Diminuer risque entorse consécutif à la pratique du ski alpin

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Diminuer le risque d’entorse consécutif à la pratique du ski alpin La chaussure de ski devrait-elle être considérée comme orthèse ? Par Frédéric Brigaud

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e souhaiterais mettre en avant les conséquences biomécaniques du port de la chaussure de ski sur la stabilité de la cheville. Vous n’êtes pas sans savoir que la pratique du ski alpin nécessite de bloquer le pied, la cheville et la partie inférieure de la jambe dans une chaussure rigide. Les seuls mouvements possibles mais limités au sein de cette chaussure lorsque celle-ci est serrée sont de légers mouvements de flexion/extension de la cheville. Les mouvements d’inversion et d’éversion permettant d’orienter la face plantaire du pied vers l’intérieur ou l’extérieur sont impossibles, bloqués par la chaussure. Cette perte de mobilité a des répercussions sur le système musculaire stabilisant ce secteur et, comme nous allons l’expliquer, favorise l’apparition d’entorse. Rappels anatomiques et biomécaniques de l’articulation de la cheville et de l’articulation sous-talienne. La cheville est composée de trois pièces osseuses; le tibia, la fibula (péroné) et le talus (astragale). Le tibia et la fibula forment une mortaise englobant le talus qui représente un tenon. Cette articulation possède un seul axe de mobilité permettant des mouvements dit de flexion/extension de la cheville. L’articulation sous-jacente, nommée sous-talienne (ou sous-astragalienne), permet d’incliner latéralement le talon et participe au mouvement d’inversion et d’éversion du pied. Le contrôle de cette articulation détermine la stabilité latérale de ce secteur c’est-à-dire l’articulation sous-talienne et l’articulation de la cheville; talon (calcanéum), talus, mortaise péronéo-tibiale. Les mouvements de cette articulation (sous-talienne) sont contrôlés par des muscles dit latéraux; les muscles fibulaires (court et long fibulaires ou encore nommés court et long péroniers latéraux) produisant une éversion du pied et les muscles jambiers (jambier antérieur et postérieur encore nommés tibialis postérieur et antérieur) produisant une inversion du pied. Ces deux groupes musculaires, interne et externe, englobant la cheville,

vont donc assurer la stabilité latérale de la sous-talienne et par conséquence de l’ensemble de ce secteur. Ce système musculaire peut prendre le nom de système musculaire stabilisateur. D’autre part ces deux articulations (sous-talienne et cheville) sont également maintenues latéralement par un système ligamentaire en partie commun (ligaments latéraux internes et ligaments latéraux externes, système fibroélastique non contractile et peu extensible) qui limite les mouvements à l’image d’un garde fou. Une entorse de la cheville survient lorsque, suite à une bascule latérale non contrôlée (par le système musculaire stabilisateur) et de grande amplitude, ce système ligamentaire est étiré au-delà de ses limites élastiques. Selon l’importance, cette entorse de cheville peut aller d’un simple étirement du système ligamentaire jusqu’à l’arrachement osseux et un arrêt durable de la pratique sportive. En résumé, nous devons retenir que la stabilité de ce secteur et, de ce fait, la prévention des entorses dites de la cheville dépend en partie du niveau de contrôle musculaire de l’articulation sous-talienne Comme je l’ai précédemment évoqué, les chaussures de ski bloquent l’articulation sous-talienne ce qui n’est pas sans conséquences. Ainsi les muscles contrôlant cette articulation ne sont plus sollicités, ne remplissent plus leurs fonctions, et s’affaiblissent progressivement au cours de la saison de

“L’ENTRAINEUR DE SKI ALPIN”

