CONS TRUCTION & BÂTI MENT
PROJETS ET CHANTIERS DES PROFESSIONNELS DU BÂTIMENT
Habiter autrement
Trois projets entre immeuble et maison
Réemploi, un secteur en plein développement
Façades durables et productrices d’énergie
La renaissance du Château d’Hauteville
UNE ÉDITION ESPACESCONTEMPORAINS.CH CHF 8.–
CONSTRUCTION & BÂTIMENT N°4/ SEPT EMBRE-OCTOBRE 2023
La volonté de réduire notre impact environnemental incite à une réflexion de fond sur les métiers de la construction. Une des réponses les plus concrètes est une certaine modération dans nos pratiques. Une sobriété dans le choix des matériaux, dans les méthodes constructives. Des pratiques vernaculaires renaissent. La pierre naturelle est de nouveau utilisée comme matériau de construction principal dans des bâtiments, les isolations se font en paille, les parois en terre. Et tandis que le travail de et avec l’existant prend de l’ampleur, les professionnels prennent conscience de leur responsabilité écologique.
Au sein de cette dynamique, l’économie circulaire fait sens. Dans un souci d’économie matérielle et d’énergie, elle redevient progressivement une pratique commune afin d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles et limiter les déchets générés. Rien ne se crée : les éléments de construction sont réemployés dans de nouveaux projets ; Rien ne se perd : un cadre de porte est réutilisé pour un revêtement de sol ; Tout se transforme : une poutre est recyclée en copeaux de bois. Faire avec ce qui existe déjà. Cela paraît simple et pourtant. Les délais, la coordination de la multiplicité des interlocuteurs, les plannings serrés, sont autant de paramètres difficiles à gérer. Malgré tout, la filière du réemploi se fait une place au sein du monde de la construction. Elle se cherche et se professionnalise. Une belle amorce de changement de production du bâti capable de produire un réel impact sur notre environnement.
4 CONSTRUCTION & BÂTIMENT ÉDITO
Salomé Houllier Binder
CONSTRUCTION & BÂTIMENT 04/23
4 Édito ACTUALITÉS
10 Les news de l’architecture et de la construction
14 L’UIA imagine l’architecture de l’avenir
REPORTAGE
18 Une cité radieuse à Échichens
26 Trois projets entre immeuble et villa
TECHNIQUES DU BÂTIMENT
40 Pierre naturelle, le grand retour
46 Façades, le temps de l’innovation
60 La protection incendie de l’abbatiale de Romainmôtier
ENTREPRISES
62 MP Ingénieurs, la durabilité pour horizon
64 Sirbatec, des abris sur mesure
DOSSIER
66 Le réemploi, l’essor d’un secteur prometteur
PROJET
82 Trèfle d’Or, prouesse urbaine à Lancy
90 La rénovation spectaculaire du château d’Hauteville
100 Le nouvel espace de production de l’EMP
110 La cure de jouvence d’un bâtiment du 19e
118 Quartier de l’Étang, une ville vivante
134 Artemis, un nouveau quartier à Bussigny
142 Écoles modulaires, la bonne réponse de Genève
148 Aux Plaines-du-Loup, un bâtiment de logements en dentelle
156 Deux surélévations et une rénovation à Genève
AGENDA
162 Expos, salons, congrès et formations
6 CONSTRUCTION & BÂTIMENT SOMMAIRE
110 78 156 134
Les constructions de taille moyenne abritant quelques logements fleurissent en ville, en périphérie urbaine et en campagne. Des typologies hybrides entre l’immeuble et la maison, elles sont une manière de densifier, d’optimiser les emprises au sol et les ressources, tout en y mêlant spatialités singulières, surfaces extérieures privatives ou semi-privatives de qualité, vues et liens avec l’extérieur privilégiés. Véritables laboratoires architecturaux, ces projets proposent de nouvelles manières d’habiter qui permettent de lier économie de moyens et logements d’exception, mais aussi privacité et convivialité. Certaines réalisations peuvent s’apparenter en partie à la définition que l’on se fait de la villa urbaine, petit immeuble rayonnant sur quatre faces avec généralement un logement par étage ; d’autres affichent leurs propres caractéristiques liées spécifiquement au contexte dans lequel ils s’insèrent. Un bon compromis entre densité et habitat individuel. Tour d’horizon des potentiels autour de trois réalisations contemporaines à Genève (Lancy), Lausanne et Fribourg.
