ESPACESCONTEMPORAINS.CH Décembre 2018-Février 2019
Artgenève, la huitième édition se prépare et le PAD revient en force.
Trois décorateurs romands et trois univers. Matières, couleurs et savoir-faire.
Art contemporain, qui sont les 10 artistes romands qui font l’actu ?
Le travail au bureau, en coworking et chez soi, ou les trois à la fois.
ESPACESCONTEMPORAINS.CH décembre 2018–février 2019
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Édito
INSPIRATION
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Les assiettes prennent des couleurs Le style d’Elena Salmistraro
REPÉRAGE
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La dernière collection de Mathieu Lehanneur
Actualités ACTUEL
20 Brèves et actualités du design, de l’architecture et de l’art 32 Élysée 34 Livres, des idées décoratives
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La Brafa accueille Gilbert et Georges Knoll fête ses 80 ans Networking entre pros de la déco Grand Basel, l’art de l’automobile
design
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Le design durable version Montana
RéTROSPECTIVE
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Designers’ Saturday, aperçu de la dernière édition
78 ART
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Les 10 artistes qui font l’actu de l’art contemporain Artgenève19, la 8e édition est sur les rails
PORTRAIT
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Nicolas Perrottet, le goût de la beauté et de l’élégance
ARCHITECTURE
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Le sens de la modernité de Hans-Jörg Ruch
WISHLIST
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Tout ce qui nous fait envie
Univers MY DAY WITH
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Chez l’architecte d’intérieur Lynne Pearson ESPACES CONTEMPORAINS 3
SOMMAIRE
104 DÉCO
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Trois décorateurs romands sous la loupe Le salon en mode cocooning
REPORTAGE
104 Un refuge douillet à Arosa 114 Un chalet atypique perché dans le Valais
114 Pratique FOCUS
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Les 40 ans d’un lit culte L’originalité et le savoir-faire de Baxter Kaldewei, cent ans au service du sanitaire
zoom
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Une cuisine pour cuisiner
ÉQUIPEMENT
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Le monde du travail de demain Des luminaires très discrets Ranger son bois avec élégance
salon
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Les nouveautés des foires d’automne
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AGENDA
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Salons et expos en Suisse et en Europe
INFOS LECTEURS
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Abonnement, un sac Freitag à gagner ! Adresses
RÉSEAUX
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Ce qui fait le buzz sur la toile
En couverture : Transformation d’un Chalet à Arosa. Photo : Gaelle le Boulicaut
4 ESPACES CONTEMPORAINS
architecture
La sentinelle de Bregaglia Une maison entièrement faite de béton et de bois se dresse dans un petit village agricole près du col de la Maloja dans les Grisons. Résidence de l’architecte suisse Hans-Jörg Ruch, elle témoigne de son sens aigu de la modernité, et de son respect profond pour l’histoire et le paysage de Grisons. Philip Jodidio / Photos : Filippo Simonetti
Ruch est né en 1946 à Bellach (SO) et a reçu ses diplômes en architecture à l’EPZ en 1971, et au Rensselear Polytechnic Institute (Troy, New York) en 1973. De 1974 à 1977 il a travaillé dans le bureau d’Obrist und Partner à Saint-Moritz et, ensuite, il a fondé Ruch + Hüsler & Partner avec Urs Hüsler (1977-88). Depuis 2010, il dirige Ruch & Partner Architekten à Saint-Moritz.
Hans-Jörg
Modernité et tradition locale Bien qu’il ait concentré son travail en Engadine, de par son éducation et son tempérament Hans-Jörg Ruch aborde la restauration de l’architecture ancienne et la construction neuve avec un regard ouvert qui lui permet d’allier modernité et tradition locale. L’une de ses réalisations le plus connues est la Chesa Madalena à Zuoz; un ancien bâtiment agricole, doté d’une tour de 16 mètres de haut datant de 1305,
abrite maintenant une galerie d’art. Ici, Ruch a gardé l’ancien grenier pratiquement dans son état d’origine, sans chauffage, mais il en a fait un espace où la galerie Tschudi peut sans problème exposer des œuvres d’art contemporain. L’architecte semble posséder un sens inné de la culture profonde des Grisons. Une sensibilité qu’il cultive même quand il imagine une architecture neuve, comme sa propre maison – nommée Rifugio – sur une pente ensoleillée du Val Bregaglia. Seule structure moderne du petit village de Roticcio, ce volume en béton rugueux et austère offre des vues imprenables sur une série de sommets impressionnants. Presque comme une tour de guet qui surveillerait le mythique col de la Maloja, cette maison moderne et strictement rectangulaire, où béton et bois sont presque les seuls matériaux, est juchée sur une pente verdoyante à la limite du village. ESPACES CONTEMPORAINS 67
DéCO
nivers de décorateurs dossier Magali Prugnard
Qu’est-ce qui inspire les professionnels de la déco ? Quelles sont les tendances, matières ou couleurs qui les font vibrer ? Comment mettent-ils en valeur leurs savoir-faire ? Zoom sur trois enseignes romandes prestigieuses.
