Bruxelles Culture juin 2022

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BRUXELLES CULTURE 5 juin 2022 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com

RENCONTRE : EVELYNE DRESS


RENCONTRE : EVELYNE DRESS Votre nom n’est pas inconnu de nos lecteurs. On vous a vue au cinéma dans une palanquée de rôles, notamment dans « Et la tendresse ? Bordel ! », « Le Solitaire », « La nuit de Varennes » … mais cela ne vous a suffisamment pas comblée, puisque vous avez débrayé pour vous lancer d’abord comme animatrice, puis dans la peinture et la réalisation d’un film, avant d’être devenue auteur à succès. Rencontre. A un moment de votre vie, pourquoi avoir changé votre fusil d’épaule ? Si je dois vous dire la vérité, je n’ai pas changé mon fusil d’épaule, ce sont les évènements de la vie qui en ont décidé ainsi. J’étais comédienne et heureuse de l’être lorsque Louis Bériot, le président de France Télévision, m’a proposé d’animer le talk-show « Entrez sans frapper » tous les soirs de minuit à une heure du matin sur Antenne 2 et Europe 1 en même temps. Moi, qui me voyais déjà en Frank Sinatra, Dean Martin et Liza Minnelli, qui voulais danser, chanter et faire des claquettes, j’ai accepté. Je ne savais pas que les couloirs d’Europe 1, où nous tournions en direct tous les soirs, étaient pavés de mauvaises intentions. À cette époque, une comédienne de cinéma n’avait pas le droit de se commettre à la télévision ! Les producteurs de cinéma me disaient : « Oh, eh bien, maintenant que vous faites de la télé ! » et les animatrices patentées ne supportaient pas qu’une comédienne vienne occuper leur place. Après cette expérience douloureuse, j’ai eu besoin de prendre une année sabbatique pour réfléchir à ma vie. Que faire de son temps lorsqu’on a le cœur lourd ? J’avais toujours vécu dans le regard des autres, celui de mon tendre père, des metteurs en scène, des réalisateurs et du public. Soudain, j’ai découvert que j’étais capable de peindre. Je me suis enfermée deux ans pour expérimenter ce nouvel outil. Ma peinture est sortie très vite de mon atelier. J’ai eu des prix, des médailles et j’ai fait des expos collectives et personnelles. J’ai été exposée deux fois au Grand Palais. Je suis devenue invincible. Mais, surtout, je suis devenue Moi ! Pendant cette retraite, j’ai lu un livre qui m’a bouleversée : « Le Boucher » d’Alina Reyes. Un best-seller paru au Seuil qui disait en 99 pages les fantasmes sexuels d’un boucher pour sa caissière, racontés par la caissière. J’ai pensé : « C’est avec ces mots du sexe que je vais revenir au théâtre. » Mais c’était trente ans avant « Les Monologues du vagin » et, en 1990, j’ai commis mon deuxième crime de lèse-majesté ! J’ai monté, produit, joué « Le Boucher » au Bataclan avec Rufus dans le rôle-titre. Le soir de la générale, un millier de personnes, les pour et les contre, s’affrontèrent dans une nouvelle bataille d’Hernani. Pendant le temps où je montais « Le Boucher », la nuit j’écrivais un scénario de film « Pas d’amour sans amour ». Eva, mon héroïne, célibataire de quarante ans, sortait d'un échec sentimental et n'avait pas fait l'amour depuis trois ans. Et, en 1992, je commettais mon troisième crime de lèse-majesté ! « Pas d’amour sans amour » dénonçait les comportements masculins. Mais c’était vingt ans avant #MeToo et aucun producteur n’a accepté de se lancer dans une aventure qui commençait chez le gynécologue, les pieds dans les étriers. J’ai donc créé ma société de production S.E.D et j’ai produit mon film. Lorsque le tournage a été terminé, j’ai entendu : « Puisque vous l’avez écrit, produit, joué, réalisé, eh bien, distribuez-le maintenant ! » J’ai donc aussi distribué « Pas d’amour sans amour ». Il s’agit d’un film avec Patrick


Chesnais, Gérard Darmon, Martin Lamotte, Michel Duchaussoy, Jean-Luc Bideau, Aurore Clément, Dora Doll et moi-même dans le rôle d’Eva. Le film, sorti en salles en 1993, a rassemblé 153.828 spectateurs et, lors de son passage sur France 2, 7 129 080 téléspectateurs ont été assis devant leur téléviseur. Un énorme succès ! De quelle manière la littérature est-elle entrée dans votre existence ? Avant de décider de distribuer « Pas d’amour sans amour », un directeur littéraire de chez Plon, Eric Laurent, a vu le film en projection privée. Il l’a beaucoup aimé et m’a proposé de l’adapter. Le film et le roman sont sortis en même temps. Le roman ayant été un best-seller, Olivier Orban, qui dirigeait Plon, m’a demandé d’écrire un deuxième roman. Et ma carrière d’écrivain a ainsi été lancée ! Merci Mon Dieu de m’avoir donné la faculté d’écrire. Mon dernier livre « 5 Jours de la vie d’une Femme » est sorti en mars dernier aux éditions Glyphe. Que raconte ce roman ? Eva, mon héroïne, divorcée, mère de deux enfants qui lui ont annoncé qu’ils allaient fêter Noël avec des amis, se retrouve seule la veille du réveillon. Plutôt que de ressasser ses blessures, elle jette quelques fringues dans une valise, dévale ses cinq étages, hèle un taxi. À Orly, elle prend un billet pour Biarritz et réserve une chambre au prestigieux Hôtel du Palais. Une folie ! Ce livre dresse un constat. Quel est-il ? Mes héroïnes de « Pas d’amour sans amour » et de « 5 Jours de la vie d’une Femme » portent le même prénom : Eva. En fait, il s’agit de la même femme qui, à vingt ans d’intervalle, fait le même constat. Elle, qui appartient à la génération qui a lutté pour son indépendance sexuelle, sociale, intellectuelle, se demande « Et, alors qu’est-ce qu’on a gagné ? » Et moi de leur répondre avec cynisme : « Une journée de la femme, le 8 mars ! » De quelle manière Eva tente-t-elle d’échapper à sa condition ? Eva est tiraillée entre ce qu’on attend d’elle et l’étincelle de fantaisie qui pourrait pimenter sa vie. Elle se rend compte que c’est en cassant les codes, en dépassant sa peur de l’inconnu et en étant déraisonnable qu’elle va véritablement aller à la rencontre d’elle-même. 70 ans, est-ce une étape décisive ou non ? À 70 ans, la plupart des femmes ont derrière elles une vie bien remplie : un mariage raté, des enfants décevants, une ménopause qui a tout chamboulé, un miroir qui leur rappelle que le temps a passé. Il serait temps de se réveiller et d’en profiter, ici et maintenant ! Il n’est plus l’heure de se poser des questions sur ce qui est bien ou sur ce qui sera mal jugé par les autres. Il faut foncer ! Selon vous, quel regard porte-t-on aujourd’hui sur les septuagénaires et en quoi les seniors ont-ils changé par rapport à ceux de la ou des générations précédentes ? Malheureusement, le regard est toujours le même, alors que les femmes de 70 ans aujourd’hui ne sont plus celles d’hier, elles ne sont plus comme nos grands-mères qui se croyaient finies après la ménopause, qui ne s’autorisaient pas à tomber amoureuses et encore moins à avoir du désir. Elles auraient eu l’impression d’être une femme de mauvaise vie. Et, d’ailleurs,


elles croyaient n’avoir plus de désir, car on leur avait tellement répété que, après la ménopause, il fallait jeter l’éponge. Moi, je recueille les confidences de femmes de 80 ans qui sont encore à la recherche de l’amour et du sexe. Avoir 70 ans aujourd’hui, c’est … Il faudrait être idiote pour ne pas savoir qu’à 70 ans on est dans la dernière ligne droite. Je ne peux pas faire l’autruche, mais c’est justement parce que je sais que le temps se raccourcit inexorablement que j’ai le droit de m’offrir toutes les fantaisies, tous les cadeaux de la vie. À ce jour, combien de romans avez-vous publiés ? « 5 Jours de la vie d’une Femme » est mon sixième roman, mais j’ai écrit deux récits autobiographiques « Mes Chats » et « Pour l’Amour du Dauphiné » et deux albums Jeunesse qui content les aventures de Luna, une petite fille rousse. Une question sans doute bateau : Comment vient l’inspiration ? Je ne sais pas vous dire comment me vient l’inspiration. C’est toujours magique. Mais lorsque j’ai l’idée d’un roman, j’écris un synopsis, je connais le début et la fin de mon histoire, mais entre temps, je ne sais pas qu’il se passe. Alors, je me mets dans la peau de mon héroïne et je vais vivre sa vie dans le pays que je lui ai choisi : Jérusalem, Rangoon, Garwolin, Petichet, Biarritz… si bien que sa vie et la mienne se confondent ! Y a-t-il certains thèmes récurrents dans vos textes ? Si oui, lesquels ? Je suis un écrivain-voyageur et mes romans sont des huis-clos des grands espaces. Je préfère tourner autour de mon nombril ailleurs que dans une chambre à Paris. Mais le thème qui a traversé tous mes romans jusque-là, c’est ma judéité. Je suis, au départ, une juive honteuse. Née après la guerre, j’ai toujours su qu’il valait mieux taire cette identité. Je n’ai eu de cesse, à travers mon écriture, de chercher, de comprendre et d’accepter d’être juive. Maintenant que je suis celle que je suis et que je pourrais abandonner le sujet, la montée d’un nouvel antisémitisme m’oblige à continuer d’écrire pour convaincre que les Juifs sont des gens comme les autres. Êtes-vous cette Eva qui se balade durant cent cinquante pages de récit ? Oui, je suis cette Eva, avec une grande différence, c’est que je n’ai jamais été mariée et que je n’ai pas d’enfant. Mais je ne regrette rien. Je n’aurais pas été capable de mener de front une carrière et d’élever des enfants. C’est ma seule divergence avec elle. Nous avons toutes les deux les mêmes attentes. Eva possède un côté cougar. Elle a besoin de plaire à un homme plus jeune. Quel rôle la séduction joue-t-elle dans notre société ? Je n’aime pas le mot cougar, il est péjoratif. Et le fait même qu’il ait été inventé est la preuve que l’on n’autorise toujours pas une femme à tomber amoureuse d’un homme plus jeune qu’elle. Une femme, jeune ou mûre, tombe amoureuse d’une personne, pas d’un âge. Quant aux hommes qui ont le malheur de s’éprendre d’une femme plus âgée, ils sont soupçonnés d’être homosexuels ou gigolos. Nous sommes en pleine régression ! Je suis autant indignée par la journée de la femme, un jour sur trois cent soixante-cinq, que par les femmes qui


acceptent d’être des auteures ou des autrices. Moi, je veux être l’égale des hommes et je suis un auteur comme eux ! Quant à la séduction, tous les rapports humains se construisent sur la séduction. Il est hypocrite de le nier. Cela n’autorise pas les égarements de certains. Pour vous, le départ précipité de votre héroïne s’apparentet-il à une fugue, un besoin de liberté ou une nécessité ? Eva part sur un coup de tête, puisque la coupe est pleine et qu’elle déborde. Ce départ qui répond à une nécessité va s’avérer salutaire, devenir une délivrance et donner le signal à un nouveau départ. On parle évidemment de sexualité chez les seniors, un sujet souvent tabou. Pensez-vous important de désinhiber le débat ? Comme je l’ai expliqué plus haut, la sexualité peut et doit se vivre à tous les âges. Il faut pouvoir en parler sans tabou. Le sexe est aussi nécessaire que boire et manger. Et je crois que les enquêtes ont démontré que le sexe et le sentiment amoureux prolongent la vie. A qui s’adresse ce roman et que peut-il apporter aux lecteurs ? Ce roman se veut une leçon de vie pour celles qui ont dépassé l’âge de péremption et un message d’espoir pour celles qui ont peur de vieillir. Il est tout aussi valable pour les hommes que pour les femmes. Retrouvez Evelyne Dress sur www.editions-glyphe.com Propos recueillis par Daniel Bastié

EXPOSITION : PROJET PALAIS – UN CENTENAIRE Le 4 avril 1922, à l’Hôtel de ville de Bruxelles, le Palais des Beaux-Arts a officiellement vu le jour. C’est à cette date, en effet, que les bases juridiques de la construction de l’édifice et l’ambition d’en faire une maison des arts devenaient réalité. Les statuts de ce monument historique constituent le point de départ des célébrations du centenaire de notre institution, qui débuteront en avril 2022 par l’exposition Projet Palais et un programme festif. En concertation avec le commissaire Wouter Davidts, Bozar a convié une dizaine d’artistes à participer à cet anniversaire et les a invités à réfléchir, à travers de nouvelles œuvres, à ce qu’une maison des arts comme Bozar peut signifier aujourd’hui et pour l’avenir. Ils passent au crible l’institution actuelle et reviennent sur son passé. Nous vous proposons de faire de même. Découvrez quelques fragments de la longue histoire du Palais des Beaux-Arts. Plusieurs œuvres – sélectionnées par nos artistes – qui lui ont été prêtées au fil des ans feront même leur retour. Ne vous attendez pas à un compte rendu historique, mais à un récit artistique tourné vers l’avenir. Le Projet Palais n’est que le début d’une longue série de commémorations célébrant l’inauguration et la vie du Palais. En effet, le 4 mai 1928, les salles d’exposition du Palais des BeauxArts ouvraient enfin leurs portes au public. Un public qui, un an plus tard, a pu assister à un premier concert dans la magnifique salle Henry Le Bœuf. Artistes sélectionnés : Lara Almarcegui, Sammy Baloji & Johan Lagae & Traumnovelle, Lynn Cassiers, Jeremiah Day, Sylvie Eyberg, Liam Gillick, Auguste Orts, Annaïk Lou Pitteloud, Koen van den Broek, Belgian Institute Graphic Design. Cette fête se termine le jour de la fête nationale. Pour rappel : le 21 juillet ! Voyez tous les détails concrets sur le site www.bozar.be Rue Ravenstein, 23 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : PORTRAIT DE FEMMES Elles sont à l’honneur à la Villa Empain jusqu’au 4 septembre. Vous saurez tout sur ces femmes qui ont fantasmé le regard de l’homme depuis la Préhistoire. Quatre-vingt-cinq pièces anciennes et contemporaines nous les présentent à travers cinq thématiques : A l’origine, Femmes dans un intérieur, Nue : modèle et muse, Portraits et autoportraits et La question du genre. Pour les découvrir, les deux Sirènes d’Ulysse nous accueillent dans le patio central de la Villa. Elles sont là en faction et en béton, d’un poids qui a pesé de toute leur masse, pour nous poser cette question : la femme est-elle bien celle qu’a rêvée l’homme au fil des siècles ? Est-elle celle qui a habité ses fantasmes et qu’il a déshabillée du regard ? Qu’il a exposée le plus souvent nue pour satisfaire ses besoins charnels ? « Les femmes doivent laisser paraître des gestes pudiques, les jambes serrées étroitement, les bras rassemblés, la tête basse et inclinée », écrivait Léonard de Vinci à la Renaissance pour présenter la femme modèle des peintres, qu’il a exaltée dans ses œuvres. Il l’a enveloppée d’un léger sfumato qui la laissait dans les brumes du regard, comme un ange irréel qui flirtait avec l’au-delà. Et qui cachait pudiquement son corps. L’histoire de l’art nous montre en fait tout le contraire, et cette exposition en témoigne à travers 85 pièces anciennes et contemporaines, les statuettes préhistoriques étant des moulages recueillis dans les musées. Voici 25 000 ans A l’époque du gravettien, des statuettes aux dimensions modestes mettent les charmes féminins en valeur. Est-ce de l’embonpoint pour souligner le charme de la femme à l’époque où les chasseurs couraient derrière le gibier pour nourrir la tribu ? Ou ces femmes sont-elles enceintes ? Est-ce un culte rendu à la fertilité ? La trace des mains féminines dans les grottes suggère que des femmes aient participé à ces représentations qui sont parfois perforées pour être portées au cou. Vous verrez la Dame à la capuche, la Dame à la corne ou la Vénus de Willendorf. Deux statues africaines aux attributs féminins exagérés montrent que le culte de la fertilité persistera dans toute l’Afrique noire. Une des premières reines apparaît avec la peinture intitulée Rencontre de la reine de Saba avec Salomon pour tester le roi sur sa sagesse et fonder avec lui une dynastie dans le sud de l’Arabie. C’est l’épopée légendaire de la reine de Saba avec Sidon, la reine de Carthage, les deux fondatrices de leur royaume. Le cheval de Troie est figuré par le sculpteur Johan Creten comme une moule de mer sous la forme d’une femme qui se recroqueville sur ses écailles au moment où on va la toucher. La métaphore est évidente : la moule se cache à l’homme avant d’être déflorée. C’était le lot des femmes dans l’Antiquité. Cela le reste pour beaucoup d’entre elles dans le monde. Hélène ou Pénélope attendaient le retour du guerrier au pays. Ulysse mit vingt ans pour revenir à Ithaque. La reine dut user du stratagème d’une toile à tisser et à détisser pour tenir les prétendants à distance. Cette image de la femme menant seule son combat est illustrée par des portraits de Paul Delvaux, Constantin Meunier, Léon de Smet ou Edgard Tytgat, peintre flamand. Les demoiselles Vanderborgh du peintre bruxellois Charles Hermans montre des femmes confinées dans un intérieur domestique qui ressemble fort au gynécée des Grecs. Une autre peinture de l’Ostendais James Ensor montre plusieurs femmes nues. L’une est Cléopâtre tenant dans ses mains un serpent


qui va mettre fin à ses jours. L’autre est Lucrèce Borgia, outil du pouvoir masculin, qui se poignarde après le viol qu’elle aurait subi. Une autre encore représente une femme nue à côté d’une madone voilée. Quentin Metsys, banni d’Anvers au XVIe siècle, à l’époque où le protestantisme était sévèrement réprimé, serait l’inspirateur de ces sujets. Ceux-ci montrent que l’image de la femme est essentiellement un produit masculin, correspondant à des stéréotypes qui n’ont pas varié au cours des siècles. Lucrèce Borgia n’est pas morte violée selon la légende qui l’a ainsi représentée. Le regard masculin La femme est une denrée convoitable à souhait, faite pour être possédée. Les œuvres rassemblées dans la chambre d’amis parlent du regard masculin porté sur le visage, le corps, la personnalité ou l’activité des femmes. Femme de chair et de désir, elle exalte dans sa nudité son impudeur et sa liberté chez Edgar Degas (Après le bain, femme s’essuyant) et chez l’Anversois Isidore Verheyden (Les baigneuses). Les nus présentés dans cette chambre questionnent le modèle sur son intimité avec l’artiste. Le peintre est celui qui dévoile la femme dans des postures intimes : dormant, s’éveillant ou allant au bain. Camus, auteur méditerranéen et solaire, disait que l’érotisme s’y glissait subrepticement, par la négligence du détail. Le pensait-il vraiment ou voulait-il effacer l’intention première de l’artiste qui s’était approprié le corps féminin ? Orientalisme La diffusion des Mille et une Nuits traduites en 1704 par Antoine Galland a fait déferler en Occident la vague de l’Orientalisme. Des peintres comme Ingres ou Eugène Delacroix attribuent à la femme orientale une sensualité et un exotisme exacerbés, souvent à la limite de l’érotisme, issus des mystères des harems orientaux. Les femmes y sont à la disposition du sultan. Les toiles représentent des femmes dans des intérieurs mauresques, la tête inclinée comme le voulait Léonard de Vinci, et vêtues de sarouels. Elles attendent la visite de leur seigneur et maître. Il faudra attendre 1960 pour que le statut de la femme évolue dans notre société et la sorte des carcans de l’imaginaire masculin. Le reste de cette exposition foisonnante est consacré au regard contemporain porté sur la femme dans la seconde moitié du XXe siècle. Notamment à travers de nouveaux médias comme la photo, le cinéma ou la vidéo. Vous serez tenu.e.s au courant de cette deuxième partie dans nos prochaines éditions, écriture inclusive de rigueur ici. A voir et à savourer jusqu’au 4 septembre dans une mise en scène de Louma Salamé, directrice de la Fondation Boghossian qui couvre l’exposition. Plus de détails sur www.villaempain.com. Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles Michel Lequeux


FOLKLORE : L’OMMEGANG 2022 Ça y est ! Il sera de retour le mercredi 29 juin et le vendredi 1er juillet, après deux ans d’absence due à la pandémie. Avec ses 1 400 figurants, le cortège spectaculaire de l’Ommegang circulera de nouveau dans nos rues joyeuses, sous le regard de la foule. On reverra ses 47 groupes folkloriques, ses 300 drapeaux et étendards, ses 48 chevaux et ses 8 géants, dont le fameux dragon de St-Georges, répartis sur deux kilomètres d’un cortège qui descendra les rues de Bruxelles à partir de la place du Grand Sablon. Dans une ambiance festive et bon enfant. Ce défilé commémore chaque année la venue de Charles Quint à Bruxelles en 1549 pour présenter son fils, l’infant d’Espagne Philippe II. Notre empereur était aussi accompagné de ses deux sœurs, Marie de Hongrie et Eléonore de France qui avait épousé François Ier. Durant quatre jours, le parc de Bruxelles célébrera les festivités de l’Ommegang avec un voyage au cœur de la Renaissance qui ravira petits et grands. Ne manquez pas le spectacle des chevaliers qui s’affronteront au tournoi dans les grandes allées du parc. Ni la présence des artisans qui vous livreront les secrets de leur métier de chirurgiens, barbiers ou forgerons. La brasserie Haacht sera aussi de la partie en vous servant la bière de Charles Quint au goût floral épicé. Un cortège éblouissant 1 400 figurants en costumes d’époque vous feront ainsi revivre un moment historique dans nos rues de Bruxelles : musiciens, chanteurs, danseurs, cavaliers, gardes en uniforme, gonfaloniers, arbalétriers et archers, ils recréeront l’atmosphère de la Renaissance dans la capitale des « Pays-d’en-Bas ». Le carrosse de Charles Quint démarrera vers 20 h 15 de l’ancien palais de Bruxelles, place Royale. Il s’arrêtera à l’église du Sablon. Les groupes historiques partiront, eux, du parc de Bruxelles pour rejoindre les Serments des arbalétriers, des archers, des arquebusiers et des escrimeurs au Sablon. Le cortège historique ainsi formé, précédé du carrosse impérial, se mettra en route à 20 h 50 et passera par les rues de Bruxelles pour arriver à la Grand-Place, où aura commencé le somptueux spectacle offert par la cité en juin 1549 en l’honneur de Charles Quint et de sa famille. Deux mille places assises mais payantes (report des places inutilisées les deux années précédentes) vous y attendent. Pourquoi donc ce cortège en si grande pompe ? A l’origine, c’était la plus importante procession lustrale de Bruxelles, qui se déroulait une fois par an le dimanche précédant la Pentecôte. Depuis 1930, l’Ommegang est devenu une reconstitution historique qui témoigne de l’époque de Charles Quint. Le terme ommegang est la traduction flamande de la circumambulation qui désigne la procession des groupes depuis l’église du Sablon jusqu’à la GrandPlace et leur retour avec la Vierge debout sur la barque. C’est sous son égide et en son honneur que se déroule chaque année l’Ommegang de Bruxelles. On dit que cette statuette de bois fut dérobée à la ville d’Anvers en 1348, suite au rêve d’une jeune fille visitée par la Vierge, et qu’elle fut transportée en barque jusqu’aux quais de Bruxelles, où elle fut accueillie par le duc de Brabant et par les arbalétriers chargés de la protéger. Déposée dans la nouvelle chapelle du Sablon, elle prit le nom de Notre Dame des Victoires. La Vierge miraculeuse du Sablon devint, avec saint Michel, la grande protectrice de Bruxelles. Elle fut mise sous la bonne garde des arbalétriers, des gens d’armes de la ville, du magistrat et des Lignages qui constituent le cœur de la procession de l’Ommegang. Chaque année au Sablon, les arbalétriers se disputent en son honneur le concours du papegai. Vous y serez peut-être pour acclamer le vainqueur qui fera triomphalement son entrée sur la Grand-Place.


