Galerie alexis pentcheff
Exposition -Vente 21 Juin - 15 Juillet 2014
EMINA
/ LA FEMME SOUS LE REGARD DES ARTISTES
GALERIE ALEXIS PENTCHEFF / 131 rue Paradis 13006 MARSEILLE
www.galeriepentcheff.fr Textes et mise en page : Giulia Pentcheff
La b ea utĂŠ es t d a ns l es yeux d e celui qui reg arde. O. WILDE
FE M INA / LA FEMME SOUS LE REGARD DES ARTISTES LA TEN TATRI CE /
p.5 ou le corps érot i s é
LA M U SE /
p.3 2 ou l a f i dél i t é de l ’ar t i ste à u ne femme
LA PAR I SI EN NE /
p.4 8 ou la con quête de l ’i n dépen dan ce
F E MM ES D U P EU P L E /
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R EGA RDS S IN GU L IE RS S U R LA F EM ME /
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Leprin, Ambrogiani, Ferrari & d’autres provençaux du XXème siècle
L ES NA NA S /
p.7 2 ou l e regard r év ol t é d’u n e art is te su r la con diti on fémini ne
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L’univers féminin s’est de tous temps invité dans la représentation plastique, et sous de multiples aspects. L’image artistique de la femme est d’abord un reflet des mœurs de l’époque de sa naissance ; elle est longtemps fonction des modes, des canons de beauté qui déterminent son apparence. Cependant, elle est aussi investie d’une dimension plus subjective, puisqu’elle porte, dans une certaine mesure, l’empreinte de la sensibilité de son créateur. Avant le XXème siècle, ou tout au moins la fin du XIXème siècle, la question ne se pose quasiment pas… l’artiste qui, de son pinceau, n’en finit pas d’explorer les arcanes de la féminité, est évidemment un homme. Et l’image qu’il crée, aussi captive qu’elle puisse être du contexte de sa création, recèle forcément pour une part l’expression de son désir. C’est à la conjugaison de cette emprise contextuelle et du regard inspiré de l’artiste que l’on doit la pluralité d’images de la féminité qui jalonnent l’histoire de l’art et reconstituent
en
quelque
sorte
la
complexité
du
caractère féminin en une image mouvante, insaisissable.
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LA TE NTAT RI CE / ou l e corps éroti sé Du mythe à la réalité Une partie de l’iconographie féminine du XIXème siècle libère les fantasmes masculins. Longtemps, le nu n’a été admis que sous l’alibi historique. Les grandes compositions mythologiques, souvent fort charnelles, étaient pourtant censées mettre à distance la nudité au prétexte qu’elles ne montraient pas de femmes réelles mais des incarnations des déesses, grâces ou nymphes dans la perfection de leur beauté. Peu à peu, la représentation féminine érotisée se fait moins allégorique et la femme gagne en matérialité. Des formes pleines, les hanches marquées et les seins fermes, tel est le corps désirable que l’artiste se plait à peindre au XIXème siècle. Le hâle est banni, tout comme la pilosité, la représentation des poils pubiens étant l’apanage de la pornographie. Cette évocation d’Eve croquant la pomme (ill.n°1) est caractéristique du changement de point de vue des artistes. Le récit biblique passe très nettement au second plan dans cette composition et Adam disparaît même de l’épisode pour laisser toute la place au grand nu féminin debout. Une brune jeune femme, nue et appétissante, croque la pomme avec délectation. Son expression n’est pas absente ou neutre, elle vient véritablement tenter l’homme, l’inciter à pécher. Si l’artiste a gardé cette trame de fond biblique, c’est uniquement pour ce qu’elle peut suggérer de subversif dans l’esprit collectif. Cependant la représentation n’est rien de plus qu’un pantomime dans laquelle son modèle, aux traits très individualisés, joue à être Eve dans le jardin d’Eden.
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02. Raymond ALLEGRE (1857-1933)
Nu allongé Huile sur toile, signée en bas à droite, 61 x 74 cm. De même, ce nu altier de Raymond Allègre (ill. n°2) n’évoque Vénus que dans l’évanescente présence du paon, l’un de ses oiseaux fétiches, dans le fond de la composition. Pour le reste, la femme est bien réelle. Un grand soin est apporté au traitement du visage et de la coiffure.
01. Marius GUINDON (1831-1918)
Eve tentatrice Huile sur toile, signée en bas à droite, 71 x 46 cm.
03. Ecole Française du XIXeme siècle
Jeune fille au buste dénudé Pastel sur papier, signé en bas à gauche, 78 x 66 cm. Un autre exemple de l’estompement progressif de cette frontière entre héroïne mythique et femme réelle peut être apporté par ce pastel (ill. n°3) montrant une femme enfant, des roses dans ses cheveux lâchés, le buste nu et le bas du corps drapé. L’inspiration mythologique n’est pas absente de ce type de représentation mais elle est peu à peu distanciée.
