À table avec Heidi, Isabelle Falconnier et Anne Martinetti (Ed. Favre, 2022) – EXTRAIT

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EXTRAIT PROTÉGÉ

Isabelle Falconnier & Anne Martinetti

Éditions Favre SA

29, rue de Bourg – CH-1003 Lausanne

Tél. : +41 (0)21 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com

Groupe Libella, Paris

Dépôt légal en Suisse en novembre 2022. Tous droits réservés pour tous les pays. Toute reproduction, même partielle, par tous procédés, y compris la photocopie, est interdite.

Photographies culinaires : © Lisa Ritaine

Couverture : Iuna Allioux

Mise en page intérieure : Lemuri-Concept

ISBN : 978-2-8289-2059-3

© 2022, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse

Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.

Préparation Temps de pause Cuisson Nombre de personnes Ramequins, pots Gaufres, bouchées, gâteaux, tartelettes, feuilletés Au Dörfli La soupe de Pierre 63 La mijotée d’agneau 64 La compotée de choux au lard 65 Les pains blancs de la grand-mère 66 Les biscuits d’écolier 69 Les macarons de Pâques 71 Les gaufres de Noël 73 Les truffes au chocolat 74 Les gâteaux de l’aïeule 76 Le goûter de Brigitte 79 Sur l’Alpe Le Bündnerfleish 85 Les croûtes aux champignons 86 La bouillie de maïs 89 La chaudronnée du grand-père 91 Les œufs de Georges 93 Le pique-nique sur l’Alpe 95 La raclette au fromage fondu 96 Le gâteau de baies rouges 99 Les brioches de la Fée d’Intra 100 Le lait de chèvre 102
Recettes
En ville : à Francfort, Lausanne et Zurich La dorade farcie de Francfort 109 Les côtelettes panées à la viennoise 110 L’omble chevalier à la viande des Grisons 111 Les feuilletés au fromage de chèvre 112 La fricassée de veau 114 La collation des Aubépines 116 La crème à la vanille 117 Le bavarois aux amandes 118 Le High tea du pensionnat 119 La tarte aux groseilles meringuée 122 Le pain des Salines 124 Au pays de Heidi La soupe de la Bernina 129 La polenta au four 130 Le bouillon aux fleurs sauvages 131 Le pâté en croûte 132 Le pain de Réséli 134 La semoule au lait 136 Le poulet rôti au chou-fleur 138 La tarte aux prunes 141 Le sirop de framboises 143 La confiture de figues de Rico 144 La compote de pommes 147 La tourte d’Engadine 148 Les poires en habit de caramel 149 La crème d’amandes de Lucienne 150 L’entremets de Léontine 151 Le pain d’épices de Seppli 153

Avant-propos

J’avais neuf ans lorsque j’ai reçu pour Noël la collection complète des aventures de Heidi publiées chez Flammarion en 1958, et dont l’édition avait dû remporter un franc succès puisque vingt ans plus tard, les textes n’avaient pas bougé. La petite fille de la montagne devenait grand-mère au fil de cinq volumes, complétés par deux volumes de nouvelles qui, je devais l’apprendre plus tard, n’avaient pas toutes été écrites par Johanna Spyri. Au fil des goûters, pain et chocolat dans une main et volume bleu dans l’autre, je dévorais les pages, pour recommencer la série au début dès que je l’avais terminée. Quarante ans plus tard, comme pour le Club des cinq, les aventures d’Alice Roy détective ou les romans d’Agatha Christie, ces livres font toujours partie de mes préférés, et je suis encore capable d’en citer des passages par cœur. Découvrir que privée de parents, dans un dénuement presque total, on pouvait se construire et arriver à réussir sa vie est un des grands apports de la littérature pour les enfants – on se souvient de Sans famille, d’Hector Malot, qui marquera presque à la même époque des générations de lecteurs – j’ai quant à moi une grande préférence pour En famille, car l’héroïne est une fille…

