,
BRUXELLES CULTURE 15 septembre 2019 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE : JOËL JABBOUR
RENCONTRE : JOËL JABBOUR Partant de l’idée que l’existence mérite d’être vécue à deux cents à l’heure, Joël Jabbour réalise des clichés qui résument toutes ses connaissances, son sens pointu de l’observation et un talent dans le domaine de la photographie. Pas question de cadrages approximatifs ni de redondances. Une bonne photographie relève chez lui de l’exigence personnelle et d’une réponse plutôt créative aux contraintes techniques. Abandonnant le format rectangulaire, il ose des fresques en couleur qui s’étirent comme un gigantesque ruban, comme la pellicule qu’il a manipulée, tout en longueur ou en hauteur. Chaque instantané capte un paysage ou une architecture et s’évertue à raconter une histoire. Naturellement, l’artiste refuse de commenter ses œuvres. Il préfère laisser à tout visiteur le droit de se balader à l’intérieur de chacune d’entre elles et d’aérer l’espace d’un trait d’imagination. Portrait d’un créateur atypique qui expose ses travaux jusqu’au 29 septembre 2019 à Espace Art Gallery. Quelle formation avez-vous suivie ? J’ai été formé à la London Film School. J’ai débuté ma carrière de cinéaste avec de nombreux stages. Etape nécessaire pour se fourbir aux aléas du métier. Après, j’ai pu vivre mes rêves avec intensité. Selon certaines sources, vous avez longtemps travaillé dans le monde de la publicité. Quelle y était votre fonction ? J’ai voyagé un peu partout. Cette existence d’aventurier m’a permis de réaliser des reportages pour la chaîne anglaise ITV et ce en traversant le royaume de long en large. J’ai également produit et mis en scène de nombreuses publicités dans diverses langues et j’ai, enfin, été consultant pour la Commission Européenne dans le cadre du lancement de l’Euro. D’où vous est venue la passion de la photographie ? Créer des images qui reflètent différentes situations avec plusieurs interprétations a toujours été pour moi un véritable challenge. Un peu comme de la magie à l’état pur, qui permet d’exprimer des émotions et de s’offrir du dépaysement en n’allant pas forcément loin de chez soi. Un art abordable pour tous. La photographie éveille l’attention et pousse son officiant à s’éveiller aux merveilles qui l’entourent. Quand avez-vous décidé d’exposer vos clichés ? C’est souvent le hasard qui vous met le pied à l’étrier. Mes clichés ont été sélectionnés pour plusieurs expositions. Ensuite, tout s’est enchaîné. J’ai été invité pour un mois à la Banca Monte Paschi et, récemment, mes travaux se sont retrouvés aux cimaises de la Vénerie dans le cadre de « Brussels in love » Qu’est-ce qui caractérise vos œuvres ? Sans rechercher l’originalité à tout prix, j’utilise la photographie pour me lancer dans l’expérimentation. Je ne fais pas de portraits ni de reportages de mariages ou de communions. D’une certaine façon, je cherche à abandonner les lieux communs et à ne pas m’enfermer dans les poncifs. Quand quelqu’un parle de vues panoramiques, chacun comprend que l’œil se déplace automatiquement de gauche à droite. C’est vrai dans la majorité des cas ! De mon côté, je suis arrivé à imaginer et à développer le panoramique à la verticale, de haut en bas, d’où le nom de fresques.
Pour vous, qu’est-ce qu’une bonne photographie ? Ma définition est simple. C’est une photographie qui peut être interprétée sous des angles différents, qui réserve des surprises et qui n’est jamais figée ou banale. Elle doit aussi procurer du plaisir. Comment naît l’inspiration ? Partez-vous d’une idée, d’une expérience ou autre ? Il y a des fois où je sens un déclic immédiat. Dans ce cas, après avoir imaginé la future scène, je rentre chez moi avec quatre clics, sans retouches et sans photoshop. A d’autres moments, je reviens au même endroit et ce à diverses reprises. Là, je cogite et je reflète en recréant la fresque de ce que je pourrais tirer du site et je tente de nouveaux angles de prise de vue. Je me concentre aussi beaucoup sur le changement d’éclairage. Si le résultat ne m’apporte pas toute la satisfaction escomptée, je réitère mes essais avec des mouvements différents, d’autres cadrages et ainsi de suite ! Si vous n’aviez pas été photographe, quelle activité auriez-vous exercée ? J’aurais vraisemblablement continué dans la conception de reportages. Le travail apporte aussi son lot de satisfactions. C’est tout bénéfice sur le plan des relations humaines que de partager mes expériences et mes expérimentations avec des gens qui viennent des quatre coins d’Europe et de devoir marier les sensibilités de chacun. D’ici dix ans, voyez-vous une évolution dans la façon de concevoir vos travaux ? Avec les mobiles, la plupart des gens veulent capturer des selfies pour montrer ce qu’ils ont vécu à leurs proches. Sincèrement, je crois qu’il y aura toujours des personnes qui souhaitent immortaliser un moment précis et cela est fort bien, car les souvenirs alimentent la mémoire. Néanmoins, la démarche est tout sauf artistique. L’important reste naturellement l’idée que l’on se fait du terme esthétique. On ne peut donc pas comparer celle ou celui qui mitraille tout et n’importe quoi et celle ou celui qui prend le temps de poser son geste. Quant à l’évolution de mes clichés, je crois qu’ils évolueront fatalement, puisque moi aussi je change avec les années qui passent. Pourquoi devrait-on acquérir l’un de vos œuvres ? J’essaie de faire des photographies qui reflètent une âme, des fresques qui ont des choses à raconter. Elles possèdent également une dimension personnelle, puisque j’y met énormément de moi-même. Quels rapports entretenez-vous avec Bruxelles ? J’aime beaucoup Bruxelles et, comme photographe, je tente de développer un récit autour d’un lieu qui m’a troublé. C’est toujours cette sensation que je cherche à reproduire. Quelle est la position des artistes au XXIe siècle ? Tous les artistes veulent être différents et trouver leur touche. Certains réussissent, d’autres moins ! Maintenant, lorsque je parle de réussite, je ne parle évidemment pas du plan pécuniaire ni de la notoriété. Réussir consiste avant tout à avoir atteint la maturité de son art ou, plus simplement, à être satisfait de sa production. Retrouvez les travaux de Joël Jabbour à Espace Art Gallery jusqu’au 29 septembre 2019. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Propos recueillis par Daniel Bastié
EXPOSITION : ENTROPIE À LA PAPPILIA Trois artistes exposent leurs œuvres à la galerie Pappilia, près de la place Flagey, jusqu’au 22 septembre. Laissez-vous tenter par les croquis historiques de Tonia, les sculptures recyclées d’Atomyox ou les calligraphies de Walid. Tirage au sort chaque dimanche de ces œuvres vouées à l’entropie : le désordre naturel de leurs genres. Une architecte passionnée par l’Histoire Tonia (diminutif de son nom Antonina Avramenko) vient d’Ukraine où elle a étudié l’architecture et le dessin. Elle est arrivée en Belgique voici deux ans pour une maîtrise dans le cadre des cours européens, l’Université de Bruxelles ne proposant pas un programme d’architecture en anglais, langue qu’elle pratique bien. Sa passion est le croquis qu’elle a étudié sur ordinateur. Mais pas n’importe quel croquis : celui qui combine le moment présent et l’histoire du lieu. « Ce sont des croquis qui m’aident à fixer, à croquer des souvenirs sur le papier. Je saisis des endroits, des architectures du passé qui me parlent. C’est plus qu’une photographie du lieu : j’y joins l’avant et l’après que j’ai étudiés dans les livres ou sur l’ordinateur. Pour moi architecte, ce sont des dessins qui me rappellent les grands moments de l’histoire que je superpose. » Elle me montre ainsi une esquisse de la place de la Bastille à Paris, avec la colonne de Juillet élevée en 1831 par Louis-Philippe pour commémorer les journées des Trois Glorieuses de juillet 1830. Derrière la colonne, on aperçoit le fantôme à peine esquissé d’un grand éléphant surmonté d’un howda en forme de tour. Les lignes sont transparentes mais on y reconnaît la forme du pachyderme qui devait alimenter la fontaine qu’avait imaginée Napoléon pour célébrer ses victoires. Confiée après 1812 à l’architecte Alavoine, la réalisation de cet éléphant fut remise en cause après la chute de l’Empire, avant d’être abandonnée au profit de la colonne de Juillet. Pourquoi un éléphant, se demandera-t-on ? Parce qu’il symbolisait l’ardeur révolutionnaire et qu’il rappelait à Napoléon les conquêtes d’Alexandre le Grand et d’Hannibal à l’époque de l’expansion militaire de l’Empire français. Victor Hugo a immortalisé cet éléphant dans une page des Misérables mettant en scène le jeune Gavroche. A côté de lui se dresse, également en lignes blanches évanescentes, le bâtiment de la Bastille qui fut détruit par les révolutionnaires en 1791. Les dates figurent sur le croquis. Egalement peintre Tonia s’est aussi essayée à la peinture qu’elle a apprise au contact des œuvres elles-mêmes. C’est en visitant le musée d’Orsay à Paris et en copiant les grands maîtres comme William Bouguereau, qu’elle a acquis une part de maîtrise. « J’étais impressionnée par les couleurs et les techniques de certaines toiles que j’ai reproduites. Pour moi, Bouguereau représente la peinture académique à son plus haut niveau. » Dans la série des quatre tableaux peints entre 1887 et 1895, qui illustrent le mythe de l’Amour et Psyché s’envolant vers l’Olympe, Tonia a choisi le dernier, le Ravissement de Psyché. Eros, le dieu de
l’Amour, a les ailes déployées et serre contre lui le corps d’une jeune femme dénudée qu’il entraîne vers le ciel, dans le tourbillon des vêtements défaits. Le visage de Psyché, son amante, respire la joie de l’extase atteinte, les yeux étant clos dans la reproduction, alors que dans l’original l’amante semble succomber au plaisir, la bouche entrouverte. C’est une allégorie de l’orgasme féminin – donné sous le nom du Ravissement – qui avait fait scandale à l’époque, le peintre, tout comme son compatriote Courbet, étant accusé d’attenter aux bonnes mœurs. Tonia nous montre ici son sens aigu du détail peint dans les tons pastel, clairs et doux. Sa composition est à l’huile et c’est une de ses premières œuvres peintes, très proche du grand maître français. De la récup’ sous forme d’art Atomyox, surnom de cet artiste, est sculpteur dans le recyclage. Il est né en Flandre orientale, dans la petite ville de Renaix, ou Ronse en flamand, sur la frontière linguistique qui sépare nos deux communautés. C’est une commune à facilités où ses parents, originaires de Kairouan en Tunisie, sont venus s’installer en 1972. Ils ont travaillé dans une société de textile pour la filature du coton durant près de 40 ans. L’usine confectionnait des uniformes de la police belge. On trouve encore le nom de cette usine sur une étoffe au musée de la police à Etterbeek. « J’en suis très fier et je dois beaucoup à mes parents, assure Atomyox, mais je suis Bruxellois depuis 15 ans et suis tout aussi fier de l’être. » C’est donc un Bruxellois d’adoption qui s’est reconverti dans la sculpture comme ses parents l’avaient fait dans le textile. En regardant son œuvre rapportée, un mot s’impose : la récup’. « C’est un terme en vogue qui est fort utilisé. Je parlerais plutôt de recyclage. On recycle un peu tout aujourd’hui, parce que la planète suffoque. Même les océans sont pollués par le plastique qu’on y jette et qui met quatre cents ans avant de se décomposer. Alors, autant recycler ces déchets de manière artistique, joyeuse, colorée même. » Atomyox est un sculpteur qui utilise l’art du recyclage depuis quelques années. Dans ses œuvres, les chaînes se combinent aux dérailleurs pour dessiner d’étranges figures qu’il anime. Il s’inspire des cimetières de voitures qu’il a visités. Ces pièces, vouées au recyclage, sont en principe fondues et réemployées pour fabriquer des objets métalliques ou des portes de voiture. Il en fait, lui, des œuvres d’art. Il me montre The Blue Horse, un cheval cabré qui tend ses pattes dans le vide. On distingue aisément les éléments qui le composent : métalliques, mécaniques, ils sont issus du monde de l’automobile et du vélo. Deux bougies d’allumage forment les oreilles du cheval. Au niveau du museau, un câble métallique dénudé lui sert de poil. Il y a aussi trois chaînes de vélo qui figurent sa queue. C’est pour Atomyox un rappel géographique de sa ville natale : « En Flandre orientale, le vélo a une grande importance. Il a sa place dans tous les foyers qui en comptent parfois deux ou trois. En 86-87, j’avais assisté au championnat mondial du vélo à Renaix. J’étais aux barrières, près de l’arrivée. Ce sont des moments forts qui restent gravés dans ma tête et qui expliquent ces trois chaînes de vélo. » Le cheval a été repeint en bleu à la bombe, puis verni au four par un carrossier. En bleu comme le tee-shirt et le jean d’Atomyox, couleur de la Méditerranée qu’il doit traverser pour rejoindre la Tunisie, le pays de ses parents. « Cette couleur symbolique du ciel et de la mer permet à mon cheval d’être exposé n’importe où, à l’intérieur comme à l’extérieur. » Les pièces sont assemblées à la soudure, à l’ancienne, avec une baguette – rarement avec des boulons. « Je ne réussis jamais l’œuvre du premier coup. C’est ce qui fait tout le plaisir de mon travail », explique l’artiste qui se présente comme un sculpteur assembleur.
Calligraphie arabe On connaît Walid pour ses body paintings, ses corps de femmes scintillant de mille étoiles où se reflète le cosmos qui tournoie. Il nous revient cette fois avec la calligraphie arabe. Notamment avec cette femme qu’il réduit à l’essentiel. C’est un pur visage orné de bijoux qui dessinent le mot mar’a, la femme. On lit ce mot dans les boucles d’oreille, dans le diadème ou dans la chevelure avec par dessous le mot houb, l’amour. On ne voit pas ses yeux, on ne voit que les deux sourcils et l’arête de son nez. « J’ai voulu dessiner la femme en général, explique Walid. Préciser la forme de ses yeux l’aurait singularisée, ce que je ne voulais pas. Car les yeux définissent le type de la femme. Celle-ci peut venir de partout. C’est la femme dans son unité, la femme avec un grand F ou un grand M, car il s’agit d’al-mar’a en arabe. » En prenant du recul, on peut même deviner Dieu dans la coiffure, le nom d’Allah se combinant à celui de la femme. « C’est bien vu en effet, admet Walid, la femme faisant partie de la création du monde dans l’Islam et dans la Bible. Il suffit d’ôter les deux points sur le ta marbouta pour lire Allah. Deux points font toute la différence entre h et t pour signifier la femme ou Dieu. » Autre détail qu’on peut relever dans cette calligraphie féminine : l’apostrophe en fin de mot, notée par un signe qui a disparu au profit du a de mar’a. « Dans la calligraphie arabe, quand on fait une image, mettre le hamza ou ne pas le mettre ne fait aucune différence, précise Walid. Si on connaît le mot, on identifie le signe même omis. J’ai enlevé ce signe pour réduire la femme à son foulard et à son diadème où l’on reconnaît la première lettre de mar’a. » On reconnaît d’autres mots arabes dans ses toiles sur le cosmos, où se marient l’homme, le ciel, les étoiles et l’univers, le kawn qui les embrasse tous. Dans cette toile qu’il me montre, peinte avec le couteau à palette qu’il affectionne, je crois voir une tête de cheval sur un poitrail qui va de l’avant, mais Walid y a mis autre chose : « J’avais commencé par peindre un visage dans un décor cosmique, avoue-t-il. C’est pour ça que j’adore les peintures abstraites. On veut exprimer quelque chose mais c’est autre chose qui apparaît dans les interprétations. C’est cela que je recherche. » Rendez-vous donc à la Pappilia pour suivre le voyage de nos trois artistes qui vous attendent jusqu’au 22 septembre. Plus d’informations sur le site de la galerie www.pappilia.be. Rue de la Brasserie, 71 à 1050 Bruxelles Michel Lequeux
EXPOSITION : EMMANUEL VAN DER AUWERA - THE SKY IS ON FIRE À travers des films, des vidéos-sculptures, des projets conceptuels et des installations, le travail d’Emmanuel Van der Auwera traite de la nature de la production et du filtrage des images lors de leur apparition, leur diffusion et leur consommation. L’artiste appartient à cette catégorie de créateurs que l’on pourrait définir comme « érudits savants ». Avec précision et exactitude, ils manient les instruments du savoir et favorisent l’analyse critique en opérant des brèches d’une discipline à l’autre. Né en 1982, il vit et travaille à Bruxelles. Il a étudié à l'École supérieure d'art de Clermont-Ferrand (20052008) et au Studio national des Arts contemporains (20082010). Entre 2013 et 2015, avant de suivre une formation au HISK à Gand. Malgré son jeune âge, il compte parmi les plasticiens dont nous avons à compter. Découvrez ses travaux récents au Botanique du 5 septembre au 3 novembre 2019 au Botanique. Plus de détails sur le site www.botanique.be Rue Royale, 236 à 1210 Bruxelles Sam Mas
TOONE : LES TROIS MOUSQUETAIRES Après une chevauchée dans le cadre du Festival Bruxellons au Karreveld durant l’été, « Les trois mousquetaires » reviennent chez Toone avec cette fameuse histoire de d’Artagnan et de ses frères d’armes Athos, Aramis et Porthos, mousquetaires du roi Louis et ennemis jurés des hommes de main du cardinal Richelieu. Lorsque la reine se trouve dans une indélicate posture, ils n’hésitent pas à prendre la mer pour l’Angleterre, afin de sauver son honneur. Au hasard de leurs aventures, d’Artagnan d’éprend de la douce Constance Bonacieux, tandis que Porthos doit affronter son ancienne femme Milady. Avec des bruits d’éperons et de la fureur, le Théâtre royal de Toone a également décidé de se saisir des pages virevoltantes nées voilà plus d’un siècle et demi pour en tirer un script imprégné du terroir bruxellois, avec des jeux de mots cocasses, des couleurs locales et des anachronismes bon enfant. On le sait, on n’assiste pas à un spectacle de marionnettes folkloriques pour tirer la tête et râler tout au long de la représentation. Nicolas Géal, directeur de l’enseigne et voix de tous les personnages, aime faire rire et cisèle les dialogues de manière à rebondir sur un mot, à jouer avec une expression ou pour permettre à Woltje (la mascotte du théâtre et chantre de l’âme bruxelloise !) d’entrer en scène, d’exposer son bon sens naturel et d’aider ses nouveaux amis dans leur mission. Les connaisseurs de l’œuvre d’Alexandre Dumas noteront que jamais il n’est question de ferrets de la reine dans l’ouvrage initial. Qu’importe ! Pour montrer qu’il n’est pas non plus dupe, Nicolas Géal les a remplacés par un collier. Au fond, des ferrets ou un collier à récupérer chez les buveurs de thé, les compagnons bretteurs ne se posent pas la question et se lancent dans le combat, épées pointées vers l’ennemi. « Les trois mousquetaires » en brusseleir est à applaudir chez Toone jusqu’au 14 septembre 2019.