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L’orientalisme va fournir aux artistes un nouveau champ iconographique où la représentation de la nudité se libère en grande partie des contraintes historiques classiques. L’exotisme prend le relais. Le harem, le sérail, nourrissent le fantasme de pénétrer un monde exclusivement féminin d’indolence et de délices, un univers clos où l’énigme féminine semble à portée de main. Une vision dérivée de l’orientalisme, en lien avec le romantisme, va par la suite influencer une partie des artistes dans leur conception de la féminité. Ils suggèrent une femme moins ingénue ; sa sensualité réside dans le mystère que renferme son esprit et qui diffuse son aura sur le corps. Dans ce contexte, le portrait réalisé par Charles Landelle (ill. n°4) apparaît comme une réminiscence de harem. Une ténébreuse circassienne soulève son voile sur le bas de son beau visage et cette attitude accentue le mystère de son regard. Cette esthétique va s’exacerber dans l’archétype de la « belle malade » à la fin du XIXème siècle. Pour correspondre à ce modèle de paradoxale beauté, certaines femmes boivent un mélange de vinaigre et citron destiné à brouiller leur teint et n’hésitent pas à employer le maquillage afin d’accentuer leurs cernes.
04. Charles LANDELLE (1821-1908)
Portrait de femme Huile sur toile, signée et datée 1847 en bas à droite, 61 x 50 cm.
10 Avec l’avènement de l’art nouveau, la femme est particulièrement à l’honneur dans la peinture comme dans la sculpture. La nature redevient la source principale d’inspiration mais les artistes s’ouvrent aussi à de multiples influences inédites. Outre l’attrait du Moyen-Orient, le japonisme est mis au goût du jour, notamment par les efforts de Samuel Bing. Les ateliers d’artistes s’encombrent de meubles et autres objets exotiques ou archéologiques, parmi lesquels d’exubérants tissus et bijoux dont ils parent leurs modèles. Le pastel constitue un médium dont le rendu est particulièrement en accord avec la délicatesse de ce courant. Certains peintres de cette époque comme Lucien Lévy-Dhurmer (ill. n°5), Delphin Enjolras (ill. n°8) ou Paul Rouffio (ill. 6 et 7) en ont fait un mode d’expression privilégié de leur style.
05. Lucien LÉVY-DHURMER (1865-1953)
Le réveil Huile sur papier marouflée sur carton, signée et datée 33 en bas à droite, 23,5 x 17 cm.
06. Paul ROUFFIO (1855-1911)
07. Paul ROUFFIO (1855-1911)
Jeune femme au masque
Jeune fille à la statuette
Pastel sur toile, signé en haut à droite, 38 x 46 cm.
Pastel sur toile, signé en haut à droite, 40,5 x 32,5 cm.
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08. Delphin ENJOLRAS (1857-1945)
La coiffure
Pastel sur toile, signée « Delphin » en bas à droite, 90 x 59 cm.
Enjolras s’est particulièrement illustré dans des évocations sensuelles de l’élégante dans son intimité. Non sans un zeste de voyeurisme, l’artiste nous montre de jeunes beautés plus ou moins vêtues, dans l’atmosphère tamisée de leur chambre à coucher. Celle-ci (ill. n°8), assise face au miroir, se recoiffe le bras levé, dans un geste délicat créant une admirable tension dans la courbure de son dos, nu jusqu’à la naissance des fesses.
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La femme gagne parallèlement en assurance dans la conquête de sa sensualité. Elle s’exprime notamment par la danse et le théâtre dans une gestuelle très libre, à l’image de la célèbre Loïe Fuller, modèle iconique de l’Art Nouveau. Cette assurance se lit jusque dans l’affirmation de sa nudité. Sûre de ses charmes, la blonde égérie du pastel de Pizzella (ill. n°10) aguiche le spectateur avec un aplomb qui frôle l’effronterie.
10. Edmundo PIZZELLA (1868-1941)
Jeune femme à sa toilette Pastel sur papier, signé et daté 1905 en bas à gauche, 73 x 54,5 cm. 09. Marcel POURET (XIX-XX)
Au piano Huile sur toile, signée et datée 1912 en bas à gauche, 100 x 73 cm.
Marcel Pouret, peintre lorrain pétri de cette esthétique Jugendstil dépeint une femme empreinte d’une plus grande réserve (ill. n°9). De dos, au piano, son geste délicat en direction des partitions s’accorde parfaitement avec l’environnement artistique sur lequel elle règne telle une muse classique. Instruments de musique, palette de peintre, tableaux et sculptures voisinent dans cette pièce, mi atelier d’artiste, mi salon de musique. L’on imagine aisément la douceur du visage qui nous est caché au travers de sa transposition sculptée qui trône sur le piano. Seule la pipe posée sur le meuble suggère la présence masculine de l’artiste derrière cette composition.
