Texte Mathieu Rosan
Interview
Image Marcim Kempski
YELLE « NOUS N’AVONS PAS LA VOLONTÉ DE FAIRE UNE MUSIQUE INTEMPORELLE » Six années après Complétement fou, Yelle fait son retour avec L’Ère du Verseau, un quatrième album teinté de nuances et de thématiques plus sombres qu’à l’accoutumée. Composé de Julie Budet et du producteur GrandMarnier, le duo nous propose un album plus intimiste et mélancolique où tubes de club et douces ballades s’entremêlent. Pionnier d’une chanson électro-pop en français qui a su séduire dans le monde entier, Yelle confirme tout le bien que l’on pensait d’eux. Bien loin du phénomène internet de la fin des années 2000, le duo nous propose ici l’un des projets musicaux les plus aboutis de 2020. Rencontre avec Julie Budet à quelques mois d’un concert évènement prévu à la Bam de Metz le 6 mai prochain.
« NOTRE RELATION AVEC LE PUBLIC A ÉTÉ UN PEU BROUILLÉE À SES DÉBUTS »
C’est une question que l’on doit te poser souvent, mais pourquoi avoir placé ce nouvel opus sous l’égide du Verseau ?
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Plus qu’un signe astrologique, c’est surtout une ère que l’on évoque ici. Celle qui arrive et qui succède à l’ère du poisson, plutôt régie par le pouvoir, la violence, la guerre ou encore la religion. De manière plus large, tout ce qui concerne le pouvoir pyramidal. On aimait beaucoup l’idée de parler de cette période qui lui succède et qui s’annonce plus égalitaire et fraternelle. Nous traversons un moment compliqué et, même s’il n’y a pas de chansons qui évoquent cela précisément, nous avions envie que les gens puissent se questionner en voyant le titre de l’album et capter le message positif qui lui était inhérent. Justement, tu évoques ce message positif et pourtant, contrairement à Complétement fou, sorti il y a 6 ans, Yelle propose ici un opus qui semble beaucoup plus sombre et mélancolique. On imagine que c’est parce que c’est quelque chose qui vous ressemble plus aujourd’hui… Je pense, oui. Nous essayons toujours d’être en accord avec nous-mêmes et de refléter les choses que l’on vit, que l’on ressent, qui peuvent nous toucher et nous émouvoir. Sur cet album, nous nous sommes rendus
compte que nos créations étaient en effet beaucoup plus mélancoliques. Nous aimons pouvoir refléter nos émotions, ce que l’on vit à l’instant présent. En l’occurrence, même si cet album peut paraître plus sombre, on y trouve aussi beaucoup d’espoir. Finalement, il fait un parallèle avec ce que l’on peut vivre actuellement. Est-ce également un moyen pour vous d'assumer certaines facettes plus souterraines de votre personnalité à tous les deux ? Complètement ! Il n’est pas toujours évident de trouver la balance entre les choses que l’on souhaite raconter de soi et celles que l’on a envie de préserver. Nous devons trouver cet équilibre entre le fait de pouvoir être dans la sincérité avec le public tout en gardant les histoires que nous aimons inventer dans nos chansons. Je pense effectivement que nous sommes arrivés à cet âge où l’on assume beaucoup plus les choses. Nous avons plus confiance en nous. Nous avions donc envie d’explorer cette partie-là, de nous dire qu’elle fait partie de ce que nous sommes au plus profond. Nous sommes des adultes avec une âme d’enfant. Nous avons toujours cette naïveté, mais nous sommes effectivement beaucoup plus conscients de nos faiblesses. Nous les acceptons peut-être plus et nous avons aussi davantage le désir d’en parler, car nous sentons que cela résonne chez les autres. C’est finalement quelque chose de générationnel. Les étapes de nos vies font écho avec ce que vivent les gens de manière générale donc nous essayons d’être le reflet de leurs émotions. Lorsque j’écoute de la musique, j’ai envie que cela me parle, de me retrouver dans certains passages de vie qui me paraissent importants. C’est comme une petite bouée à laquelle on peut s’accrocher quand les choses ne vont pas.