HABITER LA MOYENNE ÉCHELLE
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CONSTRUCTION & BÂTIMENT REPORTAGE
Marielle Savoyat
© Matthieu Croizier
SPATIALITÉS D’EXCEPTION
Comment lier passé et présent ? Comment habiter de manière résolument contemporaine dans un contexte à haute valeur patrimoniale ? LRS Architectes y répond à Genève, dans l’ancien bourg de Lancy, en signant un immeuble de logements mêlant références rurales et expression contemporaine. Le bâtiment abrite six logements qui s’élèvent sur quatre niveaux, ainsi qu’une arcade commerciale au rez-de-chaussée et un parking au sous-sol.
Ses deux faces présentent deux caractères différenciés. Côté route, un subtil pli permet de relier les façades adjacentes qui n’étaient alors pas alignées. L’échelle accordée aux bâtiments voisins et la matérialité du crépis rustique et artisanal sont autant de manières de s’intégrer au caractère rural de la rue. Les grandes ouvertures laissant entrer un maximum de lumière ne laissent toutefois aucun doute sur la contemporanéité de l’édifice. Côté cour, la géométrie angulaire de la façade complètement ouverte s’inspire de la substance historique irrégulière du tissu villageois. Elle permet de fractionner le volume et d’augmenter l’apport de lumière naturelle, tout en variant les percées visuelles et en limitant les vis-à-vis directs. Les généreuses terrasses s’étirent en continuité avec celles des bâtiments voisins, tandis que leurs
retraits progressifs vers l’intérieur caractérisent chaque appartement de manière variée.
Le terrain s’avérant très humide, l’appartement du rez-dechaussée et celui du premier étage ont été surélevés côté cour. Par la même occasion, ils jouent avec des variations de hauteurs qui participent à dynamiser les parcours et à segmenter la profondeur du logement. L’attique se love sous un toit en pente revisité qui se plie à l’horizontale côté cour, ce qui accentue l’effet d’encadrement sur le grand paysage et le Salève.
La typologie des plans, qui s’ouvrent et s’élargissent côté cour, ainsi que les différences de hauteurs sous plafonds créent des spatialités qualitatives atypiques, avec des parcours induits par les dilatations diverses et variées. Au rez-de-chaussée, l’espace de vie s’articule avec le jardin et les percées visuelles sur deux églises voisines. Aux étages, les appartements traversants bénéficient d’espaces de vie s’étirant en longueur dans toute la profondeur du bâtiment. L’attique, lui, s’oriente vers la vue tout en s’articulant autour d’une grande cheminée. Sur la base d’un héritage vernaculaire, les spatialités d’exception qui en découlent tissent des liens forts depuis la sphère domestique vers l’extérieur.
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© Joël Tettamanti
29 REPORTAGE CONSTRUCTION & BÂTIMENT © Joël Tettamanti © Joël Tettamanti
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LRS ARCHITECTES
Fondé en 1999 à Genève par Laurent Lin, Alain Robbe et Rolf Seiler, le bureau LRS Architectes compte aujourd’hui une cinquantaine de collaborateurs. Il a su se déployer par la qualité de ses réalisations et de ses réflexions, tant dans le domaine de l’architecture que celui de l’urbanisme ou encore dans l’enseignement. Dans les projets, son approche questionne le contexte et les contraintes, en cueillant chaque occasion pour créer des sensations spatiales fortes et atypiques, de l’intérieur vers l’extérieur.
31 REPORTAGE CONSTRUCTION & BÂTIMENT
DES FAÇADES ÉBLOUISSANTES
Nouvelles tendances et projets innovants, la façade n’a pas fini de se réinventer, notamment dans la mise en valeur de ses surfaces verticales.