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15 Il est intéressant de constater que le regard porté par la femme artiste ne diffère pas toujours de manière évidente de celui de l’homme, notamment dans le contexte colonial. Devant les motifs géométriques très Art-Déco d’une tenture berbère, une Ouled Naïl de profil exhibe ses parures (ill. n°11). Le nombre des pièces d’or qu’elle y arbore indique sa fortune. Ses yeux sont soulignés de khôl et son visage porte, entre les sourcils et sur le menton, des tatouages rituels. Les femmes de la tribu des Ouled Naïl ont servi de support en Algérie à la représentation de la sexualité vénale. Charles Landelle, Maurice Bompard et surtout Etienne Dinet ont également dépeint nombre de ces « danseuses ». Dans le Bou Saada des années 1930, elles ont un quartier réservé, une rue de la Tolérance où elles se livrent à la prostitution sous l’alibi de danses folkloriques. Mais cette assimilation de l’Ouled Naïl à une simple prostituée est un effet de la colonisation, qui vient règlementer la prostitution urbaine. Leur statut est en réalité plus complexe. Originellement, ces femmes nomades étaient considérées par leur société d’appartenance comme des artistes, des femmes particulièrement libres qui accompagnaient notamment les caravanes. Il était communément admis par leur tribu qu’elles puissent avoir, sous certaines conditions, des relations sexuelles tarifées, dans une conception sociale qui dépasse les clivages occidentaux que nous connaissons. Plutôt que la simple fille de joie à la mode orientale, ne seraitce pas cette licence originelle qu’Yvonne Herzig souhaite nous montrer à travers cette femme au regard insolent ? L’étalage de ses richesses, la fermeté de sa pose et la cigarette tenue sans honte, contribuent à conférer à cette Naïli la force d’un caractère masculin. 11. Yvonne KLEISS-HERZIG (1895-1968)
Femme Ouled Naïl Technique mixte sur papier, signée en bas à gauche, 63 x 103,5 cm. Provenance : Collection privée, Sud de la France
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13. Emile BERNARD (1868-1941)
Léda et le cygne, 1911 (étude préparatoire) Aquarelle sur papier double face, signée en bas à gauche, 24,5 x 30,5 cm. Provenance : collection privée, Paris.
12. Emile BERNARD (1868-1941)
Nu au miroir, 1907 Huile sur toile, signée en bas à droite, 94,5 x 71,5 cm. Provenance : collection privée, Paris. Bibliographie : Emile Bernard, catalogue raisonné de l’œuvre peint, Jean-Jacques Luthi, n°728, page 109.
Après les expériences d’avant-garde menées à Pont-Aven autour du cloisonnisme, Emile Bernard séjourne plusieurs années en Egypte. Il fait son retour à Paris dans la première décennie du XXème siècle, alors même que le fauvisme se déchaîne, que le cubisme et le futurisme sont en marche. Cependant, loin d’adhérer à ces nouveaux courants, l’artiste prône un étonnant retour à la tradition, une immersion aux sources de l’art classique. Le précurseur fait volte-face, abandonne ses recherches chromatiques pour poursuivre l’idéal de perfection plastique des grands maîtres.
