Un aperçu régional des politiques de réinsertion des mères adolescentes dans les écoles
Introduction
Cette note de synthèse présente une vue d’ensemble des politiques et pratiques existantes en matière de réinsertion scolaire des mères adolescentes dans quatre pays d›Afrique. Sur la base d›une analyse minutieuse des contextes spécifiques à chaque pays, on peut conclure que ces quatre pays–la Namibie, le Malawi, le Sénégal et la Tanzanie–représentent un large éventail de politiques et de pratiques en matière de réintégration scolaire des mères adolescentes. La note d’orientation met en évidence les normes internationales et standard, puis les compare aux pratiques en vigueur dans chaque pays. Ce document complète les études réalisées dans chacun des pays mentionnés, et il résume les recommandations politiques clés contenus dans le rapport régional, qui synthétise également les expériences au niveau des pays.
Le débat sur la grossesse des adolescentes, les mères adolescentes et les droits des mères adolescentes en matière d’éducation continue d’être caractérisé par des visions du monde différentes. D’un côté, on trouve les puristes et les moralistes, qui considèrent la grossesse et la maternité à l’adolescence comme une aberration morale. Selon cette vision, explicitement ou implicitement, le fait de permettre aux mères adolescentes de reprendre l’enseignement de base entraînera une déchéance morale dans les écoles primaires et secondaires. Elle doit être évitée. D’un autre côté, il y a ceux qui adoptent une approche normative basée sur les droits. Cette vision du monde considère que permettre aux filles enceintes ou aux mères adolescentes de poursuivre leur apprentissage est conforme aux normes et standards convenus au niveau international. Elle reproche à la famille, à la société, et à l’État en général de ne pas respecter le droit de chaque enfant à l’éducation et de ne pas offrir une éducation sexuelle complète, qui est une mesure préventive éprouvée. À l’extrême, on trouve les engagements rhétoriques des États africains à offrir un accès gratuit et sans entrave à une éducation de base de qualité à tous les enfants. Paradoxalement, ces mêmes États africains érigent également des obstacles dans les politiques, les lois et les directives relatives aux politiques de réinsertion des mères adolescentes.
Un aperçu des normes et standards internationaux et continentaux
Il existe un certain nombre de cadres normatifs aux niveaux international et continental qui garantissent explicitement le droit des filles à l’éducation. Au niveau international, la Convention relative aux Droits de l’enfant des Nations Unies1 (CDE NU) demande aux États Parties, dans son article 2 (2), de prendre toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit protégé contre toute forme de discrimination ou de
1 https://www.ohchr.org/en/professionalinterest/pages/crc.aspx
sanction motivée par la situation, les activités, les opinions exprimées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exige en outre des États Parties, à l’article 28 (1), qu’ils reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, en vue de réaliser ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances. Elle précise ensuite que, premièrement, l’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous et que, deuxièmement, les États Membres doivent prendre des mesures pour encourager la fréquentation régulière des écoles et la réduction des taux d’abandon scolaire. Conformément à ces dispositions explicites, les adolescentes enceintes et les mères adolescentes, en tant qu’enfants, devraient avoir un accès sans entrave à l’éducation et ne devraient pas être discriminées ou pénalisées/pour être tombées enceintes.
Dans son Observation générale n° 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l’enfant à l’adolescence2, le Comité des droits de l’enfant observe au paragraphe 55 (Familles dirigées par des adolescents) que, conformément aux articles 24 et 27 de la Convention, les parents et dispensateurs de soins adolescents devraient recevoir des connaissances de base sur la santé de l’enfant, la nutrition et l’allaitement, ainsi qu’un soutien approprié pour les aider à assumer leurs responsabilités envers les enfants dont ils ont la charge et, si nécessaire, une aide matérielle en matière de nutrition, d’habillement et de logement. Elle ajoute en outre que les adolescents qui s’occupent d’enfants ont besoin d’un soutien supplémentaire afin de jouir de leurs droits à l’éducation, au jeu et à la participation.
De même, l’article 10 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDAW)3 demande aux États Membres de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en matière d’éducation. Elle prescrit aux États parties de garantir les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d’accès aux études et d’obtention de diplômes dans les établissements d’enseignement de toutes catégories, tant en milieu rural qu’en milieu urbain. Il ordonne en outre aux Etats parties de garantir la réduction du taux d’abandon scolaire des filles et l’organisation des programmes pour les filles et les femmes qui ont quitté prématurément l’école.
Tous les pays africains se sont engagés à atteindre les objectifs de développement durable (ODD). L’ODD 4 vise à assurer une éducation de qualité inclusive et équitable et à promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous. La cible 4.1 prévoit que, d’ici à 2030, tous les garçons et filles achèvent un cycle d’études primaires et secondaires gratuit, équitable et de qualité, débouchant sur
2 https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Women/WRGS/GenderDigital/CRC_2.pdf
3 https://www.ohchr.org/en/professionalinterest/pages/cedaw.aspx
des résultats d’apprentissage pertinents et efficaces. La cible 4.3 prévoit également que d’ici 2030, les gouvernements auront assuré l’égalité d’accès de toutes les femmes et de tous les hommes à un enseignement technique, professionnel et supérieur, y compris universitaire, abordable et de qualité. L’ODD 5 vise à assurer l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles. A travers la cible 5.1, cet ODD vise à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles partout ; et par la cible 5c, l’ ODD vise l’adoption et le renforcement de politiques rationnelles et de législations applicables pour la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles à tous les niveaux.