TOONE : LA PAIX A l’occasion des manifestations culturelles d’Europalia-Grèce en 1982, Victor José Géal alias Toone VII et Andrée Longcheval ont réalisé une adaptation de « La Paix » d’Aristophane ou comment mieux célébrer ce pays, berceau de notre démocratie, dont la paix est une aspiration éternelle dans une actualité en profond désarroi ? Dans l’antiquité déjà, l’auteur comique grec, Aristophane, ennemi de la violence et de la dictature, prône avec verve une paix durable. Cette paix que Polémos, dieu de la guerre, enferme dans l’opacité d’une caverne. C’est compter sans la bravoure du héros Woltje-Trygée qui vole jusqu’à l’Olympe sur un bousier géant au carburant écologique pour délivrer celle sans qui nous ne pouvons concevoir l’existence et que tant d’autres enferment encore de nos jours. Un classique entièrement revu par l’humour brusseleir qui caractérise le pouchenelkelder de Toone. On se doute qu’il faudra une fois de plus laisser sa morosité au vestiaire pour se parer d’une bonne dose de zwanze, question de se dérider les zygomatiques et de ne pas mourir raide comme un évêque. Un classique dépoussiéré et qui franchit le cap des siècles, de manière à instruire la jeunesse tout en lui procurant de grands instants de rire. « La paix » est à applaudir chez Toone du 19 au 28 septembre 2019. Voyez davantage de détails sur le site www.toone.be Rue Marché-aux-herbes 66 (Impasse sainte Pétronille) à 1000 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : LE ROMAN D’ANTOINE DOINEL « Le roman d’Antoine Doinel » est une adaptation pour la scène des cinq films que François Truffaut a réalisés entre 1959 et 1979 et qui racontent les aventures d’Antoine Doinel, à cinq âges de la vie et à travers plusieurs époques.Ce personnage drôle et grave à la fois, cet éternel jeune homme attachant, dont les traits mêlent ceux de son auteur à ceux de Jean Pierre Léaud (l’acteur qui l’a brillamment incarné), est devenu culte. Il est un visage réel autant qu’intemporel, cinématographique autant que li ttéraire et théâtral. Toujours en vadrouille, un pied dans les situations et l’autre en dehors. S’il n’évolue pas beaucoup, il se précise et s’étoffe au fil du temps. S’il n’avance pas, il fuit et sa fuite tourne sans cesse autour d’une féminité inaccessible. Il se pose comme il peut. Dans les marges. Non en révolte, mais en contrepoint à la norme, tentant en vain d’échapper aux schémas d’une société dont il se méfie et se protège, dans laquelle il ne se reconnaît pas. Adolescent rebelle, mal aimé, en rupture familiale, il enchaîne les bêtises pour échapper à l’oppression des adultes, aux contraintes et à la soumission. Ses incartades le conduisent dans un centre d’observation pour mineurs délinquants, dont il s’évade. (1959, Les 400 coups) Jeune homme indépendant, employé chez Philips, passionné de musique, il se rend à des concerts et conférences et tombe fou amoureux de Colette, une étudiante dont il ne parvient pas à se faire aimer. (1962, Antoine et Colette) Virevoltant, en quête de lui-même, d’une famille et d’une relation sentimentale, il passe d’un métier à l’autre, multiplie les rencontres. Il vit une passion adultère avec la fascinante Madame Tabard, la femme de son patron, courtise Christine, musi cienne, puis la rejette pour, ensuite, la retrouver, jusqu’à finir par former avec elle un couple. (1968, Baisers volés) Marié à Christine et père d’un garçon, son ménage se disloque. Subjugué par une Japonaise, il se cherche et se perd. Il tente de dissiper les brumes de son passé en écrivant un roman, mais quelque chose reste irrésolu et insatisfaisant. (1970, Domicile conjugal) Bientôt divorcé, Antoine vit une histoire d’amour avec Sabine. Il a écrit un roman intitulé « Les salades de l’amour », sorte de boîte à souvenirs, où l’on zappe constamment d’un e époque à l’autre. Son protagoniste littéraire n’est autre que son double. (1979, L’amour en fuite) C’est en partie sur la structure de ce volet qui clôt le cycle Doinel que le spectacle est bâti. Valérie Bauchau, Caroline Berliner, Coraline Clément, Adrien Drumel, Philippe Jeusette, Sarah Lefèvre, Jérôme Nayer, Renaud Van Camp et Adeline Vesse nous font revivre deux décennies d’émotions cinématographiques, suggérant un condensé à la fois respectueux des œuvres originales et passionant. Une pièce à découvrir au Théâtre Varia du 24 septembre au 12 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1040 Bruxelles
EXPOSITION : DIALOGUE D’ARTISTES À ESPACE ART GALLERY Les mois se succèdent sans se ressembler. Fidèle à un agenda qu’il entretient de saison en saison, Jerry Delfosse invite les artistes, tous genres confondus, à venir exposer chez lui et multiplie les événements mensuels autant pour se faire plaisir que pour proposer ses cimaises aux créateurs contemporains dans sa nouvelle galerie ouverte il y a un peu plus de quinze mois non loin de la place De Brouckère, face au Béguinage et ce après une décennie de service dans des anciens locaux situés à côté de la place Flagey. Un challenge mené au forceps et caractérisé par une belle lisibilité. Véronique Nicolas-Lauze dessine des corps en mouvement (ordonnés, désordonnés, occultant l’espace de diverses manières. Des êtres qui se croisent par hasard ou qui se baladent de concert. Elle effectue une recherche à la fois sur la couleur et le rythme, servie par un graphisme soigné et des jets chromatiques qui rehaussent de tonicité les traits d’œuvres pleines d’humanité, au point d’engendrer le dialogue et de générer des impressions durables. Patrick Guellec vient de Bretagne. Il peint sa belle région, même s’il refuse l’aspect purement décoratif. Pour lui, le réel doit être transfiguré. Il ne s’agit pas de retranscrire la nature telle qu’il la voit. Il capte l'harmonie des formes et des couleurs, qu'il couche sur une feuille de papier. Sa technique particulière, entre dessin et aquarelle, et un style qu’on qualifie de figuratif font songer à certains sites visités, sans jamais appuyer sur l’aspect guide local. Naturellement, il peint surtout la mer et les ports de pêche, où il adore se promener. Avec l’été qui décline et les journées qui se rétrécissent, ses travaux prolongent le plaisir de dépaysement recherché en juillet comme en août par les estivants, qui se rassasieront vraisemblablement de sa production. Joël Jabbour complète cette manifestation avec des photographies à mi-chemin entre abstraction et figuration, chargées d’atmosphère et d’authenticité. Baptisée « Fresques et frasques », sa derrière collection de clichés a surtout pour objectif de surprendre et d’émouvoir. Il s’agit de créations esthétiques qui se distinguent des instantanés traditionnels, avec un traitement particulier sur le cadrage et l’harmonie des couleurs. Il y a également un aspect étrange qui ne manquera pas de surprendre les visiteurs. Même si l’artiste part toujours du réel, on se trouve immergé dans une sphère aux contours indéfinis, proches de mondes où tout semble voué à la technologie futuriste, avec des tours étranges et des architectures singulières. Volonté qui n’omet jamais de rappeler qu’une œuvre se doit d’être accessible au regard, tout en suscitant l’intelligence. Loin du chaos primitif, il fait jaillir de grands formats puissants, qui déjouent tous les stéréotypes de l’art photographique. Cet événement est complété par les travaux de Gérard Sauvard et Céline Pinon. Une exposition à plusieurs mains qu’on aurait tort de bouder et qui est à découvrir du 6 au 29 septembre 2019 à Espace Art Gallery. Allez découvrir tous les détails pratiques sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
COOK & BOOK : QUAND LE TARTARE DE BOEUF RENCONTRE MARC LÉVY ! Avril 2005 : un pari fou déposé auprès des autorités compétentes par Déborah Drion, avocate et mannequin à ses heures, et son compagnon, celui de créer et développer une librairie au concept unique jouant à la fois sur les registres du très culturel et du convivial, un lieu rêvé pour les amateurs de littérature et de bonne nourriture qui permettra entre deux (ou plus de deux) moments de lecture de déguster un bon plat ! Un pari réellement fou que ce projet s’inscrivant pourtant dans l’air du temps offrant les trois en un ? Librairie, restaurant et boutique ? Septembre 2005 : bingo ! Le projet est accepté et l’aventure commence pour le couple, épique, le gros œuvre débutant en février 2006, cinq mois plus tard. Résultat final ? A la place du Temps libre de Woluwé-Saint-Lambert 1400 m2 de surface où se côtoient, en deux blocs, plusieurs espaces de restauration et une vaste librairie sous la forme d’un véritable serpentin. Une vaste librairie ? Eclectique : BD (bande dessinée), Jeunesse, Voyages, Beaux-Arts, Cube, Musique, Serre, Roman, Cucina et Anglais sont les petits noms attribués aux différents espaces dont la décoration est recherchée et les diverses ambiances savamment étudiées. Le projet s’est donc concrétisé et le public répond présent ceci sept jours sur sept, jouissant d’horaires étendus lui permettant de goûter aussi bien aux livres qu’aux plats mais après avoir réglé le livre à l’une des trois caisses-comptoirs prévues à cet effet, une des règles de l’établissement. Super ! Dans l’espace BD, une belle et grande table d’hôtes en bois accueille le visiteur qui y découvrira un décor à la Schuiten tandis que dans l’espace Voyages passe une caravane airstream. Du côté Arts, plus contemporain, trônent quelques meubles laqués noirs; du côté Enfants, des poufs de couleurs; dans les sections Roman et Librairie anglaise, des livres aux couvertures attrayantes et diversifiées sont accrochés au plafond, effet surprenant garanti, Cook & Book se la jouant Cosy ou Fun selon les coins, régal pour les uns, spectacle insolite pour les autres. Malgré tout un vrai lieu de culture ? La proximité du centre Wolubilis est un plus non négligeable, l’une ou l’autre personnalité du monde littéraire ou théâtral, invitée, franchissant à l’occasion et sans hésiter les portes de l’établissement. ”Il faut des résistants à l’amnésie culturelle ambiante” a déclaré au détour d’un entretien Jacques De Decker, écrivain et académicien, cette résistance prend ici la forme du bon plan “Livre + Repas”, et mentionnons que Cook & Book, ce sont également des rencontres conviviales avec des auteurs, des séances de dédicaces souriantes, des exposés et conférences de qualité, et le saviez-vous ? Excepté en juillet et en août s’y déroule une fois par mois une soirée de lectures publiques diversifiées, thématique: “Ecrire délivre”; s’y relaient une dizaine d’intervenants, des créatifs tous porteurs de textes aux messages essentiels, universels, positivité et bonne humeur toujours au rendez-vous. La cerise sur le gâteau ? Ce tram, le 8, qui, partant de la place Louise et traversant Bruxelles, vous mène en droite ligne, ou presque, à la station de métro Roodebeek, terminus de cette ligne près duquel se dresse Cook & Book. Un petit temps mort que vous consacreriez à un petit plat accompagné d’une bonne lecture ? En voiture, Simone, mais par le tram ou le métro ligne 1 ! C’est parti ! Thierry-Marie Delaunois
THÉÂTRE : TROIS HOMMES ET UN COUFFIN En 1985, Coline Serreau signait l’un des plus grands succès du box-office hexagonal avec « Trois hommes et un couffin ». Un film touchant défendu par trois comédiens charismatiques (Michel Boujenah, Roland Giraud et André Dussolier), avec un scénario qui raconte de quelle manière trois célibataires se retrouvent contraints de prendre soin d’un nourrisson. En l’occurrence un bébé abandonné devant la porte de leur appartement par sa mère, obligée de quitter la France pour des raisons professionnelles. Après un moment d’incrédulité et une salve de reproches, ils se surprennent à acquérir des gestes parentaux, à s’attacher à la mignonne petite Marie et à se rêver géniteur de l’enfant. Lorsque la maman revient, leur monde s’écroule. A ce postulat, s’ajoutent maints rebondissements, donc une histoire de paquet de drogue livré par erreur, une intervention de la police et une débauche de bons sentiments. Sans jamais forcer le ton, la réalisatrice offre un long métrage plein de pudeur, à la fois filmé à hauteur d’épaules et qui démystifie le rôle des mâles décrits le plus souvent comme machos à une époque ou Sylvester Stallone et Arnold Schwarzegger faisaient la pluie et le beau temps à Hollywood. Elle procure surtout un grand moment de douceur dans un monde de brutes, tout en multipliant les séquences pleines de drôlerie et de douceur. Aujourd’hui, le Théâtre royal des Galeries propose une transposition de ce bijou de sensibilité, sans jamais oublier que l’émotion naît autant des dialogues ciselés que de la dynamique des comédiens. Denis Carpentier, Frédéric Nyssen, Marc Weiss, Catherine Decrolier, Caroline Lambert, Gauthier Bourgois, Robin Van Dyck et Christel Pedrinelli s’en donnent à cœur joie pour faire revivre des personnages adorés et qui n’ont pas pris une ride depuis trois décennies. Aujourd’hui, autant qu’hier, le thème de la monoparentalité demeure toujours autant d’actualité, avec les ménages qui s’étiolent et chacun qui prétend au bonheur absolu. On peut bien sûr s’amuser à chercher un message latent. Il s’agit avant tout d’un script fait pour caresser les spectateurs dans le sens du poil, avec des bons sentiments qui coulent comme du sirop et des quiproquos qui prêtent à sourire, voire à rire carrément. Il s’agit enfin d’une chronique tendre sur des adulescents, qui vivent à deux cents à l’heure et qui, subitement, se voient freiner dans leur élan pour s’occuper d’un nourrisson. Loin des clichés, les hommes ne s’en tirent finalement pas trop mal dans leur nouvelle fonction. Cette pépite jubilatoire est à applaudir au Théâtre royal des Galeries du 11 septembre au 6 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.trg.be Galerie du Roi, 32 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : VIVE BOUCHON Bienvenue à Bouchon, un petit village dépeuplé, ravagé par les vents, où la cabine téléphonique sert de salle polyvalente. Afin d’éviter que ses concitoyens ne sombrent dans la précarité, Jacques, le maire, détourne depuis des années des subventions à l’Union européenne. Son modus operandi est soigneusement mené, sans que personne ne puisse le soupçonner. Son petit jeu durera-t-il encore longtemps ? Un cataclysme lui tombe sur le crâne, lorsqu’un inspecteur venu de Bruxelles est dépêché sur place pour vérifier la comptabilité et se rendre compte des projets menés sur le terrain. Désormais mis au pied du mur, l’élu n’a pas d’alternative que celle de tenter le tout pour le tout. A l’algarade, il préfère l’esbroufe et réclame l’indépendance du lieu. Au demeurant, la création de l’État Bouchon, dont il serait le président. Une micro république au sein de la France. Toutefois, cela représente un coût. Qui paiera ? Bruxelles ? Jean-François Breuer, Thomas Demarez, Xavier Elsen et Amélie Saye s’en donnent à cœur joie dans une pièce mise en scène par Emmanuelle Mathieu et écrite par Jean Dell et Gérald Sibleyras. Assurément, on songe à des situations existantes dans une Europe qui se morcèle de plus en plus, où le séparatisme est devenu roi. Le ton se veut naturellement à la drôlerie, avec des répliques qui cinglent et des situations cocasses. L’affaire est ingénieusement pensée et se veut une réplique anti-Brexit. « Vive Bouchon » est la bonne découverte de la rentrée et est à applaudir jusqu’au 12 octobre 2019 au Théâtre de la Toison d’Or. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles Daniel Bastié
