BRUXELLES CULTURE 5 octobre 2021 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com
RENCONTRE : BRUNO BREL
RENCONTRE : BRUNO BREL Bruno Brel est né à Bruxelles en 1951. Fils du frère de Jacques Brel, les fées se sont penchées sur son berceau dès la naissance, le comblant de dons multiples : auteurcompositeur-interprète-romancier et ... passionné de motocross. Il ne le confie pas souvent, mais il a été champion dans cette discipline au Canada ... en 1976 ! Rencontre. - Qui êtes-vous Brnno Brel ? - Je ne possède aucune formation particulière. Ayant réussi-à convaincre mon père de choisir une carrière artistique dès l'âge de quinze ans et demi, j'ai travaillé durant quatre années en usine avant de toucher mes premiers cachetons de chanteur dans des cabarets de Belgique. - A quel moment avez-vous ressenti le besoin de composer ? - J'ai tout d'abord été séduit par les chansons d'Hugues Aufray, mais le déclic de l'écriture a été provoqué par la découverte des chansons de Georges Brassens que j'ai eu la chance de connaître plus tard. - Votre premier concert s'est déroulé en 1967 à Bruxelles. Parlez-nous de celui-ci. - J'ai participé à un crochet-chansons dans un restaurant de la côte belge. C’était à Oostduinkerke. Mon meilleur souvenir est d'avoir remporté ce mini-concours. - Le patronyme Brel est-il un adjuvant ou, au contraire, vous a-t-il compliqué la vie comme artiste? - Ce n'est jamais facile d'être la descendance d'un artiste connu. Encore moins lorsque cet artiste est devenu un véritable mythe. Ce sont ses encouragements qui m'ont persuadé de poursuivre ma route artistique. Et finalement, sans être beaucoup médiatisé, j'ai pu vivre de ma passion durant cinquante ans et chanter dans trente-quatre pays, sans jamais faire la moindre concession aux stupidités commerciales. Mes textes ont été étudiés à la Sorbonne, ainsi qu'à l'Université du Québec à Montréal. - Pourquoi êtes-vous monté à Paris ? - Les médias belges ne voulaient pas de moi. En montant à Paris en 1977, j'ai fait la rencontre de Jacques Canetti, le plus grand découvreur de la chanson francophone à textes. Il m'a enregistré trois albums qui m'ont fait tourner dans la majorité des centres culturels de langue française durant de nombreuses années. - Comment les choses ont-elles évolué, puisque vous vous êtes toujours tenu à l'abri des modes ? - Je tiens cependant à préciser que l'absence de médiatisation n'est jamais un choix, mais bien le fait d'un changement radical de la profession lorsque les médias périphériques ont été quasi totalement rachetés par les maisons de production. Je ne citerai que Lagardère et Fillipacchi. Les radios d'état ont été obligées de suivre le mouvement imposé sous peine de perdre leur audimat. Dès lors, les musiques à tendance anglo-saxonnes ont envahi les ondes. Si mon oncle et Brassens avaient démarré dans les années 60 ou 70, ils seraient bannis des ondes. - Aujourd'hui, de quelle manière sélectionnez-vous les contrats ? Etes-vous votre manager ou dépendez-vous de quelqu'un qui dresse votre agenda - Mes dernières années de spectacles ont été gérées par Marie-Noëlle Doutreluingne, une amie qui animait un caféthéâtre à Bruxelles : « Le Café de la Rue ». Lors du premier confinement, début 2020, j'ai vu la totalité de mes concerts supprimés. Fatigué par cinquante-trois années d'un métier
épuisant, j'ai profité de cet entracte inattendu pour quitter la scène et me consacrer exclusivement à l'écriture. - Dans la chanson « Valse amusette », vous faites clairement allusion à votre oncle en affirmant que vous assumez pleinement sa succession. Est-ce une manière de clarifier les choses ou une façon de vous positionner ? - Les deux. - Qui sont vos spectateurs ? - Je dirais qu'ils se divisent en deux groupes. D'une part, les nostalgiques d'une certaine chanson classique. D'autre part, des gens qui sont frappés par une vraie interprétation et non par des artistes qui, sur scène, ne font que reproduire ce qu'ils ont fait en studio. - Depuis plusieurs décennies, vous vous produisez dans un spectacle dédié à votre oncle avec des reprises, seul ou en duo, avec la chanteuse flamande Micheline Van Hautem. Lui rendre hommage est-ce un devoir familial lorsqu'on a l'ADN Brel tatoué dans la peau ou s'agit-il d'une demande du public à laquelle vous répondez ? - Tout simplement l'envie d'une nouvelle expérience et le plaisir de partager la scène avec une grande interprète. Ensemble, nous avons présenté plus de quatre-vingts récitals en Hollande et en Belgique. -Vous travaillez également avec l'accordéoniste Martial Dancourt, que certains ont présenté comme le successeur du célèbre Marcel Azzola, que l'on entend particulièrement bien sur la chanson « Vesoul ». Qui est-il ? - Un ami de longue date. II possédait un magasin de musique en Picardie. Il avait effectivement la sensibilité musicale des grands accordéonistes d'origine italienne comme Marcel Azzola, Jean Corti et Richard Galliano, mais surtout un jeu très proche de celui de Joë Rossi, plus connu comme accompagnateur que comme soliste, et que j'ai eu la chance d'avoir comme musicien durant quatre ans grâce à Jacques Canetti. Astor Piazzola disait de lui qu'il était le plus grand accordéoniste au monde. - N'avez-vous jamais craint le vide, ou le vertige de la feuille blanche ? - J'estime que pour ne pas être en panne d'inspiration, il suffit de se pencher sur la vie des gens, de voyager et d'être à l'écoute de l'autre. En fait, si des gens ont osé dire que j'ai imité mon oncle, ils se sont bien gourés. Mon vrai modèle dans la vie, c'est Georges Simenon. Il y a bien sûr une similitude vocale et un côté comédien un peu « familial », mais ça, ce sont les gênes qui parlent ... - Cette même inspiration vous a poussé à délaisser la guitare et le micro pour empoigner le stylo et vous lancer dans l'écriture. Romans et nouvelles se sont succédé. Votre roman « La bête du Tuitenberg » a été traduit ... en bruxellois. De quoi parle le récit et comment s'est déroulée cette aventure singulière avec Joske Maelbeek, également fabuliste ? - Un livre est fait pour être lu. Pas raconté. Vous pourrez le commander via internet sur les adresses indiquées en bas de page. - Cinquante ans de métier au compteur, ça compte ! Peut-on écrire que vous êtes un artiste comblé? - Je vais me permettre de paraphraser Serge Lama : « J'ai rien demandé, j'ai rien reçu, Mais j'ai fait ce que j'ai voulu ! » Ma biographie est en librairie depuis peu. J'ai vécu la vie d'aventurier dont je rêvais. Mes parents ont été les premiers à traverser l'Afrique à moto en 1954 et mon oncle a été une star mondiale. Quant à moi, j'ai fait le tour du monde à cheval sur ma guitare et
j'ai rencontré des centaines de personnes extraordinaires. Maintenant, place à l'écriture et à l'adaptation audiovisuelle de mes écrits. - Comment faire pour se procurer vos disques ? - Ils sont disponibles à la vente via mon site. En cherchant un peu, les amateurs peuvent m’écouter en ligne avec des extraits de disques, des bouts de concerts et des passages télévisés. Retrouvez Bruno Brel sur le site www.brunobrel.com. Propos recueillis par Daniel Bastié
EXPOSITION : HYPERRÉALISME Comme son nom l’indique, la sculpture hyperréaliste cherche à imiter les formes, les contours et les textures du corps humain, afin d’en offrir une illusion parfaite. Grâce à la précision technique mise au service de la reproduction fidèle du moindre détail, les spectateurs partagent le sentiment de se trouver en présence d’une réplique exacte de la réalité. En sculpture, l’hyperréalisme voit le jour dans les années 1960 en réaction à l’esthétique dominante de l’art abstrait, à l’instar du Pop Art et du photoréalisme. Aux États-Unis, où le mouvement est apparu en premier, des artistes tels que Duane Hanson, John DeAndrea et George Segal se tournent vers une représentation réaliste du corps, une voie considérée depuis longtemps comme désuète et dépassée. En utilisant des techniques traditionnelles telles que le modelage, le moulage et l’application polychrome de peinture à la surface de leurs sculptures, ces pionniers vont créer une imagerie humaine saisissante de vérisme. Les générations suivantes d'artistes vont poursuivre dans cette voie, tout en développant leur propre langage. Cette exposition présente le vaste champ des possibles exploré par les hyperréalistes. Chacune de ses six sections s’articule autour d'un concept formel fournissant les clés de compréhension nécessaires pour appréhender individuellement chaque œuvre. La sélection des pièces exposées offre pour la première fois un aperçu condensé du mouvement hyperréaliste et révèle à quel point la représentation de l’humain a toujours été sujette à évolution. Les origines variées des artistes présentés (des États-Unis à l’Australie, en passant par l'Italie, l’Espagne, la Belgique et la GrandeBretagne) soulignent bien le caractère international du mouvement, dont les ramifications perdurent à travers le monde jusqu’à aujourd’hui. Un événement qui rassemble quarante sculptures emblématiques et à découvrir à Tour et Taxis jusqu’au 7 novembre 2021. Plus de détails sur le site www.tourtaxis.com Avenue du Port, 86C à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : JOËL JABBOUR Fort de son expérience de cinéaste et de créatif dans le domaine de la publicité, Joël Jabbour a décidé de déposer ses valises après une longue existence à travers le monde (notamment pour la BBC) et s’exprime aujourd’hui par le truchement de la photographie, afin de proposer des réalisations personnelles, s’inspirant notamment de la capitale belge. Son but est de créer des œuvres accessibles et compréhensibles, mais également de surprendre par la manière dont il traite les architectures qu’il immortalise. Plus qu’un photographe, cet habitant d’Auderghem est surtout un créateur d’images. Quels sont vos rapports avec Espace Art Gallery ? Avec trois expositions dans cette galerie et pas mal de rencontres avec monsieur Delfosse, son directeur, je peux dire que je connais l’enseigne et j’ai décidé d’y revenir pour présenter mes œuvres récentes. Il s’agit d’une adresse que j’aime particulièrement pour son sens de l’accueil et son dynamisme. A quoi devons-nous attendre cette fois ? La fantaisie s’inscrira dans mes clichés. Il y a eu beaucoup de préparation en amont. Des heures de repérages. Je peux dire que vos lecteurs y trouveront un peu de magie inattendue. Quel type de photos découvrirons-nous ? L’idée à été d’illustrer, mais d’une autre façon, certaines merveilles de l’architecture Art Déco de la ville, quitte à rajeunir tous ces monuments magnifiques et plaire de la sorte à l nouvelle génération, beaucoup plus pop. Où avez-vous été dénicher ces trésors ? Bruxelles est magnifique, mais l’Art Déco n’est pas son seul privilège. Anvers peut notamment se vanter de posséder quelques fleurons, dont la Gare reste un exemple unique dans son genre. En ce qui concerne les immeubles, ils se concentrent souvent aux mêmes endroits, un peu par grappes. Pas loin d’ici, vous pouvez vous émerveiller en les appréciant dans les quartiers Louise, Defacqz, Mérode, Cinquantenaire, Monts des Arts et j’en passe bien d’autres ! Sous quel angle avez-vous choisi de les exposer ? Pour attirer l’attention, je prends une photo, genre carte postale, et je cherche ensuite de quelle manière la rendre la plus insolite possible. Je ne travaille pas pour l’Office du tourisme. Une photographie doit pouvoir évoquer des choses, engendrer des émotions. Elle n’est pas non plus qu’esthétique. J’y mets beaucoup de moi-même. Pour vous, Bruxelles c’est d’abord …. Un mélange de cultures et une mixité d’artistes avec des styles très différents. En fait, une ruche animée en permanence et riche de sa diversité ! Elle est pour moi une véritable source d’inspiration.
De quelle manière avez-vous vécu la période Covid ? Je n’ai pas été très heureux durant cette longue période. Mon cas n’a pas été unique. Tous les gens du spectacle et des arts en général ont énormément souffert. Puis, le mental n’y était pas. Heureusement, la situation sanitaire commence à s’arranger. Pour vous, créer c’est d’abord … Une façon de partager ce qu’on fait avec un tas d’amis et aussi des gens qu’on n’aurait jamais rencontré sans ça. Aussi le plaisir d’aller vers les autres, de sortir de sa coquille, de se laisser aller à être soi-même. Découvrez les travaux de Joël Jabbour du 8 au 31 octobre 2021 à Espace Art Gallery Voyez tous les détails pratiques sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : LES YEUX ROUGES Une animatrice radio reçoit un message sur Facebook. Le premier d’une longue série. Du témoignage d’admiration, « Denis la menace », comme il se fait appeler sur les réseaux, bascule rapidement dans la misogynie et l’humiliation. Prise au piège dans la spirale infernale du cyberharcèlement, la journaliste perd peu à peu la santé et la raison. Pendant des mois, les messages s’accumulent, d’abord aimables puis rapidement méprisants. Elle prend ses distances, il prend la mouche. Sous couvert d’humour grivois, il s’attaque à sa personne, son physique, son employeur, son conjoint, ses centres d’intérêt… Elle est tout ce qu’il déteste et lui ce qu’elle redoute. Isabelle Defossé et Vincent Lecuyer défendent sur les planches le texte de Myriam Leroy, roman redoutable ici adapté en pièce et à découvrir au Théâtre de Poche du 12 au 30 octobre 2021. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : JE NE SERAIS PAS ARRIVÉE LÀ SI … « Je ne serais pas arrivée là si… » Quelques mots anodins qui posent une question vertigineuse. Qu’est-ce qui m’a faite, défaite, marquée, bouleversée et sculptée ? Quel hasard, rencontre, accident, peut-être aussi quelle révolte, ont aiguillé ma vie ? Grand reporter au Monde, Annick Cojean a posé cette question à une trentaine de femmes inspirantes comme Gisèle Halimi, Christiane Taubira, Virginie Despentes ou Amélie Nothomb. Sous la direction de Judith Henry, les deux comédiennes se saisissent de la parole de ces femmes, celle qui interroge et celle qui répond. Elles donnent vie, sous la forme d’une conversation, à des mots universels. Une leçon de liberté. Voilà ce que Paris Match a écrit concernant cette pièce : Elles restent ellesmêmes, Judith et Julie, tout en glissant, texte en main, dans l’esprit de leur personnalité qui prend vie à travers elles. La salle, pleine à craquer, était curieuse, attentive, conquise. On en ressort… régénéré. Un moment rare. Il ne faut pas le rater. Les comédiennes Julie Gayet et Judith Henry sont à applaudir le lundi 11 octobre à 20 heures au Centre culturel d’Uccle. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles
THÉÂTRE : LA MOUCHE Comme dans le film de Cronenberg, tiré lui-même de la nouvelle de George Langelaan, on assiste au quotidien de ce drôle de couple, ponctué par des expériences de téléportations plus ou moins réussies. Le processus de déshumanisation, déjà entamé dans cette vie sans âme, se poursuit jusqu’à son terme atroce – métaphore de notre pauvre condition humaine ou simple pochade ambiguë ? La pièce se déroule dans les années 60 au cœur d’un village. Robert la cinquantaine, dégarni, bedonnant et mal dans sa peau vit avec sa maman Odette. Il tente de mettre au point une machine à téléporter. Travail corporel, effets spéciaux, esthétique vintage, inventivité débridée et poésie noire, La Mouche est un laboratoire d’expérimentations scéniques et visuelles, un extraordinaire terrain de jeu, moral et visuel. On en tremble encore … Une pièce à découvrir au Centre culturel d’Uccle le lundi 25 et le mardi 26 octobre2021 à 20 heures. Vous trouverez tous les détails pratiques sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles
THÉÂTRE : LE BLASPHÈME La Comédie Volter fête ses 50 ans avec la reprise du Blasphème de Philippe Madral. Le dramaturge français a écrit ce drame à la suite des attentats qui ont frappé Charlie Hebdo et Le Bataclan à Paris en 2015. Il y dénonce l’intolérance et l’extrémisme religieux qui continuent de se répandre dans le monde. Et il le fait à partir de « l’Affaire La Barre » qui défraya la chronique en France en 1766. Ce chevalier français issu d’une condition modeste fut en effet accusé de ne pas s’être découvert devant la procession du SaintSacrement à Abbeville. On lui reprocha de ne pas s‘être mis à genoux devant le cortège religieux et de détenir chez lui des livres infâmes, parmi lesquels Le Dictionnaire philosophique de Voltaire, qui prit sa défense post mortem. Car ce jeune homme de 21 ans, n’ayant pas beaucoup d’appui familial ni d’argent, fut finalement décapité et brûlé en place publique, après avoir subi la torture pour avouer le mal qu’il avait commis. Ce mal s’appelait le blasphème. Ce fut la dernière fois qu’on condamna à mort un innocent accusé d’avoir outragé les signes de la religion. En France, la Révolution de 1789 abolira le délit de blasphème et consacrera, à sa place, la liberté d’expression. « Parler mal de Dieu » ne concernera plus que les fidèles d’une religion et les religieux, mais échappera aux lois qui jusque-là punissaient gravement les contrevenants au nom du roi. Cela fait longtemps qu’on n’est plus poursuivi en Europe pour avoir refusé de faire le signe de croix, ou de ne pas s’être agenouillé devant une effigie religieuse. Le monde musulman conserve, lui, la notion de blasphème comme faute grave, dont la sanction varie selon les pays et les régimes, allant de quelques mois de prison à la peine capitale. Les blasphémateurs, du moins ceux qui sont considérés comme tels, sont souvent des intellectuels et des artistes exprimant une pensée libre. La figure emblématique de ces « libertins » reste Salman Rushdie, toujours en proie à la fatwa décrétée par l’imam Khomeiny en Iran. Et toujours caché pour éviter la sanction. Voltaire, le chantre de la pensée libre, fit de « l’Affaire La Barre » l’éclatante démonstration qu’il fallait mettre fin à l’obscurantisme religieux dans la société et promouvoir la tolérance de l’esprit, purgé des interdits religieux. Voltaire s’appelle aujourd’hui Charlie. Il porte le nom de tous les caricaturistes. C’est son message que la Comédie Volter affiche sur les planches avec Michel de Warzée, metteur en scène et comédien, Stéphanie Moriau, Jonas Claessens, Pascal Racan, Loriane Klupsch et Simon Willame. A voir à la Comédie Volter, qui n’a pas volé son nom, du 29 septembre au 17 octobre. Plus de renseignements sur www.comedievolter.be. Avenue des Frères Legrain, 98 à 1150 Bruxelles Michel Lequeux
THÉÂTRE : LE PETIT CHAPERON ROUGE DE PIGALLE Elle s’appelait Cathy et tapinait sur les trottoirs de Pigalle. Elle faisait « le plus vieux métier du monde » depuis 50 ou 60 ans. La comédienne Florence Hebbelynck nous raconte son histoire dans cette pièce qu’elle joue avec Nicolas Luçon au Théâtre des Martyrs, après avoir croisé la prostituée et mené son enquête sur elle. Un spectacle fort en émotion et en vérité. Son enquête part d’une relation de bon voisinage. A Pigalle où elle occupait un petit appartement, Florence Hebbelynck voyait souvent Cathy vêtue de son éternel manteau rouge, comme le Petit Chaperon rouge, en train d’arpenter la rue sous son décolleté profond, à la recherche de l’âme perdue ou du mâle en rut. Elle exerçait son métier de prostituée. Le plus vieux métier du monde, dit-on, sauf qu’il n’y a pas d’école pour l’enseigner. Et pas vraiment de maître pour transmettre la fibre du corps. C’est la vie qui en décide pour des femmes qui, à l’époque, n’avaient à vendre que leur corps. Aujourd’hui, la prostitution se pare d’autres attributs. Les filles sont des call-girls qui vendent leurs charmes sur le Net où on les appelle des escort-girls. A l’époque, c’étaient de simples « putes » qui avaient leurs règles bien sûr, au sens propre et au sens figuré, mais qui respectaient le client. Un de nos professeurs s’était intéressé lui aussi au milieu de la prostitution. Comme Florence Hebbelynck, il avait côtoyé les prostituées et avait recueilli leur confession autour d’un verre, en tout bien tout honneur. Elles faisaient le trottoir à Bruxelles, se donnaient au premier venu pour une certaine somme d’argent et passaient ensuite au suivant sans état d’âme. Leur « règle » était de ne pas faire de sentiment et d’aller droit au but. D’aller droit à la jouissance du mâle. Si le client était demandeur, elles l’écoutaient mais refusaient la passe. C’était parler ou jouir, mais jamais les deux à la fois. Elles refusaient d’ailleurs le baiser amoureux. L’amour n’était pas leur propos. L’étreinte était leur seule activité. Après, le client se rhabillait et s’en allait en les saluant ou en les remerciant. Elles s’apprêtaient alors pour une autre visite. C’était ce que notre professeur de français nous avait rapporté sur leur activité, la plus vieille du monde, nous disait-il, pour qualifier la prostitution. Comme le Petit Chaperon rouge de Pigalle qui a passé 60 ans à faire la pute entre maquereaux et escrocs. Bars à filles et violence. A travers plusieurs témoignages sur scène, Florence Hebbelynck dresse le portrait de cette petite femme alerte et sympathique croisée en rue, et sur laquelle l’idée lui est venue d’écrire cette pièce de théâtre. Une pièce qu’elle avait l’intention de jouer seule, en interprétant les huit rôles qu’elle met en scène, jusqu’à ce que Nicolas Luçon la rejoigne pour partager l’histoire avec elle. Leur duo cerne le personnage. Différents points de vue se succèdent dans cette quête et enquête sur la vieille prostituée qui s’est éteinte à Paris, derrière une porte close, nue et complètement dépouillée à l’âge de 79 ans. Dans ce portrait qui peu à peu surgit et se précise, d’un souper enregistré à une émission radiophonique, en passant par une bonne sœur de charité qui voulait remettre Cathy sur le droit chemin et le témoignage d’une nièce, c’est toute la profession du « cul » qui est mise en scène. Florence Hebbelynck et Nicolas Luçon lui donnent corps et âme sans jamais tomber dans la vulgarité. Avec des émotions fortes qui paraissent sur leurs visages, surtout chez Nicolas qui mime parfaitement ses sentiments et les nôtres. Florence Hebbelynck, bilingue d’origine gantoise, se partage entre le cinéma et le théâtre, entre la Belgique et la France. Elle a participé à de nombreux téléfilms, notamment Enquêtes réservées pour France 3 et la saison 2 de Salamander, en français et en néerlandais. Le Petit Chaperon rouge de la rue Pigalle est son premier projet personnel auquel elle s’est mise en 2018. A voir, toutes émotions confondues, au Théâtre des Martyrs du 21 septembre au 9 octobre 2021. Bord de scène avec questions sur le spectacle le mardi 5 octobre. Infos et réservations sur le site www.theatremartyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles Michel Lequeux Photo recadrée d’Estelle Rullier
THÉÂTRE : CORIOLAN De Shakespeare à Brecht en passant par Beethoven, la figure de Caïus Marcius alias Coriolan fascine et questionne. Défendant sa cité avant de lui tourner le dos, il se présente aux élections, mais sa soif d’idéal frôlant l’intégrisme, son mépris de la plèbe et son refus de la comédie démocratique l’empêchent de transformer ses triomphes militaires en gains politiques. En exhibant travers démocratiques, dérives totalitaires et pouvoirs corrompus, le drame de Shakespeare revêt, au regard des crises contemporaines et à l’heure où le capitalisme se transforme en machine à broyer, une aura prophétique et rappelle qu’aucun régime n’est immunisé contre la tentation d’opprimer. Pièce politique, mais aussi pièce de l’intime lorsqu’elle expose ce “je” qui nous empêche de vivre en nous coupant spontanément de l’autre, tel l’orgueil de Coriolan l’empêchant d’atteindre ses plus nobles desseins. La tragédie devient enfin œuvre polyphonique lorsque s’y engouffre le fracas de l’Histoire, s’exprimant souvent par crises, ruptures et bouleversements mais n’étant en définitive qu’un continuum. Brassant les enjeux de nos démocraties en souffrance : crises identitaires, corruption, guerre civile latente, concorde civile mise à mal, dissensions fratricides, pourrissement de la représentation politique, Shakespeare reste bien notre contemporain, et nous invite à faire résonner l’Histoire dans le présent, en cherchant à y écouter l’écho de notre humanité. Une pièce à découvrir au Théâtre des Martyrs du 20 au 30 octobre 2021. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE Après L’Odyssée, Les trois mousquetaires, L’île au trésor, Cyrano… Thierry Debroux se plonge dans un autre grand chef-d’œuvre de la littérature. Plus de quinze acteurs, dont Othmane Moumen dans le rôle d’un irrésistible Merlin, donneront vie aux personnages mythiques des légendes arthuriennes. Une pièce avec Julien Besure, Laurent Bonnet, Denis Carpentier, Cédric Cerbara, Laurence d'Amelio, Simon Delvaux, Karen De Paduwa, Sarah Dupré, Mattéo Goblet, Émilie Guillaume, Jonas Jans, Thierry Janssen, Sandrine Laroche, Nicolas Mispelaere, Othmane Moumen, Jean-François Rossion, Jérôme Vilain Nahida Khouwayer, Simon Lombard et Mathilda Reim à voir au Théâtre royal du Parc jusqu’au 23 octobre 2021 dans une mise en scène de Thierry Debroux. Voyez tous les détails pratiques sur le site officiel de l’organisateur www.theatreduparc.be Rue de la Loi, 3 à 1000 Bruxelles
THÉÂTRE : OLEANNA John, professeur d’université, reçoit dans son bureau Carol, une étudiante en difficulté qui pense avoir échoué à son dernier examen. Celui-ci lui propose un marché : il lui octroiera la note maximale si elle accepte de venir le voir régulièrement pour des cours particuliers. Devant cette proposition ambiguë, la jeune fille se rebelle et s’engouffre dans la faille, l’accusant publiquement de harcèlement. Une lutte sans merci s’engage, où les rapports de force et de classe sont pervertis par les désirs inavoués. Vingt ans avant le mouvement #MeToo, Oleanna annonce, à travers le face à face âpre et trouble entre un professeur et une étudiante, la chute de l’ancien monde, celui du patriarcat et des privilèges de classe, avec l’avènement d’une nouvelle forme de contestation. Un duel d’une puissance peu commune mis en scène par Fabrice Gardin. Une pièce de David Mamet à applaudir au Théâtre royal des Galeries du 13 octobre au 14 novembre 2021. Galerie du Roi, 32 à 1000 Bruxelles
