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Séquence inspirations… I

INSPIRATION

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S’INSPIRER

VOIR AUTREMENT, NOURRIR SON IMAGINAIRE, S’AIGUISER L’ŒIL ET SE SURPRENDRE SOI-MÊME, C’EST LE BUT DE CHACUN DE CES RENDEZ-VOUS.

PAR NOËLLE BITTNER

La nature et nous

Que le lien entre la nature et l’homme soit fusionnel – comme pour Giuseppe Penone, spirituel (Wolfgang Laib), empreint de sensualité (Cristina Iglesias), tout ensemble vital et sauvage, un chaos ordonné comme l’exprime Philippe Cognée, l’être humain ne fait qu’un avec la nature. Ce lien a toujours existé, nous rappellent les peintures rupestres. Il est seulement devenu… plus désespéré. Voici comment ces quatre célèbres plasticiens explorent le lien entre humain et nature. À ce propos, il serait dommage de parler indifféremment de nature et d’environnement. L’« environnement » est une notion tellement plus partiale et biaisée.

De la Nature, Musée de Grenoble, jusqu’au 19 mars 2023,

La grande aventure

Sachez que vous ouvrez un livre d’aventure. La grande aventure qui nous faisait rêver, enfant, partir loin dans les bois, se faire un bivouac, vivre de sa cueillette… et rentrer un jour, brave et crotté, admiré de tous… Bon, fermez la parenthèse, le livre est beaucoup mieux que ça : un mode d’emploi de la cuisine sur feu de camp, avec des recettes simplement étonnantes, qui rejoignent souvent la cuisine des plus grands : le poireau brûlé, le saumon fumé debout, attaché sur sa planchette devant le feu, la soupe instantanée nature, la trapiflette… Les photos sont belles et inspirantes, Erwan Balança est photographe naturaliste, c’est sa vie qu’il partage ici, et … il suffit d’aller au fond du jardin pour « cuisiner dans les bois ».

Cuisiner dans les bois, par Erwan Balança, éditions Ulmer

CHASSÉ-CROISÉ DESIGN

À PARIS

QUAND LES « ANNÉES 80 » (l’expo au MAD) CROISE LES « DESIGNERS ET CRÉATEURS DES ANNÉES 80-90 » (le livre)

TANDIS QUE PARADE LE « CHIC ! » ( l’expo au Mobilier National)

ET QUE SOUFFLE L’ESPRIT « ANTIDESIGN » (le livre) … UN PETIT TOUR À PARIS S’IMPOSE (cadeau de Noël?)

Années 80 :

UNE DÉCENNIE DE CARAMBOLAGES !

1981-1989. De Mitterrand président à la chute du mur de Berlin, la société vit au rythme de mutations frénétique que reflètent la mode, les objets, mobilier, affiches et photographies, clips et pochettes de disques. 82, la 1ère Fête de la Musique. 86, les 1ers défilés dans la Cour carrée du Louvre. L’inauguration de la gare d’Orsay métamorphosée en musée. Le mobilier contemporain entre à l’Elysée, avec Marc Held, Philippe Starck. Un étalage éclectique qui raconte une époque ouverte à toutes les expressions artistiques. La liberté, dans les silhouettes de Jean-Paul Gautier ou Thierry Mugler, dans les clips de Jean Paul Goude et Jean Baptiste Mondino, dans les rythmes, new wave, hip-hop… Le paraître, l’excentricité, la frénésie agitent le microcosme. Aimerions-nous revivre une telle période ? Sans doute pas, mais comme on s’est amusés !

Années 80 Mode, design et graphisme en France. Musée des Arts décoratifs (MAD), jusqu’au 16 avril 23

Années 80 Mode, design et graphisme en France, édité par les Arts Décoratifs. L’exposition a son catalogue, un beau livre, documenté, extraverti, pétillant. Javier Mariscal, tabouret duplex 1980 Adagp © Les Arts Décoratifs, B. Hatala À gauche. Jean-Paul Goude. Londres multiethnique sous la pluie, 1989.