La recherche de nourriture, et ce que l’on mangeait, enfant, dans les époques passées, m’a toujours fascinée. Ma grand-mère m’ayant appris à cuisiner, elle qui passait la majeure partie de son temps aux fourneaux, à l’ancienne, j’ai voulu tester les plats dégustés ou préparés par mes héroïnes littéraires, Fifi Brindacier, Heidi, les sœurs March ; au début c’était facile, biscuits, crêpes, gaufres, tartes aux fruits revenaient souvent. Puis les recherches se sont intensifiées, la tarte aux prunes suisses dégustée par les enfants du Sourire de Heidi est-elle différente de celle des Petites filles modèles ? Oui bien sûr : farines différentes, autres espèces de prunes. Que cultivait-on à Maienfeld ou à Ragaz à l’époque de Heidi, que servait-on dans les établissements de bains réputés, comment mangeaient les paysans ? Du pain et du lait, essentiellement, et pour ceux qui possédaient des chèvres, autant de sortes de fromages que la Suisse en possède aujourd’hui, plusieurs dizaines d’après l’association Patrimoine culinaire suisse ! Mais les fruits sauvages et les viandes ont aussi la part belle dans l’alimentation à l’époque de Heidi, tout comme les poissons des lacs. Toutes les recettes de ce livre, inspirées par les aventures de Heidi, présentes dans les livres et parfois symboliquement essentielles – les petits pains blancs de la grand-mère ! – ont été adaptées pour être réalisables facilement, avec des ingrédients que l’on peut trouver partout. C’est la part romanesque de leur origine – les aventures d’une petite fille de la montagne qui fit le tour du monde – qui leur confère cette saveur si particulière, celle de la littérature et du souvenir…

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Il était une fois Heidi

La belle et émouvante histoire d’une petite orpheline des Alpes suisses

* L’intrigue du roman

* Les personnages

Qui est Heidi ?

Il était une fois… Heidi ! Heidi est une petite fille de cinq ans que sa tante Dete emmène vivre à la montagne auprès de son grand-père, non loin de la bourgade de Maienfeld dans le canton des Grisons, en Suisse. Heidi est orpheline : son père Tobias, ouvrier, est mort dans un accident de chantier, et sa mère Adélaïde, anéantie par le chagrin, l’a suivi dans la tombe quelques mois après. Heidi ne connaît pas son grand-père, que tout le monde appelle Alp-Öhi, soit « l’oncle des Alpes », ou simplement le Vieux : il s’est brouillé avec sa fille et son gendre avant la naissance de sa petite-fille. Depuis, il vit en ermite, retiré dans son chalet sur un alpage au-dessus du village, appelé Dörfli. Les villageois le considèrent comme un imbuvable misanthrope, et le craignent. D’ailleurs le grandpère ne descend jamais au Dörfli et seul Peter le petit chevrier, qui garde les chèvres des habitants et celles du vieil homme, trouve grâce à ses yeux. La tante Dete confie prestement la fillette au grand-père et se hâte de repartir pour Francfort, où l’attend une bonne place de domestique de maison dans une famille bourgeoise.

La vivacité, la débrouillardise et la bonne volonté dont Heidi fait preuve gagnent le cœur du grand-père. Non seulement il accepte sa présence mais, contredisant tous les pronostics, s’attache à elle rapidement. Tout comme le chevrier Peter, qui ne peut plus se passer de la fillette lorsqu’il promène ses chèvres et devient son meilleur ami. Las : après

trois ans de bonheur insouciant au milieu de la nature et des animaux, la tante Dete vient un jour rechercher sa nièce pour l’emmener à Francfort tenir compagnie à Clara, la fille de son employeur, un homme d’affaires nommé Sesemann. De santé fragile, fille unique, orpheline de mère, Clara ne peut plus marcher et souffre de solitude dans sa belle maison. À Francfort, Heidi découvre avec sidération la vie d’une grande ville d’où l’on ne voit pas les montagnes mais des maisons, des rues et des murs à perte de vue. Elle se lie pourtant d’une vive affection avec Clara, de quelques années son aînée. La fraîcheur de la fillette de la montagne, sa gentillesse, sa drôlerie involontaire remontent le moral de Clara. Tandis que la rude et sévère gouvernante, Madame Rottenmeier, se met en tête d’apprendre les bonnes manières à Heidi, la grand-mère de Clara lui apprend à lire malgré ses réticences initiales. Mais la fillette s’ennuie chaque jour davantage de son grand-père et de sa vie à la montagne. Elle dépérit, fait des crises de somnambulisme et perd l’appétit. À tel point que le docteur ne peut que prescrire un urgent retour chez elle ! Rentrée aux Grisons, dans les verts pâturages de l’Alpe, Heidi revit, et apprend même à lire à son tour à Peter, mais n’a de cesse que de pouvoir accueillir Clara chez elle. Après une visite du docteur de la jeune fille, venu en éclaireur, Clara peut enfin faire le voyage depuis Francfort, accompagnée de sa grand-mère. Qui accepte que Clara passe quelques jours seule avec Heidi et son grandpère. Et le miracle a lieu : revivifiée par l’air, la nature et la nourriture saine, Clara se remet debout et, sous les yeux bouleversés de sa grand-mère puis de son père, marche.