CONCERT CLASSIQUE : ENSEMBLE KHEOPS L'Ensemble Kheops aime jouer avec un line-up varié. Cela vaut également pour leur nouvel album, qu'ils ont récemment enregistré à Flagey. Au cours de ce concert, ils nous donnent un aperçu de leur dernier CD avec des œuvres de musique de chambre de Johannes Brahms et de son jeune collègue Alexander von Zemlinsky, ainsi que l'Adagio d’Alan Berg. L’ensemble pour une formule à huit mains : piano, violon, violoncelle et clarinette. Un concert à applaudir le vendredi 29 octobre 2021 à 12 heures 30 à Flagey. Plus de détails sur le site www.flagey.be Place Sainte-Croix à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : FRÉDÉRIC De saison en saison, Jean-François Breuer fait et refait son coming-out : il est le plus grand fan vivant de Freddie Mercury, chanteur vedette du mythique groupe pop Queen. Il a caressé dix ans le fantasme de lui rendre hommage et, pourquoi pas, de l’incarner. Le voilà qui insiste dans ce spectacle à succès où il affiche en live ses incroyables talents de chanteur et musicien. Dominique Bréda le met en scène dans un personnage de sosie désabusé du plus célèbre moustachu de la musique (après Toots Thielemans !) qui lui a toujours préféré Bowie, mais se voit quand même rattrapé par Freddie. Ses musiciens lui ayant posé un lapin, Frédéric se retrouve face au public seul avec son piano, ses rêves inassouvis, ses frustrations, et une voix à vous décoller les rétines… Un désormais classique qui fait du bien en cette période difficile, entre Covid et souvenirs des inondations de juillet.Une reprise à voir ou à revoir jusqu’au 23 octobre 2021 au Théâtre de la Toison d’Or. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d'Or, 396-398 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : LA DÉLÉGATION DU VIDE Catapultés danseurs d’alerte d’un nouveau scandale artistique, Bart et Dani, désormais en fuite, arriveront-ils par la force du dialogue à sortir indemnes de leur spectacle ? Une chasse à L’Homo-scénique s’affaire alors en coulisse. Mandaté par le ministère de la critique, le Bureau d’Investigation Théâtrale (mieux connu sous l’acronyme de B.I.T) est chargé de leur capture afin de les juger et de les faire répondre de leurs actes. Composé de la crème de la scène, le B.I.T. et ses agents, élites du divertissement, nous laisseront le temps d’un spectacle suivre leurs investigations, leurs doutes, leurs m éthodes d’espionnage, ainsi que leur intimité. Un spectacle à découvrir jusqu’au 24 octobre 2021 au Théâtre Varia avec Laura Bacman, Hakim Bouacha, Jean Baptiste Calame, Louis Affergan Cavillon, Damien Chapelle, Maximilien Delmelle, Soetkin Demey, Arthur Egloff, Jessica Fanhan et Brandon Lagaert. Face au miroir sans tain de la salle d’audience, La Délégation du vide interroge le monde de l’art, les bénéfices de la poésie, la véracité des actes plastiques et l’authenticité d’un geste appelé parfois danse. La main sur le cœur, Arthur Egloff & Damien Chapelle jurent de dire toute la vérité, rien que la vérité. Si seulement il en existe une quelque part. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE : CE QUI RESTERA Sur une île au milieu de l’océan ne vivent plus que six personnes. La veille du Nouvel An, un déluge menace de détruire leurs habitations. Elles tentent de préserver leurs affair es et se rassemblent dans un bâtiment sécurisé géré par une intelligence artificielle. Dans ce vivarium à l’abri d’une nature déchaînée, il n’y a plus qu’à attendre … Durant trois ans, Cécile Hupin et Héloïse Meire ont mené une enquête avec d’autres artistes sur le vaste sujet des objets et de notre relation à eux d’un point de vue à la fois intime et sociétal. Qu’est-ce que nos relations aux objets racontent de nous, de nos rapports aux autres et au monde ? Leur projet était de créer une trilogie intitulée « ODMA – L’objet de mon attention » qui serait présentée en trois formes différentes. Après la création d’une installation performative qui regarde le passé, après une exposition interactive qui s’intéresse au présent, le moment était venu pour elles de clôturer leur trilogie par un spectacle tourné vers le futur. Une situation, des personnages, des événements hauts en ressorts dramatiques, une recherche plastique qui s’applique autant sur les corps que sur les choses …, tout concourt à nous plonger au cœur du devenir des êtres et des objets qui leur survivront. Dans ce huis clos, on se confronte à ses souvenirs, à ses besoins m atériels, à ses émotions. On se heurte aux autres et à sa solitude. On pleure, on rit. Mais peu à peu, l’eau s’infiltre, mettant à vif la peur de l’après. Ne reste plus qu’à tenter l’impossible pour sauver ce qui peut l’être encore : un objet précieux, un souvenir, un porte-bonheur…, une vie ? Objectif : sauver ce qui le peut encore ! Un spectacle à découvrir du 21 au 30 octobre 2021 au Théâtre Varia avec Gwen Berrou, Carole Lambert, Fabrice Rodriguez, Martin Rouet et Isabelle Wéry Toutes les informations ont été mises en ligne sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles
THÉÂTRE DE TOONE : DRACULA Voici la deuxième création du jeune Toone VIII (alias Nicolas Géal), qui sans flooskes a réussi à transposer la littérature du peï Bram Stoker, écrivain irlandais qui a foutu les poepers à tous ceux qui ont lu son bouquin. Depuis, le cinéma s’est emparé de ce livre cartache pour se faire un maximum de galette. Un drôle de tatchelul que ce Dracula, qui s’amuse à faire bibberer tout son entourage et qui ne se prend pas pour une lavette. Ça c’est du feuilleton. Ara ! Tu rencontres là-dedans des broukschaaiters, mais aussi un héros qui n’a pas peur de son ombre. Un echte manneke des Marolles qui aime la Kriek et le plattekeis et qui n’est pas un flave. L’action ne se passe pas à Zanzibar, mais chez nous, pas loin de la rue de la Marolle qui sent la frite et de la Grand Place. Avec aussi des péripéties en Transylvanie. Woltje, ket de l’impasse Sainte-Pétronille, a la langue bien pendue et du courage pour deux. Embarqué dans un stûût qu’il n’imaginait pas, il doit affronter un vampire qui ne pense qu’à venir froucheler à Bruxelles. Du coup, il doit droldement sauver sa peau, partir en stoumelings ou mettre fin au règne de terreur de ce labbekak qui croit dominer le monde à coups de canines. Il y a plein de choses dans cette pièce revisitée à la sauce rollmops : de l’action, de grands moments de romantisme et de la swanze à gogo. On rit beaucoup, même si ce n’est jamais fafoule. Nicolas Géal connaît ses classiques, maîtrise l’art du dialogue et ne prend jamais le public pour un snul. A la fin de l’histoire, Dracula ramasse une rammeling qui le laisse djoum-djoum. Maintenant, tu peux habiter à Paris ou sur la Côte d’Azur, tu comprendras ce qui se passe sur scène. Tout est extrêmement visuel et tu ne tomberas jamais de ton sus. « Dracula » par Nicolas Géal est une fête où tu te tordras en deux, même si parfois tu auras la kiekevlies. Comme il s’agit de pouchenels traditionnels, tu n’auras pas peur d’amener ta tribu pour, après, payer une Lambik ou une Kwak à ta madame et à tes lardons. Pas besoin de lexique à l’entracte. Si tu comprends pas tout, tu trouveras bien une meï qui t’expliquera. Au passage, tu admireras les décors de Thierry Bosquet, un cadeï qui connaît son métier et qui est sorti de la cuisse de Michel-Ange. « Dracula » est à voir du 7 octobre au 6 novembre 2021 chez Toone. Tu peux avoir tous les détails sur les jours, les heures de spectacles et le tarif avec le site www.toone.be Rue du Marché-aux-Herbes 66 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié
THÉÂTRE : LES BEAUX Ils sont beaux. C’est vraiment un beau couple et un bon ménage, sourires d’anges et habits de fête, attentifs, attention- nés, inquiets l’un de l’autre. Mais soudain le ton change. Ils s’en prennent l’un à l’autre. Ils ne sont plus que dans le pugilat, ils s’invectivent à coups de petites phrases assassines. Où sont passés les beaux ? Dans la tête d’une petite fille, pardi ! Et l’on se rend compte que tout ce qu’on voit, ce qu’on entend, on l’observe à travers le regard d‘une enfant. Leur fille, qui passe son temps à les imaginer heureux, et beaux, parce que pour une petite fille, c’est mieux quand les parents sont heureux. Jusqu’au moment où il faudra bien qu’elle agisse, la petite, pour tenter de remettre les pendules à l’heure et l’amour au milieu du village. Léonore Confino est l’une des autrices les plus intrigantes de ces dernières années. En équilibre entre second et premier degré, entre imaginaire et intime, entre gravité et drôlerie, les mots crus succèdent aux mots d’amour, les insultes à la bienveillance. Avec une distribution magnifique, qui n’a pas froid aux yeux, ça va chauffer dans la chaumière. Ça va déménager chez les Beaux. Le regard d’un enfant est toujours plus bouleversant que la colère aveugle des parents. Une pièce avec Ariane Rousseau et Fabio Zenoni à voir jusqu’au 30 octobre 2021 au Théâtre Le Public. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
THÉÂTRE : L’AMOUR PAR LES PLANTES Avons-nous pris un jour sans le savoir le train pour Paris assis en face d’un véritable Rastignac ? Avonsnous fait bailler d’ennui une Emma Bovary dont on se pensait à coup sûr l’idole ? Jean Valjean faisait il la manche tout à l’heure à l’entrée du métro ? Un jour ou l’autre, faudra-t-il qu’un Dom Juan nous brise le cœur ? Il nous est tous arrivé par hasard de trouver chez un auteur une idée enfouie en nous et que nous ne savions exprimer. La littérature peut-elle se réincarner dans notre quotidien et le réel n’être qu’un gaz émanant de la fiction ? Ce spectacle est l’histoire d’une femme et d’un amour pur et absolu, qui à bien des égards vous permettra de rencontrer Antigone et toute « sa smala ». Un texte écrit (avec Julien Poncet) et défendu sur scène par Edwige Bailly. Un seul sur les planches à applaudir au Théâtre Le Public du 12 au 20 octobre 2021. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles
L’AS DES AS NOUS A QUITTÉS ! Jean-Paul Belmondo s’est éteint le 6 septembre dernier à son domicile parisien, 39 quai d’Orsay. Il était âgé de 88 ans. Son rire fracassant est parti avec lui, en même temps que sa bonne humeur infatigable, ses multiples cascades et son appétit de la vie qu’il communiquait à tous ses proches. Et ce, malgré son lourd handicap. Un monstre sacré du cinéma s’en est allé. Nonchalance, désinvolture, légèreté doublée d’une raillerie qu’il affichait sans façon sous la houlette de Michel Audiard, son scénariste préféré. Humour et action étaient ses ingrédients favoris. Bébel, surnom qu’il adorait, savait nous amuser sur cet écran qu’il remplissait à lui seul, allant et venant sur la toile, bondissant dans les airs comme le saltimbanque qu’il rêvait d’être et qu’il fut pour le grand public amoureux de ses cascades et autres pirouettes. Celles de L’enfant gâté de Claude Lelouch. Charmeur et charmant avec sa bouche charnue qui s’ouvrait sur des dents éblouissantes, il mettait K.-O. ses adversaires qu’il envoyait au pays des rêves par un uppercut fracassant. On songe à L’As des as qui se paie la tête de quelques nazis en leur faisant cracher leurs dentiers sur le comptoir de la librairie juive. Belmondo a tenu les plus belles femmes du monde dans ses bras : Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale, Sophia Loren, Ursula Andress (qui deviendra sa compagne durant sept ans) ou Laura Antonelli qu’il a rencontrée sur le tournage des Mariés de l’an II (1971) et du Docteur Popaul (1972). Et pourtant, Pierre Dux, son professeur de théâtre, les planches étant sa première vocation, déclarait en 1952 « qu’avec la tête qu’il avait, son nez cassé de boxeur et sa bouche lippue, il ne pourrait jamais prendre une femme dans ses bras, car ce ne serait pas crédible ». Pas crédible : jugez-en plutôt au vu de son palmarès d’actrices qu’il séduisait par sa bonne humeur. Le professeur Dux ne savait pas de qui il parlait, même si Bébel avait commencé par faire du football et de la boxe qui avait laissé des traces sur son visage. A 17 ans, peu enclin aux études, il décide donc de devenir comédien. En 1956, lors du concours de sortie du Conservatoire qu’il a fréquenté, Belmondo ne recueille qu’un maigre accessit qui lui interdit l’entrée de la Comédie-Française. Ses camarades, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Bruno Crémer, Pierre Vernier et Michel Beaune, la « bande du Conservatoire », le portent en triomphe pour le soutenir, tandis qu’il adresse un bras d’honneur aux jurés qui n’appréciaient pas sa désinvolture sur les planches. L’acteur et enseignant Henri Rollan lui dit alors : « Le professeur ne t’approuve pas, mais l’homme te dit bravo ! » Début dans la Nouvelle Vague La carrière cinématographique de Bébel allait commencer. Il connaît son premier grand succès dans un film phare de la Nouvelle Vague, A bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard qui lui donne sa chance et l’initie aux dialogues improvisés qu’il pratiquera tout au long de sa carrière. Au cours des années suivantes, il tourne 34 films et devient une figure de premier plan du cinéma français. Il se distingue comme un acteur très physique, appréciant de tourner sans doublure dans des scènes mouvementées comme L’Homme de Rio de Philippe de Broca (1964), succès critique et public qui lancera d’autres Homme d’Istanbul, de Marrakech et d’ailleurs, chacun cherchant à imiter, sans y parvenir, les cascades de Bébel. Acteur de films populaires mais aussi du cinéma d’art et d’essai, sa gouaille de titi parisien et ses cascades spectaculaires contribuent à faire rapidement de lui une grande vedette du cinéma français. Champion incontesté du box-office au même titre que Louis de Funès et Alain Delon, son rival à la même époque, Bébel a attiré dans les salles, en 50 ans de carrière, près de 160 millions de spectateurs. Il a tourné sous la direction des grands réalisateurs comme Alain Resnais, Louis Malle, Philippe de
Broca, Henri Verneuil, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut, Claude Sautet, Jean-Pierre Melville, Claude Lelouch, Jean-Paul Rappeneau, Georges Lautner, Gérard Oury ou Alexandre Arcady. Beaucoup de ses films sont devenus des classiques du cinéma français : A bout de souffle (1960), Léon Morin, prêtre (1961), Un singe en hiver (1962), L’Homme de Rio (1964), Cent Mille Dollars au soleil (1964), Borsalino (1970), Le Casse (1971), Le Magnifique (1973), Le Professionnel (1981) ou Hold-Up (1985). Il a tourné en tout dans 85 films. Il est moins présent au cinéma à partir du milieu des années 1980. Il se produit alors au théâtre, sa première passion à laquelle il revient en dirigeant le Théâtre des Variétés. Il a joué dans 33 pièces, dont Kean de Jean-Paul Sartre et Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Il obtient cependant en 1989 le César du meilleur acteur pour son rôle dans Itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch, distinction qu’il refuse, sans doute parce que le sculpteur César, auteur de la statuette, avait critiqué le travail de son père Paul Belmondo, lui-même sculpteur. Et parce que la statuette ne lui plaisait pas. Palme d’honneur et Lion d’or Au début des années 2000, Bébel subit un grave AVC qui le laisse paralysé d’un côté et lui enlève de l’autre une partie de la parole. Ayant des difficultés d’élocution, il se retire alors du cinéma et des planches. Pour l’ensemble de sa carrière, il reçoit une Palme d’honneur à Cannes en 2011, le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2015 puis, lors de la cérémonie des Césars 2017, un vibrant hommage du public qui le laisse sans voix, lui qui n’en avait déjà plus beaucoup. Il était enfin récompensé par ses millions de spectateurs auxquels il s’était voué corps et âme, sans s’épargner aucune peine, répétant inlassablement les cascades qu’on lui demandait d’exécuter. Et se prêtant sans rechigner aux dialogues qu’il interprétait à sa manière, parfois à la surprise de ses partenaires. Bébel est donc parti, heureux d’avoir tant donné de son énergie. Et peut-être aussi fatigué de l’avoir fait : il en avait « marre » de ses 88 ans et il avait envie de dormir, comme il disait à la fin d’A bout de souffle, le film de Jean-Luc Godard qui l’avait révélé en 1960 aux côtés de Jean Seberg. Envie de s’étendre pour de bon le long du macadam. Adieu, Jean-Paul, on ne t’oubliera pas : tu fus pour nous tous « l’as des as », l’irremplaçable Bébel. Michel Lequeux
MIKIS THEODORAKIS, L’UNIVERSEL On disait de lui qu’il était un lion. Son importante et splendide chevelure en attestait. On disait de lui qu’il était immortel. Athanatos. Comme les dieux de l’Antiquité grecque. Mikis Theodorakis était à la fois ce lion fougueux et ce dieu de bienfaisance. À 96 ans, ce géant s’en est allé rejoindre les constellations qu’il aimait tant et qu’il a tant chantées. Immortel, il le reste, par son œuvre incommensurable. En 1964, le monde entier découvrait avec Zorba le Grec que la Grèce était proche. Qu’elle avait toujours été proche de nous, de notre culture, de ce qu’il y a de plus profond en nous, notre passé, et plus exactement notre dette au passé. Ajoutée au message de Nikos Kazantzakis, si originalement porté à l’écran par Mikhalis Kakoyannis, il y avait, pénétrante et obsessionnelle, la musique de Mikis Theodorakis, qui faisait ainsi son entrée sur la scène universelle. Il faut dire que Mikis avait déjà un long, très long parcours derrière lui, depuis la deuxième guerre mondiale (1940-1945) jusqu’à la guerre civile en Grèce, éclatée immédiatement à la fin de la guerre mondiale (1946-1949). Parcours de culture et d’amour des siens surtout, au cœur d’une Grèce lumineuse (pas celle de Theo Angelopoulos), fière, mère de toutes les démocraties, ennemie de toutes les dictatures, néanmoins déchirée par elle-même, et éternelle comme disent à juste titre les agences touristiques. Parcours aussi de souffrance, de combat et de résistance. Mikis a été emprisonné à plusieurs reprises sous l’occupation nazie, puis déporté et torturé dans l’île de Makronissos, un véritable bagne, suite à son engagement auprès des communistes lors de la guerre civile. Dès le début de la dictature des colonels (21 avril 1967), il est arrêté, ses écrits sont censurés, ses disques sont interdits à la vente et à l’écoute. Après l’emprisonnement, l’exil en Grèce et ensuite à Paris. Zorba est rapidement devenu le symbole de la Grèce libre. Je ne crains rien, je n’espère rien, je suis libre, épitaphe qu’on peut lire sur la tombe du crétois Kazantzakis. En quelques notes de musique, tellement ardentes, tellement crétoises, Mikis Theodorakis chantait tout simplement la dignité de survivre par-dessus toutes les tragédies, en Grèce et hors de Grèce. C’était là son message à lui, artistement mêlé à celui de Kazantzakis et de Kakoyannis. Un message porté par Anthony Quinn (Zorba) qui allait s’évader au-delà des frontières, pour voler au secours des consciences et des peuples opprimés. Pour seule arme, le chant populaire, intimement lié à la musique de chambre, au cantique, à la symphonie et à l’opéra. Connu aux quatre coins de la planète, Mikis Theodorakis s’est borné à dire l’essentiel, le vital, à travers plus de deux mille chants où les plus grands poètes grecs ont trouvé leur place, de Ritsos à Seferis. Il a ainsi ouvert la tradition classique et la poésie au grand public, toutes cultures et tous âges confondus. Les 29, 30 et 31 juillet 2005, comme chaque année d’ailleurs, la Grèce entière avait fêté les quatre-vingts ans de Mikis Theodorakis, et plus particulièrement en Crète, à Chania. S’il était né à Chios, l’île d’Homère, s’il s’était établi avec ses parents à Ioannina et en maints endroits du Péloponnèse (son père fonctionnaire d’État était muté à chaque changement de gouvernement), ses racines les plus profondes étaient à Galatas, village proche de Chania. C’est là que reposent pour l’éternité ses grands-parents paternels, ses parents et son frère Ioannis, mort en 1996 à l’âge de 65 ans. C’est avec eux qu’il entendait reposer lui-même. Sa fille Margarita aurait pourtant souhaité qu’il soit enterré à Vrakhati, village côtier proche de Corinthe, pour qu’il reste auprès d’elle et de Myrto, l’épouse de Mikis depuis 1953. Il a donc fallu que la justice s’en mêle pour que soient respectées les volontés spécifiques de Mikis, écrites et déposées dans les mains de plusieurs personnalités dont
sa secrétaire Rena et le maire de Chania. Trois jours de deuil ont été décrétés en Grèce, du lundi 6 septembre au mercredi 8 septembre. Pendant ces trois jours, les Grecs ont pu rendre hommage au compositeur, dont le cercueil avait été exposé dans la cathédrale de la capitale avant la liturgie funéraire du 8 septembre à 15 heures. En guise d’adieu, la présidente de la république, Ekaterini Sakellaropoulou, a salué Mikis comme étant “un professeur, un modèle, un universel, un patriote et un internationaliste”. Dimitris Koutsoumbas, secrétaire général du parti communiste grec (KKE), s’est adressé au cercueil de Mikis par ces mots: “Toute ta vie tu as tenu le fusil dans une main et tes partitions dans l’autre”. Le jeudi 9 septembre au matin, parvenu en Crète par bateau depuis le Pirée, le cercueil a également été exposé toute la matinée dans la cathédrale de Chania. Comme à Athènes, des milliers de Crétois ont défilé et ont ainsi témoigné de leur respect, de leur amour. Le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a dit de Mikis Theodorakis qu’il était bel et bien le grand ambassadeur de la grécité et le dernier grand Grec du vingtième siècle. La cérémonie, en l’église Agios Nikolaos de Galatas, s’est déroulée en présence de Margarita et de son frère Yorgos, de leurs enfants respectifs, de la présidente de la république, du premier ministre et du leader de l’opposition, Alexis Tsipras. L’inhumation s’est faite au cimetière de Galatas, toujours sous les chants, les drapeaux et les applaudissements. Comment expliquer les compliments lourds de sens de la présidente, du premier ministre, du leader de l’opposition, du secrétaire général du parti communiste, comment comprendre une telle acclamation populaire sur le passage du cortège funéraire, à Athènes comme à Chania? La raison en est simple. Mikis Theodorakis n’était pas seulement une gloire nationale, il était par-dessus tout une vedette du monde. Au sens étymologique du terme. Il était l’homme qui se voyait, par sa haute stature, l’homme qui s’entendait, par ses innombrables concerts à travers le monde, tout de noir vêtu, la crinière échevelée, l’homme avec lequel on composait, politiquement et éthiquement. Reçu par tous les chefs d’État, fussent-ils de gauche ou de droite, fussent-ils conformistes ou dissidents, il était un ambassadeur de paix et de sagesse. Sa lutte contre l’antisémitisme, par exemple, ne l’empêchait pas de se positionner contre certains dirigeants israéliens, en faveur de la cause palestinienne. Sur des paroles de son ami écrivain Iakovos Kambanellis, Mikis avait composé en 1965 une cantate de quatre poèmes, la Ballade de Mauthausen interprétée en 1966 par Maria Farandouri. En mai 1988, il la dirigera dans le camp même de Mauthausen en présence du chancelier autrichien et de dizaines de milliers d’Européens, la chanteuse grecque étant relayée par Elinor Moav en hébreu et par Gisela May en allemand. En mai 1995, à l’occasion des cérémonies du cinquantième anniversaire de la Libération et après un discours de Simon Wiesenthal, une seconde interprétation de la cantate sera dirigée à Mauthausen par le compositeur. Ainsi donc, son action musicale n’a jamais pu se borner à la musique, encore que l’homme fût musicien jusqu’au bout des ongles. C’est la vie, c’est l’histoire de la Grèce qui l’auront voulu ainsi. L’histoire du monde aussi. Comment rester indifférent aux drames des deux guerres mondiales, comment se tenir à distance d’une guerre civile fratricide et encore plus cruelle que les deux autres, comment ne pas plonger à corps perdu dans la lutte contre les colonels et tous ceux qui rêvaient d’une Grèce hors normes, revenant au grec ancien? Élu député du Pirée en 1964, au profit du parti de gauche EDA, Mikis ne pouvait que déplaire aux colonels et à leur coup d’État. Il est l’héritier direct de ceux qui ont fait la Grèce depuis Périclès jusqu’à nos jours. Chanter la Grèce, pour lui, c’était d’abord conserver la Grèce, préserver la Grèce, valoriser la Grèce. La Grèce de la Justice (O Sun of Justice/Axion Esti). Et pour cela, il fallait se battre. Sans jamais baisser la garde. Ce qu’a fait le “mélode”, ainsi que l’appelait Vassilis Vassilikos (Z), tantôt avec les mots, tantôt avec les notes. Vassilis Vassilikos dont le roman a été brillamment porté au cinéma par Costa-Gavras en 1969, hommage au député Grigoris Lambrakis assassiné en 1963. Avec une musique percutante et engagée, faut-il le dire, de Mikis Theodorakis. Mikis Theodorakis disait volontiers de lui-même qu’il était un “synthétiseur” (le terme grec synthetis signifie compositeur), autrement dit un homme de la synthèse. Résolument engagé dans ses jeunes années aux côtés des résistants communistes, il n’a pourtant jamais accepté d’être réduit à cette étiquette ni à aucune autre. Capable de toutes les saines contradictions, l’homme revenait sur ses choix et sur ceux de ses gouvernements dès qu’ils lui paraissaient sortir de la raison. Lors de la crise financière qui a
gravement frappé la Grèce en 2012, il a manifesté contre les mesures d’austérité d’Angela Merkel et a ainsi essuyé des gaz lacrymogènes à l’âge de 87 ans. Il avait également manifesté contre les velléités macédoniennes, arguant que la Macédoine d’Alexandre le Grand était grecque. On le voit encore haranguer une foule partisane devant le Palais national à Athènes. La gauche peut être une fausse gauche, disait-il, la droite peut être à gauche. Il avait ainsi soutenu Constantin Caramanlis, homme de droite, en 1974. L’Europe est bonne aujourd’hui, mauvaise demain, écrivait-il. Partisan de l’Europe au départ (Je suis européen), il s’est retrouvé hostile aux tournures qu’a prises l’Europe. Ce qui importait, pour lui, c’est que l’individu reste fidèle à sa logique, à sa ligne de conduite. À sa vérité intrinsèque. Animé d’un perpétuel souci de justice, blessé à tout jamais dans sa chair par le drame de l’occupation de la Grèce dès 1941, puis par la guerre civile, il n’a jamais pu dissocier l’œuvre musicale de la vie tout court. En novembre 2005, Mikis Theodorakis a été sélectionné parmi quelque quarante candidats de renommée internationale pour recevoir le prix international CIM Unesco (Conseil international de la Musique). Cinq critères présidaient à ce choix: le temps, l’engagement, la (ré-)conciliation, l’écriture musicale et les Droits de l’Homme. Son œuvre répondait pleinement à ces cinq critères. Le premier ministre grec de l’époque, Kostas Karamanlis, avait félicité Mikis en ces termes: “Dans une époque où la nécessité de souligner le langage œcuménique de la culture est plus pressante que jamais, la décision de l’IMC et de l’Unesco revêt un symbolisme tout particulier. La musique et les chansons de notre grand compositeur ont accompagné et accompagnent toujours notre quotidien, ainsi que les grands moments non seulement de nos compatriotes mais aussi des personnes et des peuples partout dans le monde. Sa lutte incessante pour la liberté, la justice sociale et la dignité humaine s’élève au-dessus des frontières nationales et devient l’héritage de toute l’humanité”. Venu à la musique par la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven, l’œuvre que laisse Mikis Theodorakis, on l’a dit plus haut, est colossale. Ses chansons (Gonia gonia, Varka sto yialo, Myrtia, Doxa to Theo, Strosse to stroma sou yia dio, O kaïmos, Mana mou kai Panagia…) sont sur toutes les lèvres, interprétées par des chanteurs renommés, comme Grigoris Bithikotsis, Andonis Kaloyannis, Yorgos Dalaras, Maria Dimitriadi, Maria Farandouri et tant d’autres. Une quarantaine de films, dont plusieurs sont internationaux, ont marqué les spectateurs (Électre, Iphigénie, Zorba, Phaedra, Z, Serpico, Actas de Marusia…). Ses oratorios, ses cinq symphonies, ses hymnes, ses ballets, sa musique pour la scène, ses cinq opéras (dont Médée, Electre et Antigone) sont malheureusement moins connus et pourtant si grandioses. Prepi na pethanoun/They must die (dans Médée) est une merveille de puissance émotive, jouant sur le dialogue entre la soprano (Médée) et le chœur. La Marche de l’Esprit d’Angelos Sikelianos, Axion Esti du prix Nobel Odysseas Elytis, le Canto General de Pablo Neruda, le Canto Olympico et le ballet Zorba sont par contre des œuvres universelles régulièrement produites en Grèce et à l’étranger. Quant à ses écrits, ils sont nombreux également et beaucoup n’attendent que d’être traduits. Mikis Theodorakis, fameux orateur (une question donnait régulièrement lieu à dix minutes de réponse argumentée), laisse également des centaines d’interviews passionnantes. Le week-end du 24 août 2007, la Grèce connaissait un drame historique. L’Ouest du Péloponnèse, Evia et la périphérie d’Athènes étaient en feu et en larmes. L’enfer le plus véritable. Cette année-là, en septembre 2007 donc, l’Orchestre Mikis Theodorakis, administré par Margarita Theodorakis, s’était placé aux côtés des victimes du feu en Élide, organisant à Hérode Atticus deux soirées de concert à leur avantage. Nul doute que de pareils concerts, animés d’une telle générosité, auraient pu faire de même s’agissant du drame, encore plus tragique que le précédent vu sa durée et sa superficie, survenu au mois d’août 2021 dans quasi les mêmes régions de l’Attique. Cette initiative aurait comblé Mikis, qui a choisi de s’éteindre à son domicile athénien en dépit de l’incapacité respiratoire qui l’a torturé durant ses vingt derniers jours, en conservant dans les yeux et dans le cœur les images de son cher pays ravagé par les flammes, une fois de plus. Anne et Jean Lhassa