INSPIRATION

Designers et créateurs des années 80-90,

ÉDITÉ PAR NORMA, COMPLÈTE LA SÉRIE DU MÊME ÉDITEUR SUR LES DÉCORATEURS DES ANNÉES 40, 50 ET 60/70.

Une référence, ce livre ! Après avoir retracé les rebondissements créatifs qui traversent cette décennie, les auteurs brossent le portrait de chaque créateur : de Ron Arad à Robert Wilson, en passant par Michele de Lucchi, Tom Dixon, Olivier Gagnère, Garouste & Bonetti, Les Lalanne, Christian Liaigre, Jasper Morrison, Andrée Putman, Ettore Sottsass et les Memphis, Philippe Starck, Martin Szekely pour en citer quelques-uns. Chaque portrait éclaire une facette du design de son époque. Et les œuvres présentées, nous les connaissons, nous les avons fréquentées, admirées, aimées (ou parfois détestées), dans les vitrines, les magazines, les galeries comme Avant-Scène, la boutique-galerie place de l’Odéon, toujours aussi vivante depuis 1986. Comme dit sa créatrice Elisabeth Delacarte : «j’avais un immense besoin de montrer un mobilier qui avait de la fantaisie ou de l’humour, enfin de la poésie… » Peut-on mieux résumer l’esprit de ces années 80-90 ?

Antidesign,

PAR LAURENCE PICOT, ÉDITIONS NORMA

Rien de négatif dans cette appellation! Inquiets de l’uniformisation du design par l’usinage, inquiets que l’on fasse moins appel aux artisans, les italiens du mouvement Memphis, menés par Ettore Sottsass, lancent le mouvement Antidesign, qui met en valeur le geste, la main, les différents matériaux, fer battu, céramique… «Quand j’ai ouvert ma Galerie AvantScène, explique Elisabeth Delacarte, tous nos amis étaient meublés en Le Corbusier, Mallet-Stevens, … moi, je ne voulais pas vendre la même chose que partout, j’ai créé une famille très éclectique de créateurs, un univers baroque, influencé par les Arts premiers».

Mode et Sport

On vous prévient un peu en avance… ne laissez pas passer cette expo - tellement Cosy ! qui explore les liens entre « mode » et « sport » (oui, les J.O. approchent). Comment le vestiaire sportif gagne la ville dès les années 20 avec la naissance du sportswear, flirte avec la haute couture (Chanel, Patou, Lanvin, Schiaparelli…) et explose en logos sportifs.

Au MAD, ouverture le 20 septembre 2023

Ci-dessus. Ulla Danielsen en Courrèges, à Saint-Moritz, pour Elle, 1970 © Peter Knapp Ci-contre. Scénographie Vincent Darré © J.Rossignol. Baguès, applique à deux lumières © Mobilier national, I. Bideau. J-G Daragnes et René Prou, vase 1935. L'affiche, esquisse Vincent Darré

Arts décoratifs et mobilier de 1930 à 1960

Mobilier national 42 avenue des Gobelins Paris 13e M° Gobelins

Exposition du 12 octobre 2022 au 29 janvier 2023

Scénographie signée Vincent Darré

Le chic !

Voici les décors du pouvoir. De la diplomatie. Des honneurs et des humiliations. Ministères et ambassades font rayonner la culture française. Des années fastes de l’entre deux guerres à la créativité des années 50, les décorateurs ensembliers – comme on les nomme à l’époque, travaillent les matériaux rares et précieux : parchemin, bronze doré, laque, ivoire, maroquin, cristal… La liste des bois exotiques est des plus évocatrices : ébène et sycomore, acajou de Cuba, loupe d’amboine... Un savoir-faire mis en valeur ici par la restauration des pièces exposées. L’exposition aurait pu être des plus classiques si le Mobilier National n’avait eu l’idée d’en confier la scénographie à Vincent Darré, le trublion du style, qui a le don d’enchanter tout ce qu’il touche ! Ses esquisses de mises en scène éclairent avec impertinence les décors les plus imposants.

Le chic ! Arts décoratifs et mobilier français de 1930 à 1960, Mobilier National, jusqu’au 29 janvier 2023.