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Qui est Johanna Spyri ?

Une éducation morale

* La petite-fille d’un pasteur zurichois

*

L’influence d’une mère poétesse mystique *

Comment elle devient une pionnière de la littérature jeunesse

* L’inspiration pour Heidi

Il y a un mystère Johanna Spyri : pionnière de la littérature pour la jeunesse, créatrice en 1881 d’une héroïne qui non seulement lui survit encore aujourd’hui mais a gagné un statut d’icône universelle, Johanna Spyri n’a jamais cherché ce succès et a sa vie durant choisi de garder une discrétion exemplaire sur sa personne. Petite-fille d’un pasteur piétiste et compositeur de cantiques, fille d’un médecin et chirurgien qui soigne les malades mentaux, cette quatrième enfant d’une fratrie de six grandit à Hirzel, un village bucolique des collines autour de Zurich. Sa mère Meta Schweizer écrit des poèmes mystiques avec une certaine aura auprès des lecteurs germanophones. À Zurich, elle apprend les langues et le piano. Puis elle passe un an, entre 1844 et 1845, à Yverdonles-Bains dans le canton de Vaud, pour apprendre le français. De retour dans sa famille, elle seconde sa mère auprès de ses jeunes frères et sœurs et se met à lire avec passion les vers de Goethe, la poétesse allemande Annette von Droste-Hülshoff ou le poète suisse Heinrich Leuthold. En 1852, elle épouse Johann Bernhard Spyri, juriste, avocat et futur chancelier de la ville de Zurich. Leur fils unique, prénommé Bernhard comme son père, naît en 1855.

Fréquentant l’écrivain Conrad Ferdinand Meyer et le musicien Richard Wagner, Johanna n’est pourtant pas heureuse en ville. Le rôle d’épouse et de femme au foyer lui convient mal et elle prend peu plaisir à évoluer dans la société mondaine et bourgeoise de l’époque. Mélancolique, dépressive, guère épanouie dans le mariage et la maternité, elle trouve intérêt, indépendance et réconfort dans l’écriture. Elle publie un premier récit en 1871, Ein Blatt auf Vronys Grab, qui connaît un joli succès, puis Heimatlos en 1878, traduit par Sans patrie, qui annonce Heidi en narrant l’histoire d’un orphelin, Rico, qui quitte la Suisse pour retrouver le village familial de Peschiera sur le lac de Garde et devient le compagnon indispensable d’un petit garçon handicapé.

C’est dans la région de Bad Ragaz et de Coire, dans le canton des Grisons, à l’extrême sud-est de la Suisse, et plus précisément à Maienfeld et dans le village de Jenins, où elle passe régulièrement l’été, qu’elle a l’idée d’écrire l’histoire de Heidi. Ses lettres indiquent ainsi qu’elle commence l’écriture du roman à Jenins durant l’été 1879. Sa nièce préférée Anna lui aurait demandé d’écrire un livre pour les enfants : la marraine se serait exécutée, s’inspirant grandement de sa propre enfance à la campagne et de sa difficulté à s’intégrer à la vie de la grande ville. Heidis Lehr- und Wanderjahre, soit Heidi, années de formation et de voyages, paraît en 1880 en Allemagne, suivi immédiatement, devant le succès, de Heidi

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L’écrivaine Johanna Spyri (18271901), née et morte à Zurich. Auteure d’une vaste œuvre d’une trentaine de livres, c’est à son personnage de Heidi qu’elle doit sa célébrité mondiale.

