Quoi faire livres Benoit Migneault bmingo@videotron.ca
Mythologies et légendes Queer
Felix ever aFter Malgré son titre anglais, il s’agit ici de la traduction française d’un roman pour adolescents, publié en 2020 et qui, non content de récolter nombre de critiques dithyrambiques et de prix, s’est vu classé par le magazine time parmi les 100 meilleurs ouvrages de littératures pour ado de tous les temps. Felix love est un jeune homme trans de 17 ans qui étudie les arts dans un prestigieux collège privé de new york où il nourrit deux objectifs : s’illustrer afin d’obtenir une bourse très convoitée pour l’université Brown et tomber en amour puisque, malgré son nom de famille, il n’a jamais éprouvé ce sentiment et il le souhaite ardemment ! il faut dire que l’existence du jeune homme n’a pas été de tout repos et qu’il avait donc d’autres préoccupations. né dans un corps féminin, c’est à 12 ans qu’il réalise qui il est véritablement et qu’il s’affirme ainsi auprès de son père, seul parent toujours présent dans sa vie. en effet, alors qu’il n’avait que 10 ans, sa mère a divorcé, changé de nom, puis elle a déménagé et n’a plus donné aucun signe de vie. Son père s’est donc avéré une figure positive, même s’il éprouve de la difficulté à prononcer le nouveau prénom de son fils et s’embrouille encore dans les pronoms. Bref, même si les choses sont encore difficiles, Felix est maintenant à une nouvelle étape de sa vie et est prêt à s’investir dans de nouveaux projets et découvertes, jusqu’au jour où il tombe sur une installation anonyme mise en place dans le hall de l’école, dans laquelle on retrouve six photographies grand format de ce dernier, avant sa transition, en robe et avec cheveux longs, avec son morinom (ou deadname), le prénom qui lui fut attribué à la naissance. Partagé entre la tristesse et la colère, Felix fait face au regard des autres, auquel il croyait pouvoir échapper dans une institution où il n’avait révélé son passé qu’à ses amis proches. règne également un mystère : qui est l’auteur de ce mauvais tour, pour quelles raisons et comment cette personne a-t-elle pu accéder à des photographies qui ne subsistaient que sur son compte privé ? est-ce Marisol, avec qui il est brièvement sorti jusqu’à ce qu’elle l’accuse d’être miso-gyne parce qu’il aurait « choisi » d’être un homme et non de demeurer une femme ? ou bien, est-ce declan Keane avec qui il est en compétition pour la bourse et qui lui manifeste une antipathie soudaine ? le désir de se venger l’anime rapidement, mais, et s’il se trompait ? et si c’était quelqu’un d’autre ? la vengeance est-elle réellement la voie à emprunter ? un roman très attachant où le lecteur est amené à partager l’exploration identitaire de Felix, ses relations familiales, ses complicités et conflits, de même qu’une enquête pour identifier son tourmenteur. en filigrane demeure également une recherche de l’amour qui ne se trouvera cependant pas là où il l’anticipait ! 6 inFos |Felix eVer aFter / KaCen Callender. PariS : SlaloM, 2021, 361 P.
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Pour qui s’intéresse à la présence lgBtQ au sein des religions, la recherche d’ouvrages de vulgarisation en français s’avère particulièrement fastidieuse et rarement couronnée de succès. C’est pourquoi la publication récente d’une traduction française de Queer Magic : lgBt+ Spirituality and Culture from around the World ne pouvait que susciter la curiosité. l’auteur, tomas Prower, porte son regard sur l’ensemble des mythologies et spiritualités qui ont marqué les populations des différents continents et qui ont laissé une trace suffisamment importante pour être documentées. Ces deux derniers éléments sont particulièrement importants puisqu’ils sont symptomatiques de l’ampleur de la couverture projetée, mais également de certaines limites inhérentes au projet. la volonté de représenter l’ensemble des cultures est plus que louable puisque peu d’ouvrages accessibles couvrent, à titre d’exemple, la spiritualité lgBtQ des peuples du Moyen-orient, de l’afrique, du sous-continent indien, de l’asie et de l’océanie. Cette ambition d’embrasser large comporte cependant un revers puisqu’elle comporte le risque de devoir survoler certains éléments, ce qui se confirme au fil des pages. Cela étant dit, l’auteur n’a jamais prétendu vouloir verser dans l’exhaustivité, mais bien plutôt présenter un portrait global. en ce sens, il ne déroge donc pas à ses objectifs. une seconde limite, qui est inhérente à tout ouvrage historique, est que l’histoire est écrite par les vainqueurs et que certaines sources sont donc soit inexistantes ou rédigées par une tierce partie qui y porte un biais moralisateur ou condescendant. C’est notamment le cas de nombreux récits chrétiens sur les Celtes, les Vikings, les Premières nations, etc. C’est également le cas de la représentation des femmes, puisque l’histoire s’est bien souvent vue écrite et rapportée par des hommes. Cela dit, l’auteur en est conscient et mentionne ponctuellement les limites de l’exercice. l’ouvrage est divisé en sept parties s’attachant à différentes régions du monde et où chacun des chapitres s’attarde à une région géographique ou à une période historique précise. le point focal demeure toujours la recherche de figures, de mythes ou de pratiques touchant à la réalité queer ou allant à l’encontre de notre conception actuelle des normes de genre. il faut noter que l’auteur donne également la parole, en fin de chapitre, à des intervenants lgBtQ qui exercent toujours ces pratiques ou une modulation de ces dernières. l’ouvrage se conclut avec un volet plus mystique où sont rassemblés et décrits différents types de rituels, de prières et de traditions. Malgré la présence d’une bibliographie abondante, il demeure parfois difficile d’établir une relation claire entre certaines affirmations et les sources correspondantes. Mis à part ce bémol, l’ouvrage présente une somme fascinante d’informations et illustre avec éloquence le fait que le monothéisme hétérocentrique masculin n’est pas une norme culturelle absolue. Bien au contraire ! 6 inFos | MythologieS et légendeS Queer / toMaS ProWer. FranCe : aMéthySte éditionS, 2022, 378 P.