OPÉRA : MACBETH UNDERWORLD Quatre ans à peine après « Penthesilea », sa précédente création, Pascal Dusapin livre un nouvel opéra, suite à une commande de la Monnaie. Avec son librettiste Frédéric Boyer, il plonge dans les zones les plus sombres de l’âme humaine à l’aide de deux personnages parmi les plus emblématiques du mal chez l’Homme : le couple Macbeth. Thomas Jolly, le jeune prodige français du répertoire shakespearien, signe la mise en scène tandis qu’Alain Altinoglu déploie l’intensité dramatique ainsi que la richesse vocale et orchestrale de la partition. Un opéra gothique où les personnages sont confrontés à leur réalité spectrale qui revient hanter leur mémoire et la nôtre. Le compositeur précise : « Je suis très intéressé par la figure de Macbeth, jusqu’à me demander parfois pourquoi – et sans reprendre le texte de Shakespeare – je ne ferais pas un opéra sur Macbeth ». Vilà chose faite et à découvrir en avant-première à La Monnaie du 20 septembre au 5 octobre 2019 avec dans les rôles principaux Magdalena Kožená, Angélique Noldus, Georg Nigl, Ekate rina, Lekhina, Lilly Jørstad, Christel Loetz sch, Kristinn Sigmundsson, Graham Clark et chris-tian Rivet. Voyez plus de détails sur le site www.lamonnaie.be Place de la Monnaie à 1000 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : EDMOND « Edmond », la pièce aux cinq Molières d’Alexis Michalik, débarque à Bruxelles pour démarrer magnifiquement la 26ème saison du Théâtre Le Public. Dans une distribution 100% belge, joyeuse et fantasque, « Edmond » nous fait vivre l’aventure d’un auteur aux prises avec les affres de la création. Par un procédé de narration ludique et inventif, vous découvrirez sous vos yeux ébahis, l’effervescence des coulisses et l’envers du décor, ainsi que les profonds désespoirs et les grands enthousiasmes, d’un génie au travail, l’admirable Edmond Rostand. Ce dernier n’a pas encore trente ans, plus un sou, deux enfants, des angoisses et pas d’inspiration. Au bout du bout du rouleau et en désespoir de cause, il propose à l’immense acteur Constant Coquelin une comédie héroïque. En vers ! Le seul souci est qu’elle n’est pas encore écrite. Et qu’il s’est engagé à la livrer pour les fêtes. Il ne lui reste que quelques mois, et il a promis à Coquelin un chef-d’œuvre. Rien de moins ! Alors, il se met au travail avec acharnement. Jour et nuit, s’inspirant des jalousies des uns, des peines de cœur des autres, des querelles de tous, il écrit une pièce à laquelle personne ne croit, et qui doit devenir un monument. Il a donné sa parole. Pour l’instant, il n’en a que le titre : Cyrano de Bergerac ! Michel Kacenelenbogen met en scène Tristan Schotte,Maxime Anselin, Perrine Delers, Inès Dubuisson, David Dumont, Itsik Elbaz, Mwanza Goutier, Antoine Guillaume, Sandrine Laroche, Réal Siellez, Elsa Tarlton etFrançois-Michel van der Rest. Cela se déroule au Théâtre le Public du 5 septembre au 26 octobre 2019. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : FUGUEUSES Pierre Palmade et Christophe Duthuron ont le rythme, le sens du verbe et de la formule. Mais dans la partition, il y a aussi comme une fêlure, quelque chose qui donne au rire un chouia de mélancolie et nous rappelle que ce rire est la politesse des reines ! Deux rôles splendides pour deux actrices en vadrouille, deux désobéissantes qui vont nous emmener sur les routes, à travers les bois et les champs. Deux évadées qui vont respirer à pleins poumons, rire, dire des bêtises et nous donner des envies de liberté et de chemins buissonniers. Jouée à guichets fermés la saison passée. Margot sent comme une fatigue. Sa fille a dix-huit ans aujourd’hui. Alors, brusquement, elle décide de se faire la malle ! Sur la route, avec ses valises, elle rencontre Claude, qui elle aussi a fugué... Mais de sa maison de retraite, où son fils l’a placée.Margot est sage, fidèle, un peu naïve, en pleine crise existentielle. Claude est charmeuse, délurée, espiègle, aguerrie et amoureuse de la vie. À deux, elles font la paire ! Elles s’improvisent auto-stoppeuses, aventurières… Elles s’envolent et se sauvent. Y a pas d’âge pour les bonnes résolutions. Quand les circonstances t’étouffent, faut pas hésiter, hein ! Faut prendre la tangente et la clé des champs. « Les fugueuses est à revoir du 6 septembre au 1é octobre 2019 au Théâtre Le Public. Plus de détails sur le sitewww.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : VILLA DOLOROSA D’anniversaire en anniversaire, Irina, éternelle étudiante ayant du mal à quitter son lit, se plaindra de la musique, des invités, des cadeaux reçus… Olga, enseignante, deviendra directrice d’école, Macha s’étiole dans un mariage sans amour et voit son amant l’abandonner. André oubliera d’écrire, accaparé par la nécessité de gagner de l’argent pour faire vivre sa famille. Des Trois sœurs de Tchekhov, Rebekka Kricheldorf conserve l’atmosphère de désillusion face à un monde en transition. Et si une grande mélancolie sourd au gré du texte, une ironie féroce emporte les propos d’une génération en manque d’idéal dans un monde qui offre peu de perspectives. Irina, Macha, Olga et André doivent leurs prénoms à des parents russophiles admirateurs de Tchekhov. Dans leur monde, où leur culture ne leur semble d’aucune aide, puisqu’à l’ère du matérialisme effréné il n’y a plus de place pour l’utopie, ils semblent tous vaincus par l’apathie, incapables de donner un sens à leurs vies, de trouver le bonheur ou quelque apaisement. Une pièce à découvrir du 20 septembre au 6 octobre 2019 au Théâtre des Martyrs. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
THEATRE : TCHAÏKA Dans les coulisses d’un théâtre, une vieille actrice au crépuscule de sa vie ne sait plus ce qu’elle fait là. S’approchant d’elle, une femme lui rappelle la raison de sa présence : interpréter le rôle d’Arkadina dans « La mouette » de Tchekhov. Ce sera son dernier rôle. Sa mémoire fout le camp et si elle ne sait plus tout à fait qui elle est pas plus que son rôle, elle entend assurer la représentation. Dans sa déroute, fiction et réalité s’entrecroisent. Elle tente de suivre la trame de la pièce. Suivent des dialogues avec son fils, les abandons répétés de Trigorine son amant, qui la replongent dans son passé. Elle renoue avec la jeune actrice qu’elle fut, avec le rôle de Nina, celui qu’elle préfère, celui de la jeune actrice qui vaille que vaille continue. Voilà Tchaïka luttant, reprenant pied, se créant un nouveau théâtre, un autre espace de jeu et de vie. Conté sur la trame du rêve, ce spectacle pour une actrice et une marionnette est le premier de la compagnie belgo-chilienne Belova-Iacobelli et est à applaudir du 3 au 20 octobre 2019 au Thééâtre des martyrs. Plus de détails sur le site www.theatremartyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : LES ENFANTS Dans un petit chalet de la côte britannique, Hazel et Robin, un couple d’ingénieurs en nucléaire à la retraite, vivent paisiblement. Le cataclysme mondial qu’ils ont traversé a décimé une partie de la population, mais n’a pas l’air d’avoir trop affecté leur existence. Ils sont anglais. So British ! Même si la nourriture est suspecte, l'électricité rationnée, qu’il faut vérifier les radiations avec un compteur Geiger et qu’ils saignent facilement du nez, ils conservent un semblant de normalité. Robin est fermier, tandis que Hazel pratique le yoga. Lorsque Rose, une ancienne collègue qu’ils n’ont pas vue depuis presque quatre décennies, se présente à leur porte, leur vie et leur couple vont s’en trouver perturbé. « Les Enfants » (qui traite finalement de la fonction des aînés au sein de la collectivité) réussit la gageure d’être une pièce de sens et une comédie hilarante. Créé triomphalement au Royal Court à Londres, puis repris à Broadway, le spectacle a bénéficié de maints hommages avant de recevoir le Prix de la meilleure pièce aux Writers Guild Awards 2018. Jo Deseure, Marie-Paule Kumps et François Sikivie apportent la pleine mesure de leur talent sous la direction de Tilly. Un événement à applaudir au Théâtre de Poche du 17 septembre au 10 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1A à 1000 Bruxelles Sam Mas
OPÉRA : LE SILENCE DES OMBRES Avec ses pièces à la fois sublimes et troublantes, le prix Nobel de littérature belge Maurice Maeterlinck a introduit à lui seul le grand changement qui allait ouvrir la voie au théâtre du XXe siècle. Aujourd’hui, ses « Trois petits drames pour marionettes » constituent le livret d’une nouvelle création mondiale commandée par la Monnaie. Sous le titre « Le Silence des ombres », le compositeur et chef d’orchestre Benjamin Attahir et le metteur en scène Olivier Lexa jouent la carte de l’invisible et de l’indicible, pour un triptyque plein de tension contenue. Une Reine monstrueuse veut capturer Tintagiles, dont elle a tué la majeure partie de la famille. Pour ce faire, elle cherche à tromper la vigilance d’Ygraine et de Bellangère, les sœurs du petit garçon qui le protègent dans l’ombre menaçante du château. Un vieillard et un étranger apparaissent à l’extérieur d’une maison. À l’intérieur et par la fenêtre, on entrevoit une famille. L’une des jeunes filles a été découverte noyée. Comment les deux hommes pourront-ils annoncer la nouvelle à ses proches ? Palomides s’est épris d’Alladine, une jeune esclave, dont l’amour est réciproque et qui est également convoitée par le roi Ablamore. Pour compliquer les choses, le jeune homme est fiancé à Astolaine, la fille du souverain. La trahison des nouveaux amants risque de faire s’abattre sur eux toute la colère du monarque. Il s’agit d’une création à découvrir à La Monnaie du 25 septembre au 06 octobre 2019. Plus de détails sur le site www.lamonnaie.be Place de la Monnaie à 1000 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : CYRANO DE BERGERAC Comme d’Artagnan, Cyrano de Bergerac est Gascon et, avec celui-ci, partage le fait d’être mousquetaire. Si le premier est né sous la plume d’Alexandre Dumas, alors que l’Histoire nous raconte les faits d’armes de Charles de Batz de Castelmore (dit d'Artagnan), le second a été poète (né à Paris en 1619 et décédé en 1655), père d’une œuvre libertine que l’on commence à redécouvrir aujourd’hui. Edmond Rostand s’est emparé du personnage pour le parer d’un bel uniforme et en faire un soupirant amoureux d’une femme qu’il juge inaccessible, car il se croit difforme, nanti d’un nez proéminent qui l’affecte avec cruauté. Malgré qu’il se soit singularisé dans l’armée comme cadet du Roi et que son éloquence surpasse celle de la majorité de ses concitoyens, il se meurt de passion. Rimailleur à verve, fin bretteur et duelliste hors pair, il offre à lui seul un spectacle vivant, attirant les rieurs et fédérant les amateurs de belles escarmouches. Lorsqu’il découvre que le jeune Christian de Neuvillette éprouve à son tour des épanchements forts pour la belle, il propose de lui souffler les mots qui font chavirer les réticences. Ainsi, avec une pathétique grandeur d’âme, il accepte de demeurer dans l’ombre et de lui inventer des serments aussi doux que passionnés. Derrière des séquences toniques et drôles, les spectateurs découvrent la tragédie d’un homme condamné à jouer les faire-valoir, abimé par la vie, plongé dans une douloureuse solitude et contraint de taire ce qu’il ressent au plus profond de son être. Grande gueule et lame habile, il demeure enfin un homme vulnérable qui se hait viscéralement et qui accepte l’ultime sacrifice. Entre plusieurs crises de dépression, Edmond Rostand s’est attaqué au monument qui deviendra « Cyrano de Bergerac », pièce anormalement longue pour l’époque et qui requiert de nombreux figurants, avec des décors mobiles et une scène de bataille épique lors du dernier acte. Très vite, il s’est opposé aux réticences des directeurs de salles car, selon certains, le projet ne possédait rien de commercial, sans oublier son côté onéreux. On le sait, le risque anime rarement les financiers. Qu’importe ! La première a eu lieu en 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Politiquement, la morosité régnait. La France venait de perdre la guerre contre l’Allemagne et sortait de troubles internes. Malgré de sévères inquiétudes, le triomphe a été public. Les spectateurs applaudissaient sans modération. Le ton était neuf, avec de la fantaisie, du panache et de l’héroïsme. Mieux, Cyrano permettait de s’identifier à leurs préoccupations. Combien d’amoureux transis aimeraient se déclarer, ne savaient pas de quelle manière s’y prendre, cherchaient mille excuses pour remettre tout à demain. La suite est connue. « Cyrano de Bergerac » a séduit toute la francophonie, a été traduit dans diverses langues et a été monté dans les deux hémisphères. Alors que le cinéma ne parlait pas encore, Clément Maurice a proposé une adaptation pour la toile. Nous étions en 1900. Ensuite, les versions se sont succédé : 1923, 1946, 1985, 2000, etc. La séquence du duel et la tirade du nez sont devenus des classiques lus et relus, étudiés dans les universités et qui, malgré le temps qui s’étiole, n’ont rien perdu de leur verve ni de leur humour. Edmond Rostand a réussi la gageure de pratiquer l’art de la rime avec finesse, sans jamais alourdir le propos, procédant à un véritable tour de force. En s’emparant de ce thème, le Théâtre royal du Parc entend respecter l’œuvre, avec des costumes historiques, du bruit, de la fureur et du mouvement. Ce spectacle est à découvrir au Théâtre royal du Parc du 12 septembre au 20 octobre 2019 avec dans les rôles principaux Bernard Yerlès, Jean-Philippe Altenloh, Julien Besure, Mickey Boccar, Cédric Cerbara, William Clobus, Damien De Dobbeleer, Lucie De Grom, Éric De Staercke, Béatrix Ferauge, Arthur Ferlin, Olivier Francart, Stephan Fraser, Michel Gautier, Claudine Gourdin, Marc Laurent, Anthony Molina- Diaz, Michel Poncelet, Jean-François Rossion et Anouchka Vingtier. Découvrez les modalités pratiques sur le site www.theatreduparc.be Rue de la loi, 3 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
CINÉ-DIMANCHE : UNE AFFAIRE DE FAMILLE Le septième art foisonne chaque année de nombreuses sorties cinématographiques. Le Centre culturel d’Uccle vous propose huit projections dominicales, avec une sélection des meilleurs longs métrages de l’année écoulée. Tous les films sont ici présentés en version originale avec sous-titres (en français ou en néerlandais) dans la grande salle. Cette saison encore les thématiques vous promettent réflexion, nostalgie, charisme et bouffée d’air frais. Palme d’or au Festival de Cannes 2018, « Une affaire de famille » du réalisateur japonais Hirokasu Kore-eda propose une chronique douce-amère filmée à hauteur d’épaules. Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu’elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets …Malgré la banalité de son titre français, la dernière mise en scène de Kore-eda n’est pas qu’une énième histoire de famille. Elle devient l’opportunité de creuser un terreau sociétal auquel il s’était peu frotté et de le faire avec la finesse qu’on lui connaît. Un coup de cœur à voir le dimanche 29 septembre 2019 à 10 heures 15 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