Au niveau continental, le principal cadre d’orientation des droits de l’enfant est la Charte Africaine des Droits et du Bienêtre de L’enfant (1990).4 L’article 11(6) de la Charte est très explicite sur la manière dont les grossesses adolescentes doivent être traitées. Il exige des États membres à la Charte de prendre toutes les mesures appropriées pour s’assurer que les enfants qui tombent enceintes avant d’avoir terminé leur éducation aient la possibilité de poursuivre leur éducation en fonction de leurs capacités individuelles. De plus, dans leur commentaire conjoint, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, «Commentaire Général Conjoint sur L’élimination du Mariage des Enfants,(2017)5,les deux organisations, au paragraphe 31 déclarent ainsi :
... Les États parties devraient mettre en œuvre des politiques et des plans conçus pour réaliser l’égalité d’accès à l’éducation pour les filles et les garçons. Ces politiques doivent comprendre des mesures visant à encourager les filles enceintes à continuer à fréquenter l’école ou à y retourner. Les États parties doivent obligatoirement faciliter le maintien et le retour à l’école des filles enceintes ou mariées et mettre en place des programmes d’éducation alternatifs, tels que l’acquisition de compétences et la formation professionnelle, dans les cas où les femmes ne peuvent ou ne veulent pas retourner à l’école après une grossesse ou un mariage.
Un autre point de référence important est la Stratégie Continentale D’éducation pour L’Afrique (CESA 16-25)6 , adoptée par les Chefs d’État et de Gouvernement de L’Union africaine à l’occasion de la vingt-sixième session ordinaire du 31 janvier 2016 à Addis-Abeba. Elle constitue le cadre de la transformation des systèmes d’éducation et de formation en Afrique. Le CESA 16-25 a été établi comme un moyen de créer un nouveau citoyen africain qui sera un agent de changement efficace pour le développement durable du continent tel qu’envisagé par l’UA et son Agenda 2063.
L’objectif stratégique 5 du CESA 16-25 exige spécifiquement des États africains qu’ils accélèrent les processus menant à la parité et à l’équité entre les sexes par les moyens suivants :
1. Mettre à l’échelle les expériences réussies de rétention au service des groupes de sexe à risque (filles et garçons) et améliorer leurs performances.
2. Assurer une progression réussie d’un niveau à l’autre dans tout le système
3. Mobiliser les communautés pour qu’elles deviennent des partenaires afin de s’assurer que les filles (et les garçons, le cas échéant) s’inscrivent, restent et réussissent à l’école.
4. Mettre au point des interventions pertinentes pour lever les obstacles à l’accès et à la réussite à tous les niveaux.
Comme le montrent les exemples donnés ci-dessus, il existe suffisamment d’indications sur les principes et les normes que les gouvernements devraient appliquer pour promouvoir et protéger les droits des adolescentes enceintes et ceux des mères adolescentes. Les États africains sont conscients de ces normes et principes continentaux et internationaux, dont la plupart se sont engagés à respecter et à mettre en œuvre. Toutefois, la plupart des États africains n’ont pas réussi à garantir le droit des mères adolescentes à l’éducation, et la majorité des pays adoptent des mesures discrétionnaires très variées pour mettre en œuvre ces politiques, normes et standards.
Le contexte de la grossesse chez les adolescentes en Afrique
On estime que 45 % des grossesses chez les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans en Afrique subsaharienne (ASS) ne sont pas planifiées. Par conséquent, ces grossesses entraînent des naissances non désirées, des avortements risqués et des fausses couches7. Les chiffres correspondants pour les grossesses chez les adolescentes sont pour le Sénégal (16,4%8), le Malawi (29%), la Namibie (19%) et la Tanzanie (27%). Près de la moitié des cas d’avortements risqués en Afrique subsaharienne concernent également des adolescentes et des jeunes femmes de moins de 25 ans. Les adolescents d’Afrique subsaharienne ont l’un des taux de natalité les plus élevés en comparaison avec les adolescents des autres régions du monde, et représentent par conséquent une proportion significative de la fécondité globale dans de nombreux pays de la région9. Les taux de natalité élevés chez les adolescentes reflètent les vulnérabilités qu’elles connaissent et le manque d’opportunités à leur disposition.
4 https://www.acerwc.africa/wp-content/uploads/2018/06/African_Children_Charter_Website_Version_English_2015.pdf
5 https://www.acerwc.africa/wp-content/uploads/2018/07/Website_Joint_GC_ACERWC-ACHPR_Ending_Child_Marriage_20_January_2018.pdf
6 https://au.int/sites/default/files/documents/29958-doc-cesa_-_english-v9.pdf
7 Wado et al. BMC Pregnancy and Childbirth (2019) 19:59; https://doi.org/10.1186/s12884-019-2204-z
8 https://www.indexmundi.com/facts/senegal/indicator/SP.MTR.1519.ZS
9 Wado et al, (2019), op.cit
Un large éventail de facteurs contribue au taux élevé de grossesses non désirées et de naissances non planifiées chez les adolescents. Il s’agit notamment de la méconnaissance des services de santé sexuelle et reproductive, des obstacles juridiques à l’accès aux services, des préjugés des prestataires, de la stigmatisation des relations sexuelles avant le mariage et de la faible autonomie décisionnelle des adolescentes mariées10. Les grossesses précoces et non désirées chez les adolescentes sont associées à plusieurs conséquences négatives sur la santé, l’éducation, la société et l’économie. L’accouchement est un risque pour les adolescentes et les recherches indiquent que les problèmes liés à la grossesse sont la deuxième cause de décès chez les adolescentes des pays en développement11. La grossesse chez les adolescentes interrompt également la scolarité des jeunes femmes, mettant ainsi en péril leurs perspectives économiques futures, notamment en réduisant leurs opportunités sur le marché du travail. Les effets de la maternité des adolescentes s’étendent également à la santé de leurs enfants, avec des preuves de décès périnataux plus élevés et de faible poids à la naissance chez les bébés nés de mères de moins de 20 ans.
