Destination Provence Vaison-la-Romaine

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patrimoine

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tex te : Fa bi en n e B a c helar d

p h oto s  : marc Chatelain

Les chroniques romaines de

Vaison À Vaison-la-Romaine, l’histoire vous happe à chaque coin de rue. Tandis que sous les calades de la petite ville provençale sommeillent quantité de vestiges, les allées mises à jour de l’ancienne capitale gallo-romaine bruissent encore de multiples vies.

Entourée de sept collines, comme Rome, Vaison-la-Romaine doit sa renommée à son patrimoine : les vestiges de l’antique Vasio ou sa cité médiévale.

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V

aison-la-Romaine est comme un millefeuille… Plusieurs siècles durant, Vasio fut la capitale prospère des Voconces, peuple d’origine celto-ligure. L’empreinte de ces lointains ancêtres, restée gravée dans la pierre, constitue aujourd’hui le plus important champ archéologique hexagonal ouvert au public. Acte I, donc : l’Antiquité, époque en l’honneur de laquelle on rallongea (en 1924) le nom de la ville. Quinze hectares de vestiges dégagés dès 1907, des rues bordées d’anciennes échoppes, de vastes et luxueuses domus, quantité d’objets du quotidien, fresques, mosaïques, bustes, statues aux lignes confinant à la perfection… Mais, et on ne le sait pas toujours, Vaison joue en ses murs une autre partition historique, tout aussi riche, le Moyen Âge : acte II : Vaison-la-Médiévale, quand, après avoir franchi l’Ouvèze, l’on se faufile dans les ruelles de la haute-ville qui montent vers l’imposant château féodal des comtes de Toulouse. Enfin, acte III : le Vaison contemporain, gros bourg animé et commerçant, rayonnant sur un territoire à cheval entre Dentelles de Montmirail, mont Ventoux, vallée du Toulourenc et arpents de vignes. C’est à l’Acte I que nous avons consacré notre attention…

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Commençons par la genèse. Des terres fertiles, la proximité de l’Ouvèze, sept collines formant une alcôve protectrice contre le Mistral : il n’en fallait pas plus pour favoriser l’installation des hommes. Et ce, depuis belle lurette. Songez qu’à environ 1,50 mètre en dessous du niveau antique, il n’est pas rare de trouver d’autres vestiges, laissés par des communautés agropastorales du néolithique. C’est à la fin du iv e siècle av. J.-C. que les premiers Voconces s’installent dans ce coin de Provence. Une lente transformation s’opère alors. Après la conquête romaine (125-118 av. J.-C.) et l’alliance des Voconces avec les Romains, Vasio devient cité fédérée alliée de César, et non une colonie : pendant l’intermède de la pax romana, les affaires prospèrent et la ville se développe sur la rive droite de l’Ouvèze.

marbre grec et porphyre turc C’est en compagnie de Christine Bezin, conservatrice du patrimoine de Vaison-la-Romaine, que nous avons arpenté les pavés de l’ancienne capitale voconce, de Puymin à la Villasse, les deux grands sites archéologiques de Vaison : « L’urbanisation s’est développée à partir de noyaux agricoles devenus au fil du temps des habitations dont l’ampleur et le luxe font l’originalité de Vaison, qui se démarque ainsi des cités voisines d’Arles, Orange ou Nîmes. » Sur le site de la Villasse, la rue des Boutiques donne le ton : « Le seuil de chaque commerce est marqué d’une rainure. Les marchands y apposaient leurs étals. » Abritées de l’effervescence urbaine, les habitations, richement parées, étaient tournées sur leurs cours intérieures. Elles en disent long sur l’aisance de leurs habitants. Des marqueteries réalisées à partir de marbre en provenance des Pyrénées et de Grèce, voire de porphyre de Turquie, ornaient les sols. « S’il reste encore beaucoup d’autres mosaïques à découvrir, explique Christine Bezin, nous avons aussi recouvert certaines d’entre elles avec du sable afin de les protéger. » Avant d’ajouter : « Dans l’attente de trouver un ou des généreux mécènes ! » Des fresques murales aux couleurs chatoyantes recouvraient les murs et on devine le raffinement, la délicatesse du trait. La « Maison aux animaux sauvages » en est un magnifique exemple. Malheureusement, une

Le théâtre antique : Creusé dans le flanc de la colline de Puymin, probablement utilisédu ier au ive siècle, il accueille aujourd’hui le festival Vaison Danses.

« Des toiles tendues sur les gradins protégeaient le public de la chaleur »

Le château du xiie siècle, remanié au xve siècle, domine la haute-ville (page de gauche).

La Villasse et son quartier riche de commerces et de luxueuses demeures (ci-dessus, au centre).

De nombreuses statues, comme celle-ci, représentant l’empereur Hadrien, on été découvertes (ci-dessus, à droite).