Magaly Mavilia
TECHNIQUES DU BATIMENT
Bois, façades actives et cinétiques, les revêtements de façade prennent de la couleur et du relief. La façade devient productrice d’énergie et l’on se tourne davantage vers des matériaux plus durables où les bilans carbone deviennent réellement des outils de décision. Au rang des tendances qui montent, le bois, la façade solaire ou cinétique font parler d’eux.
Les matériaux recyclés, comme l’alu pour les fenêtres et les façades, commencent aussi à se faire une place dans les nouvelles constructions. « De manière générale, nous observons un regard plus aigu sur le bilan carbone des matériaux. L’usage d’une certaine sophistication n’empêche pas un regard plus pointu sur le choix des matériaux, leur bilan carbone et leur provenance », souligne Nicolas Weber, associé du bureau BCS Façades.
« Il y a une réelle prise de conscience des architectes et des maîtres d’ouvrage de l’efficience et du bien-fondé de recourir à des façades actives, et nous sommes convaincus que ce n’est que le début », se réjouit Nicolas Weber. Couleurs, textures, verre sablé, le choix suit la demande et offre de belles possibilités pour des surfaces moins brillantes, structurées ou avec des motifs. BCS Façades travaille sur de nombreux projets innovants, comme celui d’un futur dépôt où près de 4 400 m² de façades actives photovoltaïques permettront de générer plus de 540 kWc.
« Une autre tendance se dessine dans la construction, observe l’ingénieur civil, il s’agit de l’utilisation de brise-soleil pour offrir aux façades une protection passive contre le soleil et permettant de repousser la plage horaire d’utilisation des stores et de leur
abaissement, de réduire l’éblouissement mais aussi de contrôler la quantité de chaleur solaire qui pénètre dans le bâtiment et de garantir aux utilisateurs une vision vers l’extérieur tout en participant à l’esthétique de l’ouvrage. En réalisant une étude solaire, la protection solaire passive peut, selon les cas et les expositions, permettre des gains de plusieurs heures sans abaissement des stores. »
DURABILITÉ DU BOIS
La nouvelle Loi sur l’énergie du canton de Vaud, en consultation jusqu’au mois de novembre, encourage l’utilisation des ressources locales. Ça tombe bien, le territoire vaudois, notamment, regorge de matières premières qui ne sont pas près de s’épuiser.
« Mettre du bois en revêtement extérieur, cela veut dire utiliser un matériau qui reste vivant et il faut être conscient de cela. Mais nous avons aujourd’hui la chance de disposer de produits et de procédés, comme le pré-grisaillement, qui permettent de limiter l’impact visuel du vieillissement d’un bois non traité », souligne Lucie Mérigeaux, responsable du service technique de Lignum et membre de la Chambre suisse des experts judiciaires techniques et scientifiques.
Dans les constructions contemporaines et plus particulièrement en ville, le bois est aussi largement utilisé en façade mais souvent recouvert d’un crépi ou d’un autre matériau dans un souci d’intégration architecturale à l’environnement bâti.
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47 TECHNIQUES DU BÂTIMENT CONSTRUCTION & BÂTIMENT
Adrien Barakat
Précurseur dans l’utilisation de l’énergie solaire en façade, le projet Silo Bleu, réalisé par Epure Architecture et Urbanisme SA, Progin SA, Solarwall et le bureau d’ingénieurs BCS SA a reçu le Prix solaire 2019. À cette époque, c’était la plus importante façade solaire de Suisse romande.