De nombreux gouvernements africains continuent de refuser aux mères adolescentes le droit à l’éducation. Lorsqu’il existe des politiques permettant aux filles de poursuivre leur éducation, les gouvernements imposent une pléthore de mesures punitives que les filles doivent respecter avant d’être réadmises. De plus, d’autres facteurs contribuent également à ce que des milliers de mères adolescentes ne poursuivent pas leur éducation formelle. Parmi ces facteurs, le plus important est le manque de sensibilisation aux politiques de rentrée scolaire parmi les communautés, les filles, les enseignants et les responsables scolaires, qui ne savent pas que les filles peuvent et doivent retourner à l’école12
La pauvreté, le manque d’éducation et l’inégalité entre les sexes perpétuent le mariage précoce, les grossesses précoces et compromettent le passage réussi de l’adolescence à l’âge adulte. La pauvreté et le dénuement socio-économique exposent les adolescentes à des rapports sexuels précoces et intergénérationnels. La pauvreté est un problème grave qui joue un rôle cyclique et cumulatif important dans le niveau d’éducation et le taux de grossesse des adolescentes. La pauvreté limite la liberté, les opportunités et les ressources et crée des conditions d’impuissance, d’exclusion et de vulnérabilité. Ces vulnérabilités peuvent créer des conditions plus propices au manque d’éducation et aux grossesses précoces en retour. Par exemple, la pauvreté peut pousser les adolescents à se marier précocement et à abandonner l’école. Les
10 Cited in Wado et al, (2019).
11 Ibid.
adolescentes sans éducation formelle, avec un faible niveau d’éducation ou qui ne sont pas inscrites à l’école sont plus susceptibles de tomber enceintes. En outre, de nombreuses filles abandonnent l’école lorsqu’elles pensent que le mariage et la grossesse sont une meilleure option pour leurs conditions socio-économiques, ce qui contribue à son tour à la grossesse chez les adolescentes13 .
Chacun des pays dispose de politiques et de plans éducatifs qui régissent la mise en œuvre de l’apprentissage dans leurs pays respectifs. Au Sénégal, par exemple, la principale politique régissant l’éducation des jeunes est la loi décennale, intitulée Loi 2004-37 modifiant et complétant la Loi D’orientation de L’éducation Nationale 91-22 du 16 février 1991. Cette loi a été adoptée le 15 décembre 2004, à la suite du «Programme décennal d’éducation et de formation» de 200014. Elle est mise en œuvre par le gouvernement par l’intermédiaire du ministère de l’éducation nationale. L’article 1 de la loi 2004-37 stipule que : «La scolarité est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 à 16 ans» et précise que «L’Etat a l’obligation de maintenir dans le système scolaire les enfants âgés de 6 à 16 ans»15. La loi confère à l’État la responsabilité de garantir l’accès à l’éducation gratuite pour tous les enfants âgés de 6 à 16 ans. Par conséquent, la loi envisage la responsabilité de la communauté comme étant celle de s’assurer que les enfants sont inscrits et maintenus dans les écoles. La conséquence de cette loi est qu’il est illégal de mettre fin à l’éducation d’une fille dans cette tranche d’âge pour raison de grossesse.
Dans le cas de la Namibie, la Loi sur L’éducation de Base 3 de 202016 (article 13 (1-4) abroge La Loi Sur L’éducation 16 de 2001. La loi adopte une approche proactive et préventive en exigeant que le ministère de l’éducation élabore une politique relative à la grossesse des apprenants axée sur la prévention et la gestion des grossesses des apprenants dans les écoles. La politique relative à la grossesse des apprenants doit porter, entre autres, sur la mise en place d’un mécanisme de suivi pour évaluer la mise en œuvre de la politique dans les écoles, la publication de directives pour renforcer le programme d’enseignement des compétences de vie dans les écoles en mettant l’accent sur la prévention, et l’enseignement des compétences de vie par des enseignants qualifiés. Les
12 Leave No Girl Behind in Africa: Discrimination in Education against Pregnant Girls and Adolescent Mothers - 2018 Human Rights Watch
13 Cited in, Rebekah Mohr,Jose Carbajal and Bonita B. Sharma: The Influence of Educational Attainment on Teenage Pregnancy in Low-Income Countries: A Systematic Literature Review -Journal of Social Work in the Global Community 2019, Volume 4, Issue 1, Pages 19–31 DOI: 10.5590/JSWGC.2019.04.1.02
14 Programme Décennal de l’Education et de la Formation, PDEF
15 Article 1 de la Loi 2004-37 du 15 Décembre 2004 modifiant et complétant le Loi d’Orientation de l’Education Nationale n° 91-22 du 16 Février 1991.