Au parc Royal de Bruxelles Le parc sera transformé durant ces quatre jours en un village de la Renaissance. A plusieurs mètres sous vos pieds subsistent sans doute les vestiges d’un parc plus ancien, celui du château de Bruxelles où se reposait Charles Quint quand il rejoignait la capitale. On y chassait, jouait, jouxtait et l’on s’y promenait. Pour le plaisir, bien sûr, mais aussi pour être vu des autres courtisans. Car ce jardin était réservé à la cour de l’empereur. Il était si beau qu’on en parlait à travers l’Europe entière. Parterres fleuris, fontaines, vignobles, labyrinthe, espaces de jeux et animaux le peuplaient. Remontons dans le temps, voici cinq cents ans, et découvrons ce qu’on faisait au parc de Bruxelles à l’époque. La chasse d’abord Le parc s’appelait autrefois la Warande, c’est-à-dire la « garenne », le réservoir à gibier du château. Cerfs, daims, chevreuils, biches, lapins et sangliers y couraient dans les vallons et les bois. Une tour de guet, avec des pans de bois, permettait aux chasseurs de repérer leurs proies. La chasse était une activité sportive de choix, réservée au seigneur en raison des moyens financiers importants qu’il y consacrait. Le seigneur démontrait ainsi à la cour sa valeur au combat, son habileté et ses qualités de stratège avant de partir au combat. Charles Quint était un fin chasseur. Les joutes équestres Comme l’iconographie le montre, une autre activité pratiquée sur ce terrain était les joutes équestres. Il s’agit d’une des épreuves organisées lors des tournois de chevalerie, sans doute la plus célèbre. Elle consistait à faire charger l’un contre l’autre deux chevaliers, munis chacun d’une lance et lancés eux-mêmes au galop. Contrairement à l’idée que l’on se fait, il ne s’agissait pas de désarçonner l’adversaire mais de briser le plus de lances possible. En cas d’égalité, la longueur du bois brisé désignait le vainqueur. On concourt à ce sport tant au Moyen Age qu’à la Renaissance. Par mauvais temps, on jouxtait dans la grande salle d’apparat, l’Aula magna du château où Charles Quint abdiqua en 1555 en faveur de son fils Philippe II, qui laissa un très mauvais souvenir chez nous. Cette salle est toujours visible aujourd’hui sous la place Royale, dans le site du Coudenberg dont nous vous reparlerons le mois prochain. Le tir à l’arc A l’époque de Charles Quint, les armes à flèches sont détrônées par la poudre. Si l’arc et l’arbalète détiennent encore un prestige social, ils cèdent progressivement la place aux arquebuses sur les champs de bataille. Aussi ce sport devient-il avant tout un jeu d’adresse pratiqué dans les jardins privés. Dès la fin du Moyen Age, les villes organisent chaque année, au printemps, une compétition visant à déterminer le meilleur tireur. Il s’agit des « tirs du papegai », un terme très répandu alors en Europe, où le vainqueur est désigné comme le Roi de la flèche pour un an, après avoir décroché un oiseau perché sur un mat, une tour ou une église. Le papegai était l’effigie d’un oiseau apparenté au perroquet pour servir de cible. L’Ommegang de Bruxelles, qui avait lieu traditionnellement en mai, perpétue ce concours sur la place du Sablon. Vous y verrez les archers se disputer la palme. Ils vous y attendent le 29 juin et le 1er juillet prochains. Festivités au parc jusqu’au 2 juillet. Plus d’informations et billets disponibles pour la Grand-Place sur www.ommegang.be. Michel Lequeux


EXPOSITION : KASPER BOSMANS Kasper Bosmans est un conteur. Fasciné par les histoires, il en dénoue les fils et les tisse différemment, de manière ludique, afin de créer de nouvelles histoires. Agissant toujours à partir d'exemples concrets, qu'il s'agisse d'une anecdote, d'une recette artisanale ou d'un fait divers, Bosmans utilise les traditions locales et vernaculaires pour développer un discours globalisant. Ses œuvres vernaculaires prennent des formes éparses pour développer un discours globalisant. Ainsi, chez lui, on se trouve confronté à des peintures murales géantes ou à des panneaux de petite structure qui ressemblent à des boucliers ou à des illustrations pour livres. Evitant le didactique, il s’emploie à se contenter de traces ou indices qui permettent d’entrer dans son travail, en suggérant et sans jamais contraindre. A une époque croissante de polarisation croissante, il mélange des références appartenant à différentes époques et cultures et pour en dégager les similitudes. Pour aller encore plus loin dans sa démarche, il ose des titres suggestifs, sa faisant parfois allusions. Son travail est à découvrir au Wiels jusqu’au 31 juillet 2022. Plus de détails sur www.wiels.org Avenue Van Volxem, 354 à 1190 Bruxelles

EXPOSITION : HUGUETTE CALAND Cette exposition propose le point de vue exubérant et non conventionnel que porte Huguette Caland sur la vie et l’art. Elle célèbre la façon qu’a l’artiste de défier les représentations traditionnelles de la sexualité, du corps et du désir, transgressant les inhibitions et les conventions. Tout en prenant part à la vague de libération des années 60, la plasticienne développe ici un langage esthétique hypnotisant et tout à fait singulier, confirmant que son travail est une pierre angulaire du modernisme du Levant. S’articulant sur un demi-siècle de création, cette manifestation se veut un panorama objectif de cinq décennies de pratique artistique avec une centaine d’œuvres sélectionnées, qu’elles soient papier ou tissus divers, et résume une démarche sûre et singulière qui développe des thèmes tels que la dualité, la transgression et la sexualité. Autant de sujets qui ont servi de boussole au parcours d’une artiste contemporaine sur laquelle il importe de revenir. Décédée en 2019 à l’âge de quatrevingt-huit ans, Huguette Caland mérite qu’on se souvienne d’elle et de ses créations. Une rétrospective à découvrir au Wiels jusqu’au 12 juin 2022. Davantage d’informations sur le site www.wiels.org Avenue Van Volxem, 354 à 1190 Bruxelles


EXPOSITION : OMAR BA L’œuvre d’Omar Ba (1977, Sénégal) est caractérisée par sa nature énigmatique et sa grande intensité poétique. A rebours d’une narration didactique, il cherche à l’inverse à exprimer son subconscient et son interprétation symbolique du réel. L’artiste traite de thèmes comme le chaos, la destruction et la dictature, drapant son discours politique d’un voile de poésie grâce à un langage pictural qui lui est entièrement propre, à la fois féroce et délicat. Omar Ba vit et travaille entre Dakar, Genève, Bruxelles, Paris et New-York. Partagé entre plusieurs continents, il développe une réflexion issue d’une hybridation permanente, loin des stéréotypes liés à ses racines africaines. Cette hybridation se retrouve également dans ses toiles où se côtoient touches organiques et couleurs flamboyantes, mixant les formes, les techniques et les textures (acrylique, gouache, crayon et même typex). Ba peint sur fond noir (sur carton ondulé ou sur toile), demandant ainsi au spectateur de s’adapter littéralement et métaphoriquement à l’obscurité. C’est une quinzaine de toiles de grand format, réalisées spécialement pour l’exposition, qui seront présentées au public aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Son iconographie, à la fois engagée politiquement et socialement, mais aussi empreinte de mythologie personnelle, soulève des questions historiques et intemporelles, tout en rayonnant un message artistique résolument contemporain, que l’on peut retrouver tant chez des artistes proches du surréalisme que du symbolisme. Omar Ba dénonce de son pinceau le chaos du monde. Un travail à découvrir jusqu’au 7 août 2022. Plus de détails sur le site www.fine-arts-museum.be Rue de la Régence, 3 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : CHARLOTTE PERRIAND Cette artiste a consacré son existence à améliorer les conditions de vie du plus grand nombre, créant un « art d’habiter » en lien avec la nature. Elle a utilisé la photographie comme outil d’observation du réel, mais aussi pour défendre sa conception d’un monde nouveau. En résonance avec nos préoccupations actuelles, elle utilise au cours des années 1930, le photomontage géant pour dénoncer l’urbanisme insalubre et donner sa vision de conditions de vie meilleures. Ses fresques photographiques témoignent de la modernité de son approche, que ce soit La Grande Misère de Paris (1936), la salle d’attente du ministre de l’Agriculture (1937), ou le pavillon du ministère de l’Agriculture à l’Exposition internationale des arts et techniques de la vie moderne qui a lieu à Paris en 1937, composé avec Fernand Léger. L’exposition propose une plongée dans sa conception du monde à travers sa méthode de travail et son incroyable collection de photographies – tirages d’époque, négatifs, magazines découpés, photographies personnelles –, archives mises en regard de la reconstitution de ses photomontages monumentaux. Une exposition à découvrir jusqu’au 28 août 2022 au Design Museum. Voyez les détails complets sur le site www.designmuseum.brussels Place de Belgique à 1020 Bruxelles


EXPOSITION : CONCETTA MASCIULLO Espace Art Gallery accueille en juin, l’artiste Concetta Masciullo. Rencontre. Depuis combien d'années peignez-vous ? Aussi loin que je me souvienne, la peinture a toujours été présente dans ma vie. Une passion et un viatique. Un moyen d’expression pour évacuer des ressentis et faire partager des émotions à mon entourage. En 1995, j’ai décidé de m’investir en frappant à la porte de l’Académie de Charleroi pour me perfectionner sur le plan de la technique. Un choix que je n’ai jamais regretté et qui m’a permis de maîtriser une série de choses d’abord apprises en autodidacte. Quelle technique utilisez-vous ? Je n’ai jamais été infidèle à la peinture à l’huile, que je travaille autant au pinceau qu’au couteau. Une matière qui me convient parfaitement, même si certains affirment qu’elle sèche lentement et qu’elle peut dégager des odeurs dans l’atelier. Pour ma part, j’aime sa texture et son rendu. Actuellement, je ne me vois pas travailler différemment. Quel genre d'œuvres réalisez-vous ? Après plusieurs années influencées par mon passage à l’Académie, j’ai trouvé ma voie dans l’abstraction lyrique appelée également art informel. Moyen qui permet de se désolidariser du concret en empruntant des chemins de traverse. Il ne s’agit bien sûr pas de s’opposer à la figuration, qui est une voie respectable, mais de suggérer des états d’âme plutôt que de représenter le réel. De quelle manière avez-vous découvert Espace Art Gallery ? Je connaissais ce lieu par les réseaux sociaux. Ensuite, un ami est venu exposer ici à Bruxelles. J’ai eu l’opportunité d’assister à son accrochage. Ensuite, je suis revenue dans le cadre de plusieurs vernissages et j’ai lié des contacts avec le responsable de l’enseigne, qui m’a immédiatement mise à l’aise quand je lui ai soumis mon envie de présenter mes œuvres à mon tour. Initialement, je devais exposer il y a un an, mais le Covid est entré dans notre monde et, gentiment, il m’a proposé de reporter l’exposition à une date ultérieure pour être sûre que le public soit au rendez-vous. Quel type de travaux allez-vous y présenter ? J’occuperai les deux premiers espaces de la galerie, ceux qui donnent sur la vitrine Art Nouveau. Je compte y présenter des toiles de grand format, toutes à l’huile bien sûr. Des œuvres de taille 170X120, 120X100 et 100X100. Pourquoi faut-il venir voir votre exposition ? Tout simplement pour se rendre compte de mon travail dans de vraies conditions d’exposition. Vous êtes sans ignorer qu’aucune photographie ne rend compte exactement de la dimension, des couleurs ni du rendu de la matière d’un tableau. Pour apprécier vraiment une œuvre, il faut se trouver face à elle et se disposer à dialoguer. Autrement, on rate l’essentiel ! Une exposition à découvrir à Espace Art Gallery du 3 au 26 juin 2022. Plus de détails sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Propos recueillis par Daniel Bastié


UN JARDIN SECRET POUR AUDREY Un jardin et une statue viennent de lui être consacrés à l’angle de la rue de l’Arbre Bénit et de la rue Keyenveld à Ixelles. Audrey Hepburn, la star de Guerre et Paix et de My Fair Lady, aurait eu 93 ans au mois de mai. Le 4 mai, jour de son anniversaire, le jardin d’Audrey Hepburn et son buste sculpté par l’artiste hollandais Kees Verkade ont été inaugurés à l’angle des deux rues où Audrey a vu le jour, au 48 rue Keyenveld, près de la rue du Prince Royal. Une plaque commémorative signale le lieu de sa naissance le 4 mai 1929. Ce buste de 1993 est un don de son fils Sean Hepburn Ferrer à la commune d’Ixelles. Le jour de l’inauguration, le bourgmestre Christos Doulkeridis, l’échevine des espaces verts Audrey Lhoest et l’échevin de l’urbanisme Yves Rouyet étaient présents pour ouvrir au public le « jardin secret » de l’actrice et ambassadrice de l’Unicef, dont les deux lectures favorites, dans sa prime jeunesse, étaient Heidi et Le Jardin secret. Pour les enfants Ambassadrice de l’Unicef, Fonds des Nations unies pour l’enfance, Audrey avait consacré toute son énergie à la défense des enfants dans le monde. Ce jardin rappelle le combat qu’elle a mené pour eux en voyageant dans une cinquantaine de pays pauvres pour y défendre le droit des enfants. Meurtrie par les années de souffrance et de famine durant la guerre, elle en avait le devoir. C’est pour les enfants qu’elle avait mis fin à sa carrière d’actrice en 1968, la même année où elle avait divorcé de Mel Ferrer, son premier mari. Mais l’icône d’Hollywood restait dans le cœur des cinéphiles. Coïncidence : à quelques pas du jardin s’élève la façade du Styx, l’ancien cinéma d’art et d’essai de Claude Diouri, qui attend toujours son repreneur pour projeter les films d’auteur et les incontournables du 7e Art. Il y a un deuxième moulage du buste de la comédienne dans le parc de la municipalité d’Arnhem aux Pays-Bas. Symboliquement, les deux statues se retrouvent dans les villes où Audrey a passé son enfance avant de faire carrière aux Etats-Unis. En juin prochain, une statue de « Little Audrey » sera inaugurée dans les jardins de l’ancien Sofitel, avenue de la Toison d’Or, aujourd’hui le Louise Hotel Brussels. De son vrai nom, Audrey Ruston était la fille d’une baronne néerlandaise et d’un banquier britannique. Elle vécut deux ans rue Keyenveld, au numéro 48, avant de déménager à Linkebeek. A cette période, sa famille habitait entre le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique. En 1937, à l’âge de 8 ans, elle fut envoyée en pensionnat en Angleterre pour recevoir une éducation victorienne très stricte. Elle s’installera avec sa mère aux Pays-Bas, à Arnhem, durant la guerre. En 2019, 90 ans après sa naissance, son fils Sean Hepburn Ferrer a organisé à Bruxelles une exposition retraçant la vie de l’actrice. Il a aussi écrit avec sa femme la biographie de l’enfant qu’elle fut dans La rêverie de la petite Audrey qui rêvait sa vie. Ce livre disponible sur Amazon est illustré par Dominique Corbasson et François Avril. Ce jardin et le buste qu’il abrite consacrent le souvenir de la comédienne dont la taille de guêpe et la drôle de frimousse, titre d’un de ses films, avaient largement conquis les cœurs. Michel Lequeux


LES TRIBULATIONS DE LA FAMILLE ZOEGEMEEL À BRUSSELLES 1.13 — Il a comme ça un verkessmoel, ce peï, tu trouves pas ? — Non t'sais, moi je trouve qu'il a un air de Conchita Wurst, avec sa barbe qui pleure après Gilette et ses cheveux comme pétard juchte sauté. — Ça c'est pour le stoef, hein, Diseré. Quand tu fais dans la politique tu dois avoir un jaar sinon on te voit pas. Regarde la Poléon, tu lui enlèves son chapeau de clown et tu le reconnais plus. Comme Adolf aussi, tiens, tu coupes sa chienne et il ressemble à Charlot. Ça est super important, fieu, le louk. Chez les politiques, chez les artistes, alleï, chez tous ces peïs qui doivent faire voir leur façade. Ils ont toujours un bazaar spécial pour faire de leur stoef. — Ah oué, j'ai compris : c'est quand tu enlèves sa barbe et ses cheveux, que tu veux dire qu'il a un verkessmoel, le peï que tu causes ? Eh ben tu as peut-être raison, Jeuf. Donc moi je dis comme ça que c'est pour cacher ça qu'il laisse une barbe et des drolles de cheveux. En tout, si tu veux parler clair, c'est un peï avec une tronche de cochon, une fausse barbe et une moumoute qu'il a trouvée dans un bac de la rue Haute. — Mennant tu as tout compris, Diseré. Allez, on en vide un là-dessus. Polle ! Remets-nous la même chose, c'est sur le compte de Diseré. Le patron du cavitje se mêle à la conversation, tout en servant les bières. C'est un patron ambidextre. — Tu as déjà vu que les pennelekkers ils ont toujours besoin de mettre un chapeau ? Ça c'est car ils veulent cacher leur klachkop qu'ils ont attrapé à force de prendre leur tête dans leur main comme ça pour faire semblant d'être malins. — C'est vrai ça, surenchérit l'agent Diseré après avoir vidé son verre d'un trait et lancé alentour une bordée d’arômes maltés, à l'occasion d'un rot qui a fait vibrer l'ascenseur des Minimes. Ça c'est vrai ! Un schraaiver ça a toujours un chapeau sur son crâne. Regarde le Michel Audiard, et Malin Majorette, et... — Potverdekke, Diseré, tu vas pas me faire croire que notre Amelie est rasibus comme l'Aemet à quatre heures du matin ! — Je sais pas, fieu. Je l'ai jamais vue sans son chapeau d'eks. — Elle au moins elle a pas un verkessmoel,comme Conchita. — Conchita elle écrit pas, hein, Jeuf, elle twiste ! Tiens, à propos, des qui ont pas besoin de chapeau et qui écrivent pas non plus mais qu'on voit quamême bien, c'est l'Angliche, là, et ossi l'Amerloque, avec tous les deux des cheveux comme les fourchées de paille que mon bompa tapait sur les stronts que son cheval laissait sur la rue à Singilles. Les gens se pressaient pour venir ramasser ça pour mettre sur leurs begoniasse. — Là on s'éloigne de notre sujet, t'sais, Polle. Nous on causait des politiques. — Car tu crois que je m'y connais pas en politique, toi ? Je te rappelle que je me présente à Brusselles pour faire bourgmestre aux prochaines érections. J'ai déjà ma campagne de prête. Carmen m'a préparé deux cents twists. — Awel ta fille a du couraach. Car tu sais poster des tweets, mennant ? — Pas encore, mais elle va m'apprendre. Elle dit que c'est nécessaire. Un politique ça doit savoir twister. J'ai su faire ça en 1964 avec Chubby Wekker mais j'ai un peu oublié. Ça va vite revenir. — C'est comme pour nager et comme pour le vélo, intervient Diséré, ça revient vite car tu oublies pas ça. Dis, Polle, ça serait pas ta tournée, des fois ? Au plus que tu paies des verres, au plus qu'on va voter pour toi. — Chez nous on peut voter qu'une seule fois à la fois, Diseré. Essaie pas de jouer au plus zot avec moi, hein, car alors tu perds. Mais alleï, je paie une drache car c'est vous. Mais tu votes pour moi, newo ? — Dis Polle, s'inquiète Jeuf, quand tu es au balcon de la Grûute Ploch, tu vas mettre aussi un chapeau sur ta tête, ou bien te coiffer avec un pétard ? — Moi j'ai beaucoup trop de personnalité pour cacher quelque chose, Jeuf. Pas besoin d'accessoires, comme eux. J'apparais sur le balcon et tout le monde se met à gueuler... — Une tournée ! Une tournée ! chante Diseré. Boes, un ptit verre on a soif, comme disait Lange Jojo. — À ce qu'il paraît ça se dispute fort entre les politiques. C'est souvent la bagarre dans le parlement. — C'est car ils ont pas un parlement comme nous autres, Diseré. Tu as déjà entendu ça : ils causent toujours avec un, deux, trois. Jamais plus loin car ça ils savent pas. — Oué mais même dans leur partie, qu'ils se disputent, que j'ai entendu, renchérit Jeuf. Le chef il dit blanc et puis un autre peï dit qu'il est pas d'accord et si ils s'engueulent trop fort, le deuxième peï dit :


Alors je fais un partie moi-même et je serai le chef. Ara ! À Brusselles on a cent cinquante peïs qui sont au gouvernement, et on est juchte un million et demi, à Pékin ils sont vingt-deux millions et y a qu'un seul type qui dit quoi faire. Moi je dis qu'un salaire de directeur contre cent cinquante chèques pour des snuls, c'est quand même mieux. — C'est car toi tu es un sosjalist invertébré, ça, Diseré ! La dictature, ça est « ferme ta gueule ! » — D'accord, intervient Jeuf, mais la démocratie c'est « Cause toujours » et y a rien qui bouge. Moi, t'sais, la politique, c'est comme une gosette aux pommes. C'est gros, mais à l'intérieur y a que de l'air, et l'air ça se mange pas. Tu paies quelques verres, tu dis « vote pour moi » et quand tu es assis sur ton siège, comme ils disent, eh bien tu oublies tout et tu penses qu'au pognon que tu vas ramasser. — Ouille, ouille, Jeuf ! On dirait que tu en as gros sur la patate avec les politiques. — C'est juchte que, Pie, Pol ou Jaake, ils sont tous avec leur nez dans le même troch pour vite avaler le poen. Et quand tu leur demandes quelque chose ils sont pas là ou bien c'est pas le moment. Moi ça fait des années que je fais une grande croix rouge sur mon bulletin, net comme quand j'étais gamin et que le maître corrigeait ma dictée. — On a un anarchiste dans notre café ! s'exclame Polle. Tu as apporté tes pétards et tes fumigènes ? — Och non, fieu, les pétards, je laisse ça pour les cheveux de Conchita et les fumigènes pour les twists que tous ces labbekakke savent envoyer. Tiens, remets-nous une, Polle, c'est ma tournée, et surtout votez pas pour moi, je me présente quamême pas. Georges Roland LEXIQUE verkessmoel : peï : juchte : stoef ; jaar : louk : alleï : drolles : cavitje : pennelekkers : klachkop : schraaiver : Potverdekke : Aemet : eks : bompa : stronts : begoniasse : awel : zot : drache : newo : Grûte Ploch : boes : partie : snuls : sosjalist : Ouille, ouille : troch : poen : labbekakke :

gueule de cochon mec juste épate genre look allez drôles bistrot écrivains calvitie, chauve écrivain juron bruxellois Vieux Marché sorcière pépé crottins bégonias eh bien fou tournée n'est-ce pas Grand-Place patron parti nullards socialiste aie, aie auge pognon raconteurs, bavards

Petit rappel : Les expressions bruxelloises utilisées dans les textes se basent sur les travaux de Louis Quiévreux, de JeanPierre Vanden Branden et de Jean-Jacques De Gheyndt, d'autres me viennent de mon père. Je les remercie tous vivement.


EXPOSITION : TOOTS 100 – THE SOUND OF A BELGIAN LEGEND Bruxellois marollien né d’une mère anversoise et d’un père bruxellois, à trois ans déjà, Toots Thielemans frôla les touches du piano à bretelles dans le caberdouche que tenaient ses parents rue Haute. Atteint d’un début de pneumonie, le médecin dira à ses géniteurs : « Plutôt que de jouer de l’accordéon, qu’il s’adonne à l’harmonica ». Au départ, il fut guitariste et siffleur. Il apprit la guitare chez un professeur espagnol. Il était un élève studieux. Ayant terminé avec fruit ses humanités, il accomplit une année de mathématiques à l’ULB ; mais la guerre interrompit sa formation. Longtemps après, il sera reçu docteur honoris causa de l’Université Libre de Bruxelles. Très sympathique, plein d’humour et de gouaille, il n’eut jamais la grosse tête. Littéralement fou de jazz, il décida au début des années 50 de quitter la Belgique (auquel il restera toujours attaché) pour les Etats-Unis où, longtemps, il vécut à « Big Apple ». A qui veut l’entendre, il répéta : « Je suis Belgo-Américain. » Toots Thielemans parlait français, flamand, anglais et se débrouillait en suédois. Il eut un énorme succès en ce pays qu’il aimait. A New York, il fut admis au prestigieux Carnegie Hall. Une consécration ! Découvert par Benny Goodman, il démarra une carrière internationale et fut le seul Blanc accepté dans les tournées alors dites noires, années terribles où les gens de couleur connaissaient la chape de la ségrégation raciale. Le petit Toots allait faire les courses, quand les orchestres voyageaient dans les états racistes. Ray Charles, avec qui il collaborera, fut victime comme tant d’autres de ce rejet violent autant qu’injustifiable. En chemin vers le succès, il composera « Bluesette », succès international, qui assoira sa renommée. Il se consacrera alors, quasi entièrement, à l’harmonica lui donnant ses lettres de noblesse ; abandonnant la guitare qui était son médium jusqu’alors. Instrument qui obtiendra enfin son et que nombre d’artistes de variétés utilisèrent également (Bob Dylan, Bryan Ferry, les Stones, Hugues Aufray). Toots Thielemans accompagnera les stars : Dizzy Gillespie, Louis Armstrong, l’immense Charlie Parker, Ella Fitzgerald, Ray Charles, le divin Miles Davis, Frank Sinatra, Paul Simon et Philippe Catherine. Une chanson fut enregistrée avec son ami Adamo. Rappelons qu’il participa à l’enregistrement de musiques de film : « Macadam Cow-Boy », « Le guignolo », « The Surgarland Express » « Turk Fruits », « L’état de grâce », « Jean de Florette » comme soliste et à un merveilleux dessin animé suédois « Dunder Klumpen », en tant que compositeur. Toots stoppa sa carrière à 92 ans et il fut nommé baron par le Roi Albert II. Précis et doté d’une oreille très fine, son réel charisme fit merveille. Un « espace » lui fut dédié à Saint-Josse, un autre à La Hulpe. Ses notes bleues s’envolent aux cieux étoilés : « Star Dust Memories » dirait Woody Allen clarinettiste de jazz. On the road again, Toots ! Aujourd’hui une exposition lui rend un vibrant hommage du 22 avril au 30 août 2022 au Palais de Charles de Lorraine. Voyez toutes les informations concrètes sur le site www.kbr.be Monts des Arts, 28 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : MAGICAL THEATRES La Porte de Hal vous ouvre les portes d’un univers rempli d’histoires, des pièces de Shakespeare aux contes des frères Grimm. Vous pourrez découvrir le charme de ces petites œuvres d’art apparues il y a deux siècles, reflétant la grandeur des scènes théâtrales de Londres, Paris ou Vienne. Au cœur de l’exposition, le chat botté en version animée guidera petits et grands. Il vous emmènera dans les salons bourgeois de l’époque pour vous conter l’histoire et le contexte de ce patrimoine exceptionnel. Venez découvrir la diversité et la sophistication des décors d’autrefois mais aussi les versions d’artistes actuels. L'exposition se déroulera au troisième étage du bâtiment féérique du Musée de la Porte de Hal. Ce vestige de la seconde enceinte de Bruxelles dévoile dans une présentation permanente l’époque où la ville était fortifiée et propose un panorama impressionnant depuis son chemin de ronde. Les expositions temporaires qui y sont présentées annuellement mettent l'accent sur divers aspects de la vie quotidienne d’hier et d’aujourd’hui, en puisant régu-lièrement dans les collections d'Ethnologie européenne des Musées royaux d'Art et d'Histoire. Le théâtre en papier, théâtre miniature ou théâtre de table, était, autrefois, une source de plaisir pour petits et grands. Il est, aujourd’hui, un peu tombé dans l’oubli. L’exposition « Magical Theatres » va vous faire revivre ce monde magique du théâtre jouet, ses merveilleux décors colorés et ses petits acteurs de papier. Un événement qui écarte le châssis du rêve pour le concrétiser jusqu’au 4 décembre 2022 et qui est à découvrir à la Porte de Hal. Plus de détails sur le site www.brusselsmuseums.be Boulevard du Midi, 150 à 1060 Bruxelles

CAMPAGNE DE SENSIBILISATION ET DE VISIBILITÉ DES PERSONNES LGBTQ+ ISSUES DE CULTURES ÉTRANGÈRES "Expressions Mixtes" est un film documentaire qui permet aux personnes LGBTQ+ (principalement d'origines étrangères et habitant la Belgique) de témoigner de leur vécu et de leur parcours de vie face caméra, qu’elles soient hommes, femmes, transgenres, intersexes, non-binaires, etc. Ce long métrage aborde la richesse de la diversité de leur quotidien, avec les ségrégations qui y sont liées, et traite des discriminations qui concernent leur ethnie, leur orientation sexuelle et affective, leur milieu social, leur vie professionnelle, leur identité de genre et, entre autres, leur confession religieuse. Ce projet permet aux personnes issues de plusieurs cadres socioculturels de pouvoir s'exprimer en toute liberté, d’exposer leurs questionnements et leurs doutes, ainsi que leurs difficultés et leurs aspirations. Libérer leur parole permet avant tout de les libérer eux-mêmes mais, surtout, d’inspirer d'autres personnes dans la même situation. Ce faisant, ils contribuent enfin à sensibiliser autrui sur leur situation personnelle pour combattre l'homophobie qui existe autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de leurs propres communautés. "Expressions Mixtes" se veut un espace de parole pour celles et ceux qui se sont accomplis suite à différentes formes de rejet et qui travaillent, encore aujourd’hui, à la défense de causes humanistes et ce de manière militante, artistique ou professionnelle. Le site www.expres-sionsmixtes.com permet d’accéder à différentes associations pour du soutien moral, psychologique et/ou tout autre domaine. Le site permet également de visionner gratuitement le documentaire « Expressions mixtes » produit par Artfusion, réalisé et monté par Raphaël Kalengayi et Federico Ariu. Sam Mas


EXPOSITION : DE DIEPPE À JUNO Cette exposition présente l’empreinte profonde du Raid de Dieppe dans la mémoire collective canadienne de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une exposition sur le traumatisme, mais aussi la guérison et les nombreuses conséquences de cette opération militaire en août 1942. L’histoire de ce raid considéré comme un échec tragique est aussi complexe que nuancée. L’événement a fait l’objet d’études approfondies au cours des décennies par des historiens et continue d’être débattu parmi les chercheurs et les amateurs d’histoire. Pour les visiteurs qui découvrent le sujet pour la première fois, « De Dieppe à Juno » se veut une présentation accessible et factuelle de la planification du raid luimême et de ses conséquences. Pour ceux qui connaissent mieux l’histoire de Dieppe, l’exposition aborde également des facettes peu explorées. Ce n’est qu’au cours des dernières années que les événements de « Juno Beach » en Normandie 44 dans le cadre du Débarquement a rattrapé Dieppe dans la mémoire canadienne. Cette exposition tente donc d’expliquer comment et pourquoi des conclusions ont souvent été tirées à la hâte au fil des ans, notamment l’idée que la catastrophe a permis de sauver des vies le Jour J, et explore de quelle manière le mythe liant l’horreur de Dieppe au succès des Canadiens le Jour J a évolué au fil du temps. L’héritage laissé par le Raid de Dieppe s’étend au-delà des frontières nationales et temporelles. En revenant sur ce fait d’armes, le Centre Juno Beach et le War Heritage Institute explorent les impacts à travers le vécu de témoins de tous horizons. L’exposition est composée de cinq zones dans lesquelles se déploient cinq thématiques construites en suivant deux axes : l’un ascendant, l’autre descendant. Lorsqu’il pénètre dans la salle d’exposition temporaire, le visiteur est naturellement guidé par un jeu de panneaux vers la zone 1 (le contexte en 1942). De là, il aperçoit la zone 2 (le raid) et le mur du fond de la salle où se trouvent une carte à grande échelle ainsi qu’une chronologie qui résument et expliquent les événements de cette tragique journée du 19 août 1942. Le visiteur chemine ainsi jusqu’à ce point à travers les différentes étapes qui ont conduit à l’opération (contexte, les raids, préparation, etc.) Arrivé en zone 2, où le raid est expliqué en détail, la visite se continue en sens inverse. Commence alors symboliquement le lent et long retour vers la liberté, la guérison et pour finir avec la mémoire et la commémoration. Ainsi, le visiteur prend un parcours parallèle au premier en passant par la propagande (zone 3), la captivité (zone 4) pour terminer par la zone 5, qui évoque le Jour J sur Juno, la libération de Dieppe en septembre 1944 et la mise en place du travail sur la mémoire du Raid. Au sein de ce parcours chaque différent type d’information se voit attribuer un support particulier. Les textes historiques sont placés sur des modules qui définissent le cheminement général et les zones. A l’intérieur même de chaque zone, les biographies viennent en appui sur des mobiliers situés sur un plan différent, afin de mettre en avant l’aspect humain. De même, des citations fortes, les voix de ceux qui ont participé de manière directe ou indirecte ainsi que celles des historiens viennent se placer sur de grands kakémonos qui rythment chaque étape et créent un appel d’un espace à l’autre. Enfin, les cartes et autres données statistiques font l’objet d’un mobilier propre. Ainsi, trois cheminements complémentaires permettent de tisser des contenus informatifs et descriptifs, des synthèses visuelles et des temps d’appel à l’émotion. Cette exposition est à découvrir au War Heritage Institute. Plus d’informations sur le site www.warheritage.be Parc du Cinquantenaire 3 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : THIS IS WHAT YOU CAME FOR Cette exposition a été conçue sous la forme d’un tutoiement et est née d’actions et de créations quasiment rituelles avec un mélange de sculpture, d’installation et de vidéo. Els Dietvorst est une plasticienne de chez nous, lauréate du BelgianArtPrize 2021, née à Kapellen en 1964. Depuis douze ans, elle vit et travaille dans le sud-est de l’Irlande. Son travail s’axe entièrement sur une série de questionnements tels le racisme, la migration des individus et le changement climatique. Des sujets forts et récurrents dans son élaboration. L’idée de la présente manifestation est née durant la crise du Covid pour rapprocher les citoyens et interpeller les spectateurs. « This is what you came for » (qui se traduit plus ou moins par C’est ce pour quoi vous êtes venus) a été l’occasion de rassembler des travaux qui proposent une plongée en apnée dans l’univers de cette créatrice qui n’a pas froid aux yeux. Un événement à découvrir à la Centrale du 28 avril au 18 septembre 2022. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.centrale.brussels Place Sainte Catherine, 44 à 1000 Bruxelles André Metzinger

