Introduction
Si vous avez ce livre entre vos mains, que vous soyez dans un fauteuil confortable ou debout dans un métro bondé, ce n’est pas dû au hasard : vous êtes peut-être une personne introvertie. Ou alors, la curiosité vous anime et vous souhaitez comprendre comment fonctionnent les personnalités introverties. Quelle que soit la raison de votre lecture, vous êtes au bon endroit.
« Être une personne introvertie » : qu’est-ce que ça signifie au juste ?
Beaucoup vous répondront qu’il s’agit d’un gros mot. D’autres se laisseront porter par une multitude d’idées reçues et vous transmettront leurs a priori.
L’inconscient collectif regorge de termes péjoratifs pour expliquer ou justifier le tempérament introverti. Les définitions sont la plupart du temps incomplètes et les connotations de ses synonymes sont souvent négatives ou invitent aux raccourcis.
Comment interpréter la retenue, le silence ? Est-ce de la timidité ? de la désinvolture ? un manque d’assurance ? Tout le monde semble avoir un avis sur la question. Nous naviguons ainsi en eaux troubles, entre les certitudes des autres, nos questionnements intérieurs et les clichés réducteurs sur ce que seraient les personnes introverties.
Mais au-delà de ce que nous serions, qui sommes-nous vraiment ? Si même les définitions du mot « introversion » paraissent incomplètes ou inexactes, où se trouve la réalité ? Peut-être ailleurs. Sûrement en nous. Cette réalité, le monde a besoin de l’entendre, de la lire. Et à travers la conception de ce livre, une merveilleuse opportunité s’est offerte à moi : celle de raconter cette réalité-là, mais aussi de la rendre légitime.
L’adjectif « introverti·e » demeure une énigme, un mystère qui se range vite au fond du placard. Et si nous prenions le temps de l’étudier et de le redéfinir ?
À force de lire et d’entendre tout et son contraire sur ce trait de personnalité particulier, nous finissons par croire à notre tour que nous sommes timides, que nous manquons d’assurance ou que nous faisons preuve de froideur. Comment distinguer le vrai du faux ? Personne n’est en mesure de nous réconforter au sujet de notre nature profonde, car personne ne sait vraiment ce que l’introversion peut être. On se nourrit de ces mots dont on ne connaît même pas les véritables définitions et on abreuve son esprit d’approximations.
Résultat, ces termes agissent comme des échardes sous la peau : on peut continuer à les ignorer et à mener notre vie comme si de rien n’était, mais la gêne qui en résulte est indéniable. En un sens, ces paroles
nous façonnent, mais en réalité, elles ne nous changent pas pour autant. Nous vivons avec. Nous comprenons au fond de nous que quelque chose dans notre façon d’être détonne dans ce paysage fait de normes et d’injonctions.
Petit à petit, ces mots se muent en barrières inconscientes qui nous empêchent d’avancer. Ils résonnent encore dans mon cœur tous les soirs où je me surprends à douter. Peut-être que vous savez de quoi je parle. Peut-être que ces mots, vous les entendez encore quelque part, vous aussi.
Faut-il nécessairement faire du bruit pour se faire entendre ?
Pour beaucoup, accaparer l’espace sonore mène à une forme de légitimité. Il faut parler – si possible beaucoup –, sortir quand nous en avons l’occasion, honorer les invitations, multiplier les rencontres et les relations. Se trouver au centre de l’action serait la clé magique qui nous ouvrirait toutes les portes et qui nous aiderait à gagner le respect des institutions et de notre entourage.
Partout, nous entonnons la chanson qui glorifie cet idéal : l’idéal extraverti. Dans notre monde occidental, en effet, c’est l’exposition très claire de notre personnalité, de notre individualité, de façon directe par le biais de notre image et du son de notre voix, qui prime avant tout. Ainsi, ce sont les personnalités les plus expressives qui, par la place qu’elles prennent, sont valorisées aussi bien sur le plan personnel que professionnel.
Pourtant, les personnalités extraverties, bien que surreprésentées, ne fonctionnent pas toutes selon un modèle unique. D’ailleurs, elles ne sont pas forcément plus
assurées, plus douées ou plus débrouillardes que leurs homologues au tempérament plus introverti. Mais tout cela, le reste du monde ne nous l’apprend pas, parce qu’il ne le sait pas. Nous n’avons donc aucune possibilité de comprendre qu’il n’existe pas de hiérarchie établie, mais simplement des personnalités différentes.