16 https://www.lac.org.na/laws/2020/7257.pdf
Les politiques, cadres juridiques et directives existants en matière de rentrée scolaire pour les mères adolescentes
réglementations et directives spécifiques à la gestion de la grossesse chez les adolescentes sont contenues dans la Politique du Secteur de L’éducation pour la Prévention et la Gestion de la Grossesse chez les Apprenants, de 2012, du Ministère de l’Éducation, des Arts et de la Culture (MoEAC)17
Au Malawi, la Politique Nationale de L’éducation (NEP) se concentre sur les grandes orientations politiques suivantes : augmentation du nombre de filles qui accèdent, participent, excellent et terminent l’enseignement primaire de manière équitable ; enseignement primaire gratuit ; et réadmission des mères adolescentes et des garçons responsables de ces grossesses. La politique révisée et les lignes directrices pour la mise en œuvre de la réadmission visent à retenir les filles dans les écoles primaires et secondaires. La Politique et les Directives Révisées pour la Mise en œuvre de la Réadmission des filles qui tombent enceintes et des garçons responsables de la grossesse. Il s’agit de la seule politique qui traite spécifiquement de l’abandon scolaire et de la réadmission sur la base d’une grossesse.
En Tanzanie, le principal document d’orientation pour le secteur de l’éducation est le plan de développement du secteur de l’éducation (ESDP) – 2016/17 – 2020/21 pour la Tanzanie continentale. L’ESDP actuel met l’accent sur l’engagement de la Tanzanie à fournir douze années d’éducation de base gratuite et obligatoire à l’ensemble de la population, sans laisser personne de côté, et sur l’expansion progressive de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels afin de fournir à la Tanzanie le réservoir de ressources humaines qualifiées nécessaire pour devenir un pays semi-industrialisé à revenu intermédiaire d’ici 2025. Dans la section sur l’accès, la participation et l’équité (4.6.1), parmi les priorités énumérées figurent la participation équitable et l’achèvement de l’éducation de base gratuite pour tous, en accordant une attention particulière aux groupes exclus, aux enfants handicapés, aux enfants non scolarisés, et par le biais de multiples voies, formelles et non formelles.
La Tanzanie continentale a élaboré des Directives sur la Manière de Permettre aux Ecolières Enceintes de Poursuivre Leurs Etudes (200918), mais celles-ci n’ont jamais été mises en œuvre. Au lieu de cela, on assiste à l’expulsion générale des filles qui tombent enceintes alors qu’elles sont encore à l’école, même si cette pratique n’est soutenue par aucune politique ni aucun cadre juridique. Entre-temps, le gouvernement révolutionnaire de Zanzibar (RGZ) a promulgué la loi sur la Protection des enfants des Mères Célibataires et ceux des familles Monoparentales Numéro 4 de 2005.Cette loi permet aux filles qui tombent enceintes alors qu’elles sont dans des écoles primaires et secondaires de poursuivre leurs études après l’accouchement (Niboye, 2018, voir les notes en fin de texte pour une référence complète).
Examen de l’efficacité des cadres politiques existants
La Namibie semble avoir les politiques de réinsertion les plus complètes et les plus progressives, par rapport aux trois autres pays. La Politique du Secteur de l’éducation pour la Prévention et la Gestion de la Grossesse des Apprenants de 2012 de la Namibie vise à améliorer la prévention et la gestion de la grossesse des apprenants, à diminuer le nombre de grossesses des apprenants et à augmenter le nombre d’apprenants-parents qui terminent leur éducation. Cette politique est donc une reconnaissance explicite du droit des filles à l’éducation, y compris des filles qui tombent enceintes avant d’avoir terminé leurs études. En outre, la politique exige que les professionnels de la santé et les conseillers scolaires dans les écoles soient autorisés à dispenser des formations et à partager régulièrement des informations sur les thèmes de la santé génésique ; l’enseignement d’une éducation sexuelle complète à tous les apprenants à partir de la quatrième année ou à un âge approprié ; et l’orientation des apprenantes enceintes vers les travailleurs sociaux du ministère chargé de la protection de l’enfance, en particulier les orphelins et les enfants vulnérables, afin qu’ils puissent obtenir des informations pertinentes sur la garde des enfants et les obligations légales.
La politique stipule que les apprenantes enceintes doivent présenter un certificat médical d’un prestataire de soins de santé attestant qu’elles peuvent poursuivre leur scolarité en toute sécurité si elles souhaitent rester à l’école au-delà de 26 semaines (6 mois) de grossesse. Si l’apprenante enceinte ne fournit pas les informations requises par l’école et ne donne pas d’explication raisonnable, elle risque d’être obligée de prendre un congé jusqu’après l’accouchement du nourrisson. La politique exige que les directeurs d’école préservent la stricte confidentialité de toute information médicale fournie par l’apprenante afin de protéger son droit à la vie privée. La jeune fille peut choisir de poursuivre son éducation à l’école jusqu’à 4 semaines avant la date prévue de l’accouchement, tel que certifié par un prestataire de soins de santé, ou prendre un congé à partir d’une date antérieure si cela est conseillé par un prestataire de soins de santé pour des raisons médicales, ou si elle se sent incapable ou non désireuse de continuer à fréquenter l’école à n’importe quel stade de la grossesse.