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Les aménagements ingénieux se succèdent : thermes particuliers, foyers de cuisson, éviers, vivier, latrines collectives, réseau d’égouts…

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La haute-ville, ses rues en calades et ses édifices parfois construits en réutilisant des matériaux antiques et médiévaux de la vallée.

Une fois le pont romain franchi, la Rue Grande conduit le promeneur dans la Vaison contemporaine et ses rues commerçantes.

Le pont romain sur l’Ouvèze permet de rejoindre la cité médiévale

Place Montfort, ancienne place du Marché. Il fait bon y boire un verre, à l’ombre des platanes, dont certains furent plantés au xixe siècle.

grande partie de cette domus reste encore cachée sous la ville… à l’image de la majeure partie de l’ancienne Vasio.Partout, les aménagements ingénieux se succèdent. Thermes particuliers, foyers de cuisson, éviers, vivier, latrines collectives, réseau d’égouts… Qualité de vie et confort faisaient le quotidien des populations les plus aisées de la ville. « On ne sait pas combien ils étaient exactement à vivre dans ces immenses espaces », avance Christine Bezin, tout en arrachant une touffe de mauvaise herbe dans le recoin d’une domus. À la voir évoluer dans les allées de la Villasse, on comprend vite qu’elle est ici comme chez elle !

un théâtre antique restauré

Le pont romain : classé monument historique en 1840, il fut construit au ier siècle et est ancré dans la roche au niveau d’un rétrécissement de l’Ouvèze.

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Nous poursuivons notre visite sur le site de Puymin, avec un groupe emmené par Anna-Maria Mélard. Construit non loin de la Villasse, Puymin est en fait une immense domus, à ce jour encore incomplète. L’œil joue à saute-mouton sur les colonnes – reconstituées – disposées en enfilade le long des allées. Les pièces à vivre se succèdent : cuisine, salle à manger, péristyle… On s’approche lentement du théâtre antique, creusé dans le flanc nord de la colline de Puymin, probablement au ier siècle de notre ère. « La décoration a été enrichie au début du siècle suivant », précise notre guide, « il faut imaginer que des toiles, les velums, étaient tendues sur les 32 gradins, afin de protéger le public de la chaleur. » Les historiens avancent l’hypothèse que le théâtre a probablement été détruit au début du v e siècle lorsque le décret d’Honorius (en 407) ordonna dans toutes les provinces romaines de briser et d’ensevelir les statues représentant des divinités païennes. Anna-Maria Mélard explique : « C’est dans ce contexte que les effigies qui ornaient le mur de scène ont dû être jetées dans les parties les

Notre-Dame-de-Nazareth : Bel exemple de l’art roman provençal, la cathédrale fut construite au xie siècle, en partie avec des vestiges antiques.

plus profondes du théâtre. » Ainsi, découverte majeure, les statues impériales de Claude, Domitien, Hadrien et Sabine retrouvées quasi intactes en 1909 et que l’on peut désormais admirer au musée Théo Desplans. Le théâtre antique a été en grande partie reconstitué et continue de vivre, accueillant régulièrement du public comme lors du festival Vaison Danses. Ailleurs dans la ville, d’autres vestiges ont récemment été mis à jour : un amphithéâtre situé sur l’avenue Général-de-Gaulle – réenfoui dans la perspective d’un complément d’études et de moyens financiers –, un forum profondément enterré sous la ville ou quatre domus émergeant sous la place Montfort. Mais ça, c’est encore une autre histoire ! §

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Le Moyen Âge contemple l’Antiquité

Du haut de son piton rocheux, dominant son ex-fief, le château bâti en 1195 par Raymond VI, comte de Toulouse, afin d’affirmer son autorité face à l’évêque qui s’était établi en seigneur local, est l’un des monuments emblématiques de l’autre époque phare de Vaison – beaucoup moins connue que la période antique –, le Moyen Âge. Passé le fameux pont romain sur l’Ouvèze, puis une porte fortifiée dominée par la tour du Beffroi, on s’enfile dans la haute-ville. Dédale de ruelles en calades – nom provenant de pierres calées les unes contre les autres –, placettes ombragées, fontaines rafraîchissantes... À l’heure où le soleil est au zénith, c’est un pur délice que de déambuler entre les magnifiques hôtels particuliers et les – assez rares – commerces de la ville médiévale. À l’extrémité est, un arrêt s’impose sur le parvis de l’église construite au XVe siècle au-dessus du vide. Au loin, le mont Ventoux trône en superbe. En contrebas, l’Ouvèze et ses baigneurs. Un peu plus loin, les sites antiques…