EXPOSITION : FRIDA KAHLO – THE IMMERSIVE EXPERIENCE La formule est maintenant bien rôdée. A partir de la vie d’un artiste, les organisateurs animent une série d’œuvres de manière à plonger les visiteurs dans ses mondes graphiques et picturaux. Après Van Gogh, Klimt et Monet, c’est à la plasticienne mexicaine Frida Kahlo d’avoir droit aux honneurs avec une exposition à trois cent soixante degrés grâce à des photographies et des reproductions de toiles en grand format sur les murs, le sol et le plafond. La réalité virtuelle offre ici une dimension unique et inédite à l’une des créatrices majeures d’Amérique latine à travers une mise en scène captivante. Une occasion ludique de revenir sur l’influence qu’elle a transmise aux générations suivantes et son symbolisme accessible. Pour ceux qui ne connaissent pas son œuvre, il s’agit avant tout de découvrir ses paysages majestueux, ses animaux colorés et ses autoportraits d’une rare puissance. Cet événement est actuellement à découvrir à la Galerie Horta, non loin de la Grand Place. La durée de la visite est évaluée à environ une heure/une heure trente. Voyez tous les détails concrets sur le site www.fridakahlo.be Rue du Marché aux Herbes, 116 à 1000 Bruxelles André Metzinger


EXPOSITION : LE PETIT PRINCE L’exposition « Le Petit Prince » fait se croiser deux mondes. Celui d’Antoine de Saint-Exupéry, le romancier, et celui de son personnage le plus célèbre. C’est toutefois Marie de Saint Exupéry, la maman de l’écrivain qui sert de guide. Comme elle l’a fait de son vivant lors de conférences ou d’entretiens, elle raconte la vie et l’œuvre de son fils. Une mise en contexte émouvante que justifient les liens particuliers, denses qui unissaient la mère à son fils. Ce fil rouge se dévide dans l’audioguide qui accompagne le visiteur tout au long du parcours. Si Le Petit Prince est connu à travers le monde, la vie de son auteur l’est sans doute moins. Pourtant, celui-ci a toujours nourri son œuvre de sa propre vie. Et quelle vie ! Aviateur passionné, pionnier de l’aviation, notamment de l’Aéropostale à l’égal d’un Mermoz ou un Guillaumet, écrivain combattant lors de la Seconde Guerre mondiale, Antoine de Saint Exupéry est un personnage de roman aux multiples facettes. Et un homme amoureux de la vie et de l’humanité. C’est la première fois qu’autant d’objets personnels, photos, manuscrits et dessins sont ainsi rassemblés pour raconter la vie de l’auteur. Le visiteur feuillette ce roman vrai dont chaque chapitre est mis en scène pour le plonger au cœur d’une vie et d’une époque, celle des fous volants. Des répliques d’avions voisinent avec des projections de films, des montages audiovisuels, des témoignages de l’écrivain, de sa famille, de ses amis. Jusqu’à sa disparition mystérieuse au-dessus de la Méditerranée, un jour de juillet 1944. Sa dernière mission. Le monde du Petit Prince et celui de son créateur vont se rejoindre dans un espace immersif grandiose où le visiteur assiste à un jeu de cache-cache entre l’auteur et son célèbre personnage. Au milieu d’un décor fabuleux, ils se trouvent, se perdent, se poursuivent dans un show qui sollicite toutes les ressources audiovisuelles actuelles. Au point que la vie réelle de l’un finit par se confondre avec celle, rêvée, de l’autre. Un chassé-croisé haletant qui se termine par un happy end en apothéose. Le visiteur est appelé à s’exprimer, à réagir, à faire des choix dans un atelier interactif. Mis face à des situations issues de la vie et l’œuvre de l’écrivain, il devra choisir parmi des réflexions, des attitudes et des réactions celle dont il se sent le plus proche. Il pourra aussi y laisser des messages à destination des autres visiteurs mais aussi de tous ceux qui, à travers le monde, soutiennent la Fondation Saint Exupéry. Une exposition dans laquelle on s’immerge et à voir et à apprivoiser à Brussels Expo jusqu’au 30 juin 2022. Plus de détails sur le site www.expo-petitprince.com Place de Belgique, 1 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : SOL LEWITT Né à Hartford (Connecticut) dans une famille d’immigrants juifs venus de Russie, Solomon (Sol) LeWitt est l’un des pionniers de l’art conceptuel et minimal, réputé notamment pour ses Wall Drawings (dessins muraux). Bien qu’il ne soit pas religieux, menant une vie sécularisée, il entretient tout au long de sa vie des liens discrets mais tenaces avec son héritage juif. Dans les années 1990, il s’engage plus activement au sein de sa communauté à Chester (Connecticut) jusqu’à en concevoir la nouvelle synagogue de la Congrégation réformée Beth Shalom Rodfe Zedek qui sera inaugurée en 2001. P our Sol LeWitt, la conception d’une synagogue relevait d’un problème de formes géométriques dans un espace qui se conforme aux usages du rituel. À l’appui d’archives, de dessins, de photographies et de témoignages, l’exposition explore la genèse de ce projet majeur, resté jusqu’à aujourd’hui peu connu du grand public. L’exposition aborde également un autre aspect oublié de la carrière de Sol LeWitt : les relations étroites que l’artiste a développées tout au long de sa carrière avec des collectionneurs, des galeristes et des artistes basés en Belgique. Seront présentés, entre autres, le Wall Drawing #138, réalisé pour la première fois à Bruxelles dans la galerie MTL – qui joua un rôle pionnier dans l’introduction de l’art conceptuel en Belgique -, mais également la collaboration de Sol LeWitt avec l’architecte Charles Vandenhove pour l’aménagement du Centre Hospitalier Universitaire de Liège. Toutes les œuvres montrées dans l’exposition sont issues de collections publiques et privées belges, ainsi que de la Collection LeWitt. Quant à la réalisation des Wall Drawings, directement sur les murs du Musée Juif de Belgique, elle est l’occasion d’une expérience participative exceptionnelle, rassemblant aux côtés de dessinateurs professionnels de l’atelier LeWitt de jeunes artistes et étudiants en art plastique basés à Bruxelles. Pour chaque dessin mural, des équipes sont constituées autour d’un assistant professionnel qui accompagne et guide les apprentis. Cette initiative pédagogique est une opportunité unique p our ces derniers d’être associés au processus de création d’un des plus grands artistes américains. Un événement à découvrir au Musée juif de Belgique jusqu’au 31 juillet 2022. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes, 21 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : LE LOGIS-FLORÉAL — UN PROJET COOPÉRATIF Il y a un siècle, les premières cités-jardins font leur apparition en Belgique. Un siècle plus tard, la question se pose de savoir si leur philosophie de vie collective et coopérative est susceptible d’apporter des solutions à la crise actuelle du logement. A partir d’une exposition et d’un colloque, le CIVA souhaite ouvrir la question. À la fin de la Première Guerre mondiale, une crise du logement fait rage en Belgique. La pénurie de matériaux fait exploser les coûts de construction, la rareté des terrains à bâtir alimente la spéculation, et la reconstruction après les bombardements est douloureusement lente. Une situation qui ne fait qu'aggraver les conditions de vie déjà misérables de la classe ouvrière, poussée par l'exode rural vers les villes depuis la moitié du XIXème siècle. À la recherche de solutions, une partie des pouvoirs publics ainsi que les architectes de l'avantgarde moderniste belge proposent le modèle de la cité-jardin : un quartier d’habitations dans un espace vert situé à la périphérie des villes. Le modèle présente de nombreux avantages : le terrain à bâtir est moins cher, l'utilisation de matériaux modernes tels que le béton ainsi que la standardisation contribuent à réduire les coûts et à accélérer le processus de construction. Certaines de ces cités-jardins des années 1920 vont privilégier le modèle économique et socio culturel de l’habitat coopératif : chaque résident est locataire de son logement mais copropriétaire de l’ensemble de la cité-jardin. Un modèle qui implique non seulement la création de nombre d’espaces de vie et d’équipements collectifs, mais aussi un équilibre entre l'individuel et le collectif, le privé et le public, l'unité et la diversité. Aujourd’hui, la question du logement collectif est à nouveau à l’ordre du jour. Avec une exposition, consacrée principalement à la cité-jardin Le Logis-Floréal, et un colloque avec des invités belges et internationaux, le CIVA met non seulement les cités-jardins coopératives dans une perspective historique, mais examine également la pertinence du modèle pour répondre aux défis actuels en matière d'architecture, d'urbanisme, de paysage et de mo dèle socioéconomique et culturel. Une exposition à découvrir jusqu’au 26 juin 2022 au CIVA. Plus de détails sur le site www.civa.brussels Rue de l'Ermitage, 55 à 1050 Bruxelles


EXPOSITION : T-REX Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Tyrannosaurus rex.Au-delà des images, des films et des mythes, cette expo vous invite à une vraie rencontre avec cet animal fascinant, probablement le plus célèbre des dinosaures. Dès l’entrée, vivez un face à face spectaculaire avec une femelle T. rex de 67 millions d’années. Elle s’appelle Trix et vous accueille en position d’attaque. Son squelette, un moulage 3D de haute qualité scientifique, est juste époustouflant. Ensuite, apprenez à la connaître. Le parcours de l’expo vous propose six premiers interactifs pour comprendre le travail des paléontologues et découvrir l’époque à laquelle Trix a vécu, son âge lors de sa mort, son alimentation, l’origine de ses blessures et bien plus encore. Autant de questions auxquelles les scientifiques ont répondu en examinant ses os fossilisés et les roches dans lesquelles ils l’ont trouvée. Six autres interactifs vous permettent d’en apprendre plus sur la paléobiologie du T. rex en général : naissance, alimentation, déplacements… Relèverez-vous les défis que vous proposent ces interactifs ? Il faudra notamment sauter en selle pour défier le T. rex à la course, faire appel à son imagination pour colorer sa peau, tenter de séduire Trix par une danse, participer à un quizz hilarant… Une expo à vivre avec 12 interactifs-jeux qui jalonnent votre parcours : jeu électro, microscope, vidéos, quizz, touche-à-tout et défis. Particulièrement destinée aux enfants dès 5 ans, elle fera le bonheur de tous les mordus de dinos ! A voir en famille jusqu’au 7 août 2022 au Musée des Sciences naturelles. Voyez toutes les informations précises sur www.naturalsciences.be Rue Vautier, 29 à 1050 Bruxelles

EXPOSITION : CHRISTIAN DOTREMONT À l’occasion du centenaire de la naissance du poète et peintre belge Christian Dotremont, les Musées royaux des Beaux-Arts et les Archives & Musée de la Littérature lui consacrent une exposition exceptionnelle. Plus de 120 œuvres sur papier mettent en lumière sa saisissante création graphique, oscillant entre écriture et peinture. Artiste majeur de la seconde moitié du XXe siècle, cofondateur du mouvement CoBrA, le belge Christian Dotremont (1922-1979) fut l’un des premiers à élever l’écriture au rang d’art plastique. Novateur, il invente les « logogrammes », véritables poèmes graphiques, tracés au pinceau avec une fabuleuse spontanéité. Les mots qu’il couche impulsivement sur papier s’allongent, se distordent jusqu’à créer une composition d’une grande expressivité. Écriture et peinture fusionnent et se voient ainsi sans cesse réinventées. L’exposition met en lumière cette grande variété de logogrammes réalisés par Dotremont à travers plus de 120 œuvres sur papier, photographies, films et certaines pièces d'archives présentées pour la toute première fois au public. Glissez-vous dans la valise de l’artiste pour découvrir son cheminement créatif vagabond. Outre les logogrammes, le parcours présente une sélection de « dessins-mots » et d’autres œuvres à quatre mains réalisées avec Pierre Alechinsky, Asger Jorn, Serge Vandercam, Hugo Claus, etc. D’autres plasticiens de l’écriture comme Henri Michaux, René Guiette, Jean Raine, Jules Lismonde, Jacques Calonne dialoguent avec le travail de Dotremont. Un événement à découvrir jusqu’au 7 août 2022 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Plus de détails sur le site www.fine-arts-museum.be Rue de la régence, 3 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : MARAT ASSASSINÉ Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique possèdent depuis 1893 le chefd’œuvre de Jacques Louis David « Marat assassiné » (1793). Afin de témoigner de la position centrale qu’occupe cette toile dans l’avènement de l’art moderne, nous proposons une exposition dédiée à cette pièce maîtresse de nos collections. Pour la première fois, les Musées royaux offrent une approche sans précédent de l’œuvre de David en combinant à la fois les regards historiques et contemporains, mais également une démarche scientifique par la présentation au public des résultats d’une campagne de recherche qui a mobilisé des examens de laboratoire. L’exposition est ainsi structurée en trois volets qui permettent au public d’appréhender l’œuvre de David de façon inédite. Le premier volet, scientifique, présente au public les résultats de l’étude matérielle et technique intitulée « Face to Face » et conduite sur le « Marat Assassiné », qui ont révélé pour la première fois, notamment, le dessin sousjacent du chef d’œuvre. Ces recherches, menées par le Centre européen d’Archéométrie de l’Université de Liège, sont basées sur l’utilisation de techniques d’imageries scientifiques et d’analyses physico-chimiques non-invasives réalisées in situ. Dans un second volet, historique quant à lui, seront présentées les répliques d’atelier conservées à Reims, Dijon et Versailles, ainsi qu’une oeuvre issue d'une collection privée (Paris). Ce volet sera complété, dans une troisième approche, par les interprétations contemporaines d’artistes comme Picasso, Ai Weiwei, Gavin Turk, Jean-Luc Moerman, Jan Van Imschoot ou encore une œuvre de Rachel Labastie qui pose quant à elle un regard féminin déplaçant l’attention de Marat vers Charlotte Corday, protagoniste absente de la représentation de David. Voyez toutes les informations concrètes sur le site www.fine-arts-museum.be Rue de la régence, 3 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : FOOD AND THE CITY Cette exposition esquisse une image de l'évolution historique de l'approvisionnement alimentaire et jette un regard sur les défis actuels auxquels les villes font face pour se nourrir. Chaque jour, plus de 7,5 milliards de personnes sur la planète ont besoin de se nourrir. Cette population vit depuis 2006 majoritairement en zone urbaine. Parallèlement, le nombre de producteurs ne cesse de diminuer. Evere est un exemple d'une localité qui vivait autrefois d’une forte activité agricole et qui s'est récemment urbanisée. Mais comment allonsnous nourrir les villes grandissantes si de moins en moins de personnes produisent de la nourriture ? ‘Food and the City’ esquisse une image de l'évolution historique de l'approvisionnement alimentaire et jette un regard sur les défis actuels auxquels les villes font face pour se nourrir. Un événement à découvrir au Musée bruxellois du Moulin et de l’alimentation jusqu’au 31 août 2022. Plus de détails sur le site www.moulindevere.be Rue du Tilleul, 189 à 1140 Bruxelles


5E ÉDITION DU BRIFF Du 23 juin au 2 juillet, la 5e édition du Festival International du Film à Bruxelles ouvrira ses portes pour un voyage au cœur du cinéma européen. Avec son look tout zébré sur le ciné et, cette année, un coup de projecteur sur le cinéma français. Chaque année, le Briff et Bozar qui accueille aussi les films en compétition, mettent à l’honneur la cinématographie d’un pays de la Communauté européenne, porteuse et témoin des regards, questionnements et réflexions sur ce pays. Pour cette cinquième édition à visages découverts, sans le masque donc, c’est la France qui sera projetée sur le grand écran, dans le cadre de la Présidence française du conseil de l’Union européenne. Regard donc à Bozar sur la lumineuse Fanny Ardant, révélée par La Femme d’à côté de François Truffaut (1981). Elle est l’une des rares actrices couronnées deux fois par un César : pour Pédale douce de Gabriel Aghion (1997, meilleure actrice) et pour La Belle Epoque de Nicolas Bedos (2020, meilleure actrice dans un second rôle), dont nous vous avons déjà parlé. Le Briff se concentrera sur la récente filmographie de l’actrice en vous invitant à (re)voir Les Jeunes Amants (2021) de Carine Tardieu, où Fanny Ardant porte allègrement ses 70 printemps, avec une grâce et un charme fou. Photo : Carole Bellaiche. A l’ouverture Ce sera aussi l’occasion de voir en avantpremière Coupez !, la comédie noire de Michel Hazanavicius qui lancera le festival le 23 juin, en présence des « morts-vivants » du film. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur incarné par Romain Duris semble investi de l’énergie nécessaire pour tourner ce film d’horreur à petit budget. Jusqu’à ce que l’irruption d’authentiques zombies vienne perturber la scène. D’abord intitulée Z (comme Z), cette comédie pastiche a été rebaptisée Coupez ! peu avant sa présentation hors compétition à l’ouverture du festival de Cannes 2022 en raison de la symbolique de la lettre « Z » dans le conflit russo-ukrainien. Grand cinéphile, Hazanavicius est le spécialiste de la récupération de films et de leur pastiche, ainsi que du détournement de genre. Il est connu du grand public pour la réalisation de deux parodies des films d’espionnage avec Jean Dujardin dans le rôle d’un agent secret : OSS 117, Le Caire nid d’espions et Rio ne répond plus, puis pour celle du film romantique muet, en noir et blanc, The Artist, toujours interprété par Dujardin et Bérénice Bejo, l’épouse du réalisateur. Ce dernier film a remporté plus de cent récompenses en 2012, dont le César du meilleur film ainsi que cinq Oscars. En 2019, Hazanavicius a réalisé Le Prince oublié, une fantaisie avec Omar Sy, Bérénice Bejo et François Damiens, sortie en salle en février 2020.


Trois compétitions Dix jours durant, l’UGC place De Brouckère, le cinéma Galeries, Bozar et Le Palace à la Bourse vous accueilleront pour voir les films que vous aurez envie de découvrir en compagnie d’invités de choix. Producteurs, réalisateurs, comédiens, techniciens, exploitants, programmateurs, tous les intervenants du 7e Art sont attendus au cœur de la ville pour représenter l’avenir du cinéma européen confronté à la poussée des plateformes numériques. Au programme, trois compétitions : internationale, nationale et la Directors’ Week dont on n’a pas encore trouvé la traduction en français. Avis aux amateurs. Avec également des rétrospectives, des cartes blanches, des séances en plein air au mont de Arts et entre amis. Préparez-vous pour ingurgiter cette flopée, après le Covid, de nouveaux films européens du 23 juin au 2 juillet à Bruxelles. Petit Pass (38 €) et Grand Pass (50 €) jusqu’au 17 juin, avec accès à toutes les séances, ouverture et clôture comprises. Pour toute information et réservations : info@briff.be ou tél. 02/248 08 72. Michel Lequeux

FESTIVAL MUSIQ3 Depuis 2011, le Festival Musiq3 Bruxelles propose une petite révolution dans le monde de la musique classique en Belgique francophone : trois journées et soirées de concerts ininterrompus, au tout début de l’été, dans un lieu emblématique (Flagey) ; des concerts courts et variés ; la possibilité de croiser les musiciens et d’échanger avec eux autour d’un verre, en toute simplicité et convivialité. Cette année, « Le plus rock des festivals classiques » a convié et réuni à l’affiche des artistes habitués, tels que Shirly Laub et l’Orchestre du Festival pour un concert d’ouverture avec des invités d’exception. Toujours kids-friendly et résolument familial, le Festival croise les genres, les formats et les styles et vous convie à trois jours de folies ! Un festival plein de rencontres attendues à découvrir du 24 au 26 juin 2022 à différents endroits de la capitale. Voyez le programme complet sur www.festival-musiq3


BRAFA 2022 Créée en 1956, la Brussels Art Fair (ou Brafa) est l’une des plus anciennes et aussi l'une des plus prestigieuses foires d’art au monde. Elle est réputée pour la qualité haut de gamme des œuvres exposées, des antiquités à l’art moderne et contemporain, en passant par les beaux-arts et le design et constitue à ce titre le premier grand événement artistique de l’année. Elle est considérée comme un baromètre fiable du marché de l’art. Cette année encore, elle se déroulera à Brussels Expo, un site emblématique sur le plateau du Heysel qui se veut un héritage prestigieux des expositions universelles de Bruxelles de 1935 et 1958. Aujourd’hui, après deux années de Covid, elle a pour but d’attirer les collectionneurs d’art, de nouveaux acheteurs et des amateurs curieux de découvrir les nouveautés et les tendances du marché. Réputée pour son atmosphère sérieuse et accueillante, son éclectisme et son élégance., elle se targue néanmoins d’une superficie d’exposition de taille humaine, évitant que le public se perde dans des dédales sans fin et laissant à chacun de suivre le parcours en prenant de temps d’observer, de poser des questions et permet de parcourir la foire en quelques heures tout en ménageant suffisamment de temps pour découvrir ses pièces favorites. Cet événement aura lieu du 19 au 26 juin 2022 à Brussels Expo. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.brafa.art Place de Belgique, 1 à 1020 Bruxelles

FESTIVAL COULEUR CAFÉ Doit-on encore présenter ce festival métissé, qui fait la part belle aux différentes origines des participants et qui, mieux que quiconque, insiste sur le côté zinneke de la capitale ? Après deux années de silence (Covid oblige), il reviendra au pied de l’Atomium pour trois journées de liesse consécutives, loin des contraintes du quotidien. Caractérisé par sa proximité avec les visiteurs, il sera une nouvelle fois l’occasion de se familiariser avec ce que la scène actuelle propose de meilleur, de se régaler en achetant des spécialités culinaires venues des deux hémisphères ou de se balader parmi les nombreuses échoppes qui proposent de l’artisanat. Un festival unique à la seule coloration de fête et auquel il fait bon participer. Il ouvrira ses portes du 24 au 26 juin 2022 au niveau de la station Osseghem. Qu’on se le dise ! Avis aux amateurs et aux curieux. Plus d’informations et le détail des concerts sur le site www.couleurcafe.be


CONCERT : THE BEST MUSIC OF JAMES BOND Les musiques de James Bond ! Toujours magnifiques, elles ont été composées par les meilleurs musiciens du septième art : John Barry, Marvin Hamlisch, Bill Conti, David Arnold, Thomas Newman, et ont été vocalement défendues par les plus grandes voix de la pop : Matt Monroe, Nancy Sinatra, Shirley Bassey, Tom Jones, Louis Armstrong, Tina Tuner, Duran Duran, Paul McCartney, Adele, Sheena Easton, Billie Eilish, Madonna, etc. C’est au Royal Albert Hall de Londres que s’est donné le premier concert consacré à ces formidables mélodies et c’est un grand orchestre de soixante musiciens qui les interprétera à Brussels Expo le 12 juin 2022. Les stars du West-End de Londres, où se donnent toutes les grandes comédies musicales, Louise Dearman (Wicked, Bond & Beyond, Kiss me Kate, Evita, Cats…) et Nadim Naaman (The Fantom of the Opera, A little night music, On the Town…) ont accepté de participer à l’événement et apporteront leur « English Touch » à cette spectaculaire production. Vous serez également bluffés par le light design, mais aussi par une scénographie tellement « glamour », à la hauteur des exploits de du zélé des agents de sa majesté britannique alias 007 ! Des partitions qui possèdent une touche particulière, avec bien sûr l’immuable thème imaginé en 1962 par Monty Norman autour d’un riff de guitare et repris depuis dans chacun des longs métrages, signature de la franchise. Voyez tous les détails concrets sur le site www.palais12.com Avenue de Miramar à 1020 Bruxelles Sam Mas

CONCERT : HERBIE HANCOCK Pianiste et compositeur américain, Herbie Hancock est l’une des dernières figures de l’époque glorieuse, mêlant au jazz des éléments de soul, de funk, de rock ou de disco. Il a joué avec tous les noms importants des années 60, avant de se faire reconnaître indépendamment d’eux, additionnant les éloges dithyrambiques, multipliant les disques et répondant aux sollicitations des cinéastes pour leur broder des scores sur mesure. Qui a oublié ses élaborations pour « Blow-up » de Michelangelo Antonioni, « Un justicier dans la ville » avec Charles Bronson, « A soldier’s stoy » et parmi beaucoup d’autres « Colors » de Dennis Hopper ? Âgé de quatre-vingt deux ans, il entame une tournée mondiale qui passera par différentes métropoles et que certains apparentent déjà comme une tournée d’adieu. L’occasion de revoir cette légende en chair le 30 juin à l’Arena5 à Brussels Expo. Voyez les détails sur le site www.arena5.be Place de Belgique, 1 à 1020 Bruxelles


CONCERT : PATRICK BRUEL Il est de retour sur scène, l’un des chanteurs emblématiques des années 80, celui qui a enflammé toute une génération avec des chanteurs à travers lesquelles la jeunesse s’est reconnue. Patrick Bruel était capable de passer indifféremment et avec un talent égal devant les caméras de cinéastes réputés (Lautner, Schulmann, Arcady) autant que sur les podiums pour offrir des concerts chaleureux. Aujourd’hui âgé de plus de soixante ans, il n’a pas perdu de sa superbe et prouve à toutes et à tous que son talent demeure intact avec un nouveau show, un nouvel album et toujours la touche Bruel. Ce show nous fait donc voyager ici et là, entre succès mythiques et audaces toujours inattendues. Des millions d’albums vendus, des tournées gigantesques et des concerts qui restent gravés dans les mémoires, permettent de retrouver Patrick Bruel à Forest National le 12 juin 2022, après la date de février annulée pour raisons sanitaires. Voyez les informations précises sur le site www.forest-national.be Avenue Victor Rousseau, 208 à 1190 Bruxelles

