Construction&Bâtiment n°3/2021

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CONS TRUCTION & BÂTI MENT PROJETS ET CHANTIERS DES PROFESSIONNELS DU BÂTIMENT

UNE ÉDITION

CHF 8.–


Croissance, décroissance et post-croissance Les professionnels de la construction, en Suisse comme partout en Europe, font face à une pénurie de matériaux, principalement le bois. Par ailleurs, une pénurie de puces électroniques pèse sur des secteurs entiers de l’économie, tout autant que celle de certaines matières premières. En parallèle, notre environnement urbain observe des changements profonds. On construit plus « durable ». D’ailleurs, le concept de durabilité revient plusieurs fois dans cette édition. Cette récurrence nous pousse à une petite réflexion. Le « développement durable » est l’axe principal autour duquel s’articulent aujourd’hui les politiques de développement. Le concept né à la fin des années 80 promeut le développement – ou la croissance – dans une perspective à long terme, intégrant les contraintes écologiques et sociales à l'économie. Or les experts réalisent déjà les limites de ce concept. Et pour les écologistes, la question doit s’attaquer au principe même de la « croissance ». La réponse pour certains c’est la « décroissance », un concept qui secoue les fondements de notre civilisation actuelle. Cependant, il demeure une réalité anthropologique : une civilisation est un organisme qui change très lentement. Il s’agit donc de chercher une troisième voie : peut-être la « post-croissance » ? Maroun Zahar, Rédacteur en chef

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CONSTRUCTION & BÂTIMENT

ÉDITO


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Édito

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ACTUALITÉS Les news de l’architecture et de la construction

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INTERVIEW Pour une construction durable et locale

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REPORTAGES 106 Un foyer pour jeunes respectueux de ses usagers et de son environnement 112 Trois piscines publiques sous la loupe 118 TECHNIQUES DU BÂTIMENT Techniques et pratiques de la peinture Chapes, évolution et perfectionnement ÉCOQUARTIERS DOSSIER SPÉCIAL Une nouvelle manière de produire la ville de demain

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CONSTRUCTION & BÂTIMENT SOMMAIRE

Sur les hauts de Lausanne, l’écoquartier de Pra Roman À Meyrin/GE, l’écoquartier des Vergers PROJETS La rénovation du Centre professionnel du Littoral neuchâtelois L’Ellipse, un centre commercial à Gland À Chêne-Bourg/GE, la mutation d’un quartier La transformation du Centre Diga à Crissier ENTREPRISE Zoom sur des entreprises locales AGENDA Expos, salons, congrès et formations


ENTRÉE EN MATIÈRE Entre Léman et Mont-Blanc, le foyer Astural accueille des jeunes en difficulté sur un site privilégié de la campagne genevoise. texte : Héloïse Gailing photos : Olivier Di Giambattista

Avec sa teinte terreuse et son façonnage qui rappelle le motif d’une façade en bois, l’enveloppe en béton de ce projet interpelle.


Situé à l’entrée du hameau de Chevrens, protégé par un plan de site de l’État de Genève, le nouveau centre accorde respect du contexte bâti et intégration d’un programme fort et précis. Grâce à une interprétation contemporaine du patrimoine vernaculaire et une réflexion architecturale poussée, le bureau Lacroix Chessex propose ici un projet respectueux du village et des usagers du bâtiment.

REPORTAGE

CONSTRUCTION & BÂTIMENT

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L’engouement croissant pour la nage en eau vive ne semble pas vider les bassins de natation, pour lesquels les communes de Suisse romande s’équipent de nouveaux bâtiments fonctionnels et esthétiques. Souvent utilisées comme moteur de développement de quartier, les piscines couvertes confrontent échelle urbaine et corps humain, tout en intégrant de nombreuses contraintes techniques. Quels matériaux utiliser pour limiter l’impact de l’humidité et du chlore ? Où passe-t-on de visiteur chaussé à nageur dénudé ? Comment habiller ces grandes halles pour concilier sport et loisir ? Trois réalisations récentes y répondent. Héloïse Gailing

