6 minute read

Les générations et leur relation 10 à la télévision aujourd’hui

Pour débuter cette année d’échanges, les membres du Conseil consultatif des programmes se sont interrogés en préambule sur leur rapport à la télévision aujourd’hui. Dès le début de leurs discussions, il est apparu que leur relation actuelle au télévisuel ne pouvait se lire et se comprendre sans interroger plus largement leur consommation de contenus audiovisuels en général, sur le linéaire comme le non-linéaire, sur le web ou les plateformes.

Si l’ensemble des conseillers observent que des logiques de consommation de contenus variées continuent de coexister – entre des logiques classiques d’offre liées au linéaire et des logiques de demande plus actuelles...

« Mon choix se fait suivant le programme proposé pour la soirée sur les chaînes, selon si quelque chose me plaît je regarde en direct, sinon c’est replay ou Netflix. »

« La question des plateformes, c’est central, pour moi-même et les gens autour de moi, la télé est en train de disparaître. On projette sur des écrans et à part avoir l’application france.tv, on ne regarde plus vraiment la télé. »

... Tous reconnaissent que l’expérience accélérée des plateformes de SVOD ces dernières années a fortement influencé leur manière d’envisager la façon de consommer les offres audiovisuelles aujourd’hui.

« J’ai une télévision mais je l’utilise très peu. Je regarde en direct les matchs de rugby qui sont diffusés et quelquefois des émissions (je ne rate jamais Top Chef ou Koh-Lanta), mais la plupart du temps toujours en replay. »

« Je ne me vois pas me passer de mes abonnements, c’est ce que je regarde partout, tout le temps. »

Ainsi, il apparaît à la faveur de leurs échanges que « l’expérience plateforme » et ses caractéristiques constituent aujourd’hui l’horizon d’attente installé en matière de consommation de contenu audiovisuel, tandis que la télé représente plutôt le négatif dans ce « match à distance ».

« Je remarque que depuis quelques années nous avons tous pris de nouvelles habitudes qui se sont très vite installées et semblent très loin de la télé “à la papa”. »

Les générations et leur relation à la télévision aujourd’hui

Une expérience qui s’est développée autour de l’imaginaire puissant de l’accès libre au contenu, de la position centrale du public dans ses choix, ses découvertes, sa consommation…

« Grâce aux plateformes, ça ne m’arrive plus de me retrouver devant un programme moyen un peu choisi par défaut sur la télé, tandis que je choisis très clairement ce que je regarde en replay. »

« On ne subit plus aujourd’hui, on a le choix du roi et ça change tout, on peut être exigeant, suivre ce que l’on veut. »

« On est libre, moins dépendant des programmes. » nombreux éléments irritants (publicités, prime tardif, VF...).

« Je préfère aujourd’hui consommer la télé depuis Salto ou myCANAL qui me permettent de regarder les programmes que j’aime sans publicité et en bonne qualité visuelle et en version originale. »

« Je trouve la fonction de lecture automatique et de reprise d’un contenu en cours assez pratique, surtout pour enchaîner les épisodes les uns derrière les autres lorsque la série est prenante. »

« Sur les plateformes, on regarde les nouveautés avec mon conjoint (parfait pour faire des pauses dans les programmes), et plus de choix. »

Une expérience aussi fortement valorisée autour d’offres inédites, riches, régulièrement renouvelées, notamment en comparaison d’une offre télévisuelle jugée plus redondante.

« Il y a régulièrement des nouveautés, de nouvelles séries, des univers différents, des histoires fortes, je découvre toujours quelque chose de neuf ! »

« C’est Noël tous les jours ! »

« Je visionne Netflix et Disney pour les inédits : fims, séries, et les créations. »

… En matière de confort de visionnage ensuite, autour d’une expérience très fluide face à un environnement de visionnage télévisuel aux

« Il n’y a pas de pub, vous êtes tranquille avec une facilité d’utilisation déconcertante ! »

« J’apprécie beaucoup le fait que tout soit réuni sur une seule plateforme. »

« Quand on compare à la télé où on retrouve toujours les mêmes séries, les mêmes personnalités, les mêmes jeux, c’est sûr que ça fait mal, parce que sur Netflix et Cie ça bouge tout le temps. »

Et autour de propositions de contenus très originaux, audacieux, qui tranchent avec une offre télé plus conservatrice.

« Amazon Prime et Netflix, c’est plus pour regarder des films ou des séries qui sont récentes et de bonne qualité. »

« Sur la télé, j’ai le sentiment que je vais trouver un style cinématographique un peu désuet et trop de séries “bas de gamme”, alors que sur les plateformes on sent que c’est plus dans l’air du temps, plus léché. »

« Ce sont des programmes (séries, documentaires) qui vous emmènent dans des mondes très différents de ce qu’on peut voir ailleurs, c’est original, vivant. »

Les générations et leur relation à la télévision aujourd’hui

Les conseillers observent que ces éléments conjugués dessinent un téléspectateur plus exigeant et très sélectif à l’égard des différentes offres à sa disposition, en matière de qualité des contenus comme de facilité d’accès.