Changer de perception, porter un regard neuf sur soi permet de se redonner une chance.
Je rêve d’une réalité où nous pourrions échanger nos perceptions du monde. Car si vous pouviez vous voir à travers mes yeux, cela vous enchanterait. Et j’aimerais qu’en refermant ce livre, vous sentiez que le regard que vous portez sur vous-même s’est adouci grâce à un déclic salutaire.
C’est pour cela que dans ces pages, vous ne trouverez pas d’injonctions à sortir de votre coquille ou de méthodes pour gommer votre nature introvertie. Il n’y aura pas non plus d’exercices pour vous apprendre à vous redresser, à parler plus fort ou à regarder les autres dans les yeux. Tout cela peut vous aider dans certaines situations, j’imagine, mais mon ambition dans ce livre est surtout de vous apprendre à contempler l’être que vous êtes avec plus d’indulgence.
Je voudrais que vous puissiez vous regarder vraiment, comme vous méritez que l’on vous regarde.
Le Guide du Gang des Introverti(e)s s’appuie à la fois sur mon vécu et sur mes nombreux échanges privilégiés avec la merveilleuse communauté de ce gang. J’espère qu’il vous accompagnera sur le chemin de l’acceptation de votre introversion, de la compréhension de votre fonctionnement à la communication de
vos besoins. J'espère qu'il vous invitera à fixer vos limites et à prendre soin de vous, mais aussi à vous donner le courage de considérer votre épanouissement et de faire le ménage dans votre vie, à l’intérieur comme à l’extérieur de vous.
Considérez ce guide réalisé avec amour et sincérité comme un phare dans la nuit
lorsque vous n’avez plus confiance en rien. Vous pouvez le lire et le relire, dans l’ordre ou en commençant par le chapitre qui vous parle le plus.
Célébrons l’introversion : bienvenue dans le Guide du Gang des Introverti(e)s !
Ces clichés par milliers avec lesquels nous vivons M
on premier réflexe, lorsque j’ai tenté de définir l’introversion, a été tout naturellement d’ouvrir quelques dictionnaires pour avoir des définitions claires et poser les bases. Mais hélas, j’ai été stupéfaite de trouver un florilège de définitions incomplètes ou réductrices. Il était donc impossible pour moi de démarrer ce chapitre sans tenter de définir l’introversion tout en dénonçant ces nombreux clichés qui nous mènent la vie dure !
Sur Linternaute.fr, je lis qu’une personne introvertie est « renfermée », « repliée », « réservée », « timide » et qu’elle « parle peu en présence de personnes qu’elle ne connaît pas ». Le Larousse en ligne décrit l’introversion comme une « tendance à se replier sur soi-même ». Une personne introvertie serait donc secrète, timide et silencieuse.
Le Trésor de la langue française informatisé fait mention d’un être « porté à l’introversion, à vivre centré sur soi-même, ce qui, avec un repliement sur soi plus ou moins important, entraîne à se détourner du monde extérieur ». Reverso décrit une personne qui « polarise sa vie mentale sur sa vie intérieure au détriment des contacts avec le monde extérieur », comme si un entre-deux était inenvisageable. Selon ces sites, une personne introvertie serait donc déconnectée du monde extérieur.
Quant au dictionnaire en ligne Cordial, il définit l’introversion comme l’« attitude d’être attentif seulement à soi-même, de ne pas extérioriser ses sentiments ».
Pour les synonymes, les termes péjoratifs s’enchaînent aussi : « replié », « taciturne » ou « silencieux » pour L’Internaute,
« antisocial », « égocentrique », « oublieux » ou encore « égoïste » pour Reverso. On passe d’un enfermement sur soi à une attitude de rejet de la société et à une tendance à l’égoïsme . C’est ce qu’on appelle une escalade soudaine !
Les expressions de tous les jours associent par ailleurs l’introversion à une forme d’invisibilité. Ce sont des expressions que nous avons intégrées sans le savoir dans le langage courant : une personne plutôt dans l’observation devient une « plante verte », un « fantôme », un « élément du décor », elle « rase les murs » et n’a « pas de langue »…
Au-delà de leur dimension négative, ces termes peuvent résonner en nous avec violence quand l’introversion nous concerne. Difficile de ne pas le prendre personnellement, et difficile de ne pas avoir peur lorsque nous nous sentons seul·es, sans représentations positives. Ces définitions contiennent une forme de jugement qui nuit à l’estime de soi.