La politique prévoit que la jeune fille peut poursuivre ses études après l’accouchement. L’apprenante peut choisir de retourner à l’école dès qu’elle peut fournir les documents spécifiés ou elle peut choisir de prendre un congé plus long jusqu’à un maximum d’une année civile à partir de la date à laquelle elle a quitté l’école en raison de la grossesse. Elle peut prendre un congé plus long, mais sa place à l’école ne sera alors pas garantie. Afin de s’assurer que sa place à l’école sera
17 http://www.moe.gov.na/files/downloads/99b_Learner%20Pregnancy%20policy%20final%202010-10-18.pdf
18 http://www.tzdpg.or.tz/fileadmin/documents/dpg_internal/dpg_working_groups_clusters/cluster_2/education/Guidelines_Enabling_Pregnant_Girls_ to_re-enter_school-FINAL_March_2010.pdf
réservée pendant son congé, l’apprenante et sa famille doivent maintenir une communication claire avec l’école concernant la date à laquelle elle a l’intention de revenir.
La politique fixe un certain nombre de conditions à remplir avant qu’une mère adolescente puisse être réadmise. Premièrement, un travailleur social (ou le Principal si aucun travailleur social n’est disponible) doit être convaincu que le nouveau-né sera pris en charge par un adulte responsable. Deuxièmement, un prestataire de soins de santé doit fournir une déclaration selon laquelle l’apprenant-parent est dans un état de santé et de bien-être convenable. Troisièmement, l’apprenant-parent et ses parents, le principal responsable ou le tuteur doivent fournir une déclaration signée expliquant comment le nourrisson sera pris en charge et s’engager à maintenir une communication ouverte avec l’école. Ces règlements peuvent être potentiellement contraignants et, bien que l’intention soit d’assurer la sécurité et le bien-être de la mère adolescente et de son nouveau-né, les exigences imposent des conditions inutiles à la jeune fille.
La politique de réadmission du Malawi est tout aussi progressiste et a été renforcée en 2006 par la rédaction des Lignes Directrices pour la Mise en œuvre de la Politique de Réadmission. Ces directives visent à retenir les filles dans les écoles primaires et secondaires. Le ministère des Sciences, de l’Éducation et de la Technologie (MoEST) a revu la politique de réadmission en 2018 afin de simplifier sa mise en œuvre, en la confiant au niveau des écoles. L’objectif est d’augmenter la scolarisation, la rétention et l’achèvement de la phase d’éducation de base. La politique garantit également que des mécanismes de soutien spéciaux aux niveaux familial et communautaire sont institués pour aider les parents adolescents. Elle fournit des conseils à toutes les parties prenantes du secteur de l’éducation sur la réadmission des filles qui tombent enceintes ainsi que des garçons responsables de la grossesse. La politique de réadmission du Malawi n’exige pas de certificat du personnel médical pour vérifier l’aptitude des filles à retourner à l’école. Il s’agit d’une mesure très progressiste, elle élimine le fardeau supplémentaire dont les filles doivent se débarrasser pour retourner à l’école.
La politique de réadmission est conforme à la Constitution de la République du Malawi, qui stipule que toute personne a droit à l’éducation (section 25 (1); et que les enfants ont le droit d’être protégés de l’exploitation économique ou de toute forme de mauvais traitement, de travail ou de punition qui est, ou est susceptible d’être, entre autres, une entrave à leur éducation. Bien que la Constitution ait été révisée à de nombreuses reprises, elle ne s’est pas prononcée de manière significative sur l’éducation dans son ensemble et, en particulier, sur la réadmission des filles enceintes. Le gouvernement n’a fait que stipuler que toute personne âgée de moins de dix-huit ans est considérée comme un enfant. Le gouvernement a pris cette mesure pour prévenir les
abandons scolaires, notamment en ce qui concerne les mariages précoces et les grossesses chez les adolescentes.
L’un des principaux inconvénients de cette politique est que les filles ne sont pas autorisées à rester à l’école mais elles sont censées retourner en classe un an après l’accouchement. Cela ne s’applique que si le retour de la jeune fille coïncide avec le début du premier trimestre du calendrier scolaire. Cela signifie que si les six mois tombent après ou avant le premier trimestre, le délai de réadmission peut également être étendu à plus d’un an. La politique de réadmission ne répond pas à tous les défis auxquels sont confrontées les jeunes femmes qui cherchent à se réinsérer, notamment la stigmatisation par les enseignants et les pairs, les problèmes d’alimentation du nourrisson et le manque de possibilités de garde d’enfants. La politique est lourde d’un point de vue bureaucratique, puisqu’elle exige qu’une adolescente enceinte écrive une lettre pour se retirer de l’école, attende au moins un an avant de chercher à rentrer dans l’établissement après avoir accouché, et fasse une nouvelle demande d’inscription. Elle n’est pas appliquée uniformément dans la pratique, les enseignants et les administrateurs décidant des retours à l’école au cas par cas. Les jeunes pères, qui sont également censés être suspendus, sont rarement obligés de quitter l’école19.
Le maillon le plus faible de la politique de réadmission est l’absence d’un mécanisme global visant à garantir que toutes les filles qui abandonnent l’école reprennent leur scolarité. Pour l’instant, cette tâche est laissée aux enseignants et aux groupes de mères qui le font par souci personnel pour les filles. Il n’existe aucune obligation de contraindre les filles ou les parents à renvoyer leurs filles à l’école. Pour cette raison, certains parents choisissent de marier leurs filles enceintes, car même les lois qui empêchent ces mariages ne sont pratiquement jamais appliquées.