LE GRAND BAIN 34

CONSTRUCTION & BÂTIMENT

REPORTAGE


© Thomas Jantscher


BÂTIMENT COMPLEXE POUR PROGRAMME MIXTE

© Rasmus Norlander

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Inauguré à l’été 2020, l’Épicentre de la Glâne, situé à Romont, est un programme régional ambitieux qui, en plus d’une piscine, propose un spa, des salles de sport, un restaurant et un conservatoire de musique. Implanté dans un quartier résidentiel hétérogène et populaire, le bâtiment vient activer l’espace public grâce à son auvent généreux qui marque l’entrée et sa cafétéria accessible directement depuis la rue. En s’alignant en bordure de route, le bureau Gonzalo Neri & Weck Architekten a choisi d’affirmer l’urbanité du site tout en libérant au maximum la prairie arrière et la vue sur la campagne environnante. Profitant du dénivelé naturel de la parcelle, les bassins sont disposés de manière à créer un accès technique et échapper aux regards indiscrets. Cette position de surplomb est accentuée par l’effet panoramique de la grande ouverture qui parcourt le bâtiment et entoure les bassins. La disposition de ces derniers augmente l’horizontalité de la vue car ce sont les espaces en simple hauteur, destinés aux familles ou au repos, qui sont

vestiaires. Ces volumes sont baignés d’une lumière zénithale homogène, conforme aux besoins de la pratique sportive, grâce aux lanterneaux formés par les grandes poutres « Toblerone » qui permettent aussi de gérer la ventilation et l’acoustique de la piscine. Le bâtiment est organisé selon une grille structurelle de béton fortement marquée par la présence de de grands linteaux qui, là encore, appuient la linéarité du regard. Valorisés dès l’image de concours, ces imposants sommiers témoignent de l’importance de la structure au sein même du processus de projet de GNWA. Des hauts murs de béton continus sur deux étages forment les blocs techniques insérés dans la grille et participent à cette architecture rigoureuse. Leur aspect brut donne une cohérence à l’addition de programmes variés qui constitue le bâtiment. En effet, si on retrouve à l’étage un espace spa ainsi que des salles de sport en lien avec le haut du bloc de vestiaires, la présence d’un conservatoire de musique surprend. Et pourtant,

disposés contre la façade arrière. Le bassin principal et la fosse à plongeon, qui nécessitent une hauteur plus importante, sont disposés en amont, de part et d’autre du bloc central des

grâce à l’intégration de quelques éléments phoniques comme des parois vibrantes ou des rideaux, les architectes ont su conserver l’ambiance minimale de l’ensemble.

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CONSTRUCTION & BÂTIMENT

REPORTAGE


© Rasmus Norlander

REPORTAGE

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ANNONCER LA COULEUR Le secteur de la plâtrerie et de la peinture englobe les fabricants de peinture, de vernis, de laque, de teinture, les artisans en plâtrerie-peinture, les architectes et décorateurs. Au cours des dernières décennies, ce secteur a connu des mutations importantes qui se sont faites progressivement et parfois discrètement. Elles sont bel et bien manifestes aujourd’hui : la plupart des peintures du marché s’inscrivent désormais dans la construction durable et écoresponsable.

La peinture est une composante de l’harmonie d’un intérieur. Nuance Olive de Little Greene, littlegreene.com

© Little Greene

Iphigeneia Debruyne


© Little Greene

Les pigments naturels procurent des teintes profondes et riches.

Dans les années 1920, des produits dérivés de la pétrochimie restructurent le domaine de la peinture. Un éventail de solvants puis de liants et d’additifs synthétiques lui sont alors incorporés. Ces composants facilitent l’application, semblent améliorer la qualité, le rendement et les capacités techniques de la peinture. Hélas, ces ingrédients et plus particulièrement les solvants seront plus tard considérés comme des sources importantes de composés organiques volatils (COV). Ils nuisent à la santé des utilisateurs professionnels et polluent l’air intérieur. Le virage vers une peinture plus saine débute dans les années 1980. Aujourd’hui, l’utilisation des solvants synthétiques tels que le white-spirit ou l’essence a grandement reculé. Des gammes de peintures naturelles sont proposées. Composées de matières premières naturelles et renouvelables, ces produits conquièrent les utilisateurs. En Suisse, environ 80 % des peintures ne font plus recours à des solvants pétroliers. La peinture en phase aqueuse, dont le solvant principal est de l’eau, est de plus en plus proposée et utilisée. Ce changement de paradigme engendre de nouveaux défis à surmonter pour répondre aux exigences esthétiques et techniques des maîtres d’ouvrage. À titre d’exemple, la peinture vinylique

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– dont le solvant est de l’eau et le liant une résine vinylique – s’applique facilement, dégage très peu d’odeur et est écoresponsable. Par contre, on constate qu’elle a tendance à jaunir après un certain temps. UNE NOUVELLE APPROCHE DÉCORATIVE Les préoccupations écologiques n’influencent pas uniquement la composition de la peinture. Par ricochet, la conscience écologique a d’autres incidences directes et indirectes sur le choix des peintures. Tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, les peintures naturelles ont un rendu différent de celui des peintures synthétiques. De surcroît, à l’intérieur, l’utilisation des ampoules LED modifie le rendu des coloris. Ainsi, l’habitat écoresponsable transforme indéniablement la palette de couleurs. Outre les changements de lumière, l’évolution des matériaux de construction contribue aussi à abandonner les nuances qui étaient devenues des grands classiques. Un autre nuancier se met progressivement en place. Et la peinture s’allie souvent au papier peint pour composer des atmosphères originales.