EXPOSITION : VALÉRIE ALTER Depuis quelques années, Valérie Alter imprime ses photographies sur différents supports pour les transformer ensuite en tableaux-photographiques uniques aux formes surprenantes. Une apaisante tendresse se dégage de ses œuvres qui dialoguent avec les espaces et les spectateurs. En constante métamorphose, elles communiquent avec leur environnement. On s’y plonge, presque littéralement, dans ce monde à la fois méditatif et complexe. Les supports divers tels que les miroirs ou les bâches se retrouvent en dialogue avec la résine. Le jeu des matériaux et leur pouvoir réfléchissant transforment les images prises par l’artiste lors de ses nombreux voyages. Ce sont justement ces photographies qui constituent le « fondement » de la démarche de Valérie et se concentrent sur les éléments en pleine transformation, capturés à un moment précis, marqués par leur histoire, ainsi qu’un « vécu » qui ne peut se lire qu’à travers des traces laissées sur la matière. Dans sa dernière série intitulée Pebbles, l’artiste cherche à mettre en avant les changements naturels de la pierre ou du métal provoqués par les éléments naturels. L’empreinte du temps devient ici une expression d’un « temps long » en opposition à l’histoire événementielle si caractéristique de notre condition humaine. Faisant l’écho aux « différents temps de l’historie », un concept développé par l’historien français Fernand Braudel, Valérie nous invite à nous détacher des tourbillons, des événements courts et fugaces que nous vivions pour les voir différemment. C’est une rencontre entre la temporalité douce — celle d’une pierre polie par les courants marins ou du métal changeant sous l’action des éléments naturels — et notre histoire personnelle. Dans ses sculptures, elle recherche à reconstituer des associations de galets qui dans le monde naturel ne sont jamais fixes. De même manière ses œuvres sont différentes de chaque côté et peuvent être installées de façons diverses. Sa dernière série se caractérise également par le passage de la forme circulaire, omniprésente dans Les Réflexions, aux dix formes inspirées directement du monde naturel. En s’appuyant sur un vocabulaire restreint, l’artiste continue ses recherches sur les agencements structurels dans l’espace et questionne les notions de la stabilité et de l’équilibre. Le miroir et la résine continuent à relier les séries, et permettent de renforcer la dualité sémantique du mot « réflexion ». Celle-ci se matérialise en tant que phénomène physique observé sur la surface du miroir, mais signifie également l’action de l'esprit et la pensée qui en résulte. En constante évolution, ses tableaux et ses sculptures gagnent une présence vivante. L’effet liquide et organique que l’artiste donne à la résine lui permet d’évoquer l’eau — élément central dans son travail. Le jeu de textures permet aussi d’instaurer un rapport tactile entre les œuvres et les spectateurs, invités par l’artiste à toucher à « la stabilité de l’eau » et par la même à se reconnecter à l’instant présent, tout en voyageant dans le miroir. Une exposition à découvrir jusqu’au 31 octobre 2021 dans le quartier du Sablon. Voyez les heures d’ouverture en vous référant au site www.arielledhauterives.be Rue Blaes, 118 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : MARCEL BROODTHAERS Sachez que l’on fabrique ces plaques comme des gaufres, disait Marcel Broodthaers (1924-1976) des plaques en plastique qu’il a produites entre 1968 et 1972, poursuivant son œuvre relative aux effets de la publicité et des médias de masse sur le langage et la communication visuelle. Dans ses recueils de poèmes, il développe un langage suggestif, ponctué d’associations libres, qui contraste radicalement avec le langage biaisé du marketing ou les data de la communication électronique, en plein développement à l’époque. Les messages répétitifs standardisés sont tout autant remis en cause dans ces multiples, intitulés ‘Poèmes industriels’. Inspiré par les éléments populaires des plaques et signalisations de rue, il a composé des poèmes visuels énigmatiques, avec pictogrammes, mots, lettres ou ponctuation, éludant toute signification directe et universelle. Fabriqués industriellement par un procédé de formage sous vide et à chaud, ils confèrent au langage imprimé des contours et des caractères en reliefs, une certaine palpabilité, mots et pictogrammes étant moulés en réceptacles à idées. Broodthaers voyait dans ces œuvres un jeu sur “l’image comme texte et le texte comme image”, critiquant l’usage utilitaire de l’art conceptuel comme information linguistique, et privilégiant sa dimension poétique. À travers une exposition inédite, élaborée en concertation avec la Succession Marcel Broodthaers, le Wiels présente pour la première fois la série complète des trente-six motifs principaux des plaques de l’artiste, tout en dévoilant des versions et variantes inconnues, afin de révéler son point de vue particulier sur les principes de sérialité, d’unicité ou de reproductibilité de l’œuvre d’art et du langage. L’exposition comporte aussi des motifs uniques, ainsi qu’un grand groupe de dessins et d’esquisses préparatoires, autant de clés de lecture. Les plaques sont mises en rapport avec une sélection de lettres ouvertes et tracts qu’il distribuait au public à l’époque de la fondation et du développement de son musée privé, dont il était à la fois l’exposant, le directeur, le gardien et le visiteur solitaire. Ce projet l’a occupé de 1968 à 1972, parallèlement à la production des plaques en plastique, dont certaines ont servi comme publicités pour différentes sections de son musée. Soit cent vingt plaques, septante dessins et documents, ainsi que des prototypes et une sélection de dixsept lettres ouvertes significatives. Une découverte à effectuer au Wiels jusqu’au 9 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.wiels.org Avenue Van Volxem, 354 à 1190 Bruxelles
EXPOSITION : YVES ZURSTRASSEN Le travail d'Yves Zurstrassen est toujours en mouvement, passant de l'abstraction lyrique à l'expressionnisme abstrait et vice versa. L'artiste belge développe un processus de création singulier et utilise une technique bien particulière qui traduit la volonté de dépasser la temporalité. Sa démarche joue avec le principe du collage et du décollage de diverses formes de papier sur des couches successives de couleur. Ainsi les couches de pigments s'additionnent et se soustraient, laissant émerger par fragments la peau de la toile ou l'archéologie de sa construction. Loin de tout formalisme, l'artiste travaille le geste dans une folle succession d'applications et de retraits. Yves Zurstrassen confronte ses mouvements corporels spontanés, parfois violents, à la délicatesse des motifs floraux, stellaires et ondulatoires qu'il utilise. Il crée des trames et des réseaux, mettant en lumière le rythme. Le geste est lyrique et fait prévaloir la musicalité. Une exposition à voir jusqu’au 13 novembre 2021 à la Galerie Baronian Xippas. Plus de détails sur le site www.baronianxippas.com Rue de la Concorde, 33 à 1050 Bruxelles
EXPOSITION : THE ABC PORN CINEMA Les plus de cinquante ans connaissaient cette enseigne flanquée à une encablure de la place Rogier, sise boulevard Adolphe Max. Un cinéma dit porno qui faisait partie d’un paysage urbain. Ouvert à Bruxelles au début des seventies, en plein boum du X, période parfois surnommée la parenthèse enchantée, le Cinéma ABC a dû fermer ses portes quarante ans plus tard face à la concurrence d’Internet. Ancré au cœur de la capitale, il était l'un des derniers cinémas pornos au monde à projeter des longs métrages sur pellicule argentique 35 millimètres. À travers l'histoire de ce cinéma, cette exposition interdite aux moins de 18 ans dresse le portrait d'un monde underground. Au fil de son existence, le lieu était devenu une caverne d’Ali Baba, remplie de bobines, de piles d'affiches et de photos débordant de cartons empilés sur des étagères ou dans des armoires. Du folklore ou le témoignage d’une certaine période ? Un peu des deux ! Aujourd’hui, le Mima lève un coin du voile de ce patrimoine en dévoilant une partie de ces trésors cachés et un peu inavouables. Proposé sur deux étages, cette exposition n’entend pas poser la question de la morale, mais décliner un voyage au sein de la sphère du cinéma pornographique tel qu’il était proposé au cours du dernier quart du XXe siècle, avec ses codes et ses vedettes. L’occasion de découvrir que de très grands réalisateurs s’y sont adonnés sous pseudonyme (Claude-Bernard Aubert, Serge Korber) pour continuer de travailler et que toute une série de tâcherons de seconde classe s’en sont fait les spécialistes (Jean Rollin, Jess Franco, José Bénazéraf). Temps fort de la visite : la reconstitution du balcon du susdit cinéma. A découvrir au Mima, par nostalgie ou par curiosité, jusqu’au 9 janvier 2021. Plus de détail sur le site www.mimamuseum.eu Quai du Hainaut, 39-41 à 1080 Bruxelles Paul Huet
EXPOSITION : GENEVIÈVE ASSE – UNE FENÊTRE SUR LE LIVRE Artiste majeure de l’abstraction contemporaine, Geneviève Asse a collaboré, tout au long de sa carrière de peintre, avec des auteurs, éditeurs et des relieurs. Ces rencontres et amitiés ont notamment abouti à la création de livres de dialogues parmi lesquels Silvia Baron Supervielle, Samuel Beckett, André du Bouchet, Pierre Lecuire, ou encore Francis Ponge. En effet, chaque ouvrage est l’occasion d’un échange entre les mots et l’art de Geneviève Asse. Plus que des expériences anecdotiques, ils constituent des étapes décisives de son parcours. Geneviève Asse dit avoir été initiée au livre, enfant, par la lecture mais c’est visiblement l’amour de l’objet qui a nourri sa force créatrice. Comme gage de cet amour, il y a ses carnets peints, gravés, mis en page, mais aussi, ses reliures d’art, sobres, dépouillées, parfaitement exécutées des mains de Monique Mathieu. Ces livres de peintre donnent à voir entre les pages la lumière et les couleurs que l’artiste couche aussi sur des toiles grands formats. La transparence des objets, la lumière de la Bretagne, les couleurs, bleu, rouge, blanc, les lignes des gravures et une liberté farouche, du format, du choix des collaborateurs. C’est par les livres, et leurs multiples dimensions, que la Wittockiana propose d’explorer l’œuvre gravé de Geneviève Asse. Concrètement, l’exposition est organisée en quatre sous-espaces sémantiques et thématiques : Natures, Libertés, Couleurs et Lignes. Loin d’être une rétrospective exhaustive, les commissaires ont choisi de montrer des aspects plus méconnus et sans doute plus intimes de la démarche de l’artiste. Ainsi, l’Hommage à Morandi, ce peintre qui l’a tant influencée et qu’elle honore à travers une collaboration avec le poète belge Pierre Lecuire. Ainsi, ses recherches autour de ce que l’on nomme aujourd’hui le « bleu Asse », passant d’une nuance intense dans Haeres avec André Frénaud à une clarté teintée de vert dans Ici en deux en collaboration avec André du Bouchet. Suivront aussi le rouge dans Les Conjurés de Borges traduit par Silvia Baron Supervielle ou encore Abandonné pour lequel elle propose de magnifiques gravures à l’eau-forte sur un texte inédit de Samuel Beckett. Réciproquement, ce sont les burins de l’artiste qui constituent la fenêtre par laquelle (re)découvrir certaines créations littéraires, typographiques ou reliées dont certaines sont issues des collections de la Wittockiana. « La fenêtre », une référence explicite à certaines œuvres sur toile de Geneviève Asse, évoquant le bleu si spécial qui les caractérise, mais aussi, au titre éponyme d’un recueil poétique réalisé avec Silvia Baron Supervielle. Livres, toiles, carnets de dessins et d’essais de peinture, autant d’ouvertures sur le parcours d’une artiste libre, entre ciel et mer. Un événement à découvrir jusqu’au 30 janvier 2022 à la Bibliothèque Wittockiana. Plus de détails sur le site www.wittockiana.org Rue du Bemel, 23 à 1150 Bruxelles
EXPOSITION : REST’81 Reset’81 est né à Bruxelles au pied de l’IRIS. Passionné de bédé autant que par l’univers des graffitis depuis la fin des années 80, il en est devenu acteur, le spray à la main, depuis la moitié des années 90. À travers ses œuvres, il se joue des superpositions, à grand renfort de couleurs et de perspectives, pour stimuler la création et entrouvrir la porte de son imaginaire. Des toiles, des plans de métro et d’autres supports sont travaillés à l’aérosol, à l’acrylique et à l’encre... Ambiances urbaines, lettrages et symboles se mêlent aux réinterprétations de figures emblématiques de la bédé belge et du comic’art US sur des plans de New York, la Mecque du graffiti, ou de la STIB. L’artiste présente sa deuxième exposition personnelle : avec des trains, des métros, des murs, des plans... des surfaces chères à l’expression du street Art qui inspirent l’artiste. Elles quittent la rue pour se réinterpréter aux cimaises de Home Frit’ Home jusqu’au 1er janvier 2022. Plus de détails sur le site www.homefrithome.com Rue des Alliés, 242 à 1190 Bruxelles
EXPOSITION : HUBERT VERBRUGGEN Hubert Verbruggen est diplômé de l’atelier de sculpture de l’Académie Constantin Meunier à Etterbeeksous la direction de Marie-Paule Haar. Il a perfectionné sa technique du travail du métal à l’Institut des Arts et Métiers de la Ville de Bruxelles avec la collaboration de Jean Boterdael. Depuis 1985, il présente ses œuvres dans de nombreuses expositions individuelles et collectives. C'est sans aucun doute par sa force dynamique que se caractérise le mieux la sculpture de Hubert Verbruggen, tout aussi bien dans ses œuvres en marbre ou en pierre que dans ses créations en métal. Sa création sculpturale s'écarte délibérément de tout discours rationnel et veut alerter notre sensibilité par la pureté des lignes, la simplicité des formes et la force des volumes. Elle rappelle que la beauté n'a pas d'existence objective mais constitue le partage privilégié d'une émotion entre l'artiste et ceux qui veulent s'arrêter un instant. Il organise la matière dans l'espace en lui conférant souvent, d'une manière surprenante, beaucoup de mouvement. Il n'est pas rare qu'une seule ligne graphique détermine la structure de l'ensemble d'une pièce. En cela, Hubert Verbruggen apparaît comme un talent qui sait asservir la matière pour clairement donner corps à ses émotions artistiques. Si vous ne connaissez pas cet Anderlechtois, venez découvrir ses œuvres jusqu’au 30 octobre 2021 au Centre d'arts pluriels. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.artesio.art Rue de l’autonomie, 2-4 à 1070 Bruxelles
EXPOSITION : SPEAK THROUGH COMICS La bande dessinée belgo-coréenne est mise à l’honneur pour célébrer le cent vingtième anniversaire des relations diplomatiques entre la Corée du Sud et la Belgique, qui ne parlent pas la même langue mais qui maîtrisent à la perfection l’art de la bande dessinée. Un mode d’expression unique et qui n'est complet que lorsque les textes et les images se conjuguent. C'est pourquoi il est nécessaire de ne pas seulement lire les mots, mais aussi le message et les sentiments qui sont véhiculés par les dessins. Dans cette exposition, vous découvrirez les différences et les similitudes entre les deux nations à travers le neuvième art et vous percevrez la dimension émotionnelle inscrite dans les traits d'un pinceau épais ou d'un stylo délicat dans les œuvres d'artistes tels que Ancco, Oh Se-Young ou Judith Vanistendeal. Cela se passe jusqu’au 24 octobre 2021 au Musée BelVue. Plus de détails sur le site www.belvue.be Place des Palais, 7 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : BRUSSELS TOUCH Bruxelles, une capitale de la mode ! Mais peut-on vraiment parler de mode bruxelloise comme on parle de mode belge ? Natifs, installés provisoirement pour leurs études ou ayant pignon sur rue, les créateurs s’imprègnent de notre ville singulière pour ouvrir de nouveaux horizons. Cette exposition inédite vous invite à découvrir l’empreinte de Bruxelles sur la mode contemporaine, depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Elle interroge les caractéristiques de s tendances bruxelloise ou plutôt de cet « esprit de Bruxelles » à travers le talent de trente-trois créateurs et créatrices. Un événement à découvrir au Musée de la Mode et Dentelle jusqu’au 15 mai 2022. Découvrez tous les détails pratiques sur le site officiel de l’organisateur www.fashionandlacemuseum.brussels Rue de la Violette, 12 à 1000 Bruxelles
FESTIVAL : NOURRIR BRUXELLES Après quatre éditions du Festival Nourrir Liège, le festival pluridisciplinaire pour une transition alimentaire se décline désormais aussi à la sauce bruxelloise avec une multitude d’activités, rencontres, des débats, des ateliers, des conférences, des visites, des soirées et marchés autour de la transition du système alimentaire dans la capitale L’objectif est d’amplifier la transition alimentaire, sociale et écologique en permettant aux habitants de se questionner sur les enjeux de nos systèmes alimentaires en croisant les regards et en proposant des activités variées d’information, sensibilisation et d’échanges. Ce festival se veut à la croisée des nombreux thèmes qui traversent les en lien avec les réalités sociales et culturelles de la Région Bruxelloise et veille en particulier à s’adresser à un public au-delà des cercles et réseaux habituellement touchés par ce type d'événement. Cet événement se déroule jusqu’au 16 octobre 2021. Vous trouverez tous les détails pratiques sur le site www.goodfood.brussels
FESTIVAL DES LIBERTÉS C’est devenu une tradition, depuis plusieurs années, le Théâtre National accueille le Festival des Libertés en octobre. Un événement qui pointe ses projecteurs sur les valeurs essentielles de la démocratie : libertés physiques, idéologiques, intellectuelles, religieuses et morales, en proposant des concerts, du théâtre, du cinéma, des débats, des expositions, des performances... Si cela vous intéresse, cela se déroule du 21 au 30 octobre 2021. Voyez le programme détaillé sur le site www.festival-des-libertes-2021. Boulevard Emile Jacqmain, 111-115 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : R. H. QUAYTMAN Dans le cadre de ses recherches sur l'histoire artistique de Bruxelles, l'artiste angloaméricaine R. H. Quaytman a croisé le Musée Wiertz. Qui était Antoine Wiertz (1806-1865) et pourquoi a-t-il transformé son atelier en musée? Pourquoi a-t-il choisi de peindre à échelle monumentale des scènes remarquablement émancipatrices de femmes en détresse ou d’autres représentations affreuses de pauvreté, de guerre et de suicide ? R.H. Quaytman réinvente la production des images picturales à l’ère du numérique et du spectacle, en les inscrivant dans l’histoire de l’art, en affirmant leur matérialité et leur portée spirituelle, en déstabilisant les récits dominants selon une perspective féministe et intersectionnelle. Ses stratégies sont tant picturales que photographiques et conceptuelles pour développer une œuvre ouvrant de multiples perspectives. En construisant chacune de ses expositions comme des chapitres, Quaytman construit ses ensembles telle une structure narrative déterminant à la fois le principe organisationnel global et le mode d'exécution des œuvres individuelles. Le choix des sujets (tirés du travail de Antoine Wiertz) suggère une orientation idéologique révolutionnaire soutenant l'émancipation des femmes et des pauvres, et rejetant la faute sur les militaires, l'État et les riches-bien que ses œuvres sur ces sujets soient exposées aux côtés de tentatives gargantuesques d'atteindre La Gloire. Une exposition à voir au Wiles jusqu’au 9 janvier 2012. Plus de détails sur le site www.wiels.org Avenue Van Volxem, 354 à 1190 Bruxelles
PARLER DE LA QUESTION COLONIALE À L’ÉCOLE Loin d’être un élément figé du passé, la colonisation continue de structurer nos représentations du monde et nos rapports sociaux. Comment amener une autre approche de l’histoire coloniale belge en classe ? Comment mettre en lumière les leviers de l’histoire coloniale sur lesquels s’appuient nos représentations d’aujourd’hui ? Comment réussir à les déconstruire et lutter contre le racisme ? In fine, comment éduquer à la décolonialité ? Ce sont ces questions que cette journée de formation ambitionne de traiter en proposant une visite décoloniale du musée, des échanges de pratiques avec les enseignants ainsi que la découverte d’outils pédagogiques qui permettent d’aborder l’histoire sous d’autres angles et questionner nos imaginaires. N’hésitez pas et inscrivez-vous gratuitement ! Cette formation est prévue au Musée d’Afrique Centrale le 20 octobre 2021 et cible en priorité les enseignants. Inscription via education@cncd.be Leuvensesteenweg, 13 à 3080 Tervuren
EXPOSITION : WORKS ON PAPER « Works on Paper » propose une incursion dans l’univers foisonnant de Galila Hollander Barzilaï, collectionneuse belge née à Tel Aviv. Depuis quinze ans, cette personnalité hors du commun assemble les œuvres d’art contemporain dans une collection qui fait le récit de sa propre histoire : en filigrane des œuvres réunies, se manifeste un désir impérie ux de réinvention de soi. L’exposition propose une coupe claire dans cet univers pléthorique, en présentant une sélection choisie d’œuvres sur papier. Les visiteurs y découvrent comment des artistes internationaux (Jonathan Callan, Jae Ko, Anish Kapoor, Wi lliam Klein, Angela Glajcar, Andrea Wolfensberger, Brian Dettmer, Haegue Yang e.a) réinventent ce matériau quotidien, usuel, pour en faire des objets d’art d’une puissance inattendue. Collages, sculptures, inscriptions, installations ou bijoux se côtoient, rappelant la personnalité ex centrique de la collectionneuse, mais proposant aussi une réflexion sur l’art de la diversion. Le travail sur papier s’assimile ici à un royaume du détournement, où chaque œuvre se joue de notre perception autant que de nos jugements. A découvrir au Musée juif de Belgique jusqu’au 13 février 2022. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes, 21 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : ANNE DAEMS Anne Daems est née en 1966, a étudié à Sint-Lukas à Bruxelles et à la Rijksacademie d’Amsterdam. En 1999, elle a remporté le prix de la Jeune Peinture belge (l’actuel Belgian Art Prize). Actuellement, elle vit et travaille à Bruxelles. Elle réalise des photographies, des dessins, des vidéos et des installations. Dans sa pratique, elle explore notre monde complexe. Elle se concentre sur des détails de la vie quotidienne qu’elle place à l’avant-plan et décortique scrupuleusement. Anne Daems dissèque la réalité jusqu’à la moelle et nous offre des fragments fragiles, empreints de beauté et de sens. Dans ses œuvres, pas de grands gestes ni d’extravagance. Elle cherche à capter l’insignifiant, ce qui glisse d’ordinaire loin du regard. Dans son esprit, rien n’est important et pourtant tout fait sens. Venez découvrir ses œuvres à Bozar jusqu’au 31 octobre 2021. Pour organiser votre visite, vous trouverez tous les détails pratiques en vous rendant sur le site officiel du musée www.bozar.be Rue Ravenstein, 23 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : JARDINS INTÉRIEURS L’intérêt pour les plantes et leur étude sont sans doute aussi anciens que l’humanité. Au début des Temps Modernes sont constitués, en Europe, les premiers jardins botaniques universitaires et privés, véritables prolongements, dans certains cas, des fameux cabinets de curiosités où s’entassaient, dans un ordre méticuleux, les productions les plus étonnantes. Fruits d’un nouveau rapport aux choses, des voyages de découverte ou commerciaux qui scandèrent le développement des empires européens et de leurs réseaux diplomatiques. C’est dans ce même berceau des 16e et 17e siècles que commence à se développer un commerce de plantes exotiques, dont une des expressions les plus folles demeure la spéculation autour des bulbes de tulipes, cause de nombreuses ruines aux Pays-Bas (17e). La possession de plantes rares et chères accroît le prestige des élites sociales et, plus, généralement, d’une bourgeoisie qui se fait sa place au soleil. A Bruxelles, en 1822 se constitue la Société de Flore de Bruxelles dont les principaux animateurs sont, précisément, des aristocrates ou de riches bourgeois, cependant que les horticulteurs locaux n’y bénéficient que d’un statut secondaire. De nombreuses sociétés commerciales accompagnent la naissance de ce type d’associations, où se côtoient, souvent, producteurs et amateurs de plantes. La Société Royale Linnéenne (fondée en 1835) plus démocratique, dans son esprit, en est un bon exemple, comme la Société d’Horticulture et d’Agriculture de Schaerbeek (1878), ou tant d’autres qui rythmeront la vie sociale bruxelloise de leurs expositions et concours, tout au long du 19 e et durant une partie du suivant. Notons qu’alors les élites investissent les alentours de la capitale (les fameux « faubourgs » que resteront longtemps des communes comme Schaerbeek ou Evere, parmi d’autres) pour y fuir le bruit, les odeurs et la saleté de la ville, et y établir des « campagnes », le plus souvent dotées de serres, ne serait-ce que pour cultiver des fruits et des légumes. Dans une situation où, durant quelques décennies l’horticulture devra sa prospérité à une clientèle avide de raretés directement importées des Tropiques, la question du chauffage pèsera lourd. Il faudra charger le poêle durant de longs hivers. A cette dernière, s’ajoute encore la phalange des jardiniers, profession qui, bientôt, se forme dans des écoles d’Etat (1849), véritables symptômes des tocades d’une époque. Les jardins d’hiver deviennent également extrêmement courants dans la seconde moitié du 19e siècle. A y bien réfléchir, jardins et autres structures de fer (ou de bois) et de verre, témoignent d’une forme de bipolarité bourgeoise : positiviste, elle aspire à contrôler, intellectuellement et pratiquement, la nature, mais ne peut s’empêcher de se laisser aller à l’évocation romantique de sa sauvagerie, notamment à travers les récits de voyages. Le 19e siècle est aussi, corrélativement, le temps de l’explosion de l’industrie horticole belge, la belle époque des naturalistes-collecteurs payés par cette dernière, un temps où l’on se dote de manuels d’instruction destinés à guider les observations et la collecte. L’introduction permanente des plantes dans les demeures est révélatrice du rapport que la société industrielle tisse avec la nature. Entretenir des plantes est une activité édifiante et pacificatrice : on cultive chez soi au lieu d’aller au cabaret… Souvent négligée par l’histoire de l’art, elle est pourtant incontournable pour comprendre l’évolution esthétique des intérieurs de cette période. Une exposition à découvrir jusqu’au 6 mars 2022 à la Maison Autrique et ce du mercredi au dimanche de 12 à 18 heures. Plus de détails sur le site www.autrique.be Chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles
EXPOSITION : TREES FOR MEMORIES Les arbres racontent notre histoire. Ils en gardent du moins la mémoire dans leurs entrailles, sous l’écorce où les balles les ont atteints. La Fondation Boghossian accueille 31 artistes de réputation internationale qui exposent leurs œuvres. Chacune est un plaidoyer pour la paix dans le monde un siècle après la fin de la Première Guerre mondiale qui est ici évoquée. Ces œuvres ont pour origine un bloc de chêne carré de 30 cm de côté. Le bois, issu du front alsacien où les combats firent rage, porte encore en lui les stigmates de la guerre. Par les blessures qui leur furent infligées, les fragments de projectile en métal encore incrustés sous l’écorce ainsi que par le noircissement de leur surface, ces blocs de bois sont les reliques de la guerre. Ils nous disent, si nous les écoutons, si nous les regardons : Plus jamais cela ! Trees for Memories rassemble à la Villa Empain des artistes qui insufflent une voix au bois, afin que les arbres puissent raconter leur histoire qui est la nôtre. Ils représentent, ces artistes, les 31 pays qui se sont affrontés durant quatre ans en 14-18 : le bloc de l’Entente contre celui des Empires centraux d’Europe et d’Asie (Allemagne, Autriche-Hongrie et les Ottomans). Au total, la guerre a coûté 9 millions de morts et plus de vingt millions de blessés. Un horrible bilan en pertes humaines dont témoignent ces blocs qui furent débités et partagés entre les 31 artistes. « Les arbres ont été les témoins silencieux de la Première Guerre mondiale, explique Mattijs Visser, le commissaire de cette exposition collective. S’ils pouvaient prendre la parole, ils nous raconteraient une histoire faite de souffrances indicibles. Certains ont été touchés par des armes d’artillerie, d’autres par des grenades ou par des balles de fusil. Tous ont assisté aux mêmes horreurs. Pendant un siècle, les traces de ces événements sont restées cachées sous leur écorce. » Aujourd’hui, on découvre les blessures indélébiles sous le scalpel des artistes. Jana Sterbak nous montre la grenade d’assaut prise sous une souche (Canada). Huang Yong Ping, artiste chinois récemment décédé à Paris, a incrusté des yeux d’oiseau dans le bois à la place des trous d’impact laissés par les balles : ils nous épient pour voir si nous recommencerions la même horreur. Günther Uecker a parsemé son bloc de clous tordus pour évoquer les destructions de la guerre (Allemagne). Fiona Hall y a mis la sciure des tranchées, les ongles déchirés, le fil de fer barbelé du no man’s land pour nous dire qu’avec la sève contenue elle aussi dans la sculpture, la vie pourrait reprendre son cours à la place des images de la mort (Australie). Jana Želibská a sculpté un corps déchiqueté par un oiseau de proie sous un crâne qui ricane, symbole de toutes les agonies de la guerre (République tchèque). Plus loin encore, un bloc enchaîné de Sándor Pinczehelyi (Hongrie) nous crie « plus jamais cela ! ». Ce n’est qu’un aperçu des 31 sculptures que vous pourrez voir en visitant l’exposition Trees for Memories. Elles se dressent devant nous à la mémoire des guerres pour que celles-ci n’aient plus jamais lieu. Imaginées d’après une idée maîtresse de Volker-Johannes Trieb, ces œuvres ont été présentées une première fois au Varusschlacht Museum de Kalkriese et au Bundestag de Berlin en 2018. L’exposition se tiendra également au Parlement européen de Bruxelles en novembre 2021, avant d’être présentée en 2022 à l’ONU (New York). Elle est visible actuellement au Project Space de la Villa Empain jusu’au 24 octobre 2021. Voyez davantage d’informations sur le site officiel www.boghossianfoundation.be. Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles. Michel Lequeux
EXPOSITION : FAKE FOR REAL Dans la grisaille de la routine quotidienne, le sensationnel, le spectaculaire et le surnaturel nous permettent d’échapper à l’ordinaire. Mais le jeu de l’imposture n’est amusant que si nous en acceptons les règles. Ceux qui se laissent abuser risquent gros : argent, crédibilité, intégrité... Certains y ont laissé la vie. Aujourd’hui, la désinformation est partout, mais le mal est ancien. L’histoire regorge de faux-semblants de toutes natures. Le Cheval de Troie, modèle mythologique de la supercherie, fait ainsi écho aux problèmes contemporains d’un monde dominé par Internet. Embarquons pour un voyage dans le temps et aventuronsnous au gré des fraudes et falsifications qui ont jalonné l’histoire tout en gardant un œil sur la réalité des choses. La Maison de l’histoire européenne, située dans le parc Léopold, inaugure une nouvelle exposition, « Fake for Real : une histoire du faux et de la contrefaçon ». Elle explorera le monde fascinant des faux, du mensonge et des contrefaçons et entrainera les visiteurs dans un récit allant de l’antiquité à nos jours. Un astucieux dispositif de miroirs à l’entrée et un chemin labyrinthique à travers les différents thèmes de l’exposition donnent immédiatement le ton de la visite - comment trouver ou échapper à la vérité ? Comment jouer avec les illusions ? Les visiteurs sont invités à réfléchir à la manière dont les mensonges sont racontés et dans quel but. Comme l’explique la commissaire d’exposition Joanna Urbanek : « Nous devons être conscients que parfois nous voulons être trompés, pour pouvoir transcender notre quotidien, rêver. Il est humain de croire à certaines contrefaçons. Mais cette inclination peut être exploitée et les conséquences peuvent être considérables. » Répartie sur six thèmes tout au long d’un parcours chronologique, l’exposition présente plus de deux cents objets remarquables venus de toute l’Europe. Emblématique, chacun raconte une histoire édifiante de falsification et de tromperie - des archives effacées des empereurs romains, des biographies manipulées de saints médiévaux, des histoires de voyages qui ne se sont jamais produits - à une fausse armée utilisée par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils incluent également des documents d’une importance cruciale dans notre histoire tels que la donation de Constantin et les lettres utilisées pour accuser Dreyfus. Tous démontrent que les émotions et les croyances personnelles ont une influence sur la façon dont nous voulons comprendre le monde, ou délibérément nous le représenter de manière déformée. La communication sur la pandémie liée au Covid-19 et la désinformation qui l’entoure sont également examinées dans cette exposition. Le terme «désinfodémique» est le rappel opportun que les vérités et les contre-vérités circulent constamment et que la pensée critique et l’action civique sont de précieux gardiens contre la tromperie. La dernière section de l’exposition, intitulée « Une ère de post-vérité? » est un espace interactif fait de jeux et de vidéos où les visiteurs peuvent devenir des vérificateurs de faits, décider de ce qui est publié, ou encore jouer avec une « bulle filtre » innovante qui explore la façon dont les médias sociaux fonctionnent. Comme un voyage à travers les motifs et l’impact des faux mais aussi sur notre façon de nous exposer à eux, cette exposition nous bouscule et met en lumière toute la complexité et les contradictions qui jalonnent notre passé, présent et futur. Heureusement, nous avons des outils à notre disposition: faire preuve d’esprit critique, ne pas se fier à ses premières impressions, être conscient de ses préjugés et évaluer la fiabilité des sources sont autant d’éléments qui peuvent nous aider à distinguer les faits de la fiction et à nous frayer un chemin dans les méandres de la réalité. Une exposition à découvrir jusqu’au 28 octobre 2021 à la Maison de l’Histoire européenne. Plus de détails sur le site www.historia-europa.ep.eu Rue Belliard, 135 à 1000 Bruxelles
EXPOSITION : ICONS Des premières icônes d’Europe et du Moyen-Orient aux œuvres modernes et contemporaines, les icônes ont inspiré de nombreux croyants et artistes, à travers les âges. L’exposition dévoile comment les dimensions spirituelles ont été intégrées dans les œuvres d’art depuis l’Antiquité. La tradition attribue les premières icônes à Saint-Luc qui, après la Pentecôte, aurait peint trois représentations de la Vierge Marie. Des premières icônes d’Europe et du Moyen-Orient aux œuvres modernes et contemporaines, ces représentations imagées du divin ont inspiré de nombreux croyants et artistes. L’exposition Icons, curatée par Henri Loyrette, ancien Directeur du Musée d’Orsay et Président-Directeur du Musée du Louvre, dévoile comment les dimensions spirituelles ont été intégrées dans les œuvres d’art depuis l’Antiquité à nos jours. L’exposition présente une sélection d’icônes anciennes en provenance d’Europe et de Russie – représentant tour à tour le Christ, la Mère de Dieu, ou des Saints individuels – dont la simplicité frappante les distingue en tant qu’objets de vénération intemporels. Un second ensemble d’œuvres d’artistes du XIXe et XXe siècle, tels Charles Filiger ou encore Lucien Levy-Dhurmer, explore la composition frontale et sans profondeur des icônes. L’exposition aborde également l’utilisation que font les artistes contemporains du langage iconographique, à l’instar de Yan Pei-Ming et Wim Delvoye. Un événement à voir jusqu’au 24 octobre 2021 à la Villa Empain. Plus de détails sur le site www.villaempain.com Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles
EXPOSITION : DE PÉKIN À HANKOU – UNE AVENTURE BELGE EN CHINE Cette aventure belge en Chine vous fera entrer dans l'histoire méconnue mais néanmoins incroyable de la construction par notre petit royaume, au début du XXe siècle, de la ligne Pékin-Hankou, la plus grande ligne de chemins de fer de Chine, reliant le nord au sud du pays. Pendant sept ans, plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers ont travaillé à ce chantier pharaonique. Cette aventure hors normes est le fruit d’une collaboration entre ingénieurs, techniciens, ouvriers mais aussi diplomates et financiers occidentaux et chinois. A leur tête, Jean Jadot, un jeune ingénieur belge alors âgé de trente-sept ans, coordonna et mena à bien ce projet colossal. Outre cette aventure historique, cette exposition présente également le développement impressionnant des chemins de fer en Chine aujourd’hui à travers son réseau à grande vitesse. Des œuvres originales en lien avec la construction de la ligne Pékin – Hankou réalisées à quatre mains par les artistes Li Kunwu (Chine) et François Schuiten (Belgique), apportent une dimension artistique contemporaine à ce que les visiteurs découvrent dans les salles. D’autres œuvres de Li Kunwu, inspirées de l’univers ferroviaire chinois, viennent également enrichir cette vision. Un événement à découvrir jusqu’au 10 octobre 2021 à Train World. Plus de détails sur le site www.trainworld.be Place Princesse Elisabeth, 5 à 1030 Bruxelles
EXPOSITION : NAPOLÉON, AU-DELÀ DU MYTHE Avec une scénographie immersive s’étendant sur près de 3 000 m² à Liège-Guillemins, cette exposition retrace le parcours de Napoléon. Evitant de « dorer l’image » avec des figures d’Epinal, l’approche de sa carrière se veut objective et critique, nuancée par de nombreuses recherches historiques. Aujourd’hui, la personnalité de l’Empereur divise l’opinion. Certains voient en lui l’innovateur qui a fait aboutir les principes de la Révolution et qui a initié la France moderne. D’autres ne retiennent que ses guerres destructrices, les conscriptions forcées, les entêtements d’un chef obtus à la moindre concession sur la carte de l’Europe. En Angleterre, curieusement, on le glorifie parce que c’était un général prestigieux qui a été vaincu par Wellington. En Italie, on le respecte parce que sa famille était italienne. En Espagne, on le déteste parce qu’il a destitué le roi pour mettre sur le trône son frère Joseph Bonaparte, et parce que les Espagnols lui ont mené une guérilla sanglante. Quel roman, ma vie ! C’était ce qu’il aimait répéter pour résumer sa carrière. A neuf ans, Napoléon ne parlait pas le français. C’était un enfant de Corse, né dans une famille modeste d’Ajaccio dont le père était avocat. Ce père, d’abord hostile aux Français qui venaient d’envahir l’île, se rallie ensuite au gouvernement royal qui reconnaît ses titres de noblesse non avenus sous les Génois. Le 14 juillet 1789, alors que la Bastille est prise d’assaut pour mettre fin aux privilèges, Napoléon Bonaparte, dont le nom a été francisé, a 19 ans. Jeune officier à peine sorti de l’école militaire, il est caserné à Auxonne, sur la Saône. Passionné par les sciences, brillant en mathématiques – c’est pour cela qu’il a été versé dans l’artillerie –, il a aussi des ambitions littéraires. Il lit énormément. Il démontrera plus tard à Goethe, poète allemand, qu’il a lu sept fois Les Souffrances du jeune Werther parce qu’il aimait ce récit nourri d’un romantisme puissant. C’était un intellectuel qui s’exprimait dans un langage martial non dénué d’humour, avec des mots crus qui pimentaient ses sorties. Il retenait tout avec une mémoire photographique infaillible, lui permettant de reconnaître les soldats à leur simple visage : c’est ce qui le fit aimer d’eux. Mais Napoléon était aussi le roi des lapsus, confondant sur ses cartes d’état-major un point « fulminant » pour culminant et « amnistie » pour armistice. Il est vrai que le français n’était pas sa langue maternelle et qu’il s’exprimait aussi bien en italien. A 26 ans, après avoir écrasé l’insurrection royaliste à Paris en 1795, il est nommé général à la tête de l’armée d’Italie. A son retour d’Egypte où il a tenté de fermer les routes commerciales anglaises, il renverse le régime discrédité du Directoire et s’impose rapidement sur le devant de la scène. Il est nommé Premier consul le 1er janvier 1800. Le voici maître ainsi de la France à 30 ans. Quatre ans plus tard, il se fera proclamer empereur des Français, avec la bénédiction du pape Pie VII et sous l’assistance des
membres de sa famille réunie au chœur de Notre-Dame de Paris. On peut identifier, dans la peinture magistrale de David, plus de 200 personnages qui incarnent un monde où se croisent l’ancien et le nouveau régime. Le reste, c’est l’affaire des guerres, de plus en plus meurtrières, que Napoléon livra aux souverains d’Europe pour imposer les idées de la Révolution française et fermer les côtes aux Anglais par le Blocus continental. L’Autriche, la Prusse, la Russie et l’Angleterre lui ont répondu par sept coalitions qui aboutirent à Waterloo, le 18 juin 1815 – le clou du spectacle. Sur une soixantaine de batailles, Napoléon en a remporté 42, il a subi 11 défaites, dont la dernière à Waterloo, et 8 resteront d’une issue incertaine. Son œuvre On lui doit une œuvre majeure, inscrite en temps de paix : le Code civil ou Code Napoléon, publié en 1804, dont il a surveillé les travaux pendant dix ans et pour lequel il a désigné quatre juristes éminents. N’ayant reçu lui-même aucune formation juridique, il a néanmoins participé à près de la moitié des séances de travail qui commencèrent en 1794, sous la Convention. C’était sa plus grande fierté parce que le Code incluait les principes de la Révolution pour tous. Il a aussi institué les préfets qu’il a chargés de plusieurs rôles, leur donnant mission de faire des relevés démographiques, de construire des routes, d’améliorer l’hygiène et la sécurité. Les premières vaccinations datent du Consulat. Lui-même fit tracer des canaux pour la circulation des marchandises. L’idée d’un Sénat est la sienne. De même que celle d’instituer les lycées, le baccalauréat et l’université moderne. Il a inauguré la Cour des comptes et il a favorisé la recherche. C’est lui qui a permis à la France d’avoir, dès 1812, le sucre de betterave. En revanche, il a limité la liberté de la presse soumise à la censure (60 journaux interdits sur 70 à Paris). Et surtout, il a permis le retour à l’esclavage dans les colonies françaises. Aboli par la Convention de 1794, l’esclavage fut rétabli par Napoléon en 1802, sous la pression des hommes d’affaires qui avaient besoin d’une main d’œuvre bon marché. Son héritage De Balzac à Victor Hugo, en passant par Lamartine et Stendhal, nombre d’auteurs l’ont glorifié. Même les Anglais avec Walter Scott. D’autres au contraire l’ont détesté, comme Chateaubriand ou Mme de Staël qu’il fit exiler. Plus tard, le cinéma s’est emparé de lui avec Napoléon d’Abel Gance ou Guerre et Paix de Bondartchouk, d’après l’œuvre de Tolstoï. En tout, près de 200 films. Et l’on ne compte pas les reconstitutions historiques qui sillonnent l’Europe à sa mémoire. Ce destin hors normes a inspiré de nombreux auteurs qui ont forgé la postérité de l’Empereur : plus de 80 000 livres lui ont été consacrés, soit plus d’un livre par jour depuis sa mort en 1821, à Sainte-Hélène, dont cette exposition commémore le bicentenaire.
Vous pourrez suivre l’Empereur à travers 300 pièces authentiques qui exposent son parcours. A travers aussi des scènes et des décors qui représentent les grands moments de son existence : ses campagnes militaires où il étudie les cartes d’état-major, le Sacre où il se couronne lui-même empereur devant le pape en arrière-plan, ou bien ses errances à Sainte-Hélène. Ici, c’est son bicorne qui s’affiche devant ses victoires, là c’est Waterloo qui a signé sa déroute après une journée d’épreuves, de tension et de boucheries. Il aurait pu l’emporter si Ney était arrivé à la place de Blücher. Le sort en a décidé autrement. L’exposition commence à l’île du bout du monde, au beau milieu de l’Atlantique, là où Napoléon dictera ses mémoires de Sainte-Hélène. Jusqu’à ce que la maladie le terrasse sur son lit de camp, après six années d’exil. Le « général Bonaparte » sera enterré dans une tombe sans nom, avant que ses cendres ne soient rapatriées à Paris en 1840. Tout cela est visible au fil de l’exposition. Venez la découvrir avec le Code civil toujours en vigueur aujourd’hui. Un très beau livre richement illustré vous sera présenté à l’issue de la visite que vous ferez avec l’audioguide. Tout vous y sera montré et expliqué. Tickets en ligne et infos : www.europaexpo.be. A la gare des Guillemins à Liège jusqu’au 9 janvier 2022. Michel Lequeux
EXPOSITION : DINO WORLD A travers un parcours intérieur et extérieur gigantesque, partez à l’aventure avec toute la famille pour découvrir le monde extraordinaire des dinosaures et faites un bond de plus de six millions d’années dans le temps. Découvrez de nombreuses nouvelles animations pour la rentrée à Dino World, agrémentées d’une plaine de jeux extérieure, d’une zone d’excavation et de châteaux gonflables, sans oublier la rencontre avec des dinosaures plus vrais que nature dans un parcours immersif agrémenté de projections vidéo. Laissez-vous impressionner par la taille et les rugissements du tricératops, du brachiosaure ou du célèbre Tyrannosaure. Evaluez l’envergure fantastique du Ptéranodon et comparez vos empreintes à celle d’une jeune Diplodocus. Une exposition à découvrir jusqu’au 27 novembre 2021 à Brussels Expo (Heysel). Voyez les tarifs et les heures d’ouverture sur le site www.expodino.be Place de Belgique, 1 à 1000 Bruxelles Sam Mas
EXPOSITION : MÉDAILLONS - DES MINIATURES SUR VERRE Les Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles conservent une belle collection de vitraux, constituée de plus de trois cent cinquante œuvres datant du XIIIe au XXe siècle. Celle-ci demeurait peu étudiée et méconnue du grand public. Grâce au projet de recherche interdisciplinaire « Fenestra- Huit cents ans d’histoire du fenestrage, démarré en 2017, cet ensemble qui constitue une ressource importante pour l’étude du verre plat dans les anciens Pays-Bas est maintenant analysé, conservé dans de bonnes conditions, valorisé et en partie exposé. Dès le mois de juillet 2021, une sélection de médaillons issus de cette collection a été exposée au Musée Art & Histoire. Ces petits panneaux de verre incolore sont généralement circulaires, d’où le nom de « médaillon » ou « rondel ». Ils sont rehaussés d’un décor peint. Bien qu’ils soient actuellement méconnus, ceux-ci ont eu un grand succès dans toute l’Europe dès le XVe siècle. Leur petit format était idéal pour les insérer dans une vitrerie ou un vitrail. Les rondels exposés datent des XVIe et XVIIe siècles, période pendant laquelle les arts verriers des Pays-Bas et de la principauté de Liège étaient en plein essor. L’exposition retrace, dans un premier temps, l’évolution technologique et artistique du verre peint. La seconde partie de l’exposition s’attache aux thèmes représentés sur les rondels. Ceux-ci sont souvent délicatement peints de scènes religieuses illustrant les saints patrons ou les scènes bibliques ou encore de représentations profanes répondant aux goûts nouveaux de la clientèle aisée qui se développe à l’époque. Les rondels forment parfois des séries, illustrant différents épisodes d’un même récit. Ils sont souvent inspirés de copies de tableaux de peintres réputés circulant sous forme de dessins. L’essor de la gravure et l’invention de l’imprimerie permirent, par la suite, aux peintres-verriers d’avoir accès à de nouveaux modèles. Enfin, l’exposition aborde la question des centres de production. Si, au cours des XVIe et XVIIe siècles, la production de rondels devient une industrie florissante dans les Pays-Bas, leur attribution à l’un ou l’autre atelier, est souvent difficile. Pour distinguer le travail des peintres-verriers actifs à Anvers, Bruges, Gand, Malines, Bruxelles, Louvain, Liège et ailleurs, il faut se baser sur l’iconographie, la technique utilisée et le style, ou encore la provenance des pièces. Une exposition semi-permanente à découvrir au Musée Art & Histoire. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.kmkg-mrah.be Parc du Cinquantenaire à 1000 Bruxelles
LES TRIBULATIONS DE LA FAMILLE ZOEGEMEEL À BRUSSELLES 1.6 — Awel, M'ma, t'es comme ça sur ton 31 ! Tu vas chez ton amoureux ou quoi ? Liliane Van Vlasselaer pique un fard au moment où elle franchit la dernière marche de l'escalier : — Och erme non t'sais ! Je vais au docteur car j'ai reçu un papier dans ma boîte que je dois aller pour mon vacsin. Ça est un beau garçon, ce peï, hein ? Quand je regarde dans ses yeux j'entends comme les vagues à Blankenberghe. — C'est pas chez le docteur Vandeblaftuur que tu dois aller, hein M'ma, ça c'est ton ORL ; c'est au centre de vaccination que tu as rendez-vous. Tu sais où c'est ? — C'est bien dommage que c'est pas mon docteur qui fait ça. Me faire piquer j'aime déjà pas. L'autre jour c'est la trutte d'infirmière qui a pris mon sang et elle m'a drôldement arrangée, dis ! J'avais un bras tout bleu et ça faisait mal que tu sais pas savoir. — Oué mais au centre c'est des gens capables, ils vont bien te soigner. — Si je tombe de nouveau sur celle-là je mords dans son oreille, potverdekke ! Et elle peut se piquer elle-même sa saloperie, arra ! 'Ken kan ze nie reeken of zeen ! — Alors, tu sais où c'est ou je dois te conduire ? — Ouille ouille, oué, que je sais où c'est ! C'est dans la rue des Prêtres, c'est pas loin. J'ai quamême encore toutes mes frites dans mon sachet, qu'est-ce que tu penses ! Ils disent qu'il faut attendre là-bas quand tu as été piqué. Ça j'ai pas envie, t'sais, c'est certainement plein de peïs qui toussent et qui crachent tous leurs poumons dehors. — Tu dois rester un quart d'heure car ils veulent voir si tu tombes pas de ton sus quand tu as eu ta piqûre. — Tomber de mon sus ? Car en plus que ça fait mal quand ils piquent, tu peux encore te retrouver à l’hôpital après, janvermille ! Ils sont djoumdjoum, ces docteurs ! Moi j'y vais pas, hein ! Je reste bien tranquille à la maison, ça moi je dis ! J'ai déjà assez de blouches comme ça dans ma carrosserie. — Écoute, M'ma, je vais aller avec, comme ça si tu tombes de ton sus je serai là pour te rattraper. Mais on va d'abord boire une jatte de cafè et un petit blanc pour te donner du couraach. Alleï, viens à la cuisine, Carabitje est occupé à manger son quatre heures et puis il doit faire ses devoirs, et je viens juste de le passer, le cafè. Non attends, laisse la porte contre car la gamine doit arriver avec son nouveau scheir. Çuilà j'ai envie de voir quelle tête il a. — Oué eh ben si c'est un patatesteker comme l'autre, tu vas voir comme il va prendre un poste ! C'est quamême grave, avec cette gamine, tu sais. Tout ce qu'elle ramène c'est crott en companie ! Comment tu acceptes ça, Treene ? — Och dis, je vais pas commencer à manger mon armoire à cause d'un bountje de passage. Elle prend, elle jette, c'est la vie. — Tâche seulement bien qu'elle revient pas avec un pouchenel dans son tiroir ! Et en plus si il est zwet comme le tuyau de mon poêle, qu'est-ce que tu vas dire en bas de ça ? Non Treene, tu peux pas la laisser courir comme ça. Dee zoegemeil fret, zal planke schaaite, rappelle-toi ça. Aller danser c'est une chose, aller se faire enrouler, c'est autre chose. — Elle prend la pilule, t'sais, M'ma. Et en plus je lui donne des durex en réserve, alors tu vois, elle risque rien. — Awel de mon temps ça se passait pas comme ça, potverdekke non ! — Oué mais de ton temps, c'est vieux. Et puis des filles qui revenaient à la maison avec un gros ventre, ça existait aussi ! Tiens, moi, par exemple, j'étais soi-disant une prématurée car je suis née sept mois après votre mariage, à Poepa et toi. Une prématurée de sept mois qui pèse 4,2 kilos, ça est plutôt rare. Tu zwanzes ou quoi ! — Arrête avec ça, hein, Treene ! C'est des affaires entre Fons et moi, t'as pas à venir afbabeler ça. — Achliep, achliep ! T'aime pas qu'on parle de ça, hein ? Eh ben moi, avec le Jeuf, on s'en est bien donné avant notre mariage. Mais toujours avec du caoutchouc, arra ! Ça c'est le progrès ! Les jeunes de mennant c'est encore mieux. Ils ont la pilule, et tous des bazars pour le lendemain si t'as oublié, et... — Et ils ont le SIDA car ils courent partout ! Allez, hein, Treene ! J'ai peut-être soixante-huit ans mais
je sais encore lire le journal. Tu vas pas me raconter... — Oué, M'ma, tu en as soixante-huit, tu sais encore lire le journal et faire de ton Jan, mais tu as les poepers d'aller faire une petite piqûre ! Alleï ! Jacqueline n'arrive pas avec son Jules, mais nous autres on doit y aller. Vide ton verre que je le remets dans l'armoire. Et toi, Lowieke, tu fais bien tes devoirs, hein ! La porte d'entrée s'ouvre sur Jacqueline et son nouveau chevalier-servant : — Bonjour, madame Catherine. Je suis heureux de vous rencontrer, car votre délicieuse fille Jacqueline m'a dit beaucoup de bien de vous. — Ocherme, Treene ! C'est un fransquillon maveiger qu'elle nous ramène cette fois-ci ! Dis, ma Lineke, tu sais pas une fois trouver un ket qui cause comme nous autres ? Un qui boit de la gueuze et qui mange du stoemp ? Car je sens que, en plus, celui-ci il a été un peu trop longtemps en dessous de la zonnebank, bronzé comme il est. Et il t'a grignotée ou quoi ? Il dit que tu es délicieuse, ce mangeur de fille ! — Il est Rom, Mémé. Il joue de la musique. — Eh ben alors : ♫ Vee van Boma ! Georges Roland LEXIQUE awel : eh bien M'ma : maman Ocherme : mon dieu trutte : idiote, connasse Potverdekke : juron bruxellois arra : voilà reeken of zeen : la voir en peinture Ouille ouille : mon dieu toutes mes frites dans mon sachet : lucide tombes pas de ton sus : tu t'évanouis janvermille : juron bruxellois djoumdjoum : felés blouches : dégâts jatte : tasse quatre heures : goûter laisse la porte contre : ne ferme pas la porte scheir : amoureux patatesteker : pique-assiette prendre un poste : se faire éjecter crott en companie : du tout-venant manger mon armoire : m'en faire bountje : amourette pouchenel : Polichinelle zwet : noir Dee zoegemeil fret, zal planke schaaite : qui sème le vent récolte la tempête se faire enrouler : embrasser afbabeler : médire Achliep : onomatopée de dérision poepers : frousse faire de ton Jan : parader maveiger : frotte-manche zonnebank : banc solaire Vee van Boma : vive grand mère (chanson)