kann brauchen, was es gelernt hat, soit Heidi peut utiliser ce qu’elle a appris. Son mari et son fils, malade depuis des années, meurent tous les deux à quelques mois d’intervalle durant l’année 1884. Dès lors, Johanna Spyri se consacre à l’écriture et aux œuvres de charité auxquelles sa foi profonde l’incite, dédiant une partie de sa fortune à améliorer le sort des enfants pauvres ou orphelins et à dénoncer le travail en usine des jeunes enfants. De 1871 jusqu’à sa mort, elle publie ainsi une cinquantaine d’ouvrages, dont une trentaine de livres pour la jeunesse, une dizaine pour adultes et quelques autres destinés aux jeunes filles. Le succès de Heidi grandissant au fur et à mesure des traductions, elle reçoit lettres d’enfants et visiteurs du monde entier.

Johanna Spyri meurt en 1901. Elle est enterrée dans le caveau familial du cimetière de Sihlfeld, à Zurich. Extrêmement pudique et discrète, elle n’aimait ni parler d’elle ni la curiosité autour de sa personne amenée par le succès. À la fin de sa vie, elle demande même à des membres de sa famille et des amis de lui retourner ses lettres et les détruit en même temps que de nombreux documents personnels. Paradoxe cruel : si grâce à son best-seller, elle est l’auteure suisse la plus connue et la plus traduite dans le monde, son œuvre globale est quant à elle tombée dans l’oubli. Autre paradoxe : cette femme qui ne trouvait pas à s’épanouir dans la maternité finit par être la « maman » de l’orpheline préférée des Suisses ! En 2001, à l’occasion du 100e anniversaire de sa mort, une pièce de monnaie commémorative suisse lui est dédiée. Et l’école de son village natal, Hirzel, a été transformée en musée qui lui rend hommage.

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Heidi, une série de romans à succès

Le succès des deux romans de Johanna Spyri

*

Les romans écrits par Charles Tritten *

Les suites et adaptations écrites par d’autres auteurs

Lehr-und Wanderjahre en 1880, sous-titré Eine Geschichte für Kinder und auch für Solche, welche die Kinder lieb haben (soit  Une histoire pour les enfants et pour ceux qui aiment les enfants) chez l’éditeur Friedrich Andreas Perthes à Gotha, en Allemagne, en 1880. Le succès est immédiat, ce qui l’incite à écrire rapidement une suite. Heidi kann brauchen, was es gelernt hat paraît chez le même éditeur en 1881.

Le titre original renvoie au roman de Johann von Goethe, Wilhelm Meisters Lehrjahre. Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister raconte l’histoire d’un personnage nommé Wilhelm, un jeune marchand itinérant qui souhaite devenir comédien, chemine et doit faire son apprentissage de la vie tout en déjouant les différents obstacles qui se dressent sur son parcours : paru en 1795, il inaugure la grande tradition allemande du roman de formation, dit Bildungsroman, tradition dans laquelle Johanna Spyri inscrit ainsi clairement son histoire de Heidi. Par contre, Heidi fait partie avec Tom Sawyer de Mark Twain, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll ou encore Le Robinson suisse du pasteur suisse alémanique Johann David Wyss, édité en 1812 à Zurich, des premières œuvres majeures de la littérature pour enfants, et ouvre la voie à un champ littéraire et éditorial dont le succès ne fait que grandir jusqu’à nos jours.

C’est une amie fidèle de Johanna Spyri qui réalise la première traduction de Heidi en français : la Genevoise Camille Vidart, par ailleurs féministe engagée et militante, rencontre Johanna alors qu’elle exerce en tant que maîtresse principale d’école supérieure à Zurich. Heidi et Encore Heidi paraissent en 1882 chez l’éditeur Georg à Berne et Genève. Ces livres sont principalement diffusés auprès des enfants de Suisse romande. Des exemplaires circulent en France via l’éditeur-libraire protestant Fischbacher, mais de manière assez confidentielle jusqu’en 1914. C’est aux volumes publiés presque un demi-siècle plus tard par la maison Flammarion que l’histoire de Heidi doit sa célébrité en langue française, et à un traducteur-adaptateur lausannois aussi entreprenant que quelque peu opportuniste, Charles Tritten.