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Pratique Office de tourisme Vaison Ventoux www.vaison-ventoux-tourisme.com Place du Chanoine-Sautel, Vaison-la-Romaine Tél. : 04 90 36 02 11

où Dormir ? Maison d’hôtes Le jour et la nuit

www.journuitvaison.fr Quartier Le Plan Vaison-la-Romaine Tél. : 06 80 48 66 47 Entourée de vignes et de vergers, cette ancienne magnanerie du xvie siècle, jouxtant la colline Théos, a été transformée il y a peu en chambres d’hôtes par un jeune couple. Emmanuelle et David n’ont en effet pas ménagé leurs efforts pour voir revivre cette bâtisse rustique tournée sur sa cour intérieure. Dans les chambres, esprit contemporain de mise, entre lignes sobres, petits détails qui font mouche et éclats de couleurs graphiques. Tarifs : chambre double (+ petit-déjeuner) dès 85 € ; table d’hôtes sur réservation : 30 € par personne.

Hôtel Villa Elaia

www.hotel-villaelaia.fr Chemin des Chaunes 84110 Puyméras Tél. : 04 90 46 51 16 À deux pas de Vaison-la-Romaine, Puyméras et sa place ombragée, l’un de ces adorables villages drômois où l’on passerait des heures à siroter un verre… Quelques vignes et oliviers plus loin, l’hôtel Villa Elaia avec ses dix chambres disposées de plain-pied autour du patio ou bleu de la piscine. Maison récente, mais de style gallo-romain, c’est un repaire idéal pour sillonner

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les alentours, notamment la vallée du Toulourenc, classée Natura 2000. Tarifs : chambre double (+ petit-déjeuner) en demi-pension dès 81 € par personne.

Où Manger ? Bistrot du’O

www.bistroduo.fr Rue du Château Vaison-la-Romaine Tél. : 04 90 41 72 90 Un joli bistrot moderne situé dans la haute-ville, où l’on revisite sans complexe la cuisine du terroir en la saupoudrant d’une petite touche décalée : mousse d’aubergines et ricotta, cuisse de canard confite sauce aux cèpes, panna cotta au coulis de poires et gingembre confit... Tarifs menus : dès 29 € (le soir).

La Fête en Provence

www.hotellafete-provence.com Place du Vieux-Marché Vaison-la-Romaine Tél. : 04 90 36 38 32 Au détour d’une placette de la cité médiévale, ce restaurant-salon de thé a du charme, avec son patio ombragé. Quelques tables, des murs recouverts de plantes, le calme… Après avoir grimpé les ruelles de la haute-ville, cette halte permettra aussi de savourer la fraîcheur d’une vénérable maison de pierre vaisonnaise. Tarifs spécialités à la carte : de 9 à 30 €.

Au Petit Bedon

43, cours Taulignan Vaison-la-Romaine Tél. : 04 90 65 58 08 Manger comme les Romains ? C’est possible, notamment dans ce restaurant situé non loin du centre-ville. Les

recettes y ont été mises au point en collaboration avec la conservatrice du patrimoine de Vaison, qui a fait en sorte d’adapter les produits d’aujourd’hui aux mets – parfois étonnants – que l’on dégustait alors. Idéal pour compléter une visite des sites antiques.

Découvrir les sites antiques Les circuits • Audioguide

gratuit. Visites guidées en compagnie d’un guide-conférencier, entre avril et novembre, avec animations pendant les vacances scolaires (collation romaine, secrets des artisans gallo-romains) : Tarif adultes 8 € ; 12-18 ans, 3 € ; entrée gratuite jusqu’à 11 ans. • Film d’animation en 3D au musée archéologique Théo Desplans. Tél. : 04 90 36 50 48 •

Agenda Festival international Vaison Danses

Du 8 au 28 juillet 2013 www.vaison-danses.com Tél : 04 90 28 74 74 Organisé sur la somptueuse scène du

théâtre antique, ce festival entend ouvrir la danse, les danses, à un public le plus large possible. Valeurs sûres de la scène internationale ou formes moins conventionnelles, ethniques ou novatrices, talents émergents… Les spectacles de Vaison Danses métissent les influences et les cultures. En 2013, on verra notamment la dernière création du ballet Preljocaj (Les mille et une nuits), une relecture du Lac des Cygnes mêlant danse classique et rythmes africains par les Dada Masilo (Swan Lake) ou encore le spectacle autour de la jota et de l’âme espagnole de la compagnie Miguel Angel Berna (Mudejar). xxie Choralies de Vaison-la-Romaine

Du 1er au 9 août 2013 www.choralies.fr Tél. : 04 90 36 02 11 (Office de Tourisme) Organisées tous les trois ans à Vaisonla-Romaine, elles rassembleront plus de 4 000 choristes et instrumentistes du monde entier. Ateliers chant le matin, proposés par des chefs de chœur réputés, concerts en chœur constitué l’après-midi et soirées musicales seront notamment données au théâtre antique.

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