CONCERT : STABAT MATER Avec la symphonie dite du « Nouveau monde », voilà certainement l’une des œuvres les plus célèbres du compositeur tchèque Anton Dvorak. Le « Stabat Mater » se définit comme étant une partition pour soli, chœur et orchestre présentée dans sa première version en 1876. L'œuvre est dédicacée à František Hušpauer, un ami d'enfance. Il s’agit surtout de sa première œuvre sacrée (à part une messe de jeunesse qu'il a détruite et une autre qui a été perdue)1 et qui demeure intimement liée à la tragédie familiale qui frappe l’artiste. Le 21 septembre 1875, sa fille Josefa décède en couches. En réaction à ce drame, il se lance dans l’écriture et accouche de portées intenses et mystiques. En 1877, il perd deux de ses autres enfants et reprend le « Stabat mater », auquel il met un point définitif en le transformant en œuvre symphonique. Les Tutti puissants, rappelant la liturgie orthodoxe a cappella, alternent avec les sections solistes et polyphoniques contrastées. Les chœurs et passages solistes sont accompagnés d'un grand orchestre déployant une riche palette de couleurs instrumentales. La Badinerie, grand chœur mixte de Louvain-la-Neuve, les quatre solistes Rita Matos Alves, Inez Carsauw, Zeno Popescu, Kris Belligh, ainsi que le Brussels Philharmonic Orchestra déploient toute la gamme des nuances pour proposer une soirée inoubliable sous la direction du chef d’orchestre Laëndi. Au total cent cinquante artistes sur scène pour interpréter une œuvre intense à redécouvrir le 17 juin 2022 à Bozar. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.bozar.be Rue Ravenstein, 23 à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : BOMBE HUMAINE Avec cette pièce, Vincent Hennebicq met le dérèglement climatique au cœur de la réflexion. Il s’en empare avec toute la complexité du sujet, y compris les incohérences. Car pour faire sens, la démarche de création ne devrait-elle pas avancer « proprement » dans ses recherches ? Exit les voyages comme sources d’informations, les commandes sur Amazon ? Pas si simple. Pour relever le défi, Vincent Hennebicq a sensibilisé Eline Schumacher à sa démarche. Et c’est là que le projet a changé d’aiguillage. Un joyeux malentendu s’est immiscé dans la compréhension des intentions, Vincent évoquant la rencontre des Hommes de par le monde, tandis qu’Eline y lisait celle des hommes. Plutôt que d’évincer le quiproquo, il fut intégré au travail. Et le cadre de se préciser, sans s’épargner les contradictions : Vincent et Eline allaient rencontrer scientifiques, anthropologues, psychologues, … mais aussi de nombreuses personnes au mode de vie alternatif. Parallèlement à ces données, on suit les soubresauts de la vie des deux créateurs, plongeon incongru dans l’intime face à l’humanité qui vacille. Le fruit de ce travail : un délicieux mélange d’intelligence heureuse. Fonte des glaces, acidification des océans, disparition des espèces animales et végétales… Un mot résume à lui seul l’impact de l’homme sur l’écosystème terrestre : anthropocène. L’ère des activités humaines qui, sous le joug du capitalisme, met à sac la richesse de notre planète. Une pièce défendue par Olivia Carrère, Vincent Hennebicq, Marine Horbaczewski, Aurélie Perret et Eline Schumacher à découvrir au Centre culturel d’Uccle le 18 juin 2022. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles

CINÉ-CLUB : ILLUSIONS PERDUES Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du XIXème siècle. Il a de grandes espérances et veut se forger un destin. Il quitte l’imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions. Un long métrage signé Xavier Giannoli avec dans les rôles principaux Benjamin Voisin, Cécile de France et Vincent Lacoste librement inspiré d’Honoré de Balzac. Par sa vitalité et sa puissance romanesque, ce film est à ce jour le meilleur du cinéaste, lequel s’est toujours interrogé sur les impasses et les paradoxes de la société du spectacle. A voir ou à revoir au Centre culturel d’Uccle le dimanche 12 juin à 10 heures 15. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles


THÉÂTRE : BIRTHDAY Ed, enceint de neuf mois, vient d’arriver à la maternité. La délivrance est proche. Avec Lisa, sa femme, cadre dans une entreprise et surchargée de travail, ils ont décidé d’inverser les rôles : c’est Ed qui porte l’enfant. Ed, donc, va connaitre les affres de l’accouchement en attendant sa césarienne. Il est inquiet, grognon, injuste... Et la sage-femme imperturbable et l’obstétricienne, largement débordées par les urgences médicales, ne le rassurent pas beaucoup. Autant qu’une comédie politique sur l’inversion des genres, « Birthday » est une vraie charge contre les préjugés, le racisme et l’hôpital public anglais, déserté, faute de moyens, par le personnel hospitalier. « Birthday » de Joe Penhall a fait un succès remarquable il y a trois saisons au Royal Court à Londres, qui est, décidément, une des grandes sources d’inspiration du Poche. La mise en scène de JulieAnne Roth permet à Priscilla Adade, Anabel Lopez, Eno Krojanker et Dominique Pattuelli de donner la pleine mesure de leurs moyens. Une pièce à découvrir au Théâtre de Poche du 4 au 25 juin 2022. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1A à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : COIFFEUSES D’ÂMES Une comédie décoiffante sur le parcours des âmes. Dans un étrange salon de coiffure, deux femmes vont se croiser. Elles ne se connaissent pas et pourtant leurs destins sont irrémédiablement liés. Cindy Besson, Petra Urbányi et Anouchka Vingtier forment un trio idéal dans cette mise en scène signée Daphné D’heur qui donne vie à la pièce de Valériane de Maeterleire et Thierry Debroux. Loin des ressorts du fantastique, il est ici question d’une réflexion métaphysique sur l’existence et ce que nous en faisons. Les représentations ont lieu jusqu’au 18 juin 2022 dans la magnifique salle du Théâtre royal du Parc. A voir en famille, seul ou en couple. A chacun de choisir. Une pièce pour laquelle nous ne disposons pas d’énormément d’informations et qui, cependant, possède le mérite d’être prometteuse. L’équipe du Théâtre du Parc a toujours eu l’heur de surprendre agréablement, poussée par une volonté de perfectionnisme et des moyens techniques rarement acquis ailleurs Vous découvrirez les modalités pratiques pour assister à cette création via le site officiel www.theatreduparc.be Rue de la Loi, 3 à 1000 Bruxelles


SPECTACLE : FANNY RUWET Pas vraiment misanthrope, mais relativement réticente à l’idée de communiquer avec qui que ce soit, Fanny Ruwet, chroniqueuse reconnue, cultive un égo inversement proportionnel à sa popularité. Habituée davantage aux studios radio qu’à la scène, elle s’essaie au stand up pour tenter de faire passer son manque d’empathie pour du génie comique. Elle vient au TTO avec son premier spectacle intitulé « Bon Anniversaire Jean ! », qui se délie tel un concentré de lose, de drôlerie et de tristesse. Elle y parle de l’échec que représente sa vie sociale, de malaise, de placenta, de la fois où elle a été invitée à un anniversaire par erreur, de phasmes et de la mort. Elle est à applaudir jusqu’au 20 juin au Théâtre de la Toison d’Or. Voyez ce qu’il en est concrètement sur le site officiel www.theatretto.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles

THÉÂTRE : LE PLAISIR DU DÉSORDRE Eve Bonfanti et Yves Hunstad s’amusent comme à l’accoutumée à déconstruire la frontière entre leur fiction et la réalité, à abattre le 4 e mur et à placer le public dans une position de complice. Ils brouillent les pistes en se jouant d’eux-mêmes et, de détours en digressions, nous entrainent à les suivre dans l’univers imprévisible de la création. Un moment de théâtre étonnant au cœur duquel l’imagination et la poésie se lovent, et qui est d’un humour si subtil qu’on a l’impression de partager un moment intime avec des amis, et l’instant d’après, d’être projeté dans une salle de spectacle. Après cinq années de tournée, le duo est de retour dans la capitale pour plusieurs soirées en grande forme. Il n’y a aucun mal à se faire plaisir ! Une pièce à (re)voir au Théâtre Varia du 3 au 18 juin 2022. Plus de détails sur www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles


SPECTACLE LYRIQUE : LA FINTA GIARDINIERA À la fois comédie musicale et drame sentimental, ce dramma giocoso précoce (créé le 13 janvier 1775 au Salvatortheater de Munich) est un choix idéal pour faire briller notre talentueuse troupe d’artistes émergents. Dans cette perle rare, un Mozart de 18 ans déploie pour la première fois son propre théâtre musical très personnel, mêlant burlesque et drame pour atteindre l’humain. Lors d’une folle journée à la campagne, la confusion règne entre sept personnages en quête d’amour. Chaque protagoniste, entraîné dans un engrenage de situations de plus en plus improbables, utilise à sa guise la séduction, la colère, le reproche ou la ruse. Le lendemain, reconnaîtront-ils chacun leur âme sœur ? Et, vu qu’ils sont sept, qui finira seul ? Seule la nuit le dira. Identités cachées, coïncidences comiques, amants fous, le tout animé par une musique brillante – le grand art de notre compositeur fétiche prend vie ici dans un jardin imaginaire plein de rebondissements (autant de prémonitions d’une trilogie à venir). Il y a un an, la marquise Violante Onesti a été grièvement blessée par son amant jaloux, le comte Belfiore, au cours d’une nuit passionnée qui a mal tourné. La croyant morte, il s’est enfui. Mais une fois rétablie, elle se lance à sa recherche avec son fidèle serviteur Roberto. Faute de retrouver son amant, la marquise s’est fait engager comme jardinière, sous le nom de Sandrina, au domaine de Don Anchise, le podestat de Lagonero. Depuis, elle suscite les désirs ardents de son employeur, qui en a assez de sa liaison avec sa servante Serpetta. Quant à Roberto, engagé comme jardinier sous le nom de Nardo, il est tombé amoureux de la servante, qui reste déterminée à élever son statut en épousant le patron. Ramiro, invité dans la propriété de Don Anchise, cherche du réconfort après une rupture amère. Soudain, la nièce de son hôte arrive de Milan et s’avère être nulle autre qu’Arminda, la mondaine capricieuse qui lui a brisé le cœur. Elle est impatiente de rencontrer son nouveau fiancé, qui, on le comprend vite, n’est autre que le comte Belfiore… L’Orchestre deCchambre de Wallonie sera déployé sous la direction de Gabriel Hollander. Gianna Cañete Gallo João Terleira, Kenny Ferreira, Telly Cambier, Gema Hernández García, Dorine Mortelmans et Ivan Thirion prêteront leurs voix aux protagonistes. Une performance en italien, sous-titrée en français, autant lyrique que scénique à découvrir au Théâtre des Martyrs du 26 juin au 2 juillet 2022. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles


TOONE : L’ECOLE DES FEMMES José Géal, alias Toone VII, a adapté « L’Ecole des Femmes » avec la complicité de son ami d’adolescence, Jacques Courtois. L’argument est le suivant : Arnolphe (Nolfke chez Toone) a recueilli une enfant de quatre ans, la petite Agnès (Gneske) et l’a élevée dans l’ignorance pour s’assurer la complète dévotion de la femme qu’elle deviendrait. Toutefois, une réclusion de treize années n’empêchera pas la jeune fille d’écouter sa nature qui s’éveille au sentiment amoureux pour le séduisant Horace (Raske interprété par notre héros Woltje). Tout se complique. En effet, Nolfke, qui va sur sa pension, songe à épouser sa pupille qui "lui fait des chatouilles dans le cœur," Il connaît les tourments de l’âme que révèle la fameuse scène de jalousie : Quelles nouvelles ? (Wa neuws ?). Le petit chat est mort ! (De kat es duud !). Les protagonistes sont entourés d’Oronte (Rontje), père de Raske et ami de Nolfke, et des valets Sus et Trinet. Le barbon éconduit se console avec une demi-gueuze dans un estaminet où surgit un comparse qui lui lance à la figure : Je suis un avocat / ik zaan nen babaleer (un causeur). Bien sûr, l’action se passe à Bruxelles, tantôt rue des Bouchers, tantôt à la Bourse ou au Sablon. Molière accable celui qui croit conquérir en imposant le joug. Il donne raison aux jeunes amants enflammés. Toutefois, l’auteur parle en connaissance de cause. Molière a quarante ans quand il épouse Armande Béjart qui en a vingt ; déjà il souffre et peut s’attribuer les beaux alexandrins qu’il a écrits : "J’étais aigri, fâché, désespéré contre elle ; Et cependant jamais je ne la vis si belle." Pas une seule fois Molière n’est ridiculisé dans la parodie de Toone. Seuls les caractères sont accentués. Entouré de ses six manipulateurs, Nicolas Géal alias Toone VIII interprète toutes les voix comme le veut la tradition. Les décors sont dus au talent de Raymond Goffin et les costumes à Lidia Gosamo. Une adaptation sans vulgarité à voir ou à revoir chez Toone du 2 au 18 juin 2022. Au-delà de cette date et jusqu’au 2 juillet, la pièce « Les trois mousquetaires » sera remise au programme avant « Faust » qui occupera le reste de juillet et tout le mois d’août. Plus de renseignements sur le site www.toone.be Rue du marché-aux-herbes, 66 (Impasse Sainte Pétronille) à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : BELLA FIGURA Boris n’a rien trouvé de mieux que d’emmener sa maitresse dans un restaurant recommandé par sa femme. Ils se disputent et en faisant marche arrière, il renverse Yvonne, la belle-mère de la meilleure amie de sa femme (vous me suivez ?). En partant d’une situation anecdotique, se déroule le fil d’une tragicomédie de la bonne convenance. Faire « bonne figure » est le dernier rempart, mais très vite les émotions l’emportent sur la bienséance et la soirée tourne au carnage. Yasmina Reza prend un malin plaisir à faire tomber les masques et personne ne sortira indemne d’un jeu social et amoureux à la cruauté ordinaire. C’est tragique, impitoyable et on rit aux éclats. Reza l’inclassable, pose un regard lucide sur les faiblesses et l’hypocrisie de nos sociétés bourgeoises, et, sans concession, se plait à traquer le drame des êtres sous le vernis de la bonne convenance. Après avoir mis en scène avec grand succès Le Dieu du carnage, Michel Kacenelenbogen remet le couvert et découvre sous cette Bella Figura, une comédie faussement légère et hautement explosive. Une pièce à découvrir au Théâtre Le Public jusqu’au 25 juin 2022. Plus d’informations sur le site officiel du théâtre www.thetarelepublic.be Rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles


THÉÂTRE : CLAIR DE FEMME « Clair de Femme » est le récit d’une nuit folle, de la rencontre et du couple, l’analyse des corps après l’épuisement, de l’aurore après les ténèbres. Si « La Promesse de l’Aube » était le roman de la naissance de l’amour, « Clair de Femme » est celui de l’éternité de Gary par-delà la mort, le roman de l’amour malgré la vie qui a donné trop de coups, de l’amour malgré tout. En sortant d’un taxi, un homme, éperdu de la mort prochaine de sa compagne, tombe sur une femme, emprisonnée elle aussi dans une indicible douleur. Ces deux êtres, déchirés par les événements, se rencontrent et décident de se donner la main, de s’aider mutuellement à traverser la nuit comme un enfant aide un aveugle à traverser la route. Ils vont chaotiquement tenter de se rapprocher, chacun dans leur perception de la vie, ils vont se comprendre, s’affronter et se confondre dans un mouvement de balancier. Au-delà d'une vision du couple intransigeante, l’auteur évoque également quelques sujets douloureux comme l'euthanasie, la culpabilité, la peur de vivre aussi, avec pudeur et honnêteté, le tout sous le regard burlesque et pathétique du Señor Galba. L'écriture est fluide et imagée, les idées et les dialogues s'enchaînent sans que les digressions ou retours en arrière ne freinent le fil de l’action. La formulation des dialogues est particulièrement ciselée pour bouleverser les spectateurs par cette mise à nu de l'âme meurtrie de deux protagonistes qui pourraient nous ressembler. La mise en scène de Michel Kacenelenbogen est impeccable et permet à Anne-Marie Cappeliez, Anne-Pascale Clairembourg, Itsik Elbaz, Jean-François Rossion d’offrir la pleine mesure de leur talent. Cette adaptation est à applaudir du 3 mai au 26 juin 2022 au Théâtre Le Public. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.com Rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles

THÉÂTRE : L’AUDITION DU DOCTEUR FERNANDO GASPARRI Adapté du roman, plusieurs fois primé, « L’audition du docteur Fernando Gasparri », avec Fabrizio Rongione dans le rôle-titre, entouré d’une galerie de personnages troubles ou bienveillants, le spectacle relate en un véritable suspens, quelques épisodes sombres de notre Histoire. Il s’interroge sur notre capacité de discernement et sur la vigilance à avoir face à la manipulation et aux mensonges qui nous entourent. Été 1932. La crise économique mondiale consécutive au krach boursier de 1929 fait rage. L’Europe assiste, impuissante, à la montée des extrémismes. Les tensions sociales et politiques mettent la Belgique sens dessus dessous. Dans ce contexte chahuté, le brave docteur Gasparri, modeste médecin de quartier à Bruxelles, reçoit un couple de jeunes immigrés italiens, originaires de la même région que lui. Une succession d’événements et de rencontres inattendues vont, s’enchaîner, bousculant cet homme discret hors de sa zone de confort, l’obligeant à faire des choix. Lui qui n’aspirait qu’à venir en aide à son prochain, le voilà pris dans les mensonges et les manipulations, les filets de la grande Histoire. Pourtant, il ne s’intéressait pas aux bruits du monde, alors pourquoi alors est-il interrogé par la police ? De quoi l’accuse-t-on ? Cette adaptation est à découvrir jusqu’au 25 juin 2022 au Théâtre Le Public. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.com Rue Braemt 64-70, 1210 Bruxelles


CINÉMA : CLARA SOLA Drame de Nathalie Alvarez Mesén, avec Wendy Chinchilla Araya, Ana Julia Porras Espinoza, Flor Maria Vargas Chavez et Daniel Castañeda Rincón. Costa Rica-Belgique 2021, 106 min. En espagnol sous-titré français. Sortie le 25 mai. Résumé du film – Dans un village reculé du Costa Rica, Clara, atteinte d’une grave scoliose, vit sous l’emprise de sa mère qui la considère comme une incarnation de la Vierge. A quarante ans, elle va tenter de se libérer du poids des conventions religieuses et sociales qui l’étouffent autant que son handicap. Ce qui l’amène à découvrir ses pulsions sexuelles, sa vie de femme face à la nature luxuriante qui l’entoure. Commentaire – Clara Sola est le premier long-métrage de Nathalie Alvarez Mesén qui a commencé sa carrière dans le théâtre au Costa Rica, avant d’être diplômée dans les arts de la scène à Stockholm où elle est née, d’une mère costaricaine et d’un père uruguayen. Elle est aussi la réalisatrice de plusieurs courts-métrages qui ont été projetés à l’étranger, notamment Entre Tu y Milagros, lauréat du prix Orizzonti à Venise. Ce premier drame montre l’émancipation d’une jeune femme qui veut échapper à l’emprise de la religion et au carcan que fait peser sur elle une mère qui la traite en icone et refuse pour elle toute intervention médicale. Face aux pressions de toutes sortes, Clara a développé un lien très fort avec la nature qui l’entoure. Avec la jument blanche qui s’est attachée à elle et qu’on veut vendre, faute de touristes. Avec aussi les insectes qui viennent la butiner et qui réveillent ses désirs endormis. Qui la font jouir. C’est une guérisseuse que la réalisatrice a campée au milieu de la végétation, entourée d’une flore et d’une faune exubérantes. Elle réinvente ainsi le réalisme magique si cher au cinéma latino-américain. La magie s’imbrique dans le réel, relayée par la caméra, à tel point que la nature en vient à personnifier le monde intérieur de la jeune femme. Clara danse avec les éléments naturels, exprimant son bouleversement par un tremblement de terre, son agitation par le souffle du vent dans les tentures, ses pouvoirs encore par le feu qu’elle met à la cabane ou par l’eau qu’elle fait pleuvoir sur le village jusqu’à le noyer. Tout ce qui arrive implique ses états d’âme et la fait participer aux choses extérieures. Interprétée par la danseuse Wendy Chinchilla Araya, qui interprète avec force ce corps blessé et sauvage, Clara est une véritable combattante contre l’oppression des femmes au sein d’une société puritaine et conservatrice. Mêlant le réel au sensoriel dans une fusion magique, sa rébellion aboutit à une libération où son corps se remet droit, où l’émotion nous submerge. La bande-son poétique du jeune compositeur Ruben De Gheselle et le montage de Marie-Hélène Dozo participent à l’envoûtement. Le film, tourné au Costa Rica, est une coproduction belge. Avis – Un premier film prometteur sur le lien sacré avec la nature, qui nous fait découvrir le Costa Rica à travers les yeux d’une jeune handicapée. D’une émotion intense. Michel Lequeux


CINÉMA : EL BUEN PATRÓN Comédie dramatique de Fernando León de Aranoa, avec Javier Bardem, Manolo Solo, Francesc Orella, Celso Bugallo et Sonia Almarcha. Espagne 2021, 120 min, sous-titré français. Sortie le 15 juin. Résumé du film – Julio Blanco est le patron charismatique d’une petite entreprise de balances, dans l’attente du prix d’excellence qui viendra récompenser son œuvre. Mais cette semaine-là, tout va mal pour la boîte : un employé viré proteste contre son licenciement, le contremaître s’absente parce que sa femme le trompe, et une stagiaire irrésistible vient de faire son entrée dans l’usine. Julio pourra-t-il sauver les meubles de l’entreprise qu’il dirige à la manière d’un « bon patron », en fourrant son nez et le reste partout ? Commentaire – C’est une charge contre le néolibéralisme des PME espagnoles, sous le mode d’une comédie drôle qui vire au drame. La cible en est le paternalisme du « bon patron » qui dirige son entreprise d’une main de fer sous un gant de velours. Il s’immisce dans les affaires privées de ses employés et, le cas échéant, use de son charisme pour séduire ses employées, dont une stagiaire, la proie idéale. Charge aussi contre le harcèlement sexuel déployé par les patrons à l’égard de leur staff d’entreprise. L’auteur de cette comédie dramatique est Fernando León de Aranoa, réalisateur espagnol considéré comme le chef de file de la veine sociale du cinéma ibérique contemporain. Venu de la télévision et des sketches qu’il écrivait pour les humoristes, il a été révélé par Les lundis au soleil (2002), déjà interprété à l’époque par Javier Bardem dans le rôle d’un chômeur de longue durée. Ses films sont des portraits marquants, servis par de bons acteurs qu’il sait diriger et par des dialogues bien écrits, souvent drôles, ne sombrant jamais dans le cliché, le pathos ou la lourdeur. C’est encore le cas ici. Fernando León aime raconter ce qui ne compte pas : le quotidien d’une usine et son lot de soucis dérisoires vus d’un œil extérieur, mais dramatiques pour celui qui les vit, comme l’employé mis à la porte, qui campe devant l’usine et ameute, avec son mégaphone à la main, les anciens camarades sur l’affairisme de leur patron. Javier Bardem campe ce patron autoritaire qui gère l’usine comme sa famille, avec un sourire bon enfant mais carnassier. Le sourire du quinquagénaire séducteur qu’il est, aux petits soins pour ceux et celles qu’il met en poche. Et ses débiteurs sont nombreux, qui ressemblent aux membres de la maffia qu’il gère. Il a été récompensé comme « meilleur second rôle masculin » pour le tueur froid et implacable qu’il interprétait dans No Country for Old Men des frères Coen en 2008 et, plus tard en 2012, on l’a vu affronter James Bond dans Skyfall. Il a été nommé aussi pour le meilleur méchant dans Pirates des Caraïbes : la Vengeance de Salazar (2017). Le bon patron lui vaut aujourd’hui le Goya du meilleur acteur dans un rôle qui lui va comme un gant. Le film a raflé six récompenses en Espagne et est à l’affût des autres. Avis – Une excellente comédie sociale sur un affairiste campé par Javier Bardem, qui troque ici sa tête de méchant contre celle d’un bon père d’entreprise réglant ses balances au millimètre près. Avec parfois un faux jeton. Michel Lequeux


DÉCÈS DE VANGELIS, CHANTRE DE L’ÉLECTRONIQUE Vangelis Papathanassiou est décédé à Paris à l’âge de 79 ans des suites de la Covid-19. Il est le compositeur de la musique de plusieurs films, dont Antartica et l’épopée de Christophe Colomb, 1492. À lui tout seul, Vangelis Papathanassiou était tout un orchestre. L’art fameux de la musique électronique, où il excellait en pionnier, bien au-delà du savoir-faire d’un Jean-Michel Jarre, son ami au demeurant, ou d’un Klaus Schulze, maître de la musique planante, ou encore du groupe Tangerine Dream. Une musique parfaite pour inspirer les créateurs, hommes d’écriture ou de cinéma. Lyrisme descriptif, abstraction bruitée, structures navigantes, étages musicaux progressifs, comment mieux décrire l’art de Vangelis, si ce n’est par un imaginaire qui servait aussi bien le documentaire que la fiction ? Vangelis offrait à l’auditeur un panel de sentiments, allant de la méditation à l’enthousiasme le plus absolu. Qui ne s’est pas senti Christophe Colomb découvrant le Nouveau Monde ou Alexandre le Grand conquérant la Perse ? Vangelis est décédé à Paris sans doute à la suite des complications cardiaques dues à la Covid 19, à l’âge de 79 ans. Né en 1943 à Agria, en Grèce, il joue du piano dès ses 4 ans et interprète en public ses propres créations à 6 ans. Un petit Mozart, en quelque sorte, qui restera un autodidacte sa vie durant, sans jamais étudier ni pratiquer le solfège. Ses œuvres seront probablement transcrites par des collaborateurs. Après s’être illustré en Grèce, il s’installe à Paris en 1968, à l’heure même des révolutions estudiantines, qui l’inspireront et le motiveront. Cette même année, il fonde le groupe de rock Aphrodite’s Child avec deux autres Grecs, Demis Roussos et Lucas Sideras. La chanson Rain and tears, interprétée par Demis Roussos, est dans toutes les mémoires. Le groupe éclate en 1972 et Vangelis entreprend sa carrière solo. Contribution au cinéma Il est amené au cinéma par deux réalisateurs français, Henry Chapier (Sex power en 1970 et Amore en 1973) et Frédéric Rossif (L’apocalypse des animaux en 1973, La fête sauvage en 1975 et L’opéra sauvage en 1979). Des musiques qui prennent le temps d’être belles et amples comme la beauté naturelle qu’elles sont tenues de magnifier. La maîtrise du compositeur est déjà incontestable. En 1974, le groupe de rock Yes doit assumer le départ de son claviériste Rick Wakeman, lui-même attiré par une carrière solo (Les chevaliers de la Table Ronde, notamment). Vangelis refuse la proposition qui lui est faite de remplacer Wakeman mais entreprend une collaboration avec le chanteur du groupe, Jon Anderson. Collaboration subtile qui intégrera la voix du chanteur comme un instrument parmi les instruments. En 1980, le duo avec Anderson donnera Short Stories et, en 1981, The Friends of Mr. Cairo. Vangelis s’installe à Londres où il crée son propre studio d’où sortiront quatre oeuvres de taille : Heaven and hell en 1975 ; Albedo 0.39 en 1976, Spiral en 1977 et Beaubourg en 1978. La première de ces compositions, Heaven and hell, est sans conteste la plus puissante et la plus éloquente dans sa description contrastée de l’enfer et du paradis. Au début des années 80, la carrière cinématographique de Vangelis prend son envol décisif. En 1982, sa musique pour Blade Runner de Ridley Scott est nominée au BATFA Awards et aux Golden Globes (1983). En 1991, il


compose plusieurs documentaires sous-marins pour le commandant Jacques-Yves Cousteau. En 1992, il est consacré Chevalier de l’ordre des Arts et Lettres en France. En 1992 toujours, sa musique pour le Christophe Colomb de Ridley Scott fascinera les spectateurs par son adéquation parfaite avec l’Histoire, l’Océan et le rêve de la Conquête. L’œuvre musicale sera nominée aux Golden Globes en 1993. Et en 2004, Oliver Stone offrira à Vangelis, pour son Alexandre, les mêmes sujets et motifs musicaux. L’appel de la nature Vangelis, on s’en était aperçu très tôt dans sa carrière, était passionné par la nature. Le ciel, la mer, les immensités, l’espace lui-même. En 2001, il écrit pour la NASA Mythodea, le thème des missions vers la planète Mars. En 2016 sort son album Rosetta. Rosetta est une sonde qu’avait lancée l’Agence spatiale européenne en 2004 et dont la mission s’était achevée en septembre 2016. En 2021, son dernier album, Juno to Jupiter, est le fruit d’une nouvelle collaboration avec la NASA, rendant hommage à la mission de la sonde spatiale Juno. En sa qualité de Grec, dont le cœur n’avait jamais quitté la Grèce, Vangelis ne pouvait qu’honorer les jeux, qu’ils fussent olympiques ou autres : en 2002, il avait écrit l’hymne de la Coupe du monde de football pour la même année et en 2012 sa composition pour Les Chariots de feu avait été jouée à l’occasion de l’ouverture des Jeux olympiques d’été. Vangelis Odysseas Papathanassiou, grand voyageur planétaire et interplanétaire de la musique, ne s’en est pas allé sans les hommages de la Grèce et de tous ses amis de la profession. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis l’a salué en le priant d’envoyer ses notes depuis là-bas, où il repose en paix. CostaGavras, qui l’avait engagé pour son film Missing, regrette un grand monsieur de la musique, et JeanMichel Jarre évoque la touche unique de Vangelis, avec qui il a partagé l’amour des synthétiseurs et de la musique électronique depuis 1970. Jean Lhassa

