Quoi faire bédéiste
Patrick Fillion et Class Comics : comment réconcilier BD et sexualité débridée ?
ce qui m’a permis de développer mon identité, que ce soit en tant qu’homme gai, mais également en tant qu’artiste. À la fin de l’adolescence, j’ai réalisé que c’était ce que je souhaitais faire professionnellement. Quelles furent tes influences ? PaTRICK FILLION : au niveau du dessin, Marvel Comics a été une grande source d’inspiration pour moi, en particulier des artistes tels qu’alan davis (X-Men) et John Byrne (alpha Flight). J’étudiais leur travail et j’essayais d’améliorer mon coup de crayon, la fluidité des mouvements, etc. J’ai également été fasciné par le sens du détail et du mouvement qu’insufflait dærick Gröss Sr. (Excalibur) à ses œuvres et c’est ce qui m’a motivé à étudier l’anatomie humaine de plus près. Il y a une prédominance du superhéros dans tes publications : quels sont tes coups de cœur ? PaTRICK FILLION : L’équipe d’alpha Flight m’a profondément marqué, mais également les personnages de Storm et de Nightcrawler chez les X-Men. Même si ces récits et les miens se déroulent dans des univers fantasmagoriques complètement disjonctés, je tente cependant toujours d’apporter mon propre point de vue, ma touche personnelle. La meilleure approche m’apparait de toujours baser la psychologie des personnages sur des éléments issus de [leur] expérience personnelle ou [de] celle de [leurs] proches. Que penses-tu de la représentation LGBT dans les films de superhéros ? PaTRICK FILLION : Il y a encore beaucoup de progrès à réaliser dans ce secteur. On vient tout juste de nous montrer un premier personnage ouvertement gai dans Eternals et, même si j’ai apprécié, ça me semble encore un peu timide. On est très loin d’un personnage de la stature de Captain america ou de Thor. Je pense qu’une grande partie du public est pourtant prête à accueillir un personnage principal masculin fort en gueule et ouvertement gai, mais certains marchés étrangers y font malheureusement obstacle, ce qui en freine sans doute encore l’arrivée.
PaTrICk FILLIoN ET roBErT FraSEr
La place occupée par Patrick Fillion et Class Comics est à ce point incontournable dans le paysage culturel qu’on a parfois l’impression qu’ils l’ont toujours occupée. Pourtant, c’est loin d’être le cas et le 20e anniversaire de la maison d’édition constitue un moment idéal, en compagnie du bédéiste et éditeur, pour en rappeler la petite histoire. à quel moment ta passion du dessin est-elle née ? PaTRICK FILLION : J’ai toujours été intéressé par la bande dessinée. Enfant, je dessinais des aventures mettant en vedette des héros comme Goldorak ou les X-Men. J’avais même l’habitude d’apporter en classe les bD que je dessinais pour les partager avec mes camarades. Je les appelais mes « Class Comics ». Même si les éditions Class Comics ont officiellement débuté en 2002, en réalité le nom me suit donc presque depuis toujours. Les aspects érotiques sont apparus à l’adolescence. J’explorais ma sexualité et mon identité et ça s’est répercuté dans mes dessins. Il faut garder à l’esprit que je suis né à Matane et [que j’ai] grandi à baie-desSables, puis à Prince-Georges (en Colombie-britannique), une ville alors assez conservatrice. Je n’avais personne à qui parler et j’ai passé des moments de solitude terribles à l’école, où j’étais constamment victime d’intimidation. C’est par le dessin que j’ai exploré les fantasmes et les désirs qui m’habitaient, 88 | FUGUES.COM
Quels héros des grandes écuries souhaiterais-tu voir adaptés au cinéma ? PaTRICK FILLION : Storm est déjà apparue dans les films X-Men, mais j’aimerais bien la voir intégrer le MCu dans une interprétation plus forte. Je sais que c’est presque une chimère, mais j’aimerais voir une adaptation d’alpha Flight afin de rendre justice à la richesse de cette équipe canadienne telle que dessinée par John Byrne. Qui sait, on pourrait faire d’une pierre deux coups puisqu’on y retrouve également l’un des premiers grands superhéros gais (et québécois) : Northstar ! Comment est née la maison d’édition Class Comics ? PaTRICK FILLION : C’est lorsque j’ai rencontré mon conjoint, robert Fraser, que tout a vraiment débuté et que le nouveau nom s’est imposé. Je me concentre sur le côté artistique, alors que Fraser s’occupe avant tout de l’aspect commercial. Cela me permet de canaliser mon énergie sur la direction artistique, réaliser mes propres bD, traiter avec les artistes, etc.