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19 On peut légitimement s’interroger au sujet de ce revirement… Une conversation très théorique avec Cézanne dans la campagne aixoise en 1904 et transcrite quelques années plus tard, apporte certains éléments de réponse. Cézanne y affirme qu’il ne s’agit pas pour un artiste de se référer à ses prédécesseurs mais de se plonger directement dans le sein de la nature afin de l’interpréter le plus justement possible. Il se propose d’être un simple médium de la nature, un récepteur puis un transcripteur intuitif. Emile Bernard lui objecte alors que l’esprit doit l’emporter sur l’œil et que la beauté transcende l’expression formelle, qu’il ne faut pas confondre professeurs et maîtres. La nature ne doit pas être le seul référent, mais elle doit s’unir à l’Art dans ce qu’il a de plus absolu, l’expression de l’idée de Beauté. Ainsi qu’il le précise lui-même, la clé de sa conversion réside dans le voyage en Italie qu’il a effectué peu avant son long séjour en Orient : « Je n'eus pas de peine à comprendre, en voyant les chefs-d'oeuvre dont l'Italie est pleine, que nous ne pouvons nous faire au Louvre qu'une imparfaite idée de ce que sont les grands Maîtres. Arrachés des monuments pour lesquels ils furent conçus, dans le jour froid et rare de nos musées, parmi nos salles nues et tristes où on les aligne comme des soldats, leurs tableaux semblent des défunts respectueusement rangés dans une nécropole. Dans leur pays, parmi l'ensemble harmonieux des villes historiques intactes, sous le soleil, ils s'animent d'une vie singulière et semblent plus existants que nous. A leur approche, je sentis la toute puissance d'un art éternel dont l'origine se perd dans la nuit des temps, et que l'amour invincible du Beau a continué, afin de satisfaire un des besoins les plus impérieux de l'âme humaine. Dès lors, pardonnez-moi, Maître de mon choix, je me rendis indépendant des influences immédiates, je me tournai vers l'Art, comme vous vous êtes tourné vers la nature. Il me parut que c'était l'art qu'il fallait faire revivre parmi nous, après tant de siècles de réalisme, ensevelissant sous leur monotone poussière l'ère sublime des humanistes du XVIe siècle, des Raphaël, des Vinci, des Giorgione, des Bellini, et la période céleste des mystiques du moyen âge. » 1 Ces œuvres sont caractéristiques des nouvelles préoccupations de l’artiste. Ce Nu au miroir exécuté en 1907 (ill. n°12) rappelle le corps des baigneuses de la grande composition exécutée l’année suivante, Après le bain, les Nymphes, conservée au musée d’Orsay. 14. Emile BERNARD (1868-1941)
Buste nu de femme, circa 1931 Huile sur panneau, signée en bas à droite, 73 x 50 cm. Provenance : collection privée, Paris. Bibliographie : Emile Bernard, catalogue raisonné de l’œuvre peint, Jean-Jacques Luthi, n°1336, page 212.
1. Conversation notamment rapportée dans le journal Mercure de France du 1er juin 1921.
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De l’élégance à la vérité L’enseignement académique a perpétué une interprétation très idéalisée du corps, dans l’héritage de la tradition classique. Cependant, peu à peu, et dès la fin du XIXème siècle, les artistes vont s’affranchir d’une certaine recherche d’élégance dans la transcription du corps féminin au profit d’une quête de la vérité. Cette tendance est déjà palpable au sein des académies libres, notamment à l’Académie Julian, où les femmes sont également admises à suivre les cours de modèle vivant (tandis qu’elles sont indésirables dans les structures d’enseignement officielles jusqu’en 1897). Félix Vallotton (ill. n°15) y fait ses armes, aux côtés d’autres personnalités artistiques très marquantes comme Vuillard, Maurice Denis, Paul Sérusier et Bonnard. Le nu est désormais peint non seulement sans référence mythologique, mais encore sans aucune affectation. Il ne s’agit plus de présenter la femme sous son meilleur jour, de travailler la pose ou la parure, mais au contraire d’éliminer tous ces artifices. Le corps féminin n’est plus héroïsé, la déesse tombe définitivement de son piédestal. Les peintres se défont progressivement de l’idéal de beauté indissociable jusqu’alors de l’image de la femme pour donner à celle-ci une plus grande matérialité. Afin d’y parvenir, la réalité peut être déformée, mais c’est seulement dans le but de révéler avec plus de force la vision de l’artiste. Car la recherche de la vérité n’implique pas l’imitation stricte de la nature mais s’inscrit plutôt dans une dynamique interprétative. L’image de la femme s’incarne donc dans une peinture beaucoup plus expressionniste. Délivrées des carcans iconographiques et des diktats de la beauté classique, les conceptions propres à l’artiste investissent d’avantage l’espace pictural. Gustave Courbet est l’un des premiers à exprimer cette quête de vérité qu’il applique à toute expression de la nature, y compris à la femme dans sa célèbre toile L’origine du monde. Les héritiers de cette émancipation, tournant le dos à la tradition académique, vont aller plus loin dans le dépassement du clivage entre beauté et laideur qui a longtemps dominé dans la représentation plastique. La destruction de cet idéal de beauté passe inévitablement par une déformation voire un peu plus tard par une déconstruction du corps.
15. Félix VALLOTTON (1865-1925)
Nu de dos Sanguine sur papier, monogrammée en bas à droite, 24,5 x 16,5 cm.
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16. Auguste CHABAUD (1882-1955)
Nu au fichu jaune, 1908 Huile sur carton, cachet d’atelier de l’artiste en bas à droite, 37 x 51 cm. Certificat de Monsieur Patrice Léoni.
Auguste Chabaud fréquente le quartier de Montparnasse et la vie nocturne parisienne au retour de son service militaire en Tunisie en 1906. Dans ces années là, son oeuvre fauve et expressionniste est porteuse d’une grande force. Le modèle de ce Nu au fichu jaune (ill. n°16), partagé avec Alfred Lesbros, est montré sans complaisance par les deux artistes. Le tissu qui cache son intimité n’ôte pas à cette représentation son caractère très cru. Avec cette figure primitive, offerte mais qui ne cherche pourtant pas à séduire, s’éloignent les repères d’une esthétique de beauté telle qu’on a pu la concevoir jusqu’alors.