MILES DAVIS Voilà la biographie de Miles Davis, le virtuose de la trompette. Un génie adoubé par ses pairs et qui n’a jamais hésité à tout remettre en question pour progresser, se renouveler et innover. Les cinéphiles ont bien entendu en mémoire la session magique improvisée pour le film « Ascenseur pour l’échafaud » de Louis Malle, mais il s’agit là d’un carré de l’iceberg. Miles représentait la diversité, un son unique et l’un des visages majeurs de la musique américaine au point de s’avérer l’un des rares solistes de couleur à avoir atteint le statut de star. Au fil des décennies durant lesquelles il a exercé son talent, il n’a jamais cessé de fasciner tout en entretenant un certain mystère sur son jeu. Beau et séducteur, il a surtout été un modèle envié, un pionnier, un créateur hors-normes, sorte de brillant touche-à-tout fasciné par les sons d’où qu’ils viennent, prompt à s’inféoder à tous les genres. Aventurier du XXe siècle, il a joué mieux que quiconque de ses rencontres et de ses amitiés pour aller là où personne ne l’attendait, le poussant à une espèce de réinvention permanente et jonglant avec chacune de ses métamorphoses artistiques, demeurant pourtant en accord avec luimême. Le style Davis s’exprime essentiellement par la sonorité, la vélocité et un don inné autant qu’intuitif. Franck Médioni nous propose aujourd’hui d’aller à la rencontre de cette icône devenue légende et, en suivant le fil de son parcours, de redécouvrir son existence pour mieux réécouter les disques qu’il nous a laissés en digne représentant de la note bleue. Ed. Folio – 324 pages Daniel Bastié


365 JOURS – TOME 1 Tout le monde l’attendait et à sa publication, ce livre a eu de nombreux avis mitigés. Les lectrices ont aimé ou détesté Massimo, certaines ont adoré ou détesté Laura. Massimo est un truand à la tête d’une famille Italienne puissante. Laura, quant à elle, a un métier prenant, mais son couple n’est pas à la hauteur de ses exigences. Un soir, alors que Laura fête son anniversaire, Massimo l’enlève et lui laisse 365 jours pour tomber amoureuse de lui. Dans cette attente interminable pour Massimo, Laura va tenter le diable très souvent. Finira-t-elle par tomber amoureuse de cet homme puissant ? Massimo saura t-il apprivoiser Laura ? Entre les caprices de Laura, son caractère bien trempé et l’obsession de Massimo pour cette jeune femme, ce roman révèle le côté sombre d’un homme de pouvoir et ses pratiques sexuelles, hors norme. Ce livre parle d’amour, de possession, de désobéissance, de pouvoir, de richesse et d’envie. Toutefois, même si l’auteur essaye de décrire des scènes de BDSM, cette pratique, dans la réalité, est loin de ressembler à son récit. Si vous avez une certaine ouverture d’esprit, ce livre est à découvrir et votre imaginaire fera le reste. L’histoire complète de Laura et Massimo se décompose en 3 tomes dont le tome 1 a été adapté en film sur Netflix. Comme beaucoup, j’ai lu le tome 1 et découvert le film et sans surprise, le livre reste la meilleure version. Je vous suggère de vous laisser tenter par cette histoire peu ordinaire et de patienter pour découvrir le tome 2 sur vos écrans. Ed. Hugo Roman – 360 pages Elise Jane

LE LION ET LE PAPILLON Elisabeth Brewaeys signe un conte décliné sous forme de poèmes, dont la longueur varie et nous fait entrer dans un monde onirique parsemé de rencontres éparses. Bien entendu, comme il s’agit d’une initiation, différents chemins nous entraînent à découvrir notre être complémentaire après quelques louvoiements. Ce processus narratif faussement simpliste nous renvoie à nos archétypes pour nous aider à nous accomplir sur le chemin de la vie, quitter le nid et saisir l’importance des épreuves qui nous rudoient afin de nous faire grandir. Apprendre à se connaître, à déterminer le périmètre qui nous entoure, à rencontrer notre moi intime et à circonscrire nos limites fait partie d’un tout cohérent qu’on peut nommer apprentissage ou éducation. Médecin côté professionnel, son métier, et artiste côté cœur, elle navigue entre ses deux activités avec passion. Elle écrit en s’affranchissant de toute contingence, en plaçant l’humain au centre de ses réflexions et illustre elle-même ses ouvrages en usant d’un trait fin et de couleurs chaudes. Entrez sur la pointe des pieds dans son univers servi par une langue soignée qui tend vers la lumière. Vivez cette rencontre improbable entre un papillon aux yeux de saphir et aux ailes irisés et un lion à la crinière flamboyante autant qu’abondante. Ed. Maison de la Poésie d’Amay – 48 pages Daniel Bastié


CONFIDENCES D’UN PIANO “C’est la déroute, je le redoutais, les dés sont lancés mais le jeu n’envisage rien de bon. Tous dans le même bateau et pourtant si seuls, nous tenons bon, certains mieux que d’autres. C’est une question d’équilibre, garder le cap, ne pas faire fausse route…” La plume et le piano au secours de Bernadette Gérard-Vroman, notre narratrice et poétesse dans l’âme, un secours parfois bien vital ? Résilience et construction de soi, vie et amour, le véritable, poésie de l’émoi et musique au coeur, vers et notes sonnantes, à l’occasion trébuchantes, rêves, signes et symbole, tel est l’univers, un univers de calmes et de tempêtes mêlés, proposé par “Confidences d’un piano” de Bernadette Gérard-Vroman. Récit de vie en prose, parfois fort tumultueux, “Confidences…” nous prend, nous touche, nous émeut, nous enveloppe, nous investit. Totalement. Une saga en 28 partitions toutes en sensibilité, “ à lire par tous ceux qui croient que vivre, c’est cheminer, par tous ceux qui aiment faire de belles rencontres, à lire du premier mot jusqu’à la dernière note de musique, accompagné(e) par le vol des oiseaux” nous apprend la quatrième de couverture, l’artiste David Durant étant l’auteur des illustrations qui parsèment et égaient ces confidences, “les dessins bien assortis au contenu”, précise encore Antonia Iliescu, artiste et auteure qui nous dit également : si ce livre était à résumer en une seule phrase, je la choisirais sortie de son bouquin : On ne peut changer son destin, mais on peut décider d’en modifier sa trajectoire.” Mais qui est Bernadette Gérard-Vroman ? Une poétesse passionnée de mots, auteure de deux recueils de poésie d’une grande sensibilité d’âme, pour qui les notes sont également vitales, qu’elles soient dièzes ou bémols. Une poétesse qui aime s’enraciner à la montagne et s’identifier à l’edelweiss, une fleur de montagne fière et digne. Feurich, ainsi se nomme son piano, un piano blanc au champ (chant ?) de liberté large en intensité, venant d’Allemagne et dont l’ancêtre remonte au dix-huitième siècle. Récit tout en contrastes, “Confidences d’un piano” est d’une belle maîtrise littéraire et couvre, et même recouvre, une pléiade d’événements qui ponctuent la vie de notre poétesse-musicienne, tantôt heureux, tantôt plus douloureux : “Et pour éviter le pire, laisser aller la plume pour que viennent se former les mots qui tiennent la route, à défaut de se jeter dans la soute. Tous dans le même bateau, l’esprit à l’étroit, le corps tordu avec, au-dessus de nous, il suffit de lever les yeux ou de tourner les pages, tant d’espace pourtant…” La vie est tel un navire qui parfois sèchement vire au gré de vagues aux pics souvent dignes des cimes alpestres, mais comme l’edelweiss l’auteure persévère, comme le roseau parfois plie mais sans jamais se rompre. Quant au lecteur, il ne pourra prendre ce cheminement qu’à bras-le-corps, apnée garantie, l’immersion inéluctable. The BookEdition.com - 276 pages Thierry-Marie Delaunois

PETITES FABLES DESTINÉES AU NÉANT Carino Bucciarelli nous livre une poignée de fables qui se veulent révélatrices de l’état du monde et qui observent nos attitudes avec une lunette critique. Des courtes leçons de vie écrites dans une langue fluide et qui se consomment d’une traite. Bien entendu, le sens de la lecture importe peu et aucune chronologie ne vient estampiller cet ouvrage. De la sorte, on passe de l’une à l’autre sans transition aucune et en prenant du plaisir à lire des récits brefs (parfois moins d’une page !) pour oublier la morosité ambiante et nous certifier que nous sommes toujours bien vivants. Pourtant, un concept voyage à travers chaque historiette. Il s’agit de la thématique de notre fonction sur terre et de son utilité ou non face aux défis quotidiens, voire beaucoup plus larges. Proposer des nouvelles extrêmement brèves n’a rien de neuf ni pratiquer la fable dans une attitude romanesque. Le plus dur implique de trouver un ton aux deux genres pour les unir sans que cela ait l’air factice, en évitant le ridicule et sans moraliser. La qualité de l’auteur réside principalement dans la virtuosité à ne jamais se prendre les pieds dans le tapis. Ed. Traverse – 145 pages Daniel Bastié


COMPLOTS À VERSAILLES - TOME 5 Depuis le décès de Marie-Thérèse d’Autriche, Louis XIV s’est marié secrètement avec madame de Maintenon, veuve du poète Scaron. Une union qui déplaît à énormément de monde. Pour certains, son influence sur le roi semble pernicieuse et de nombreuses rancœurs se réveillent, avec des complots qui se multiplient. Dans ce contexte particulier, Cécile continue de travailler dans son école de jeunes filles, mais paraît soudain être devenue une cible à éliminer. Aussi, lorsqu’elle disparaît sans laisser de traces, ses proches se mettent en alerte. Que lui est-il arrivé ? A-t-elle été kidnappée ou plus simplement assassinée par des ennemis qui se carrent dans l’ombre ? Guillaume, son amoureux, entend remuer ciel et terre pour la retrouver, mais il ne sait pas à quelle force brutale il va s’opposer. Carbone, Giulia Adragna et Cee Cee Mia donnent suite à la saga « Complots à Versailles », en livrant un cinquième tome librement inspiré des personnages imaginés par la romancière Annie Jay. Un récit qui renvoie au siècle du Roi Soleil et qui évoque lointainement les aventures de la belle Angélique, marquise des Anges, avec des pièges à déjouer, des poursuites mémorables et des sentiments nobles. Une bédé classique mais qui à l’heur de plaire par son schéma feuilletonnesque, son graphisme agréable et une mise en page soignée. L’ambiance est plus qu’exacerbée avant les retrouvailles finales. Ed. Jungle – 62 pages Daniel Bastié

FILS DE SORCIÈRES : LE VOLEUR DE SONGES On se souvient de la grammaire mise en place dans le tome 1 ! La famille de Jean se singularise par le fait que seules les femmes possèdent des pouvoirs de sorcellerie. Toutefois, depuis son combat avec un buveur de sang, notre héros se trouve également doté d’une force mystérieuse qu’il doit apprendre à dominer. Pas une sinécure pour un novice en la matière ! Lorsque sa sœur cadette Lise se trouve en proie à des cauchemars récurrents, il n’a pas d’alternative que celle de faire appel à un voleur de rêves. Néanmoins, assez vite, il réalise le poids de son erreur, car les siens sont secoués de songes de plus en plus violents, incapables de trouver la sérénité. Inspiré des livres de Pierre Bottero, cette bédé signée L’Hermentier et Stedho demeure de facture classique, même si elle arpente les territoires de la magie et du fantastique en jouant avec les stéréotypes chers au genre et en créant une mise en abyme à partir d’une situation à résoudre de toute urgence. On devine assurément que Jean détient la solution au problème, mais on se laisse porter par l’histoire qui ne verse jamais dans la mièvrerie et qui dégage, par moments, un caractère inquiétant, sans sombrer dans les excès. N’oublions jamais qu’il est ici question d’un livre pour la jeunesse, sans autre prétention que celle de lui faire passer un agréable instant de détente et de lecture. Ed. Jungle – 62 pages Daniel Bastié


CEUX QU’ON CHOISIT La rentrée scolaire n’a rien d’une sinécure. Finies les vacances et retour sur les bancs de cours ! Winifried appréhende le mois de septembre, car elle ne sait pas ce qu’elle va trouver dans l’école d’art qu’elle connaît pourtant bien. Ses amies ont quitté l’établissement et elle devra bâtir de nouveaux liens sociaux. D’un tempérament solitaire et mal dans sa peau, il lui faudrait également vaincre sa timidité pour progresser. Oscar et April s’imposent pourtant à elle telle une évidence. En leur compagnie, elle pourrait se réinventer, vivre mille félicités et aller au-delà du simple rêve. Entre soirées pyjamas clandestines, achats compulsifs à la friperie et réalisation de fanzines, la jeune femme se révèle lentement à elle-même, rayonne et acquiert de l’assurance. Néanmoins, elle recèle un secret qu’elle ne souhaite pas divulguer, car celui-ci pourrait fort bien lui coûter la bienveillance de celles et ceux qui l’entourent ! Sarah Winifried Searle signe un roman graphique bourré de charme et de fantaisie, chargé d’une belle tonicité et qui raconte la période parfois ingrate des études, la prise en charge de soi-même à travers la création et les non-dits qui engendrent bien des incompréhensions. Au fil des pages, elle aborde aussi des thématiques comme les troubles alimentaires, les émois amoureux, la solidarité et l’adolescence. Avis aux amateurs de comics ! Ed. Jungle – 352 pages Julie Plisnier

CE GARÇON Mai 68 gronde et donne à Paris une allure de guerre civile. Les pavés pleurent et la population s’oppose aux forces de l’ordre en dressant des barricades. La France est en émoi. Pour fuir la fureur de la capitale, la maman de Jean décide d’emménager provisoirement dans la maison de campagne familiale, en embarquant toute la fratrie. Le gamin voit dans ce départ précipité une occasion de vacances. Il ressent néanmoins une ou deux appréhensions. Que cache cette fuite en avant et quand reviendra-t-il chez lui ? Depuis toujours, il craint sa mère autoritaire, qui hurle davantage qu’un pandore et qui se meut grâce à une jambe de bois. Sur place, il fait la connaissance d’Herman, un idéaliste recherché par les forces de l’ordre. Malgré ses craintes, il décide de le cacher. L’homme en fuite lui apprend doucement à se poser, à regarder le monde qui l’entourne avec des lunettes objectives et à s’interroger sur le caractère de celle qui l’a enfanté. Valentin Maréchal et Maby mettent en scène un récit fédérateur, de ceux qui aident à grandir. Domestiquer ses angoisses et découvrir les siens fait partie de l’évolution nécessaire pour tout enfant en passe d’accéder bientôt aux flux de l’adolescence. Il est aussi question de transmission et d’histoire familiale. Un roman graphique qu’on lit sans déplaisir et qui ravive une époque qui peut paraître déjà bien lointaine. Ed. Jungle – 112 pages Andrea Cerasi


CARDIFF, PRÈS DE LA MER « Cardiff, près de la mer », « Mia Dao », « Comme un fantôme : 1972 » et « L’enfant survivant » composent le menu de ce recueil de quatre longues nouvelles rédigées par Joyce Carol Oates. En instillant dans chacun de ses récits un sentiment de malaise, l’auteur brouille avec brio les frontières entre rêve et réalité, semant la confusion dans l’esprit du lecteur. Un choix souhaité en amont et qui revient sur une série de secrets familiaux qui occultent le dialogue, poussent au repli sur soi et accentuent la défiance. La première histoire nous permet de rencontrer Clare, enfant adopté, qui hérite d’une propriété laissée par ses géniteurs. Autre profil psychologique avec Mia, gamine solitaire qui adopte une chatte pour en faire une protectrice vis-à-vis des gens méchants qui l’entourent. Quant à Alyce, étudiante zélée, elle est mise enceinte par son chargé de travaux et se range sous la tutelle d’un vieux professeur féru de Lewis Caroll. Enfin, Elisabeth, fraichement mariée à l’homme de sa vie, est hantée par la voix de sa mère qui s’est suicidée, entraînant avec elle sa fille cadette. Une écriture irréprochable et brillante, qui sert toujours la narration, met en scène des moments forts de l’existence et nous renvoie à nos questionnements et à nos hantises. Des récits qui peuvent déstabiliser les lecteurs émotifs, mais qui reflètent tous nos questionnements et les non-dits auxquels certains peuvent se heurter. Ed. Philippe Rey – 445 pages Julie Plisnier

LA VIE SECRÈTE DES BIGOTES Le sexe est omniprésent et réveille constamment une libido somnolante. Poussées dans l’adolescence, plusieurs filles se demandent à quoi ressemble la sexualité, un univers tenu secret et néanmoins fantasmé. Carlotta ne sait que faire de sa relation saphique avec sa meilleure copine. Olivia s’interroge sur les raisons qui poussent le pasteur à s’isoler avec sa maman dans la chambre. Lyra se questionne sur la manière de faire l’amour et va trouver un physicien afin d’obtenir les réponses idoines. Enfin, Jael tombe sous le charme de l’épouse du susdit pasteur. Deesha Philyaw parle de désir, de pulsions charnelles et de fantasmes secrets au cours des années 1990. Elle situe son récit dans une communauté afro-américaine et s’amuse en usant de tous les poncifs pour laisser pointer des sourires, parler de la condition féminine, du rapport qui unit diverses générations, des élans inavoués et des rêves frustrés. Il y est aussi question de première fois avec un garçon, de confessions bridées, de loyauté envers soi-même et de concrétisation d’espoirs. Tendres, drôles, féroces, parfois crus, ces récits de vie sont le reflet de la diversité, du poids de la tradition, de la société patriarcale et des efforts à engager pour que les choses évoluent en mieux ! Ed. Philippe Rey – 158 pages Amélie Collard


L’EMPEREUR BLANC Que se passe-t-il lorsque cinq auteurs de thrillers se fixent rendez-vous dans une maison isolée au creux d’une vallée perdue de l’Arkansas ? Vont-ils créer dans une ambiance propice à l’échange ou se phagocyter les uns les autres ? Une rumeur véhicule de biens étranges faits qui se seraient déroulés voilà un demi-siècle. L’écrivain Bill Ellison y aurait été assassiné par un groupuscule issu du Ku Klux Klan. D’autres racontent qu’il y aurait assassiné son épouse avant de se suicider. Qu’importe la réalité ! A mesure que les aiguilles glissent sur le cadran des pendules, l’atmosphère tend à se serrer et les nouveaux-venus se mettent à disparaitre successivement, laissant planer une impression morbide. S’agit-il d’un jeu ou une menace pèse-t-elle réellement sur le lieu ? Existe-t-il des liens entre ce qui se serait déroulé hier et aujourd’hui ? La réalité dépasse-t-elle la légende ? Armelle Carbonel recèle une vraie personnalité et parvient à poser le climat sans tergiverser. Les premiers chapitres reprennent les codes du slasher movie avant d’embrayer vers la terreur psychologique qui multiplie les références à Stephen King et à Agatha Christie. Par instants, on songe même à « Ils étaient dix » (ex « Les dix petits nègres »). Le procédé narratif n’est pas neuf, mais fonctionne parfaitement pour dénoncer la suprématie des blancs sur les descendants d’esclaves venus d’Afrique centrale. « L’empereur blanc » peut être également interprété contre une dénonciation du racisme et des populistes. Un thriller dur et pur ! Ed. Le Livre de Poche – 376 pages Daniel Bastié

LE CERCLE DE FINSBURY Pour Alice, la félicité est à son comble, car elle vient de dénicher la maison de ses rêves. Avec son nouveau compagnon, elle entend emménager au plus tôt, persuadée d’emprunter la voie d’un nouveau départ. Et zut à celles et à ceux qui disent que tout va trop vite et que, normalement, il convient de prendre le temps avant de se lancer ! Le cercle de Finsbury a la réputation d’offrir des logements haut de gamme au centre de Londres. Dès le départ, rien ne vient gripper ses plans. Le domicile possède tous les atouts de la perfection et les voisins se révèlent charmants. Mais tout rêve n’a-t-il pas un revers ? Progressivement, elle découvre que la précédente locataire a été assassinée et soupçonne que Léo lui dissimule des informations. De surcroît, elle devine une présence étrange. L’épie-t-on ? B.A. Paris signe un thriller dans lequel les proches ne sont peut-être pas aussi lisses que les apparences les font paraître, avec un côté paranoïaque bienvenu et un suspense qui va crescendo. Bien entendu, on s’identifie à l’héroïne qui doucement pète les plombs, pédale à n’en plus finir et en arrive à douter de ses raisonnements. L’auteure jongle avec les clichés du bonheur, montre qu’on s’illusionne parfois beaucoup et rappelle que la société de consommation exige un coût financier, moral et psychologique. A cela, le concept fait un peu songer à « Les femmes de Stepford » pour s’en dégager grâce à quelques astuces scénaristiques. Ed. Le Livre de Poche – 474 pages Daniel Bastié


SORCIÈRE DE LA NUIT L’histoire de l’aviation regorge de récits inattendus et d’anecdotes oubliées. On omet souvent de rappeler le rôle des femmes dans la conquête des airs, de celles qui se sont donné des ailes pour se mettre au service de la nation ou abandonner la routine d’une existence qui les destinait à devenir seulement épouse et mère. Charline Malaval met en lumière une série d’héroïnes hors du commun aux destinées aussi flamboyantes que tragiques et qui se sont engagées pour lutter contre l’ennemi nazi aux pires heures du XXe siècle. A travers ce roman, elle relate le parcours de ces pilotes au féminin envoyés dans des avions déclassés pour survoler les terrains ennemis et mener des combats aériens de plus en plus violents. En alternant les époques, elle renvoie le lecteur de l’année 1942 à l’année 2018. L’occasion de revenir sur plusieurs événements de la seconde guerre mondiale, dont la fameuse bataille de Stalingrad. Alors que les armes grondent à nouveau en Europe, ce récit parle de courage, d’une génération sacrifiée, de ténacité, de résilience et de ces filles expédiées au front avec un entraînement sommaire et un matériel obsolète. Pour charpenter son récit, l’auteure s’est inspirée de personnages ayant existés et de faits réels de l’ère soviétique. Ed. Préludes – 378 pages Daniel Bastié

LA GARDIENNE DE MONA LISA La guerre et le sauvetage des œuvres d’art, voilà un thème peu usité en littérature autant qu’au cinéma. Les aînés se souviendront vraisemblablement du film « Le train » de John Frankenheimer et de « Monuments men » de et avec George Clooney, rares essais surfant sur cette veine. Pourtant, la question de cacher le contenu des musées s’est réellement posée pour échapper au pillage systématique de la part des nazis, voire de la destruction pure et simple de certains trésors accrochés aux cimaises. Peter May nous invite à un plongeon dans le passé pour découvrir le courage de celle qui avait été chargée de protéger « La Joconde » de la convoitise d’Hitler et de Goering. Une certaine Georgette Pignal devenue malgré elle une héroïne de l’ombre et sans qui personne ne sait ce qu’il serait vraiment advenu d’une des œuvres les plus inestimables du patrimoine mondial. Pour amorcer son enquête, l’auteur concentre son récit durant la pandémie du Covid. Alors qu’il comptait se charger des siens, l’inspecteur Enzo MacLeod est dépêché à Carrenac pour élucider une exécution qui se serait produire durant la seconde guerre mondiale. On vient en effet de découvrir le squelette d’un officier de la Luftwaffe presque au même moment où un puissant marchand d’art a été abattu apparemment sans raisons tangibles. Les investigations l’amènent à soupçonner des concomitances entre ces deux crimes espacés de presque quatrevingts ans et, assez vite, son intuition lui donne raison pour amorce un voyage temporel et ressortir certains dossiers qui mettent en scène le général de Gaulle, quelques visages puissants du Reich et une poignée d’anonymes. Dans ce polar passionnant, Peter May combine l’Histoire et la fiction, met en scène des personnages qui ont vraiment existé et nous rappelle des faits de courage mal connus du grand public. Une excellente radiographie d’une époque qui se lit sans bâiller ! Ed. Rouergue – 439 pages Daniel Bastié


QUI VOIT SON SANG Un test génétique peut générer des surprises. Suite à un besoin de moëlle osseuse, le père de Rose accepte de mesurer sa compatibilité avec elle avant de passer sur la table d’opération. Le verdict tombe. Officiellement, il n’est pas son géniteur. Malheureusement, sa femme n’est plus là pour expliquer quoi que ce soit. Il préfère disparaître en abandonnant tout derrière lui, laissant sa fille sans réponses si ce n’est une carte du Finistère chargée de quelques mots sibyllins : « Là où tout a commencé ». Elisa Vix tient le lecteur en haleine avec un roman qui retrace le destin de femmes marquées par la tragédie et où se carrent des secrets de famille à exhumer un à un. Bien entendu, le copain de l’héroïne accepte de traverser l’océan pour retrouver celui qui s’est éclipsé à des kilomètres de sa résidence principale. Davantage qu’un récit initiatique, l’autrice parle de racines, de passé, de non-dits et appelle Rose à accepter une espèce de réconciliation en refusant l’aplatissement. Ici, comme souvent dans le tracé d’une existence, le dialogue se veut un empêchement à se scléroser et un aboutissement au terme d’un long chemin même s’il semé d’ornières Ed. Rouergue – 206 pages Julie Plisnier

LE BLUES DES PHALÈNES Nous avons tous entendu parler du temps de la prohibition, une époque qui a vu éclore quelques visages légendaires de l’histoire des Etats-Unis. La période durant laquelle Al Capone a mis la main sur Chicago et où Elliott Ness défendait la loi à coups de calibre automatique. Des années de misère qui ont fait cortège au crash financier de 29, durant lesquelles les familles ne savaient pas de quelle manière manger demain, traversaient le pays pour trouver un emploi ou sombraient dans la délinquance ou la déprime. Valentine Imhof nous entraîne dans le blizzard de vies secouées par les coups du sort, les espoirs fous et les chagrins effroyables de deux hommes, d’une femme et d’un enfant qui espéraient renaître sur le sol américain pour aspirer à des jours meilleurs. Avec un sens du détail presque chirurgical, elle parle de la corruption, de la suprématie des blancs et de la violence qui éclatait partout. Un livre qui traite de fatalité parce que fuir le mal implique normalement de ne pas se faire rattraper par lui. Une fresque qui évoque les enjeux de la conquête moderne de l’Ouest du XXe siècle, des souhaits avortés et de la possibilité d’émerger lorsque les premiers signes d’accalmie se manifestent à l’horizon. Quatre destins et quatre récits qui s’entrecroisent et qui, par instants, se chevillent. Ed. Le Rouergue – 480 pages Sam Mas


UN PRÉNOM EN TROP Comment tombe-t-on dans le viseur d’un maniaque ? Surtout, de quelle manière mettre fin au harcèlement ? Rebecca expérimente une situation que bien peu de personnes connaissent et qui malmène son quotidien. Il a suffi d’une soirée pour qu’elle se trouve prise dans la toile tendue par un inconnu. Aidée par une collègue, elle entreprend de déjouer les pièges et d’identifier celle ou celui qui la pourchasse de son assiduité malvenue. Ce récit vitriolé est signé Christophe Carlier et a été récompensé par le Deuxième Prix du roman de la gendarmerie nationale. D’origine savoyarde, l’auteur n’en est pas à son premier essai. Sa signature orne plusieurs couvertures de polars, dont « Singuliers », « L’assassin à la pomme verte » ou « Renseignements distingués ». Porté par un suspense qui ne faiblit jamais, il propose un suspense dont il domine les codes et dont les boulons resserrent l’intrigue jusqu’au dernier tour. Tout démarre comme un cauchemar et prend lentement une ampleur démesurée. Il livre un thriller qui vaut son pesant de frissons et d’émotions. Méfiez-vous des apparences, car personne n’est à l’abri et il suffit parfois de pas grand-chose pour que tout bascule ! Ed. Plon – 312 pages Amélie Collard