INSPIRATION

Son univers graphique

Le 6 du M de la chaine M6, c’est lui, tout comme la maquette de Metal Hurlant. Pour faire mieux connaître les grands de la bande dessinée, il fonde les éditions Futuropolis. Pour Canal+ il invente l’habillage télévisuel. Il invente des typos, des graphismes comme d’autres griffonnent sur les nappes en papier des bistrots… Etienne Robial a sa rétrospective au MAD et c’est passionnant de découvrir un univers qu’on n’imagine pas aussi mathématiquement, rigoureusement construit.

Etienne + robial. Graphisme & collection, de futuropolis à canal+ , au MAD du 10 novembre au 11 juin 2023.

Visuel de l'affiche © Etienne Robial. Logo de L'Equipe, 2016 et logo de la chaîne M6, 1987. On/Off productions © Etienne Robial.

Monsieur le professeur

Laure Perrin, une de nos collaboratrices, a eu Etienne Robial comme professeur à l’Ecole Penninghen. Elle raconte… Dans quel cadre enseignait Etienne Robial ? Etienne Robial a été longtemps professeur de Conception Graphique à Penninghen. J’ai eu la chance d’assister à ses cours en 2020 (à l’époque, on appelait ça « Systèmes Graphiques »). C’étaient des cours de 4h, où nous commencions par apprendre, sans vraiment comprendre pourquoi au départ, à découper un carré de la manière la plus « harmonieuse » qui soit. Quel style de professeur était-il ? C’était un professeur très original, passionné évidemment, mais aussi drôle, avec un humour ouvertement critique. Je me souviens que la première chose qu’il nous a dite avant de démarrer son premier cours, c’était qu’il n’était pas là pour gagner de l’argent, il en avait gagné assez pour vivre tranquillement aujourd'hui, il n’était pas là non plus pour occuper son temps : il était là pour transmettre uniquement. En effet, sa rigueur et sa gymnastique intellectuelle, nous ne les trouvions chez aucun professeur auparavant : c’était une approche bien différente du graphisme, comme un équilibre esthétique que l’on doit aux mathématiques. Il était par conséquent, extrêmement exigeant sur le matériel avec lequel on travaillait, et même sur la manière dont on pouvait tenir notre porte-mine 2mm ou notre gomme steadler #526 50 ! Une réflexion, un souvenir, qui vous a marquée ? Il portait toujours une chemise à carreaux et une petite cravate. Il se déplaçait sans cesse, il n’était pas statique, il avait une énergie folle. Aussi, ce sur quoi il a mis l’accent dans son enseignement, et qui nous manquait jusqu’alors, c’était comment se vendre. Il nous a appris à trouver des arguments irréfutables (et donc mathématiques) pour défendre une forme, et la justifier à un client. Il s’amusait à nous dire (ou alors nous nous amusions à l’entendre dire), que chaque argument apporté à un client, c’était « un petit billet de mille » supplémentaire. Que vous a t il apporté et qui tienne vraiment à sa personnalité, son talent ? Il m’a vraiment marquée par sa rigueur et la confiance qu’il a en son travail. L’expérience mène sans doute à cela à terme, mais pour nous tous, jeunes graphistes et directeurs artistiques, c’est assez bluffant de voir jusqu’où on peut aller, avec ce qui n’est en apparence, qu’un signe « + » ou un 6 dans un M. Je pense que, contrairement à ce que l’on peut imaginer des grands noms du graphisme, son esprit cartésien a réellement servi son inventivité.

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Avez-vous croisé Ghislaine ?

Ghislaine, c’est le camion aménagé en cordonnerie de Patagonia. Il circule de vallée en sommet et donne une seconde vie à vos chaussures de montagne préférées, baskets de trail et autres chaussons d’escalade. Pas étonnant que la marque responsable soit à l’origine de l’aventure. Une initiative comme ce petit bouquin en recense une centaine dans tous les domaines de la vie en montagne : mobilité, habitat, patrimoine, sport, sans oublier ruches et Beaufort ! Témoignages, tranches de vie se succèdent sans qu’on perde le fil de la manœuvre : nous sensibiliser à la montagne, demain.

