Texte Fécourt

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LA FEMME CÉLÉBRÉE DANS LA FORME : L’ŒUVRE DE CATHERINE FÉCOURT

Du 09-03 au 27-03-16 l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35 à 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous faire découvrir TEMPÊTE SOUS LE CRÂNE, une exposition consacrée à l’œuvre de Madame CATHERINE FÉCOURT, une peintre et dessinatrice française qui ne manquera pas de vous stupéfier. À travers toute une suite de pérégrinations linéaires que l’esprit du visiteur pourrait qualifier de « mystérieuses », apparaissent les premières esquisses d’un discours traduisant un univers personnel, intime et profond, axées sur un langage morcelé, construisant et déconstruisant à la fois, cette réalité que l’on nomme la « forme ». Passer devant un dessin de cette artiste, s’y arrêter pour repartir aussitôt, participe de l’inconscience ! Le pourrait-on d’ailleurs ? Car, une fois que le regard, prisonnier de la beauté de ces formes, décide d’entrer dans cet univers onirique, il ne peut que s’y enfoncer comme l’on s’enfonce dans une terre inconnue pour le besoin vital de s’y perdre. CATHERINE FÉCOURT nous livre ainsi diverses facettes de son panthéon intime, peuplé de créatures fantastiques, révélant la complexité de sa mythologie personnelle. Qu’est-ce que cet assemblage d’éléments disparates créant la « forme » ? Le visiteur ne pourra qu’être étonné par ces rendus traduisant un « surréalisme » personnel, sorti des sentiers battus que l’histoire de l’Art a rendu conventionnel. S’agissant de visages essentiellement féminins, l’on remarquera le contraste saisissant entre la fluidité de certains plans avec la rigidité de divers attributs de conception géométrique. Au contact visuel avec PENSÉES FAKIRIENNES (29 x 21 cm - encre de Chine/pastel),


une sensation insolite titille le visiteur à la vue de ces deux visages de femme. Une fois désimbriqué visuellement chaque élément constituant la forme, nous remarquons que l’artiste nous offre deux visages superposés l’un au-dessus de l’autre, contrastant avec des éléments géométriques dans le bas de la composition. Ce qui, d’emblée, frappe le visiteur c’est la présence des seins, placés à chaque extrémité du corps. À partir de ces seins s’élancent les bras démultipliés en quatre temps, soutenant la tête surplombant la seconde. La tête du bas (comportant des seins à chaque extrémité) est agrémentée d’une large bouche aux lèvres proéminentes, un nez à peine esquissé et de gros yeux, lesquels ne sont, en réalité, que les seins du personnage du dessus. À la gauche de la composition (à droite par rapport au visiteur), un visage dominé par un œil écarquillé apparaît de profil. Des éléments sinueux, des formes géométriques, remplissent l’espace, conférant à ce dernier la dynamique nécessaire à son existence. Un trait stylistique commun à l’œuvre de l’artiste est le fait que les couleurs usitées ne sont généralement pas agressives. Que du contraire. Elles sont tendres et discrètes au point de sembler subalternes à la folie engendrée par la forme. L’ARBRE DE VIE (29 x 21 cm - encre de Chine/pastel)