RENCONTRE : ALEXANDRA STREEL Au mois de mars, je vous présentais une jeune auteure de littérature Fantasy, résidant à Bruxelles. Je l’ai recontactée pour qu’elle nous tienne informés de la suite de « ANIENDA ». Interviewée par la DH le mois dernier, Alexandra Streel dévoilait travailler sur le quatrième et ultime tome de sa saga Anienda. Le 25 novembre prochain sortira son troisième tome intitulé « Anienda et la naissance d’une légende ». Préparant sa promo, elle en a dévoilé la couverture sur les réseaux sociaux il y a peu. Si vous avez lu les deux premiers tomes, vous savez que l’histoire se termine sur un cliffhanger qui en a torturé plus d’un. Que va-t-il se passer maintenant ? Comment nos héros vont-ils se sortir de cette funeste situation ? Après avoir attiré l’attention sur l’importance de la nature et la protection de l’environnement dans ses deux premiers tomes, cette fois l’auteure obscurcit encore le ton, explorant de nouveaux sujets qui lui tiennent à cœur, tel que le deuil et la recherche de ses origines. Ses approches toujours subtiles tentent de glisser des messages entre les lignes. Les descriptions sont toujours aussi immersives et ce troisième tome s’annonce révélateur de l’histoire du monde d’Anienda lui-même et de ses origines. « J’ai voulu creuser et développer le lien qui existe entre Anienda et le monde des Hommes et montrer que les choses ne sont pas toujours comme elles paraissent. J’aime jouer avec le lecteur, lui faire croire des choses et puis partir dans une tout autre direction. Je ne sais pas si j’y arrive toujours mais je sais que le fait que ce ne soit pas formaté comme dans certains romans dont on peut prédire le déroulement, plaît à mes lecteurs. J’aime sortir des balises et des cadres. » La promo commence vraiment maintenant, avec la réouverture des salons littéraires. D’ailleurs elle sera, le 28 novembre à Mon’s livre, le plus grand salon du livre de Wallonie, pour dédicacer ses trois romans. Cette suite dévoile bien des révélations sur l’histoire du monde d’Anienda et ses origines. Après la bataille de Pholène, les enfants de la lumière pleurent leurs morts : Lua et Elmeane ne sont plus. Elwyn a été fait prisonnier et Maïna s’en veut terriblement de ne pas avoir pu le sauver. Mais l’heure n’est pas aux regrets car Yrgalon devient plus fort de jour en jour. Ses armées attaquent des villages dans tout le monde elnien et se rapprochent dangereusement d’Anienda. Seule la grande alliance pourrait encore sauver la cité et empêcher Yrgalon d’envahir le monde des Hommes. Elwyn, Maïna et Neouma ont un rôle déterminant à jouer dans cette guerre, mais sont-ils vraiment ce qu’ils semblent être… ? Envie de découvrir ou d’offrir ces livres ? Vous avez le choix en vous rendant en librairies, en allant sur www.rebelleedition.com ou en faisant vos achats sur Amazon et autres sites de vente. Et si vous avez envie de rencontrer cette jeune femme et d’acquérir un exemplaire dédicacé, rendez-vous à Mon’s Livre. Silvana Minchella
CINÉMA : STILLWATER Thriller de Tom McCarthy, avec Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin et Lilou Siauvaud. USA 2021, 138 min. Sortie le 22 septembre. Résumé du film – Un foreur de puits de pétrole venu du fond de l’Oklahoma débarque à Marseille pour soutenir sa fille qui purge une peine de prison pour un meurtre qu’elle n’a pas commis. Confronté au barrage de la langue, aux différences culturelles et à une procédure judiciaire complexe, Bill Baker met un point d’honneur à innocenter sa fille et à remonter la piste du crime. Commentaire – Un thriller sans doute trop long, avec Matt Damon dans le rôle principal. Jason Bourne, l’agent amnésique de la trilogie, retrouve ici la mémoire en enfilant la casquette du père convaincu de l’innocence de sa fille. Il a pris un peu de poids et quelques tatouages de baroudeur sur les bras en débarquant à Marseille, dans ce monde peu enclin à la dénonciation, dont il ne connaît pas la langue et où il se sent étranger face aux bandes rivales de la cité. Si ce thriller tient le coup, c’est grâce à lui, Matt Damon, et à ses qualités d’acteur touche à tout, allant des films d’action à la comédie ou au drame psychologique qu’il maîtrise bien (Au-delà de Clint Eastwood, 2011). Il croit dur comme fer, en priant à table, à l’innocence de sa fille qui est venue étudier en France pour fuir ce père toujours parti sur un chantier de forage. Père absent du foyer familial, il a fait de la prison pour alcoolisme et trafic de drogues. La foi l’a racheté. Il connaît donc bien le monde carcéral où croupit sa fille, suite au meurtre dont elle a été reconnue coupable. Deux êtres vont aider ce père à mener son enquête à Marseille : une mère « solo » comme lui, qui est comédienne, et sa fille Maya qui voit en lui le père tant désiré qu’elle n’a plus. C’est interprété par Camille Cottin (Telle mère, telle fille, 2017), qui semble parfaitement maîtriser l’anglais pour servir d’interprète et intégrer son colocataire dans le milieu marseillais. A ses côtés, la petite Lila Siauvaud mentira avec la candeur d’un enfant pour sauver Bill des griffes de la police. Que ne ferait-elle pour ce père qu’elle n’a pas eu ? Reste que ce thriller est trop long (il dure deux heures vingt), rédigé par quatre scénaristes, dont le réalisateur lui-même, qui n’ont pas su accorder leurs violons entre eux. Il y a dans le scénario des points morts, des redites et une fin qui apparaissait à mi-course, lors du plan sur les calanques de Marseille, avec la réflexion d’Allison, la fille de Bill, interprétée par Abigail Breslin, la jeune vedette qu’on a vue dans des séries télévisées et dans Bienvenue à Zombieland 2 (2019). Elle a pris elle aussi du poids, au propre et au figuré. Acteur, réalisateur et scénariste, Tom McCarthy signe ici son sixième film après Spotlight sur les prêtres pédophiles couverts par l’Eglise catholique à Boston (2015). Le film a été tourné à Marseille, en août 2019, dans les quartiers de L’Estaque et Bonneveine. Avis – Ça pourrait faire un bon thriller si on lui enlevait une demi-heure de redites et de plans inutiles. Reste la prestation de Matt Damon qui joue bien l’Américain moyen, peu cultivé, croyant, venu du fin fond de sa campagne. Michel Lequeux
CINÉMA : LE GENOU D’AHED Drame de Nadav Lapid, avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, Yoram Honig et Lidor Ederi. Israël-FranceAllemagne 2020, 109 min. En hébreu sous-titré français. Sortie le 22 septembre. Résumé du film – Un réalisateur en quête d’un financement pour son prochain film débarque dans un kibboutz au sud d’Israël. Il y a été invité par Yahalom, la jeune directrice du service culturel, pour présenter un de ses films et répondre à des questions convenues. Mais en lui bouillonne la rage du dissident sur « la réalité toujours complexe en Israël ». Cette rage qu’il va faire exploser devant la fonctionnaire interdite, alors que sa propre mère se meurt d’un cancer des poumons. Commentaire – Le Genou d’Ahed, par référence au Genou de Claire d’Eric Rohmer, est un film autobiographique. D’abord parce que Nadav Lapid y parle de sa mère récemment décédée, monteuse des films qu’il a tournés. Ensuite parce qu’il raconte un épisode vécu, quand il fut invité à venir parler de son film L’Institutrice et qu’il fut accueilli, au fin fond du désert israélien, par la directrice adjointe des bibliothèques du ministère de la Culture. C’est donc son histoire qu’il nous livre ici sous l’initiale Y. Le réalisateur s’en prend à « la réalité complexe d’Israël » dans ce film mis en abyme sur une jeune Palestinienne assignée à résidence. Ce film dans le film lui sert à exprimer sa rancœur à l’égard d’une société cadenassée sous le régime de Netanyahou. C’est le fonctionnement de la société israélienne qu’il prend pour cible. C’est l’Etat juif « nationaliste et raciste qui abrutit ses citoyens en les maintenant dans l’ignorance et où chaque génération engendre une génération pire encore ». Il le fait dans deux scènes capitales. Celle d’abord où il présente un sergent intimant à ses hommes l’ordre d’avaler deux pilules de cyanure devant l’assaut des Syriens qui veulent reprendre le Golan. Une mascarade destinée à aguerrir les militaires, à tester leur sens de la discipline et du devoir accompli. Celle ensuite où Y., notre réalisateur, tient une interminable logorrhée devant le désert et devant l’attachée culturelle, à qui il crie sa haine du système, son désespoir d’être asservi par l’Etat et sa peur de voir mourir toute liberté en Israël, comme sa propre mère qui est à l’agonie de son cancer. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il a enregistré sur son portable ce flot d’invectives qui a recueilli l’assentiment de l’attachée. Il est prêt à répandre la foudre sur les réseaux sociaux, quitte à brûler le poste de la jeune femme pourtant si attirante envers lui. Va-til devenir un terroriste de la culture, un monstre ? Il est clair que ce film remuera les consciences en Israël. Clair qu’il ne sera pas bien accueilli par les autorités ou qu’il sera même interdit. Car il met mal à l’aise sur le régime israélien. La diatribe du réalisateur donne en effet à réfléchir. Elle confortera le sentiment de certains sur l’absence de démocratie en Israël, du moins sous l’autorité de Benjamin Netanyahou. C’est interprété par Avshalom Pollak, danseur et chorégraphe, qui revient au cinéma après plus de vingt ans d’absence. Caché à ses pieds lors de sa logorrhée digne des intellectuels juifs, le réalisateur lui donnait la cadence de ses invectives crachées au désert et au visage de sa partenaire Nur Fibak. La jeune comédienne promet dans ce premier rôle à l’écran. Quant au réalisateur Nadav Lapid, né en 1975 à Tel-Aviv, il a d’abord étudié la philosophie à l’université de Tel-Aviv, la littérature française à Paris et le cinéma à l’école Sam Spiegel à Jérusalem. Il a présenté L’Institutrice au Festival de Cannes en 2014 et son dernier film, Synonymes, a remporté l’Ours d’or au Festival de Berlin 2019. Le Genou d’Ahed fut tourné en 18 jours au mois de décembre 2019. Avis – Une terrible logorrhée sur l’absence de démocratie en Israël. C’est réalisé en gros, très gros plans tremblés par une caméra qui suit le personnage et traduit le bouillonnement de sa colère contre le régime. Instructif à défaut d’être bien tourné dans l’urgence du moment. Michel Lequeux
CINÉMA : LES INTRANQUILLES Drame de Joachim Lafosse, avec Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah, Patrick Descamps et Jules Waringo. Belgique 2021, 115 min. Sortie le 6 octobre. Résumé du film – Damien est un peintre surmené par ses toiles auxquelles il se voue corps et âme. Sa peinture l’épuise entre deux cures psychiatriques qu’il subit pour ses crises de bipolarité. Sa femme Leïla, restauratrice de tableaux et d’antiquités, fait ce qu’elle peut pour le soutenir, mais c’est en vain. Quant à leur fils Amine, il vit dans la peur du lendemain en voyant son père sombrer peu à peu dans la folie. Commentaire – Intranquille est un terme psychologique pour qualifier l’état d’esprit dans lequel vit cette famille perturbée par la bipolarité du père. D’autant plus que Damien est peintre et qu’il a intégré le monde des riches, des antiquaires et des galeries d’art : tout ce à quoi il veut s’accrocher, malgré la maladie chronique dont il est atteint. C’est une copie conforme de Van Gogh, dont on retrouve le visage halluciné, les yeux fous, en proie au délire, chez ce peintre du dimanche qui crée d’après photo, en détruisant au fur et à mesure ce qu’il a jeté sur ses toiles. Damien Bonnard incarne Van Gogh jusqu’à la caricature, peignant les mêmes scènes d’intérieur dans les mêmes paysages de Provence où il essaie de fixer les traits de sa femme. On sait que la bipolarité, sujet de ce drame, est une maladie évolutive pouvant finir très mal, sur un suicide comme ce fut le cas de Van Gogh souffrant du même délire. Il n’est donc pas étonnant que Joachim Lafosse, réalisateur belge filmant « la sphère privée et ses limites » (A perdre la raison en 2013 sur le cas de Geneviève Lhermitte), ait surchargé son personnage. Bonnard s’y colle à merveille. Il se glisse dans la peau du peintre jusqu’à nous donner des haut-le-cœur. On l’a vu jouer récemment dans Le chant du loup d’Antonin Baudry et dans J’accuse de Roman Polanski. Quant à Leïla Bekhti, actrice française née dans une famille algérienne de Sidi Bel Abbès venue s’installer en région parisienne, elle incarne bien cette femme aimante, dévouée aux siens, qui fait ce qu’elle peut pour arracher le peintre à sa bipolarité. Pour le soigner malgré lui. En vain, car c’est finalement elle qui craque et plonge dans la déprime. Elle va larguer les amarres de la famille devant son mari qui lui promet d’être vigilant mais non de guérir. On ne guérit d’ailleurs jamais de la bipolarité. Leïla Bekhti a tenu le rôle de Myriam, en 2019, dans Chanson douce de Lucie Borleteau, d’après le roman éponyme de Leïla Slimani. Un rôle qui lui allait comme un gant. Ici aussi du reste, car elle incarne parfaitement cet amour maternel qui rayonne sur toute la famille. La caméra mobile – une steadicam fixée sur harnais à l’opérateur qui va et vient – suit, par plans rapprochés, à mi-corps ou en gros plan sur les visages, la lente dérive de ce peintre bipolaire et l’état de sa maladie. Elle suit aussi de très près Leïla Bekhti, qui tient la vedette dans ce film. Avis – Tranche de vie d’un peintre bipolaire qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Van Gogh et à ses paysages. Belle interprétation de Damien Bonnard et de Leïla Bekhti qui forment un couple sur béquille. Michel Lequeux
CINÉMA : EIFFEL Drame romantique de Martin Bourboulon, avec Romain Duris, Emma Mackey, Pierre Deladonchamps et Armande Boulanger. France-Allemagne 2021, 109 min. Sortie le 13 octobre. Résumé du film – Venant tout juste de finir sa collaboration à la Statue de la Liberté de New York, Gustave Eiffel est au sommet de sa carrière. Le gouvernement français voudrait qu’il conçoive quelque chose de spectaculaire pour l’inauguration de l’Exposition universelle de Paris en 1889, mais lui ne s’intéresse qu’au projet du métropolitain. Il revoit alors son amour de jeunesse, Adrienne Bourgès, qui va lui souffler l’idée de la tour Eiffel. Commentaire – Inspiré des faits réels (mais en décalage par rapport aux dates, car Eiffel en 1887 a 55 ans, alors qu’il en paraît quinze de moins à l’écran), ce drame romantique va et vient entre la jeunesse de l’ingénieur et le bureau d’architecture qu’il fondera plus tard, sous la IIIe République affairiste. Le matériau qu’Eiffel utilise, c’est le fer qu’il voudrait appliquer au métro, mais qu’il va utiliser dans la tour de 300 mètres qui portera son nom après sa rencontre avec Adrienne, son amour de jeunesse. Il n’a pas oublié la jeune femme qui s’est donnée à lui, et le fer va croiser l’amour. C’est ainsi qu’on peut comprendre la couleur un peu terne, un peu sombre du film où le rouge se marie aux teintes crépusculaires, donnant cette patine rouille aux scènes et aux visages. La lumière qui nimbe le paysage est celle de l’automne, comme l’ingénieur qui est dans la cinquantaine et qui veut rallumer en lui sa passion pour la belle Adrienne. Eiffel est construit comme un aller-retour incessant entre l’inauguration de la tour pour l’Exposition universelle de Paris en 1889 et les débuts de Gustave Eiffel. On voit le jeune ingénieur se vouer corps et âme à son métier et aux hommes qui travaillent à la construction d’un pont métallique sur la Garonne. Il a 26 ans et est tout frais émoulu des études techniques qu’il a conduites à bon terme. Entre Adrienne, fille d’un riche notable, et Gustave, c’est tout de suite le grand amour, entravé par une différence de classe sociale. Il est ingénieur des ponts et chaussées, mais elle appartient au monde des riches. Vingt ans plus tard (trente en réalité), il la revoit mariée à un journaliste bien placé dans le milieu des affaires. Leur relation à trois va compliquer sérieusement le progrès de la tour qui sera soumise à l’hostilité des Parisiens, des journalistes et des banquiers. Eiffel devra y investir sa fortune personnelle pour achever les travaux : soit près de 8 millions de francs or. Si la Tour ne s’élève pas, il perdra tout, à commencer par sa réputation. Elle s’élèvera pourtant avec tous ses composants de fer, et l’on assiste au rêve d’Eiffel qui se réalise, au rivet près : 2 500 000 qui unissent les poutrelles majestueuses. Elles sont toujours là aujourd’hui. Romain Duris, qu’on a vu dans L’Ecume des jours avec Audrey Tatou (2013) et Dans la brume de Daniel Roby (2018), incarne Gustave Eiffel avec force. Il en a l’énergie, l’esprit cartésien et le cœur en feu, rallumé par son ancienne passion. Celle-ci a les traits d’Emma Mackey, la petite fille riche qui s’est éprise d’un beau ténébreux, le rôle phare de son partenaire dans une cinquantaine de films. Elle joue son rôle à la perfection, et si le réalisateur Martin Bourboulon l’a choisie, c’est parce qu’elle représente pour lui une actrice rock et romantique, qui sait jouer des yeux et des larmes pour faire fondre les cœurs. Le réalisateur en est à son troisième film après Papa ou Maman 1 et 2 (2016). Une belle réussite. Avis – Un mélodrame sensible sur la construction de la « vieille dame de fer » emblématique de Paris. Tout le monde y trouvera son compte : les amateurs d’histoire et ceux qui préfèrent la romance. On verra désormais la tour Eiffel comme un grand A, l’initiale d’Adrienne. Michel Lequeux
LE MYSTÈRE SPILLIAERT Un des meilleurs romans de Kate Milie. Mais est-ce bien un roman ? Kate Milie parle comme une mitraillette, mais réfléchit longuement avant de s’exprimer, elle a un débit ultra rapide mais tout est pensé dix fois, documenté avec sérieux et le résultat d’un long travail de réflexion… bref, elle est exactement le contraire de ce qu’elle parait être. Si vous avez pigé la manière dont elle fonctionne vous avez tout compris, sinon tant pis pour vous et repassez un autre jour. Car depuis 2009, où elle a fait paraître son premier bouquin, cette autrice (ben oui, on est désormais obligé de nommer les écrivains avec le féminin correspondant si on ne veut pas courir le risque d’être désavoué publiquement) cette autrice a réussi à prendre une véritable place parmi les noms qui comptent dans la littérature belge. Depuis son premier polar (« Une Belle Epoque ») où elle s’est positionnée comme une écrivaine particulière, ses livres étant autant des descriptions de l’Art Nouveau que des histoires haletantes avec des assassins et des enquêtes compliquées, elle est apparue différente et originale. Pas de problème du coté de l’écriture où on s’est rapidement rendu compte qu’elle savait écrire mais c’est surtout du côté de l’ambiance qu’elle se fit remarquer, avec des histoires qui toutes sans exceptions tournaient autour de Bruxelles et s’attardaient sur les courbes et arabesques de l’Art Nouveau qui fit le must des architectes entre 1890 et le début de la première guerre mondiale. On peut dire sans lui lancer de fleurs (parce que c’est vrai), que Kate Milie est devenue une sorte de spécialiste de ce style et tous ses romans édités depuis, qu’il s’agisse de « l’Assassin Aime l’Art Déco », de « Noire Jonction » ou de « Peur sur les Boulevards » (tous édités chez 180 degrés) ne sont en définitive que des variations sur ce thème de l’Art Nouveau, avec en toile de fond, Marie une jeune guide touristique, qu’épaulent un journaliste et un flic qui connaissent bien les lieux interlopes ou parfois peu connus de la capitale, mais toujours attrayants sinon remarquables (l’adjectif étant considéré ici comme « curieux » ou « à marquer d’une pierre blanche ou… noire ». Mais si je vous en parle ce mois-ci, c’est pour vous présenter un ouvrage vraiment très original qu’elle vient de publier et qui mérite dix fois être lu : « Le Mystère Spilliaert » et pour une fois il ne s’agit pas d’une enquête policière, encore que ce bouquin soit rédigé de la même façon. Car le sieur Leon Spilliaert a existé (1881– 1946). C’était un artiste dans tous les sens du terme et qui a laissé derrière lui des tableaux remarquables, pas toujours appréciés à leur juste valeur, relativement peu connus comme ils devraient l’être, mais témoins d’une époque où le symbolisme, l’expressionisme et même le surréalisme se confondaient. On ne peut d’ailleurs l’associer à aucune école sinon toutes à la fois. "Jusqu’à présent ma vie s’est passée, seule et triste, avec un immense froid autour de moi" écrivait-il en 1909, il n’avait pas trente ans ! Tout est dit, solitaire et très seul ! Peu de gens le connaissent, hormis les spécialistes, et sa fin de vie fut à l’image du personnage, discrète et retirée, encore que sur le plan pécuniaire il ait toujours vécu à l’aise, appartenant à une famille aisée d’Ostende (son père était parfumeur de la Cour). Il a connu et fréquenté des poètes comme Maeterlinck et Verhaeren, correspondait avec Nietzsche et Lautréamont et fut un proche de James Ensor qui ne le tenait cependant pas en très grande estime … Bref, il n’a pas vécu la vie difficile et bouleversée d’un poète maudit, mais celle d’un fils de famille qui n’a jamais dû compter ses sous à la fin du mois, ce qui n’est pas très romantique. Il avait une santé fragile (il souffrait d’ulcères sévères à l’estomac et d’insomnies) et ses dernières toiles moins connues l’amenèrent même à dessiner encore et toujours des arbres ! Bref, qu’avait-t-il de si particulier que Kate Milie lui ait consacré un livre ? Et surtout l’ait intitulé le « le Mystère Spilliaert » ? Tout part d’un tableau exposé au musée d’Ixelles « l’Homme Chancelant ». « Un homme, vu de dos, vêtu d’une redingote, coiffé d’un haut-de-forme, erre la nuit, en bord de mer, le long des majestueuses Galeries royales d’Ostende. Il semble tituber, tend une main hagarde vers les imposantes colonnes. Qui est cet homme ? Un noctambule égaré sur la digue après la fermeture des cabarets ? Un promeneur perdu ? Un être dévasté venu confier une douleur intenable à la mer ? ». Une toile de jeunesse de Spilliaert qui toucha Kate Milie en plein cœur.
Et Kate elle est comme ça. Quand quelque chose la touche, elle y va à fond. Elle veut comprendre. Ce tableau lui a parlé et désormais elle va consacrer une année complète de sa vie de romancière à cet artiste méconnu ou presque et lui dédier un atelier d’écriture qui deviendra en même temps un livre (là on retrouve l’auteur de roman policier). Et quel livre ! Deux lecteurs et participants à cet atelier, Adrienne et William, la quarantaine, vont devenir ses cobayes, donner leurs impressions, leur ressenti et en même temps participer à la confection du livre, séduits par le spleen troublant et la personnalité sombre de Spilliaert (surtout durant sa période « jeunesse ») où il créa ses toiles les plus marquantes, souvent dessinées à l’encre de Chine et à la craie pastel. En fait, ils vont d’une certaine façon co-écrire ce livre et visiter de chapitre en chapitre les différents lieux où l’artiste a laissé, cent ans plus tôt, les traces de son passage. A Ostende bien sur, l’Hôtel Métropole à Bruxelles, Paris le long des quais de la Seine… partout où son génie la trimballé. Un livre qui n’en est pas un, mais qu’il a fallu écrire quand même, sur un peintre qui n’appartient à aucune école mais a fréquenté les plus grands au début du siècle passé et dont on commence seulement avec pas mal de retard à reconnaître le talent, une autrice qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus et se lance à corps perdu dans une œuvre méconnue qui va peut-être revoir le jour… L’exemple de Van Gogh est là pour nous ramener à plus de modestie et nous rappeler que la notoriété ou le succès ne sont pas toujours le résultat du génie, mais plus souvent de l’art de se vendre. Qu’il s’agisse de « l’Homme Chancelant », de la « Baigneuse », de la « femme sur la Digue », de « la Porteuse d’eau » ou plus simplement du portrait de son ami « Emile Verhaeren », tous ces tableaux commencent désormais à faire parler d’eux et Léon Spilliaert sort de l’ombre. Il n’en demandait pas tant. Tout comme le livre que Kate Milie lui a consacré à une époque où les gens se demandaient le pourquoi et le comment d’un tel intérêt ? Certains appellent cela de la prémonition, d’autres du flair… Demandez lui, à mon avis c’est tout simplement l’intérêt pour le beau. Ainsi un peintre sort de l’anonymat où il se complaisait, pour devenir soudain un « Nom » et (je me trompe peut-être, mais je ne crois pas) un talent très original où une certaine discrétion voulue risquait de l’enfermer ! Ce n’est pas la première fois que des artistes se révèlent après leur mort et souvent cela arrive parce qu’ils sont redécouverts à leur corps défendant par des amateurs d’art, parfois des galeristes ou des gens plus visionnaires, plus affutés que d’autres. Avec « le Mystère Spillaert » Kate Milie a donc réussi à sortir des limbes un peintre d’une grande originalité tout en écrivant un roman (mais est-ce bien le terme exact) de toute beauté qu’elle considère d’ailleurs comme un de ses écrits les mieux pensés. 180° Editions – 166 pages Bob Boutique
L’INCONFORT DU PLAISIR Bernard Challes est un père de famille dévasté par la disparition de sa fille Eva et demande à son ami Erik Morny de l’aider à la retrouver. La disparition d’Eva n’a jamais été considérée comme inquiétante, puisque la jeune fille est partie avec un sac de voyage et quelques affaires personnelles. Toutefois, huit ans après, les forces de l’ordre retrouvent, en contrebas d’une route forestière, son véhicule, une vieille Fiat Panda. Son père aperçoit, alors, une lueur d’espoir. Erik accepte de reprendre les recherches. Bien que marié, Erik va embarquer dans cette aventure sa maîtresse parisienne : Juliette Mistival. Ils vont découvrir sur leur périple que la sage Eva n’était pas si sage que son père pouvait le penser. Tout au long de cette aventure, ils vont faire la connaissance d’une jeune fille qui s’est ouverte à des plaisirs sensuels non conventionnels. Ce livre vous plongera dans le monde du libertinage et de la domination, mais reste soft tout au long de l’écriture. L’auteur, Alex Guirec, s’est lancé dans l’écriture en 2012 avec sa première nouvelle « Rencontre dirigée », puis, en 2018, a écrit « L’inconfort du plaisir » qui est une pure fiction et qui mérite d’être lue. Bonne lecture à tous. IS-Edition - 185 pages Elise Jane
LES SIRÈNES DE BAGDAD Celles qui chantent la mort à l’oreille des jeunes recrues. A l’heure où l’on commémore les victimes des attentats de New York, de Paris et de Bruxelles, Les Sirènes de Bagdad nous plongent dans la tête d’un terroriste. Ou d’un jeune promu à le devenir. C’est le troisième volet d’une trilogie que Yasmina Khadra consacre à l’examen du divorce profond entre l’Orient et l’Occident. Dans Les Hirondelles de Kaboul, il décrivait le coup de foudre d’un geôlier taliban pour une jeune captive qui n’avait pas voulu se soumettre à la loi des mollahs. Dans L’Attentat, il était sur la piste d’une terroriste qui s’était fait « sauter » dans un restaurant de Tel-Aviv, entraînant de nombreuses victimes avec elle. Il nous met ici dans la peau d’un jeune Bédouin confronté à trois bavures de l’armée américaine, la dernière constituant l’outrage suprême à ses yeux : son vieux père handicapé jeté à terre et dénudé, le pénis à l’air face à la famille, pendant que les militaires fouillent la maison pour y découvrir une cache d’armes ou la preuve, en tout cas, que la palmeraie voisine méritait bien d’être rayée de la carte. Nous sommes en Irak au début 2004, alors que Saddam Hussein vient d’être appréhendé par les forces américaines. Ce jeune Bédouin est le narrateur de l’histoire. Nous ne connaîtrons jamais son nom, sinon que c’est un jeune homme de 20 ans, « humble et effacé », qui va sombrer dans la haine implacable des étrangers occupant son pays. Les dégâts collatéraux dont il a été le témoin vont le transformer en une redoutable machine de guerre. Il va vouloir venger l’honneur familial bafoué sous ses yeux. Une sainte colère s’est allumée en lui. La colère de Dieu. Modelé par le réseau terroriste qui l’a embrigadé à Bagdad, il va devenir une véritable machine de guerre : le porteur d’un virus mortel qui anéantira Londres et les capitales voisines s’il prend l’avion. Mais le prendra-t-il à l’aéroport où se pressent les voyageurs insouciants ? Yasmina Khadra, auteur algérien passé depuis longtemps au premier plan de l’actualité littéraire, notamment avec Ce que le jour doit à la nuit, démonte ici le mécanisme du jihad radical, de la violence aveugle menée par ces jeunes désespérés, sous la forme d’un roman haletant, alerte et bien enlevé. La fin nous montre de quel côté est l’auteur qui explore inlassablement l’histoire contemporaine en militant pour le triomphe de l’humanisme. Ce serait dommage de bouder ce récit bien écrit au nom de la quiétude d’esprit : ce n’est pas en fermant les yeux sur la réalité qu’on fera disparaître le choc des idéologies qui s’affrontent. Ni que les identités en seront moins meurtrières pour reprendre le sujet d’Amin Maalouf. A lire pour comprendre ce qui se passe dans une tête endoctrinée. Ed. Pocket – 317 pages Michel Lequeux
