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Les secrets pour bien tirer un coup franc Zlatan, Messi, Ronaldo, Gerrard, tous les meilleurs tireurs de coups francs ont une technique bien à eux. Si le toucher de balle et la puissance sont importants, les appuis, la position du pied sur le sol et le mouvement du corps le sont tout autant. Décryptage comme si vous étiez devant le ballon… Texte et illustrations Fred Brigaud
Frédéric Brigaud est consultant en biomécanique et ostéopathe auprès de sportifs de haut niveau depuis 1994. Il est le concepteur et le développeur des principes biomécaniques posturo-dynamiques EAD (Empilement Articulaire Dynamique) enseignés en kinésithérapie du sport et auprès des BE Sport (ski alpin, tennis, golf, surf). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont dernièrement ‘’Corriger le pied sans semelle’’ aux éditions DésIris, 2015. www.eadconcept.com
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Coup franc, acte de précision
Pour réussir un coup franc, un joueur doit allier puissance et précision. Il produit alors une gestuelle spécifique. Le mouvement de chaque partie du corps (bras, buste, bassin, jambes) n’est pas le fruit du hasard et répond à un enchaînement bien ordonné. Le joueur ne peut se permettre d’être brouillon pour être en mesure de produire un geste efficace. Quelles que soient les conditions (distance ou fatigue), le tireur de coups francs se doit de posséder un corps et des automatismes solides et infaillibles qui ne lui feront pas défaut, les deux étant intimement liés. La moindre erreur peut être fatale et modifier radicalement la trajectoire recherchée,
passant ainsi à côté de l’objectif. Nous vous proposons de découvrir sur quoi repose cette précision.
L’ancrage de l’appui
Au terme de sa course d’élan, le joueur prend un appui décisif autour duquel il construit sa frappe. La jambe d’appui lui sert alors de tuteur, de guide et doit impérativement être stable. Si le pied glisse, si la jambe s’effondre ou oscille sous la contrainte, ne serait-ce que légèrement, ces instabilités temporaires se répercuteraient instantanément à l’ensemble du corps et nuiraient à l’efficience du geste. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que le joueur cherche à
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développer un ancrage efficace. Avez-vous déjà pris le temps d’observer la façon dont les joueurs posent leurs pieds, la façon dont ils s’ancrent dans le sol ? Projetonsnous quelques secondes avant la prise d’appui. Le pied est encore en l’air, la jambe, vue de face, est, elle, fortement inclinée. La semelle de la chaussure ne se présente pas parallèle au sol. Que va-t-il se passer ou plutôt, que doit-il se passer lors de la prise d’appui pour éviter toute glissade intempestive ou instabilité de la jambe ? La semelle doit-elle se poser à plat pour que les crampons pénètrent dans le sol et offrent une surface d’appui maximale ? Le pied doit-il rester incliné par rapport au sol ?
Stabilisation de la colonne
6 Engagement du bras
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à l’horizontale
5 Engagement des chaînes musculaires de torsion
Dissociation buste/bassin
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Maintien du bras gauche à la verticale
4 Maintien du bassin à l’horizontale
et contrôle de son assiette
3 Contrôle de la hanche 10 La précision et la puissance
2 Maintien de l’EAD (Empilement Articulaire Dynamique)
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Contrôle de la bascule du pied
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
Neuf points clés posturo-dynamiques pour aboutir à une frappe optimale.
de la frappe dépendent des capacités posturo-dynamiques du reste du corps
Quand le pied déforme le terrain !
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
Si l’on observe Messi ou Ronaldo, on remarque que le pied ne se pose pas à plat. Il reste incliné avec un appui plus prononcé sur la partie externe, la partie interne, elle, ne touchant pas le sol. Sur les clichés de l’Argentin, on se rend compte que son pied déforme le terrain et ne bascule pas. Plus la jambe d’appui est inclinée, plus la pression à la partie externe du pied augmente, facilitant ainsi sa bascule vers l’intérieur et sa mise à plat. On remarque le même phénomène chez Cristiano Ronaldo. La semelle de la chaussure n’est pas parallèle à la surface du terrain, mais inclinée, perpendiculaire à l’axe de la jambe. La chaussure, ainsi orientée, s’enfonce dans le terrain sans basculer, un élément essentiel pour maintenir l’empilement articulaire dynamique de la jambe.