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17. Alfred LESBROS (1873-1940)
Nu allongé au fichu jaune Huile sur carton, portant le cachet de la signature en bas à gauche, 53,5 x 73 cm. Provenance : Vente de l’atelier Lesbros, 10 mai 2008
18. Auguste CHABAUD (1882-1955)
Nu allongé Dessin sur papier, cachet d’atelier en bas à droite, 43 x 55 cm.
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19. Alfred LOMBARD (1884-1973)
Nu, 1927 Huile sur toile, signée en bas à gauche, 60 x 73 cm.
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20. Alfred LOMBARD (1884-1973)
21. Alfred LOMBARD (1884-1973)
Le modèle, 1924
Nu, 1927
Huile sur panneau, signée et datée 1924 en haut à droite, 46 x 37,5 cm.
Huile sur toile, signée en bas à droite, 55 x 46 cm.
Alfred Lombard est un autre peintre d’origine provençale qui fréquente également le milieu artistique parisien au début du XXème siècle. Engagé dans le fauvisme à partir de 1907, il mène des recherches très novatrices sur la couleur. Après la guerre cependant, comme beaucoup d’autres peintres de sa génération, il se réfugie dans une expression plus naturaliste. Il est intéressant de constater ici une évolution entre le traitement du nu le plus ancien, Le modèle, 1924 (ill. n°20) et celui des deux autres figures, réalisées en 1927 (ill. n°19 et 21). Le peintre a gagné en modernité, il propose un modelé corporel d’avantage géométrique et simplifié, associé à un traitement subjectif de la lumière. Les visages sont elliptiques.
Ces trois nus annoncent, plus qu’un changement stylistique, le tournant prochain que prendra la carrière de l’artiste. A partir de 1930 en effet, et jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, Lombard délaissera la peinture de chevalet pour se consacrer à la décoration monumentale. Il s’intéresse notamment à l’adaptation du décor à la modernité architecturale. Dans ses compositions ornementales, les tonalités sont souvent sourdes et les personnages, traités de manière assez schématique, se détachent sur des fonds neutres. Les figures atteignent ainsi un hiératisme mystique, dans la lignée de celles réalisées pour le Palais Longchamp à Marseille par ce décorateur de génie du siècle précédent : Puvis de Chavanne.
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23. Georges ARTEMOFF (1892-1965)
Nu de face Sanguine sur papier, signée en bas à gauche, 52 x 34 cm. Certificat de Marie Artemoff Testa 22. Georges ARTEMOFF (1892-1965)
24. Georges ARTEMOFF (1892-1965)
Nu de dos
Huile sur papier, signée en bas à droite, 64 x 45 cm.
Sanguine sur papier, signée en bas à gauche, 45 x 26 cm.
Certificat de Marie Artemoff Testa
Certificat de Marie Artemoff Testa
Femme nue debout dans un port, circa 1940
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Autre académie libre qui propose des cours d’après modèle vivant, la Grande Chaumière, fondée dans la première décennie du XXème siècle, connaît un vif succès auprès des artistes. Georges Artemoff fréquente cette académie dans les années 1920. Il travaille alors à de nombreux projets décoratifs parmi lesquels celui du célèbre cabaret russe de Montmartre, le Caveau Caucasien. Il a également fondé un atelier de fabrication de bois sculptés et entame une fructueuse collaboration avec les Etats-Unis. On ressent à travers l’imposant modelé de ces deux nus à la sanguine (ill. n°23 et 24) toute la puissance du dessin de sculpteur. Cette dimension sculpturale du corps est encore présente dans cette huile sur papier réalisée dans les années 1940 (ill. n°22), qui met en scène une femme nue, hiératique, devant un port méditerranéen. Dans ces années d’entre-deux guerres, Moïse Kisling est une figure artistique marquante de Montparnasse et l’un des principaux représentants de l’Ecole de Paris. Peu après son arrivée en France, il fait la connaissance de Soutine, Juan Gris, Picasso et se lie plus particulièrement avec Modigliani. Exposé à la Galerie Druet en 1919, la notoriété de cet artiste, formé aux Beaux-Arts de Cracovie, est presque immédiate. Il se spécialise dans les portraits et les nus. Ses figures se détachent très souvent sur des fonds à peine brossés comme c’est ici le cas (ill. n°25). A la croisée de multiples influences, il développe une expression singulière, emplie d’une énigmatique sensualité.