HUMOUR : LE SYNDROME DU PLAYMOBIL Elodie Poux ose tout et c’est à ça qu’on la reconnaît. Avec son nom de famille à coucher dehors et son lourd passé d’animatrice, cette trentenaire à l’humour libérateur impose sur scène et en quelques minutes un univers faussement naïf. A travers des personnages tous plus ravagés les uns que les autres et un stand up cyniquement jubilatoire, elle vous amène à rire de ses aventures auprès des enfants, des parents, mais aussi des chats et des zombies. Nul besoin d’avoir procréé ni d’avoir travaillé avec les jeunes pour apprécier ce spectacle tonique et un chouia déjanté, le public est unanime : « Son humour est grinçant, pique et fait du bien ! » Depuis plusieurs années, cette drôle de petite bonne femme se produit en tournée et écume les festivals d’humour, les plateaux d’artistes et les émissions radiophoniques et télévisées. Maintenant qu’elle passe chez nous, il serait absurde de ne pas aller à sa rencontre. En moins de deux heures, elle dézingue l’univers de l’enfance et agite les zygomatiques. Sur les planches, elle dégage une bonne humeur contagieuse. Une artiste à applaudir le 4 octobre 2019 à 20 heures au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE : LA MÉCANIQUE DU HASARD Au Camp du Lac Vert et malgré un nom de site paradisiaque, Stanley Yelnats est condamné à creuser des trous en plein désert, tout simplement parce que cela forge le caractère ! Du coup, il déterre des malédictions familiales : l'histoire de son arrière-arrière-grand-père voleur de cochon, de son père inventeur de génie, de son arrière-grand-père dévalisé en rentrant de Las Vegas, etc. Mais aussi des tranches de vie parallèles que l’on découvre étrangement liées par des indices savamment distillés. Le protagoniste se croit poursuivi par la guigne et cherche à s’en dégager. Une double histoire nous est ici racontée : celle de Stanley et une autre qui s'est déroulée un siècle plus tôt. Les deux étant étrangement imbriquées. Adaptée du roman « Le passage » de Louis Sachar (paru à L’école des Loisirs), cette pièce s’adresse à un public familial dès l’âge de douze ans et traite des ressors du destin et de la fatalité, tout en se voulant une parabole initiatique qui possède l’aspect d’un puzzle, dont les morceaux s’imbriquent lentement. A applaudir le mardi 8 et le mercredi 9 octobre 2019 à 20 heures 30 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles Sam Mas
THÉÂTRE LES COMBUSTIBLES Le livre date de 1994 et fait à peine moins de cent pages. Cela suffit-il ? Oui et non, selon qu’on soit ou non fan d’Amélie Nothomb. Le récit se déroule dans une gigantesque pièce (sorte de bibliothèque surchargée de bouquins). Ni tables, ni fauteuils, ni bureaux. Seulement quelques chaises en bois et un énorme poêle en fonte. Ainsi débute le manuscrit. Il n’en faut pas davantage pour mettre en scène les protagonistes. Ce huis-clos sur fond de guerre utopique fait pleuvoir les bombes qui paralysent la ville. De surcroît, comme il fait extrêmement froid et que l’hiver bat son plein, les combustibles manquent. Deux jeunes étudiants et un professeur quinquagénaire s'affrontent dans une joute verbale teintée de désespoir, de cynisme et de folie. Leurs arguments portent essentiellement sur leur survie. L’auteure en profite pour ciseler des répliques tantôt incisives, légères ou absurdes. A mesure que le temps se déplie, les ouvrages seront-ils sacrifiés comme bûches destinées à se chauffer ? Le duel atteint une apogée rarement atteinte avec des rapports étonnants qui se tissent, des échanges de point de vue sidérants, une tension tangible et un humour désespéré qui laisse éclater les faiblesses humaines dans ce qu’elles possèdent de moins reluisantes. La forme permet ici une analyse des personnages, une psychologie fine où le lecteur comprend que le plus raisonnable est également le plus déjanté. L’action est située dans une guerre mondiale futuriste au lieu indéterminé. L’occasion de développer quelques thèmes chers à Nothomb, d’ouvrir le débat et de susciter la réflexion. Une des questions qui préoccupe les membres de cette petite communauté improvisée consiste à savoir quels manuscrits ils brûleront en dernier ? Humour, ironie et noirceur s’enchevêtrent subtilement dans cette parabole aux résonances singulièrement actuelles. Michel Wright, Manoëlle Meeûs et Fabian Dorsimont offrent une prestation cinq étoiles à découvrir du 2 au 13 octobre2019 à la Comédie Claude Volter. Plus de détails sur le site www.comedievolter.be Av des Frères Legrain 98 à 1150 Bruxelles Paul Huet
CONCERT : HÉLÈNE GRIMAUD Dans l’univers des pianistes, la soliste française Hélène Grimaud joue la carte de l’impressionniste. Son jeu s’articule avec une synesthésie qui lui permet de reconnaître les liens entre sons et couleurs des œuvres de plusieurs compositeurs. Trois ans après son premier concert à Flagey, elle revient pour nous immerger dans l’univers des nuances, effleurant des lignes qui relient Debussy et Satie aux tonalités romantiques de Chopin et de Rachmaninov. Les amateurs le diront : la retrouver sur scène demeure un plaisir jubilatoire. Artiste jusqu’au bout des ongles, elle met toute sa technique au service des partitions qu’elle interprète en live. Au programme de la soirée du dimanche 29 septembre 2019 à 20 heures 15, Flagey propose les « Bagatelle I & II » de Valentin Silvestrov, « Arabesque n° 1 », « La Suite Bergamasque », « Clair de lune » et « Rêverie » de Claude Debussy, « les Gnosiennes I & IV » et « Six pièces froides » d’Erik Satie, « Nocturne n° 19 en mi mineur », « Mazurka en la mineur » et la « Valse n° 3 en la mineur » de Frédéric Chopin, ainsi que « Kreisleriana » de Robert Schumann. Un grand moment mélodique chargé de virtuosité à applaudir sans modération. Plus de détails sur le site www.flagey.be Place Sainte-Croix à 1050 Bruxelles
CONCERT : VICKY LEANDROS ET GEORGE DALARAS Vicky Leandros et George Dalaras collaborent pour plusieurs concerts européens. Deux des plus importants artistes grecs se rencontrent sur scène pour interpréter leurs chansons les plus célèbres, en solo et en duo. Vicky Leandros a écrit l'histoire de la musique. Bien qu'elle vienne de Grèce et réside en Allemagne depuis 1957, elle a représenté le Luxembourg au Concours Eurovision de la Chanson à deux reprises. En 1972, sa chanson « Après toi » a remporté le challenge, faisant d’elle une des chanteuses les plus célèbres au monde et qui a vendu plus de cinquante-cinq millions de disques. George Dalaras est Grec et chante dans sa langue maternelle, mais sa musique, qui jaillit du cœur, possède un attrait universel. Sa réputation a dépassé les frontières de son pays natal. Au cours de ses tournées triomphales en Europe, aux États-Unis, au Canada et dans le monde entier, il est demeuré en contact étroit avec ses racines. S'épanouir dans les rythmes grecs traditionnels, destinés à accompagner le mélange des cultures du monde d'aujourd'hui, lui ont permis de collaborer avec des stars telles que Sting, Bruce Springsteen, Peter Gabriel et Paco de Lucia. Des rencontres qui reflètent sa diversité exceptionnelle. Il revient le 2 octobre 2019 au Palais12 avec Vicky Leandros pour une soirée inoubliable. Plus de détails sur le site www.palais12.com Avenue de Miramar à 1020 Bruxelles Jean Lhassa
CONCERT : KEREN ANN Keren Ann est auteure, compositrice et interprète, mais aussi une artiste de rencontres éclectiques autant qu'internationales. David Byrne, Iggy Pop, Luz Casal, Rosa Pasos, Anna Calvi, Jane Birkin, Henri Salvador et Françoise Hardy ont chanté ou repris ses chansons. En parallèle à ses albums et nombreuses tournées, elle travaille sur des bandes originales pour le cinéma, mais aussi pour le théâtre ou la danse contemporaine. La mélancolie et le folk dominent à nouveau dans le dernier album où elle raconte l’éphémère ou de quelle manière l’amour et l’attachement (aussi immenses soient-ils) se délitent et se sabordent sans qu’on ait besoin d’insister. Sans demi-mesures et sans concessions, elle se livre pour partager des émotions et raconter des tranches de vie partiellement autographiques. Sophia à la guitare électrique et sa sœur Céléna à l'acoustique se produiront également avec un jeu remplis de nuance, avec justesse et une persévérance qui frisent la perfection. Un duo musical chargé de poésie authentique et particulière. Voici un double concert à applaudir le samedi 5 octobre 2019 à 20 heures au Théâtre 140. Trouvez tous les détails complets sur le site officiel www.le140.be. Avenue Eugène Plasky, 140 à 1030 Bruxelles
THÉÂTRE : LA MÉMOIRE DES ARBRES Le secret implique de maintenir en respect une ville entière. Non pas une ville fantôme, car la vie anime cette cité mystérieuse. Mais le silence enveloppe jusqu’à son nom, ses écoles, ses parcs et ses hôpitaux. Il s’étend à ses champs, à sa rivière et à ses rires d’enfants. Au cœur de ce lieu que nulle carte ne recense, des milliers de personnes nourrissent, contraintes et forcées, ce vaste secret. Et celles qui esquissent l’ombre d’une trahison le paient de leur vie. D’autres, manipulées, ont l’intime conviction de protéger le pays en cautionnant le mensonge. Ensemble, elles préservent une industrie d’État d’envergure et taisent une catastrophe environnementale inouïe. On pourrait croire cette histoire juste sortie d’un roman d’anticipation. Malheureusement, il n’en est rien et cette cité secrète fait partie de notre monde. Si les hommes cherchent à museler la vérité, les arbres possèdent une mémoire active : celle des consciences qui se dressent et dénoncent cette chape lourde de plusieurs décennies. Le voyage fait partie intégrante de la démarche artistique du metteur en scène Fabrice Murgia, car « La mémoire des arbres », l’a mené dans des endroits singuliers où caméra à l’épaule, il a capté des visages, enregistré des témoignages et réalisé des rencontres. Avec Josse De Pauw en conteur, cette pièce inclassable livre l’inavouable en musique et poésie. Une prouesse qui mélange diverses disciplines à découvrir du 12 au 22 septembre 2019 au Théâtre national. Plus de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain, 111115 à 1000 Bruxelles Sam Mas
DIX-NEUVIÈME FOIRE DU COLLECTIONNEUR : COLLECT-HIT© 2019 La dix-neuvième édition de « Collect-Hit » est confirmée. Bien entendu, tous les thèmes habituels (jouets anciens, poupées de collection, bandes dessinées, objets publicitaires, …) seront au rendezvous ! Cette année encore le vintage sera également mis à l’honneur au Kart Expo, à trois minutes de la Basilique de Koekelberg. Les trains, les voitures miniatures, les poupées de porcelaine, les bandes dessinées, les Comics américains, les soldats de plomb, les ours en peluche et bien d’autres jouets de collection se côtoieront le temps d’une belle journée. Par la diversité des objets exposés, beaucoup de matières anciennes et nouvelles se mélangent parmi les nombreuses tables et vitrines d’exposition : le celluloïd, le bois, le latex, le fer, le plomb, l’ébonite, la résine, l’émail, le verre, la porcelaine, etc. Quelques noms connus se trouvent parmi les deux cent cinquante exposants rassemblés autour de quatre thématiques : les jouets de collection, la bande dessinée, les objets publicitaires, Barbie®, les vieux papiers. Les visiteurs dont le nombre s’agrandit d’édition en édition, viennent eux aussi, comme les exposants, des quatre coins de l’Europe et au-delà. A Collect-Hit se retrouvent de la sorte le collectionneur passionné, le grand-père nostalgique et son petit-fils, la maman ex-fan Barbie et sa fille. Tous franchissent le temps à travers les différentes périodes du XXème siècle : les années folles, les sixties, les 80’s… voire même au travers de certaines pièces centenaires rares. Le jouet reste le plaisir des petits et grands enfants que nous sommes. Peu importe la météo d’automne, le grand hall couvert (5200 m²) du Brussels Kart Expo abritera les anciens jouets et les objets publicitaires qui sont un régal pour les yeux du collectionneur et de sa famille. Sur place, deux services de restauration (sandwichs, fruits de mer, crêpes salées ou sucrées) permettront à tous de flâner jusque dans l’après-midi. A découvrir le dimanche 6 octobre 2019 à partir de 10 heures. Voyez toutes les informations pratiques sur www.toymarket.eu Gossetlaan 9 à 1702 Groot–Bijgaarden Sam Mas
EXPOSITION : EMMANUEL VAN DER AUWERA - THE SKY IS ON FIRE À travers des films, des vidéos-sculptures, des projets conceptuels et des installations, le travail d’Emmanuel Van der Auwera traite de la nature de la production et du filtrage des images lors de leur apparition, leur diffusion et leur consommation. L’artiste appartient à cette catégorie de créateurs que l’on pourrait définir comme « érudits savants », avec précision et exactitude, ils manient les instruments du savoir et favorisent l’analyse critique en opérant des brèches d’une discipline à l’autre. Né en 1982, il vit et travaille à Bruxelles. Il a étudié à l’Ecole supérieure d’Arts de Clermond-Ferrand (2005-2010) et au Studio national des Arts contemporains (2008-2010), avant de suivre une formation au HISK à Gand. Malgré son jeune âge, il compte parmi les plasticiens dont nous avons à compter. Découvrez ses travaux récents au Botanique du 5 septembre au 3 novembre 2019 au Botanique. Plus de détails sur le site www.botanique.be Rue Royale, 236 à 1000 Bruxelles Sam Mas
PORTRAIT : SOUMAYA HALLAK En juillet 2018, je vous ai présenté Soumaya Hallak. J’étais allée à sa rencontre à Bruxelles où elle réside entre deux voyages. L’article se terminait sur son action 1,2,3 Hope Love Life For Peace. J’ai eu l’envie de vous donner des nouvelles de cette personne hors du commun. Parallèlement à sa carrière de chanteuse lyrique à travers l’Europe, Soumaya utilise le chant comme Art Thérapie pour aider les enfants de Syrie à se reconstruire. Les petits écoliers manquent de tout après cette longue guerre qui a dévasté leur pays. Les dons ont afflué en réponse à l’action de cette femme de cœur. Sa sincérité et son implication ont touché les cœurs. . Le 13 décembre 2018, elle a été sacrée femme de paix au Sénat belge, pour ses actions à Alep dont voici un résumé : . Avec l’équipe des Maristes Bleus, elle a offert une fête de Noël au camp Chahba au nord d’Alep, déguisée en père Noël pour la grande joie des petits et des grands. Cette fête a été sponsorisée par Ecoliers du Monde, une association qui soutient Soumaya dans son action. Ensemble ils permettent des échanges entre les petits Belges et les petits Syriens. . Travail du chant, techniques de respirations, mouvements du corps avec les enfants et les mamans, pour améliorer la vie de tous les jours. Les résultats se voient sur les photos que Soumaya partage régulièrement sur les réseaux sociaux. . Elle subventionne, grâce à vos dons, les études des enfants, elle rend visite aux familles à qui elle apporte soutien psychologique et amour. Elle agit, comme le petit Colibri, faisant sa part pour aider les gens à rester dans leur pays pour le remettre debout et, c’est le plus dur, les aider à se reconstruire. . Elle créé avec les enfants des petites percussions avec le bois des décombres de la ville et avec des tissus récoltés dans les cendres des ruines. Ils ont réalisé une petite performance dans les souks sur la musique de la mélodie du bonheur et l’ont appelée « Des cendres renaît l’espoir ». Le film sera sur You Tube cet automne. . Mais aussi, Soumaya se produit régulièrement en concerts en Belgique et en Suisse. Les bénéfices sont utilisés pour ses multiples actions. Voici une vidéo trailer de son action en Syrie : https://youtube/Uf1FcaAOvSM Si vous avez envie de la rencontrer, voici le programme de ses prochains événements : . Du 17 au 30 septembre, Soumaya tiendra le rôle de Fraulein Schneider dans Cabaret, au théâtre du Galpon à Genève. . Le 14 octobre, soirée 1,2,3 Hope Life For Peace avec Jacqueline Bir et Pietro Pizutti au Théâtre Le Public à Bruxelles. . Le 10 novembre, en concert à la Fondation Gianadda à Martigny en Suisse. Vous trouverez une foule de témoignages sur son site : www.soumayahallak.com et sur sa page Facebook https://www.facebook.com/hallaksoumaya Silvana Minchella PORTRAIT : DE NOTRE RÉDACTRICE SILVANA MINCHELLA Silvana Minchella est née dans un petit village du sud de l’Italie. Enfant unique et sans autre distraction que les éléments de la nature, son imagination l’a nourrie tout en la séparant des gamins de son âge. Elle était, se souvient-elle, une enfant différente des autres. A cinq ans, elle a suivi ses parents qui ont émigré en Belgique, pour venir s’installer à Bruxelles. Inscrite à l’école, elle a découvert l’univers des livres, la joie des bibliothèques et est parvenue à surmonter le choc de l’exil. De la lecture à l’écriture, le pas a été très vite franchi. Des contes pour enfants, des romans, des nouvelles, de l’humour et de la poésie, sa plume s’est essayée à tous les styles. A ce jour, elle a rédigé onze ouvrages, a participé à de nombreux collectifs et rédige chaque mois un billet pour Bruxelles Culture.