« Aujourd’hui, je ne me prends plus la tête quelque part car je suis devenu exigeant sur ce que je vais regarder, il y a tellement de choses à voir que je ne veux pas perdre mon temps. »

« Netflix, c’est une plateforme très intuitive à utiliser et qui est proche de l’utilisateur dans ses propositions de séries et films grâce au profil que l’on peut renseigner. En plus, sur la page d’accueil il y a une vidéo de présentation. »

« Je suis plus attentive à ce que je regarde, la qualité, l’image, l’histoire, je ne veux pas m’ennuyer. »

« Aujourd’hui, on ne veut plus galérer des plombes à trouver un programme ou attendre que la pub passe pour commencer à le regarder. »

Les membres du Conseil ont également discuté des revers de cette révolution… Notamment de la difficulté à devoir faire face à l’hyperchoix parfois, au désarroi du téléspectateur devant la richesse de l’offre.

« On est passé de 5 chaînes à tout ce qu’on veut en quinze ans, certains ne se sont pas encore complètement habitués. »

« Je ne compte plus les soirs où on met plusieurs dizaines de minutes à trouver la série ou le film avec mon conjoint. »

« Parfois j’abandonne, je finis par regarder un truc que j’ai déjà vu. »

« Déjà lorsque l’on dispose de deux plateformes en même temps, ça propose un très large choix, et on ne sait plus où donner de la tête. »

« Je suis indécise face à la large offre proposée et j’abandonne parfois sans regarder aucun programme. »

... les conseillers ont exprimé leurs regrets face à « l’individualisme », conséquence de l’efficacité des dispositifs de personnalisation, accentué par la multiplication des écrans, déplorant une consommation très individuelle, atomisée, au sein des foyers.

Et si certains contenus très populaires parviennent à réunir sur les plateformes le public de manière diffuse, dans une sorte de logique cérémonielle mais désynchronisée...

« C’est différent de la télé mais on retrouve toujours cette idée de série populaire qu’il faut avoir vue si on veut être à la page. »

« Les gros cartons de Netflix, tout le monde les a vus, mais c’est vrai qu’on ne partage plus vraiment ça en direct, comme quand on en parlait le lendemain dans la cour du lycée. »

« Les replays et lorsque c’est sur l’ordi, c’est toujours seule, car ce sont des programmes spécifiques qui m’intéressent moi uniquement. »

« Ce qui motive mes choix, c’est l’humeur, l’envie du moment, les offres proposées, les documentaires, les reportages... Et cela se déroule plutôt lorsque je suis seul. »

« Mon choix est clairement variable, c’est souvent en fonction de mon humeur et de ma forme. »

Les générations et leur relation à la télévision aujourd’hui

Une logique de consommation plus personnelle dont la télévision – comprise dans sa dimension stricte du linéaire – incarne le reflet inversé.

Les membres du Conseil ont ainsi souhaité rappeler de cette façon l’importance de sa vocation rassembleuse autour d’événements majeurs et fédérateurs. D’autant plus précieuse par ailleurs dans des contextes sociaux et sociétaux difficiles.

« La télé réunit les gens dans les grands moments, ou autour des programmes qu’on partage à plusieurs, les soirées Top Chef avec nos amis, etc. »

« La télé pour moi, ça reste le média des grands moments, comme les finales sportives, les moments d’actualité importants dont on se souvient tous ensemble. »

« Partager au même moment la même chose, ça reste pour l’instant le pré carré de la télévision. »

Mais aussi sa capacité, toujours intacte, via le direct, à jouer le rôle réconfortant d’accompagnant du quotidien, notamment en access.

« La télé, c’est aussi une présence, je ne mettrais jamais Netflix en fond, j’ai besoin de cette présence un peu comme la radio, qu’on me parle. »

« Le soir en rentrant, j’apprécie les talk-shows, ce n’est pas prise de tête, on peut suivre d’une oreille, ça accompagne ma routine de manière agréable, pas besoin d’être concentré dessus. »

Ces éléments démontrent aux yeux des conseillers l’actualité et la pertinence de la télévision historique, mais également sa fragilité au moment où les plateformes investissent elles aussi les domaines réservés du télévisuel comme le sport ou le divertissement.

« On voit bien que ces dernières années les plateformes essayent de tout rafler, par exemple Amazon et Roland-Garros, ou d’une autre façon Netflix et sa série documentaire sur la formule 1 et bientôt le Tour de France. »

Dans ce contexte très dynamique, le Conseil engage ainsi France Télévisions à intégrer pleinement les paramètres de ce nouveau paradigme audiovisuel en poursuivant notamment sa montée en puissance sur le numérique à travers une « plateformisation » lisible et efficace (cf. partie 2) intégrant les codes et les normes attendues de cette révolution (cf. partie 3).

This article is from: