Cinéma
Le Cinéma Concorde renouvelle son activité
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En aménageant un espace convivial dédié à la restauration et à la vente de goodies, le complexe lorrain s’inscrit dans ce à quoi devrait ressembler les cinémas de demain, où la seule activité de diffusion de films pourrait ne plus suffire.
Après avoir exploité un complexe cinématographique à Grasse, André Maurice Carlotti a repris l’exploitation du cinéma Concorde de Pontà-Mousson, situé dans la banlieue nancéenne (Meurthe-et-Moselle – Lorraine), en décembre 2009. Le site est alors au plus mal, avec des équipements délabrés et des salles désertées. La priorité est de redonner au lieu un peu de prestige via quelques travaux et d’intensifier les séances. “Nous étions alors à une quinzaine de séances hebdomadaires. Avec une concurrence grandissante, je tenais à avoir un rythme similaire à celui d’un multiplexe. Depuis, nous sommes ouverts sept jours sur sept, à raison de quatre séances quotidiennes”. Le résultat n’a pas tardé à payer. Alors qu’il attirait jusqu’à 300 spectateurs par semaine début 2010, le Concorde accueillait finalement 800 visiteurs hebdomadaires trois ans plus tard. Avant la crise, le complexe culminait jusqu’à 1 500 visiteurs en semaine dite normale, et pouvait se hisser jusqu’à 2 500 spectateurs par semaine en période de vacances scolaires. Le cinéma a ainsi recensé 70 000 entrées en 2019, son record, alors qu’il peinait à dépasser les 22 000 visiteurs dix ans plus tôt. “Tout cela est le fruit de beaucoup de travail. Les premières années où j’ai repris le site ont été consacrées à une communication très importante alors que nous ne connaissions pas encore l’essor des réseaux sociaux. Il a fallu faire des campagnes d’affichage sur notre programmation et nos événements dans les villages et les commerces des alentours. Nous nous sommes aussi liés avec la presse locale pour qu’elle relaie toutes nos actions et que l’on soit identifié des habitants. Sans oublier de renouer avec toutes les écoles, collèges et lycées environnants pour accueillir à nouveau les élèves lors de séances dédiées à l’éducation à l’image”. Un cinéma à nouveau sur la carte La jeunesse est devenue le fer de lance d’André Maurice Carlotti qui multiplie les initiatives à l’issue du jeune public, en organisant notamment des ateliers de réalisation de courts métrages en été ou encore le traditionnel “bal des princesses” de fin d’année à l’occasion de la sortie en salles du film d’animation Disney de Noël. Les venues d’équipes de films avec des têtes d’affiches prestigieuses ont également permis au
Espace restauration et ventes de goodies permettent au cinéma lorrain de résister à l'érosion des entrées.
cinéma Concorde de se faire une place incontournable dans l’esprit du public local et des distributeurs. “Ce n’est pas gagné de remplir une salle un mercredi à 11 heures du matin. Même quand vous accueillez Dany Boon. Mais avec notre communication et le lien que nous avons créé avec nos spectateurs, ils ont répondu présents. Certains ont même posé un jour de congé. À partir de là, des groupes comme Pathé nous ont fait confiance et nous avons accueilli Jamel Debbouze, Kev Adams et bien d’autres encore”. Les liens qu’André Maurice Carlotti et son équipe ont su créer avec leur public leur permettent d’attirer désormais aussi bien des spectateurs de Nancy que de Metz, pourtant situés respectivement à trente et cinquante kilomètres de Pont-à-Mousson. Deux villes où l’offre cinématographique s’avère particulièrement riche, entre salles indépendantes et multiplexes UGC et Kinépolis. “J’ai toujours souhaité que mon public se sente comme chez lui. C’est ma fierté d’avoir remis le cinéma Concorde sur la carte de la région alors que les gens avaient presque oublié qu’il existait”.
Top Gun : Maverick. Mais quand je vois les résultats désastreux d’un film comme Les Folies Fermières, qui correspond parfaitement à mon public, je suis circonspect. Et ce n’est pas faut de programmer des œuvres variées qui ont toutes leur place sur un grand écran, avec des images sublimes qui font voyager comme Utama : la terre oubliée ou L’école du bout du monde”. Heureusement, le cinéma Concorde a su s’adapter à la situation en renouvelant son activité. Ainsi, depuis la réouverture des salles, André Maurice Carlotti a mis à profit son nouvel espace d’accueil pour aménager à la fois un lieu de vie et une boutique de jouets, goodies et autres spécialités culinaires d’origine corse. “L’idée était de vendre des produits en lien avec le cinéma, que ce soit des jouets dédiés aux univers d’Harry Potter ou de La Reine des Neiges, que de créer un espace convivial de restauration où l’on peut converser sereinement avant ou après une séance. Ce lieu ne cesse de prendre de l’ampleur. On me demande toujours plus de références. Bientôt, je créerai une bibliothèque avec des livres en lien avec l’histoire du cinéma. Je réalise des marges basses mais je vends tellement, en raison d’un bon rapport qualité – prix, que cela me dégage un chiffre d’affaire de 15 à 20 000 € par mois. Ce qui me paye le loyer du bâtiment et un salaire”. Avec une telle initiative, André Maurice Carlotti s’inscrit pleinement dans ce que les dernières Rencontres Cannoises de l’AFCAE ont appelé “la nouvelle
Une activité repensée Evidemment, la crise sanitaire a changé bien des choses. Avec une perte de 35% de sa fréquentation, le complexe a vu son chiffre d’affaires fondre de 50 000 €, soit dix mois de loyer. “Ce qui m’inquiète, c’est que de semaine en semaine, l’offre n’intéresse personne. Hormis quelques titres phares comme
conception des cinémas de demain”. Où le simple fait de voir un film ne serait plus suffisant et où les salles seraient repensées comme de vrais lieux de vie et d’échange. Ne jamais renoncer Dans un avenir proche, l’exploitant espère aménager une nouvelle salle en plus des deux actuelles, équipées du son Dolby Atmos et respectivement dotées de 80 et 200 places. Ce qui permettrait au cinéma d’exploiter plus longtemps les films mais sans pour autant en diffuser davantage qu’actuellement. Afin de rendre le cinéma encore plus chaleureux, André Maurice Carlotti envisage aussi de décorer le cinéma dans un style qui invite à l’évasion. Comptant pour l’instant sur les recettes de la boutique pour compenser la baisse de la fréquentation de ses salles, le directeur du Concorde ne perd pas espoir en des jours meilleurs pour l’exploitation et s’attend à un nouveau départ. “Pour l’instant, tout ce qu’on peut faire, c’est continuer de travailler, de programmer nos films, nos événements et nos animations. À un moment ou un autre, il se passera quelque chose. Mais si on s’arrête, on est perdu. Si on n’organise plus un marathon comme récemment avec Les Animaux Fantastiques sous prétexte qu’on ne fera pas suffisamment d’entrées, alors le bouche à oreille sera désastreux et les spectateurs se détourneront définitivement. Alors on continue et on avance !” Nicolas Colle
8 juin 2022 / Écran total n°1379
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