UN KET DE BRUSSELLES : FROM BRUSSEL’S WITLOOF Tu as au moins une fois dans ta vie goûté ce légume qu’on appelle chez nous un chicon. Qui lui a donné ce nom bizarre, je n’en sais rien. Ce qui est encore plus étrange, c’est que personne n’en a voulu : pour les Français, c’est une endive (toi-même !) et pour les Bataves c’est du witloof (with love). Nous on dit chicon, tout bêtement. C’est un légume très compliqué, je te préviens. Il ne pousse ni sur un arbre, ni chez Delhaize. On cultive d’abord un plant de chicorée (Pacha, qui a bu boira, ara !) qui ressemble à une carotte mais qui a la couleur d’une betterave. Oué je sais, j’utilise des mots que tu comprends pas (carotte, betterave, pousser, tu connais que les chelou, keum meuf, C pas G, t’sais) mais tu vois, les carottes et les betteraves ça pousse pas non plus tout entier chez Colruyt, déjà pré-coupé, emballé et pesé. Donc on a planté (et récolté) ces carottes de chicorée, on leur a coupé le vert qui sortait de la terre comme un chapeau de Gilles, et puis tu sais quoi ? on les a remises dans la terre, fieu ! Ils sont fous ces maraîchers, comme disait Jules. C’est alors que le miracle se produit : à la place du chapeau vert il y a un chapeau blanc qui pousse. Pourquoi blanc ? Eh ben parce qu’il n’a pas de lumière. Car on lui a fait une blague, à la chicorée, quand on l’a replantée ! On l’a mise à l’horizontale, pour que son chapeau pousse en dessous du terreau. Pour zwanzer, quoi. C’est pas des malins, les Brusseleirs ? Car je dois te dire que si les Kuulkappers (coupeurs de chou) de Saint-Gilles ont inventé le chou de Bruxelles, les Ânes de Schaarbeek ils ont inventé le chicon au parc Josaphat. Tous des inventeurs, que moi je dis. Donc ta chicorée au lieu de pousser vers la lumière, elle fait des feuilles blanches sans chlorophylle (si tu comprends pas va une fois (bonjour Carlos) voir dans ton Larouquine. Après, quand on a coupé une deuxième fois le chapeau, elle ne vaut plus une clette alors on la râpe pour mettre dans le café (rebonjour Pacha, ici on gaspille rien). Le chapeau blanc c’est un chicon. C’est amer, les gamins ont horreur, mais on mange ça à toutes les sauces, newo. Cru dans de la salade de blé, braisé avec du faisan (à la Brabançonne) ou emballé dans une tranche de jambon (tous les deux cuits, non peut-être). Nos chicons au gratin sont connus dans le monde entier (par tous les dentiers et pas seulement le mien), ce qui ne veut pas dire qu’ils sont appréciés, c’est comme pour le bloempanch ou le stoemp : tu aimes ou tu aimes pas. Le chicon, c’est l’emblème de la Belgique, comme les frites. Y a que nous qui savent cuire ça comme il faut, et quand c’est mal cuit eh bien c’est pas bon, nè. On fait des chicons à Brusselles depuis 1870, c’est dire qu’on connaît la question. D’après Jean d’Osta, le premier chicon a été vendu au Marché-du-Parc, juste en dessous de la Colonne du Congrès (cherche pas, ça n’existe plus), par un ket bien dégourdi qui s’appelait Toone De Koster et qui avait inventé un légume blanc. Il l’avait cultivé dans son champ au parc Josaphat, qui n’était pas encore un parc à ce moment-là. Comme quoi tous les Schaarbeekois ne sont pas des Ânes et ne cultivent pas tous des cerises du Nord pour faire de la Kriek. Le jour d’aujourd’hui où on croit que la salade pousse dans les gondoles de Delhaize, toute nettoyée et coupée, emballée dans un sachet-fraîcheur, il y a encore des peïs qui se décarcassent pour produire des légumes de qualité qui ne viennent pas de Nouvelle-Zélande par avion-fraîcheur. Ils sèment des graines, soignent leur germination, les aident à bien grandir, les protègent des intempéries, pour qu’elles fassent des beaux légumes à proposer au client. Va donc pas bouffer des princesses importées du Mozambique alors qu’on en a de bien plus belles chez nous ! Donc je disais que le chicon, c’est le légume belge par excellence. Et en plus, tu dois le mériter. C’est pas donné à tout le monde d’aimer ça. Prends un Amerloque : il préférera son Mac Do bien riche en calories et dégoulinant de ketchup. Eh bien pas moi. Une assiette de chicons au gratin avec une sauce blanche et de la purée de pommes de terre et je suis aux anges. Et si tu es snobinard, tu prends un faisan (en période autorisée, hein) cuit avec des chicons braisés qui lui donnent une saveur incomparable, et tu es le roi. Potverdekke de causer de tout ça me donne drôlement faim. Alleï, salue et bon appétit, une fois, comme disait mon copain Carlos quand il se moquait des Belgicains : pour moi ça sera des chicons, des frites et du poulet de Brusselles. Non peut-être. Georges Roland Retrouvez les romans bruxellois de Georges Roland sur www.georges-roland.com
PORTRAIT DE NOTRE GEORGES ROLAND
RÉDACTEUR
Georges Roland est né à Bruxelles et a habité dans une strotje chère à Madame Cha-peau. Tout près, il y avait une place qui s'appelait le Square des Héros : ça c'était un tof nom. Avec la grande statue d'une meï qui tenait sa tête comme ça dans la main. Depuis de nombreux mois, notre bonhomme régale les lecteurs de Bruxelles Culture avec des chroniques pleines de verve et de décalage. Un fameux jongleur de mots que ce peï qui joue à celui qui ne fait pas et qui est vrai cador lorsqu’il s’agit de prendre la plume (non pas pour stoeffer !) mais pour faire preuve d’un réel talent d’écrivain, tant en bruselleir qu’en français digne des membres de l’Académie des françaises. A son actif, de nombreux romans sérieux (ou qui le sont moins !) à découvrir pour passer un bon moment en compagnie d’un livre. Pour ceux qui ne le savent toujours pas, il est le poupa des traminot-polars zwanzés ou enquêtes policières dans le quartier des Marolles avec accent, odeur de la gueuze et celle des caricoles. De quoi tomber de son sus ! Ses deux titres les plus vendus : « LE BROL AUX MAROLLES » et « MANNEKEN PIS NE RIGOLE PLUS » sont maintenant disponibles en format poche, ara ! Les chroniques du ket (numéro 1) sont disponibles en format ultrapoche sur le site de l’auteur.
PORTRAIT DE NOTRE RÉDACTEUR DANIEL BASTIÉ Daniel Bastié est né et vit à Bruxelles. Après des études artistiques, il se lance dans le journalisme et travaille pour divers médias (Groupe Plus, Grand Angle, Soundtrack magazine, Les Fiches belges du cinéma, Saisons, etc.) tout en rejoignant le monde de l’enseignement avec un diplôme de prof. Il est également un auteur prolifique avec une vingtaine d’ouvrages publiés chez divers éditeurs. Autant qu’un exutoire, l’écriture reste pour lui un véhicule d’expression depuis qu’il a troqué le crayon et le pinceau contre un clavier de machine à écrire. Il veille enfin à ce que Bruxelles culture soit bouclé chaque mois et ce depuis presque quatre longues années. A son actif, plusieurs ouvrages sur le cinéma : « Michel magne, un destin foudroyé », « Jess Franco, l’homme aux deux cents films », « Jean Rollin et ses vampires cinématographiques », « « Les mondes cannibales du cinéma italien … d’Umberto Lenzi à Ruggero Deodato », etc.) et des romans ludiques (« On ne sort pas avec un prof », « Je ne suis pas une Lolita », « Le journal de morgane », etc.)
PORTRAIT DE NOTRE RÉDACTEUR JEAN-LOUIS CORNELLIE Jean-Louis Cornellie nous a quittés en avril dernier et participait depuis les débuts à l’aventure de Bruxelles Culture. Il était un poète aguerri, dont certains livres ont marqué une génération : « Le doge rouge », « Un été échardé », « Un jour dans les cils », « Italie », etc. Latiniste de formation, il a travaillé de longues années comme directeur en chef de la Bibliothèque communale d’Ixelles. Il avait également remporté le Prix Louis Musin en 1984. Chaque mois, il nous livrait une chronique drôle ou nostalgique sur les quartiers de la capitale, où fleurissaient ses souvenirs de jeunesse. Enfin, il était membre de l’Association des Ecrivains belges de Langue française.
CINÉMA : PATRICK Comédie dramatique de Tim Mielants, avec Kevin Janssens, Pierre Bokma, Ariane van Vliet, Hannah Hoekstra, Katelijne Damen et Bouli Lanners. Belgique 2019, 96 min. Sortie le 28 août. Résumé du film – Patrick tient avec ses vieux parents un camping naturiste le long d’une rivière dans les Ardennes. A la mort de son père emporté par une crise cardiaque, il devrait reprendre la direction du site, mais il est obnubilé par la disparition d’un de ses marteaux avec lesquels il sculpte admirablement le bois du mobilier, sans avoir jamais fait d’étude d’ébénisterie. Autiste, il a le goût du rangement et du travail bien fait, et cette disparition de l’outil crée en lui un vide existentiel qu’il associe à son deuil. Commentaire – Patrick pourrait tout aussi bien s’appeler « le Marteau », car tout tourne autour de cet outil qui a disparu au mur de l’atelier où il figurait à sa place dans une série. Dans la quête de Patrick pour retrouver son marteau, on découvre la vie des campeurs nudistes, la volonté de certains d’entre eux de l’évincer en l’humiliant. Le marteau fait surgir les querelles de voisinage, les zizanies autour des propriétaires du lieu, ou le crime qui est lié à cette disparition. Le marteau révèle surtout le caractère du personnage, obnubilé par cet outil qui représente son travail quotidien, dans lequel il s’est investi patiemment et qui prend le relais de son père. On a l’impression que Patrick fait son deuil à travers ce marteau qui a disparu. Car il se met à le chercher avant que la crise n’emporte son vieux père malade. Il est autiste (du moins, il présente certaines composantes du spectre autistique) et il transmet à ses outils tout ce qu’il ressent. La seule personne à le comprendre est une jeune femme, Nathalie, une campeuse qui s’est prise d’affection pour lui et dans les bras de laquelle il vient pleurer sa détresse. Les gros plans, qui sont nombreux dans le film, cernent cette détresse, et comme Patrick s’exprime peu, la caméra nous fait sentir sa souffrance muette. Et aussi sa rancœur à l’égard des autres campeurs qui complotent dans son dos et ourdissent le rachat du camping. On ne sait pas ce qui se passe dans sa tête, ce qui pourrait arriver s’il perdait le contrôle de ses gestes, et ce qui arrive en fait lorsqu’il s’en prend à l’un des campeurs qu’il soupçonne. Sa rage éclate alors. Cette comédie dramatique est signée Tim Mielants, auteur de séries télévisées dont c’est le premier long métrage. Elle fouille les personnages par des plans rapprochés sur les visages, en tournant autour d’eux. Les corps sont nus, gras et lourds, souvent bedonnants, et toute cette masse graisseuse, dégoulinante, se conjugue aux tartines beurrées qui en deviennent écœurantes. C’est le côté réaliste de ce film flamand tourné dans nos Ardennes et dans la veine de Breughel. Kevin Janssens (un des Tueurs de François Troukens) a dû prendre du poids pour incarner cet autiste trentenaire pas sportif pour un sou, qui fait le deuil de son père et qui finira par jeter ses autres marteaux à la poubelle pour se libérer de son mal être, et peut-être de l’autisme qu’il y a en lui. Une personne sur septante en serait atteinte chez nous. Avis – Sous un naturisme très pudique (les corps sont nus mais non sexuels) se cache une approche sensible de l’autisme. Qui est cet autiste profondément perturbé par la disparition d’un outil auquel il associe un être cher ? On est touché par le personnage et par la réalité de son drame. Michel Lequeux
CINÉMA : THE BEST OF DORIEN B. Comédie dramatique d’Anke Blondé, avec Kim Snauwaert, Jelle De Beule, Kathelijne Verbeke, Dirk Van Dijck et Wine Dierickx. Belgique 2019, 94 min. Sortie le 11 septembre. Résumé du film – Dorien B. a tout pour être heureuse dans la vie : un mari prévenant, chercheur dans un laboratoire, deux enfants charmants, une belle maison à la campagne et son métier de vétérinaire qu’elle exerce dans le cabinet de son père qui l’assiste. Jusqu’au jour où elle apprend qu’elle a un nodule au sein qui pourrait être cancéreux. Toute sa vie bien rangée va alors basculer dans la hantise de la biopsie à faire. D’autant plus quand sa mère débarque à l’improviste dans la famille, suite à une infidélité conjugale, et qu’elle-même apprend que leur propre couple est en train de chavirer suite à la liaison que son mari entretient depuis un an avec une collègue du laboratoire. Tous ces éléments vont se conjuguer pour remettre en jeu le cours de sa vie et lui faire prendre conscience qu’elle a subi les événements jusque-là au lieu de les contrôler. Commentaire – C’est la première fois que Kim Snauwaert interprète un rôle au cinéma. Cette jeune artiste de formation a été recrutée par la réalisatrice Anke Blondé qui l’avait remarquée à l’école où toutes deux conduisaient leurs enfants. Elle apporte au film une touche d’authenticité : sur la réserve, presque sur la défensive, Kim nous fait partager son anxiété, sa peur de l’avenir et sa fragilité devant les événements qu’elle doit affronter. Avec tact et pudeur, elle nous livre tout ce qu’elle a caché à son mari, à ses parents, à elle-même : la peur de ne pas être à la hauteur de son travail, la peur d’assumer ses choix et de s’affirmer dans l’existence. Le drame personnel qu’elle traverse va l’aider à surmonter sa timidité naturelle qui fait d’elle la dernière roue de la charrette dont se moque sa rivale. Les épreuves vont l’aider à s’émanciper des autres : de son mari qui en profite pour aller voir ailleurs, de son père qui l’a embrigadée dans ce cabinet réservé aux petits animaux de compagnie, de sa mère qui passe sa vie à courir les aventures. De ses enfants qui usent et abusent de sa patience. Elle va se libérer de tous ces freins pour reprendre sa vie en main. Les cadrages en plans rapprochés qui alternent avec les plans d’ensemble cernent bien le personnage en train de s’interroger et de changer. On suit la jeune femme à travers les opérations qu’elle subit ou fait subir. De la palpation de ses seins aux interventions sur les animaux, avec l’ablation de deux tumeurs et la mise bas d’une jument, on est plongé dans l’aspect clinique qui va peu à peu révéler Dorien à elle-même. Anke Blondé, réalisatrice de deux courts métrages et dont c’est ici le premier film, insiste peut-être un peu trop sur ces scènes qui pourront paraître crues. Mais elles assurent le côté réaliste de ce film flamand qui met les points sur les i. Et dit les choses comme elles sont, dans la tradition du réalisme social cher à la culture de Vondel. La fin nous montre la renaissance de Dorien, qui enverra sa rivale au tapis avant de reprendre sa liberté de femme et de dire zut à son mari en vadrouille conjugal. Celui-ci est interprété par Jelle De Beule, humoriste à la télévision qu’on a pu voir l’an dernier dans la série De Dag, aux côtés de Wine Dierickx qui campe ici une rivale suffisante. Avis – Un drame personnel qui pourrait être celui de beaucoup de femmes menées par le bout du nez. Ce film leur permet de quitter le train-train quotidien. Il vient de Flandre et en a le goût très réaliste – Michel Lequeux
DVD : AFTER Impossible de laisser un phénomène de librairie sans adaptation hollywoodienne ! Après « Harry Potter » et autre « Twilight », le cinéma s’empare de « After », rédigé sur smartphone par une jeune Texane nommée Anna Todd. Découvert par des millions de lecteurs enthousiastes, le récit se décline bientôt en cinq volumes qui s’arrachent en kiosques. Malgré les thèmes abordés (séduction, manipulation, sexualité), on parle de la jeunesse actuelle et du monde estudiantin sans jamais chercher à révolutionner les codes du genre. Servi par Joséphine Langford et Hern Finnes Tiffin (neveu du comédien Ralph Fiennes), le long métrage raconte de quelle manière la belle Tessa s’amourache d’Hardin, un bad boy grossier et provocateur. Bien vite, elle délaisse Noah, son fiancé bien rangé. A mesure que sa nouvelle liaison prend forme, elle s’aperçoit que sa vie se pimente de sensations nouvelles, avec le risque avéré de décrocher des études et de s’engager sur une pente savonneuse. Malgré les avis de ses proches, elle s’adonne à chacun de ses désirs, quitte à en payer le prix fort. Mais elle devine que l’Amour attire souvent les contraires et qu’il s’absout de toute logique rationnelle. Vivre loin de lui serait un supplice ! Catalogué lors de sa sortie de « 50 nuances de Grey » pour adolescents, ce long métrage se targue d’une belle photographie, de comédiens séduisants et ne manque pas d’attraits pour tenir le rythme de bout en bout. Bien entendu, il traite de sujets éternels qui parlent directement aux jeunes boutonneux : sexe, virginité, univers scolaire et relations familiales, mais également du besoin d’émancipation loin du regard des adultes. Voilà une romance qui a obtenu un immense succès en salle et qui devrait faire un tabac en DVD ! Malgré les réserves de certains parents, ce film peut être visionné dès l’âge de quatorze ans. Daniel Bastié