Demain la montagne, 101 initiatives de transition, éditions Glénat

Chacun veut son Mont Blanc !

Le Mont Blanc en diligence, « service à grande vitesse » mentionne l’affiche en gare ou au bureau de tourisme. Au 19ème, les premières affiches ont un rôle utilitaire et ce n’est pas le Mont Blanc qui occupe le premier plan mais le tableau des horaires aller retour. Les chemins de fer P.L.M. suivront, puis les grands hôtels qui vantent leur panorama et enfin les régions et les stations. C’est alors que les affiches, souvent confiées à de célèbres artistes, illustrateurs, graphistes, comme Geo Dorival ou Maga deviennent de véritables œuvres d’art. Historien et collectionneur lui-même, l’auteur, Jean-Charles Giroud légende avec gourmandise chacune de ces 70 affiches. On se régale de mille détails sur l’évolution du tourisme en montagne.

Le Mont Blanc s’affiche ! Editions Glénat

Il neige sur le Fuji

Jolie édition ces pages qui s’ouvrent comme un long ruban où l’on découvre la neige au pays du soleil levant. On s’arrête sur ces flocons qui font des pointillés sur l’eau, ces pins chapeautés de neige comme autant de bouquets, les légendes sonnent comme des haïkus : lune, neige et fleurs. Lapin de neige dans le jardin du Genji. Deux grues sur un pin enneigé. Les estampes ukiyo-e sont les images du monde flottant. On les contemple dans un état d’esprit bien précis : «se livrer tout entier à la contemplation… dériver comme une calebasse sur la rivière »… c’est ukiyo ! Et on y passe un très joli moment.

La neige, par les grands maîtres de l’estampe japonaise, éditions Hazan

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Parlons des stations…

On l’ouvre comme un énième livre sur les stations de sports d’hiver… et puis, on s’arrête de page en page, conquis. Procédant par thèmes vivement brossés, l’auteur virevolte avec bonheur sur un sujet qu’il maitrise comme sa première paire de skis. Qu’il parle poudreuse, dameuse, prix du mètre carré, qu’il pose la question des ascenseurs valléens, des stations fantômes ou de la montagne qui fond, on apprend, on s’intéresse, et bien souvent on partage ses arguments. Une perle à découvrir page 131 : un extrait d’un roman de Romain Gary.

Une histoire des stations de sports d’hiver, par Guillaume Desmurs, éditions Glénat

Déguerpir…

On avait vingt ans, on allait à Amsterdam acheter de vieilles cartes d’état-major pour explorer Bali, on se refilait des billets charter pour Delhi dans une loge de concierge boulevard Pereire et bien sûr, on dévorait L’usage du onde, le Dehors et le Dedans, Journal d’Aran et autres Routes et déroutes… de notre écrivain-voyageur préféré, Nicolas Bouvier, qui se préférait voyageur qui écrit plutôt qu’écrivain qui voyage. Ses formules étaient nos passeports : «c’est moins vous qui faites le voyage que le voyage qui vous fait, vous défait», «à vrai dire, je ne veux jamais savoir ce que je cherche…». Alors quel bonheur de se plonger dans ce gros livre qui le raconte, lui, son enfance en Suisse, ses «géographies » voyageuses… Observateur né, ou plutôt «distrait perpétuel » , capable de saisir une scène de vie dans son entier, à 5 ans il dévore les atlas familiaux. Il veut «déguerpir » , « saisir le monde » et à vingt ans, en 1950, embarque pour le grand Est avec son meilleur ami et une Topolino chargée jusqu’au toit. Il photographie, il remplit des carnets de notes et de croquis. Rentre, publie, repart, toujours plus à l’Est, Istanbul, Turkestan, Pamir et Tchien-Chan, Iran, Baloutchistan, en route pour Samarcande… Au soir de sa vie, il dira «la seule chose à laquelle je vise vraiment, c’est la légèreté.»

Nicolas Bouvier, au gré des géographies, par Alexandre Chollier, éditions Paulsen. Et aussi, ses œuvres complètes éditées en Quarto, Gallimard

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