypique, pleine de drôlerie et de malice, qui prouve qu’il ne faut jamais désespérer de trouver l’âmesœur et que le destin peut nous entraîner là où rien ne prédisposait nos pas à errer. Ce livre se veut une leçon –non préremptoire- de vie qui amène à reconnaître que les bouleversements enchaînent d’autres mouvements qui, eux, peuvent enfanter la sérénité et le bonheur. En fait, en amour, rien ne se calcule. On se situe dans le domaine de l’impalpable où les sentiments règnent en seuls maîtres. District où l’un des partenaires peut délier un nœud précieux. Ed. LJ – 318 pages Amélie Collard
SUR MA LISTE Un petit village anglais s’étiole. La faute à la modernité, à pas de chance, au monde qui va trop vite . Une ravissante Danoise va changer la routine en reprenant une boutique de jouets et en apportant de la vitalité aux habitants. Toutefois, le propritéaire du magasin ne l’entend pas de cette oreille et, débarqué prestement de la capitale, compte vertement remettre les choses en place. Rosie Blake signe un récit romantique de bon aloi, bourré d’entrain, divertissant et qui prouve que les contraires s’attirent et que l’amour permet de bousculer les idées préconçues et les poncifs. Avec un sens de la formule, l’auteure reste dans la forme visuelle pour jouer avec les décors, les mouvements et poser une atmosphère cosy charmante. Bien sûr, on s’attache énormément à l’héroïne pétilante et aux multiples détails de son quotidien, la rendant capable de rire pour un rien, de s’extasier pour un tout et de balader ses mimiques dans la région, soulevant le ravissement des riverains. Quant à la passion qui la lie au fils de la propriétaire de l’enseigne, quoique prévisible, elle apporte de la chaleur en ces temps frileux de novembre. Ed. LJ – 318 pages Amélie Collard
LE DICO DES MOTS QUI N’EXISTENT (TOUJOURS) PAS (ET QU’ON UTILISE QUAND MÊME) Le langage est une matière vivante, qui fluctue au fil des époques et qui s’adapte à la société. Il n’est donc pas exceptionnel de voir surgir de nouveaux mots liés aux avancées de la technologie ou à la mentalité d’une jeunesse en quête de repères propres. Evidemment, ils requièrent du temps avant d’être inscrits dans les dictionnaires officiels et être reconnus par les spécialistes. Chaque année, plusieurs dizaines intègrent l’usage et deviennent communs. « Le dico des mots qui n’existent (toujours) pas (et qu’on utilise quand même) » recense plus de deux cents d’entre eux et se targue de les définir tout en les replaçant dans leur contexte. L’occasion de retrouver ou de découvrir des termes entrés dans le quotidien. On parle de berluconisation ou de câlinothérapie, même si on devine plus qu’on connaît leur définition. Finalement, il convient de se rassurer. Le calendrier fait toujours son office et régule le bon usage. Chaque année, également, de nouveaux idiomes s’inscrivent dans le Larousse et le Robert, parfois au grand dam des linguistes et des puristes. De manière ludique et décomplexée, ce dico pas comme les autres se veut le reflet de notre quotidien et prélude plusieurs modifications auxquelles le français devra se subordonner. Ce volume peut aujourd’hui se définir comme étant un supplément aux ouvrages officiels qui existent déjà sur le marché. Ed. Omnibus – 218 pages Daniel Bastié
LE NORD COMME ILS L’ONT AIMÉ Le Nord a longtemps été victime de poncifs tenaces, alors qu’il devrait nous surprendre par sa diversité et sa créativité. Si on parle souvent du Midi de la France ou de la capitale comme terre des artistes, c’est omettre un peu vite que le plat pays a ébloui des créateurs de tous bords, qu’ils soient peintres, écrivains ou musiciens. La région entre pays Chtis et la terre flamande abrite maints trésors qui ne demandent qu’à être découverts. Annie Degroote a décidé de réhabiliter ce territoire avec patience et passion, invitant à la contemplation, à la curiosité ou à l’envie de se lover aux arts pour ce qu’ils possèdent de plus vrai. Au fil des pages, on croise la plume de Victor Hugo ou de Marguerite Yourcenar, le pinceau d’Antoine Watteau, Jean-Baptiste Camille Corot et, parmi beaucoup d’autres, WilliamTurner. Sans jamais rien imposer, l’auteure pose des coups de cœur, interpelle le regard et titille l’ouïe. Avec talent, elle réveille l’âme des lieux, brosse la description de solides paysages et insiste sur des valeurs telles que l’entraide et l’amitié. Sans faire le travail de l’office du tourisme local, elle vante le Nord que beaucoup ont aimé et que les habitants refusent de quitter. Sous un ciel changeant, les cœurs battent avec fébrilité et s’agrippent aux humeurs, traditions, kermesses et passé commun. A la fois un livre d’art et un magnifique hommage à une terre séculaire où chaque hectare respire l’humus, la sueur du travail accompli et la joie de vivre. Ed. Omnibus – 164 pages Paul Huet