LE BAL DES CENDRES Avec une couverture résolument classique, on pourrait croire à une réédition. Il n’en est pourtant rien avec ce cinquième roman écrit par Gilles Paris. Le cliché en noir et blanc fait office de faux cliché de vacances pour nous immerger non loin de la Sicile millénaire bercée par la présence d’un volcan imposant. Cette année, Anton, Ethel, Sevda, Thomas et plusieurs autres ont choisi d’estiver en logeant à l’hôtel Strongyle sur l’île de Stromboli, à l’écart de la foule et des amoureux des plaisirs de la plage. Le dépaysement leur permet un relâchement bienvenu, au point de se désinhiber complètement de tout ce qui faisait d’eux des êtres engoncés dans le ronron. Puis, lorsque le géant naturel menace de se réveiller, la panique s’empare de chacun. Face au danger, la nature des tempéraments dévoile mille lâchetés, un égoïsme sec, et des infidélités. Alors que les chapitres s’égrènent, le lecteur se surprend à découvrir que l’auteur joue avec le contraste qui oppose la lumière et les ténèbres, la chaleur du volcan et la froideur de l’individualisme, la lave noire et le sable si doré. Un été de tous les dangers qui a également pour conséquence dé libérer la parole et d’exacerber les conflits latents. Enfin, il n’est plus question de se contenter de raconter seulement une histoire, mais de se raccrocher aux bribes d’existences pour exposer la condition aliénante de la conscience humaine dans son dénuement total, transmettant ainsi une nouvelle donne sociale qui bouleverse en même temps plusieurs vies et un lieu géographique éclaboussé de soleil. Ed. Plon – 292 pages Paul Huet


LE PLUS BEAU LUNDI DE MA VIE TOMBERA UN MARDI Quel titre, un brin surréaliste ou en forme de boutade (c’est selon les envies !). Noah, tout juste dix ans, s’est fixé l’objectif de devenir le premier président métis des States. Du haut de ses dix ans, il ne pèse pas lourd et son bagou n’a pas l’air d’intéresser le voisinage, hormis Jacob un retraité qui se surprend à affectionner le gamin. De leurs échanges naît une amitié inattendue et surprenante. Mais la vie n’a jamais l’aspect d’un long fleuve paisible. Jacob le sait et Noah ne devrait pas tarder à l’apprendre. Camille Andrea nous suggère une belle fable pour laisser au vestiaire nos inhibitions, nos frustrations et notre vague à l’âme. Un livre bouleversant qui traite de la fragilité de la mémoire, du sens à donner à l’existence et aux rêves qu’il convient, bien sûr, de concrétiser en ruant dans le quotidien. Il se dégage de ce roman un bien-être réconfortant, quelque chose de très fort qui transparaît dans les dialogues égrenés et qui parlent de volonté, de ténacité, d’écoute et de souci de soi. Une belle découverte pour terminer l’agenda scolaire en cours ! Une note particulière pour la couverture attrayante. Ed. Plon – 219 pages Amélie Collard

LE LIVRE DU DÉSERT Mo-Hayder, également connue sous le nom Theo Clare, est l’auteure de dix livres dont sept ayant pour protagoniste l’inspecteur Jack Caffey. Décédée en 2021, elle a laissé des manuscrits inédits, dont celui-ci qui est publié à titre posthume et dont la suite devrait sortir imminemment. Il s’agit d’une fiction addictive qui traite de la cruauté du monde et de l’intensité d’une quête. Deux événements se déroulent simultanément à des kilomètres l’un de l’autre. En Virginie, une adolescente subit de plein fouet une série d’hallucinations qui la déstabilisent complètement. Plus loin, treize personnes, issues de différents milieux et venues des quatre coins du globe, forment un clan dans un désert hostile, menacées par des créatures assoiffées de sang qui n’attendent qu’à férir. Quels dénominateurs communs peuvent-ils exister entre ces deux récits ? A mesure que l’histoire se déplie, le lecteur en arrive à comprendre que rien n’est aussi vain que les apparences. Un concepteur de logiciels entre en scène et bouscule les certitudes. Ce livre-testament joue avec habileté la carte de l’angoisse et de la SF, avec un côté Stephen King toujours bon à emprunter, sans pour autant renoncer à une veine originale qui fait mouche et enchantera tous les amateurs de suspense mené sur les chapeaux de roues et sans digressions. Une histoire qui se fraie un chemin à toute vitesse et qui évite les lourdeurs parfois inhérentes au genre. Ed. Les Presses de la Cité – 556 pages André Metzinger


SEULS DANS L’UNIVERS Sara Seager est astrophysicienne canado-américaine et chargée de cours au prestigieux Massachusetts Institute of Technology. En 2013, ses recherches lui ont valu d’insignes honneurs et une bourse. Désignée par le magazine Times comme étant l’une des personnalités incontournables dans le domaine spatial, elle revient aujourd’hui sur un des pires moments de son existence. Mariée à Mike, le père de leurs deux enfants, celui-ci disparaît et tout ce qui la rassurait s’effondre. Une douleur profonde l’accable et elle remet en question le sens qu’elle donnait à ses jours. Puis, doucement, le rythme quotidien reprend. Pour celle qui ne s’intéressait qu’à la dimension du cosmos et à ses mystères, accepter la chaleur de proches l’aide à combler un vide incommensurable. Ce récit écrit à la première personne se veut d’une authenticité désarmante. Avec des mots justes, l’autrice évoque le deuil, l’absence de l’être aimé, la souffrance, la difficulté à se redresser et la renaissance. Loin de larmoyer sur elle-même, elle évoque l’espoir, la marche en avant du temps et un univers dont on commence à peine à soupçonner ce qu’il pourrait receler de merveilleux. Un témoignage à la première personne qui peut aider celles et ceux qui connaissent pareil désarroi à se ressaisir et à comprendre que, quoi qu’il advienne, la vie doit être vécue ! Ed. Presses de la Cité – 380 pages Julie Plisnier

CE QUE DISENT LES HIRONDELLES Le crash économique de 1929 a laissé des séquelles indélébiles et la vie se complique sensiblement un peu partout sur le continent, au point que l’inquiétude règne en maître, que la misère a mis un terme aux années d’insouciance et que de nombreux projets sont renvoyés dans leurs cartons. Pareil contexte n’encourage évidemment pas l’euphorie ! Pour s’en sortir, Henri a abandonné son élevage de chevaux et s’est lancé dans l’agriculture. Un nouveau départ ou, c’est selon, un changement de cap qu’il accepte avec philosophie. Mais la guerre commence à se profiler dangereusement. A Berlin, un leader harangue, menace et arme la nation au grand désarroi des pays voisins. A l’invitation d’un ami, Henri se rend en Allemagne et, horrifié, découvre la réalité du nazisme, la violence de sa doctrine et les purges qui progressivement se mettent en place à l’encontre des opposants et des minorités. L’agression de la Pologne confirme ses craintes. Catherine Boissel nous emporte dans une fresque qui retrace les années de guerre et suit le récit d’une famille embrigadée dans le conflit à l’instar de nombreuses autres. Ce roman évite les poncifs liés au genre, tout en gardant une ligne feuilletonnesque faite pour plaire. Une chronique qui ne manque pas d’ambition et qui parle de héros ordinaires, entraînés dans le souffle de l’Histoire, devenant tour à tour militaires, prisonniers, évadés ou résistants. Ed. Presses de la Cité – 445 pages Amélie Collard


RÉPUTATION Le dessin de couverture fait indéniablement songer aux romans de Jane Austen, bien ancrés dans les mœurs anglaises du XIXe siècle. Lex Croucher est également britannique et vit à Londres. Fascinée par l’époque des belles robes qui froufroutent et les soirées mondaines de l’autre siècle, elle a rédigé ce roman en se référant aux codes mis en place par son incontournable modèle. L’occasion de parler d’un microcosme et d’en relever les coutumes. Lorsque ses parents l’envoient chez un oncle au fin fond de la campagne, Georgiana craint de s’y ennuyer lamentablement. Contrairement à ses appréhensions et prise en charge par sa cousine Frances, elle découvre un monde de fêtes décadentes qui deviennent tourbillons. Rêveuse par essence, elle songe bien entendu de rencontrer le grand amour, sans se douter que l’existence pose ses pièges à l’insu de tous. Dans ce nouveau monde d’apparences, elle ne sait pas encore que le moindre faux pas peut s’avérer fatal. Avec un humour décapant et beaucoup d’esprit, l’auteure signe une comédie de mœurs qui traite de la futilité d’une jeunesse dorée sous la Régence mais qui aborde également des thèmes forts tels que la condition féminine, le racisme, l’homosexualité et la lutte des classes. La traduction française est due au talent de Jessica Shapiro. Ed. Presses de la Cité – 414 pages Sylvie Van Laere

LE TEMPS DES CONVOITISES De retour dans les Alpilles, Claire Césaire, journaliste ambitieuse embauchée à Provence Matin, assiste médusée à la rivalité qui oppose son supérieur et un manufacturier de tissus. Vaille que vaille, ce dernier tente de sauver son entreprise en cherchant à développer un lotissement. Choix qui ne fait pas l’unanimité et qui a l’heur de créer des tensions entre riverains. A la tête des opposants au projet, le papa de Claire, inscrit sur les listes électorales pour occuper la mairie. Un message anonyme avertit la jeune femme de plusieurs anomalies. Assurément, dans ce combat qui oppose Goliath à David, l’héroïne prend faits et causes pour l’opprimé et en arrive même à éprouver des sentiments qui pourraient s’apparenter à de l’amour. Avec une plume chargée de tout l’accent du Sud, Frédérick d’Onaglia parle d’une Provence aux mille odeurs, pleine d’emportements, et habitée par des personnages au tempérament vif qui se croisent, se bousculent ou se rapprochent, prêts à tout pour imposer leur point de vue. Une saga sans temps morts et qui multiplie les rebondissements. On en redemande ! Ed. Presses de la Cité – 414 pages Paul Huet


UNE CITÉ SI TRANQUILLE La paisible petite ville de Vannes est secouée par une vague de crimes dont les mobiles peinent à être cernés. Depuis que le cadavre d’une adolescente a été découvert sous une pierre tombale et qu’un couple sans histoire a été poignardé, rien ne va plus ! Isolés par leur hiérarchie, l’adjudant de gendarmerie Philippe Derval et le lieutenant de police Héloïse Daubert échangent réconfort et entraide dans le cadre de leur enquête respective, de plus en plus conscients que tout est lié en amont. Daniel Cario signe un polar contemporain assez sympathique qui prend l’allure d’un bon téléfilm du dimanche soir, qui joue avec les sentiments et qui refuse toute surenchère. Les personnages n’ont rien des supermen vus et revus dans les œuvres américaines et se servent de leur raison pour faire progresser les investigations. Bien sûr, l’amour les rapproche chaque jour un peu plus, sans qu’ils en aient directement conscience. Défendant les codes du polar à la française, ce roman dénote un indéniable sens de la tension, sait jouer avec le rythme et propose un bon récit qu’on ne lâche pas avant la conclusion. Porté par une plume efficace et une habileté narrative « Une cité si tranquille » remplit son office sans avoir à rougir du résultat. Ed. Presses de la Cité – 361 pages André Metzinger

LE JARDIN DES CYPRÈS Françoise Bourdon est de retour en forme olympique après plusieurs romans à succès. L’occasion de découvrir Nathalie, Isaure, Suzanne, Natacha et Amandine, une poignée de femmes qui serrent la vie dans leur paume et qui progressent sans se retourner. Certaines affichent un beau vécu, tandis que d’autres ont encore tout à prouver. Qu’importe finalement ! Qu’elles viennent du Jura, d’Île-de-France ou du Congo, chacune a désiré habiter en terre de Provence. Là, au hasard de nouvelles rencontres, de souvenirs qui émergent, d’une révélation ou de l’acceptation du temps qui fuit, elles apprennent à se ressourcer, à puiser ce qui est nécessaire à leur reconstruction. Sans jamais figer les situations, l’auteure esquisse également les contours de la solidarité féminine (voire féministe) inscrite dans le tissu social. Il importe de grandir quoi qu’il en coûte, de braver les interdits, de s’inventer une autre façon d’exister. Autrement, à force d’effectuer du sur-place, on s’enlise. Neuf histoires de femmes ancrées dans l’air du temps, avec des récits de résilience, de quête et d’identité sous un ciel d’espérance. Forcément positif ! Ed. Presses de la Cité – 299 pages Julie Plisnier


LA VIE TUMULTUEUSE DE MARY W Qui était Mary Wollstonecraft ? Samantha Silva revient sur le parcours de cette femme qui a donné naissance à une prose magnifique et malheureusement oubliée de nos jours. Au cours du XVIIIe siècle, il n’était pas coutumier de s’afficher publiquement lorsqu’on était née fille. En réaction à son époque, elle vivait librement, exhibait ses nombreuses conquêtes sentimentales, menait une existence tumultueuse et défendait le droit des femmes. A son actif, un pamphlet rédigé contre le patriarcat omnipotent. Elle y avançait l'idée que si les femmes paraissaient inférieures aux hommes, la chose n’était pas liée à la nature mais résultait du manque d'éducation appropriée auquel elles se trouvaient soumises. Mise au pilori par la société bien pensante, elle n’en demeurait pourtant pas moins un exemple d’émancipation salutaire à mettre en lumière de toute urgence. En partant de l’idée que peu avant sa mort Mary ait eu à cœur de se raconter, l’autrice effectue un voyage dans le passé pour se retrouver plongée dans un monde qui pratiquait la ségrégation et maintenait les injustices liées au sexe. S’ensuit un récit ardent, engagé et le parcours d’une guerrière folle de l’amour, de la vie et toujours prompte à combattre ce qui entravait ses agissements. Ed. Presses de la Cité – 378 pages Andrea Cerasi

LE CIRQUE DES MERVEILLES Le monde des Freaks a réellement existé. Au XIXe siècle, les cirques exhibaient des créatures difformes ou différentes. Un étalage de curiosités humaines, avec des phénomènes tels que des femmes à barbe, des géants, des nains. Un de ces spécimens les plus connus a été Elefant man, de son vrai nom John Merrick, Autre époque, autres mœurs ! Elizabeth MacNeal revient sur la disposition d’hommes de spectacles à mettre en scène les handicaps. Pour se débarrasser de sa fille et se faire de l’argent, Nell est vendue à Jasper Jupiter, un patron de chapiteau forain baptisé « Le Cirque des Merveilles ». Ses taches de naissance assureront le succès de la troupe. Puis, contre toute attente, elle voit son horizon s’élargir. L’amitié des circassiens la ravit et les attentions de Toby se transforment lentement en passion amoureuse, mais la jalousie du big boss menace de gâter sa félicité. Traduit de l’anglais par Alice Delarbre, ce roman chatoyant dévoile un univers misérable, avec de la dureté malgré la chaleur des applaudissements et la beauté des régions traversées. On se suspend à des moments de bonheur éphémères, en sachant bien que tout peut basculer sans crier gare, que le succès ne dure qu’un temps et qu’une épée de Damoclès pend au-dessus du crâne de chaque artiste. Les larmes ne sont jamais éloignées des rires ! Ed. Presses de la Cité – 462 pages Jean Lhassa


MEURTRES SANS ORDONNANCE Le nom de Charles Cullen a été oublié. Pourtant, l’homme a défrayé la chronique lorsqu’il a été arrêté en 2003 aux USA. Confronté à des détectives perspicaces, il a commencé par reconnaître les crimes sur lesquels les investigations portaient, avant d’avouer d’autres meurtres. Ebahi, le public s’est réveillé en compagnie d’un des plus terribles serial-killers du XXe siècle. Un homme d’apparence banale et qui, durant seize ans, pratiquait son job d’infirmer sans attirer les regards. Sa collaboration avec les enquêteurs a permis d’élucider plusieurs affaires morbides. Si le suspect a reconnu une quarantaine d’assassinats par injection létale, les experts osent porter le nombre à … quatre cents, faisant de lui l’un des pires prédateurs connus ! Charles Graeber s’est livré à un travail minutieux de reconstruction pour suivre son parcours, recoupant les rapports de police, les minutes des procès, les avis des experts psychiatriques, les articles de presse et plusieurs interviews de protagonistes, dont Cullen luimême. Il en ressort le portrait effrayant d’un être sans aucune empathie, victime de ses pulsions et d’une rare complexité. Réglé comme un papier à musique, cet ouvrage glace le sang ! Ed. Presses de la Cité – 363 pages Sammy Loy

LES RACINES DE LA VENGEANCE Kate Linville vient d’essuyer un échec et quitte Scotland Yard pour une nouvelle affectation à Scarborough, sa ville natale. Dans ses bagages, elle emporte les images du carnage qui l’a poussée à exiger une mutation. L’inaction n’a pas le temps de l’ankyloser, car elle sauve in extremis une femme poursuivie par un tireur. Malheureusement, cette dernière finit paraplégique. Nouveau coup dur ! Il est cependant mis à jour que des liens ténus relient ces deux affaires. L’arme utilisée serait identique et, on le sait, la balistique ne ment jamais. Convaincue de tenir cette fois le bon bout, elle décide de se remettre en selle et de traquer celle ou celui qui se cache là derrière. Sans le savoir, elle s’immerge dans une histoire trouble, beaucoup plus complexe qu’elle le croyait et réveille des démons qu’il aurait peut-être mieux fait de laisser sommeiller. Charlotte Link signe un thriller au goût de sang, ultraviolent et qui secoue le lecteur dans le ronron. En résulte un roman boosté à l’adrénaline, avec des concepts très popularisés par les auteurs de polars qui mettent en évidence l’éternel combat du Bien contre le Mal et qui ne ménagent pas la morale. Voilà le récit d’une renaissance par l’action, la prise de conscience, la lutte contre le renoncement et la piètre image qu’on peut avoir de soi. Enfin, au fil des pages, ce récit peut être traduit comme étant la parabole d’une société terrible, souvent rongée par une violence sournoise ! Ed. Presses de la Cité – 476 pages Paul Huet


QUARTIERS SUD Marseille la nuit. Toute une faune s’articule autour du port, dans les quartiers chauds. Un métissage de population qui n’a plus rien à voir avec le folklore si cher à Marcel Pagnol et sans Fernandel pour arroser le pastis. Les bars traditionnels ont fait place à des discothèques ou à des boîtes fréquentées par la jeunesse friquée et dans lesquelles l’alcool coule à gros bouillons, ainsi que la drogue qui circule de main en main. Julia, étudiante en droit surfe dans ce monde en compagnie de Gatien, avocat addict à la coke. Jusqu’ici, elle ne voit pas de mal à s’éclater pour décompresser des heures déroulées à la Fac. Elle ne sait pas encore qu’elle entame une descente aux enfers qui s’accentue lorsqu’elle croise Sofiane, rappeur et dealer. Fort vite, ses repères lui échappent et elle amorce un déclin entre corruption, sexe et sueur. Berengère de Montalier lâche un roman brut de décoffrage qui bouscule les clichés et qui ne s’embarrasse bien sûr pas du politiquement correct. Défendant la création d’une ambiance un peu clip vidéo, le récit dénote un indéniable sens de la narration, avec des personnages un peu typés et du spectacle qui ne flanche jamais. Un livre qui déploie un aplomb bien loin des fascicules pour touristes et qui ne fait aucunement office de guide pour voyageurs basiques. Marseille comme on ne la connaît pas ! Ed. Les Arènes – 296 pages Paul Huet

DE SEL ET DE SANG Le massacre des Italiens d'Aigues-Mortes reste l’un des pires souvenirs de l’histoire du XIXe siècle. Un événement survenu dans le Gard le 17 août 1893. Même si les chiffres opposent les historiens, on parle au minimum d’une dizaine de morts et d’une centaine de blessés. Certains évoquent le nombre de cent cinquante personnes lynchées à coups de bâton, noyées ou tirées comme du gibier, même si l’estimation paraît aujourd’hui exagérée. Il s’agit aussi d’un des plus grands scandales judicaires de l’époque, avec la relaxe pure et simple des agresseurs. Tout débute par une rixe entre villageois et travailleurs saisonniers venus du Sud. Les passions s’exacerbent et aboutissent à une authentique chasse à l’homme, avec un épilogue qui fait froid dans le dos. Vincent Djinda et Fred Paronuzzi exhument des cahiers jaunis du cours d’histoire cette tragédie humaine pour la doter d’une forme bédétesque. L’occasion de rappeler la lutte des classes, la portée délétère des discours nationalistes, l’aveuglement de la foule menée par quelques racistes notoires, le déchaînement de violence dont les humains peuvent se montrer capables et la manière dont les tribunaux s’emparent de l’une ou l’autre affaire pour l’expédier grâce à un simulacre de procès. Il suffit de lire cet ouvrage pour comprendre avec quelle célérité une étincelle peut embraser une communauté ordinaire et métamorphoser des citoyens lambdas en bourreaux. Ed. Les Arènes – 144 pages Daniel Bastié


PLEIN SUD Mexique 1866. Le pays est au bord de l’implosion. Les rivalités politiques divisent les castes et le désordre règne. Napoléon III, conscient que sa mainmise tient de la chimère, a prévenu ses hommes sur place qu’il cessera désormais d’envoyer des armes autant que de nouvelles troupes, refusant de gaspiller des vies humaines et de l’argent dans un bourbier délétère. Dans les zones reconquises par les autochtones, les représailles contre les Mexicains les plus compromis dans la collaboration avec l'Empire deviennent impitoyables. A cette même époque, Balthazar Cordelier, capitaine d’un vaisseau pirate, tombe entre les pattes d’Antoine Sampoli, sous-préfet du département de Vera Cruz. Pour sauver sa tête, il promet de mener son geôlier au fabuleux trésor enseveli d’un flibustier hollandais dont la réputation était immense. La fièvre de l’or s’empare de risquetout aussi peu scrupuleux que cupides et prêts à se damner pour des poignées de métal précieux. Benoît Marchisio nous embarque dans une aventure qui mâtine allègrement repères historiques et fiction pure. Une période fort peu traitée en littérature autant qu’à l’écran. Il nous emporte dans un âge de ténèbres qui renoue avec l’action pure, pour livrer poings et pieds liés un récit touffu, vertigineux et passionnant. Sans ambitionner autre chose que la distraction pure, il fournit un texte à placer entre toutes les mains, jamais vain et laisse voltiger les oiseaux clairs de l’imagination sans brides. Addictif ! Ed. Les Arènes – 535 pages Paul Huet

A LA RECHERCHE DE GIL SCOTT-HERON En 2000, Thomas Mauceri débarque aux States pour y suivre des études de cinéma. Alors que Bush préside le pays, il découvre la musique de Gil Scott-Heron. Une révélation ! Il sait déjà qu’il mettra tout en œuvre pour le rencontrer et réaliser un documentaire sur sa personnalité hors-normes. Néanmoins, le temps passe, tandis que l’artiste fait parler de lui dans les médias en prenant fait et cause pour la minorité afro-américaine, en dénonçant les ravages de la drogue et la ghettoïsation de nombreux quartiers. Malgré cela, il connaît lui-même des problèmes d’addiction et effectue plusieurs allers-retours en prison. Dix ans durant, Thomas Maureci tente de l’interviewer et multiplie les rendez-vous manqués. Lorsqu’une date se précise enfin (nous sommes le 27 mai 2011), son icone est hospitalisée et décède. Secondé par Sébastien Piquet qui transforme son témoignage en roman graphique, cet album revient sur le parrain du rap et rappelle à quel point le disparu s’est avéré un pilier incontournable de la musique, véritable mythe de la culture noire et poète à l’écriture engagée. Avis aux amateurs ! Ed. Les Arènes – 228 pages Jean Lhassa


LES FLEURS DE LA GUÉRILLA José Alberto Mujica Cordano dit Pepe Mujica a été président d’Uruguay de 2010 à 2015. Dès son intronisation à la tête de l’Etat, il a imposé diverses réformes, dont une augmentation des dépenses sociales, un soutien aux syndicats, le mariage homosexuel et le droit à l’avortement. Une révolution dans un pays reclus sur lui-même et empêtré dans les dogmes de la religion. Se voulant pragmatique, il n’a eu pour objectif que d’améliorer la vie de ses concitoyens tout en luttant contre les injustices sociales. Préférant une vie simple aux honneurs et à la richesse, il a continué à habiter sa ferme et à la cultiver. Lorenzo et Leo Trinidad se sont emparé de son parcours pour le condenser en roman graphique. Bien entendu, ils remontent à la période de son enfance pour cerner son caractère et son engagement auprès des plus démunis. Militant d’Extrême-gauche, il s’est forgé une conviction en fréquentant divers mouvements, dont celui des Tupamaros qui prônait la guérilla urbaine. Arrêté, il a subi treize ans d’incarcération dans les prisons de la junte militaire, tout en étant régulièrement torturé et menacé d’exécution. A sa libération, il a abandonné toute forme de lutte violente et a commencé à militer pour la paix. Le reste de son engagement est bien connu. Sénateur, puis ministre, il s’est retrouvé au sommet de la hiérarchie étatique, bien décidé à mettre en œuvre une série de mesures visant à faire entrer la nation dans la modernité. En 2015, lorsqu’il est retourné à la vie civile, il a laissé l’économie en bonne santé, loin du bilan de ses prédécesseurs. Ed. Les Arènes – 256 pages Paul Huet

HAPPY FAMILY – EMMÉNAGE Revoir ses valeurs, souhaiter changer d’existence et repartir à zéro. Qui n’a pas une seule fois voulu remettre les pendules à l’heure ou s’offrir une seconde chance ? Pourtant, cela engendre des risques et ne s’improvise pas. Peut-on tout plaquer sur un coup de tête, un coup de sang ou un coup de blues ? Assez vite, des limites s’imposent : le budget, les relations proches, la famille. Céline est prête à franchir le pas mais … Coincée entre un nouvel amour, deux jeunes enfants, un ex qui bougonne en permanence et une mère qui ne comprend plus rien à la vie. Tout paraît d’une rare complexité. Alors, elle s’organise tant bien que mal pour trier l’indispensable et ce qui l’est forcément beaucoup moins. Puis, il y a sa psy qui l’encourage à ne pas lâcher prise et d’aller au bout de ce qu’elle croit vital à ses yeux. Céline Bailleux se raconte avec beaucoup d’autodérision. Naturellement, il ne s’agit pas d’un journal 100% authentique, mais d’impressions glanées au hasard de fréquentations, issues de réflexions ou fruits de l’observation. Le ton est drôle et reflète la mentalité d’adultes coincés entre leurs rêves et la banalité du quotidien. Un constat se dresse : on ne s’impose pas aventurière en fronçant les sourcils et en se contentant de déposer les mains sur ses hanches. Plutôt que de privilégier le carnet de route, elle opte pour le genre bédé avec des saynètes chacune exposées en une seule page. Une bulle de bonheur, un brin ironique et d’une justesse imparable ! Ed. Michel Lafon – 48 pages Amélie Collard


LA GRANDE TRAVERSÉE DES ALPES Julien Moulin a grandi dans les Alpes et a longtemps été formateur pour accompagnateurs en montagne, avant de travailler dans le tourisme. Il a également imaginé le Tour du Saint-Bernard, un trekking de six jours. Aujourd’hui, il publie une série de randonnées pédestres qui permettent d’admirer un site qu’il connaît les yeux fermés et de rappeler à quel point il mérite d’être découvert ou redécouvert. Six cents kilomètres de promenade avec une soixantaine de cols à franchir, autant de villages à traverser et des souvenirs pour la vie. Du lac Léman aux plages de la Méditerranée, il est question d’une initiation à la marche qu’il soumet, une relation de partage en passant par le Mont Blanc, le Beaufortain, le Mercatour, la Marienne, le Queyras et quantité d’autres. Il s’agit ici d’un véritable guide pratique, avec les étapes qui se succèdent, le matériel à prévoir, la durée du trajet, mais surtout une kyrielle d’informations sur les lieux qui seront parcourus, multipliant les conseils pratiques autant que techniques. Un ouvrage enrichi de cartes et de photographies en couleur qui ravira les aventuriers, les amoureux de nature sauvage et les curieux. Ed. Favre – 167 pages André Metzinger