Au Sénégal, bien que la loi décennale ait été adoptée en 2004, la confusion et l’ambiguïté régnaient toujours autour de son application, en particulier lorsqu’il s’agissait de traiter la question de la grossesse des écolières, car de nombreuses écoles expulsaient encore des filles à cause de grossesse. Pour lever ces ambiguïtés et dans un souci de protection des écolières enceintes, une circulaire a été décrétée autour de la loi des dix ans en 2007.Il s’agit de la Circulaire n° 004379/ME/ SG/DEMSG/DAJLD relative à la Gestion Des Mariages et des Grossesses des Elèves en Milieu Scolaire20,qui a été induite le 11 octobre 2007, vise à éviter que les mères adolescentes ne soient à nouveau exclues de la poursuite de leurs études.
La circulaire affirme ce qui suit: «Les élèves enceintes sont suspendues de l’école jusqu’à l’accouchement pour des raisons de sécurité. L’état de grossesse doit d’abord être dûment établi par un médecin reconnu et agréé par l’Etat. La réintégration dans l’école se fait sur présentation d’un certificat médical d’aptitude à la reprise des cours». Cela signifie que même si la scolarité de l’élève enceinte ne peut
19 https://www.anthropology-news.org/index.php/2019/05/02/readmission-policy-and-state-ngo-funder-relations-in-malawi/ 20 La Circulaire n° 004379/ME/SG/DEMSG/DAJLD du 11 Octobre 2007 portant sur la Gestion des mariages et des grossesses d’élèves dans les établissements scolaires.
être interrompue en raison de sa grossesse, le rapport médical est un facteur déterminant. La raison apparente est de préserver la santé et le bien-être de la mère et le bébé qu’elle porte en elle.
L’écolière enceinte est censée rester à la maison jusqu’à la fin de l’accouchement, lorsqu’il est clair que sa santé est suffisamment stable pour lui permettre de retourner à l’école. Tout comme dans le cas namibien ci-dessus, la mère adolescente est tenue d’obtenir une lettre d’un médecin agréé certifiant officiellement qu’elle est en état de reprendre ses études. Sur présentation du certificat du médecin, la mère adolescente peut soit réintégrer l’école qu’elle fréquentait, soit opter pour une autre école, selon ses préférences. Il est également important de mentionner ici que la nouvelle mère adolescente reprend les cours de l’année scolaire qu’elle a quittée, et ne peut donc pas simplement poursuivre ses cours, mais les redouble, selon la circulaire. Les avantages de la loi des dix ans sont également sapés par les lois sur le mariage au Sénégal, qui permettent aux filles de moins de 18 ans de se marier.
L’exécution de la loi décennale et de la circulaire qui l’a suivie est également discutable. Un examen critique de l’application de la loi indique que le maillon le plus faible peut être situé au niveau de l’obscurité relative de la loi. Bien que la circulaire ait été publiée au Journal officiel du gouvernement de l’époque, qui est le canal par lequel les nouvelles lois et les décrets sont rendus publics et connus de tous, la nouvelle n’a pas été suffisamment relayée pour atteindre directement les organismes et les responsables scolaires.
La Tanzanie se place à la fin de ce continuum dans la mesure où ses politiques sont favorables à la réintégration des mères adolescentes dans les écoles. Il est probable que cette situation pourrait changer, avec l’arrivée au pouvoir d’une femme présidente. Il convient également de souligner l’existence d’un système dual, les politiques des îles de Zanzibar étant plus progressistes que celles du continent.
Leurs Etudes (2009 21) reconnaissent la nécessité de permettre aux mères enceintes et aux adolescentes de poursuivre leurs études en faisant l’admission suivante :
Le gouvernement est alarmé à cause du rythme auquel [...] les écolières qui ont été forcées d’interrompre leur scolarité ou [sont] expulsées des écoles, simplement à cause de mariages et/ou de grossesses précoces. La Tanzanie a besoin de femmes et d’hommes qualifiés et bien éduqués pour participer au développement du pays. Elle ne peut donc pas rester les bras croisés alors qu’elle perd la contribution la plus précieuse de nombreuses jeunes Tanzaniennes au développement du pays à cause des mariages et des grossesses précoces.
Les lignes directrices proposent ensuite un certain nombre de directives qui devraient permettre aux jeunes filles de reprendre leurs études après l’accouchement. Certaines de ces directives sont punitives, notamment l’obligation pour l’adolescente enceinte d’obtenir une lettre de suspension de l’école, d’obtenir une lettre d’un médecin reconnu pour attester de la grossesse, et l’insistance pour que la fille enceinte révèle l’identité de l’homme responsable de la grossesse. Les mêmes mesures punitives sont étendues à l’écolier responsable de la grossesse, qui doit être suspendu en même temps que la jeune fille. Il convient de noter que ces directives, selon les informateurs clés interrogés, n’ont jamais été mises en œuvre, à l’exception de l’insistance à ce que la fille révèle l’identité de l’homme responsable de la grossesse.