TECHNIQUES DU BÂTIMENT

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ECOQUARTIERS, SOLUTIONS POUR UN AVENIR DURABLE Le développement des écoquartiers témoigne de la volonté d’inscrire le concept de durabilité au sein des pratiques de la construction. Une nouvelle manière de produire la ville et la vie de demain. Salomé Houllier Binder


© Eik Frenzel

Plusieurs espaces extérieurs communautaires favorisent les échanges entre les habitants et confèrent une identité collective au bâtiment. Immeuble CODHA, Écoquartier Jonction, architectes Dreier Frenzel.


LES VERGERS, UNE DURABILITÉ SOCIALE C’est l’un des plus grands projets de logements en Suisse et l’un des plus audacieux. Les Vergers conjuguent performance environnementale, économie de moyens et attractivité sociale. texte : Salomé Houllier Binder photos : Julie Masson


Les volumes en triple hauteur procurent une lumière généreuse à l’ensemble des espaces de circulation.


UNE RÉNOVATION À FLEUR DE PEAU La réalisation des travaux en site occupé a été un des principaux challenges du projet de rénovation et d’assainissement énergétique du Centre professionnel du Littoral neuchâtelois. texte : Estelle Daval photos : Thomas Jantscher

L’aménagement du patio central a fait l’objet d’un concours réservé aux apprentis paysagistes du canton de Neuchâtel.


La nouvelle enveloppe des bâtiments intègre les dispositifs de ventilation naturelle et de régulation de la lumière du jour.

Construit entre 1965 et 1990 sur une friche industrielle à l’entrée est de la ville de Neuchâtel, le Centre professionnel du Littoral neuchâtelois (CPLN) se compose de trois volumes perpendiculaires à la pente naturelle du terrain qui en articule les différents niveaux. Cette implantation préserve de larges dégagements visuels vers le lac depuis la rue de la Maladière, qui en est l’accès principal. Bien qu’elle fut régulièrement entretenue, l’enveloppe extérieure des bâtiments vieillissait et engendrait une consommation énergétique excessive. Elle ne permettait plus de répondre aux exigences actuelles en matière de confort des utilisateurs. Lancé en 2011 par le Canton de Neuchâtel, un concours sous forme de mandats d’études parallèles a conduit au choix d’une équipe pluridisciplinaire composée d’architectes, d’ingénieurs civils, d’ingénieurs en chauffage-ventilationsanitaire-électricité et de physiciens du bâtiment, pilotée par le bureau fribourgeois QUBBARCHITECTES. La solution proposée par le pool de mandataires comprend l’assainissement énergétique des bâtiments construits entre 1965 et 1975 et le remplacement d’un ancien bâtiment attribué aux filières de la mécanique.

La réalisation des travaux s’est déroulée de 2014 à 2020, soit plus de cinq ans d’intervention en site occupé. Les contraintes de sécurité, de bruit, d’accès et de circulation, l’intrusion régulière du chantier dans la partie restée en utilisation, ont requis une attention permanente et une acceptation réciproque de la part des intervenants et des usagers. Chaque nouvelle phase du chantier a nécessité le déménagement des activités vers l’étape achevée, le renouvellement des schémas de circulation, ou encore le déplacement des installations de chantier et des aires de stockage. NOUVELLE IDENTITÉ Le procédé retenu pour renforcer l’isolation thermique des bâtiments se caractérise par le renouvellement complet de l’enveloppe extérieure des anciennes constructions (fenêtres, stores, doublage des façades, isolation, étanchéité des toitures et installations techniques). Pour réaliser cette nouvelle enveloppe, il a fallu redéfinir la volumétrie générale des bâtiments, et redistribuer certaines fonctions, notamment au rez-de-chaussée supérieur. Située rue de la Maladière, face au pôle d’innovation Microcity, la nouvelle entrée du complexe donne au centre professionnel une échelle adaptée à son contexte urbain et affirme son statut de bâtiment public. Un large escalier amène à

PROJET CONSTRUCTION & BÂTIMENT

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