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Polarisation, conflits et tensions
Les « bâtisseurs de pont » qui cherchent à dialoguer avec et à arbitrer les groupes opposés peuvent, en reconnaissant leur antagonisme, renforcer involontairement les dynamiques de polarisation. Enfin, la catégorie de « boucs émissaires » désigne les personnes ou les groupes qui sont condamnés et attaqués. Dans une dynamique de polarisation, des points de vue de plus en plus extrêmes sur la supériorité de l’endogroupe et les déficiences de l’exogroupe sont adoptés par les membres du groupe, ce qui renforce la polarisation dans une boucle de rétroaction dysfonctionnelle9 . Bart Brandsma dit qu’il existe des spectateurs au milieu des groupes polarisés : les gens qui n’ont de vues extrêmes sur aucun des deux groupes et qui essaient de rester neutres. Il recommande de porter attention à ce « milieu », de le renforcer et de lui donner des plateformes d’expression. Selon lui, cela réduirait le pouvoir d’attraction des vues extrêmes, donnerait des exemples de « pensée du milieu » et autoriserait d’autres à penser de cette façon modérée en « rendant OK la pensée grise ». Il est important de noter que la « pensée du milieu » n’est pas la même chose que la pensée majoritaire : l’extrémisme du centre a montré comment des agents institutionnalisés (directement ou indirectement) peuvent initier la polarisation et marginaliser la « pensée du milieu ».
Polarisation, conflits et tensions
L’existence de conflits et de tensions est normale. C’est l’escalade des conflits menant à l’extrémisme, l’intolérance et la violence qui pose problème. La polarisation sociale peut être comprise comme une escalade déjà avancée du conflit qu’il est trop tard pour désamorcer par le dialogue démocratique et la négociation parce que les fronts sont déjà endurcis. D’un point de vue social et psychologique, la polarisation et les conflits sont la norme plutôt que l’exception : ce sont des phénomènes sociaux inévitables. Bart Brandsma suggère que « la paix est une longue série
9- Pettigrew, T. F., & Tropp, L. R. (2011); Diamond, A. (2007); Davies, L. (2014).
de conflits qui ont été résolus avec succès »10. Il propose un modèle en forme d’iceberg où le conflit et la polarisation sont départagés par la ligne de flottaison : le conflit au-dessus et la polarisation en-dessous. On peut aussi prendre l’image du volcan : les fondations profondes et dynamiques du volcan (la polarisation) sont toujours présentes, tandis que la montagne volcanique peut être dormante ou entrer en éruption (conflit), en fonction de divers facteurs internes et externes.
Brandsma considère que le conflit est une escalade de la polarisation. On peut empêcher un conflit latent d’éclater en refusant d’alimenter la polarisation, c’est-à-dire en refusant de considérer le conflit sous l’angle du « eux et nous », et au contraire en écoutant toutes les parties prenantes afin de prendre en compte leurs diverses expériences, préoccupations et désirs sociaux sous-jacents. Une fois qu’il a éclaté, un conflit appelle une intervention afin de rétablir la sécurité. De façon similaire à la polarisation et au conflit, les extrémismes sont la norme plutôt que l’exception. On peut définir l’extrémisme comme « une position à l’un des deux extrêmes d’une dimension idéologique (politique, religieuse, éthique, morale, philosophique, écologique, etc.) »11. N’importe qui peut, et beaucoup le font, avoir une position située à l’un des deux pôles d’une dimension idéologique (par exemple « mon parti politique est le meilleur », « toutes les religions sont mauvaises », « ma religion est la seule vraie religion », « les solutions technologiques aux problèmes sont les meilleures », etc.). La possibilité qu’une position extrême alimente la polarisation et éclate en conflit peut dépendre du degré auquel on reconnaît que son propre point de vue est lié à ceux qui se trouvent à un autre point de la palette idéologique. Si l’on se perçoit comme faisant partie de la même dimension que les autres, alors on peut trouver un terrain commun, des intérêts partagés, et reconnaître une humanité commune. Si, à l’inverse, on nie se trouver dans la même dimension, alors on nie l’existence d’une communauté ou d’un espace civique dans lequel participer. Reconnaître ou nier que des vues différentes et même opposées se trouvent dans la même dimension semble être un indicateur de l’absence de radicalisation et d’extrémisme violent.
10- Brandsma, B. (2017), p.65. 11- Suedfeld, P., Cross, R. W., & Logan, C. (2013).