25. Moïse KISLING (1891-1953)
Nu sur un fond vert Huile sur toile, signée en bas à droite, 35 x 27 cm. Certificat de Jean Kisling
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S’il est un peintre du XXème siècle dont la vie et l’oeuvre sont incroyablement marqués par les femmes, il s’agit bien de Picasso. Sa vie sentimentale apparaît comme une accumulation de conquêtes dont les évocations se succèdent dans son oeuvre. Chacune de ses femmes a incarné pour lui un trait de la féminité et à chacune de ses grandes phases de création est attaché le nom de l’une d’elles. Dans ce frivole dessin des années 1950 (ill. n°26), d’un vif trait d’encre, Picasso montre une femme nue s’enfuyant devant des putti lubriques, affublés de masques de grotesques. Mais tandis que le bas de son corps se dérobe, son buste esquisse un mouvement de retour et son visage se braque, posant sur les angelots un regard charmeur et enjoué. Dans cette iconographie syncrétique, qui emprunte notamment à la mythologie et à la Comedia dell’arte, le corps féminin est extrêmement érotisé, tout en étant simplifié. Réduit à sa plus élémentaire expression par la vivacité du trait, l’accent est tout de même mis sur les parties intimes, qui affichent leur pilosité. Cette obscénité entre en conflit avec le traitement du visage, qui inspire noblesse et douceur. Par cette allégorie, Picasso semble nous amener à considérer la duplicité féminine. A la fois pure et lubrique, chaste et concupiscente, madone et courtisane, la femme est double par essence. L’artiste envisage ainsi de réunir dans un même personnage, simplement esquissé, le féminin et le maternel, deux caractéristiques que l’art occidental a longtemps eu du mal à entrelacer. La dissociation entre la mère, et la femme comme objet de plaisir, a en effet largement dominé l’iconographie au cours des siècles. Cependant, cette dichotomie tend à s’estomper à partir de la seconde moitié du XXème siècle, notamment sous l’effet de la redécouverte des arts premiers, dont Picasso est l’un des pionniers.
26. Pablo PICASSO (1881-1973)
Femme entourée d’angelots masqués Encre sur papier, signée et datée «5.1.54», 65 x 50 cm. Certificat de Claude Picasso Photographie : Thomas Hennocque
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LA M U SE / ou l a f i dél i t é de l’ar t iste à u ne fem me Sous le regard de l’artiste, le sujet féminin entendu comme principale source de son inspiration revêt une dimension particulière. Bien plus qu’un modèle, la muse n’est substituable à aucune autre femme. Selon sa nature, l’artiste partage avec elle une intimité qui favorise la création ou bien se nourrit de l’idéalisation de sa présence lorsqu’une quelconque distance les sépare. Cette idée sous tend aussi une certaine communauté de pensée, qu’elle soit réelle voire même dans certains cas fantasmée. La muse forme un tout, de corps et d’esprit, indissociablement liés à l’artiste. Puisqu’elle est inspiratrice par vocation, elle est donc par essence vouée à s’exprimer, à extérioriser son être. Et cette expression prend quelquefois un chemin autonome dans la création. Berthe Morisot (ill. n°29), dont le visage enchantait Manet, servit plus d’une fois de modèle aux plus célèbres de ses compositions. Cependant, le grand artiste admirait également les conceptions avant-gardistes de la jeunefemme et une influence réciproque marqua l’œuvre de ces deux artistes. De manière plus pragmatique, il se peut aussi que la muse partage l’ordinaire de l’artiste, qu’elle contribue à lui rendre la vie plus douce en prenant notamment à sa charge le lot de tracas quotidiens susceptibles de peser sur son épanouissement artistique. Il se peut alors qu’il l’ait épousée, et même qu’elle lui ait donné des enfants. Comment peut elle dans ce cas demeurer tout ce qu’elle fût ? Il va sans dire que cette communauté de vie établie peut sembler un frein au désir qui précède toute création, nous verrons pourtant que certains artistes n’ont rien tant aimé que peindre leur femme, à tous les âges de la vie. 27. Henri MANGUIN (1874-1949)
Le lever, femme au peignoir (Jeanne), 1916 Huile sur toile, cachet d’atelier en bas à gauche, 81 x 65 cm. Bibliographie : Henri Manguin, catalogue raisonné de l’œuvre peint sous la direction de Lucile et Claude Manguin, n°532, p. 198. Historique : Madame Henri Manguin, Saint-Tropez, 1949 - Collection privée, France - Briest 24.11.87 - Loudmer 18.11.89 Galerie Richard Delh, Paris - Collection privée, Suisse.
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28. Henri MANGUIN (1874-1949)
Dormeuse, dernier nu de Jeanne, 1931 Huile sur panneau, cachet de l’atelier en bas à droite, 27 x 46 cm. Bibliographie : Henri Manguin, catalogue raisonné de l’œuvre peint sous la direction de Lucile et Claude Manguin, n°938, p. 305. Historique : Madame Henri Manguin, SaintTropez, 1949 – collection privée, France.