Né en 1908, responsable de la librairie d’un grand magasin lausannois, il ne se contente pas de retraduire les volumes originaux de Heidi : il en écrit plusieurs suites, imaginant une Heidi jeune fille, puis adulte, mère et même grand-mère. Trois volumes paraissent sous sa plume : Heidi jeune fille en 1936, Heidi et ses enfants en 1939 et Heidi grand’mère en 1946. Flammarion publie par ailleurs en 1938 Au pays de Heidi, un recueil de

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quatre histoires, traduites par Tritten, fleurant bon les Alpes qui sont cette fois sorties de l’imagination de Johanna Spyri. Mais Charles Tritten n’est pas Johanna Spyri, et les années 1930 et 1940 ne sont, en Suisse comme en Europe, plus les années 1880 : il fait de Heidi une jeune fille, puis une femme, correspondant au modèle bourgeois, moral et patriotique du moment, soit une ménagère et une mère de famille parfaite, conforme aux idéaux de la défense spirituelle. Heidi se marie avec Peter le chevrier et ensemble, ils construisent une famille qui, le soir au coin du feu, se raconte les mythes helvétiques du serment sur le Grütli, de Guillaume Tell et les belles légendes des alpages. On est loin du portrait tout en nuances de la petite orpheline de cinq ans déchirée entre son bonheur à la montagne, son attachement à son grand-père et son affection pour Clara, exprimant violemment son rejet de la ville mais découvrant par ailleurs avec éblouissement, au cœur de cette même ville, les joies de la lecture.

Paradoxalement, les romans de Charles Tritten recueillent beaucoup plus de succès en Suisse et en France que les traductions plus fidèles et littéraires de Camille Vidart. Que l’on peut heureusement (re)lire en version intégrale dans une édition publiée par Gründ en 2011 avec des belles illustrations de Laetitia Zink. Ou dans une excellente traduction contemporaine de Luc de Goustine et Alain Huriot parue en 1979 à L’École des loisirs, accompagnée des illustrations de Tomi Ungerer. En ce qui concerne les éditions adaptées pour les enfants, et donc raccourcies dans une version album illustré, une des plus intéressantes est sans conteste celle signée de l’écrivain alémanique Peter Stamm, illustrée par le subtil dessinateur Hannes Binder (La Joie de Lire pour l’édition française).

Entre-temps, Heidi a gagné le monde : une première traduction anglaise est disponible dans les librairies dès 1884, suivie de plus de soixantedix langues différentes, dont le japonais en 1920 déjà, lui permettant d’essaimer dans le reste de l’Asie. Particulièrement inattendu, le véritable culte voué à Heidi au Pays du Soleil levant s’explique en partie par l’opposition forte entre la tradition et la modernité que traverse aussi le Japon à cette époque, thème central du livre. Tout comme la représentation de la nature comme source inépuisable de bonheur et de lieu de quête d’absolu, motif dans lequel les Japonais se reconnaissent fortement.

Au fur et à mesure des traductions, retraductions et déclinaisons successives, les traducteurs se font adaptateurs et sabrent, interprètent

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ou édulcorent l’œuvre originale pour l’harmoniser au goût de leur public du moment. Phénomène révélateur du peu de respect que l’on a longtemps réservé à la littérature enfantine : Heidi devient une sorte d’héroïne publique que chacun peut mettre en scène où bon lui semble en lui faisant vivre les aventures les plus fantaisistes. Le tout évidemment attribué à Johanna Spyri pour garder le parfum originel des Alpes !

Les deux romans originaux de Johanna Spyri, soit Heidis Lehr-und Wanderjahre (1880) et Heidi kann brauchen, was es gelernt hat (1881), parus aux éditions Friedrich Andreas Perthes.

Les histoires de Heidi écrites directement en français par son traducteur le Lausannois Charles Tritten, publiées par les éditions Flammarion : Heidi jeudi fille (1936), Heidi et ses enfants (1939) et Heidi grand’mère (1946).

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La première traduction en français de Heidi par Camille Vidart, amie de Johanna Spyri, ici dans une version des éditions Gründ (2011) avec des illustrations de Laetitia Zink.

Traduction de Luc de Goustine et Alain Huriot (1979), illustrations de Tomi Ungerer, éditions L’École des loisirs.

Version raccourcie de Peter Stamm, illustrations de Hannes Binder (2009), éditions La Joie de Lire (édition française).

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