Une étude22 note que le Ministère de L’éducation et de la Formation Professionnelle (MoEVT) de Tanzanie continentale a clairement indiqué en 2010 qu’il n’existait aucune politique officielle exigeant l’expulsion des adolescentes enceintes de l’école ou les empêchant de retourner à l’école après l’accouchement. Ainsi, il a demandé la réadmission à l’école des filles enceintes après l’accouchement. Il est douteux que cette directive n’ait jamais été suivie, et les filles ont continué à être expulsées des écoles.
Il convient de noter que certaines adolescentes tombent enceintes parce qu’elles sont légalement mariées–la Loi sur Le Mariage (Edition Révisée de 201923) autorise les filles de 15 ans et plus à se marier. Il s’agit d’une dérogation aux normes internationales et à la loi tanzanienne sur le droit de l’enfant, qui reconnaît qu’un enfant est toute personne âgée de 18 ans et moins. La loi sur le mariage prévoit ce qui suit :
13.-(1) Nul ne peut se marier si, étant de sexe masculin, il n’a pas atteint l’âge apparent de 18 ans, ou si, étant de sexe féminin, il n’a pas atteint l’âge apparent de 15 ans.
(2) Nonobstant les dispositions du paragraphe (1), le tribunal a, à sa discrétion, le pouvoir de donner, sur demande, l’autorisation de se marier lorsque les parties,
Les plans de développement du secteur de l’éducation (ESDP) – 2016/17 – 2020/21 stipulent des objectifs qui, s’ils sont entièrement mis en œuvre, devraient permettre à tous les enfants tanzaniens – garçons et filles – de terminer leur éducation de base. Cependant, la pratique officielle du gouvernement est évidemment en contradiction avec les aspirations de l’ESDP. La pratique consistant à expulser les filles enceintes de l’école et à leur refuser la possibilité de reprendre leurs études après l’accouchement, empêche des milliers de filles de terminer leur éducation de base. Le débat sur la question de savoir si les mères adolescentes enceintes devraient être autorisées à reprendre leurs études est ancien en Tanzanie. Diverses déclarations politiques ont reconnu la nécessité de permettre aux mères adolescentes enceintes de poursuivre leurs études. Par exemple, les Directives sur la Manière de Permettre aux Ecolières Enceintes de Poursuivre 21 http://www.tzdpg.or.tz/fileadmin/documents/dpg_internal/dpg_working_groups_clusters/cluster_2/education/Guidelines_Enabling_Pregnant_Girls_
ou l’une d’entre elles, n’ont pas atteint l’âge prescrit au paragraphe si-
(a) chaque partie a atteint l’âge de quatorze ans ; et
(b) le tribunal est convaincu qu’il existe des circonstances particulières qui rendent le mariage proposé souhaitable (Caractères gras ajoutés pour mettre l’accent).
Les appels de plus en plus nombreux en faveur de la poursuite des études par les mères adolescentes semblaient avoir perdu l’élan en juin 2017 lorsque le regretté président tanzanien, Dr John Pombe Magufuli, dans l’un de ses discours publics dans le district de Bagamoyo a ordonné que les filles qui tombent enceintes à l’école ne seront désormais pas autorisées à poursuivre leur éducation pendant son mandat de président24. Il a demandé aux mères adolescentes de chercher d’autres possibilités d’avancement scolaire ou de s’engager dans l’agriculture et d’autres activités économiques. Les tentatives faites par les acteurs internationaux, notamment la Banque mondiale, pour faire pression sur la Tanzanie en suspendant l’aide n’ont pas porté beaucoup de fruits.
Comme nous l’avons déjà observé, les régimes politiques relatifs à la grossesse des adolescentes et à la reprise de la scolarité sont plus favorables dans les îles tanzaniennes de Zanzibar. En 2005, le Gouvernement Révolutionnaire de Zanzibar (RGZ) a promulgué la loi sur la Protection des enfants des Mères Célibataires et ceux des familles Monoparentales Numéro 4 de 2005. Cette loi permet aux filles qui tombent enceintes alors qu’elles sont dans des écoles primaires et secondaires de poursuivre leurs études après l’accouchement. Malgré cette disposition politique habilitante et le contexte juridique favorable, de nombreuses adolescentes qui tombent enceintes alors qu’elles sont dans des écoles primaires et secondaires à Zanzibar continuent d’abandonner l’école chaque année (Niboye, 2018, voir les notes en fin de texte pour une référence complète).
D’autre part, dans la plupart des cas, le retour des mères adolescentes à l’école ne se fait pas toujours sans heurts, et beaucoup d’entre elles ne progressent pas vers le secondaire supérieur et l’enseignement supérieur pour diverses raisons individuelles, institutionnelles et socioculturelles. Niboye (2018, voir notes en fin de texte) observe que les mères adolescentes qui bénéficient d’une relation plus favorable, par le biais du mariage ou du soutien parental, sont plus susceptibles de reprendre leurs études après l’accouchement. De plus, il ne note aucun handicap majeur dans les résultats scolaires des mères adolescentes ; en fait, il affirme que celles qui bénéficient d’un soutien important obtiennent des résultats exceptionnels dans leurs études. Un inconvénient de la politique de Zanzibar est que les filles n’ont qu’une seule chance d’être enceintes. Une fille qui tombe enceinte deux fois perd sa chance de poursuivre ses études.