Le pied déforme le sol sans basculer
Une question d’empilement
La jambe d’appui de Lionel Messi ou de Cristiano Ronaldo est rectiligne ! Les articulations qui composent la jambe forment un empilement parfait depuis le talon jusqu’à la hanche (hanche, genou, cheville, sous-talienne) et se positionnent sur un axe passant par la hanche et le bord inférieur du talon. Ils correspondent à l’axe EAD (Empilement Articulaire Dynamique). L’efficience de l’appui dépend de la capacité du joueur à maintenir l’ensemble des articulations sur cet axe. L’absence de bascule du pied est une des conditions sine qua non à cet empilement parfait. Une bascule du pied vers l’intérieur alors que le talon est au sol désorganiserait la jambe. Pour visualiser ce phénomène, faire le test suivant. Se placer face à un miroir, en légère fente, pied droit devant. À partir de cette position, amener le genou droit vers l’intérieur, sans décoller le pied du sol. Maintenir cette position et observer la jambe dans le miroir. Elle n’est plus rectiligne, mais prend la forme d’une ligne brisée en deux endroits (fig.1), au niveau du genou et juste en dessous de la cheville, au niveau de l’articulation soustalienne que l’on devine, mais qui n’est pas visible.
La semelle de la chaussure ne se présente pas parallèle au sol Le bord externe s’enfonce dans le terrain
Illustrations - Fred Brigaud © 2015 Hanche
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La chaussure s’enfonce dans le terrain sans que le pied ne bascule
2015 © Frédéric Brigaud ‘’Corriger le pied sans semelle’’, ed DésIris
Genou
Axe EAD Hanche | Bord inférieur du talon
Cheville
Sous-talienne
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
Le genou se désaxe
Empilement des articulations (Alignement)
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La cheville se déporte à l’intérieur
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Bascule interne du pied
Défaut d’empilement des articulations (perte d’alignement)
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Axe vertical
Inclinaison de l’axe des épaules
Orientation du bras à 45°
Axe horizontal
Le mouvement se construit de part et d’autre du bassin
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
Le haut et le bas du corps sont intimement liés musculairement et agissent de concert. Deux lignes musculaires, l’une prenant la forme d’une spirale et l’autre oblique, relient bras, bassin et jambes. Lorsque la frappe est armée, l’ensemble du corps est ainsi sous tension, prêt à s’enclencher pour délivrer un maximum de puissance.
3 Pivotement du buste et des bras autour de la colonne vertébrale
2 La jambe reste tendue témoignant d’une souplesse adaptée
4 La posture est stable et le geste précis
1 Le pied ne bascule pas durant la frappe la jambe est correctement empilée
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
La posture de Zlatan est sous contrôle. Il ne se laisse pas emporter par les contraintes du mouvement. Il les gère et les utilise à son avantage. La souplesse est également un élément essentiel car elle lui permet de prolonger le mouvement. Un joueur peu ‘’souple’’ fléchit les genoux très tôt favorisant l’instabilité.
Opter pour un appui efficace
Des deux configurations de la jambe, empilée ou non empilée, la première est mécaniquement la plus efficace et la moins contraignante. Elle préserve davantage l’intégrité de l’articulation du genou en ne lui appliquant aucune torsion. Cet empilement détermine également l’équilibre et la stabilité du bassin et par conséquent, la trajectoire de la jambe qui vient frapper le ballon. Une absence de contrôle de l’articulation sous-talienne a pour conséquence de déséquilibrer le joueur et de générer des mouvements compensatoires coûteux énergétiquement. Au fur et à mesure que le pied bascule, l’axe de la jambe d’appui et le reste du corps se déportent vers l’intérieur. Un décalage que le joueur doit nécessairement compenser lors de la frappe. À l’autre extrémité de la jambe, l’articulation de la hanche contrôle le degré d’empilement.
Un geste à construire
Une connaissance de ces mécanismes et un apprentissage technique précis donnent les moyens au joueur de s’assurer d’une telle prise d’appui. Sans cela, la réussite du tir n’est que le fruit du hasard. Par ailleurs, un tel mécanisme dépend également de la souplesse du sol, de son caractère meuble, puisque le pied doit s’y enfoncer. Sans cela, il ne pourrait rester incliné. Gare donc au terrain sec et dur… ou mal préparé. Plus le sol est sec, plus le joueur est sur la tranche et les contraintes sont importantes. L’appui et l’empilement sont alors d’autant plus difficiles à tenir. À l’inverse de ce que l’on pourrait croire, dans ce cas de figure, un ancrage optimal de la jambe d’appui ne dépend pas directement de la surface en contact avec le sol et du nombre de crampons, mais de la capacité du joueur à maintenir un EAD optimal et à déformer le terrain. Par ailleurs, la qualité de la frappe ne
dépend pas seulement de la jambe d’appui, mais également du buste et des bras.
Des jambes et des bras, l’art de combiner !
