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Polarisation et radicalisation

Polarisation et radicalisation

Il est très important de souligner la différence entre polarisation et radicalisation. La radicalisation peut être définie comme un « processus par lequel des individus ou des factions des groupes polarisés avancent vers une acceptation et une utilisation de l’extrémisme violent et au bout du compte du terrorisme »12. Ainsi, la polarisation peut mener à la radicalisation dans certaines circonstances.

On peut aussi trouver des groupes radicalisés dans les sociétés non polarisées et une polarisation sans radicalisation. Les termes « radicalisation » et « extrémismes » sont aujourd’hui les plus couramment utilisés pour désigner les dynamiques par lesquelles les individus, les groupes ou l’opinion publique sont mobilisés pour soutenir ou participer à la violence politique. Le terme « extrémisme cognitif » fait référence aux concepts qui présupposent une suprématie de certaines croyances ou idéologies, ce qui est fondamentalement contraire aux valeurs et aux principes des sociétés libérales et démocratiques. L’extrémisme comportemental ou violent « se réfère aux moyens et méthodes violents auxquels recourent les individus extrémistes pour atteindre leurs objectifs en faisant fi de la vie, des droits et des libertés fondamentales d’autrui »13. Alors que les dynamiques de violence peuvent inclure des idées et croyances radicales et extrémistes, les comportements extrémistes violents ne sont pas linéaires, automatiques ou à sens unique14 . Nous devons souligner que nous faisons ici référence aux processus de radicalisation et de polarisation anti-démocratiques et qui menacent la démocratie. Historiquement, le terme « radicalisation » a longtemps été utilisé pour désigner des mouvements démocratiques et émancipatoires contre l’autoritarisme. Les détenteurs du pouvoir qualifiaient les mouvements démocratiques de radicaux, terroristes ou dangereux. C’est toujours le cas dans certaines régions du monde.

12- Radicalisation Awareness Network, Tackling the challenges to prevention policies in an increasingly polarised society, novembre 2016, p. 3 13- Efus (2017). Prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent – Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie locale, p. 10. 14- Le groupe d’experts de la commission de haut niveau sur la radicalisation, établie par la Commission européenne en 2017 pour élaborer des recommandations pour renforcer les politiques de l’UE contre la radicalisation et l’extrémisme violent, a souligné le lien important entre polarisation et radicalisation. Dans son rapport final publié en mai 2018, le groupe reconnaît l’importance de la polarisation et de l’idéologie extrémiste dans les processus de radicalisation et appelle à poursuivre le travail et sensibiliser sur ces liens (HLCEG-R 2018).

Le concept de démocratie radicale demeure lié à l’avancement de la démocratie, mais d’une façon non-violente et participative. À une époque où l’on assiste à une régression démocratique dans de nombreux pays, il est particulièrement important d’avoir une vue différenciée des processus de radicalisation et de la façon dont les termes « radical », « extrême » ou « terroriste » sont utilisés15. Même au sein de l’Union européenne, des partis extrémistes et anti-démocratiques siègent au gouvernement de plusieurs pays membres, à différents niveaux de gouvernance. Ces partis comprennent la lutte contre la « radicalisation » et « l’extrémisme » comme une lutte contre des mouvements émancipatoires. De plus, la création de discours d’exclusion et l’établissement d’une terminologie « eux et nous », qui renforcent les liens de capital social créés entre égaux au sein de la même communauté, ne doivent pas nécessairement être réels, mais seulement perçus comme tels16 . Cette distinction souligne l’importance d’analyser la situation réelle. Les contextes de polarisation peuvent grandement varier et il en va de même, par conséquent, pour les stratégies de prévention efficaces. Par exemple, nous pouvons faire référence au conflit en Irlande du Nord et la polarisation qui le sous-tend, et le comparer à la polarisation de la société allemande autour des questions d’immigration et d’islam. Si le conflit en Irlande du Nord est lié à des questions politiques et territoriales, et donc à des inégalités réelles, la polarisation de la société allemande autour de la migration et de l’islam n’est pas fondée dans la même mesure sur des données factuelles.

Cependant, indépendamment de ces différences contextuelles, la fermeture des identités sociales et cette opposition entre les individus engendre la marginalisation et les discriminations et déshumanise l’autre supposément antagoniste avec des fausses informations et des arguments infondés, même en l’absence d’un groupe contraire ou d’une opposition homogène. Si les identités sociales fondées sur des définitions « eux et nous » font partie de la vie et de la communication sociales normales parce qu’elles donnent une identité et une sécurité,

15- Freedom House (2019). 16- Par exemple, des questionnaires ont été développés et validés de façon trans-culturelle pour mesurer la perception des inégalités de revenus (GINI subjectif) et la discrimination perçue, qui peuvent toutes deux alimenter la polarisation.

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