ÉVOLUTION DES TYPOLOGIES DANS L’HABITAT ET NOUVELLES MANIÈRES D’HABITER
© Thomas Maisonnasse
INTERVIEW
Nos modes de vie évoluent, nos modèles de structures familiales classiques changent en profondeur. Quelles influences ces phénomènes de société exercent-ils sur nos manières d’habiter et sur les typologies de logements ? Entretien avec Bruno Marchand, professeur honoraire à l’EPFL en théorie et histoire de l’architecture. Marielle Savoyat
LES USAGES ET LES MODES DE VIE ONT FORTEMENT ÉVOLUÉ CES DERNIÈRES DÉCENNIES. QUELLES SONT LEURS INFLUENCES SUR L’ÉVOLUTION DE L’HABITAT ? Actuellement, nous nous trouvons encore dans la continuité des années 1990, à savoir la structure familiale traditionnelle d’après-guerre (2 parents/2 enfants) qui a complètement éclaté. Cette diversification de la cellule familiale et des modes de vie entraîne notamment trois nouveaux phénomènes récents qui se sont accentués ces dernières années en Suisse. L’un d’entre eux consiste en l’augmentation des colocations, toutes générations confondues et tous stades de vie confondus : pour différentes raisons à un moment ou à un autre, certains choisissent la colocation, souvent pour des raisons économiques, mais pas seulement. Ce phénomène n’a jamais vraiment donné lieu à une étude précise sur les types de relations qu’on y tient, ou sur comment on y intègre des familles avec enfants par exemple. Un autre est celui des familles recomposées : ce phénomène qui se généralise de plus en plus reste très peu étudié également. Ce thème pose des questions typologiques très intéressantes, notamment sur la cohabitation des enfants qui vont d’une garde à une autre, d’un environnement à un autre, avec des différences
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CONSTRUCTION & BÂTIMENT
de cadres de vie et de milieux socio-professionnels, ou encore sur les espaces inutilisés pendant leur absence. Il faudrait faire des enquêtes pour savoir comment vivent ces personnes. Les coopératives en sont un troisième : les innovations portées par ces dernières, tels que par exemple les clusters, les espaces mis en commun, sont très récentes et intéressantes. Elles vont probablement s’installer de manière durable, pour des raisons économiques notamment, mais aussi humaines. Enfin, on assiste aussi à la multiplication des petits logements. Ils font de plus en plus partie des programmes de concours, mais leurs typologies ne sont pas évidentes à intégrer et ils donnent pas mal de fil à retordre aux architectes. Les grands appartements ont quasiment disparu des programmes de concours. COMMENT UNE RECHERCHE DE DENSITÉ TOUJOURS PLUS GRANDE PEUT-ELLE ÊTRE PONDÉRÉE AVEC QUALITÉ DE VIE ET QUALITÉ D’HABITAT ? La densité, actuellement, est souvent couplée avec des terrains résiduels et des formes irrégulières. Elle peut amener une sorte d’uniformisation, une anonymisation. Face à quoi les architectes vont chercher des moyens formels (notamment par l’articulation
DOSSIER