A LA TABLE D’HITLER Hitler se savait menacé et craignait pour sa vie. Autour de lui, il subodorait que certains complotaient ferme. Ses agents mettaient la pression pour écrouer les séditieux ou les éliminaient sans autre forme de procès. Agité par une paranoïa de plus en plus tenace à mesure que la guerre s’enlisait et que la victoire devenait de moins en moins certaine, il en était arrivé à se méfier de tout et, notamment, de la nourriture qu’on lui servait. Aussi, il avait désigné des goûteuses afin de vérifier que les plats ne soient pas empoisonnés. Magda a été l’une d’entre elles. Celle qui, la peur au ventre, avalait quelques bouchées de chaque aliment qui allait être présenté au leader du parti nazi. Une horreur ! Alors que les hommes mouraient au front, on lui répétait qu’il s’agissait d’un insigne honneur que de servir le führer de cette manière et qu’elle allait s’habituer à ce risque permanent. Quelle plus belle preuve d’allégeance que celle du sacrifice quotidien pour que vive le leader d’une Allemagne forte ! Comme la majorité des femmes forcées d’accepter ce poste, Magda souhaitait profiter de sa jeunesse. Pourtant, il fallait manger de tout, puis attendre une heure pour voir si ce qu’elle avait ingéré n’était pas mortel. Lorsqu’elle a appris qu’un complot était en gestation, elle s’est rangée du côté d’un bel officier qui ne la laissait pas insensible. Mais dans le chaos du conflit qui se généralisait dans toute l’Europe et au-delà de son périmètre, comment garder espoir ? Bien qu’il s’agisse d’une fiction, les goûteuses du führer ont réellement existé ! Ed. City – 399 pages Daniel Bastié
LES PAPYS FONT DE LA RÉSISTANCE Les seniors aiment la castagne ? Pas vraiment, puisqu’ils aspirent à une retraite tranquille ! Toutefois, il convient de ne pas leur chercher des noises. Faut pas pousser Bobonne ! répète le dicton et cela se prouve par l’exemple avec ce roman caustique de Juliette Sachs, qui nous raconte de quelle manière un groupe de septuagénaires entre en résistance pour s’opposer à l’ouverture d’un supermarché qui va être édifié à une encâblure de chez eux. Non pas qu’ils détestent les grandes surfaces commerciales, mais les plans envisagent de les expulser de leur domicile et de les envoyer en maison de repos. Pas question de se laisser déloger sans entrer en résistance. Alors, une alternative s’impose : retrousser ses manches et anticiper les coups. Ils ont connu la guerre de 40-45 et ne comptent pas demeurer les bras ballants le long du tissu de leur jupe ou de leur pantalon. A leur âge, ils savent qu’il s’agira de leur dernier baroud. Semer la zizanie devient plus qu’une option. Il s’agit tout simplement de protéger leur monde, leurs habitudes et, surtout, de rester accroché à leurs souvenirs, à leur petit confort entre jardinage, parties de pétanque et crochetage de napperons. Un roman décapant et un chouia irrespectueux. Les vieux … faut pas les chercher ! Ed. City – 270 pages Daniel Bastié
LES AMANTS INTERDITS La guerre et ses règles. Nous sommes en plein conflit mondial. La France est occupée par l’armée allemande. La Bretagne, comme les autres régions de l’Hexagone, n’échappe pas à la férule nazie. Une horreur vécue au quotidien. Dans son village, Irène exerce le métier d’institutrice et cherche à s’adapter au mieux. Elle prend néanmoins conscience de la dureté de la situation lorsqu’elle est amenée à aider un voisin, traqué par la Gestapo. Prise dans un engrenage qui la dépasse, elle est sollicitée par un réseau de résistance local pour une mission singulière. A savoir : user de ses charmes naturels pour espionner un officier allemand. A contrecœur, mais par patriotisme, elle sait qu’elle n’a guère d’alternative. A cet instant, elle ignore encore qu’elle s’engage dans un tunnel où la lumière ne brille pas au bout. Puisque le militaire est jeune et beau, elle sent progressivement naître en elle un sentiment trouble. Et si elle n’était tout simplement pas en train de tomber amoureuse de cet ennemi ? Cupidon darde ses flèches avec soudaineté là où on ne l’attend jamais et les mystères de l’amour demeurent le plus souvent insondables. Bien entendu, leur relation ne tarde pas à être publiquement éventée et la réprobation populaire la désigne de l’index. Emilie Goudin-Lopez signe le premier volet des aventures d’une femme belle comme un cœur et déchirée entre ses inclinations et le devoir patriotique. Il est ici question d’un drame humain, doublé d’une réflexion sur le sens des combats et la nécessité de poser certaines actions, aussi de les mener à terme. Alors, au diable le regard des autres et place à ce qui vibre au plus profond de chacun, avec ses pulsions, sa fièvre et sa folie ! Ed. City – 400 pages Daniel Bastié
LE DUC ET LA LADY Début du XIXe siècle, l’Empire britannique connaît une apogée. Malgré cet état, la société civile est divisée entre riches et pauvres. Il suffit de naître du bon côté ou de faire un mariage intéressant pour être exempt de bien des difficultés. Patience Jordan, belle autant que rebelle, a épousé un noble. Une union exemplaire jusqu’au jour où, ruiné, son époux met fin à ses jours. Un double revers pour cette femme de caractère qui se retrouve à la fois veuve et désargentée. Son bébé lui est enlevé et confié au duc de Reping. Hors de question néanmoins de demeurer les mains ballantes le long de la couture de sa jupe. Sous une fausse identité, elle parvient à intégrer la maison de ce dernier en tant que nourrice, pour profiter d’un moment de surprise et récupérer son fils. Néanmoins, fort vite, elle découvre que son plan n’a pas l’heur de fonctionner au quart-de-tour. Jamais elle n’avait prévu ressentir des sentiments troubles pour le maître des lieux, un homme précédé par une tenace réputation de libertin et qui sait conter fleurette aux dames, les faire passer pour les plus précieuses et les étourdir de baisers. Serait-elle en train de succomber à son charme ? Vanessa Riley nous offre un roman dans la veine de ceux de Barbara Cartland, spécialisée dans les romans d’amour se déroulant à l’époque victorienne, avec des rebondissements qui (heureux pléonasme) n’arrêtent pas de rebondir, des émotions qui cavalent bon train et des personnages fort bien décidés à ne pas s’en laisser conter. En mélangeant, ces divers ingrédients, on obtient un récit pseudo-historique, tricoté sur mesure et prompt à générer une kyrielle d’avis brassant large. Ed. City – 399 pages Daniel Bastié
UN TEMPS POUR LE MEURTRE Jessica Fletcher, le nom vous dira vraisemblablement quelque chose, vous qui êtes passionné(e) de séries télévisées. En 1984, le petit écran diffusait pour la première fois « Arabesque » (Murder she wrote), une suite d’épisodes mettant en scène une ancienne prof d’anglais reconvertie en auteure à succès, mais qui se pare souvent du parapluie d’enquêtrice, dotée d’une acuité particulière lorsqu’il s’agit de résoudre un crime. Où qu’elle aille, le mystère frappe à sa porte avec cette curieuse propension de la suivre partout, que ce soit dans les maisons de ses nombreux amis, nièces et neveux ou dans sa ville natale. Pour ne pas laisser le lecteur sur la brèche, la couverture s’orne du visage de l’actrice Angela Lansbury, titulaire du rôle principal au petit écran. Question surtout de dresser un lien entre la série adoubée par les foyers et le présent roman. Cette fois, notre héroïne est amenée à suivre la piste de celle ou celui qui vient d’assassiner la journaliste venue l’interviewer. Fort vite, elle découvre que la morte était la fille de la victime de sa première enquête lancée un quart de siècle plus tôt. Etrange coïncidence ! Rattrapée par son passé, notre spécialiste des enquêtes criminelles prend l’affaire très au sérieux, certaine que le meurtrier va encore frapper. Un roman qui se laisse dévorer d’une traite et qu’on ne lâche pas avant la fin du dernier chapitre ! Ed. City – 335 pages Amélie Collard
PATERNOSTER A l’heure de la mort prochaine du patriarche, un fils doit entamer une phase de deuil. Pas seulement la disparition programmée de son père aux soins palliatifs, mais le terme de son propre parcours rattaché à la figure mourante. Celle d’un homme charismatique, mais curieusement ébréché par des zones d’ombres, des silences et des absences. L’occasion de veiller à la réconciliation et à la reconstruction. Forcément, confronté à une situation extrême, on ne peut que revivre son passé et se remettre en question. Où le bât a-t-il rompu, quels gestes n’ont pas été tentés pour raccommoder ce qui aurait pu l’être ? Adrien Girard signe un roman intime qui traite avec pudeur des derniers instants d’un être en fin de vie, plongé dans le coma et incapable de communiquer. Il y est également question d’une relation filiale inaccomplie avec une ultime chance de, peut-être, renouer pour se rassénérer et ne pas laisser de place aux regrets. Il s’agit enfin d’une confession sur l’intangibilité des sentiments, sur les gestes ratés et le regret de ne pas avoir trouvé les mots idoines. L’auteur appartient à cette famille de conteurs goguenards et minimalistes qui pratiquent le dépouillement en ascète pour créer l’intensité. L’unité de lieu est respectée. Cent nonante six jours dans un établissement médical. Une ambiance particulière qui se distille au compte-goutte. Celui d’un baxter ? Ed. Au Diable Vauvert – 192 pages André Metzinger
THÉODORE POULET EN A TROP MARRE DE L’ÉCOLE Râleur professionnel, Théodore déteste les contraintes et, pour lui, l’école en est une ! Depuis très longtemps, il en a compris les pièges : y aller tous les jours du lundi au vendredi, obéir à la maîtresse, écouter, se taire en classe, recevoir des punitions, se mettre en rang, aller à la piscine pour apprendre la natation, partir qu’il neige ou qu’il vente, se lever tôt au lieu de se retourner dans le lit bien douillet, faire des maths auxquelles il ne comprend pas grand-chose, ramener des devoirs à la maison, étudier des leçons, … ! Puis, arrivent les vacances et un nouveau train de vie : paresser, folâtrer en pyjama, se prélasser dans le jardin. Bref ne rien faire ! Curieusement, un vide s’installe et, au terme de quelques jours, il doit bien reconnaître qu’il s’ennuie … un peu, beaucoup ! Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Une vraie monotonie. Puis, lorsqu’il demande à sa maman : « Ça recommence quand l’école ? », elle manque de s’étrangler : « Théo, je croyais que tu en avais marre de l’école ! ». Réponse : « J’en aurai toujours marre de l’école, mais sans elle, comment je fais pour jouer avec mes copains à la récréation ? ». Voilà un livre jeunesse écrit par Marion McGuinness et illustré par Deb Azra. Ed. Splash – 40 pages Daniel Bastié
THÉODORE POULET EN A TROP MARRE DES CAUCHEMARS Aller se coucher représente une épreuve quotidienne pour le jeune Théodore Poulet. Chaque soir, il subit le même laïus de la part de sa maman : « Va te laver les dents, c’est l’heure d’aller dormir !». Malgré l’histoire que son papa lui raconte, il sait que des vilains rêves le hanteront jusqu’au matin. Des cauchemars qui se multiplient et se répètent. Tantôt, il se voit à l’école, tantôt il doit se battre contre des pirates ou des monstres. Cela prend une proportion telle qu’il redoute le sommeil. Et quand ce ne sont pas les cauchemars qui lui gâchent la vie, il est secoué par une pressante envie de faire pipi. Le pire consiste à se réveiller en sursaut ou en sueur. Bien entendu, quand le soleil se lève et qu’il doit faire pareil, il est encore plus fatigué que la veille. Ses parents lui expliquent que les cauchemars ne sont que des illusions, que les créatures qu’il voit en dormant ne sont pas réelles. Il demande, perplexe : « C’est aussi simple que ça ? » Après avoir tout essayé, il est amené à se rendre compte que dans la vie il y a des choses bien plus effrayantes que les cauchemars. Marion McGuinness se plonge dans nos souvenirs d’enfance pour traiter un thème a priori banal mais qui terrorise bien des enfants : la peur du noir, les angoisses nocturnes, le poids des rêves difficiles. Giulia Priori et Deb Azra prêtent leurs coups de crayon pour rendre l’ensemble extrêmement visuel et agréable. Ed. Splash – 40 pages Daniel Bastié
LES SILENCES DE JULIEN Julien souffre d’autisme. Un mot difficile à accepter par ses parents. Tous deux se sont aimés, puis perdus. Dévoré par l’ambition, Léopold a quitté Marianne pour vivre son existence et a abandonné du coup leur enfant. Désemparée, la maman n’a pas d’alternative que celle de faire face, de tenir bon. Pour son fils, elle doit être forte et ne peut pas flancher. Elle sait compter sur la présence d’une amie qui l’épaule de toutes ses possibilités. Puis, un homme entre dans sa vie. Un homme qui bouleverse son quotidien, qui non seulement s’attache à Julien, mais qui l’entraîne dans son atelier d’artisan, là où il fabrique des luths avec les gestes séculaires de ceux qui aiment leur métier. Progressivement, l’enfant trouve sa place et s’ouvre au monde qui l’entoure par le biais d’un instrument. Gilles Laporte signe un roman à la fois grave et éblouissant qui parle d’une renaissance et d’un mal peu connu des familles et des enseignants. Aujourd’hui, l’autisme déstabilise bien des ménages et demeure le plus souvent un tabou pour les proches. Heureusement, sa compréhension a grandement évolué. D’une pathologie jadis considérée comme rare et sévère, elle passe vers un regroupement de symptômes communs appelés troubles du comportement. Bien entendu, ce roman n’a pas pour objectif d’analyser ses manifestations ni d’en proposer l’un ou l’autre remède, mais de raconter une histoire inspirée de faits réels à hauteur d’épaules. Un livre tout en sensibilité et rempli d’émotions. Ed. Presses de la Cité – 456 pages Sylvie Van Laere
LES COULEURS DU DESTIN Un parcours de femme comme on aimerait qu’il y en ait plus souvent, loin de la misère et des lieux communs. Mireille Pluchard cisèle un récit qui nous entraîne sur les routes de la France profonde à la rencontre de Sixtine, mal-aimée par son père et qui trouve l’amour dans les bras de Thémis, un berger de son âge. Malheureusement, le jeune homme est mobilisé et entraîné dans les guerres de Napoléon Bonaparte. Il meurt sur le champ de bataille, laissant derrière lui une amoureuse enceinte. Le mépris des parents du défunt et du voisinage pousse la future maman à fuir Saint-Martial, petit village juché non loin d’Avignon. Sous le pseudonyme de Camille Dhombre, elle s’installe en Provence. Un riche manufacturier, bien plus âgé, s’éprend de sa beauté et l’épouse. Malgré leurs différences, Sixtine se surprend à aimer son époux et, auprès de lui, peut se livrer à sa passion pour le dessin. Des années plus tard, respectée et à la tête de plusieurs manufactures, elle décide de retourner dans la région qui l’a vue naître et de saisir sa revanche sur celles et ceux qui l’ont ostracisée, notamment sur la famille de celui dont elle s’était imaginé la femme. Elle commence par acheter leur domaine. Ensuite, elle se lance dans une quête : pourquoi son père ne l’aimait pas ? Stupéfaite, elle découvre les secrets de sa naissance ! Ed. Presses de la Cité – 665 pages Julie Plisnier
LE PAVILLON DES COMBATTANTES Aujourd’hui, on ne parle que du Coronavirus. C’est oublier un peu vite que notre monde a été confronté à d’autres épidémies que certains ont décrites comme étant apocalyptiques. En 1918, au sortir de la guerre, le monde s’est frotté à une pandémie qui a fauché des dizaines de milliers d’individus en Belgique, en France comme ailleurs. Emma Donoghue situe son dernier roman en Irlande. L’action se déroule non loin de Dublin, dans une région décimée par la guerre et en proie à une désolation totale. Partout, la confusion règne. Julia Powers, infirmière dans un service réservé aux femmes enceintes, voit son univers s’écrouler et ses repères se déliter. Que se passe-t-il ? A l’aube de ses trente ans, elle ne doit compter que sur son professionnalisme et les rares moyens mis à sa disposition. Il y a aussi une jeune orpheline qui l’aide de son mieux. Quant aux conseils du docteur Kathleen Lynn, elle sait qu’ils ne dureront sans doute pas, car elle est recherchée par la police pour son appartenance au Sinn Féin, mouvement indépendantiste prônant la réunification des deux Irlande et une rupture nette avec l’Angleterre. Débute un huis-clos intense qui s’étale sur trois longues journées. Des heures terribles et oppressantes. Si le poids du drame demeure ici intact, il rappelle un peu la situation que nous vivons actuellement, prouvant à quel point l’être humain reste fragile face aux microbes, tout en nous renvoyant au visage nos certitudes et notre ego. Même si l’histoire ne se répète jamais, elle possède parfois des points d’ancrage qui nous font hésiter à nous croire plus puissants que tout. Ed. Presses de la Cité – 259 pages Paul Huet
AUTODAFÉS Dans « 1984 », George Orwell parlait de « crimes de pensées » en évoquant les autodafés ou cette atteinte à l’intelligence des hommes par le biais de la destruction de livres. Brûler des ouvrages revient à s’en prendre à l’humanité, à l’art et aux artistes, aux hommes qui raisonnent et aux femmes qui se lèvent pour revendiquer leur mot à dire. Aujourd’hui, la censure est partout et on regrette que Mai 68 n’ait rien vraiment bâti. Interdire serait-il protéger les masses ? Croit-on les humains tellement faibles pour qu’il faille à tout prix les sauver d’eux-mêmes, de leur aveuglement, de leur abrutissement ? Certes, plusieurs le pensent et les réseaux sociaux sont devenus des piloris où s’exhibent toutes les fureurs. Avec cet essai, Michel Onfray, philosophe apprécié, s’interroge sur les tenants de la censure. Qui la met en place, sur quels critères et pourquoi ? Selon lui, il s’agit ni plus ni moins que de l’organiser par le mutisme ou en désinformant par le discrédit. Nul besoin d’être un grand clerc pour comprendre que l’idéologie nihiliste règne sans partage et qu’elle atteint toutes les strates de la société. Elle ne discute pas et se contente de condamner, faisant d’elle le nouveau chien de garde pour flatter les imbéciles dans le sens du poil et s’opposer à tout ce qui s’écarte du canevas tenu comme étant politiquement correct. Et de conclure : Il n’est pas d’exemple d’une civilisation qui n’ait pas été dite barbare quand elle était dans ses limbes. Il suffit de relire Celse ! Ed. Presses de la Cité – 200 pages Paul Huet
LA MADELEINE PROUST, UNE VIE – SOUS LA BOTTE 1940-1941 Lola Sémonin a donné vie sur scène la Madeleine Proust, puis a décidé de prolonger son existence sous la forme d’une saga romanesque en quatre tomes. Après la sortie des volumes 1 et 2, voilà le 3 qui débarque dans les bacs des libraires, toujours aussi riche dans la description des petits éléments qui jouxtent la grande histoire du XXe siècle. Cette fois, on a quitté le milieu rural du Haut Doubs pour découvrir Paris occupé par le joug allemand. Loin de ses repères, la jeune femme a trouvé un emploi de bonne dans une famille riche et très différente des gens qu’elle fréquentait en province. L’occasion pour l’auditrice de parler du choc des cultures et de peaufiner son écriture autour d’un nouveau langage. Pour l’héroïne, « Paris est une forêt de pierre, sans arbres et sans clairières. » En une phrase, tout est dit. Elle y exprime sa mélancolie et son désœuvrement. Au pays, André l’attend, ce militaire qui la remplace à la ferme. Après l’enfance et l’adolescence de Madeleine, on passe ici à la vitesse supérieure en s’attachant à son regard sur la situation dans la capitale, à ses appréhensions et à ses espoirs. En attendant le tome 4, ce troisième volume s’inscrit dans la logique des épisodes précédents et nous offre la suite d’une aventure prompte à faire chavirer les cœurs et empreinte d’une grande émotion. Ed. Presses de la Cité - 455 pages Amélie Collard
FEU DE JOIE Le coin est paisible, radieux pour les amoureux que sont Isabelle et Stéphane. Un lieu qui s’assimile à un Eden pour fuir la morosité du quotidien, la platitude des réflexions et le regard des autres. Dans ce graal qui fait le bonheur des pêcheurs, les amants se retrouvent régulièrement, se baladent, s’étreignent et se bécotent. La nature sauvage leur sert d’écrin, les enserre, se love à eux. Puis, sous la conque veloutée du firmament, ils ressentent cette douceur qui leur donne l’impression de posséder le monde rien que pour eux. Malheureusement, l’horizon s’obscurcit lorsqu’un incendie embrase la forêt, menace de ses langues jaunes et rouges toute forme de vie végétale autant qu’animale. Accident ou acte criminel ? Puis, il y a aussi ces vieilles légendes qui rampent sous les feuillées, celles qui parlent de sortilèges ou de malédictions. Enfin, de quelle nature est cette vieille femme qui réside non loin du château en ruine ? Fort vite, le brasier qui s’étend devient une métaphore du mystère qui nimbe la région, avec ses accents menaçants, sa pression palpable et le risque avéré de tout anéantir. Pierre Petit signe un roman sous tension inspiré de faits réels, parabole du poison de la jalousie capable de tout endiguer, des médisances qui freinent les relations et du temps qui passe sans prendre la peine de ralentir sa marche inexorable. Ed. Presses de la Cité – 377 pages Daniel Bastié
ÉTOILES FILANTES Ce recueil regroupe plusieurs nouvelles rédigées par le Bruxellois Gus Rongy, professeur de français aujourd’hui retraité. Cet ouvrage est composé de textes inédits et d'histoires parues précédemment dans des revues ou périodiques. Extrait : « Ce ne fut que vers midi, à la fin des cours, que l'attention du concierge fut attirée par une large coulée d'eau qui s'échappait par-dessous la porte des toilettes et commençait à se répandre dans le préau. Ce n'était pas la première fuite qu'on déplorait dans ces lieux, dont la tuyauterie était déjà vétuste à l'époque. C'était cependant la première fois qu'on pouvait voir flotter gracieusement à la surface du liquide toute une escadre de petits bouts de papier rose. La porte du cabinet était fermée à clé de l'extérieur, ce qui intrigua le concierge. « Il y a quelqu'un ? » demanda-t-il à tout hasard. Pour toute réponse, quelques coups faibles furent frappés au battant. Craignant le pire, le concierge entreprit avant tout de rassurer la personne qui se trouvait à l'intérieur. « Un moment, prévint-il, je vais chercher mon trousseau. » Ed. Ménadès – 276 pages Sam Mas
ILSA, LA LOUVE DES SS – ESSAI Ce film fait partie de l'histoire du cinéma d'exploitation. "Ilsa, la louve des SS" ne doit son existence qu'à un incroyable concours de circonstances et à une conjoncture des plus favorables avec le relâchement de la censure qui s'est opéré au début des années septante et qui ont poussé le producteur David F. Friedman à réutiliser les décors abandonnés depuis six ans d'une vieille série télé : « Hogan's Heroes ». L’homme était déjà connu pour avoir produit les premiers films gore d'Herschell Gordon Lewis, dont le fameux « Blood Feast ». Il cherchait alors une idée qui lui permettrait d'utiliser au mieux ce plateau tout en allant encore plus loin dans la provocation. Voilà comment le personnage d’Ilsa est né ! Avec « Massacre à la tronçonneuse » et, plus tard, « Cannibal Holocaust », ce long métrage fait partie de ces films dont le titre a incontestablement favorisé la sulfureuse réputation. Difficile en effet de s'intéresser au cinéma bis sans en avoir au moins une fois entendu parler, à tel point que beaucoup l’évoquent sans même l’avoir vu. Du succès du premier opus est né une trilogie culte, qui a utilisé tous les stéréotypes possibles de l'ère de l'exploitation, avec des officiers SS vêtus d'uniformes noirs élégants, d’impitoyables camarades commissaires du goulag en passant par l'esthétique classique du harem. D’autres films auraient normalement être dû voir le jour. Cet essai revient sur la genèse de ce produit et nous plonge dans les années 70, période de tous les possibles. Ed. Ménadès – 202 pages André Metzinger
IL ÉTAIT UNE FOIS … LE BONHEUR Barbara Y Flamand a été de toutes les batailles de l’ultragauche pour se rendre compte à l’heure du bilan qui approche qu’elle avait tout faux ! Ceci n’est qu’un avis, bien sûr, et je présume qu’elle ne voit pas les choses de cette façon, mais l’URSS a disparu, la Russie s’est effondrée avec le mur de Berlin et le communisme n’a plus d’adeptes sérieux en dehors de la Corée du Nord et de Cuba. Tout ça pour ça ! Snobée en Belgique, ignorée en France, il a fallu qu’une éditrice praguoise réalise enfin la portée de ses textes et fasse l’effort de les traduire en… tchèque, pour les faire paraître par la suite dans notre pays. Il a fallu du temps, mais elle a tenu bon et Barbara Y Flamand est devenue une écrivaine prolifique, respectée, controversée certes, mais d’une totale sincérité. Elle a publié treize recueils de poèmes, deux romans, deux essais et diverses pièces de théâtre pour clôturer en 2021 aux éditions Bernardiennes par ce livre étonnant qui raconte sa vie teintée de tristesse et de désillusion malgré son titre paradoxal « Il était une fois… le bonheur ». Très jeune, la petite Barbara s’est vite rendu compte que la religion ne reposait sur rien de sérieux et que nous n’étions en fin de compte que des primates plus évolués que les singes, donc pas des bêtes à Bon Dieu ! Elle prit alors le parti de l’espoir un peu fou, en se donnant aux sirènes de l’ultragauche et de l’athéisme dont elle devint une ardente combattante. Elle a tout expérimenté, depuis la vente du journal « Drapeau rouge » dans les rues de Prague, à diverses amours de passage jusqu’au jour ou elle rencontra enfin (c’est elle qui l’affirme) un homme qui venait de perdre sa femme depuis quelques mois (il avait vingt-cinq ans de plus qu’elle) et trouvait en elle l’égérie qui réussira à combler ce vide, Marcel ! Elle vivra alors une passion complète jusqu’à son décès, même si elle reconnait avoir vécu entretemps divers amours lesbiens. Dans la vie, rien n’est jamais simple, surtout lorsqu’on parle de sentiments ! Personnellement, je retiendrai surtout la première partie du livre où elle raconte avec une simplicité et une franchise désarmante l’histoire de sa vie. Ça commence le jour où, dans une nacelle à la foire entre ciel et terre, elle se sentit libérée et capable de choisir. Elle venait d’avoir douze ans ! « Je ne crois plus en Dieu, parce qu’il n’existe pas… je n’ai pas besoin d’aide, ma conscience me suffit. » explique t-elle au curé de sa paroisse, désemparé. Et tout était dit ! Après quoi, elle fit la connaissance de son premier grand amour qui l’emmena à Prague, mais ce n’était pas le bon (il était violent et un peu barjot !) et divorça. Puis, rentrée en Belgique, elle fit la connaissance de Marcel, un responsable du « Drapeau Rouge », dont l’aura et l’intelligence firent main-basse sur son esprit partagé entre engagement politique sans retenue et amour inconditionnel d’une amoureuse séduite par son idéal politique… un amour total qui ne se démentira pas jusqu’au jour où intervint l’accident et le décès de l’être aimé : « C’était un samedi en fin d’après-midi, il sortit de la voiture et s’écroula. Les infirmiers de l’ambulance ne purent pas le ranimer. Il était bel et bien mort ! » Dans le même temps, elle fit la connaissance de Simone, une jeune fille effrontée, qui du jour au lendemain l’initia aux relations saphiques ! Une expérience qui lui apprit qu’on pouvait aimer de plusieurs façons et qui dura plusieurs années. Et voilà ! Une vie qui se résume en quelque phrases, des passions compliquées, un parcours politique chaotique et fort heureusement pour nous, lecteurs, une existence consacrée à l’écriture. « La jeunesse d’aujourd’hui n’est plus celle qui se voulait le fer de lance dans le futur. Il s’agit de se caser au mieux dans une société sans but ! Je quitterai cette société en ayant perdu l’espoir des lendemains qui chantent. » Je pourrais évidemment vous parler des autres textes de cet ouvrage, où elle raconte des histoires fortement influencées par ses convictions politique (les ouvriers d’une part et les méchants ou minables patrons de l’autre), mais je les trouve à tort ou à raison trop engagés, parfois d’une manière simpliste. D’autant plus que ces patrons étaient la plupart du temps des ouvriers qui avaient réussi et travaillé dur pour y arriver. Soit !
