Cinéma
L’exploitation reprend son souffle © JEAN-LUC MEGE PHOTOGRAPHY
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Le 75e congrès de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui s’est déroulé du 21 au 24 septembre au Centre international de Deauville, a redonné du baume au cœur à tout le secteur, avec des annonces fortes des pouvoirs publics. Après 99 jours de fermeture au printemps provoquée par la crise du Covid-19, un été noir avec seulement 1 million de spectateurs par semaine, et une rentrée très difficile, les salles de cinémas roulent sur les gentes. Au congrès de la FNCF, pour affirmer la solidarité du secteur, les trois branches de l’exploitation se sont exprimées ensemble sur scène, lors du Forum de discussion du 22 septembre, pour une motion commune inhabituelle. Ils ont ainsi remercié “les distributeurs qui ont eu le courage de sortir les films et le public qui est venu les voir”. Et d’ajouter : “C’est ensemble que les cinémas sont confrontés à cette crise sans précédent, et c’est ensemble qu’ils continueront à être la pierre angulaire de la diversité culturelle, de l’animation des centresvilles, de l’éducation à l’image ou du divertissement. Notre résistance, notre union sont les garants de l’exception culturelle française.” Attendue au plus haut point, l’intervention de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, le 23 septembre, a rassuré. Tout d’abord, 50 M€ seront employés à aider à compenser les pertes de billetterie des salles ; 80 % de cette somme (40 M€) seront attribués dès la fin octobre, avec effet rétroactif au 1er septembre. Le solde (20 %, soit 10 M€) sera fléché début 2021 pour permettre des ajustements des aides une fois que les chiffres de fréquentation pour l’année 2020 seront connus. La gestion de ce soutien sera assurée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Cependant, ces aides ne concernent que les salles privées, et pour répondre à l’incompréhension manifestée par des responsables de cinémas en régie directe, le président du CNC, Dominique Boutonnat, a précisé que leurs problématiques pourraient être étudiées au cas par cas si les collectivités dont elles dépendent leur faisaient défaut. La stratégie de relance Roselyne Bachelot a ensuite annoncé un second principe de soutien, qui s’inscrit cette fois dans une stratégie de relance, pour un total de 116,50 M€ afin de financer des mesures exceptionnelles. Celles destinées à la filière cinématographique se chiffrent, tout d’abord, à 34 M€ au soutien des exploitants, qui recevront un versement ex-
La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, est intervenue pour détailler les aides du gouvernement.
ceptionnel équivalent à 1 an de soutien automatique pour les indépendants, et à 9 mois pour les grands circuits. Un effort particulier est prévu pour les salles art et essai dont l’aide sélective sera renforcée de 2 M€ ; un chiffre espéré par l’exploitation pour enrayer les effets d’écrêtement longtemps dénoncés. Autre mesure attendue par les petites salles : la dette Cinénum est bel et bien effacée. Quant à l’éducation à l’image, la ministre a annoncé le financement d’actions de recrutement et de formation pour les enseignants afin de les encourager à revenir au cinéma avec leurs élèves dans le cadre de programmes pédagogiques. Les autres acteurs de la filière ne sont pas oubliés : 19 M€ financeront des mesures nouvelles pour les producteurs et les distributeurs. Quant à la majoration du soutien automatique accordée aux distributeurs cet été, elle sera prolongée comme espéré jusqu’au 31 décembre (soit un montant global de 9 M€). Les aides sélectives à la distribution seront aussi majorées. Les distributeurs bénéficieront, de plus, d’un encouragement à investir dans des œuvres nouvelles sous forme de minima garantis. Les producteurs se verront accorder des soutiens renforcés ces prochains mois ; les soutiens automatiques pour les producteurs délégués seront majorés de 25 % d’octobre 2020 à avril 2021 (5 M€). Et les aides sélectives pour le développement de
nouvelles œuvres seront là aussi renforcées, tout comme les avances sur recettes pour les films qui se tourneront dans les mois à venir. Par ailleurs, 6 M€ permettront d’accompagner les jeunes talents, avec le lancement de la nouvelle aide au programme d’auteur gérée par le CNC, un accompagnement au long cours pour favoriser les projets d’écriture originaux et innovants. Un appel à projets soutiendra aussi des actions de diffusion et promotion culturelle pour les 15-25 ans. La FNCF s’est aussitôt félicitée de l’annonce “d’un plan d’urgence et de relance ambitieux pour la filière cinéma”, précisant que “ces mesures de très grande ampleur vont permettre que toutes les salles de cinéma puissent continuer à accueillir le public pour présenter les films dans toute leur diversité et sur tous les territoires”. De son côté, l’Association françaises des cinéma d’art et essai (Afcae) a salué “une réponse forte et concrète, qui contribuera à la préservation de l’ensemble de la filière, et dont la mise en œuvre rapide permettra aux cinémas de résister dans une période de crise mondiale sans précédent”. Une Journée des éditeurs réjouissante La Journée des éditeurs de films, qui a clôturé le congrès le 24 septembre, a fini de remonter le moral des exploitants avec près de 280 films- annonces et teasers, dont de nom-
30 septembre 2020 / Écran total n°1298
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breuses sor ties françaises à gros potentiel d’entrées pour cette fin d’année : Aline (18 novembre, Gaumont), Kaamelot t ( 2 5 n ove m b r e S N D ) , Les Tuche 4 (9 décembre, Pathé), ou encore Bac Nord (23 décembre, Studiocanal), seul film ayant fait l’objet d’une présentation d’équipe (Gilles Lellouche, François Civil, Kar im Leklou). En 2021, les exploitants compteront aussi sur le troisième volet d’OSS 117 (3 février, Gaumont), ou les films historiques que sont Eiffel (17 février, Pathé) et Illusions perdues (Gaumont, non daté). Cependant, comme exprimé par tous pendant le Congrès, le marché ne repartira pas convenablement sans gros titres américains. Ceux-là mêmes qui forment, selon la formule de Victor Hadida, président de la FNEF, les films de la “diversité du haut”. Le monde de l’exploitation est ainsi suspendu aux réouvertures des cinémas des grandes villes américaines, sans lesquels les blockbusters ne reprendront pas date. D’ici la fin de l’année, la France devrait cependant pouvoir compter sur Les Trolls 2 (14 octobre, Universal), Mourir peut attendre (11 novembre, Universal), Dune (23 décembre, Warner), Wonder Woman 2 (30 décembre, Warner) ou Soul (25 novembre), dont le distributeur, Disney, était le grand absent de ce congrès. On croise les doigts. Rodolphe Casso