Henri Manguin, pour commencer, épouse Jeanne en 1899. Elle devient, nue ou vêtue, l’un de ses motifs favoris (ill. 27 et 28). Jeanne est peinte sous toutes les coutures et partout dans la maison, dans le jardin. Jeanne au lever, à la toilette, à la lecture, Jeanne à l’ombrelle, debout, assise ou étendue… Elle envahit l’œuvre du peintre, tout en gardant une forme de réserve, un certain mystère que le peintre nous laisse à peine entrevoir. Car au fond, qu’a-t-on vraiment besoin de savoir d’elle, si ce n’est qu’elle incarne la Femme, la plénitude inaccessible, l’idéal de bonheur et d’harmonie…
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29. Berthe MORISOT (1841-1895)
Portrait de femme Aquarelle sur papier, monogrammée en bas à droite, 25 x 25 cm. Certificat d’Yves Rouart
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Henri Lebasque aima lui aussi tout particulièrement représenter sa famille. Sa femme et ses deux filles, Marthe et Hélène, tiennent une place privilégiée dans son œuvre. En revanche, le désir y est moins palpable. Madame Lebasque est le plus souvent célébrée dans son rôle de mère, surprise dans les taches qui l’occupent au quotidien auprès de ses filles. Ce n’est pourtant pas ce que nous montre cette vaporeuse composition aux harmonies très douces (ill. n°30). Un groupe de femmes nues se délasse sur une plage de la Côte d’Azur. Deux des baigneuses, l’une assise, l’autre étendue, se protègent à l’ombre d’un parasol. La charmante complicité de cette scène pousse le spectateur à passer le premier plan, constitué d’une sorte de rideau dont le motif rayé rappelle ceux des cabines de plage. Trois autres femmes saisies dans différentes attitudes complètent ce tableau. Tout y respire la santé et l’harmonie. Le nu debout au centre de la composition donne un grand équilibre à la scène. On ne ressent paradoxalement aucun malaise à observer ces femmes dans le plus simple appareil, comme si nous y avions été invités par elles, en toute simplicité.
30. Henri LEBASQUE (1865-1937)
Sur la plage, Côte d’Azur Huile sur toile, signée en bas à droite, 51 x 32,5 cm. Certificat de Madame Maria de la Ville Fromoit.
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Parmi tous les artistes qui ont peint leurs épouses, Pierre Bonnard est probablement le plus constant. Il rencontre Marthe en 1893 et celle-ci devient le modèle quasiment exclusif de ses nus jusqu’à son décès en 1942. La grâce de ce corps, le galbe sublimement menu du buste, la perfection souple de la ligne, lui font oublier les autres modèles. Autour de l’année 1905 cependant, Bonnard consacre une série de tableaux à Anita Champagne, un jeune modèle qui deviendra un peu plus tard celui de Manguin. On peut la voir, en déshabillé encore, sur le dessin préparatoire que nous reproduisons ici (ill. n°32). A demi-sortie du monde de l’enfance, c’est ainsi que le peintre souhaite montrer Anita dans cette toile (ill. n°31), tenant négligemment d’une main une poupée de chiffon, tandis que, de l’autre, elle rajuste ses cheveux face au miroir dans une gestuelle typiquement féminine. A l’aube de sa vie de femme, à demi-déshabillée devant le miroir, celle-ci semble prendre conscience du potentiel de séduction qui l’anime.
32. Pierre BONNARD (1867-1947)
Etude pour Anita Dessin sur papier, cachet d’atelier « Succession Pierre Bonnard » en bas à droite, 18 x 11 cm.
31. Pierre BONNARD (1867-1947)
A demi déshabillée, devant le miroir, 1905 Huile sur toile, signée en bas à droite, 58,5 x 53,5 cm. Bibliographie : Bonnard, catalogue raisonné de l’oeuvre peint révisé et augmenté, J. et H. Dauberville, Paris, 1992, reproduit sous le n°363, p. 317
40 Nombreux sont les peintres au cours du temps qui ont associé le miroir à la représentation féminine. De la Vénus au miroir de Vélasquez aux miroirs déformants de Delvaux et Magritte, la portée de cet accessoire dans le tableau a cependant notablement évolué. D’emblème par excellence de la peinture, en ce qu’il transcrit le plus fidèlement la réalité, il est devenu un élément d’introspection, susceptible de s’avérer subversif par sa capacité à soustraire l’œuvre au réel. Avec Bonnard, nous n’en sommes pas encore là, mais le miroir joue tout de même un rôle ambigu, à la fois filtre et révélateur. Il nous permet d’une part de mettre à distance le sujet, que l’on n’observe pas directement mais au travers d’un filtre, d’un écran. Cela donne d’ailleurs à l’artiste l’occasion d’étudier formellement et chromatiquement toute une gamme de nuances, comme il aime encore le faire pour ses nus immergés dans des baignoires, qui ne se laissent observer qu’au travers d’une surface liquide qui n’est pas si immobile et translucide qu’on pourrait le penser de prime abord. D’un autre côté, le miroir de Bonnard permet au spectateur d’établir une certaine intimité, d’accéder à la vie intérieure du sujet et de saisir la vérité au travers de l’émotion provoquée. Vanité des vanités, il nous renvoie à notre propre quête d’identité.