Pour aller plus loin, j’ai fait ce que j’adore faire quand il s’agit de décrypter un concept : taper un mot-clé sur Google et analyser le plus de contenus possible. Mes trouvailles sont assez riches pour confirmer
Focus
D’où viennent ces stéréotypes ? C’est notre société occidentale, portée par la culture américaine, qui a durablement donné au modèle extraverti ses lettres de noblesse. En Occident, la valeur d’un « individu modèle » s’évalue en fonction de sa capacité à exprimer sa singularité, verbalement et physiquement. Ainsi, parler fort, s’imposer, faire son show et prendre de la place seraient des signes évidents de confiance, de puissance et de domination. En occupant l’espace physique, on prendrait donc d’une certaine manière l’ascendant sur l’autre, on ferait preuve de supériorité. Or l’idéal du modèle extraverti est bien enraciné dans notre société. Prendre son temps pour s’exprimer est donc interprété comme un manque d’aisance ou de confiance en soi, de la froideur, voire de l’incompétence. En entreprise, en famille, dans le cadre amical ou affectif, nous, personnes introverties, devons tant bien que mal rentrer dans le moule et nous conformer aux conventions sociales. Les contenus de développement personnel nous invitent à sortir de notre coquille, à quitter notre zone de confort, à nous débarrasser de notre réserve et à nous adapter. Alors nous nous adaptons, nous nous suradaptons même, parce que c’est souvent la seule solution envisageable.
Je trouve surtout mon énergie à l’intérieur de moi. Mes pensées et mes réflexions me nourrissent, j’aime aller et venir dans mon petit jardin secret pour me régénérer. (I)
À choisir, je préfère les rassemblements, les événements qui impliquent du monde, les mondanités, les rencontres, les activités avec des échanges multiples : je rentre chez moi plein·e d’énergie. (E)
Quand on pense à moi, on visualise une idée de sagesse, d’écoute. On dit que je suis une personne calme et posée, une « force tranquille ». Je semble plutôt être quelqu’un de réservé au premier abord. (I)
Pour transmettre mes idées, je ressens le besoin de les communiquer au fur et à mesure, d’échanger avec d’autres personnes pour les développer. J’exprime tout haut le fil de ma pensée. (E)
J’ai besoin de prendre le temps pour moi afin de réfléchir au développement d’une idée. J’ai besoin d’anticiper avant d’agir. (I)
Si je reste trop longtemps entouré·e de monde, je souffre du trop-plein de stimuli et d’interactions, j’ai le sentiment de ne plus être « présent·e », ça me fatigue. (I)
Je peux rester seul·e, mais cela peut vite devenir difficile à supporter pour moi au bout de quelques heures. J’ai besoin de voir des gens. (E)
J’aime établir des connexions intenses… Mais j’adore aussi les autres relations. J’ai des ami·es, des potes, des connaissances, tout le monde est intéressant pour moi ! J’adore rencontrer du monde. (E)
Je me recentre dans la solitude, ça me permet de me régénérer. Je peux passer un temps important en solo, sans que ça me dérange. (I)
Vrai Faux Lettre I ou E
« Timide », « dans la lune », « à l’écart », « pas sociable »… Si vous êtes une personne introvertie, ces étiquettes font certainement partie de celles qu’on vous a régulièrement collées, depuis les bulletins d’évaluation de vos premières années d’école jusque dans votre vie professionnelle. Au sein d’une société qui valorise davantage l’extraversion, ces clichés peuvent faire des dégâts et être de vrais freins à l’acceptation de soi, tout au long de la vie.
Elle-même introvertie, l’autrice de ce guide bienveillant et déculpabilisant ne vous donnera pas de conseils pour « vous affirmer » ou « sortir de votre coquille » mais vous aidera à prendre conscience de toutes les facettes de votre personnalité qui font votre richesse et votre singularité. Laissez-vous guider sur la voie d’une meilleure connaissance de vous-même et brillez enfin de tous vos feux !
Liv Vesper , créatrice de contenus, est la voix derrière le compte Instagram @gangintrovertis . Depuis décembre 2019, elle partage conseils et histoires personnelles autour de l’introversion et de l’acceptation de soi avec humour et sincérité.
Le Guide du Gang des Introverti(e)s est son premier livre.
À la fois graphiste et illustratrice, Gaëtane Rosell ( @gaet_rosell sur Instagram) est aussi féministe, végétarienne et écolo, et valorise dans son travail l’inclusivité et la diversité des représentations.
www.mangoeditions.com