FRÉQUENCES DE NUIT - RÊVER JOHN LENNON L’assassinat de John Lennon par un fan au pied de l’immeuble où il réside fait l’effet d’une bombe dans l’univers de la pop. Avec sa mort, tout un pan de la culture musicale s’écroule. Le vide fait place à un réel désespoir chez ceux qui s’arrachent ses chansons. Parmi ces derniers, un garçon de douze ans fraîchement anéanti par le décès d’un proche et qui se raccroche à une station pirate parisienne qui lâche sur les ondes plusieurs émissions qui racontent la vie de l’icone, exmembre des Beatles. Perte de l’innocence, remise à plat de la réalité, fin d’une époque, entrée dans la sphère des adultes, hommage à l’un des plus grands créateurs de tous les temps, il y a un peu de tout cela dans le livre de Richard Apté, enseignant et contrebassiste à ses heures. Son écriture a été largement influencée par F. Scott Fitzgerald, Paul Auster et, parmi quelques autres, Henry James. Avec cet ouvrage, il revient sur un mythe à la lisière entre songes secrets d’un adolescent et structure urbaine, tapage des actualités et questionnements d’un collégien. Entre deux âges, on assiste à la traversée des apparences et à l’effondrement des chimères. Un roman qui se lit d’une traite avec, forcément, une musicalité qui relance les tubes d’hier et d’avant-hier. Ed. Baker Street – 220 pages André Metzinger


HUIT BATTEMENTS D’AILES En avril 2020, le monde retient son souffle, écrasé par le poids d’un nouveau virus qui a tétanisé chacun. La crainte était partout la même : se protéger pour survivre ! Selon les pays et en fonction des dispositifs mis en place, la réalité a différé d’une région à l’autre, avec des décideurs pas toujours prompts à saisir les mesures ad hoc à bras le corps. En vérité, plusieurs ne savaient pas quel discours prononcer, alternant les détails erronés et les mises en garde bien réelles. A travers le portrait de huit femmes, Laura Trompette parle d’un temps pas si lointain qui a provoqué des clivages, qui a soulevé la colère et qui a entraîné des morts par milliers. Cette fresque éblouit par sa puissance et sa justesse tout en offrant un roman puissant au rythme haletant qui rappelle combien la résilience est forte, que les liens humains se tissent au-delà des frontières et que les préoccupations humaines tiennent en une seule chose : dépasser l’horreur d’un moment pour retrouver les sourires, le bonheur d’exister et serrer contre soi celles et ceux qu’on aime. L’auteure offre un hymne à la sororité qui traverse les âges et les clivages frontaliers. Il s’agit de son neuvième roman. Ed. Charleston – 318 pages Paul Huet

LE DERNIER VOL Publié en feuilleton dans le magazine Liberty en 1930, « Le dernier vol » arrive enfin chez nous dans une version intégrale et brochée. Librement inspiré de l’expérience aéronautique de John Monk Saunders, ce roman revient sur un groupe d’amis au sortir de la première guerre mondiale et qui découvre le Paris enfumé des années folles. Pour ces vétérans de l’armée de l’air nés dans différents coins des Etats-Unis, le charme français opère et les pousse à accumuler les nuits pour profiter de la vie, boire et fumer plus que de raison. Puis, une femme fait irruption. Une fille lumineuse et enjouée prénommée Nikki, belle Américaine esseulée. En chœur, ils décident de l’adopter, non pas de manière romantique mais comme mascotte, et l’embarquent dans leur tournée effrénée jusqu’à Lisbonne. L’auteur propose une chronique désabusée sur une génération sacrifiée par la dureté du conflit, hantée par des images insoutenables et qui décide d’opposer un bras d’honneur à la fatalité. Les clins d’œil à Ernest Hemingway abondent et nourrissent le récit d’un charme qui contraste avec les descriptions entre tragédie et drôlerie. Pour ceux que la chose intéresse, ce roman a été adapté au cinéma en 1931 par William Dieterlé. Un énorme succès au box-office de l’époque ! On retient essentiellement que derrière leur légèreté apparente, les garçons mis en scène peinent à se projeter en avant, morts intérieurement et incapables de se réadapter à la société. Les affres des combats se conjuguent toujours aux cauchemars. Ed. Quai Voltaire – 336 pages Daniel Bastié


UN SINGE EN HIVER Nous avons tous en mémoire les déambulations de Jean Gabin et JeanPaul Belmondo sur une plage normande filmée en noir et blanc par Henri Verneuil sur fond de musique composée par Michel Magne. Un film qui remonte à l’année 1962 ! Aujourd’hui, nous avons droit à l’exhumation du roman qui a inspiré Michel Audiard au moment de rédiger les dialogues. Un livre signé Antoine Blondin qui met également en présence deux hommes qui n’auraient jamais dû se croiser. L’un, un trentenaire désabusé, vient récupérer sa fille en pension et l’autre qui vit dans les souvenirs d’une époque révolue, la soixantaine bien tassée. Ensemble, ils se mettent à nourrir des rêves d’évasion et d’espoirs en cherchant l’évasion dans le cul d’une bouteille d’alcool. Une nuit de beuverie qui ne débouchera même pas sur une amitié tangible, puisqu’ils partiront chacun de leur côté sans même se saluer. Au fil des pages, l’auteur déploie une verve bienvenue, un ton goguenard et des répliques qui font mouche. A travers la truculence de la situation, on devine le désespoir qui anime les deux protagonistes dont l’avenir précaire souligne l’urgence de parler et de boire en s’en saouler. Une amitié qui n’en est pas une et qui se singularise par de la tendresse, des confidences et une succession de regrets qui pourraient paraître bien amers si on n’osait pas en sourire. Ed. La Table Ronde – 208 pages Daniel Bastié

COMMENT JE SUIS DEVENUE DUCHESS GOLDBLATT Responsable dans une maison d’édition au bord de l’hémorragie et sur le point d’être vendue, la narratrice ouvre sur Twitter un compte au nom de Duchess Goldblatt, qui totalise aujourd’hui plus de cinquante-cinq mille abonnés. Un avatar de quatre-vingts et un an, originaire de Klein au Texas et résidant à Crooked Path dans l’Etat de New York. Double qui, bientôt, va phagocyter sa créatrice et primer sur la toile à travers une série de tweets semblables à des haïkus. Le cercle de fans grandit au point de devenir phénomène. Encouragée par son anonymat, elle se confie ouvertement à ceux qui la lisent. Un ton qui plaît. Elle traite de l’existence, de sagesse oubliée, de bonté et de messages positifs. Des mots qui lénifient par les temps moroses qui galopent, avec une justesse de ton qui fait mouche et une teneur qui vise à hausser le regard des hommes (et des femmes) en voyant ce que le monde peut leur apporter de meilleur. La photographie que l’on découvre sur la couverture et qui est devenue le profil représentatif de cette autrice inconnue est, en fait, un tableau de Franz Hals (1580-1666) intitulé « Portrait d’une dame âgée » Moitié autobiographique, moitié roulade enchantée dans les vergers de l’imagination, ce livre peut être défini comme une sorte de best of de ce qui a pu être découvert antérieurement et qui, par la grâce d’un coup de baguette enchanté, a permis à une étincelle de surgir des réseaux sociaux pour devenir un phare qui cristallise les regards. Ed. La Table Ronde – 262 pages André Metzinger


LES RÉSISTANTS DE DIEU Ecrasés dans l’étau de la seconde guerre mondiale, les religieux n’ont eu guère d’alternative que celle de résister. Si le peuple juif a particulièrement pâti du conflit, chrétiens et musulmans ont mis en place un système de résistance à l’oppression en se serrant les coudes et en créant des réseaux d’entraide. Chose qui a permis d’extraire des milliers de personnes des camps, qui a organisé des fuites vers la Suisse neutre ou de cacher plusieurs enfants dans des institutions catholiques. Les noms de ces héros ont été oubliés ou maintenus dans le silence pour hisser sur un piédestal les militaires victorieux. Jean-Paul Filleau revient sur cet autre aspect de la débâcle mondiale en soulignant le courage et la foi de ces individus animés par leur conviction pour se surpasser, prendre des risques parfois énormes et sauver des vies. Dans l’anéantissement d’une partie de l’espèce humaine planifiée par le régime de Berlin, de nombreux croyants issus de différentes doctrines se sont unis pour mettre à mal une dictature et contribuer à la victoire du Bien sur le Mal. L’évocation des années terribles 39-45 ne peut pas s’écrire sans exhumer leurs actions ni leur mémoire. Cet ouvrage leur rend la justice qu’ils méritent. Chrétiens, musulmans et juifs unis contre la barbarie nazie, voilà un combat que les historiens évacuent des livres scolaires et que l’auteur retrace avec minutie ! Ed. du Rocher - 540 pages Sam Mas

VOLODYMYR ZELENSKY – L’UKRAINE DANS LE SANG Encore inconnu chez nous il y a moins de six mois, Volodymyr Zelensky est passé à la postérité bien malgré lui. Comment cet ancien acteur devenu président d’Ukraine est-il devenu l’un des hommes les plus médiatisés de 2022 ? La guerre lancée par la Russie a grandement contribué à son ascension et son sens de la communication l’ont fait connaître partout dans le monde libre. Pour comprendre l’homme, il faut analyser son passé, le suivre pas à pas et saisir ses nuances, ses parts d’ombre, son rôle à la tête de l’Etat, ses relations aves les nations voisines, sa manière populiste de gouverner, le flou qu’il a volontairement entretenu durant des années entre le personnage réel et le champion qu’il est des médias. Raconter sa vie revient également à se plonger dans le récit de sa nation et du peuple dont il est issu, pour assister à sa métamorphose du saltimbanque vedette d’émissions télévisées à celui de chef de troupes militaires. Gallagher Fenwick s’est basé sur des témoignages de gens qui l’ont connu, de politologues, d’économistes, de journalistes et de parlementaires au sein de son parti pour saisir les nuances de ce Chaplin devenu en quelques mois un Churchill. Soutenir son action face à l’agression armée de Vladimir Poutine ne le dédouane cependant pas totalement de sa relation embarrassante entretenue par le passé avec l’oligarque Ygor Kolomoysky ou de l’affaire des Pandora Papers. Quoi qu’on puisse en dire aujourd’hui, il a su faire preuve d’un courage admirable en demeurant à Kievsous les bombes plutôt que de chercher à fuir à l’étranger et en galvanisant ses citoyens avec une ardeur qui ne peut que laisser admiratif. Ed. du Rocher – 247 pages Sam Mas


ANTONI GAUDI, L’ARCHITECTE DE DIEU Faut-il encore présenter l’architecte catalan Antoni Gaudi, maître du modernisme architectural qui a marqué Barcelone en lui offrent un de ses joyaux : la Sagrada Familia, bâtiment religieux au style hautement individualisé, blâmé avant d’être reconnu pour sa valeur intrinsèque. Il est toutefois vrai que son art ne s’éclaircit qu’au regard de sa foi. Patrick Sbalchiero signe une biographie qui s’intéresse à la croyance de l’artiste et qui parle d’un authentique aventurier de Dieu, en quête permanente de réponses, qui a fini sa vie dans la solitude et la pauvreté. Ici, la question d’adhérer ou non à son œuvre ne se pose pas. L’idée consiste à s’infiltrer dans son quotidien, dans son esprit d’ascète en quête permanente de tutoiement avec le divin, d’un homme qui souhaitait se hisser à la hauteur de ses ambitions pour servir le Tout-Puissant et de la manière dont il s’est mis à dessiner les plans de sa cathédrale. On le découvre à mesure que les chapitres s’égrènent, loin du flamboiement des plaisirs mondains qui jamais n’entraient dans sa sphère privée, avec une vie sociale réduite à peu de choses et une piété qui faisait partie intégrante de sa personnalité. Un essai qui part d’angles différents, à des lieues de tout ce qui nous a été souvent raconté. Au demeurant, la genèse d’une architecture majestueuse par le prisme d’un tempérament rare et insoupçonné ! Ed. Artège – 198 pages André Metzinger

SAUVÉE PAR UN MIRACLE Les médecins étaient formels : les dommages sont irréversibles et Mayline est condamnée ! Nous sommes en 2012 et, suite à un accident domestique, l’enfant de trois ans est emmenée aux urgences. Les examens ne laissent aucune place à l’espoir. La fillette est condamnée et restera dans un état végétatif. La science ne peut rien faire, car le cerveau a été atteint et affiche des lésions irréversibles. Pourtant, les parents s’accrochent et prient de toute leur âme. Que se passe-t-il ensuite ? Des signes de rémission sont constatés par le personnel soignant et l’espoir renaît. Aujourd’hui, Mayline va bien et son cerveau s’est régénéré. Les spécialistes ne comprennent pas et n'expliquent rien. Le hasard ? Emmanuel et Nathalie, le papa et la maman de la petite, leur opposent une autre vérité. Dieu est intervenu dans son immense miséricorde et a prodigué une attention particulière à la jeune malade. Emmanuel Tran raconte aujourd’hui le long processus de guérison, le parcours qui l’a amené à affirmer que Dieu se soit manifesté et à souligner le caractère miraculeux de cette histoire. Un témoignage qui nous entraîne dans les couloirs d’un hôpital, qui parle du personnel médical, du rôle de la foi et de l’incroyable victoire de la vie sur la mort. Grâce à sa ténacité et à son amour, le couple n’a rien lâché pour voir sa fille à nouveau debout et heureuse. Ed. Artège – 258 pages Sam Mas


LA NATION - UNE RESSOURCE D’AVENIR Avec ce qui se déroule en Ukraine, nous avons plus que jamais besoin de baliser la notion de nation. Un terme souvent utilisé à tort par nombre de citoyens et galvaudé par l’usage. Bernard Bourdin et Philippe d’Iribarne, respectivement professeur de philosophie politique et chercheur au CNRS, s’offrent une réflexion ayant pour objectif de circonscrire le vrai du faux et d’ouvrir le débat en trois longs chapitres euxmêmes séquencés. Après une définition pour remettre les termes en place, ils présentent la nation comme se voulant une ressource d’avenir afin de répondre aux défis contemporains et défendre la thèse de son renouvellement en tant que cadre politique d’émancipation dans une approche confédérale et non fédéraliste, avec l’intention de fournir des clés qui permettraient aux nations européennes de traverser les bouleversements du monde en demeurant ancrés dans l’Histoire. On le devine d’emblée, ce défi exige une volonté commune autant que l’expression de redéfinir ce qu’on nomme souveraineté et cohérence des communautés, surtout que de nombreuses régions sont confrontées à des flux migratoires et à un multiculturalisme galopant. Pas une mauvaise chose en soi, mais un état de fait qui amène certains gouvernements à revoir leur copie pour que puisse triompher la paix et les droits humains là où ils exercent. Ed. Artège – 113 pages Sam Mas

LES DAMNÉS DE L’OR BRUN – SALVADOR, 1822 1882, le commerce du chocolat connaît une expansion que personne n’imaginait. L’Europe se met à raffoler de cet or brun et plusieurs sont prêts à toutes les malversations pour maîtriser le filon. Le Brésil, toujours sous domination portugaise, est alors l’un des principaux producteurs de cet aliment précieux. Deux frères en arrivent à se confronter pour récupérer la plantation d’un riche propriétaire, alors qu’une jeune esclave déploie mille moyens pour s’affranchir et retrouver sa liberté. Fort vite, des choix s’imposent … souvent plus forts que la raison ! Chacun se trouve à un carrefour et il lui importe de ne pas se fourvoyer en empruntant un axe de biais. Didier Alcante et Fabien Rodhain ont imaginé un script tortueux pour nous plonger dans une époque violente avec en toile de fond les grandes exploitations de cacaoyers, la fabrique et la commercialisation du chocolat, sans oublier le travail forcé sur lequel s’est érigée cette industrie. Une histoire virevoltante, âpre et digne d’une saga dessinée par Francis Vallès au summum de sa forme ! Ce n’est pas un hasard si Jean Van Hamme (père de séries telles que « Thorgal », « Rani », « Les maîtres de l’orge » et « Largo Winch ») a préfacé ce premier tome en parlant d’une grande fresque et en soulignant qu’il ignore si ce récit plaira à nos chocolatiers car, après sa lecture, le cacao n’aura plus exactement la même saveur. A découvrir pour se forger un avis personnel et remettre certaines pendules à l’heure ! Ed. Glénat – 52 pages Daniel Bastié


FLICS AU PAIR Les panthères grises signent un fameux come-back avec le deuxième volet de leurs aventures. En guise de rappel : il s’agit de mamies flingueuses prêtes à tout pour faire triompher la justice et assumer leur bon plaisir. Sans surprises, Williams Crépin remet sur les rails Alice, Maria, Nadia et Thérèse qui refusent de vieillir bêtement en regardant les émissions pour séniors à la télévision ou en parlant de leurs artères. Lors de l’anniversaire organisé pour l’anniversaire d’Alice, elles découvrent cette dernière dévastée par un chagrin d’amour. Afin de pimenter l’après-midi, elles engagent un chippendale. Tout se déroule au mieux, sauf que la police investit les lieux pour espionner le voisin d’en face. Mauvaise idée, car les mamies décident de s’emparer de l’enquête et de mener des investigations en parallèle. Les quiproquos se multiplient et génèrent des situations rocambolesques, mélangeant le drôle et le sérieux, l’irrévérencieux et la caricature. En parodiant une série culte, l’auteur s’amuse et nous distrait de l’actualité pesante. Quatre septuagénaires délurées et qui ne mâchent pas leurs mots, voilà de quoi donner du fil à retordre aux criminels de tous bords. Décapant et d’une impertinence sans réelle méchanceté, voilà le ton choisi par ce polar peu conventionnel ! Ed. Albin Michel – 336 pages Andrea Cerasi

OÙ NAISSENT LES HÉROÏNES La vie ménage des surprises. De celles auxquelles on ne s’attend pas forcément. L’existence de Sylvie ne ressemble pas à un conte de fées. Alors, en désespoir de cause, elle décide de se moquer du regard des autres et de s’investir en allant au-delà de tout ce qui l’inhibait jusqu’alors. Brusquement, elle se laisse emporter par la petite voix intérieure qui lui murmure : « Laisse-toi aller pour vivre, jouir et profiter ! » Claire Vigarello signe un roman qui se veut une ode à la liberté, à des lieues du ronron, et en même temps un récit d’émancipation. Malicieuse et empreinte de tendresse, l’écriture colle aux pas d’un personnage qu’on découvre d’une timidité maladive, coincée entre un époux qui la délaisse, sujette à des frustrations professionnelles, éreintée par des mômes qu’elle ne cerne plus, en léger surpoids et attirée un collègue qui ne la laisse pas indifférente. De fait, un changement s’impose si elle n’entend pas se racornir comme une croûte de pain oubliée dans un tiroir d’un meuble de cuisine. Métamorphoser ses jours en feuilleton romanesque ne tient qu’à elle. Pour cela, il incombe de se secouer et d’oser ce qu’elle n’a jamais entreprit. Quelques secondes de courage pourraient suffire. Quelques secondes seulement ! Ed. Albin Michel – 411 pages Julie Plisnier


LES CHRONIQUES DE BOND STREET Faut-il encore présenter M.C. Beaton, l’auteure de la série Agatha Raisin ? Inutile bien sûr de s’appesantir sur sa biographie autant que sur sa bibliographie ! Changement de registre avec ce roman déjanté qui revient sur les mœurs des aristocrates désargentés du XIXe siècle londonien. Malgré sa condition sociale, lady Fortecue, veuve septuagénaire, ne possède ni rente ni héritage. Dans pareille situation, il apparaît difficile de vivre dignement. Un dilemme se pose : cesser de dépendre de l’aide familiale ou se séparer d’une partie du mobilier qui meuble sa grande demeure. Elle décide finalement de transformer son domicile en pension, mais l’un de ses neveux voit cette initiative d’un très mauvais œil et se met en tête d’endiguer son projet. Ce roman évoque une espèce de « Orgueil et préjugés » avec des personnages improbables qui ruent dans les brancards pour sortir des codes et qu’on se surprend à adopter au quart-de-tour. On se plaît à découvrir les chapitres qui s’enchainent et on s’attache au combat qu’ils mènent. On y retrouve à la fois le charme des autres romans de cette autrice malheureusement disparue récemment, tout en étant un peu dérouté par son choix d’abandonner l’univers des thrillers cosy pour adopter la veine de la satire populaire et de la fresque sociale. Après cette histoire en deux récits qui se succèdent, on ne regardera sans doute plus la Régence avec la même déférence Ed. Albin Michel – 365 pages Sam Mas

CHUTE LIBRE Suspense garanti avec ce thriller paranoïaque de T.J. Newman, capable de mitonner des récits à glacer le sang au quart-de-tour. Alors que rien ne laisse présager le drame à venir, des passagers embarquent à bord d’un vol à destination de New York. Accueil sympathique, sièges confortable, personnel aimable. Sauf que, peu avant le décollage, la famille du pilote a été kidnappée. Pas de rançon, mais une condition pour qu’elle ait la vie sauve. L’appareil doit se crasher ! Le pitch de ce roman est bien sûr de faire monter l’adrénaline et d’entraîner le lecteur dans un labyrinthe avec, au bout, une mort planifiée (celle des passagers ou des victimes de l’enlèvement, à moins qu’il s’agisse de celle des terroristes ?). Best-sellers aux Etats-Unis, ce livre fait partie de ceux qui ne laissent pas de marbre et qui jouent habilement avec les nerfs. Chaque chapitre resserre les écrous d’une machination abominable et on ne voit pas de quelle manière s’en extraire. Puis, il y aura peut-être un deus ex machina, une conclusion heureuse qui plaira à tout le monde avec un retour de la justice triomphante ? Pourtant, aujourd’hui on le sait, en littérature autant qu’au cinéma, le mal triomphe souvent. Rien ne nous est épargné et on s’identifie avec le protagoniste principal qui ne sait plus à quel saint se vouer, coincé entre son amour des siens, son zèle professionnel et l’état de sa conscience. Manichéen ! Ed. Albin Michel – 345 pages Daniel Bastié


DANS LE DROIT CHEMIN Août 2018, un vendredi soir, le vol Munich-Paris clôt les vacances en couple de Tarik Sahibeddine, un ancien boxeur. A bord, un homme menace de détourner l’appareil. L’ex-champion, sans baisser la garde, maîtrise l’inconnu. En quelques secondes, il retrouve sa notoriété passée et son visage apparaît sur les réseaux sociaux, affichant les traits d’un héros de notre époque. Né au Maroc, le sportif a cependant failli lui aussi sombrer dans la délinquance, poussé par de mauvaises fréquentations et attiré par l’argent facile. Un passage par la case prison lui a fait saisir ses erreurs et l’a engagé à se ressaisir. Le sport est devenu sa planche de salut et, très vite, il a accepté un job d’éducateur de rues pour aider ceux auxquels la vie n’a pas fait de cadeaux. Le ring lui a également ouvert les bras, avec les succès que l’on connaît. A travers cette autobiographie, il entend relater son parcours hérissé de bas et de hauts et relayer plusieurs questions telles que la scolarité, l’intégration des migrants, les injustices sociales, les quartiers abandonnés par la classe politique, la résilience et la volonté qui pousse à sortir de la fange. Un témoignage à la première personne qui prouve que rien n’est jamais vain et qu’on se bâtit par soi-même à force de détermination et de ténacité. Ne jamais rien lâcher, voilà son credo ! Ed. City – 237 pages Sammy Loy

SAUVE QUI PEUT A quoi ressemble le quotidien d’un pompier volontaire ? Loin des poncifs, Patrice Romain parle de ce métier peu (ou mal) connu. Avec humour, il collationne les bons et moins bons moments de son parcours sous l’uniforme. Vingt-deux années pour affronter mille situations et servir le citoyen ainsi que la collectivité. Les anecdotes ont ici le mérite d’être authentiques. En sa compagnie, on sourit, on frémit et on tremble. Le danger peut naître n’importe où et adopter cent visages. A côté des incendies à circonscrire, sa tâche consiste également à attraper un singe dans un arbre, à emmener à l’hôpital un gamin qui s’est coincé le sexe dans sa braguette, à éviter la charge d’un sanglier ou à sauver un homme victime d’un malaise cardiaque. Pas de routine donc ! Servi par une plume qui refuse les formules lisses, Ce livre nous sert un échantillonnage de la comédie humaine qui a l’heur de résumer les tâches d’une profession que nous résumons souvent à une sirène tonitruante et à des autopompes qui traversent la cité à vive allure. Puis, en partant en mission, les hommes du feu savent qu’ils se mettent eux-mêmes en péril, malgré toutes les précautions d’usage, une tenue idoine et un entraînement intensif. Face au bûcher d’un immeuble incandescent, ils doivent oublier la peur, car le travail doit être accompli quoi qu’il en coûte. On parle bien sûr de vocation, puisque ce n’est pas pour le maigre salaire ou le prestige de l’uniforme qu’ils s’engagent ! Ed. City – 258 pages Sammy Loy


CHOU À LA CRIM’ Chercher à concrétiser ses rêves revient à ne pas trahir ses ambitions. Gemma sait de quoi elle parle, puisqu’elle a tout abandonné pour inaugurer un salon de thé cosy dans le petit village des Costwolds, laissant derrière elle un job fort bien rémunéré mais mené sans passion. Pour sa nouvelle affaire, elle creuse son compte bancaire et retourne se domicilier chez ses parents. Contre toutes attentes, son négoce démarre sur les chapeaux de roues et le public se presse pour découvrir la carte qu’elle a concoctée. Malheureusement, un drame freine le succès de son enseigne, lorsque le cadavre d’un touriste est découvert dans son établissement. Les premiers indices laissent entendre qu’il aurait été empoissonné par l’une de ses délicieuses pâtisseries. Pour elle, il y a anguille sous roche. Quelqu’un cherche à lui nuire ou, alors, se sert d’elle pour éliminer une personne gênante. L’inspecteur Devlin se met à la remorque de l’enquête qui est ouverte. Bien entendu, les commères du bled y vont de leurs explications, pointent du doigt l’une ou l’autre personne et alimentent la rumeur. Le résultat est tel que le salon de thé se vide, littéralement déserté par les habitants autant que par les clients de passage. On le sait, une mauvaise réputation plombe le business ! Alors, pour ne pas céder à la déprime, elle retrousse ses manches et se lance à la poursuite d’un suspect potentiel. Le dessin de couverture, la collection et le résumé du roman ne laissent place à aucun doute, on se trouve bien en présence d’un polar 100% british dans la veine des aventures d’Agatha Raisin et autre Miss Marple, avec un décor fait de ruelles qui se croisent et une population qui vit dans un microcosme typé. L’écriture est naturellement charmante, avec une part du récit laissée à la description des caractères locaux, puis une partie qui lorgne du côté des thrillers jamais violents mais efficaces publiés chez le même éditeur. Ed. City -304 pages Daniel Bastié

LA MENACE 732 Entre thriller et fiction politique, Frédéric Potier nous immerge dans un monde post-élection. La démocratie se trouve menacée par un groupuscule d’extrême-droite utilisant le nom de « Martel 372 ». Son action vise à déstabiliser l’Etat et à imposer un règne de chaos en clivant la population. Chargée de la direction générale de la sécurité au sein de la DGSI, Nina Meriem enquête sur les membres de ce mouvement de plus en plus actif par le biais d’actions violentes. La contestation gronde. Mêlant actualité et figures publiques savamment détournées, l’auteur peaufine un roman qui risque de devenir culte, richement documenté et qui multiplie les références, sans omettre un ton feuilletonesque qui se dévore d’une traite. Bien sûr, entre les lignes, on peut y voir une mise en garde contre le fascisme et les grandes déclarations populistes qui visent à abrutir les électeurs. Puis, à mesure que les chapitres se consomment, on découvre abasourdi qu’une autre réalité se terre dans les coins d’ombre : plusieurs pays étrangers interviennent sournoisement pour piper les dés. Une fiction addictive qui donne froid dans le dos, avec des figures de proue parfaitement crédibles et une narration qui secoue ! Ed. L’Aube – 344 pages Paul Huet