DVD : MON INCONNUE Lorsque Raphael et Olivia se rencontrent, le coup de foudre est fulgurant. Etat qui les stimule dans leurs activités respectives. L’écriture pour lui et la musique pour elle. Les années passent et, dix ans plus tard, ils se retrouvent mariés, dans le ronron conjugal qui émousse les sentiments forts vécus hier et avant-hier. Alors que Raphael est devenu un auteur encensé, Olivia sombre dans la neurasthénie, consciente d’être passée à côté de la carrière de soliste dont elle rêvait. Confiné dans son monde de paillettes, son mari ne semble pas s’inquiéter de son mal. Elle en arrive à s’interroger sur la pertinence de leur couple et imagine partir loin d’ici, loin de lui. Un soir, une dispute éclate. Fracassante. Le lendemain, Raphael se réveille dans un univers parallèle où Olivia n’existe pas, où les éditeurs ne se pressent pas à sa porte et dans lequel le quidam ignore son nom. Quelque chose se passe au point qu’il prend conscience de la nécessité de regagner l’amour de la fille qu’il a toujours aimée, de se remettre complètement en question et de revivre une passion qui est essentielle pour lui. Hugo Gélin signe une romance qui s’apparente à une fable sur la fragilité de la vie à deux, sur les sentiments qui s’émoussent et les mots d’amour qu’on ne fredonne plus. En optant pour une tangente un chouia fantastique (l’univers parallèle), il brosse une réflexion agréable, jamais appuyée, et remplie de tendresse, sur le besoin de ne pas rater son existence. En ce sens, « Mon inconnue » s’ancre parfaitement dans l’air du temps et ose une analyse des gestes quotidiens tout en parlant de la guerre des sexes. L’étude de mœurs se profile en filigrane L’épouse est-elle assujettie à demeurer dans l’ombre de la gloire de son homme ? Le jeu de François Civil et de Joséphine Japy contribue énormément à cette réussite pleine de générosité, qui réchauffe le cœur dans un siècle où les divorces n’ont jamais été aussi nombreux. Pour ceux qui ne l’ont pas découvert au cinéma, la sortie DVD de cet opus représente une belle option de rattrapage. Daniel Bastié
NOUVEAU LABEL DE MUSIQUES DE FILM The Omega Productions Records se définissent comme un label hexagonal indépendant, spécialisé dans l’exhumation de bandes originales de films de genre français et se veulent avant tout une sauvegarde d'un patrimoine passé sous silence depuis de nombreuses décennies, faute d'éditeurs courageux. Pourtant, au-delà de l'aspect cinématographique "trash" auxquelles elles sont attachées, ces compositions brassent un large panorama sonore : de la partition pour cordes à la musique concrète en passant par l’empirisme électronique ou électro-acoustique. Une contrée qui ne demande qu'à être défrichée au sein d'une démarche à la fois musicologique et culturelle. Les compositeurs s'y avèrent nombreux, flirtant tout autant avec la musique de libraire (Daniel J. White pour Montparnasse 2000, Christian Bonneau et Yan Tregger pour Musical Touch Sound) qu'avec la musique de films d'horreur, érotiques ou plus généralement des demandes du moment. Un climat propice à la création musicale, parfois "au mètre", menant à de nombreux catalogues divers et (très) hétéroclites au service de petits maîtres de la série bis tels que Jean Rollin, Gérard Kikoïne et, parmi beaucoup d’autres, Jess Franco. Une véritable archéologie moderne se met en place, afin de réunir au mieux ces petits bouts de l'Histoire de la musique de film française. Dans les circonstances les plus favorables, ces catalogues reposent au sein d'archives de compositeurs, producteurs ou parfois de proches sous forme de bandes magnétiques. L'édition n'en est alors que plus simple, prétendant le plus souvent à inclure des inédits et autres chutes de studio avec la meilleure qualité sonore possible. Parfois, les musiciens ou producteurs reconnaissent eux-mêmes ne plus avoir les bandes face aux conditions de stockage ou contractuelles de l'époque. Ces dernières sont en état d'attente et peuvent resurgir par le plus grand des hasards (citons le cas récent et emblématique du film Les Chemins de Katmandou). Arrive finalement le cas le plus redouté de l'édition, où les bandes s'avèrent officiellement détruites ou effacées. Si la partition sonore mérite néanmoins d’être redécouverte par le public actuel, les efforts se portent en dernier recourt sur l'unique source restante, soit la version internationale du film (piste optique sur copie 35 mm ou en bandes analogiques 1/4). Démarré timidement voilà quelques années, ce label poursuit courageusement son entreprise avec quelques titres récents dont « L’amour à la bouche » de Yan Tregger et, annoncé pour bientôt, « La comtesse noire » de Daniel J. White pour l’indécrottable Jess Franco. Tenez-vous au courant des nouveautés régulières en allant voir les titres sur le site www.theomegaproductionsrecords.com
GEORGES GARVARENTZ ET LA MUSIQUE DE FILM Il existe peu de littérature à propos du compositeur Georges Garvarentz, musicien hyper doué qui a mis son inspiration au service de la variété avant de se lancer avec succès dans la musique de film et devenir le témoin privilégié d’une époque, reflet des modes et des artistes qui s’y sont produits avec talent. Si nombreuses sont ses mélodies définitivement ancrées dans la mémoire collective, peu d’auditeurs sont néanmoins capables d’accoler le nom de celui qui les a fait naître sur la nacre de son piano aux thèmes qui ont été des hits voilà cinquante ou quarante années. « Les plaisirs démodés », « Retiens la nuit », « Daniela », « La plus belle pour aller danser » … voilà le sommet de l’iceberg ! Alors qu’il n’avait jamais souhaité collaborer (hormis avec Pierre Roche !) sur le plan artistique, Charles Aznavour a rapidement dû se rendre à l’évidence des facilités de son beau-frère et qu’il fréquentait chaque fois qu’il en avait la possibilité entre deux tournées de concerts : dans le bureau pour la découverte de nouvelles mélodies et la mise en forme de ses textes, lors des repas de famille ou des loisirs partagés. Durant plus de trente ans, leur vie a été un incessant va-et-vient. Il a souvent suffi de voir Aznavour acteur sur la toile de l’écran pour découvrir le nom Garvarentz inscrit au générique comme compositeur. Passionné par le monde de l’image, ce dernier a bénéficié des relations de son alter ego pour se voir imposer lors de la mise en place du casting. La chose serait évidemment dommageable si l’homme n’avait pas les capacités requises pour mener chaque projet à terme. Heureusement, il parvenait à trouver des solutions aux problèmes qui se présentaient. De longues discussions avec le metteur en scène, des suggestions d’ordre chromatique (quelle texture orchestrale utiliser ?) ou le choix de l’interprète pour la chanson du générique ont fort vite conquis les professionnels. Puis, comme les disques se vendaient bien, tout le monde y trouvait son dû. Les éditeurs musicaux récupéraient largement leur mise et les détaillants vendaient les vinyles par camions. Venu de la pop, Georges Garvarentz n’a jamais hésité à solliciter les chanteurs qu’il tutoyait loin des projecteurs et leur offrait la plage principale de la bande originale à défendre. Johnny Hallyday, Richard Anthony, Dick Rivers, Eddy Mitchell, Les Chaussettes Noires et, bien entendu, Charles Aznavour se sont rompus à l’exercice. La beauté des airs, une inspiration constante et l’art de s’entourer de musiciens de qualité lui ont permis de ne jamais être pris en défaut. Chacun de ses scores pour le cinéma s’organisait généralement autour d’un air chanté, qui demeurait la colonne vertébrale de la partition. Venaient ensuite la musique descriptive et les thèmes secondaires. A l’aise dans tous les registres, il s’est aventuré autant dans la comédie, les histoires de mœurs, le polar que le film d’aventure. Tenté par les miroitements d’Hollywood, il n’y a malheureusement pas travaillé sur des longs métrages de premier rang, confiné le plus souvent dans la série B et les téléfilms. Puis, comment renoncer à sa culture française et se priver de ses amis pour vivre au bord d’une piscine et passer ses soirées en compagnie du gratin des studios ? En France, les droits d’auteur coulaient à flot et il gagnait toujours beaucoup d’argent grâce à la vente de ses tubes. Toutefois, comme la majorité des artistes, il ne pouvait pas demeurer sans rien faire, à se prélasser dans un divan ou à lire des magazines. Le besoin de créer le démangeait. Ses tiroirs étaient pleins de travaux jamais publiés, des pièces dont il était moyennement satisfait ou qu’il entendait retravailler. « Un taxi pour Tobrouk », « L’étoile du Sud », « Le tatoué », « Le tonnerre de dieu », « Caroline chérie », « Surcouf », « Du rififi à Paname » et « Les hommes de Las Vegas », on se souvient naturellement de ces longs métrages qui ont fait rêver toute une génération ! Daniel Bastié (notre rédacteur en chef) n’a pas souhaité tracer une biographie de Georges Garvarentz, mais une nomenclature de son travail pour l’écran, sorte de catalogue chronologique qui analyse les films qui se sont succédé autant que les disques (45 et 33 tours) apparus dans les bacs des disquaires. En amont, l’objectif est clair : ne pas oublier un compositeur majeur du septième art et un peu éclipsé par certains de ses collègues. Ed. Ménadès – 176 pages Jean Lhassa
LETTRES MISSIONNAIRES Nicolas Vélimirovitch est né le 4 janvier 1881 à Lelic dans la municipalité de Valjevo en Serbie. Homme de lettres, théologie et évêque orthodoxe, il a rapidement marqué son époque par une érudition exceptionnelle et une manière d’appliquer sa foi loin des sentiers balisés par l’Eglise, préférant le terrain à l’existence recluse et les rencontres à la seule méditation. Très vite, il s’est engagé comme missionnaire pour porter la parole du Christ, sans jamais oublier que le dialogue demeure une rencontre et un grâce. Lorsque la seconde guerre mondiale a éclaté, les nazis ont envahi son pays et l’ont déporté dans le camp de Dachau. Malgré une précarité qu se vivait au quotidien, il a survécu à sa condition de détention et a été libéré en 1945 par les forces américaines. Plutôt que de rentrer chez lui, il a choisi d’immigrer aux Etats-Unis pour occuper une charge d’enseignant dans plusieurs universités orthodoxes et poursuivre sa mission d’évangélisateur. A côté de ses mémoires, il nous reste sa correspondance faite de près de trois cents lettres. L’auteur y répond à moult questions posées par ceux qu’ils lui ont écrits, abordant des domaines tels que la vie de tous les jours, des circonstances historiques précises, les épreuves du temps, les états psychologiques et diverses positions face à la foi. Chaque lettre apparaît comme un petit sermon dont la portée se veut autant universelle qu’individuelle. Avec un style simple et clairvoyant, il nous laisse un témoignage fait de générosité et qui va droit au cœur. Décédé le 18 mars 1956 au monastère Saint-Tikhon de South Kanan en Pennsylvanie, il a été canonisé par l'Église orthodoxe serbe le 19 mai 2003. Ed. des Syrtes – 478 pages André Metzinger
LE CONTINENT PERDU L’Europe va mal. On parle de Brexit, d’états qui ne parviennent pas à se mettre d’accord, de divisions internes. Dans un moment délicat de son parcours, il convient de revoir le modus operandi, de traiter sans tabous les questions épineuses qui divisent et de s’écouter avec respect. Les dilemmes se multiplient à mesure que les années passent : sécessionnisme catalan, guerre larvée en Ukraine, invasion massive de réfugiés économiques sur les côtes méditerranéennes, concurrence déloyale entre pays, régressions sociales, divorce entre population et ses élus, hégémonie allemande. Guy Mettan affirme que la Suisse a œuvré à la destruction du vieux continent en refusant de s’intégrer dans le système, en jouant le tireur solitaire pour garder son autonomie et ne rien devoir à ses voisins. Prouvant, sans doute, que ne pas partager ses richesses aide à grandir ou à maintenir sa stabilité. L’auteur clame également que les vingt-sept auraient peut-être intérêt à s’inspirer de son modèle pour renaître. La Suisse applique une politique stable depuis cent cinquante ans et garde uni des peuples de culture francophone, allemande et italienne sans que cela ne pose de réels problèmes. Chaque canton est géré de manière autonome, grâce à un fédéralisme assumé et responsable. Un système qui réclame davantage de volonté que d’audace. Aussi, pourquoi ne pourrait-on pas faire de même ? Pour cela, une totale remise en question des mentalités serait exigée : faire confiance au peuple, s’autoriser une véritable révolution mentale et cesser de tirer aveuglément l’épingle à soi sans tenir compte des problèmes que cela peut générer ailleurs. Plaider pour une Europe démocratique et souveraine peut donc revenir à s’inspirer du modèle suisse. Une piste à étudier … Ed. des Syrtes – 280 pages André Metzinger
DANS LES YEUX D’ANA Né à Tourcoing en 1948, Christian Laborie est un auteur à succès, père d’une vingtaine de romans. Devenu Cévenol de cœur, il pratique depuis de longues années une littérature de terroir, s’accrochant à l’odeur du sol et à l’âme des gens qui y habitent, sans jamais prétendre à une quelconque action visant à remplacer l’Office de Tourisme local. Suite à une lettre qu’on n’attend pas, Sarah Goldberg voit son existence bouleversée. La voilà héritière d’une maison dans les Cévennes, où elle n’a aucune attache. S’agit-il d’une maldonne ? Toutefois, elle sait que son existence est parsemée de grandes parts d’ombre. Ana, sa mère décédée trop jeune, ne s’est guère épanchée sur ses souvenirs. Quittant ses fonctions diplomatiques à Lausanne et son compagnon du moment, elle décide d’aller se rendre à l’évidence sur place, quitte à déchanter et à faire marche arrière. Plutôt que de revendre le bien, elle se laisse imprégner par son atmosphère et devine qu’il recèle moult mystères. Investiguer lui permettra peut-être de voir clair ? Une inscription (« Ne cherchez pas à comprendre !») l’encourage dans cette voie. Finalement, elle trouve une trappe qui ouvre une cachette. A la place d’un trésor fait d’or et d’argent, elle s’empare d’un cahier d’école : le journal de sa mère ! Alors, fiévreusement, elle se plonge dans la lecture et voit défiler un passé qui surgit avec une force insoupçonnée. Celui qui couvre les années 20 au milieu des années 40. Un récit qui s’inscrit dans l’Histoire du XXe siècle, avec une succession de souffrances, d’espoirs, de moments d’errance et les rafles de 1943. L’émotion la submerge. « Dans les yeux d’Ana » permet de regarder dans le rétroviseur, sans agiter exagérément la fibre sensible de l’émotion. L’auteur marque de son empreinte un ouvrage qui se veut tour à tour local et universel. Savoir d’où on vient aide forcément à grandir ! Ed. Presses de la Cité – 558 pages Daniel Bastié