N’avez-vous jamais remarqué que le bras du côté de la jambe d’appui s’élève et se tend lorsque le joueur arme sa frappe, alors que l’autre bras s’oriente vers le sol ? Les bras et le buste permettent de développer davantage de puissance et de participer à la stabilisation du bassin. Pour se rendre compte d’un tel phénomène, il suffit de faire le test suivant : debout les pieds serrés, tendre le bras droit à l’horizontale dans le prolongement de l’axe des épaules et le mobiliser d’avant en arrière, indépendamment du buste, de plus en plus rapidement, pendant que le bras gauche reste immobile le long du corps. L’ensemble du corps se met alors à pivoter de droite à gauche autour des appuis au
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rythme du bras. La mise en mouvement d’un segment, ici le bras (cela peut tout aussi bien être le buste ou une jambe), se répercute à l’ensemble du corps. Il existe une interdépendance entre tous les éléments. Un phénomène mécanique qui a ses avantages et ses inconvénients. S’il permet d’accélérer le mouvement, il peut également, s’il est mal orchestré, déstabiliser le joueur.
2 Pivotement du buste et des bras
Savoir et pouvoir orienter le bras
Vous remarquerez dans les différents clichés que le bras est plus ou moins à l’horizontale, dans le prolongement de l’axe des épaules, en fonction de l’orientation et de la distance de la frappe que le joueur doit produire, mais également selon ses capacités. Le joueur doit donc être en mesure de faire évoluer l’orientation des axes de mouvement selon les besoins et les résultat attendus. Cette adaptabilité dans le déroulement du geste est le fait des grands buteurs. Le joueur doit alors posséder un corps homogène et complet, où chaque partie est correctement et étroitement liée.
Des postures finales qui témoignent de la puissance du tir
Le haut du corps semble être emporté par la puissance de la frappe. Bras et buste pivotent autour de la colonne vertébrale. Les deux bras, après avoir effectué un mouvement circulaire, se retrouvent du même côté, tendus. Le tronc, en extension au départ du mouvement, fléchit légèrement sous la contrainte. Cependant, là encore, selon leurs capacités, les joueurs parviennent plus ou moins à maintenir leur corps dans une posture favorable sans se laisser emporter par les contraintes. D’un point de vue biomécanique, la qualité d’un buteur ne se résume pas seulement au nombre de tirs cadrés, mais à sa capacité à produire une gestuelle de qualité tout au long du mouvement. Retenez que l’ensemble du corps est sollicité pour parvenir à frapper le ballon. Un effondrement de la posture finale d’un joueur témoigne des faiblesses de sa gestuelle technique. La posture finale est une conséquence, pas un objectif. Le joueur ne cherche donc pas à se tordre et à se plier.
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Le tronc fléchit fortement emporté par le mouvement
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La posture n’est pas optimale le joueur ne contrôle pas le mouvement
Bascule du pied vers l’intérieur la jambe pivote autour de l’appui
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
Certains parviennent difficilement à maintenir leur posture. Le tronc se fléchit davantage, emporté par les contraintes liées aux mouvements. Autant de mouvements qui résultent de l’angle de tir, des automatismes acquis et qui témoignent de leurs capacités. Plus les mouvements du haut du corps sont contrôlés et adaptés, plus la frappe est puissante et précise, ce qui n’est pas le cas ici avec Ander Herrera ou Alexis Sanchez.
Le tronc fléchit sous les contraintes
Un geste puissant, mais pas sans risque
En raison du mouvement qui s’opère au sein du corps et de sa puissance, une telle gestuelle n’est pas anodine. Lors de ce mouvement, le buste pivote autour de la colonne vertébrale et le tronc fléchit. Il se produit un mouvement de torsion au niveau de la colonne vertébrale. Un mouvement de torsion comparable à celui que l’on effectue lorsque l’on essore à la main une serpillère. Cependant, ici, ce n’est pas un simple morceau de tissu, mais la colonne qui est mise en jeu. Dès lors, si le joueur ne contrôle pas l’amplitude du mouvement et se laisse emporter par la puissance de celui-ci, il impactera directement et
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Le tir dépasse de loin les capacités posturales du joueur rendant très incertain le résultat
Illustrations - Fred Brigaud © 2015
fortement son corps au risque d’en altérer certaines parties, notamment la région lombaire. S’il semble assez facile de frapper un coup franc, il est nettement plus difficile d’y parvenir en réalisant une gestuelle optimale respectueuse du corps. Le geste technique doit être maitrisé et
le corps adapté à celui-ci. La réussite, la régularité et la durée d’un joueur dépendent de sa capacité à produire une gestuelle optimale construite sur un corps adapté et une posture stable. La moindre défaillance se répercute directement sur le corps et la précision du tir.