DANS LES PAS d’ALVARO URIBE VELEZ, LE PRÉSIDENT DE LA MAFIA Ce livre se veut un document dans la mesure où il relate le destin de deux personnages qui ont inscrit leur nom dans les annales. Si Pablo Escobar est bien connu comme narco-trafiquant et qu’une série télévisée a relaté son existence aventureuse, il n’en est pas de même pour Alvaro Uribe Velez, un citoyen obscur qui a doucement accumulé les postes politiques en devenant tour à tour préfet d’Antioquia et président de Colombie. De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour le dénoncer comme génocidaire le plus cruel d’Amérique latine. Bien entendu, ses liens avec la mafia ne sont plus à prouver. Guylaine Roujol Perez fait le récit de deux personnalités unies par le destin et qui, peu à peu, ont gravi les strates de la société en usant de multiples complicités, en accumulant les exactions et en faisant fortune grâce à l’argent sale. Un livre choc qui montre la collusion de certains hauts représentants du pouvoir et les gangs, qui secoue nos connaissances concernant la drogue et qui parle d’un monde auquel nous sommes totalement étrangers. Bien sûr, on se trouve à des lieues de la vie romancée du Sieur Pablo et de ses complices telle que la petite lucarne nous l’a déclinée. Aujourd’hui, toujours, l’ex-homme fort du pays est mis en cause dans une cinquantaine de procédures judiciaires, allant de corruption à plusieurs massacres commandités. Ed. Fauves – 228 pages Sam Mas

RENDRE LE SOIN AUX SOIGNANTS ! Ils ont été applaudis tous les soirs durant la crise du Covid et les entités politique leur ont promis une enveloppe pour exercer dans de meilleures conditions, revaloriser les salaires et engager du personnel supplémentaire. Qu’en a-t-il réellement été ? On le sait, la santé est inséparable des préoccupations sociales et environnementales avec une multitude de défis à relever. Il aura fallu la pandémie pour mettre en exergue le savoir-faire du monde médical, se rendre compte à quel point il est capital, mais également pour en saisir les failles et le délabrement. Ce livre vise deux objectifs d’importance : donner la parole aux acteurs de la profession (infirmiers, brancardiers, urgentistes, sage-femmes, etc.) et à plusieurs individus issus de la société civile (chefs d’entreprise, étudiants, etc.) afin de tirer des leçons de cet exercice citoyen hors des champs institutionnels habituels. Il en ressort un cadastre peu reluisant avec trois exhortations qui portent sur la justice économique et sociale, la confiance des pouvoirs fédérés envers les soignants et la refonte de notre système de santé. Il appartient aux politiques de réagir sans tarder, autrement le fossé risque de s’élargir de manière exponentielle. Selon Hamama Bourabaa, l’urgence se situe à notre porte et les mouvements de grogne n’iront pas en s’amoindrissant faute de réactions idoines et rapides. Ed. Fauves - 382 pages Sylvie Van Laere


BROUILLARTA Roxanne, Maria, Carmen et Amayra sont quatre visages qui interpellent les passants. L’action se déroule à Biarritz. Un coup de brouillarta génère la montée des eaux et le salon de thé où la toile est exposée se retrouve inondée. Le tableau est endommagé. Du coup, les modèles représentés perdent une partie d’eux-mêmes. Entre le réel et le fantasmé, Eve Jauréguiberry nous parle du passé de chaque protagoniste. Disparition d’un être aimé, amour déçu, souhait de vengeance … Des sensations anciennes se ravivent avec une troublante acuité. Livre au féminin, il dresse essentiellement le profil de quatre tempéraments face à l’urgence qui suggère que tout passe par l’action et qu’il importe de ressentir ses émotions pour exister. Sans jamais fournir de clé de lecture, l’auteure suit le parcours de ce quatuor singulier pour en relever le mode de fonctionnement, les manières d’apprivoiser les frustrations, d’appréhender la mort en la rendant plus acceptable et de ne pas s’épuiser dans des combats stériles dont tout le monde se fiche éperdument. Ed. Serge Safran - 142 pages Amélie Collard

ORGYIA SATINA Les réunions ont ceci de particulier que, parfois, elles tournent au pugilat. Au point de se demander ce qui a poussé Satine à imaginer l’organisation d’une pendaison de crémaillère dans sa nouvelle maison sise à Saint-Geniès-des-Mourgues à un bond de Montpellier. Les invités tiennent en une série d’amies et d’amis rencontrés sur les réseaux sociaux. Parmi eux, un bel aperçu de la faune citadine, avec un peintre dépressif, un reporter incapable de juguler sa libido lorsqu’il se trouve en présence de jolies femmes, une toxicomane, un romantique éconduit, un fétichiste et un ex revanchard. Personne de bien reluisant ! Evidemment, la conjonction de tous ces tempéraments ne peut qu’allumer la mèche d’un baril de poudre ! Fort rapidement, la soirée débranche et les caractères réels se mettent en exergue avec une série de ragots, de railleries et de mots durs qui s’enchaînent. Nicolas Roiret orchestre ce jeu de massacre et fait preuve d’une maestria pour exacerber ce que chacun possède de plus vil. On le devine, la nature humaine mise à nu n’engendre rien (ou si peu !) de reluisant, surtout lorsque l’alcool vient arroser les frustrations ou les rancœurs. Les langues se délient, dardent les phrases qui font mal et rendent le dialogue encore plus complexe. Quinze jours plus tard, à Paris, l’heure est aux représailles et les comptes se règlent cash ! Ed. Serge Safran – 295 pages Paul Huet


CHERCHEURS D’OR Salué par Claude Lévi-Strauss pour sa « candide fraîcheur », ce roman nous entraîne dans les marécages de la Guyane française, à la poursuite des garimpeiros, les chercheurs d’or qui polluent les rivières et leurs pêcheurs, les Indiens Wayanas empoisonnés par le mercure. Le crash d’un avion de tourisme est le point de départ d’une enquête menée par Charly Selrac, le conseiller du Président dépêché dans ce département d’Outre-Mer. D’abord neutre, Charly ne tardera pas à découvrir la collusion entre l’or et le pouvoir. Il découvrira aussi la nature sauvage et magnifique sur laquelle veillent les Wayanas, bien décidés à sauvegarder leur forêt, leurs rites et leur culture ancestrale héritée des Caraïbes. Il sera initié par un chaman aux rites de la forêt. C’est raconté dans une langue fluide riche d’images. Et riche de mille et une observations qui nous font pénétrer au cœur de l’enfer vert, paradis des Indiens mais bagne pour tous ceux qui y cherchent l’or sous la férule de leurs tortionnaires. Les notes nombreuses en bas de page nous montrent que l’auteur s’est soigneusement documenté pour écrire son roman, qui s’apparente à un récit de voyage nourri d’une grande observation recueillie sur place. C’est le premier tome d’une série de voyages réunis sous le titre de Koh Tan, l’île au trésor située dans le sud de la Thaïlande où l’auteur a établi sa résidence, et qui lui sert de point d’encrage, ou d’arrimage, pour écrire ses romans. C’est publié dans une édition locale qui n’est pas à l’abri de quelques fautes d’impression. Jean-Charles Courcot est un aventurier hors pair. Romancier, librettiste, créateur de mode, metteur en scène, il a beaucoup voyagé dans le monde avant de se fixer en Thaïlande. C’est un épicurien éclectique, comme il se définit lui-même. Après avoir écrit deux essais et quatre comédies musicales, il signe ici son cinquième roman, qui est aussi le premier d’une pentalogie. A suivre donc pour découvrir les aventures de Charly Selrac sur www.jeancharlescourcot.com. Ed. Arts & Iles - 233 pages Michel Lequeux

FRIS5ONS Le temps de se retourner pour élever des enfants, de passer par la case obligatoire « vie normale » avec le boulot, la maison, la voiture, le jardin, les courses et les factures qui vont avec, il y a un demi-siècle qui a filé entre ses doigts. Plus vite que le sable des plages de la planète rouge où il s’est si souvent promené en imagination bercé par le somptueux Life on Mars ?, pauvre et dérisoire Ziggy Stardust. Dans la glace, Patrick éprouve de la peine à reconnaître l’adulte blanchi qui occupe la place de l’ado de naguère : l’ado dégingandé rempli de certitudes fragiles et de rêves f(l)ous. Tempus fugit ! Toutefois, économe, avec le temps grappillé seconde par seconde dans la vraie vie, Patrick Verlinden s’est réservé des moments secrets pour se consacrer à son art : la plume. Un livre, puis deux, puis trois … puis vingt ont envahi son propre rayon dans sa bibliothèque. Il a vu naître le premier ouvrage, le reste ne fut que de la continuité appliquée. Après 50 années, il a voulu marquer le coup en revenant à son art premier : la nouvelle. Elles sont étranges, fantastiques ou de science-fiction. Elles vous mèneront dans des endroits où vous ne souhaitiez pas aller, quand elles ne vous perdent pas tout simplement et à vous de vous en sortir à moindre frais… ce n’est plus son problème. Et si jamais vous croyez deviner la fin, rassurez-vous, elle sera pire encore. Après la lecture de ce recueil, vous n’oublierez plus jamais votre livre sur le banc d’un parc… On ne sait jamais. Editions Penthaymore – 250 pages Mythic


BALADES DANS LES PAS DU POÈTE - EMILE VERHAEREN « L’article », collection littéraire lancée par les éditions Lamiroy, accueille chaque mois un texte où un auteur, une autrice exprime son admiration pour un autre auteur. Les styles et « cris du cœur » se sont succédé sans jamais se ressembler. L’article no 20, signé par Kate Milie, est consacré à l’oublié Émile Verhaeren. Kate, on vous doit, quelques polars, des romans où vous mettez en scène la vie de grands peintres (Klimt, Spilliaert…), un guide de balades décalées, etc. Et, Ô, surprise… On vous découvre un vif intérêt pour Émile Verhaeren ? Je vais être franche, je ne me suis jamais intéressée à la poésie « classique » et ne connaissais pas très bien Émile Verhaeren avant de m’être lancée dans l’écriture de ce petit texte. Bon, ceci dit, dans un passé qui commence à devenir lointain, j’ai mené une réflexion sur « l’urbain » et eu l’occasion de découvrir certains de ses vers… et les avais trouvés intéressants… La vraie « rencontre » s’est faite quand je me suis documentée sur la vie de Léon Spilliaert à qui j’ai consacré un roman paru fin 2020 chez 180°degrés éditions. Léon Spilliaert fut un des illustrateurs d’Émile Verhaeren, n’est-ce pas ? Oui. Les deux hommes étaient amis et se vouaient une admiration réciproque. Afin d’essayer de « cerner » la personnalité de Léon Spilliaert, je suis allée jusqu’à lire une biographie de Verhaeren. J’ai été saisie, par son parcours, sa vie incroyable, ses sympathies pour le mouvement anarchiste, ses engagements, ses relations et certains de ses écrits ! Pourquoi avoir présenté votre article sous la forme d’un guide de promenades ? Les biographies consacrées à Verhaeren ne manquent pas… Des tas de personnes érudites et compétentes ont finement analysé son œuvre… Je ne me voyais pas, avec mes gros sabots, reproduire péniblement et maladroitement un travail déjà fait ! J’avais envie de légèreté, de ludique, de créativité ! Comme j’aime beaucoup me promener quand j’écris, l’idée d’un petit guide de balades est rapidement venue à moi… En deux mots, sans trop dévoiler votre travail, où peut-on retrouver des traces d’Émile Verhaeren ? Un peu partout ! Les petits musées, les grandes salles muséales, les lieux symboliques ne manquent pas... en Flandre, en Wallonie, à Bruxelles ! Un lieu vous a-t-il particulièrement marqué ? L’élément eau exerçant une totale attraction sur ma petite personne, -surtout quand j’écris-, spontanément, j’ai envie de répondre que j’ai été happée par l’Escaut. Le « fleuve immense » est particulièrement sauvage, vaste, ondulant à Saint-Amand, village où Verhaeren est né. Son tombeau, placé dans un face à face marin avec le fleuve, est impressionnant. J’ai écrit une grande partie du « Mystère Spilliaert » à Ostende. J’ai tenu à terminer l’article en bord de mer. Émile Verhaeren est aussi intensément, passionnément, associé à la mer du Nord ! À l’instar des « Opuscules », la collection « L’article » doit comporter 5000 mots. Comment avezvous vécu cette expérience ? Comme une contrainte librement consentie ! Personne ne m’a obligée à me lancer dans cette aventure ! À part les 5000 mots, la liberté est totale chez Lamiroy… En effet, votre texte est accompagné de 10 pistes créatives. Pourquoi ce choix ?


J’ai écrit « L’’article » avec l’envie de « dépoussiérer » l’œuvre d’Émile Verhaeren, montrer à quel point le poète a toujours beaucoup à dire à notre modernité… que ses engagements sont plus que jamais d’actualité… 10 propositions créatives mêlant écriture, dessins, collages ont pour but de se réapproprier –à leur façon- une poésie magnifique ! Des rencontres, Kate, sont-elles prochainement programmées ? Oui. Samedi 11 juin, j’aurai le plaisir de présenter mes dernières publications à la bibliothèque de SaintJosse. Samedi 3 septembre, Guy Delhasse organise une balade littéraire « Sur les pas de Léon Spilliaert » sur base de mon roman…. Il y sera aussi question d’Émile Verhaeren bien sûr… Editions Lamiroy – 48 pages Propos recueillis par Sam Mas

HYPER TEXTUEL Si Jacques Brel n'hésitait pas à appeler "un chat, un chat", Eric Neirynck n'hésite pas à appeler une "chatte, une chatte" avec un naturel égal, n'en déplaise aux plus "coincés" qui parleront d' aplomb synonyme, ici, d'impudeur. Voilà donc une écriture sans ambages, une écriture directe qui vous prend aux tripes ! Pas de retenue, l'auteur y va franco, au diable les tabous ! Il parle de sa bite ou d'un gang bang comme je parle de mon chien ou de la dernière victoire de l'Union Saint-Gilloise. C'est donc parfois très cru, très "violent" mais ô combien réel, mais ô combien profond (dans tous les sens du terme). Si profond même qu'on se sent concerné, mieux, qu'on s'y retrouve, mieux encore, qu'on s'y reconnaît ! Eric Neirynck traduit donc les sentiments d'une vie ordinaire, la sienne, à travers des petits textes, des petites chroniques. Mais cette vie ordinaire, c'est devenu aussi la nôtre dans une confondante ressemblance avec ce désespoir profond qui nous étreint face à la banalité du quotidien et aux échecs de la vie mais qui laisse malgré tout entrevoir par interstices une lueur d'espoir notamment par la grâce d'intenses émotions affectives. Tragédie d'une vie ordinaire au quotidien avec ce foutu temps qui passe, ce foutu temps qui lasse jusqu'au point de non-retour avec cette curieuse maladie dont il est question au dernier chapitre ou à la dernière chronique du livre : la maladie de Rieux ! Une maladie dégénérative conduisant doucement mais inexorablement à l'absence totale d'érection et d'éjaculation ! Quand je vous disais qu'on se sent concerné ! Editions Lamiroy - 124 pages Alain Magerotte


THE ROLLING STONES : BLACK AND COLOR Que dire de cet opus ? Paul Coerten fait partie des photographes spécialisés dans le show-business parmi les plus insignes. Ses clichés ont fait l’objet de parutions dans de nombreux magazines et de multiples revues, tout en étant immortalisés dans des albums consacrés à l’un ou à l’autre groupe de rock. La présente idée a été de rassembler quelques-unes de ses créations argentiques et de les combiner à celles captées par François de Brigode, présentateur bien connu du JT sur la RTBF, pour offrir un regard sur presque un demi-siècle de carrière et d’évolution du mythique groupe porté par Mick Jagger. Du noir et blanc à la couleur, quarante-cinq années des Rolling Stones sont résumées en vingt-six prises. Peu ! lâcheront certains. Beaucoup ! clameront d’autres, puisqu’il s’agit d’inédits qui viennent compléter ce que les fans possèdent déjà. Marc Isaye (membre et créateur de Machiavel et ancien directeur de Classic 21) s’est proposé pour une préface imprégnée de souvenirs personnels. Avec cet opus à peine plus grand qu’une main, le passé se réveille, les sons abondent et les rythmes rock font chaud au ventre. Revoir les Stones à plusieurs décennies d’écart reste un exercice sur la longévité du groupe autant que sur la course du temps qui cavale. Une Madeleine de Proust ! Ed. Lamiroy – 34 pages Sam Mas

L’ISLAM ET LE CHRISTIANISME AU DÉFI DE LEURS THÉOLOGIES Cet ouvrage propose une approche nouvelle des deux grandes religions monothéistes en empruntant des pistes aussi diverses que l’anthropologie, l’Histoire et les mouvements sociaux qui sont passés par la colonisation, les guerres et l’immigration. Bien sûr, il importe de soulever la question de la Foi et des doctrines sans les opposer les unes aux autres et de replacer l’Homme du XXIe siècle face à Dieu et à ses défis. L’occasion de parler de certitudes, de doutes, de quêtes, d’angoisses et de questionnements. On ne peut évidemment pas évoquer le christianisme et l’Islam sans croiser les regards, en feignant ignorer leurs similitudes autant que leurs fissures. Les tentatives de rapprochement existent tant dans les textes que dans la volonté de (certains) croyants. Farhad Khosroshavar et Mohsen Mottaghi ont rédigé une analyse fouillée et moderne qui vise à découvrir ces deux courants différemment et mettre en exergue ce qu’ils peuvent s’apporter en termes de richesse intellectuelle autant que spirituelle, relier ce qui peut l’être au lieu d’opposer. In fine, l’action dépend de gens de bonne volonté. Il s’agit de ne plus se croiser les bras ni de procrastiner, mais et de ranger les divergences pour insister sur la place de la démocratie et envisager une autonomie du social par rapport au religieux. Il ressort de leur essai qu’on est confronté à un choix. Soit on apprivoise la théologie soit elle risque de s’ensauvager. Ed. Rue de Seine – 444 pages Sam Mas


LES SYNDICATS PEUVENT-ILS MOURIR ? Les syndicats sont ancrés dans l’époque contemporaine, avec un modus operandi bien connu. Ils allient les travailleurs pour porter leurs revendications à un échelon supérieur et faire front de masse. La grande question qui se pose aujourd’hui consiste à appréhender leur futur. La crise du Covid, les hauts et bas économiques, la guerre en Ukraine et la menace sur le pouvoir d’achat ne sont-ils pas en train de modifier la donne ? Face au mécontentement de plus en plus généralisé, à l’abandon de certains idéaux et à l’individualisme croissant, n’existe-t-il une crainte réelle de voir les organisations syndicales s’effacer de la sphère communautaire pour laisser un grand vide ? Puisque les temps évoluent, il conviendrait de revoir la façon d’être représenté et de se préparer avec de nouvelles armes aux défis futurs. Stéphane Matteudi-Lecocq nous invite à suivre des pistes novatrices de dialogue patronat-syndicats en analysant les combats passés, en les comparant avec ce qui s’est fait ailleurs en Europe, en s’appuyant sur le rapport de force entre les acteurs en présence et les évolutions règlementaires pour définir ce que seront les associations de défense des travailleurs dans un monde de plus en plus diversifié et mondialisé. Il importe évidemment de ne pas se fourvoyer sur l’objectif de cet essai. La cohésion sociale doit impérativement transiter par le dialogue et le respect, tout en tenant compte de l’avancée des technologies et des mutations des entreprises. Eviter l’effondrement des syndicats revient à garantir une cohésion indispensable entre les pourvoyeurs de richesse et ceux qui y prêtent leur travail quotidien. Voir les choses différemment serait peut-être dommageable à plus ou moins terme ? Ed. Rue de Seine – 344 pages André Metzinger

NOTRE HUMAINE NATURE Notre nature humaine est loin de s’avérer simple. Pour la comprendre, on doit faire appel à une somme de connaissances dont l’Histoire, la biologie, la génétique, la psychologie, l’anthropologie, etc. S’y retrouver ne revient pas à suivre un fil d’Arianne, mais à saisir ce qu’on trouve à disposition pour répondre à l’urgence et faire le tri entre ce qu’il importe de retenir et envoyer bien loin les fake- news, les informations bidonnées et les discours de faux spécialistes. Avec cet ouvrage, Michel Tibayenne et Francisco Ayala se sont donné pour objectif d’oser un dialogue très approfondi avec le lecteur, en se basant sur ce que les sciences nous apportent comme renseignements les plus récents. Ecrit dans un langage accessible, leur ouvrage évite les termes spécialisés et l’hermétisme pour une vulgarisation intelligence et jamais infantilisante. Bien entendu, pour ceux qui souhaitent aller plus loin, ils proposent un glossaire en fin de volume. D’emblée, plusieurs critères ont été pris en considération tels que la mise en garde contre tout impérialisme scientifique, le choix d’une approche sérieuse, ainsi que la chasse à la propagande, aux confusions et aux raccourcis hasardeux. Comprendre la nature humaine revient à se comprendre soi-même en tant qu’individu inscrit à la fois dans un groupe autant que dans la trace laissée par nos prédécesseurs. Ce voyage nous entraîne aux origines de l’humanité pour revenir au XXIe siècle. Avis aux amateurs ! Ed. Rue de Seine – 388 pages André Metzinger


HAGRILDUR LE VALEUREUX ET LA BRIGADE DU RENNE Hagrildur compte parmi les garçons les plus valeureux de la région. Il sait que, un jour, il sera adoubé et reconnu par tous pour sa bravoure. Entretemps, il doit encore faire ses preuves. Toutefois, rien ne se déroule selon ses plans. Finn et Markus, deux empotés de première, le suivent avec la vélocité d’une ombre, une fille vêtue comme un garçon se dresse sur sa route et, en leur compagnie, il s’engage dans une forêt qui cache à peine ses mystères. Puis, des secrets bien sournois endiguent leur progression. Qu’elle est la force d’action de la Guilde du Crime ? Pourquoi menace-t-on la comtesse Hulda ? Sandrine Bonini propose un roman pour adolescents qui dézingue les règles et met sur les rails un anti-héros que beaucoup considèrent comme un vrai zéro. Plutôt que de jouer la carte de la raillerie, elle articule les contrastes et saupoudre les chapitres d’élans d’humour qui dialoguent avec des pauses pour mieux relancer l’action. L’écriture se veut inventive, enrichie par une série de dessins réalisés par l’autrice diplômée d’une école d’Arts et qui a travaillé pour le cinéma d’animation avant de se lancer dans des projets en solo. Une histoire de chevaliers à mi-chemin entre ce qu’on a retenu de cette époque et la fantaisie d’une écrivaine qui ne craint pas la procrastination et qui sait jongler avec les stéréotypes pour mieux les mettre à plat et les réinventer. Voilà à quoi s’attendre ! Ed. Grasset Jeunesse – 140 pages Daniel Bastié

NICKY & VERA Belle couverture bleue avec une silhouette de gamine en teinte crème. L’objet donne envie. Pour soi, à offrir. Certainement à partager ! Au menu de cet ouvrage, le récit d’un héros discret et des enfants qu’il a sauvés. En 1938, Hitler impose des lois de plus en plus ségrégatives et les juifs commencent à se rendre compte du danger que le führer représente pour leur communauté. A cette époque, Nicholas Winton, un jeune britannique, se rend à Prague et découvre les exactions quotidiennes. Armé de son courage, il décide de venir en aide à ces citoyens auxquels peu à peu on ôte les droits. En retroussant les manches de sa chemise, il met en place un système qui a permis à près de sept cents enfants d’être sauvés de la folie nazie. Cet album parle de réaction, d’action et de courage pour raconter l’histoire vraie d’un homme ordinaire qui a lutté contre l’indicible. Porté par des illustrations de toute beauté qui contrastent avec la violence du conflit, Peter Sis revient sur l’horreur des guerres et la folie d’un monde livré aux instincts les plus vils. Bien entendu, cette lecture permet de dresser un pont avec la réalité ukrainienne et ce qui se déroule là-bas, en rappelant que mettre son esprit au service de l’humanité consiste avant tout à prôner la paix, l’entente entre les peuples et le respect mutuel. Une leçon par l’exemple ! Ed. Grasset Jeunesse – 72 pages Daniel Bastié


TOUT EST SOUS CONTRÔLE ! Avez-vous déjà croisé votre double, votre alter ego, mais qui aurait quinze … voire quarante ans de moins ? Ou qui a commis un acte involontaire très embarrassant ? Ou aperçu un chat qui vole dans les airs tel un oiseau ? Dans ces vingt nouvelles, qui sont autant de moments captés sur le vif, il est également question d’un toboggan indésirable, d’un conférencier extravagant, de lettres anonymes, d’une mystérieuse cravate, d’une bourgeoise « prout ma chère », de fantômes bien tangibles, de retrouvailles nostalgiques devant un vieux kiosque, de désarrois littéraires ou amoureux… Chaque personnage, du plus sincère au plus cynique, du plus rêveur au plus terre-à-terre, trouve sa raison d’exister et, avec un peu de chance, peut-être même le bonheur absolu Françoise Pirart signe un recueil de récits brefs qui chahute les habitudes, à la fois drôle et surprenant, servi par une plume sympathique qui marie les mots pour un résultat positif. Maintenant, reste à savoir si vous aimez la formule du format court … A chacun ses choix ! Ed. M.E.O. – 159 pages Sam Mas

STELLA MARIS Nous avons eu l’occasion d’interviewer Michel Joiret voilà quelques saisons et de dresser son portrait dans notre revue. Un romancier, essayiste et naguère enseignant auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont plusieurs ont récolté des distinctions et prix littéraires. Il nous revient aujourd’hui avec un roman de bonne facture, qui traite de thèmes tels que le décès d’un proche et la pandémie. Après la disparition de son épouse, Damien erre dans une ville dont il ne ressent plus les couleurs. Même les souvenirs heureux souffrent d’une perte de sens. Pour marquer de la distance avec la douleur qui l’accable et (qui sait ?) s’ouvrir à un nouvel horizon, il embarque à bord d’un train pour Ostende, laissant derrière lui Ixelles, le boulevard général Jacques et un passé qui l’endigue aujourd’hui. Dans la cité d’eau si chère à Arno, il retrouve Stella Maris, la maison vieillotte où sa famille a vécu, son frère Marc et un ancien professeur de collège. Puis, il y a également un mystère qui le taraude. Son père, en fuite ou qui se serait suicidé, a-t-il vraiment assassiné Lucie, son dernier amour ? Outre la description psychologique d’un homme à la dérive, l’auteur donne chair à une ville qui se métamorphose sous sa plume, devient personnage entier et relève la tête après avoir ployé sous le virus qui a paralysé la terre. La peinture de couverture reprend l’œuvre de James Ensor, artiste ostendais, intitulée « L’intrigue ». Ed. M.E.O. – 176 pages Paul Huet

LA DÉCLARATION Initialement prévue pour début mai, la mise en vente de cet ouvrage a été reportée à juin 2022. Motif : les caisses ayant été égarées lors de l’acheminement par le transporteur ! Robert Massart nous explique de quelle manière nous débarrasser d’une inspectrice des impôts qui nous harcèle ? Voilà le pitch de ce roman jouissif qui met en scène un enseignant coincé dans le système kafkaïen de l’administration publique et qui subit de plein fouet le zèle d’une de ses représentantes. Concocter un meurtre n’a rien d’évident pour un quidam, peu familiarisé avec les méthodes du crime. Heureusement, une femme de ménage, un vendeur de supermarché, un sans-abri et quelques autres acceptent de le conseiller, voire à mettre la main à la pâte. Pourtant, entre les intentions et l’acte décisif, un gouffre se creuse. Bruxellois d’origine, l’auteur propose un récit qui convoque une bonne dose de cynisme et qui fait du bien grâce à un ton irrespectueux qui abandonne les valeurs morales pour embrayer dans le délire pur jus. L’ambiance est salvatrice, même si chacun se doute que le protagoniste n’ira jamais au bout de son projet. Quoi que ? Ed. M.E.O. – 181 pages Sam Mas


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