« Il était une fois… le bonheur » est un très beau livre, remarquablement écrit et témoin d’une époque où la gauche, on pourrait même ajouter l’ultragauche, faisait rêver une partie de la jeunesse obnubilée par le rêve des lendemains qui changent, mais qu’elle ne parvint jamais à concrétiser. Ce qui m’a littéralement convaincu dans ce livre controversé mais passionnant, demeure le ton, la finesse de l’écriture et l’incroyable franchise d’une vie totalement consacrée à un idéal déchu. « Quel sens donner à mon parcours terrestre ? » Question que beaucoup ne se posent même pas ! D’ailleurs ont-ils besoin d’une boussole ? Il est parfois (souvent ?) sage de se taire, de ne pas réfléchir. Car la réponse, le mot qui saute dans la tête est absurdité. Vivre pour mourir ! Mourir : le gouffre. ? L’abîme ? Ed. Bernardiennes – 127 pages Bob Boutique
DIVINES SOIRÉES "Divines soirées" de Gaëtan Faucer est un recueil contenant trois pièces de théâtre. La première, "Spectacle mortel", met en scène, un comédien, un critique et une comédienne. Le comédien s'adresse à un public imaginaire et se voit bientôt interpelé par un critique qui ne le ménage pas. Echanges de propos assez vifs entre les deux personnages qui seront bientôt rejoints par Valérie, une "ancienne" comédienne... "Ancienne", pourquoi, elle ne l'est plus ? Détrompezvous, elle l'est toujours... En fait, c'est au niveau de la vie qu'elle est "ancienne" puisqu'elle est... morte ! Morte comme sont morts également le comédien et le critique ! Et voilà, on y arrive, l'occasion pour l'auteur de nous régaler de quelques considérations sur la vie et sur la mort à travers les dialogues truculents de ses personnages; "La vie est une parenthèse du néant" ou "L'éternité n'est qu'un long moment à passer"... Sans oublier l'humour, les jeux de mots; "A force de brûler les planches, j'ai fini en cendres", "La vie n'est pas un jeu de carte, pourtant on y cherche tous un cœur". De quoi nous offrir une réflexion intéressante sur le sens à donner à notre vie. La seconde, "L'appartement", met en scène, un homme, une femme et un agent immobilier. Ici, l'auteur s'amuse à brouiller les pistes à travers des "alliances" successives jusqu'à une "chute" des plus surprenantes. On sent l'amateur de suspense. Ici, Hitchcock frappe à la porte. La troisième, "Un dîner aux chandelles" met en scène, un homme, une femme et un serveur. Si cette histoire est plus soft que les deux autres, dans un premier temps l'auteur nous bluffe avec maestria en faisant mine de nous entraîner vers un drame... Editions Novelas - 80 pages Alain Magerotte
ENQUÊTE SUR LA FAMILLE Etienne Jacob a enquêté sur ce qui est appelé "La Famille", cette communauté née à Paris et qui regroupe environ quatre mille membres rassemblés dans une sorte de secte. Née en 1892 dans la capitale, son poumon se situe dans le XIe arrondissement et l’Est de la ville. Qu’est-ce qui caractérise ce groupement de fondamentalistes chrétiens, descendants des jansénistes convulsionnaires sectaires ? Un : Ils prônent des rites d’un autre âge. Deux : ils pratiquent l’endogamie qui revient à dire qu’ils se marient et se reproduisent entre eux. Trois : ils soutiennent des rites rigoristes qui peuvent paraître effrayants au vu de la modernité dans laquelle le pays s’est engagé depuis l’ère napoléonienne. Au fil de ses investigations, l’auteur a remonté le fil d’une histoire hors-normes, avec des existences régies par des lignes de conduite qui se sont en partie adoucies au fil des décennies, mais qui gardent une emprise sur l’existence de chacun. Maintenant, s’il s’agit d’un choix, il suffit à ce groupement de respecter les lois de la République, mais un gros problème est souvent mis en avant : celui de la liberté ! Difficile, voire impossible, de s’émanciper loin des autres, de trouver la force de partir et, lorsque certains y parviennent, cela se fait sans bruits alentour, avec une chape de plomb qui s’assimile à une omerta. On les nomme parfois « Les Mormons de Paris ». Quel avenir pour leurs enfants qui ont souvent cinquante ans de retard par rapport à ceux des autres Français et quel futur pour ces femmes réduites au rôle de mères, d’épouses et de ménagères ? Ce livre dresse un bilan qui fait froid dans le dos ! Ed. du Rocher – 219 pages Sam Mas
BRASSENS, JEANNE ET JOHA Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Georges Brassens était un fervent amoureux du beau sexe mais, en même temps, peu désireux de se marier. On lui savait une prédilection pour les femmes mûres, avec lesquelles il aimait entretenir des relations parfois ambiguës. Tout le monde a entendu parler de Jeanne, cette femme de trente ans son aînée et qui l’a logé impasse Florimont, dans une petite maison sans luxe, adresse où ils formaient un ménage à trois avec l’époux de celle-ci. Puis, l’histoire a également retenu le nom de Joha Heiman surnommée Püppchen (petite poupée en allemand), dont il était follement épris mais avec laquelle il ne s’est jamais établi sous le même toit. Maryline Martin revient sur la carrière du chanteur, tout en balisant son récit d’anecdotes concernant sa vie privée, son inspiration, ses amitiés, ses rencontres et ses souvenirs. Ce livre n’est pas biographie de l’artiste, car il en existe autant que les lecteurs en désirent, mais un parcours à travers son existence, ponctué de détails, d’impressions et de touches de couleurs. Brassens était un homme simple, attentionné et vrai envers celles et ceux qu’il estimait et aimait. Cet ouvrage se veut donc à la fois un travail de mémoire et un hommage. Ed. du Rocher – 174 pages Daniel Bastié
BATACLAN, PARIS, STADE DE FRANCE - LE PROCÈS Les attentats de Paris sont actuellement au cœur de l’actualité avec un méga procès qui s’est ouvert dans la capitale. L’occasion de voir clair sur l’une des attaques récentes les plus meurtrières de France et de permettre à la justice de rendre un verdict. Rappel. Le 13 novembre 2015, la salle de spectacle Bataclan, le Stade de France et plusieurs terrasses étaient prises d’assaut par des groupes islamistes. Une tuerie de masse qui a occasionné cent cinquante décès et plusieurs centaines de blessés. Bien que les plaies ne soient pas pansées et que le spectre de la menace pèse toujours sur l’Europe, il est temps de comprendre. Les juges auront à répondre aux questions que se posent le pays entier. Comment cela a-t-il pu se produire ? Où y a-t-il eu des failles ? Que doit-on mettre en place ? Si Daech est momentanément dissout, d’autres foyers djihadistes ont la capacité de prendre la relève et de porter des coups fatals chez nous ou ailleurs. Dans ce contexte, la cour d’assisses s’apprête à juger les responsables du carnage et cherchera à saisir qui l’a commandité, de quelle manière des petits délinquants ont réussi à mettre les services de police à genoux et de quelle façon ils ont opéré pour obtenir du matériel offensif. L’enquête menée par des juges un peu partout en Europe a réussi à retracer la genèse des opérations, mais entend faire parler le seul survivant de ces crimes groupés présent dans le box des accusés. En soi, ce procès est totalement inédit, tant par la durée des investigations que par l’épaisseur des dossiers. Affaire à suivre ! Ed. du Rocher – 210 pages Sam Mas
L’APPEL DU ROYAUME Adel Ghali est médecin et, comme certains de ses confrères, il a décidé de relater par écrit son expérience. Pas une expérience ordinaire, mais le récit de plusieurs années auprès des Chiffonniers du Caire, le fief de sœur Emmanuelle en Egypte, un lieu dont on a maintes fois parlé dans les médias et qui prouve à quel point la joie de vivre peut naître de la misère et que la dignité permet de maintenir les épaules droites sans avoir honte de sa condition. Comme il le confie dans son livre, sa vie a entièrement été guidée par la Providence, faisant de lui un instrument au service des plus pauvres, loin de la situation sociale qu’il aurait pu briguer ailleurs. Pourquoi se raconter ? Simplement pour transmettre une parole et témoigner, rappeler et montrer qu’il reste beaucoup de choses à entreprendre pour bannir la pauvreté et restreindre les différences sociales. Parmi les milliers de docteurs qui réalisent leur travail au quotidien, son existence n’aurait sans doute pas mérité d’être contée si elle n’avait pas croisé la route de celle qui a donné une expression à ses jours, tout en lui faisant voir la vérité de face, le plongeant dans un microcosme qui appelle tout un chacun à se mettre au service de l’autre, pas par charité, mais par humanité et pour témoigner de la force exceptionnelle de sa foi en Jésus, Christ et rédempteur, toujours au service des plus faibles et des opprimés Ed. Artège – 209 pages Sam Mas
CHŒUR DE CHAIR Le rôle de la femme au sein de l’Eglise a longtemps été sujet à maintes spéculations. Pourtant, il suffit de se référer à la Bible pour découvrir qu’elle a toujours tenu une fonction importante, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament avec, parfois, des interprétations erronées de la part des membres du clergé et des croyants. Aujourd’hui, on ne peut plus nier sa fonction essentielle dans la société, où elle occupe des postes égaux à ceux de ses pendants masculins. Véronique Lévy pousse la réflexion en s’interrogeant sur la place de toutes celles qui ne sont pas seulement appelées à enfanter, mais qui souhaitent se débarrasser d’un patriarcat obsolète et vivre pleinement leur existence. Pour étayer son analyse, elle émaille son manuscrit d’exemples puisés dans la prose biblique et épingle des extraits qui prouvent la détermination et la liberté de celles qui ont été mises en scène autant par les évangélistes que par leurs prédécesseurs. Le oui de Marie en devient de la sorte l’alpha et l’oméga de notre civilisation. Un oui consentant et inconditionnel. L’auteure pousse la réflexion en affirmant qu’Eve, dans la Genèse, révèle Adam à lui-même. Sans elle, il serait incomplet. Puis combien y a-t-il d’autres femmes merveilleuses que l’on découvre en cours de lecture : Sarah, Rachel, Rebecca, Marthe, etc. ! Avec elles, on en arrive à affirmer que dans le chœur de pierre de l’édifice christique et sous la chaire bat un cœur humain : le cœur d’une femme ! Ed. Artège – 340 pages Sam Mas
TU ES DON Tandis qu’on parle aujourd’hui de baisser la majorité sexuelle de seize à quatorze ans, le débat entraîne une flopée de prises de positions, alternant le chaud et le froid, entrechoquant les arguments. Néanmoins, qu’en est-il des jeunes, de leur avis et de leur vécu ? Alex Deschênes pose la question du bonheur chez les ados. De quelle manière y accéder et, surtout, par quelle voie peuvent-ils s’épanouir dans une société de plus en plus repliée sur elle-même, en perte de vitesse autant que de valeurs et individualiste au possible ? Toutefois, pour aimer, chacun dispose du matériel génétique idoine. Être heureux au contact de l’autre ne devrait donc pas poser de problèmes cruciaux, si ce n’est que le monde n’a rien de facile et que les préjugés ont la vie dure. Ce livre parle des désirs, des rêves et, bien sûr, des questions relatives à la vie sexuelle et à l’amour. Avec un langage facile, l’auteur interpelle le lecteur et le tutoie pour le mettre en situation (certains diront en confiance !) et, sur le ton de la confidence, ose une série d’interrogations que beaucoup dissimulent par pudeur ou, simplement, parce qu’ils ne savent pas comment les aborder en compagnie d’adultes. La théologie du corps revient à savoir que nous sommes tous sexués et que nos désirs ne possèdent rien de vils, même s’ils doivent être accomplis dans le respect de soi et de l’entourage. Apprendre à se connaître aide grandement à l’épanouissement personnel. Affirmer le contraire revient à mentir. Ed. Artège – 242 pages Sam Mas
FAUT-IL TOUJOURS SUIVRE SA CONSCIENCE ? Qu’est-ce que la conscience ? Un précepte ? Un mal ou un bien ? Il semblerait qu’il s’agisse d’une forme d’obéissance à une autorité inculquée depuis l’enfance ou venue en cours de vie. Pourquoi lui obéir ? Parmi toutes les fonctions humaines qui entrent ici en jeu dans les actes humains, la raison exerce la fonction de gouvernement, à savoir qu’elle discerne, décide et commande. Cette autorité est le plus souvent perçue comme étant légitime. La principale raison de réfléchir sur son rôle revient à en bénéficier au mieux, sans regrets et sans faux accords. En acquérir la lucidité permet de trouver des repères pour orienter nos actions, décider ce qui est le meilleur. MarieVianney Juvenel est religieux et nous propose une réflexion minutieuse sur ce sujet. Il nous livre ici le fruit de ses longues méditations et de ses aussi longues observations. La résolution de ses questions d’ordre universel conditionne chacune de nos journées et contribue à faire de chacun une femme ou un homme debout. On le découvre au fil des chapitres, la conscience influence nos actes tels que frauder dans une file d’attente devant une grande surface commerciale ou perdre son emploi pour ne pas participer à une extorsion sociale. Bien entendu, certains choix engendrent des conséquences plus ou moins graves. Cette étude privilégie la vulgarisation et, du coup, se veut abordable. Ed. Artège – 162 pages Sam Mas
LUIGI ET MARIA BELTRAME QUATTROCCHI Luigi était avocat durant la première moitié du XXe siècle et Maria une femme de lettres diplômée d’une école de commerce, tous deux également parents de quatre enfants. Volontiers, on les imagine comme de pieux bourgeois romains. S’ils fréquentaient l’office dominical et participaient aux rites sacerdotaux, ils se témoignaient mutuellement un énorme respect tout en s’engageant sur le plan caritatif. Pour eux, l’Eglise devait être vivante par ses actions et par son intégrité, sans pour autant lui ôter sa part de spiritualité. Antoine De Roeck revient sur leur histoire et s’en sert pour apporter la preuve que toute vie sur terre peut être éclairée par la foi et la pratique religieuse. Fidèle à son engagement, le couple a traversé les épreuves sans douter de la grâce divine. De la sorte, Maria a dû faire face à un accouchement difficile et Luigi a admis, entre joie et résignation, l’entrée en religion de ses enfants. A cela, le couple faisait preuve d’une grande charité envers le plus démunis. Enfin, durant la guerre et ensemble, ils se sont portés volontaires auprès de la Croix-Rouge. Le pape Jean-Paul I les a béatifiés le 21 octobre 2021. Une première pour un couple ! Ed. Artège – 306 pages Sam Mas
SUR LES PAS DE SHIVA Partir à la recherche de Shiva, voilà le périple entrepris par Elisabeth Barillé. Un parcours aux confins de l’Inde moderne pétrie de tissus sociaux extrêmement différents, de mentalités qui vont à l’opposé les unes des autres et qui, toutes, s’ancrent dans diverses traditions séculaires. Dans ce pays fantasmé par les Européens, les croyances foisonnent et alternent le meilleur et le pire, nourrissant la foi de tout et rien, de préceptes sérieux autant que d’autres qui le sont beaucoup moins. Pour certains, ce pays se veut une terre de merveilles ou un sol de misère. Du point de vue de l’auteure, l’Inde se définit comme étant une école de connaissances. Depuis des années, elle en sillonne les régions en quête d’épanouissement, à la recherche de nouvelles vérités. Cette fois, il s’agit d’aller à la rencontre du dieu Shiva entre feu intérieur et vitalité de l’éternel renouveau. Bien sûr, chemin faisant, elle croise une population dans laquelle se succèdent des personnes précieuses et des prétendus gourous, d’authentiques ascètes et des excentriques de la sagesse. Douze voyages ont précédé celui rapporté dans ces pages, certains entrepris en solitaire, parfois en groupe. On dit communément que, en Inde, le divin est présent partout, même si elle ne possède pas le monopole de la transcendance. Les lecteurs devraient apprécier l’énergie malicieuse qui permet de conjuguer le goût des autres à la force du silence, la gravité et la malice, la grâce et l’humour. En somme, un voyage régénérateur ! Ed. Desclée de Brouwer – 171 pages Sam Mas
L’IVRESSE ET LE VERTIGE Au milieu du XXe siècle, l’Eglise s’est rendu compte qu’il fallait réaménager de nombreuses choses et réconcilier les croyants avec la papauté. Un programme complexe et difficile à imposer à toutes les franges du clergé autant qu’aux fidèles. Réformer en profondeur ne tenait pas d’une sinécure. Le Concile Vatican II s’est attaché à cette idée pour moderniser ce qui pouvait l’être sans dénaturer la tradition séculaire du catholicisme. Mais n’était-ce pas trop tard ? Yvon Tranvouez revient sur ce Concile extraordinaire et nous en livre les tenants et les aboutissants. Selon le discours d’inauguration du susdit concile, la doctrine de l’Église devait demeurer immuable et être fidèlement respectée. Toutefois, la tâche revenait à présenter la religion avec un visage neuf, de manière à ce qu’elle réponde aux exigences de l’époque. On y trouvait par exemple une conception nouvelle des laïcs. Ceux-ci n’étaient désormais plus définis négativement, parce que ni prêtres ni religieux(ses), mais devenaient responsables en tant que baptisés de la fonction prophétique, royale et sacerdotale du Christ. Puis, ils étaient invités à exercer cette fonction dans le monde. Que s’est-il ensuite passé ? En France, mai 68 a fait l’effet d’un tsunami, emportant avec son ressac toute une série de valeurs jugées désuètes. Malgré son souhait réel de marcher avec le siècle, l’Eglise a vu une partie de ses ouailles se détourner des fonts baptismaux et ne plus adhérer aux sacrements. Cet ouvrage revient sur cette période cruciale et dresse un bilan de ses activités, dont l’héritage continue à être controversé dans certains milieux. Ed. Desclée de Brouwer – 355 pages Sam Mas
L’INSTITUT Il ne faut pas être fan de Stephen King pour aimer ses livres. A un rythme régulier, il nous gratifie d’un récit qu’il balise de thèmes aussi divers que la peur, la hantise, la science-fiction ou la violence des autres. A plus de septante ans, il n’a plus rien à prouver et il le sait. Néanmoins, pour lui, l’âge de la retraite n’a pas sonné. Selon une habitude qui lui est devenue commune, il part de l’ordinaire pour déclencher une série d’événements qui poussent un être apparemment normal à mettre en œuvre divers ressorts pour vivre ou, plus simplement, survivre. En gros, voilà ce qui arrive à Luke ! En pleine nuit, sa maison est envahie par des hommes qu’il ne connaît pas. Ses parents sont sommairement abattus et il est kidnappé. Lorsqu’il se réveille, il occupe une chambre fort semblable à la sienne, si ce n’est que la pièce ne comporte aucune fenêtre. Le corridor donne accès à d’autres pièces qui cachent des enfants pareils à lui. Entendons des gosses surdoués. Pour avoir lu plusieurs romans du maître du suspense, celui-ci lorgne un peu du côté de « Charlie » pour l’ambiance et de « Carrie » question télékinésie. Puisqu’il s’agit d’une brique qui atteint tout bonnement sept cent cinquante pages, King prend le temps de poser l’action et de laisser le lecteur mijoter un peu avant d’apporter plusieurs coups d’accélérateur. Une fois plongé dans le récit, on oublie le monde extérieur. Assurément, les frissons sont au rendezvous et on attend avec impatience la revanche des petits êtres sans défense face aux méchants vraiment très méchants. Néanmoins, comme il s’agit quand même d’une histoire mitonnée par le King, on devine que l’épilogue sera à la hauteur de sa réputation. Ed. Livre de Poche – 756 pages Daniel Bastié
ROMPRE Yann Moix possède un côté frondeur qui plaît ou non, révélé grâce à « Podium », qu’il a écrit en 2002 et mis en scène pour le grand écran en 2004 avec Benoit Poelvoorde. Depuis, le bonhomme a mené son chemin de bourlingueur entre les maisons d’éditions et les plateaux de télévision comme chroniqueur, grâce à des polémiques faites le plus souvent pour engendrer le buzz. Avec « Rompre », il propose un roman court sous forme de réflexion sur la séparation amoureuse. Celle qu’on sent venir, celle qui tombe à pic ou qui fait forcément très mal. Un homme se questionne, sur lui autant que sur le couple. Que vaut l'attachement à l’autre ? Suite à un désaccord, il a quitté celle avec laquelle il vivait, éprouvant de bien curieuses convulsions de l’âme. Un sentiment aigre-doux mâtiné de vide, de manque et d’absence. Au fil des pages, on en arrive à comprendre que l’amour est un risque et que, pour ne pas souffrir de la rupture, le narrateur préfère mettre un terme à toute relation plutôt que d’aimer mal, être mal aimé ou perdre son autonomie en se subordonnant à ses pulsions. Il y a un côté intimiste dans chacune des phrases, avec un chouia de mélancolie et de philosophie sur le sens de l’existence, la nécessité ou non de s’engager frontalement pour bâtir quelque chose à deux. Bien entendu, il ne faut pas tout applaudir des deux mains, mais les réflexions permettent de se poser des questions, d’ouvrir le débat ou de mettre des mots sur des ressentis. Ed. Livre de Poche – 94pages Daniel Bastié
ET TOI, QU’EST-CE QUE TU MANGES ? Voilà une question que beaucoup n’hésitent pas à poser ? Qu’y-a-t-il chez toi dans l’assiette ? As-tu déjà goûté ceci ? Chloé Deschamps et Salomé Vidal se lancent dans une aventure gustative déclinée pour les enfants et servies par les belles illustrations de Lucia Galfapietra. L’occasion de réaliser un tour de la planète à travers treize récits, au fil des liens, des souvenirs, des odeurs et de découvrir une recette typique de chaque région. Des plats faciles à réaliser avec maman et qui ne réclament pas une grande habileté derrière les fourneaux. Au fil des pages, on sa balade au Mexique, en Inde, au Liban, en Chine, en Israël, au Japon, en Tunisie, etc. pour transmettre des émotions et insister sur la valeur du partage. Quoi de plus sympathique que de faire la connaissance de l’autre autour d’une table, en se racontant des récits de vie et en goûtant les spécialités locales. Les enfants de ce livre nous familiarisent avec leurs coutumes et nous invitent à manger une de leurs préparations. Pêle-mêle, on y découvre les ingrédients nécessaires pour fabriquer un croque-monsieur français, des gnocchis italiens ou des naans indiens. Rien qu’à lire les intitulés, on en a déjà l’eau à la bouche. A la fin de l’ouvrage, on découvre que les enfants appartiennent à une même classe. Des histoires gourmandes et à cuisiner en duo (enfant/adulte) ! Ed. Grasset Jeunesse – 64 pages Amélie Collard
TOUTES PETITES HISTOIRES Voilà un album tout en images, sans texte aucun. Un imagier comme on disait autrefoist, mais pas seulement ! En quelques dessins, Miguel Tanco narre des histoires courtes (ou des situations) comme les enfants peuvent en vivre. Des faits du quotidien a priori banals mais qui balisent leur existence et les aident à grandir. On ne vit pas seul et les autres font partie de notre sphère. Apprendre à partager, à ne pas avoir peur, à s’évader par le rêve, à jouer avec de l’eau, à revenir à l’école après deux mois de vacances, à se faire un ami pour la vie, à se promener dans les bois, à offrir, à explorer, etc. Voilà autant de thèmes développés en quelques coups de crayon et qui ne manquent pas d’intérêt. Le graphisme est simple, rehaussé de jolies couleurs, avec un trait précis. Ces mini-récits ont pour but d’amuser les petits, de leur permettre de s’identifier, de partager avec maman ou papa (peut-être les deux ?) des grands instants de vie simple et belle et de parler d’instants délicats, d’émotions qu’on cherche à libérer. Bref : l’enfance dans tous ses états et tout son éclat ! Ed. Grasset Jeunesse – 74 pages Amélie Collard
BOBBY FISHER : L’ASCENSION ET LA CHUTE D’UN GÉNIE DES ÉCHECS Bobby Fisher ou comment réaliser une bédé sur un sujet tellement anecdotique ! Très jeune, le gamin révèle un don pour les échecs, fort vite repéré par sa maman et quelques joueurs. A quatorze ans, il devient champion du monde, mais son plus grand titre de gloire il le gagne lors de sa confrontation en pleine guerre froide avec le Soviétique Boris Spassy. Partie que les spécialistes qualifient de Match du siècle. Néanmoins, après ce coup d’éclat, il choisit de se retirer de la vie publique et aspire à une existence loin des feux des médias. S’engage pour lui une période d’errances, grignotée par des démons intérieurs qui ne font que s’intensifier, au point de lui faire voir partout des complotistes et le plonger dans une paranoïa irréversible. Cet album aborde la biographie d’un homme extraordinaire qui a choisi de mettre abruptement un terme à sa carrière à même pas trente ans pour … ne plus faire grand-chose ! Pourtant, il représentait tout un symbole de l’Amérique moderne, de sa grandeur, de sa puissance et de la victoire de la démocratie contre l’oppression russe. Quelques symboles intéressants et un découpage minutieux servent ce livre en noir et blanc. Parmi de nombreux points, il aborde la manière d’appréhender la compétition et insiste sur le mental des participants. Il s’agit enfin d’une tranche de vie, avec un apogée suivi d’une chute vertigineuse. Atteindre les sommets pour retomber si bas … Triste destin ! Ed. Les Arènes – 170 pages Daniel Bastié
À MAINS NUES Suzanne Noël était une militante. Elle a vu le jour avec le siècle dernier et a toujours refusé de s’en laisser conter par les hommes. Dans son sillage sont nés les premiers mouvements féministes. Pas facile d’être à la hauteur lorsque le regard des autres est omniprésent. Pourtant, avec la rage au ventre et la détermination de celles qui refusent de fléchir la nuque, elle s’est sentie prête à abattre des montagnes pour exister. Chirurgienne de talent, elle a été sollicitée comme conférencière et a été l’une des pionnières dans le domaine de la réparation esthétique. Ce volume II nous permet de la suivre de 1922 à 1954 et de retracer, notamment, les années de guerre. Ses doigts experts lui ont permis de refaire le visage de certains résistants ou d’appliquer des techniques de reconstruction pour des mutilations sévères. Elle a surtout consacré énormément de temps au Soroptimist français ou club féminin visant à défendre les droits du sexe dit faible. Avec l’illustrateur Clément Oubrerie, la romancière Leïla Slimane livre une biographie excessivement rigoureuse d’une des mères de la médecine moderne, laissée dans l’oubli et dont le parcours méritait d’être exhumé. Au fil de l’album, on découvre que, après son époux mort au front et victime du gaz moutarde, leur fille a été emportée par la grippe espagnole. Plutôt que de se laisser aller à la mélancolie, elle a retroussé ses manches et a repris ses combats. Ed. Les Arènes – 96 pages Julie Plisnier
SEXE ET MENSONGES Leila Slimani, journaliste et autrice franco-marocaine, lance un pavé dans la mare en osant parler de la sexualité des femmes au Maroc, un tabou jusqu’alors. Un monde qui se cache derrière un épais rideau de traditions et où la religion impose toujours une manière de faire, de vivre et de penser. Pour rédiger son enquête, l’auteure est allée à la rencontre de femmes de différentes générations et les a invitées à se confier. Il ressort donc de cet ouvrage une multitude d’histoires vraies qui s’articulent entre résignation, habitudes et transgressions. Un paradoxe parce que dans ce pays la loi punit sévèrement quiconque se livre à des relations extraconjugales, tout comme à la prostitution ou à l’homosexualité. Dans ce monde situé à une heure de bateau de la vieille Europe, les filles ne disposent pas d’alternative. Pour elles, ce sera le mariage ou la virginité. Quant à la jeunesse, elle peine souvent à assumer cet héritage, écartelée entre désirs et bâillonnements. Dans de trop nombreuses familles, les filles peinent à être considérées autrement que comme une marchandise pour servir l’homme qu’elles ont choisi ou qui leur a imposé. Bien entendu, au Maghreb, ce livre a suscité pas mal de commentaires, divisant les lecteurs. Si certains ont fustigé Leila Slimani en l’accusant de salir la nation, d’autres l’ont applaudie, jugeant indispensable de dénoncer cette situation faite d’hypocrisie sexuelle. Selon elle, la prise de parole doit devenir un pas vers le changement, un élan qui doit participer à l’émancipation et un accès au bonheur. Le monde change, les temps changent et il n’y a aucune raison pour laquelle le regard sur le corps ne doit pas suivre une évolution positive. Toujours selon Leila Slimani, il était temps de dévoiler des drames (beaucoup plus nombreux qu’on le croit) pour qu’ils cessent : avortements clandestins, viols impunis, inceste, marginalisation de celles qui ont choisi la voie de la liberté. Si ce livre ne modifiera pas les complètement les mentalités, il a le mérite d’appeler au changement même si, on le devine, la coutume penche toujours dans le sens des uns au détriment des autres. Ed. Les Arènes – 242 pages Sylvie Van Laere
101 FAÇONS DE SE RECONNECTER À LA NATURE Quels rapports entretenons-nous avec la nature ? Les jardins ont fait place à la vie dans des immeubles qui superposent les appartements, les routes se sont macadamisées et les places sont devenues béton ou blocs de ciment. Depuis plusieurs décennies, nous avons détricoté nos liens avec le plein-air, devenant des êtres de plus en plus stressés et formatés. Or, on le sait, sortir de chez soi, renouer avec les balades dans les champs et se repaître des végétaux qui se font de plus en plus rares contribue à nous épanouir sensitivement et émotionnellement. Cet ouvrage nous propose cent et une pistes pour renouer avec cet univers qui est nôtre et le réapproprier au quotidien ? Sans langue de bois, Frederika Van Ingen s’est inspirée des traditions maasaî, lakotas ; kogis, bushmen, etc. pour toucher le vivant et trouver son lieu ressourçant afin de respirer avec l’arbre, s’asseoir dans une clairière apaisante, prendre le temps d’observer la faune et sentir la sève couler dans les végétaux. S’ouvrir à ce qui nous entoure débouche le plus souvent sur une impression de quiétude bienvenue, sur un bonheur devenu trop rare, sur une prise de conscience. Ce livre nous initie à une métamorphose profonde de soi en vue d’un renouvellement intime. Communier avec la la nature revient surtout à mieux se rapprocher des autres et à saisir tout ce qui existe de bon en soi. Par le partage d’expériences, l’auteure réussit a être claire dans ses propos et à les illustrer par une série d’exemples faciles à suivre. Aujourd’hui, davantage que hier, il importe de retisser des liens pour que celles et ceux qui viendront après nous puissent le faire à leur tour. Ed. Les Arènes – 309 pages Sylvie Van Laere
PARIS TYPOGRAPHIE En gros, la typographie est une technique qui permet l’impression de caractères et de lettres dans un but esthétique. Bien entendu, on la retrouve dans le monde de la publicité, de l’affichage, mais pas que ! Du coup, elle se situe un peu partout dans nos artères avec une vocation commerciale, de signalisation ou d’ornementation. Paris, à l’instar de toutes les capitales, a été envahie par ce procédé d’expression au point de, parfois, en être saturée. Pourtant la typographie dote la ville d’une âme, d’un esprit et se charge de la caractériser par un langage propre. Marguerite Chaillou, formée à Penninghen (célèbre école de direction artistique), a décidé de traverser la métropole pour aller à la rencontre de tous ces signes et de les photographier dans le but de proposer un recensement (forcément subjectif) de ses balades et refléter ses coups de cœur pour, ensuite, les classer par thèmes, passant des emblèmes de l’Empire à la ligne Haussmann, des stèles du Père-Lachaise à l’Art Nouveau, du Montmartre bohème aux lumières de Pigalle, du Quartier Latin aux écriteaux des marchés, des rythmes du Street art aux sous-sols avec le métro, les catacombes et les parkings. Plus que toute autre ville, Paris reste encore très souvent associée à la typographie. Il suffit de se référer aux cartes postales et à sa réputation de Ville Lumière. S’y promener revient souvent à se plonger dans le passé, à se frotter à ses ombres, à se lover à des pans d’histoire. Ce livre offre environ sept cents clichés étalés sur un peu plus de trois cents pages. L’occasion de s’arrêter pour contempler des frontons, des enseignes, des plaques, des ardoises, des devantures ou des graffitis. Si les mots portent le sens, leurs formes aident à les assimiler. Ed. Les Arènes – 320 pages André Metzinger
MILLIAME VENDETTA Milliame est une sorte de purgatoire, une cité où errent des parias de tous types : des camés, des femmes sans avenir, des flics déchus, des crapules. Dans cette sphère à la limite du supportable, Bernard Valéria soigne son mal à sa manière. Depuis plusieurs mois, il est assailli de cauchemars et ne parvient pas à se dépêtrer d’images récurrentes de la mort de son épouse, agressée par un groupe de voyous. Si cela ne suffisait pas, il souffre d’amnésie partielle qui occulte une partie de ses souvenirs. Il doit également veiller sur son père victime d’un AVC et hospitalisé. Enfin, Franck Caruso, un dangereux détenu placé sous les verrous suite à un braquage avorté, vient de sortir de taule et entend en découdre avec tous ceux qui l’ont fait plonger : traîtres et condés inclus. Bernard Munoz signe un polar qui va à l’encontre des codes et sait de quelle manière s’y prendre pour aller à rebours de ce qu’on lit d’ordinaire, avec des personnages extrêmes, enclins à leurs pulsions et jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit de faire éclater la violence qui les tenaille. On se situe dans un monde inhumain où tous les coups sont permis et où le non-droit règne pour imposer sa férule à chaque niveau des strates de la cohabitation. Un roman dur comme on en lit peu et qui laisse une impression étrange. S’en sortir indemne, voilà l’unique objectif du protagoniste de cette histoire ! Ed. Les Arènes – 371 pages André Metzinger