représente un corps à la fois déstructuré et ramassé, associant plusieurs éléments placés de façon « disparate », tels qu’un doigt courbé à côté d’un sein (dans la partie inférieure de la composition). En réalité, à la lecture de cette œuvre, nous voyons apparaître quatre visages : le premier, au milieu, partageant un œil avec le second visage de droite (à gauche par rapport au visiteur), situé de profil. Le troisième visage n’est autre que l’arbre (souriant) adoptant la forme humaine dont le feuillage est conçu comme une coiffure. À la gauche de l’œuvre (à droite par rapport au visiteur), la moitié d’un cadran d’horloge apparaît. Le quatrième visage, situé vers le bas, à droite, par rapport au visiteur, est extrêmement stylisé, ne dévoilant qu’un profil surmonté d’un œil clos, un nez crochu ainsi qu’une bouche ronde. Le tout faisant penser à une flûte à bec. Cet enchevêtrement de visages est ponctué par un thème récurrent dans l’œuvre de l’artiste : celui du sein. On le retrouve exprimé, sous bien des formes, à plusieurs reprises. Étant donné qu’il s’agit, en définitive, d’une ode à la Femme, le sein, tributaire de toute une mythologie porteuse de vie, devient un organe transcendé par des millénaires de culture, indissociable, dès les origines de l’humanité, à la manifestation de l’Art. Le titre de l’exposition est pertinent au plus haut point : TEMPÊTE SOUS LE CRÂNE. Il s’agit de l’animation d’images issues d’un onirisme (celui de l’artiste) à la recherche d’un autre onirisme (celui du visiteur). TEMPÊTE SOUS LE CRÂNE, titre repris par l’exposition (29 x 21 cm - encre de Chine/pastel),


est une œuvre dont la caractéristique est celle d’associer dans un hybridisme décapant, des vestiges humains épars avec, à l’avant-plan, l’esquisse d’une façade. Cette disposition architecturale se retrouve également (quoiqu’exprimée différemment) dans PENSÉES FAKIRIENNES (mentionné plus haut), en ce sens qu’il y a déjà dans cette œuvre une dimension « portante » (le visage féminin du dessous « supportant » celui d’en haut). La géométrie fait d’ailleurs partie intégrante de l’œuvre de l’artiste. Ces espaces fluides dans lesquels sont composés les visages rencontrent toujours l’élément géométrique comme une sorte de répondant antithétique, traduisant l’intérêt que l’artiste éprouve pour l’architecture. Dans TEMPÊTE SOUS LE CRÂNE, la fonction architecturale portante est soulignée, notamment, par la présence de murs. Cet hybridisme, extrêmement original pour notre époque, n’est pas sans rappeler (toutes proportions gardées !) les créatures mythologiques de l’antiquité classique et proche-orientale, telles que le « centaure », association entre l’homme et le cheval en un tout harmonieux. Il y avait alors le désir de traduire plastiquement une symbiose, non seulement mythique mais aussi économique, dans la domestication du cheval par l’homme, d’où cette unité morphologique entre ces deux créatures. Ici, nous pourrions nous risquer à prendre en considération le titre du dessin pour associer mystiquement la maison qui est l’habitat de l’homme avec le crâne lequel est l’habitat de la pensée ainsi que le donjon du rêve. Remarquons que le crâne se termine par le téton d’un sein, ce qui en dit long sur l’impact de la pensée féminine dans la construction de l’Homme. CATHERINE FÉCOURT est une dessinatrice autodidacte qui crée depuis des années sous l’impulsion de l’écriture automatique, à la manière des surréalistes. Influencée, notamment, par la bande dessinée, elle aime apporter un côté androgyne à ses personnages spécifiquement féminins dans leur consistance émotive. Ceci pour affirmer sa croyance en l’égalité des sexes. Cette tempête qui bouleverse l’intérieur du crâne n’est autre que la puissance créatrice qui anime tout artiste. Elle souffle sur le chemin du visiteur qui, par le regard, s’immerge dans ses œuvres. Car ce n’est que par le regard parcourant ces dessins que le visiteur s’abreuve au rêve de l’artiste pour atteindre son propre rêve.

François L. Speranza.

Arts

Lettres

Collection "Belles signatures" (© 2016, Robert Paul)


PENSÉES CHATOUILLEUSES (29 x 21 cm - encre de Chine/pastel)


CATHERINE FÉCOURT et FRANÇOIS SPERANZA : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires des deux derniers siècles. (9 mars 2016 - Photo Robert Paul)

Photo de l’exposition à l’Espace Art Gallery


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