24 Niboye, op.cit.
Conclusions
Tout d’abord, les quatre pays étudiés sont tous membres de l’Union africaine (UA). Par conséquent, ils sont liés aux engagements et aux aspirations continentales de l’UA en matière d’éducation, aux droits des filles à l’éducation et à la position claire de l’UA sur la non-discrimination. Deuxièmement, les quatre pays ont des constitutions nationales qui garantissent les droits fondamentaux et chacune contient des dispositions explicites sur la nondiscrimination. Troisièmement, les quatre pays ont tous des politiques et des plans nationaux d’éducation qui visent à augmenter les inscriptions, la rétention, la transition, et à atteindre l’équité et la qualité dans les résultats de l’éducation. En principe, donc, aucun pays ne devrait exercer une discrimination dans ses pratiques à l’encontre des écolières enceintes ou des mères adolescentes. Enfin, sur le papier, chacun des quatre pays dispose de directives politiques sur la rentrée scolaire des filles qui tombent enceintes, que ce soit au niveau de l’école primaire ou secondaire.
Les quatre pays se présentent des niveaux différents de mise en œuvre et de pratique des politiques. Aucun de ces pays ne met pleinement en œuvre les politiques de réinsertion stipulées dans les directives nationales. Ce manque de fidélité dans la mise en œuvre des directives nationales pourrait être attribué en partie aux lacunes en matière de capacité institutionnelle. De manière générale, le manque de sensibilisation à l’existence de directives sur les politiques de réinsertion a été cité comme une lacune majeure dans la mise en œuvre des politiques. Cependant, il y a également un manque de bonne volonté politique et un niveau de moralisation de la grossesse des adolescentes parmi les décideurs politiques et les exécutants aux niveaux inférieurs. Ces facteurs constituent des goulots d’étranglement à la réalisation de la réinsertion des mères adolescentes, même si les directives de la politique nationale prévoient la réinsertion et la non-discrimination. La Tanzanie continentale est le pays le plus éloigné dans le continuum des obstacles à la réinsertion scolaire des mères adolescentes.
Certaines conditions de réadmission, même si elles sont bien intentionnées, peuvent créer des obstacles supplémentaires et dissuader les mères adolescentes qui cherchent à rejoindre l’école. Les mères adolescentes partent d’un point défavorisé. Dans la plupart des cultures, la grossesse chez les adolescentes est entourée d’une aura de honte, de culpabilité et de stigmatisation. De plus, le double fardeau d’être parent à l’adolescence et de poursuivre des études empêche les adolescentes de désirer rentrer à l’école. Ainsi, lorsque des contraintes supplémentaires telles que la certification médicale (comme au Sénégal, en Namibie et en Tanzanie), l’autorisation des travailleurs sociaux (comme en Namibie) et les demandes de réadmission (comme au Malawi) sont imposées, les mères adolescentes peuvent choisir de quitter complètement l’école.
Enfin, d’après les preuves recueillies et analysées pour cette évaluation, les quatre pays sont encore loin de se conformer aux normes et standards internationaux en matière de réintégration scolaire des mères adolescentes. La mise en œuvre des politiques est faible et l’application des directives est tout aussi faible et ad hoc. De plus, les contraintes imposées par les pays comme conditions ou exigences de réadmission vont à l’encontre des normes et standards internationaux.
Recommandations
Les recommandations suivantes peuvent être formulées :
1. Il est nécessaire de mener un plaidoyer continu et concerté afin d’éliminer les obstacles qui empêchent les adolescentes enceintes de poursuivre leur éducation et pour mettre en place d’une législation permettant aux mères adolescentes de reprendre leurs études dès que cela est pratique et faisable. Les limitations concernant le nombre de réadmissions autorisées pour les mères adolescentes doivent être éliminées des politiques et directives. Une campagne axée sur les droits des filles à l’éducation devrait donc être organisée tant au niveau national que régional.
2. Il est nécessaire de mener campagne pour que les environnements scolaires soient sûrs et conviviaux pour les mères adolescentes. Il doit y avoir la tolérance zéro pour la stigmatisation par les enseignants et les autres apprenants, ou toute forme d’intimidation. De plus,
lorsque les mères adolescentes choisissent d’amener leur bébé à l’école, des dispositions spéciales doivent être prises pour les stations d’allaitement et d’autres activités de soins aux bébés. Les écoles doivent offrir un soutien psychosocial aux enseignantes enceintes et aux mères adolescentes pour leur permettre de faire face et de s’épanouir dans l’environnement scolaire.
3. Il est nécessaire de renforcer le soutien général et de créer des coalitions pour promouvoir les politiques de rentrée scolaire. Ce large soutien doit transcender les barrières traditionnelles de la dichotomie société civileétat. Le FAWE et ses partenaires doivent établir un large réseau entre les gouvernements, les organisations intergouvernementales régionales, la société civile et le secteur privé à différents niveaux afin de construire une coalition ou un réseau qui fera efficacement des campagnes contre les obstacles aux politiques de rentrée scolaire. Il est important de formuler les questions en ciblant des valeurs fondamentales partagées par tous pour obtenir le soutien d’un large éventail d’acteurs et de parties prenantes.
4. Le FAWE doit identifier les fenêtres politiques et développer des campagnes de plaidoyer sur mesure afin d’optimiser ces opportunités. Par exemple, une opportunité unique s’est présentée en République-Unie de Tanzanie avec l’arrivée d’une femme présidente. Travailler avec des organisations partageant les mêmes idées pour présenter des alternatives et des solutions réalisables et tangibles aux politiques existantes serait la réponse la plus idéale à cette fenêtre politique.