ARTEMIS RÉUNIT ÉCOLOGIE ET CONFORT
Dans la commune de Bussigny, le quartier Artemis imaginé par le bureau d’architectes Burckhardt nous invite à découvrir de nouveaux espaces de vie où le respect de l’environnement se conjugue avec la qualité de vie de ses habitants.
texte : Aurore de Granier
photos : Olivier Di Giambattista
UN QUARTIER URBAIN
C’est au nord-est de la commune de Bussigny, sur deux anciennes parcelles agricoles, que s’est établi le nouvel ensemble de logements baptisé Artemis. Le projet répond à un besoin de création de logements sur le territoire, regroupant au total 90 appartements, du 1,5 pièce au 4,5 pièces. Allant à l’encontre de la tendance actuelle faisant le plus souvent le choix de constructions individuelles, les architectes du bureau Burckhardt ont opté pour quatre immeubles reliés entre eux par leur implantation et un espace central commun végétalisé.
Les quatre constructions distinctes sont constituées de deux bâtiments d’angle, venant encadrer l’espace, et de deux bâtiments isolés qui ferment l’ensemble, atteignant chacun 17 mètres de haut et abritant 5 niveaux. Cette configuration vient renforcer l’idée de quartier, essentielle pour le représentant au maître d’ouvrage, UBS Fund Management, souhaitant créer une dynamique sociale dans cet espace excentré du cœur de la commune. Cela a notamment été possible par deux points majeurs de la construction, comme l’explique Simon Berger, architecte en charge du projet : « La nature joue un rôle important dans ce projet. Elle est en effet omniprésente autour de l’ensemble constructif, mais vient également s’inscrire au cœur des appartements via la construction de loggias en bois. Ainsi, au centre des bâtis nous trouvons un jardin, ou une cour arborée, qui a été pensée comme
un espace de rencontre pour les habitants. C’est une manière de créer un esprit de quartier et de favoriser l’échange tout en apportant du bien-être aux locataires par l’omniprésence de la verdure. Un second espace vient jouer ce rôle de lieu commun, il s’agit des cages d’escalier des immeubles. Dotées de grandes fenêtres, elles bénéficient d’un apport de lumière naturelle et offrent une vue sur la campagne environnante. Proposer des espaces généreux était capital pour répondre à cette notion de vie de quartier, élevant le rôle de ce lieu de circula-tion à celui de lieu de rencontre. »
ARTEMIS LABELLISÉ MINERGIE ECO
Par sa situation géographique, le quartier Artemis s’inscrit déjà dans un paysage naturel, invitant les locataires des appartements à bénéficier des espaces verts les entourant et de vues dégagées depuis chaque logement. Un caractère écologique qui est renforcé par la labellisation Minergie ECO du quartier. « Dès le départ nous avons abordé le projet avec l’objectif d’obtenir ce label. À l’heure actuelle, il est devenu impossible de ne pas envisager les nouveaux bâtis à travers les exigences énergétiques et écologiques. Nous avons éliminé tout ce qui contenait de la résine, fait le choix d’une isolation plus respectueuse de l’environnement, non nuisible et sans risque de rejets de métaux lourds, et sélectionné du bois d’origine suisse pour construire les loggias.
135
PROJET TECHNIQUES DU BÂTIMENT
Certains choix n’ont cependant pas pu être finalisés, à l’image de l’utilisation de briques en terre cuite pour la structure de base, qui, en raison de la nature des sols, ont dû être remplacées par du béton recyclé. La réflexion se devait d’être totale, à commencer par les impacts de la construction, en passant par l’extraction des matériaux, et le cycle de vie du bâtiment, avec notamment le recyclage des matériaux utilisés. La nécessité d’obtention de ce label a été à la fois un défi et un sujet passionnant pour notre bureau d’architectes », confiait Simon Berger. La performance énergétique est elle aussi capitale à Minergie. « Un concept énergétique s’appuyant sur des sondes géothermiques a été mis en place. Ces dernières permettent la production de chaleur pour le chauffage, mais aussi pour l’eau chaude sanitaire. L’utilisation en geocooling de l’installation permettra, en cas de fortes températures, d’apporter un rafraîchissement dans les appartements tout en contribuant à la recharge thermique du sol », complètent les architectes du bureau Burckhardt. Une labellisation que le maître d’ouvrage souhaitait pousser encore plus loin par l’obtention du label Minergie ECO.