WIDJIGO 1792. La Révolution est occupée à diviser la nation. En Bretagne, la résistance fait rage et la République n’a pas d’alternative que celle d’employer la force pour endiguer le flot de conjurés. Jean Verdier, jeune officier, est envoyé en Basse-Bretagne à la tête de son régiment. Sa mission : capturer Justinien de Salers, un noble qui se terre dans une vieille forteresse tapie en bord de mer. Alors que l’assaut est donné, le lieutenant est invité par le rebelle à sceller un marché. Sa reddition contre un temps d’écoute. Il s’agit ni plus ni moins de pouvoir narrer une aventure vécue il y a quatre décennies. Un naufrage qui a amené l’homme à survivre sur l’île Terre-Neuve, un lieu hostile et froid. Un bout de territoire secoué par les flots et où ne s’agite aucune âme vivante. Un carré de sol qui fait office de purgatoire et qui altère la raison de ceux que la fatalité a attiré si loin de tout. Estelle Faye est comédienne, réalisatrice et romancière et signe un roman qui s’ancre dans l’histoire de France, tout en empruntant un chemin de traverse pour agiter les spectres du fantastique et faire surgir de chacun de nous ce qu’il possède de plus horrible. Une manière d’affirmer que nous générons nos pires ennemis. Un récit qui possède également une valeur symbolique, avec paysages qui s’échangent des mythes, des rêves et des frayeurs. Ed. Albin Michel – 253 pages Daniel Bastié
LES EXILÉS DE BYZANCE Le 29 mai 1453 sonne le glas d’une civilisation. Byzance, dernier bastion de l’empire romain d’Occident, rend les armes. Les Ottomans s’emparent de la ville après un des sièges les plus sanglants du siècle. Au-delà de la fin d’une époque, la reddition de la ville a un impact profond sur le monde et notamment en Occident. Pour échapper au massacre, deux frères réussissent à prendre la fuite. Nicolas trouve refuge en Russie. Quant à Constantin, il s’offre une seconde chance le long des rives de la Méditerranée. Avant de se quitter, ils jurent que leurs descendants se retrouveront ici ou ailleurs. Catherine Hermary-Vieille brosse une-fresque qui se déroule sur un demimillénaire et qui relate les bonheurs et les malheurs d’une famille secouée par les frasques de l’Histoire, avec des destins qui se chevauchent et en quête de racines. Mieux que quiconque, l’auteur parvient ici à fédérer l’unanimité autour de personnages aussi différents que proches du lecteur, grâce à un sens aguerri de la narration, l’art de faire se succéder des silences et de grands moments d’intensité, à réveiller les peurs et les joies les plus intimes et à donner un sens au souffle qui secoue nos existences. Au-delà du simple prétexte romanesque, elle nous parle de ces petits riens et de ces secousses qui façonnent notre parcours terrestre pour nous rappeler à quel point l’existence mérite d’être choyée. Ed. Albin Michel – 469 pages Paul Huet
BRAS DE FER En version Poche, Hamish Macbeth signe son grand retour pour la rentrée avec ce récit à (re)découvrir pour le bonheur de lire. Une histoire qui reprend les codes d’une série acclamée depuis de nombreuses années et qui s’est vue encensée par la presse. Des enquêtes qui tirent leur inspiration du côté des classiques d’Agatha Christie, mais qui n’en sont jamais des plagiats. M.C. Beaton est une écrivaine qui parvient à poser des univers personnels et qui, touche par touche, tisse des ambiances cosy où évolue une sorte de flic déjanté, un peu lunaire, et qui attend l’épilogue pour annoncer froidement le résultat de ses investigations. Cette fois, notre héros se trouve confronté à une énigme dont il est le principal suspect. Depuis que Randy Duggan s’est installé à Lochdubh, rien ne va plus. Bodybuildé et hyper tatoué, il s’impose au pub en narrant son passé d’aventurier. Et comme il rôde trop près de plusieurs femmes du village, on le soupçonne de semer la zizanie dans de nombreux foyers. Il défie en combat singulier le pauvre Hamish. Les paris sont lancés, avec une propension à miser sur la victoire du bellâtre. L’issue de devrait aucun doute : Hamish sera réduit en chair à saucisse. Mais à l’heure de la confrontation, son adversaire est retrouvé avec une balle dans le crâne. Immédiatement, les regards se focalisent sur le policier local. Afin de se disculper et sauver sa réputation, il n’a pas d’alternative que celle de coffrer l’auteur du meurtre. Ed. Albin Michel – 359 pages Daniel Bastié
LA PAIX DES MÉNAGES Hamish MacBeth occupe un créneau qu’on peut communément qualifier de littérature populaire, avec de l’action, des émotions, de l’humour et un suspense bien troussé. On n'achète pas ses aventures pour frémir au quart-de-tour comme lorsqu’on se procure un Harlan Coben ou un Stephen King. On joue ici dans une autre cour, en privilégiant les récits racontés à hauteur de lecteurs, pas du tout cérébraux et faits pour être dévorés d’une traite. Dès que ce héros ordinaire pointe le bout du menton, on sait que quelque chose va se passer. Puis, comme il maîtrise à la perfection l’art des investigations bien menées, on comprend qu’il supplantera les experts de la police. Alors que le petit village de Lochduch semble profiter d’une sérénité apparente, rien ne va plus dans la relation que notre homme entretient avec la belle Priscilla. A cela, ses espoirs de promotion viennent de se rétamer sur le macadam. Alors, pour se remettre en question, il prend le large et se retrouve dans une auberge qui tient de celle des Thénardier. La nourriture y est infecte, le patron l’est tout autant et les clients ressemblent à des caricatures. Lorsque le propriétaire de l’enseigne est retrouvé assassiné, le lot de suspects est légion. N’écoutant que son flair, Hamish reprend du service. Il est convaincu que le meurtrier fait partie de la clientèle du défunt. Ed. Albin Michel - 304 pages Daniel Bastié
LE RETOUR DU HIÉROPHANTE Toute l’économie de l’opulente cité de Tevanne repose sur une puissante magie : l’enluminure. À l’aide de sceaux complexes, les maîtres enlumineurs dotent les objets d’un pouvoir insoupçonné et contournent les lois de la physique. Leur but : vivre en paix et en harmonie. Néanmoins, tout le monde ne partage pas leur enthousiasme et l’idée de démocratiser l’art magique de l’enluminure ne fait pas que des adeptes. C’est alors qu’une ancienne puissance progresse en direction de la cité. Nommée Hiérophante, elle entend s’approprier le savoir et la force de Sancia Grado et de ses associés. Prévenu de cette menace, ils savent qu’ils devront lutter avec tous les moyens mis à leur disposition. Il ne s’agit pas de riposte, mais de survie ! Depuis le premier tome de la série « Les maîtres enlumineurs », Robert Jackson Bennett s’est imposé comme un maître de la fantasy, générant un monde complet régi par des lois et des codes précis. Grâce au rythme échevelé auquel sont astreints les personnages, les scènes d'action se succèdent sans que jamais l'auteur ne laisse à la moindre lassitude la chance de s'installer. Le lecteur est constamment servi par une intrigue menée au cordeau, si bien que la frénésie qui s'empare des protagonistes devient rapidement communicative et qu'il se prend à dévorer ce pavé de six cents pages en un temps record. L'écriture y est aussi pour beaucoup, avec des descriptions de toute beauté et des dialogues incisifs. Ed. Albin Michel – 617 pages André Metzinger
TROMPE-L’ŒIL Copenhague. Un écolier a disparu. La police est sur les dents. Dans les cas inquiétants, seule la célérité compte et aucun indice ne doit être négligé. L’inspecteur Eric Schäfer est chargé de l’enquête. Héloise Kaldan, une journaliste, accepte de lui prêter main-forte. Des investigations bien plus complexes que tous deux imaginent ! Pour seule piste, ils disposent du profil Instagram du gamin. Un compte qui dévoile sa passion pour la paréidolie ou processus survenant sous l'effet de stimuli visuels ou auditifs, portant à trouver une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée ou une tache d'encre. Puis, il y a également la photo d’une porte de grange qui revient de manière répétitive. Que dissimule-t-elle ? Serait-elle la clé de l’énigme ? Anne Mette Hancock nous entraîne au Danemark, pays mal connu par les lecteurs francophones, et nous plonge dans un thriller glacé et effroyable. Au fil des chapitres, on découvre la force des blessures émotionnelles, les dégâts occasionnés par les griffes acérées de la vengeance et on s’initie aux illusions d’optique. Un roman sans temps mort. Encore un nom à rajouter dans la longue liste des prolifiques auteurs de polars nordiques ! Ed. Albin Michel – 377 pages André Metzinger
EXORCISME À BERCHEM SAINTE AGATHE Oufti ! Un ardennais qui joue les Pitje Scramouille ! Och ge vlieg meeïe aaë smoel teeïge de muur. (Jacques De Decker citant Roger Kervyn De Marcke ten Driessche) Une ado un peu givrée au départ se voit transformée en succube meurtrière par une vilaine sorcière. Tout ça dans un joli parc de Berchem Sainte Agathe, non loin de Bruxelles. (Tu vois la Koekelique ? eh bien juste derrière). La mère Mathilde doit donc faire appel à un abbé exorciseur un peu limité dans ses aptitudes viriles (pas grave, puisque ecclésiastique, donc voué à la chasteté, hum) et l'inspecteur de police-meunier (il s’appelle Balavoine) chargé de l'enquête (ah oui, il y a aussi eu meurtre) patine dans le stoemp. Mais comme dans Candide : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » et comme dans tout bon vrai récit étasunien, « tout est bien qui finit bien » (Happy end pour les anglophiles). Le tout persillé de références au folklore berchemois, qui n'est pas à négliger. À noter aussi : le choix des noms de héros entre à merveille dans la pure tradition magerottoise (voir supra). Et là, en refermant la dernière page, j'ai comme un vide... On m'annonce un roman déjanté, et je découvre un récit gentillet un peu barré, c'est vrai, mais compte tenu de ce que j'ai découvert dans « Chicago a les boules » du même auteur, je reste sur ma faim. Où sont les personnages truculents, l’autodérision poussée au max, l’esprit débridé, tous les indicateurs dans le rouge, les situations inénarrables et narrées quand même ? Où est la folie surréelle du récit déjanté ? Je m’attendais à un super trip dans l’humour et l’absurde, et j’en suis pour mes frais. Serait-ce l’influence du climat belgo-bruxellois ? Chicago serait-il plus inspirant, plus déjanté, plus surréaliste ? Devrai-je me naturaliser Étasunien pour m'éclater ? Pitié, non ! Non, pitié ! Bien sûr il faut raison garder, comme on dit puis au Palais Poelaert, appeler une sorcière par son nom d'oiseau, et pousser les gens à visiter des sites communaux. Bien sûr il faut que les héros-ados se retrouvent bien cadrés dans le scénario. En un mot : traverser dans les clous. Mais Alain Magerotte nous avait habitués à plus de folie, à des gugusses tellement barrés qu'on croirait y reconnaître son voisin de palier, à un humour tellement grinçant que même W.C. Fields et Woody Allen (pourtant tous deux Étasuniens) en ont eu mal aux dents. J'ai lu avec plaisir ce petit roman distrayant, plein de jolies descriptions et de personnages amusants, mais lui préfère – et de loin – son précédent. Et voici qu'apparaît Zorro (en Brusseleir : Joske Maelbeek) ! Et l'exorcisme devient exorcisem ! Car lui n'est pas Ardennais (sic) et le roman devient une foebelke dans la pure tradition meulebeekoise (seraitce berchemoise?) Une belle réussite de la collaboration d'une nouvelle fédération Wallonie-Bruxelles. Éd. Lamiroy - 110 pages Georges Roland
FIGURES LITTÉRAIRES DE LA DÉPRESSION Qu’est-ce que la dépression ? Bien entendu, on peut y aller du point de vue médical en énonçant un ou plusieurs diagnostics et agiter des réponses plus ou moins satisfaisantes ou parfaites sur le plan théorique. Néanmoins, l’état dépressif se veut pluriel, passant de la mélancolie au mal-être profond, établi sur une période courte ou pouvant durer toute l’existence. Comprendre ce qui distingue cette affection d’une forme à l’autre suppose d’être capable de la diagnostiquer et de la distinguer de ses autres variants. Il suffit de se plonger dans le temps pour découvrir que le mot est apparu au début de la seconde moitié du XXe siècle, avec Freud qui en a donné la définition la plus élaborée, la circonscrivant comme une atteinte psychique grave dominée par l’insomnie, la perte d’appétit, l’incapacité d’aimer et de réagir. Patricia de Pas est depuis longtemps attirée par cette pathologie et cherche ici à la déceler dans l’œuvre de plusieurs auteurs ou à travers leur existence. L’occasion d’aller à la rencontre d’Albert Camus, Georges Pérec, André Gide, Honoré de Balzac, Jean Racine, Johann Wolfgang von Goethe, Charles Baudelaire, Albert Cohen et quelques autres pour tenter de comprendre ce mal. En littérature, ce type de récits est rare, aussi sont-ils précieux à analyser pour en tirer quelques conclusions. Cette enquête dans la biographie et les écrits de grands auteurs connus (ou qui le sont un peu moins) vise essentiellement à nous éclairer, à apporter un faisceau d’indices particulièrement riches sur la nature de la dépression car, on le verra à mesure que défilent les chapitres, cette pathologie n’a rien de global. Le tourment est intense, avec des contours qui se meuvent, un ancrage différent et une étendue variable d’un patient à l’autre. Ed. Serge Safran – 158 pages André Metzinger
WALTHERY LE FACÉTIEUX Si de nombreux ouvrages ont été publiés sur le dessinateur de bande dessinée François Walthéry c’est sans nul doute parce qu’il y a beaucoup à raconter. Monographie basée sur plus de cent heures d’interview, Charles-Louis Detournay, journaliste spécialisé, nous raconte en compagnie du papa de Natacha et de Rubine (et aussi de tant d’autres) comme maître de cérémonie, les coulisses discrètes ou indiscrètes de soixante années de bande dessinée. Qu’on ne s’y trompe pas, si l’œuvre est particulièrement bien documentée, il s’agit avant tout d’une longue saga dont amitié est le maître-mot et où les intervenants ont pour nom Peyo, Tillieux, Franquin, Leloup, Will, Malik, Cauvin… la crème du 9ème Art de l’école franco-belge. A y regarder de près, on peut parler aussi de plus d’un demi-siècle de franche rigolade. Personnage débonnaire, fort attaché à sa région dont il revendique une profonde influence, Walthéry n’est guère avare d’anecdotes à son propos ni à celles des autres dont il a croisé la route lors de sa carrière, et l’ouvrage se lit un peu comme une Bd dont il manquerait les dessins, un carnet de croquis sans croquis. C’est sans doute cela qui rend le livre plus accessible à tous car il ne se perd pas dans un intellectualisme parfois de bon ton quand on parle de monographie et s’il s’égare en chemin, c’est toujours pour notre plus grand plaisir. Ed. Kennes – 288 pages Mythic
QUATRE GARÇONS DANS LE VAN Le titre de ce livre fait bien sûr référence au film « Quatre garçons dans le vent » de Richard Lester réalisé en 1964 et qui met en scène les Beatles. Trois journées au cours desquelles le cinéaste les suit en tournée. On les y voit donner un concert à la télévision, dans un club, se déhancher en répétition et déclencher l’hystérie partout où ils passent. Bob Martin signe un roman qui sent la nostalgie. L’aventure débute à Liverpool en 1960, là où Paul, George, John et Ringo se sont connus. Un Français exilé, Christian, a comme job étudiant de conduire en Van les artistes et leur matériel d’une salle à l’autre. L’occasion de se faire un peu d’argent, mais surtout de fréquenter ceux qui feront peut-être la musique de demain. Parmi les musiciens qu’il véhicule, un quatuor de rockers retient son attention. Il s’agit de petits gars aux cheveux longs et qui entendent imposer un son nouveau. Pour l’heure, ils se nomment les Quarrymen, ne sachant pas encore qu’ils seront révélés au monde entier sous la bannière The Beatles. Avec ce récit, l’auteur raconte la genèse et le quotidien des Fab Four, se plonge dans leur intimité ainsi que dans les coulisses de la création. Il évoque également les qualités, les faiblesses, l’amitié et l’amour de quatre jeunes devenus une légende. L’action passe de l’année 1960 à 1963. Toute une époque ! Ed. Publiwitz – 322 pages Paul Huet
JULIE MATRICULE 247, LE DESTIN D’UNE BAGNARDE La vie de Julie Binay tient du roman. Une de ces histoires qui méritent d’être couchées sur papier pour raconter les avatars d’une femme brisée par le destin et témoigner des abominables conditions de détention au XIXe siècle. Née en 1851 dans un milieu modeste, Julie grandit entourée par l’amour des siens et ce malgré le décès de son père. Fort jeune, elle travaille à l’extraction de pierres des carrières. Ensuite, elle se marie pour vivre le quotidien de nombreuses filles. Toutefois, la misère la pousse à commettre de menus larcins et son époux la jette sur le trottoir pour récolter quelque argent de la vente de ses charmes. A partir de ce moment, elle commence à avoir maille à partir avec la police. Une peine de prison met un terme à ses activités. Malgré le fait qu’elle purge sa peine en France, un juge la condamne à la déportation dans les colonies. S’amorce alors un combat pour survivre dans un bagne étouffant, baigné par un climat de violence omniprésente. Astreinte à effectuer des tâches pénibles, elle finit par se résoudre à ne pas faire de vagues. Pendant ce temps, dans la métropole, l’opinion commence à s’émouvoir du sort des bagnardes. Il faut néanmoins attendre l’année 1914 pour que soient véritablement libérées toutes les détenues du dépôt de Saint-Laurent, leur permettant de revenir dans la métropole. A cette date, il restait septante-trois prisonnières. Muriel Meunier relate une histoire vraie, incroyable aujourd’hui, et qui s’inscrit dans la grande Histoire, de celle dont on oublie de parler dans les écoles par méconnaissance, par indifférence ou par désinvolture. Ed. Favre – 303 pages Amélie Collard
ÉLOGE DU VIEUX CON MODERNE Christophe Alévêque est un humoriste qui a bâti sa réputation sur la causticité de ses spectacles et ses revues de presse. Un de ceux qui comptent parmi les grands contestataires de notre époque, façon feu Guy Bedos ou Pierre Desproges. Une filiation qu’il entretient sans calcul. Avec « Eloge du vieux con moderne », il encadre ces gens qui se targuent de la pensée responsable, du politiquement correct et qui, au fil des ans, ont aseptisé l’humour en devenant les talibans du sécuritaire, du bien-parler et de la précaution menée jusque dans les confins de l’absurde. Bien entendu, il s’agit de celles et ceux qui ne jurent et qui jugent sur les réseaux sociaux, dissimulés derrière le paravent d’un pseudonyme et qui emploient également celui-ci pour mettre en scène leur piètre existence. Voilà donc un livre qui flingue tous azimuts, qui tire des cartouches qui font excessivement du bien, qui rabat le caquet aux prétentieux occupés à formater le quotidien en se croyant des stars du nouvel ordre moral ou à encenser aveuglément quelques prises de position. Au hasard : Quel intérêt y a-t-il à photographier son assiette de sushis pour déposer le cliché en ligne ? Le progrès est-il toujours le progrès ? Est-ce un gage de qualité que de compter les like sous une vidéo ? L’auteur propose ici tout simplement d’entrer en résistance et, pourquoi pas, d’en être fier ? Puis, ce livre joue également avec les paradoxes, alléguant que le vieux con d’hier a fait place au vieux con moderne, qui aime le silence de ses pantoufles et qui préfère un écran cathodique à celui d’un ordinateur et qui continue de payer ses courses en monnaie trébuchante plutôt que par contact avec sa carte. Ed. du Cerf – 185 pages Paul Huet
EVERGREEN ISLAND Le passé s’apparente parfois à un fardeau qu’on porte en bandoulière sans en mesurer le poids. Tel un uppercut, il revient souiller le présent et réveille des souvenirs qu’on aurait souhaité de ne pas exhumer. Autant dire que Stella Harvey n’éprouve aucune joie lorsqu’un corps est déterré dans le jardin de sa maison d’enfance, située sur une île au large des côtes anglaises. Pour sûr, elle doit comprendre et n’a pas d’alternative que celle de se rendre sur place. Remonter le temps est un exercice parfois périlleux pour la santé mentale de quiconque s’y emploie et se révèle vecteur de nombreuses désillusions. Sa détermination bute fort vite contre le mutisme de la population locale, qui se referme dès qu’elle apparaît. Directement, elle comprend qu’elle s’engage dans un jeu du chat et de la souris, afin de débusquer plusieurs coins d’ombre de sa jeunesse. Puis, une question commence à la tarauder : Pourquoi les siens ont-ils précipitamment plié bagage un soir de tempête ? Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’un thriller standard, mais d’un roman dont l’autrice, Heidi Perks, s’amuse à jongler avec les codes, à jouer avec les nerfs et alterne tension, rythme et rebondissements. Un livre à lire avec comme fond sonore la partition du film « L’exorciste » ou « Psychose ». Ed. Préludes – 440 pages Amélie Collard
DANGER EN RIVE Nathalie Rheims nous entraîne sur les rives du thriller avec ce vingt-deuxième ouvrage. Une écrivaine installée depuis cinq ans dans sa maison de campagne a, croit-elle, définitivement abandonné la capitale. Pour elle, il s’agit de se ressourcer, de renaître et de couper les ponts avec une histoire dont elle n’est pas sortie indemne. Parfaitement recluse, elle n’a pour seul compagnon que son chien Paul. Cela fait également une demi-décennie qu’elle n’a plus accouché d’une seule ligne. Comme si l’inspiration ou le besoin de rédiger n’étaient plus au rendez-vous. Pire, elle a perdu la mémoire et le passé se présente avec des vides abyssaux, dont elle ne parvient à combler les creux. Que s’est-il passé ? Pourtant, des bribes de souvenirs lui tentent les mains. Une sorte de gigantesque puzzle incomplet dont elle aspire à rassembler les morceaux. Puis, la révélation s’impose avec toute sa virulence. Elle a été victime de harcèlement ! Un homme qui ne lui a laissé aucun répit, au point qu’elle a même failli en perdre la vie. Sa retraite dans un coin perdu du pays d’Auge n’a donc rien d’une villégiature, mais ressemble à une fuite. Pire, elle découvre que celui qui s’en est pris à elle a retrouvé sa trace. Cette fois, elle décide de l’affronter. Ce sera elle ou lui ! Pas de cadeau ! Ed. Léo Scheer – 186 pages Julie Plisnier
L’ENFANT DORMIRA BIENTÔT Qu’y a-t-il de pire que de s’en prendre aux enfants ? François-Xavier Dillard nous plonge dans un thriller sordide qui met en scène un homme en proie à son passé et qui, par un effet boomerang, se retrouve confronté à ses hantises profondes. Tout débute le jour où la commissaire Jeanne Muller débarque dans l’association fondée par Michel Béjart en vue de protéger l’enfance bafouée. Des nouveau-nés ont été arrachés à leur berceau dans des hôpitaux parisiens et un vent de panique flotte sur toutes les maternités. Une enquête à la fois difficile et sensible. L’émotion des citoyens est à son comble. Puis, quels rapports Michel peut-il entretenir avec cette affaire poisseuse ? Parfois, il suffit de se plonger dans le passé pour comprendre certains traumatismes. Autrefois, l’homme a vécu un drame familial qui a failli le pousser au suicide. Pour survivre, il a dû faire preuve de résilience, chercher à oublier et se renouveler en se fixant un objectif. A mesure que Jeanne pousse ses investigations, elle découvre que rien n’est aussi limpide que souhaité et que l’arrivée d’un enfant engendre dans certains foyers du bonheur autant que de la crainte. Comme dans « Un vrai jeu d’enfant », l’auteur s'est effacé derrière son histoire pour remplir à merveille son rôle de conteur, sans que rien ne vienne perturber le défilement de l'histoire. Une trame immersive qui prouve que suspense peut rimer avec intelligence lorsqu'un récit est mis entre les mains d'un écrivain imaginatif. Ed. Plon – 334 pages Paul Huet
GEORGIA O’KEEFFE Quelle place l’Histoire de l’Art accorde-t-elle aux femmes ? Georgia O’Keefe (1887-1986) fait partie de ces rares créatrices qui se sont échappées du giron patriarcal pour vivre leur passion, sans la voir entravée par les conventions. Dès le début des années 1900, elle sait ce qu’elle désire. Surtout ce qu’elle ne veut pas ! Elle ne fait pas partie de celles qui subissent et fléchissent la nuque. A la tutelle des mâles, elle préfère son autonomie. Une liberté qu’elle gagne peu à peu en s’investissant pleinement dans l’enseignement et en créant. En même temps, elle devient la muse du peintre Alfred Stieglitz. Après la mort de ce dernier, elle abandonne l’aquarelle pour la peinture à l’huile. Cette bédé débute en 1949, alors que l’artiste se trouve au Nouveau-Mexique, à l’occasion de l’inventaire du patrimoine laissé par le défunt, en compagnie de deux amies et de sa secrétaire. Un retour en arrière sur son existence loin des normes et palpitations de son temps ! Luca de Santis et Sara Colaone nous livrent un album qui coïncide avec l’exposition qui a débuté au Centre Pompidou à Paris et qui a l’heur de mettre à l’honneur cette pionnière de l’abstraction picturale, des premiers vertiges cosmiques que lui ont inspiré l’immensité des plaines texanes en 1910 aux métropoles et aux paysages ruraux de l’État de New York des années 20-30, jusqu’au Nouveau Mexique, où elle s’établie définitivement après la Seconde Guerre mondiale. Ed. Steinkis -192 pages Amélie Collard
LES BODIN’S SE FONT LA BELLE Créés en 1989, les Bodin’s ont sévi à la télévision, sur les planches et au cinéma. Les voilà en personnages de bédé pour vivre une nouvelle aventure. Pas de mal à se faire plaisir ! Voilà ce qu’ont dû se répéter Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet à la base du duo qui met en scène une vieille fermière roublarde et autoritaire de quatre-vingts printemps et son fils quinquagénaire, naïf et toujours célibataire. Cette fois, mère et fils ont décidé de partir en vacances. Pour cela, ils doivent quitter leur ferme toulousaine pour profiter des joies du camping. Que du bonheur ! Déjà, ils imaginent le décor et le film défile devant leurs yeux. Au programme : partie de casino, pêche, petits restos et repos complet. Sur place, Christian, le fiston, a même le loisir de faire de l’œil à une campeuse sous le regard surprotecteur de sa génitrice. La Baule sert de cadre à cette expédition. Bien entendu, ils embarquent avec eux le coq à la place du chien. Pourquoi une bédé sur les Bodin’s ? En fait, leur trogne et leurs gags s’adaptent parfaitement à l’univers de la bande dessinée. Fred Coicault, ancien géomètre et dessinateur notamment de la série « Stéphane Plaza », s’est appliqué à l’exercice. Pour lui, il s’agissait de coller au plus près du binôme bien connu des Français, en respectant les codes et en ne faisant pas preuve d’excentricité personnelle. Un travail à découvrir en un peu moins de cinquante pages ! Ed. Jungle – 48 pages Daniel Bastié
L’INCROYABLE HISTOIRE DES ANIMAUX L’homme et l’animal ont toujours dû se partager la terre. Cette bédé retrace leur histoire commune à travers les âges et revient sur certaines conquêtes. L’humain a domestiqué le chien et le cheval, s’est nourri des vaches, des moutons et des chèvres et s’est défié du loup. Cet ouvrage est parsemé de nombreux faits peu relatés aujourd’hui ou oubliés. Combien savent encore que les chats ont été déclarés diaboliques au Moyen Âge, que des animaux ont été les premiers passagers à bord d’une nacelle des frères Montgolfier ou qu’une chienne a ouvert les voyages dans l’espace quatre ans avant Youri Gagarine ? En jouant la carte du divertissement, cet album n’omet jamais son aspect pédagogique, rappelant des vérités tues dans les livres scolaires pour nous inviter à réinventer notre relation avec les êtres à poils, à plumes ou à écailles qui peuplent notre monde et qui, pour certains, font aujourd’hui l’objet de mesures visant à les protéger d’une extinction annoncée. Ne pas veiller au bien-être animal revient trop souvent à mépriser notre rôle sur une planète que nous asservissons sans vergogne. Avec honnêteté et lucidité, ce roman graphique nous invite à réfléchir sur une série d’enjeux et à nous engager à mettre un terme à un cycle infernal à la fois pour nous comme pour toutes les créatures vivantes. L’heure n’est-elle pas venue d’inventer d’autres histoires ayant pour objectif de réconcilier tout ce qui respire pour préparer un avenir sans anicroches ? Ed. Les Arènes – 176 pages André Metzinger
BANGKOK DÉLUGE Voilà un premier roman qui fait l’effet d’une secousse sismique dans le ronron de la rentrée littéraire. Né en Thaïlande, Pitchaya Sudbanthad partage aujourd’hui son existence entre New York et Bangkok. Il nous livre le portrait de personnages déchirés par la force du destin et les impératifs de leur temps, voyageant entre un médecin américain en mission au XIXe siècle, un groupe d’étudiants de l’Université de Thammasat confrontés à la violence des militaires qui a fait quarante-six morts en 1976, des adolescents en train d’embarquer des touristes sur les eaux qui submergent un galon d’immeubles et, parmi d’autres, un photographe qui fuit les démons du passé. Traversant les décennies jusqu’au XXIe siècle, l’auteur raconte une société qui peine à se tenir debout et qui lutte pour ne pas se laisser submerger, dressant des ponts entre les époques et rappelant qu’on navigue souvent de traumatisme en traumatisme, en se hissant sur la pointe des pieds ou à la force des poignets afin de ne pas sombrer. Puis, en filigrane, il nous rappelle que la nature exige son dû et que, victime de violences, elle hurle et se rebiffe. Avec une écriture fluide, bien rendue par la traduction de Bernard Turle, « Bangkok déluge » propose une plongée en apnée dans une capitale tentaculaire en proie au mouvement perpétuel qui devient, tour à tour, piège ou refuge. Enfin, on peut interpréter cet ouvrage comme un immense cri d’amour à un pays où les enfants sourient quoi qu’il arrive et qui résiste aux vicissitudes. Ed. Rivages – 424 pages André Metzinger
PETIT LEXIQUE DES AMATEURS ÉPRIS D’ODEURS ET DE PARFUMS Autant qu’un lexique, il s’agit ici d’un abécédaire qui a pour vocation d’effectuer un tour du monde des senteurs agréables. Une occasion unique de retrouver ou de découvrir une série de mots liés aux flagrances et de les définir. Aussi l’histoire de chacune d’elles racontée sur un ton à la fois complice et concerté par Jean-Claude Ellena et Lionel Paillès, créateur de parfums pour l’un et journaliste pour le second, qui ont pioché dans leurs souvenirs pour rédiger un ouvrage tel qu’ils le rêvaient, prompts à témoigner de leur amour pour les bonnes senteurs mais surtout de la palette (presque) infinie des odeurs qui peuvent naître d’une parfumerie ou d’un de ses laboratoires. Au hasard de mots élémentaires, bizarres ou inopinés, ils nous convient à une balade qui soulève un coin du voile. A chaque terme sa réflexion, sa notice poétique ou son analyse. Au demeurant, voilà un opus qui plaira aux amateurs de parfums et à celles et ceux qui souhaitent découvrir cet univers d’une réelle vastitude. Cent septante mots ne sont pas de trop pour générer des émotions et bercer le lecteur de sensations olfactives révélées par la justesse d’une plume à la fois fine et d’une belle acuité. Ed. Actes Sud – 252 pages Julie Plisnier
DERNIÈRE MINUTE … THÉÂTRE : LA MER DANS LA GORGE Réunissant sous le titre La mer dans la gorge trois soliloques, Lina Prosa évoque celles et ceux qui, partis pour l’Eldorado européen, n’y croisent que cupidité, violence, froid, noyade et mort. Dans une écriture sensible et poétique, éloignée de tout manichéisme, elle raconte les destins d’ici et de là-bas. Désirée revient sur la plage qui la vit follement amoureuse, mais la vieille barque rouge, lieu et signe de la passion, a disparu ; surgit le cadavre d’un jeune naufragé qui exacerbe sa douleur. Et si cette barque était cause de son naufrage ? Shauba, avec le rêve de voir l’Africain délivré du chantage du bon capitalisme n’offrant à manger qu’un jour sur deux, embarque. Le rafiot surchargé chavire, alors que deux matelots se disputent son corps, et elle se noie. Mohamed, reclus dans les Alpes pour y être identifié, cherche une issue et grimpe vers le col enneigé où il rencontre un vieux partisan qui lui apprend Bella ciao. Mais, à deux pas du sommet, une tempête de neige le surprend et ses forces l’abandonnent. Face aux grillages qui s’érigent et aux ports qui se ferment, La mer dans la gorge donne place à la force du poème comme résistance à l’inhumanité. Trois destins déchirés par l’immigration, tel un manifeste de résistance poétique face à la montée des nationalismes et à l’indifférence (in)humaine. Une pièce à découvrir au Théâtre de la Vie du 12 au 23 octobre 2021. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue Traversière, 45 à 1210 Bruxelles