Dans les ateliers de l’enseigne Moyard à Morges.
Mai / juin 87
Photographie : Tonatiuh Ambrosetti et Daniela Droz
DéCO
Bureau sur mesure intégré dans la continuité des armoires reliant l’espace hall et la cuisine. Finition bois ancien réalisé par des artisans.
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Photographie : © Catherine Gailloud
déco
déco
Ses goûts : Aux volumes très contemporains épurés, Philip préfère les volumes singuliers. Il aime les teintes entières unies (et moins les demiteintes ou les effets de peinture) ainsi que les matières chaleureuses comme le bois, le cuir, la laine, le coton, le cashmere, le lin, la bourre de soie. Mais il s’intéresse surtout à l’association des matières et des couleurs. Il privilégie tantôt les compléments, tantôt les oppositions, pour donner une cohérence ou, au contraire, créer une rupture.
Parti de rien, Philip Pelletier a bâti l’enseigne de décoration Vie Intérieur en 1996. Après avoir démarré ses activités dans son appartement de Neuchâtel, il investit une gentilhommière du 18e siècle et une boutique du centre-ville. Ensuite, il choisit de créer un spectaculaire showroom de 670 m2 à Serrières. Situé sur l’ancien site industriel de Suchard, ce lieu créatif et inspirant évolue dans un quartier en pleine mutation urbaine et sociale. On y trouve des belles marques de mobilier contemporain, des objets réalisés par des artisans et des designers indépendants et de nombreuses collections de tissus et papiers peints. Quatre décorateurs y promulguent leurs conseils et réalisent des plans d’aménagement. Ils sont entourés d’une quarantaine d’artisans indépendants. Un meuble de rangement sert ici de garde-corps. Une banquette tapissée est intégrée à ce dernier. Cuisine industrielle, dynamisée par plusieurs matériaux : bois ancien, marbre veiné du Brésil, acier rouillé stabilisé, acier brut, verre armé. À Serrières, un espace living chaleureux prolongé d’une terrasse. La table de repas est coiffée d’un lustre industriel que l’on retrouve dans la cuisine.
Photographie : © Catherine Gailloud
Vie Intérieur signe des décors de caractère où l’on retrouve toujours les codes discrets du confort et une touche de poésie, voire d’humour. Un langage convivial, non ostentatoire, hors du carcan des styles et des tendances, que le directeur Philip Pelletier met au service de la personnalité de ses clients.
Photographie : © Catherine Gailloud
L’esprit Vie Intérieur
Les tendances qui l’inspirent : Le retour du cannage, du graphisme, des motifs très rythmés et de la couleur. La couleur est la base même de la vie, de la nature et c’est elle qui aide à porter les volumes. Les professionnels qu’il admire : India Mahdavi et son nomadisme coloré. Jacques Garcia pour sa sensibilité exacerbée aux lieux et aux choses. Son conseil : Il faut s’impliquer dans le processus de création, de transformation ou de décoration de son futur espace. Le rôle du décorateur consiste à maîtriser les univers et les aspirations les plus complexes. Il doit rendre les espaces vivants et vivables. ESPACES CONTEMPORAINS 93
3
Déco
manières de cocooner au salon
C’est la pièce où l’on se retrouve en famille et entre amis pour échanger, jouer, visionner pour la énième fois sa série préférée, refaire le monde depuis son canapé. Ou tout simplement pour trouver le réconfort dans le confort d’un sweet-home aménagé comme on aime, avec les meubles, tissus, papiers peints et matériaux choisis en harmonie avec nos goûts et nos envies. Pages suivantes, trois inspirations pour inventer une ambiance douillette en mode quiétude, raffinement et joie de vivre. À décliner selon son tempérament en version douce ou plus affirmée. Évelyne Malod-Dognin avec la collaboration de Françoise Faure
94 ESPACES CONTEMPORAINS
déco
1. Suspension Satellite, Gubi 2. Papier peint Sunny Day, Caselio, caselio.fr 3. Canapé Bellport, design Jean-Marie Massaud, Poliform, poliform.it 4. Tapis Luna Pebble, Stepevi, stepevi.com 5. Table basse Caryllon Flower, design Cristina Celestino, Gebrüder Thonet Vienna, gebruederthonetvienna.com 6. Fauteuil inclinable, Pillo, Swedese, swedese.com
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Déco