LA QUALITÉ DE VIE AU CŒUR DU PROJET
Le label Minergie ECO vient compléter ces conditions énergétiques et écologiques par des critères liés à la qualité de vie des
habitants du bâtiment. À la base de tout nous retrouvons la structure des appartements, tous dotés de balcons à la française donnant sur la campagne environnante. La majorité d’entre eux sont également complétés par des loggias en bois mesurant 20 m2, orientées du côté de la cour inté-rieure. Cette cour et les loggias ont été largement végétalisées, venant offrir des espaces intimistes et oxygénés, dont la gestion revient à la régie des appartements. Ces apports architecturaux viennent à la fois agrandir l’espace habitable, mais également largement contribuer à un apport de lumière naturelle important, d’une autonomie en moyenne supérieure à 70 %. La végétalisation du quartier se retrouve ainsi jusque dans les espaces de vie des habitants, mais est également omniprésente dans les espaces communs autour des immeubles, qui ont été abondamment plantés pour offrir aux habitants un cadre de vie optimal. Concernant les intérieurs, les plafonds atteignent 3 m de haut et la distribution des pièces favorise de grands espaces ouverts, réduisant au maximum les couloirs de circulation pour optimiser au mieux les typologies. Parmi les autres critères ici mis en place, on retrouve également l’isolation sonore, mais aussi la qualité du climat intérieur rendue possible par la gestion des rayonnements magnétiques des réseaux électriques ou encore l’utilisation de produits de qualité élevée. Une fusion réussie entre écologie et confort.
136 CONSTRUCTION & BÂTIMENT PROJETS
burckhardtpartner Artemis Annex A6-8-01-404 53 -Plan de révision Unnamed 137 PROJET TECHNIQUES DU BÂTIMENT
UN BÂTIMENT À L’ÉCHELLE DE LA DENTELLE
Au cœur de la plus grande pièce urbaine du premier secteur des Plaines-du-Loup, coup de projecteur sur le projet du bureau cBmM SA
Architectes | Bridel·Marinov·Truchard.
texte : Magaly Mavilia
photos : Vincent Jendly
Le projet, intitulé « Alterité », propose de répondre aux principes urbanistiques du plan d’ensemble Dentelle des bureaux Aeby Perneger & Associés + Hüsler & Associés en traitant de manière différenciée la morphologie du bâtiment sur le pourtour de l’îlot et sur la cour-jardin tout en maintenant un langage unitaire.
« C’est la première fois que notre bureau présentait un projet de concours sans pouvoir s’appuyer sur le contexte bâti environnant et sans connaître les intentions des concurrents des autres lots, en ne s’appuyant que sur les thèmes urbanistiques du plan d’ensemble Dentelle », relève Serge Truchard, architecte associé chez cBmM Architectes. Finalement, le résultat de cette mise au concours, où tous les participants travaillent simultanément, a plutôt bien fonctionné et a produit une riche mixité architecturale. Cette mixité reflète également la pluralité programmatique des différents lots. Les 75 appartements subventionnés et activités, réalisés pour la société coopérative Logement Idéal, côtoient des appartements à loyers libres, des appartements en PPE et deux coopératives d’habitants.
UNE FAÇADE CISELÉE
La singularité de la façade sur cour s’exprime notamment par ses modulations de profondeur générant les espaces des balcons. En relation étroite avec les typologies, l’enveloppe se fragmente et se plisse de manière marquée au sud et est plus retenue sur le périmètre de la pièce. Ce traitement de l’enveloppe rythme la façade et la structure, et se met à l’échelle de la pièce d’habitation.
« Nous avons apporté un soin particulier au traitement des façades et souhaitions que nos logements subventionnés dégagent une image positive au sein de la pièce urbaine », explique Serge Truchard, qui était accompagné sur ce projet par Sarah Delmenico, Flavia Ferrari, Ana Melnicenco et Jean-Daniel Berset.