LA FIANCÉE ANGLAISE Né dans les Vosges, Gilles Laporte est un auteur récurrent aux Presses de la Cité, encensé pour plusieurs de ses ouvrages et titulaire de prix littéraires divers. Avec « La fiancée anglaise », il revient sur l’engagement des Français qui ont suivi le général de Gaulle en Angleterre pour préparer la résistance et annoncer le retour en force au pays d’une armée prête à en découdre avec les nazis. De nos jours, Adolphe Lamesh n’est plus. Robert Forester se rend à Châtel-sur-Moselle pour retrouver les membres de sa famille et leur porter les mots de celui qui l’a accompagné durant son enfance. En franchissant l’Atlantique, il sait aussi qu’il aura à déflorer certains secrets et mettre à jour une vérité que certains soupçonnaient sans trop y croire. Un secret troublant et chargé de vie ! La seconde guerre mondiale est toujours vivace dans les mémoires, entretenue par les livres et le cinéma, même si les vétérans disparaissent de plus en plus pour n’être bientôt qu’une poignée. Il y a naturellement bien des aspects qui sont délaissés dans les manuels scolaires comme le souvenir de ces jeunes hommes engagés pour poursuivre la lutte armée à plusieurs kilomètres de leur partie et qui ont fait de la résilience leur viatique. Héros discret, le Lorrain faisait partie du contingent appelé à libérer la France d’un joug intenable. Une fois de plus, l’auteur signe un roman bouleversant dans lequel s’impriment la résignation des uns et le courage des autres. Débordant de générosité, ces pages se singularisent par une justesse de plume jamais prise en défaut et un sens de l’anecdote qui offre une perméabilité de la petite histoire dans la grande. Sensible et sans sensiblerie ! Ed. Presses de la Cité – 442 pages Paul Huet
DERNIER PRINTEMPS À PARIS Olga est une femme moderne, pour qui la résignation ne fait pas partie du vocabulaire. Pianiste de talent, elle s’est reconvertie dans le journalisme. Lorsqu’elle se trouve acculée dans sa vie de couple, elle décide de prendre son envol et part pour Toulon, afin d’y rencontrer Maria, une vieille dame qu’on dit folle et qui affirme être une rescapée des goulags soviétiques. Au fil de la conversation, il apparaît bien vite que les dires de cette dernière corroborent la réalité. Prise au jeu, Olga se met en tête d’aider la pensionnaire du sanatorium. Comment faire ? Les souvenirs affluent avec une puissance inattendue, libérés de la poussière qui les a longtemps figés dans la mémoire. Il y a la dure condition de séquestration dans des conditions humaines, le joug d’un régime dictatorial sanguinaire, les espoirs qui s’étiolent à mesure que le temps passe, les déceptions, les trahisons et la recherche d’une fille disparue. A travers ses yeux, Olga voit s’éveiller tout un pan de l’histoire russe et, malgré elle, se retrouve au mitan d’une Sibérie peu amène ou sur la place Rouge à Moscou, entourée de noms de personnes qu’elle va lentement apprendre à circonscrire. Outre l’évidente mise en abyme, « Jelena Bacic Alimpic aborde tout un pan du passé que les plus jeunes ignorent, des drames intimes qui se sont multipliés à l’infini dans un pays en proie à des purges drastiques et qui l’ont marqué d’un sceau indélébile. Au-delà de la qualité d’une écriture soignée, l’auteure fait vibrer la fibre de l’émotion et distille ses effets au comptegouttes de manière à ce qu’on s’identifie progressivement aux personnages et que leur souffrance devienne nôtre. Enfin, un bravo à la traduction d’Alain Cappon sans qui la version française de cet ouvrage ne serait pas pareille. Ed. Serge Safran – 332 pages Daniel Bastié
L’ANGE NU 1957 sur la Côte d’Azur, voilà le temps de tous les possibles dans un décor paradisiaque. Charles Trenet chante « Nationale 7 » et les peintres Cocteau, Matisse et Chagall offrent à voir des toiles éblouissantes de lumière. Une société sortie de la guerre découvre l’émancipation et ses poussées de liberté. Sur un pan beaucoup plus sombre, la France vit intensément la guerre d’Algérie et la mise à jour des limites de la décolonisation. Mai 68 se prépare doucement ! On le sait beaucoup moins, mais l’hexagone était aussi une plaque tournante de l’héroïne, avec des gangs organisés et des dealers sans scrupules. Alors qu’ils n’auraient jamais dû se rencontrer, Alan et Carles-Adel se croisent. Tous deux sont animés par la peur. Le premier se sait victime de lui-même et des démons qu’il a enfoui au plus profond de son être. Le second craint le monde nouveau où il évolue. Pour fuir, ils envisagent un univers imaginaire, sorte de bulle protectrice. Un ange protecteur pour le Français et le désert pour le jeune Algérien. Une enquête policière resserre son étau et les menace. Unir leurs faiblesses sera-t-il l’outil de leur rédemption ? Passionné d’écriture, Marcel Ghigny signe un troisième roman aux éditions Bernardiennes et le pare d’excellence. La fluidité de sa plume et un contexte richement documenté font de ce récit une promenade agréable dans le passé, d’où surgissent les tentations et la fatalité nées de grands instants de solitude. Il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendezvous ! Voilà ce que Paul Eluard a écrit et qui pourrait correspondre à la trajectoire des protagonistes ! Ed. Bernardiennes – 184 pages Paul Huet
LE BISCUIT NATIONAL Zuska Kepplova est Slovaque et aime parler du pays où elle a vu le jour, un monde en mutation depuis la chute du mur de Berlin et l’ouverture des frontières. Un moment d’espoir qui a vu bien des rêves de liberté se concrétiser. Son œuvre a essentiellement pour thème la recherche de l’identité dans un environnement différent, loin de chez soi, et le rapport aux autres. « Le biscuit national » pourrait être le prolongement de « L’auberge espagnole », avec des protagonistes qui ont abandonné le passé pour s’essayer aux attraits de l’Europe de l’Ouest. Entre les grandes capitales, cette génération (qui n’entend pas rater le coche du monde libre !) se confronte à la réalité du terrain, avec des grands instants d’apathie, de la nostalgie et, parfois, des regrets. Dans la première partie, l’auteure nous invite à suivre le parcours de Mika en Finlande, de Natalia et Petra à Paris, de Juliana à Budapest et d’Anka à Londres en quête de repères et qui tentent de comprendre la jeunesse actuelle. La seconde partie nous plonge dans la relation triangulaire qui unit une Slovaque, une Roumaine et un Hongrois. Un nœud bien fort pour combler un besoin amoureux et diluer l’impression qu’on s’étiole à des centaines de kilomètres de ses racines culturelles. Il faut le charme de l’écriture et un humour jamais pesant pour rendre ces rencontres attachantes et se remettre soi-même en question. Comment réagirais-je dans un pays étranger ? Finalement, l’existence continue et surprend sans cesse, fière de rencontres imprévues, d’attachements durables et de surprises rarement larmoyantes. Des itinéraires traduits du slovaque par Nicolas Guy. Ed. Intervalles – 206 pages Daniel Bastié
LE DERNIER SUR LA PLAINE Voilà l’histoire du dernier Commanche ouahadie ou kwahadil (qui signifie errant dans le langage autochtone !). Quanah Parker était le fils du chef Peta Nocona et d’une femme aux yeux clairs nommée Cynthia Ann Parker et enlevée par la tribu suite à un massacre (pour être enfin adoptée comme l’une des leurs). Toujours en mouvement, il a sillonné la terre de ses ancêtres pour survivre face aux blancs omniprésents. Dans les plaines qui s’étendent jusqu’à l’horizon, il n’a guère eu d’alternative que celle de mener le combat par les armes. L’extermination systématique des bisons l’a poussé à redoubler de violence et à multiplier les attaques. Traqué, il a été contraint d’emmener les siens dans les inaccessibles Staked Plains, afin de les soustraire aux poursuites. Laminés par la faim, les guerriers de son clan ont été finalement amenés à se constituer prisonniers avant d’être déportés loin de chez eux. Il a été relaté que le chef Quanah Parker a fini ses jours dans une réserve en Oklahoma, avant de mourir en 1911. Il reste le dernier chef Comanche à avoir vécu librement ! Nathalie Bernard revient sur l’histoire singulière d’un homme qui s’est battu toute son existence pour conserver ses biens, ne pas laisser disparaître sa culture et sauver son peuple. Il appartient au patrimoine des Etats-Unis de la même manière que plusieurs figures de héros venus d’Europe et qui ont inscrit leur nom dans le marbre du passé. Avec un ton romanesque, l’auteure livre une version proche de celle qui a été retenue par les annales américano-indiennes. Parler de cette période méconnue revient à exhumer la vérité ! Ed. Thierry Magnier - 358 pages Daniel Bastié
AMOUREUSE Léopoldine, seize ans, mène une vie d’adolescente sans histoires. Un présent qui se délie sans vagues et s’articule autour de ses passions que sont le dessin et la mer. Alors qu’elle ne s’y attend pas du tout, l’amour la secoue au cours d’une journée semblable à toutes les autres. Depuis quelques mois, elle a pris l’habitude de se réfugier dans le théâtre où travaille sa tante, son unique confidente. Ce jour-là, cependant, rien ne se déroule comme les jours précédents. Elle croise le regard de Jasper, un comédien au charisme fou. Quelque chose se désarticule dans son crâne, elle vacille sur ses mollets et se sent piquée par quelque chose de totalement inédit. Elle ne voulait surtout pas qu’il devine son trouble, qu’il pense qu’elle ait peur, car il ne s’agissait pas de cela. Elle voulait être dans ses bras, entendre les battements de son cœur, sentir son odeur. Elle compta jusqu’à cent en d’efforçant de respirer avec le ventre. Allo, c’est quoi qui te chamboule complètement ? L’amour, il n’y a que lui pour provoquer un pareil remue-ménage ! Avec des mots à la fois simples et justes, Marie-Sophie Vermot évoque les sentiments dans ce qu’ils possèdent de plus forts et nous fait partager de grands instants d’émotion qui font chaud au fond du ventre. Ed. Thierry Magnier – 178 pages Sylvie Van Laere
TROIS GARÇONS Bella, Kim et Momo sont amies et partagent tout sans se dissimuler le moindre secret. Grâce au nectar d’une plante singulière, elles se glissent dans la peau de trois garçons et découvrent un univers qu’elles ne connaissaient pas. Une manière de se sentir plus libres et vivantes que jamais. Osant et expérimentant. Mais ne risque-t-on pas de se briser en étant un autre et en perdant ce qui faisait nos particularités ? Jessica Schiefauer signe un récit étrange, empreint de violence. Et si le retour à la normale ne devenait pas synonyme de déstabilisation, comme un cauchemar qu’on abandonne derrière soin ? Marianne Ségol-Samoy signe une traduction du suédois pleine de virtuosité et qui scande le tempo. Voilà un roman brillant et puissant qui ne ressemble à aucun autre et qui explore un district qui ne laisse personne indemne. Bien entendu, l’un des trois protagonistes devient addict du végétal aux vertus prometteuses. Naturellement, au fil des chapitres, le lecteur découvre que les promesses ne sont que leurres et mensonges et que le danger vient des tentations. Un monde sombre et dangereux. Heureusement, tout finit bien ! Ed. Thierry Magnier – 252 pages Sylvie Van Laere
LA THÉORIE DES SIGNATURES Comment vivre dans l’ombre d’une mère victime de subits élans mystiques et s’épanouir lorsqu’on a l’âge de toutes les libertés ? Théodore et Aloys sont frères et cherchent également à vaincre la férule d’un père autoritaire, qui leur impose des lectures pieuses et parascientifiques. Avec « La théorie des signatures », Joseph Soletier signe un premier roman difficile, qui porte à s’interroger sur le sens de la vie et ses conséquences. Son écriture se parfume d’une jolie musicalité et d’une belle richesse stylistique. Avec brio, il compose une atmosphère qui respire au rythme des interventions de chaque membre de cette famille singulière, sans pontifier ni traquer la quintessence de la formule qui éblouira le lecteur. Puis, surgit avec soudaineté la rencontre avec le monde réel, un choc pour les enfants qui jusque-là vivaient cloîtrés dans un monde parallèle. Quant à la fameuse « théorie des signatures dont se pare le titre, il s’agit ni plus ni moins d’une formule selon laquelle la forme des êtres et des choses indique leur rôle au sein de la création par un jeu subtil de correspondance. Les conséquences de ce mode d’éducation ne pouvant, naturellement, que s’avérer destructrices. Ed. du Rocher – 172 pages André Metzinger
MISE AU VERT Né en 1956, Philippe Lacoche est journaliste au Courrier Picard, tout en étant l’auteur de nombreux ouvrages personnels. « Mise au vert » raconte l’histoire de Pierre Chaunier, journaliste déçu par le libéralisme outrancier qui gangrène la société et qui, avec son amante, décide de quitter la ville pour retrouver de vraies valeurs à la campagne, loin des exigences du monde contemporain. Pour ce faire, il cherche à convaincre plusieurs proches de tout abandonner et de se risquer à un nouveau mode d’existence, sans regarder en arrière et en redébutant tout comme s’ils avaient vingt ans. Un arnaqueur se joint au groupe et, de concert, la fraternité se rend dans le Vaugandy. Naturellement, rien ne se déroule selon les prévisions escomptées et les ornières se dressent face à la bienveillance et à l’enchantement des premiers instants. Avec cette fiction, l’auteur traite du lien universel qui veut que les gens puissent s’unir les uns aux autres sans calcul, dans un parfait état de candeur et soucieux de se ressourcer loin de la gangrène qui endigue les actions de leurs semblables. En pimentant le tout d’un chouia de sexe libre, d’élans vifs et de non-dits, il signe une fable au caractère rabelaisien et à l’humour acerbe. On songe un peu aux hippies et au Peace and love revendiqué par la génération des sixties. En filigrane, il parle de la résistance du groupe qui décide de s’en prendre au système tout entier bien établi et de faire vaciller le président de la république. Un coup de poing dans la mâchoire et un livre salutaire, alors que le XXIe siècle plonge chacun dans l’individualisme crasse et la sinistrose généralisée ! Ed. du Rocher – 387 pages André Metzinger
EPHREM HOUËL Officier des haras nationaux et homme de cheval accompli, Ephrem Louël a été le premier à songer au XIXe siècle puis à permettre la création de la race du Trotteur français, qui a fait la fortune du pays. Si les courses au trot sont, malgré la crise qu’elles traversent aujourd’hui, les meilleures et les plus riches au monde, elles le doivent à un homme exceptionnel sans qui rien ne serait pareil. Un passionné et un visionnaire qui a authentiquement révolutionné le monde des hippodromes, animé par une volonté sans bornes et une connaissance inégalée. Jean-Pierre Reynaldo, journaliste, écrivain et historien (également passionné par le cheval !) revient sur le destin formidable d’un être unique qui a passé toute son existence sur les champs hippiques pour servir et défendre la cause équestre et les premiers balbutiements d’une discipline qu’il s’est efforcé de baliser pour la rendre extrêmement vivante et reconnue sur le plan international. Comme l’auteur de cet ouvrage n’est plus de ce monde, Hilde Hoffman s’est fendue d’une préface et de la relecture du manuscrit, afin de le présenter de manière in extenso dans la forme voulue par le rédacteur et en achever le dernier chapitre laissé en suspens, afin que le nom d’Ephrem Houël ne tombe pas dans l’oubli et soit connu par le plus grand nombreux. Voilà un regard dans le rétroviseur et un voyage dans le passé à une période où la France manquait de chevaux et où la guerre faisait rage entre nations voisines ! S’appuyant sur des témoignages d’époque, l’écrivain s’est attelé à retranscrire une aventure fantastique loin des poncifs et vraie de long en large. Bien entendu, il ne faut pas être connaisseur de la chose hippique pour se laisser prendre par la main et vivre par procuration des sensations fortes qui sentent bon l’odeur des écuries. Ed. du Rocher – 218 pages André Metzinger