1. Papier peint lessivable, Anguille, Elitis, elitis.fr 2.. Papier peint Amazone, Casamance, casamance.com 3. Paravent Mantice, Baxter, baxter.it 4. Canapé et tables basses Era, design David Lopez Quincoces, Living Divani, livingdivani.it 5. Fauteuil San Luca Limited Edition, édition spéciale en hommage à Achille et Pier Giacomo Castiglioni. Poltrona Frau, poltronafrau.com 6. Tapis en laine tufté main, Juste, Roche Bobois, roche-bobois.com 7. Table basse Pastille, design Thierry Lemaire, Fendi Casa, luxurylivinggroup.com
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déco
Envie de raffinement 8. Revêtement mural en écorce et fils métalliques, Raja, Coll. Luxury weaving, Elitis, elitis.fr 9. Papiers peints coll. Flamant, Les Mémoires, Arte, arte-international.com 10. Tissu d’ameublement Douves, Camengo, camengo.fr 11. Canapé Montgolfière, Roche Bobois, roche-bobois.com 12. Tables d’appoint Colosseo, design Naoto Fukasawa, B&B Italia, bebitalia.com 13. Tapis Envolée, design Cristina Celestino, CC Tapis, cc-tapis.com, 14. Fauteuil Vuelta, design Jaime Hayon, Wittmann, wittmann.at 15. Fauteuil Fanny, Fendi Casa, luxurylivinggroup.com 16. Table basse plateau marbre, Giotto, i4Mariani, i4mariani.com
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REPORTAGE
Ce chalet des années 1970 situé à 1800 m d’altitude a été revisité dans l’esprit d’un refuge douillet.
Retour à l’essentiel texte : Jeremy Callaghan photos : Gaelle Le Boulicaut traduction : Catherine Gachies-Stäuble
104 ESPACES CONTEMPORAINS
REPORTAGE
Balustrades en bois, motifs traditionnels sur les murs et les embrasures de fenêtres et de porte, l’entrée est celle d’un authentique chalet suisse !
Sous le plafond à caissons gris et bleu persan se déroule un décor éclectique. Cubes en cuivre Paul Kelley (Frohsinn Zurich) sur lesquels sont posés des vases tubulaires en verre de Henry Dean ; sofa de Living Divani recouvert d’un tissu signé Andrew Martin, fauteuil peluche de Baxter.
est à 1800 m d’altitude et à deux heures de route de Zurich. Suffisamment loin pour s’évader, suffisamment près pour s’épargner un long trajet, et suffisamment haut pour respirer l’air frais et jouir d’un panorama époustouflant. C’est là que Claudia Silberschmidt, directrice artistique du cabinet d’architecture d’intérieur Atelier Zurich, a entrepris la rénovation d’un chalet pour se ressourcer en famille.
Arosa
« La maison en elle-même n’est pas d’une beauté rare, mais elle a du caractère, une taille idéale et est située dans un endroit extraordinaire », confie Claudia Silberschmidt. Le chalet est en effet posé directement sur les pistes de ski. Pas de voies de circulation. La nature à l’état pur. Lorsqu’en 2016, Claudia et son mari ont eu la chance de pouvoir l’acheter, ils voulaient préserver l’identité originale du chalet car c’est ce qui les avait attirés au premier abord. «Nous souhaitions conserver le caractère et l’ambiance des années 1970, sans y rajouter un look Alpenchic galvaudé, mais nous voulions tout de même un beau rafraîchissement. »
Rustique et cosy À côté des nombreuses retouches cosmétiques, quelques transformations ont également été réalisées au niveau de la structure. La plus importante a été d’abattre la cloison séparant la cuisine du salon afin de créer un espace de vie ouvert et convivial. Le nouvel agencement de cuisine avec la banquette d’angle entourant la table est à nouveau un clin d’œil aux années 1970. La table en bois massif dessinée par Claudia lui a été inspirée par des tas de planches aperçus dans les scieries locales. « Je ne voulais pas de table design. Juste quelque chose de très simple. L’idée était aussi de créer un contraste entre le bois de sapin clair et les murs et plafonds gris sombre. » La longue table massive enserre un pilier porteur et sépare le salon de la cuisine. La fenêtre cintrée déjà existante a été rénovée et son encadrement peint, comme toutes les autres baies vitrées, dans une teinte plus sombre que les murs afin de faire ressortir le décor extérieur naturel dans une sorte de contraste sensoriel. Le spectacle grandiose de la nature à l’extérieur est constamment présent, crevant la vitre pour s’inviter dans le confort douillet de l’intérieur. Le plafond à caissons d’origine du salon a non seulement été préservé, mais ses panneaux ont été repeints dans le même gris que les murs, et les moulures en bleu de Perse.