LES POLAROÏDS Eric Neuhoff signe un florilège où les situations se succèdent sans aucun lien entre elles. L’art de la nouvelle consiste à ciseler des univers et à les exposer succinctement, sans développer les personnages secondaires ou en les écartant. Lors d’une première lecture, on baigne dans une sphère artificielle bercée au son de la dolce vita même si, très vite, on se rend compte que cet univers grince au niveau des gonds. L’occasion de laisser l’imagination virevolter sans contraintes, de ressusciter certains défunts tels que Jean Seberg et Patrick Dewaere, de mettre en scène une journée de tutoiement entre Jackie Kennedy et J.D. Salinger, de poser des drames intimes au sein de villas cossues ou de décrire le tempérament de filles un peu folles, mais terriblement snobs. Naturellement, l’amour demeure le fil rouge qui relie maintes rencontres, avec des mots d’esprit drainés par une vague de liberté, des contraires qui s’opposent et des rêves en train de s’étioler face aux contraintes. Journaliste au Figaro, l’auteur manie la plume avec finesse et maîtrise à la perfection les subtilités du langage. Titulaire d’une vingtaine d’ouvrages (dont certains ont remporté des prix prestigieux), il croque le quotidien sans jamais sombrer dans les poncifs et cerne les détails pour les exposer avec un regard malicieux plein de justesse. Jamais long, chaque récit ressemble à un instantané et renvoie à notre précarité existentielle. Ed. du Rocher – 176 pages Daniel Bastié
BLACK ELK ET LA GRANDE VISION Cet ouvrage occupe une place particulière dans l’histoire des textes consacrés aux Indiens des EtatsUnis. La réputation de Black Elk, son message et l’universalité de celui-ci ont perénisé son nom jusqu’à nous. Plus qu’un homme-médecine, le vieil homme était considéré comme un philosophe usé par l’adversité et rendu amer par l’expérience, nostlagique de l’époque d’avant 1876 lorsque les Sioux vivaiet en paix sur leur territoire, sans la présence accrue des blancs venus coloniser des terres ne leur appartenant pas. John Neihardt a réussi à appivoiser l’aïeul et a entretenu avec lui de longs échanges qui ont perduré durant une décennie. Malgré les barrières de la langue, un respect mutuel est né. Conscient de l’importance des souvenirs, l’écrivain a jugé nécessaire de cosnigner par écrit tout ce qui lui a été raconté, voix d’un passé en train de mourir. Aujourd’hui, ce livre apparaît toujours comme un témoignage de première main sur un monde qui n’existe plus, sur les mœurs et la vie des autochtones avant qu’ils ne soient parqués dans des réserves. Le présent titre est également le fait de Raymond J. DeMallie, qui est allé bien au-delà des documents dactylographiés et archivés, basant son travail sur des prises de notes originales et non utilisées jusqu’à nos jours. Cet essai permet surtout au lecteur de saisir avec pertinence le contexte socio-historique et religieux du récit, mais également de revenir sur plusieurs faits qui ont marqué la mémoire populaire : la bataille de Little Big Horn, la fin de l’indépendance pour les peuples nomades, etc. Ed. du Rocher – 624 pages Paul Huet