« Notre périmètre d’intervention étant plus limité que celui de nos voisins, il a fallu trouver l’échelle morphologique adaptée à notre marge de manœuvre. Le thème de la “ dentelle ” s’est concrétisé dans notre projet à l’échelle de la pièce d’habitation. »
Ce thème a ainsi guidé une morphologie avec une maille plus fine, d’échelle humaine, structurant la façade. Reprenant l’idée des encadrements de fenêtres des années 1920, les modénatures verticales habillant les fenêtres assument une idée d’ornement
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PROJET TECHNIQUES DU BÂTIMENT
RÉNOVATION ET SURÉLÉVATION TOUT EN ÉLÉGANCE
Face à la Perle du Lac à Genève, le projet situé à l’angle de l’avenue de Sécheron et de la rue de Lausanne a été achevé en mai. Ce chantier ambitieux comprenait deux surélévations, une rénovation labellisée ainsi qu’une démolition et reconstruction complète.
texte : Isabelle Jaccaud
photos : Sacha Di Poi
Le projet concerne trois entrées d’immeuble, le N°119 de la rue de Lausanne, les N°2 et 4 de l’avenue de Sécheron. Les deux premiers bâtiments, en R+6 et attique à l’origine, ont été surélevés de deux niveaux et attique, après la démolition des attiques existants. Le bâtiment de Sécheron 4 quant à lui, en R+2 à l’origine, a été entièrement démoli pour être remplacé par un nouveau en R+6 avec attique. Les trois entrées d’immeuble sont désormais liées et partagent une cour commune. Une centrale unique avec une pompe à chaleur de 80 kW dans le sous-sol, une chaudière à gaz en complément pour l’entre-saison et des panneaux photovoltaïques sur la toiture assurent un approvisionnement énergétique efficace pour l’ensemble. Les 68 appartements de 2 à 6 pièces, la plupart traversants, ont vite trouvé des locataires.
Initialement, la rénovation du N°119 et du N°2 devait se limiter à un rafraîchissement de la façade et à l’aménagement des cuisines, salles de bain et WC. « Cependant, suite à l’intérêt du maître d’ouvrage pour une labellisation, décision a été prise de refaire toute l’enveloppe thermique, permettant ainsi l’obtention de la labellisation Minergie Rénovation », commente Complex Bau, l’entreprise totale chargée du projet. La surélévation s’intègre harmonieusement au bâtiment et l’ensemble se distingue par une belle cohérence architecturale.
DES DÉFIS TECHNIQUES
Un des enjeux importants pour la Commission d’architecture résidait dans la préservation des caractéristiques de la façade d’origine datant du milieu du 20e siècle. Un souci tout particulier a été porté à la préservation de la subtile modénature des lignes horizontales et verticales, conférant à l’ensemble une élégance intemporelle. Pour optimiser l’isolation, les balcons, source importante de ponts thermiques, ont été isolés pardessus et par-dessous, en modifiant l’épaisseur de la chape, sans modification du niveau initial. Les travaux à Sécheron 4 se sont révélés très délicats, nécessitant des reprises en sous-œuvre pour renforcer les fondations de l’immeuble. Les travaux pour lier les trois bâtiments, en gérant le raccord entre les dalles et en jouant sur l’épaisseur de la chape, ont représenté un véritable défi. Le sens de réalisation des ouvrages a été également dicté par les contraintes structurelles. En effet, dans le respect d’exigences de contreventement, la surélévation du bâtiment de Sécheron 2 n’a pu être effectuée qu’après la réalisation de la structure complète du nouveau bâtiment de Sécheron 4. Deux étages ont été ajoutés à Sécheron 2, sans toucher aux fondations. « Parfois nous utilisons des structures en bois ou acier-béton, pour des questions de poids. Ici la surélévation est tout en béton. L’ingénieur civil a poussé les calculs au plus haut niveau de précision », relève Complex Bau. La
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↖ les bacs potagers favorisant les contacts entre locataires.
↑ un puits de lumière amène de l’éclairage naturel dans les escaliers.
PROJET TECHNIQUES DU BÂTIMENT
← Côté cour, le projet forme un angle d’une belle cohérence, à la structure affinée,grâce notamment aux balcons en mailles Jakob.