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ski. Dès lors la chaussure de ski doit être considérée comme une orthèse qui supplante le système musculaire contrôlant cette articulation. Habituellement une orthèse est mise en place pour compenser un déficit fonctionnel de l’appareil locomoteur mais en aucun cas elle ne doit être portée si le système est fonctionnel, cependant la pratique de cette discipline sportive nécessite le port de ce type de chaussures. Pas grave, me direz-vous, puisque justement le skieur porte des chaussures de ski, ses chevilles sont donc protégées ... Cependant il ne passe pas sa vie dans ses chaussures, en fin de journée il les retire. C’est justement lorsqu’il ne les porte plus que cela devient problématique. Il serait nettement moins vendeur ou attractif de parler d’orthèses de ski plutôt que de chaussures de ski et pourtant de mon point de vue cela permettrait à beaucoup de personne de prendre conscience que le port quotidien sur de longues périodes de ce type de chaussure devrait faire l’objet d’une attention particulière. Nous avons tous été témoins, au moins une fois, de la fonte d’un secteur musculaire lors de immobilisation d’une articulation due à une fracture ou une intervention chirurgicale. On assiste alors à l’affaiblissement des muscles soutenant l’articulation concernée par l’orthèse (ici un plâtre) mais également à une perte dans la qualité de son contrôle. Après toute immobilisation il y a habituellement une période de rééducation afin de permettre à la personne de retrouver un contrôle et une mobilité maximale de l’articulation concernée. Ce type de travail devrait être mis en place auprès des skieurs compétiteurs portant quotidiennement des chaussures de ski car s’ils ne réalisent pas tout au long de la saison un travail spécifique à ce niveau, ce secteur s’affaiblira progressivement augmentant le risque d’entorse. Face à ce constat un ensemble de prérogatives est à mettre en oeuvre. De plus il faut savoir qu’un skieur agrémente sa préparation physique ou sa saison de diverses activités physiques et sportives. Après une journée d’entraînement, nous les voyons souvent jouer au football en salle par exemple, une activité qui sollicite de façon conséquente les chevilles et la sous-talienne et qui est pourvoyeuse d’entorses. Lorsque l’on sait que la chaussure de ski affaiblit le maintien de “la cheville” et que le football nécessite un bon contrôle de cette région, est-il raisonnable de concilier les deux durant la saison ? Ne faudrait-il pas s’assurer de la qualité de maintien de ce secteur, de sa stabilité, avant d’entreprendre ce type d’activité ? Ayant suivi durant plusieurs années les licenciés d’un club de ski alpin j’ai pu constater un nombre important d’entorse de cheville durant cette activité alors qu’aucun travail spécifique à ce niveau n’était entrepris en amont. Une autre activité est fréquemment pratiquée par les skieurs le hockey en salle; si la « cheville » est protégée par la coque rigide du patin, l’articulation sous-talienne est de nouveau bloquée... Les rollers ou les patins de hockey doivent être également considérés comme des orthèses et les répercussions sur le système musculaire stabilisateur également. Ces constats doivent nous faire réfléchir sur la façon d’aborder l’intersaison, en ce sens qu’il est nécessaire après avoir passé une saison les pieds “emprisonnés” dans des chaussures de ski d’évaluer le niveau de maintien de la sous-talienne par des tests dynamiques d’EAD (Tests d’Empilement Articulaire Dynamique-) puis de réaliser un travail spécifique posturo-dynamique adéquat à ce niveau afin de rattraper le plus rapidement possible les déficits acquis durant la saison. Si l’on souhaite être optimal, ce travail posturo-dynamique devra être réalisé également durant toute la saison afin de permettre au skieur de maintenir un niveau de stabilité adéquat. Imaginez

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un instant un skieur ayant perdu progressivement le contrôle de cette articulation durant la saison et reprenant la pratique de la course à pied sans avoir conscience de cela. En plus de voir le risque d’entorse s’accroître, cette absence de contrôle modifie ses appuis à chaque foulée altérant le positionnement de cette articulation et par conséquence des articulations sus-jacentes. La qualité de l’empilement des articulations n’étant pas optimale, cela limite l’efficience, impacte la physiologie et développe des mécanismes compensatoires. Ce déséquilibre se répercutera à l’ensemble de sa biomécanique, il modifiera inconsciemment ses automatismes et se construira physiquement un organisme déséquilibré pour la prochaine saison... D’autre part, plus les contraintes d’appui seront élevées, à l’image d’une séance de bondissements, plus les répercussions seront importantes. Il me semble donc essentiel de prendre conscience des répercussions de cette discipline sportive sur la gestion de l’organisation du corps dans le mouvement en raison de la gestuelle mise en oeuvré, sa répétitivité et l’impact du matériel, afin d’évaluer correctement l’athlète et de lui proposer un travail spécifique adapté, individualisé. Lorsque je parle de travail posturo-dynamique cela ne se résume pas à des

séances de proprioception où le skieur se place sur un plateau de Freeman, ou assimilé, faisant de lui un champion du monde du dit plateau de Freeman... Un travail posturo-dynamique nécessite pour le sportif d’acquérir consciemment des référentiels posturaux(dont j’ai évoqué la nécessité dans un précédent article) et de réaliser un panel d’exercices spécifiques et individualisés lui assurant le développement d’un système musculaire stabilisateur approprié. Ces analyses biomécaniques et le management qui en découle nécessitent des connaissances spécifiques à la portée des entraîneurs, des préparateurs physiques et des athlètes mais cela requière un investissement et une réflexion personnelle.  Frédéric Brigaud Consultant en biomécanique humaine et sportive Osteopathe DO www.eadconcept.com

N° 81 - Mars 2012


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