Oser le sombre Le revêtement gris sombre est omniprésent, sur les murs, les plafonds, les plans de travail… jusque sur les poutres de la cheminée. Comme le fait remarquer Claudia, « la couleur sombre a pour effet d’agrandir les espaces car tous les contours et les reliefs se fondent dans le monochrome. Je n’ai rien contre les couleurs, mais avec ce choix neutre, il sera plus facile, à l’avenir, de modifier des éléments décoratifs, une lampe, un tapis, des coussins, sans avoir à repeindre toute la maison. » ESPACES CONTEMPORAINS 107
Installation USM au Salon du meuble de Milan.
Bureaux
Bureaux, et demain ? Virtualisation des échanges, home-office, intelligence artificielle... l’avenir du monde professionnel soulève de nombreuses questions. Magali Prugnard
Aujourd’hui, le travail a investi notre espace domestique et nous sommes de plus en plus nombreux à travailler à la maison, vie professionnelle et vie privée se confondent souvent. Liées par la digitalisation des échanges, nos activités domestiques et professionnelles se ressemblent de plus en plus. Au point que les compétences que nous apportons au travail se rapprochent de celles que nous valorisons dans notre vie sociale. De plus, la rapidité et le flux des échanges génèrent un sentiment d’accélération du temps. Est-ce un désastre pour l’équilibre personnel ? Une évolution qui conduit les individus à tout gérer dans l’urgence, en se focalisant sur une vision à court terme et peu ouverte sur le monde ? D’aucuns le pensent… Mais il existe aussi une manière beaucoup plus positive d’envisager l’avenir. Plus les technologies progressent, plus elles devraient être capables de remplacer l’homme dans la partie la plus routinière de son travail. Les individus, eux, auront alors pour tâche de créer de nouveaux services, d’inventer de nouvelles relations avec les clients et les innovations technologiques. Des emplois inédits seront inventés grâce à l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle. C’est pourquoi les travailleurs auront besoin d’être plus créatifs, plus intuitifs, plus passionnés, plus empathiques. Ils devront développer leurs qualités humaines afin de se différencier des machines. Cette perspective demande de s’interroger sur le sens de la vie professionnelle dans le futur. Les postes de travail seront-ils conçus en fonction de qualités personnelles et non de compétences techniques spécifiques ? Les bureaux seront-ils dessinés comme des environnements favorables au développement de qualités proprement humaines ? Et comment ? Des questions importantes pour l’emploi dans le futur mais qui parlent déjà à
Créer différents environnements, c’est donner différentes opportunités aux employés d’échanger et de collaborer. Photo de la WorkHouse d’USM.
beaucoup d’entre nous. L’aspiration des travailleurs à vivre dans un environnement professionnel et social plus sain se manifeste dès aujourd’hui.
L’univers du travail au cœur des réflexions du fabricant USM Tous ces questionnements autour du travail du futur font partie du long processus de réflexion engagé par le fabricant USM sur l’avenir des univers professionnels. Le succès de son système de rangement modulable USM Haller constitué de tubes d’acier combinables à l’infini en les reliant par des boules en laiton – système conçu par Fritz Haller il y a des décennies et devenu culte – ne tarit pas. Mais aujourd’hui USM veut aller plus loin. Dans cet objectif, la société mène de
nombreuses recherches sur l’avenir du travail avec le concours d’anthropologues, de philosophes, de designers, d’architectes et de fondateurs de start-up. Un processus d’exploration qui n’en est encore qu’à ses débuts mais qui s’est déjà manifesté par diverses actions : élaboration de workshops internationaux (comme la WorkHouse en juin dans la banlieue de Berlin), réalisation de stands interactifs (lors du Salon de Milan ou plus récemment des Designers’ Saturday), tables rondes avec différents partenaires dont Espaces contemporains… Loin de se limiter à identifier des opportunités futures pour USM, ce processus de recherche sur l’avenir du travail explore des thématiques qui concernent tous les travailleurs sédentaires 2.0. ESPACES CONTEMPORAINS 131