LES CHEMINS DE PROMESSE A chacun de dessiner son futur et à opter pour des choix qui lui sont propres. Au milieu du XIXe siècle, il n’en était pas forcément ainsi. Lazare Pradier, fier Cénevol, entend réguler la vie de chacun de ses deux enfants. Pour sa fille, il préconise un mariage de raison. Quant au fils, il travaillera au mas de Castanhal. Pourtant, rien ne se déroule selon les plans qu’il s’est fixés. D’abord, son épouse regimbe et prône le bonheur de chacun, en lui laissant vivre son existence sans contraintes. Ensuite, la révolution industrielle bouleverse la société. Les décideurs venus de Paris mettent en chantier une gigantesque voie de chemin de fer, afin de relier la métropole au sud du pays et se met en quête de maind’œuvre. Aubin, récemment éconduit par son amoureuse, profite de cette opportunité pour s’émanciper. Quant à Adélie, elle parvient à se faire engager pour éduquer les enfants d’un ingénieur des mines. Avec « Les chemins de promesse », Mireille Pluchard brosse une fresque qui permet de se plonger dans un monde en réel bouleversement, où les mentalités bougent, où les citoyens aspirent à un vécu meilleur que celui de leurs aînés, où l’instruction devient vecteur d’épanouissement et où la jeunesse exige de choisir librement celle ou celui qui partagera ses jours. Il s’agit d’un roman initiatique fait de hauts et de bas, qui assure que seule la liberté autorise des choix. Même mauvais, ils permettent de ne pas regretter de ne pas avoir forcé certaines portes. Au demeurant, l’amour et la fierté du travail accompli demeurent deux vecteurs sans lesquels l’être humain pourrait difficilement se passer. Ed. Presses de la Cité – 544 pages Daniel Bastié
LE GANG DES BRAS CASSÉS Ben et Rikki sont frères et tout les sépare. L’un est actif et ne craint rien, tandis que l’autre se dissimule derrière des manière affectées, en attendant que la félicité bienne frapper à la porte. Las de tourner en rond dans une ville où il ne se passe jamais rien, Ben décide de tenter un coup qui pourrait transformer son avenir. Comme il sait que leur père dissimule de l’argent dans la maison familiale et qu’il n’entend rien lâcher, il formente un case en compagnie de l’oncle Rudi, chef de gang, et de la belle Cécilie. Naturellement, ce qui semblait simple se complique à mesure des avancées. A cela, un ancien truand devenu indic déséquilibre le plan et met à mal le résultat. Tore Renberg signe un thriller à la Norvégienne, efficace et rock’n’roll, où les repères volent en éclat face à des situations devenues imprévisibles. Les personnages exhibent de vraies fêlures, mais demeurent originaux de finesse et de justesse. Né en 1972, l’auteur a publié son premier livre en 1995. Depuis, il rédige aussi bien pour les adultes que pour les enfants et participe à l'écriture de scénarios. En France, trois de ses ouvrages ont été traduits. Il s’agit de « L'homme qui aimait Yngve », « Pixley Mapogo » et « Charlotte Isabel Hansen », devenus dans l’ordre des succès de librairie. Ed. Presses de la Cité – 477 pages Willy Smedt
HÔTEL BADEN-BADEN Rose travaille pour le Mossad et est expédiée à Baden-Baden afin de déjouer un attentat planifié contre le chancelier Konrad Adenauer, qui souhaite ratifier une loi visant à indemniser les victimes de la Shoah. Naturellement, des fanatiques s’opposent violemment à cette reconnaissance. Dès son arrivée sur place, elle découvre une complexité qu’elle n’attendait pas. L’agent détaché pour la seconder ne donne aucun signe de vie, un ancien amour débarque à l’improviste et les suspects se multiplient à mesure qu’elle étudie le microcosme dans lequel elle vient de se plonger. Brigitte Glaser dresse le portrait d’une faune singulière et profite du récit pour analyser le tempérament de personnages nébuleux. Qui est le terroriste ? S’agit-il de la directrice au passé trouble, de la soubrette qui espionne aux portes des chambres, du professeur d’Université trop érudit pour être honnête, du garde du corps habillé à la dernière mode ou de l’homme d’affaires aux serres prêtes à se refermer sur le malheureux qui lui confiera son portefeuille ? En partant d’un fait réel, l’auteure brode un suspense qui réveille les douleurs de la guerre, qui prouve que la souffrance ne peut pas s’éteindre avant d’avoir obtenu réparation et qui invite à la réconciliation entre personnes de bonne volonté. Derrière une histoire classique, elle pose un admirable portrait de femme volontaire, qui refuse de baisser les bras, de se résigner et qui regarde l’avenir plutôt que de s’apitoyer sur le passé. Au fil des chapitres, le lecteur apprend que l’héroïne a fui l’Allemagne au début de l’année 1938, échappant à la traque des juifs. Ed. Presses de la Cité – 479 pages Paul Huet
SET THE BOY FREE Né le jour d’Halloween en 1963 à Ardwick, district de Manchester, Johnny Marr doit sa réputation à son talent de guitariste, mais aussi de claviériste, d’harmoniciste et de chanteur. La notoriété a principalement retenu sa participation au groupe The Smiths, alors considéré comme l’un des plus performants de la sphère pop. Tandis que la presse s’est régulièrement penchée sur les tubes de la formation, que sait-on de l’homme et de ses états d’humeur ? A plus de cinquante ans, l’artiste se confie par le truchement d’une autobiographie sincère et revient sur une kyrielle de souvenirs privés et d’intuitions musicales. Ce livre ne s’adresse pas uniquement aux fans de toujours et brosse l’évolution des mœurs dans une Angleterre prête à mordre la modernité sans regimber. De multiples photographies agrémentent la prose de l’auteur et permettent de placer des visages sur les nombreux noms cités au fil des chapitres. Madeleine de Proust, « Set the boy free » ravive tout un pan de ma jeunesse et fait virevolter une période sans insouciances, à des lieues de la crise financière et du Brexit. Un temps où les jeunes croyaien à une société qui tentait d’interdire d’interdire. Ed. Le serpent à plumes – 382 pages Willy Smedt
IMAGINE JOHN YOKO Album culte, « Imagine » est le second disque solo signé John Lennon après son départ des Beatles. Enregistré en 1971, il se singularise par des titres d’une rare beauté, que certains considèrent comme des chefs-d’œuvre, et par une sophistication orchestrale tout en finesse. Le magazine « Rolling Stones » l’a même hissé parmi les vinyles incontournables en vue d’élaborer une discothèque parfaite. Près d’un demi-siècle plus tard, l’épouse de l’artiste revient sur cette expérience magistrale, s’épanche en anecdotes inédites, réveille les souvenirs et agite le grelot des sentiments liés au lieu de travail, à l’équipe technique et à l’atmosphère qui a préludé la gravure des plages. Composé de 80% de documents jusqu’ici inexploités, ce gros livre se veut le témoin d’une époque (déjà) lointaine et remet différentes choses à leur place, soulignant qu’il existe beaucoup de rédactionnels effectués par des personnes qui n’ont pas assisté à la genèse de ce classique de la pop. L’ensemble est enrichi par une préface et des commentaires de Yoko, dont la valeur demeure inestimable. Plus qu’une compilation de photographies et de chansons présentées in extenso, cette bible a été conçue comme une célébration à l’une des plus belles collaborations artistiques du siècle dernier, éternel écho d’un message de paix vibrant. Ed E/P/A – 320 pages Paul Huet
BRASSERIES DE FLANDRE Ici, pas de vignobles à flanc de coteaux, mais des rangées de houblons sur leurs échasses, plus hauts que les géants qui sortent le jour du carnaval lorsque l’ambiance est à la fête. Depuis le Moyen Âge, la Flandre est terre de bière, une boisson séculaire qui a marqué les esprits et est entrée dans la tradition. Un nectar chaleureux qui marque une région, résultat de la richesse du sol, du labeur des artisans et d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Malgré les avanies, les guerres et les épidémies, les brasseries ont tenu tête aux défis qui se sont présentés et, même si certains esprits chagrins ont annoncé leur déclin, il s’avère aujourd’hui que la production se porte au mieux, avec l’apparition de micro-labels et de jeunes entrepreneurs qui ont choisi de se lancer dans la fabrication du liquide précieux. On ne le sait pas assez, mais la bière brassée en Flandre bénéficie d’une longue histoire qui lui donne une saveur racée faite d’authenticité. Pour certains, une petite madeleine de Proust, emblème du terroir et qui ravive des senteurs et des saveurs inoubliables. Aujourd’hui, Marie-Hélène Chaplain et Samuel Dhote nous invitent à un voyage sensitif à travers la vie quotidienne de celles et ceux qui donnent naissance à l’une des boissons préférées des lecteurs, passant des secrets de fabrication à la récolte, de la maturation à la mise en bouteille, de la publicité à la commercialisation. Impossible également de ne pas évoquer le destin extraordinaire de la brasserie de Saint-Sylvestre-Cappel, dont l’exemple symbolise la pérennité d’un vécu passionnant. Ed. du Chêne – 160 pages Daniel Bastié