ENQUÊTES AUX JARDINS Emma et Lucas sont adolescents et familiers du jardin des Plantes de Nantes. Lorsqu’un richissime homme d’affaires décide de lancer une plateforme en ligne sur la botanique, tous deux sont aux anges. Au même moment, Jean-Marie James Ecolloyd, une vieille connaissance, disparaît mystérieusement. Souhaitant en savoir davantage, les deux jeunes gens décident de démêler les nœuds d’une intrigue qu’ils devinent cornélienne. Danger, chaussetrappes, coups de théâtre et coups de tonnerre se succèdent. Mené à deux cents à l’heure, ce roman (signé Guillaume Le Cornec et Romain Veilletet) se laisse dévorer d’une traite. L’intrigue est menée au cordeau. L’occasion de découvrir certains lieux peu ou mal connus des Bruxellois et de se laisser emporter par un récit jeunesse qui joue la carte de l’efficacité. Si la psychologie des personnages est un peu délaissée, le soin est cristallisé sur le tempo. Tout va vite. Comme dans un jeu vidéo. Avec des descriptions sans fioritures et des dialogues qui font mouche. Emma et Lucas ne sont pas des superhéros, seulement des gosses de la génération 2.1., qui mordent dans la vie et qui ne comptent pas s’en laisser compter … même s’ils font face à un complot international ! Ed. du Rocher 196 pages Sylvie Van Laere
LA VIE NÉGOCIABLE Philosophe de formation, Luis Landero enseigne la littérature à l’Institut Caleron de Madrid, mais aussi à l’Ecole d’Arts dramatiques. Récipiendaire de nombreuses distinctions, il nous revient au faîte de son talent avec « La vie négociable », un roman qui se pare de grands élans enthousiastes et qui nous fait découvrir la banalité de l’existence d’Hugo Bayon, jeune homme qui se croit appelé aux plus hautes fonctions et qui espère décoller de la morosité du pavé. Néanmoins, il sait que ce ne sera pas gagné avec une maman adultère qu’il adore et un père qui nourrit les siens par le truchement d’escroqueries à répétition. Néanmoins, la réalité le rattrape lorsqu’il ouvre enfin les yeux sur le monde qui l’entoure et perd son innocence. A son tour, il sait qu’il doit agir pour exister et ne plus se contenter de fausses illusions. Le pouvoir naît de ce qu’il créera. Une voie royale s’ouvre à lui : celle de la faute, en pratiquant une activité de maître-chanteur, en négociant sans cesse ses acquis et en se baladant entre péché et rédemption, passé, présent et avenir. Le texte nous renvoie évidemment à nos propres démons, avec des accommodements indispensables pour ne pas sombrer et garder la tête hors de l’eau, repenser les échecs, restreindre certaines ambitions démesurées et caler nos contradictions face au mur d’une réalité peu amène. Au demeurant, il analyse l’âme humaine pour la sertir d’une réflexion à hauteur d’épaules. Un miroir de nos habitudes et de nos regimbements ! Ed. du Rocher – 440 pages André Metzinger
LA FUITE EN HÉRITAGE Après « Génération », Paula McGrath signe un nouveau livre choral où elle se fait se croiser plusieurs destins de femmes, amenées à faire tourner le kaléidoscope des existences brisées. Au rêve d’une vie meilleure, elles se frottent à la dureté du quotidien, avec des espoirs qui se laminent, des occasions manquées et le besoin d’avancer, encore et toujours. Née en Irlande en 1966, l’auteure parle de son pays et de ses racines, de la difficulté à vivre en harmonie entre communauté catholique et protestante, de la lutte des classes et de la violence qui peut surgir de partout. En 1982, Jasmine se rend en Angleterre pour devenir danseuse et participer à une émission de télévision. En 2002, Ali fugue, alors que sa mère vient de mourir. De son côté, une gynécologue hésite à accepter un emploi à Londres, car elle sait qu’elle abandonnerait sa maman malade à Dublin. On se doute que vivre selon ses choix réclame des sacrifices et beaucoup d’efforts. Il apparaît au fil des pages que la résilience aide à surmonter maints obstacles et qu’on ne peut pas délier les nœuds du destin. A travers les époques, l’expérience de l’une sert de fil conducteur aux autres. L’exil devient également une échappatoire. En filigrane, Paula McGrath dresse trois beaux portraits de femmes charnelles et nourries de bon sens. Avec un style vif et maîtrisé, voilà un roman fait pour plaire et qui ne sombre jamais dans la mièvrerie. Ed. La Table ronde -329 pages Amélie Collard
FILS DE LUMIÈRE EN TEMPS D’ÉPREUVE Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ! La phrase mythique d’André Malraux n’a pas prévu les défis auxquels se confronte l’Eglise contemporaine, en proie à des scandales épouvantables et à des tentations venues de toutes parts. Dom Samuel, cistercien et abbé de Notre-Dame de Novy Dvur en république tchèque, s’est mainte fois interrogé sur la fracture que nous vivons au quotidien et nous livre ses réflexions sur la manière d’évoluer et de lutter contre la peur. Et si le remède était un retour aux valeurs christiques, avec un regard plein de bonté sur les autres et une entraide gratuite ? Le monde est jugulé par son système ultralibéral, sa course au profit, le mépris des minorités, le culte des vedettes éphémères, l’argent facile, le crédit et la surconsommation. Pour sortir la tête de cette ornière, il importe de se regarder dans la psyché de son moi profond et de s’interroger sur la mise en œuvre de moyens personnels. Face à l’épreuve, il faut se tenir droit et oser une alternative qui va à contre-courant des modes et des moyens prônés par la classe dirigeante. Amour et sincérité deviennent le moyen infaillible de ne pas se fourvoyer et de se regarder mutuellement avec bienveillance. En se référant à la vie de Jésus et en citant moult exemples cueillis dans celle des saints, l’auteur délivre un discours libre sur les attitudes susceptibles de soutenir les gens de bonne volonté et conscient que le problème est loin d’être latent. Ed. Artège – 206 pages Sam Mas
CLAIR DE LOU Louise est écrivaine et tout paraît lui réussir : succès de librairie, famille unie et aimante, époux prévenant, enfants beaux comme des dieux. Pourtant, elle dissimule une flétrissure qui empoisonne sa félicité. Tout remonte à l’enfance. Une jeunesse difficile, mais dont elle a préféré éluder les détails. Une douleur qui lui vrille l’estomac et qu’elle a choisi de taire. Mais dissimule-t-on à jamais ce qui brise et met à mal ? Alors qu’on ne s’y attend pas le moins du monde, le passé peut surgir des ténèbres de l’oubli comme un boomerang et faire l’effet d’une gifle. Louise vacille sur ses certitudes et découvre qu’elle va devoir faire face, écarter les paupières et ne plus tenter d’occulter ce qui doit éclater en pleine lumière. Il y a surtout l’histoire de sa mère, une femme à la fois proche et inconnue. Contrainte de mener l’enquête, elle découvre les pièces d’un puzzle qu’elle efforce de rassembler et opte pour le vrai visage de ceux qu’elle a côtoyés. Isabelle Laurent signe un roman poignant qui parle d’une quête et qui prouve qu’il est toujours possible de s’affranchir du poids des souvenirs. La vérité rend libre, permet de naître à une nouvelle existence et de s’échapper de la geôle infecte pour regarder le ciel briller à nouveau de mille reflets étincelants. Un message d’espoir qui fait chaud au cœur et qui appelle à se prendre en charge sans crainte de déclencher un mécanisme salvateur ! Ed. Artège – 368 pages Amélie Collard
DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR ET CE QU’ALICE Y TROUVA Quarante-cinq ans après sa célèbre version graphique de « Alice au pays des merveilles », l’univers de Nicole Claveloux nous revient dans une somptueuse édition. L’occasion de découvrir la suite des aventures de la jeune Alice à travers la prose de Lewis Carroll et de se distancier de la fantaisie née sous la houlette des studios Disney et du film avec Johnny Deep de son comparse de création Tim Burton. D’une jolie modernité, le dessin se targue de poésie, de générosité et d’éléments insolites qui contribuent à aider à percevoir un monde étrange entre chimères et fantasmes. On le sait, Alice est une petite fille qui concrétise ses rêves à coups d’énormes élans imaginatifs et fait en sorte que le lecteur se perd parfois entre ce qui semble réel et ce qui ne l’est pas. Il s’agit bien d’un conte initiatique, fait pour aider à grandir, rempli de seconds degrés (et dont voilà la richesse !) et une plume à la légèreté tournoyante. Bien sûr, la traduction française d’Henri Parisot contribue énormément à la réussite de cet ouvrage, ayant réussi à transmettre les émotions et les étourdissements avec une finesse sans pareille. Erronément, on croit souvent qu’il s’agit d’un livre pour enfants, alors qu’il est avant tout question d’une introspection du monde des humains à travers les prismes d’une pas totalement femme. Naturellement, les plus jeunes le liront sans réfléchir outre mesure pour (qui sait ?) le reprendre plusieurs années plus tard avec un regard adulte. Un classique indémodable ! Ed. Grasset Jeunesse – 98 pages Daniel Bastié
L’ANTI-MAGICIEN : L’ABBAYE D’ÉBÈNE Kelen est de retour dans une quatrième aventure virevoltante, à l’image de toutes celles qui ont précédé cet opus. Sans pouvoirs, il traverse un monde hostile accompagné d’adjuvants aussi pitoyables que lui. Qu’importe ! L’action se plante au rendez-vous et les défis surprenants se succèdent. Si personne n’a jamais mis la main sur la mystérieuse Abbaye d’ébène, cela ne signifie nullement qu’elle demeure chimérique. Kelen est persuadé que, à force de ténacité et de rigueur, il parviendra à l’extraire de son socle de poussière un peu comme Arthur a sorti Escalibur de son rocher. Chemin faisant, son complice Pakis tombe dans une embuscade, l’abandonnant seul face à son destin. Quant à Furia, la vagabonde, il ne croit pas pouvoir espérer de l’aide se part, puisque tous deux sont fâchés. Dans un monde où la magie semble sévir partout, on se décale forcément de la banalité de notre société contemporaine, même si chacun y vit de ses instincts, se prête à la corruption et use de la violence pour demeurer en vie ou améliorer celle-ci. Récit d’apprentissage, « L’anti-magicien » multiplie les séquences surprenantes, ne délaisse jamais le moteur qu’est l’action et rappelle qu’on a toujours besoin des autres. Contrairement à ce que certains pourraient formuler : Kelen n’est pas un faible. Il a seulement l’impression de ne pas être toujours compris et doit évoluer pour trouver sa place dans un univers qui ne fait pas de cadeaux aux vaincus. Sébastien de Castell déborde d’une imagination ravageuse et nous habitue à des personnages a priori bien loin des règles de la fantasy. Drôle, addictif et finalement bien écrit ! Ed. Gallimard Jeunesse – 476 pages Paul Huet
MISS PATCHOULI Pour la rentrée de septembre, les éditions M.E.O ont mis les petits plats dans les grands avec de nouvelles parutions qui, toutes, méritent l’attention. Tania Neuman-Ova, aide-soignante après avoir multiplié les métiers, entrouvre pour nous l’enfer des réseaux associaux, du harcèlement, de la perte des repères moraux et de la vie compliquée lorsqu’on est en ville pour une certaine jeunesse. L’occasion de jeter un pavé dans la mare et d’analyser un microcosme. Une fille comme les autres se retrouve en plein cataclysme social. Alana traverse une crise d’adolescence qui n’épargne personne. Ses parents ne savent pas quel saint prier, tentent de comprendre et de se remémorer leur propre jeunesse, leur appétit de liberté et ce besoin de faire partie d’un groupe qui leur ressemble. Pourtant, les limites endiguent toute rébellion. Ils cherchent à saisir les raisons pour lesquelles leur fille dérive, sans contrôle évident, et part complètement en vrille. Le récit se structure sur deux plans. Un. Les souvenirs font ici écho à la situation actuelle, de plus en plus pénible. Deux. L’émergence des causes. Il n’est pas impossible que le lecteur se retrouve dans ce roman d’un bel intérêt et signé par une auteure qui évite les digressions poisseuses. Ed. M.E.O. -154 pages Sam Mas
LES LARMES DE VESTA Les petites maisons d’édition indépendantes peuvent se mettre en-dehors des modes pour afficher des coups de cœur. Bien en soit ! Avec « Les jambes de Vesta », M.E.O. donne la parole à Michel Joiret, romancier, poète et naguère enseignant. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, l’homme a obtenu de nombreux prix et distinctions, dont le prix du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son roman « Madame Cléo ». Cette fois, il nous convie à un voyage dans le temps, en évoquant le destin de Luna et maman Lune, celui de Lucius et Luc Rodin, professeur de latin à l’Athénée des Coteaux. Fou d’antiquité romaine, ce dernier est à la recherche de son identité et débarque à Pompéi, la ville millénaire où le Vésuve a failli rayer la région de la carte d’Italie. Un lieu chargé d’histoire et où s’élevaient jadis de somptueuses demeures patriciennes. Pour lui, le bonheur serait-il à portée des doigts ? La plume est bien sûr somptueuse, chargée de poésie et de justesse. Y a-t-il un héritage à revendiquer ? Ce roman nous vaut des anecdotes intéressantes, loin des cours poussiéreux et scolaires. Michel Joiret se veut un être d’une grande érudition et il a la finesse d’esprit de ne jamais en faire exagérément, sachant que trop de détails tuent le détail. Ed. M.E.O. – 145 pages Sam Mas
CES TROUS DANS MA VIE Isabelle Fable a l’écriture dans la peau. Pour elle, l’exercice consiste à plier ou à déplier des émotions, des instants d’humeur et à se faire plaire en cherchant à ravir les autres. Chez elle, les idées deviennent romans, nouvelles ou poèmes. Perdre des êtres essentiels fait partie des chagrins de l’existence. Néanmoins, comment vivre sans eux, de quelle manière exister sans sentir leur présence, sans pouvoir leur écrire ou téléphoner ni les serrer contre son torse ? la mort nous laisse orphelins aussi bien en amour qu’en amitié. Sans chercher à démontrer quoi que ce soit, cet ouvrage a été proposé comme un main tendue pour dresser un pont et aider chacun dans la part du deuil nécessaire pour continuer à vivre. En partant du fond des ténèbres, l’auteure se glisse vers la lumière, progresse sur un chemin rempli d’ornières et en tremblant. Avancer toujours : voilà son credo ! En refusant de se parer d’images dures, elle choisit la poésie des expressions pour offrir un soutien à celles et ceux qui sont en manque. La traversée d’un désert est indispensable pour renaître à soimême ! On le sait mais, lorsqu’on est meurtri, on l’oublie bien souvent … Ed. M.E.O. – 199 pages Sam Mas
L’AVENUE, LA KASBAH Daniel Soil a été diplomate et a bourlingué à travers le monde. Aujourd’hui, il travaille comme écrivain public bénévole à la bibliothèque d’Ixelles, où a été directeur notre rédacteur Jean-Louis Cornellie, décédé en avril dernier. Très engagé dans le dialogue avec les migrants, il anime régulièrement des tables ouvertes ici et ailleurs, sans jamais se départir d’une humanité qui lui a permis d’être apprécié par toutes et tous. Son dernier ouvrage nous plonge dans la ville blanche qu’est Tunis avec l’Avenue ou cette grande artère qui la traverse de part en part, ente la mer et la médina. Quant à la Kasbah, il s’agit d’un quartier populaire jugé vétuste par les uns, mais indispensable aux yeux d’autres, avec ses maisons typiques et une fébrilité qui l’agite jour et nuit. Entre ces deux lieux emblématiques, un dénominateur commun. En 2011, ils ont été témoins des balbutiements de ce qui a été appelé « Le printemps arabe », rassemblant jeunes et vieux pour un changement profond du regard des politiques, un accès à la démocratie et des acquis sociaux absents de la vie quotidienne. Témoin de ce mouvement historique, l’auteur raconte et pose un regard extérieur (celui d’un étranger de passage !) sur un espoir de vie meilleure, de transgression et d’introduction de valeurs rêvées et jusque-là tues. Avec sagacité, il fait naître de ses lignes un sentiment de générosité intense, un amour révolutionnaire et une force capable de se nourrir des petits riens qui ont l’actualité des médias du monde entier. Ed. M.E.O. - 155 pages Sam Mas