33. Pierre BONNARD (1867-1947)
34. Pierre BONNARD (1867-1947)
35. Pierre BONNARD (1867-1947)
Etude de femmes
Nu au tub (Marthe), 1912-1915
Nu debout (Marthe), 1910-1915
Dessin sur papier, cachet d’atelier « Succession Pierre Bonnard » en bas au centre, 28 x 22 cm.
Dessin sur papier, 20 x 13,5 cm.
Dessin sur papier, 14,5 x 8,5 cm.
Certificat d'Antoine Terrasse.
Certificat d'Antoine Terrasse
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36. Pierre BONNARD (1867-1947)
Etude pour Marthe Dessin sur papier, cachet d’atelier « Succession Pierre Bonnard » en bas à droite, 15,5 x 20,5 cm.
37. Pierre BONNARD (1867-1947)
Etude de femmes Dessin sur papier, cachet d’atelier « Succession Pierre Bonnard » en bas à droite, 15 x 10,5 cm.
38. Pierre BONNARD (1867-1947)
Etude de femmes Dessin sur papier, cachet d’atelier « Succession Pierre Bonnard » en bas à gauche, 10,5 x 14 cm.
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40. Alfred LOMBARD (1884-1973)
Madame Lombard au bouquet Crayon sur papier, signé en bas à droite, 64 x 49 cm.
39. Alfred LOMBARD (1884-1973)
Madame Lombard au chapeau Huile sur carton, 46 x 37,5 cm.
41. Alfred LOMBARD (1884-1973)
Portrait de Madame Lombard, 1912 Huile sur carton, 54 x 42 cm.
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42. Gustave LINO (1893-1961)
A la fenêtre, Alger Aquarelle sur papier, signée en bas à droite, 60,5 x 45,5 cm.
45 Gustave Lino, peintre d’origine alsacienne, se fixe à Alger à la fin de la Première Guerre mondiale. Séduit par la peinture de Marquet, il s’en approche dans sa manière limpide d’envisager les paysages et les marines. Cependant, certains critiques ont aussi comparé son travail à celui des peintres du mouvement de la Réalité Poétique. Ce second rapprochement acquiert ici tout son sens. Gustave Lino prend pour modèle son épouse dans des actions quotidiennes mais insuffle à ses compositions, notamment à travers son traitement de la couleur, une dimension toute poétique (ill. n°42 à 49).
44. Gustave LINO (1893-1961)
La lecture Technique mixte sur papier marouflé sur carton, signée en bas à droite, 55 x 46 cm.
43. Gustave LINO (1893-1961)
Nu dans l’atelier Huile sur toile, signée en bas à gauche, 73 x 50 cm.
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45. Gustave LINO (1893-1961)
Madame Lino à la lecture Encre sur papier, signée en bas à droite, 25,5 x 20 cm. 46. Gustave LINO (1893-1961)
La lecture Huile sur papier marouflée sur carton, signée en bas à gauche, 46 x 38 cm.
47. Gustave LINO (1893-1961)
Au piano Crayon gras sur papier, signé en bas au centre, 46 x 60,5 cm.
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48. Gustave LINO (1893-1961)
A la fenêtre, Alger Encre sur papier, signée en bas à droite, 31 x 23,5 cm.
49. Gustave LINO (1893-1961)
Madame Lino lisant Huile sur toile, signée en bas à droite, 46 x 38 cm.
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LA PAR IS IE NNE / ou l a con qu ête de l’indépendance De la dernière décennie du XIXème siècle jusqu’aux années Folles, l’archétype de la Parisienne continue d’évoluer au gré des modes vestimentaires. Cependant, elle incarne aussi une femme qui s’émancipe peu à peu de sa condition. L’épouse bourgeoise corsetée et engoncée fait place à une silhouette plus élancée, à une femme socialement plus indépendante. A l’image de Madeleine Chéruit, qui fonde sa propre maison de couture au début des années 1900, il est même admis que la femme mette un pied dans le monde des affaires. Helleu nous la présente dans ce portrait comme une femme jeune encore (ill. n°50), son cou émerge d’un col en fourrure et elle réchauffe ses mains dans un manchon, ses cheveux relevés sont coiffés d’un élégant chapeau sobrement fleuri. Le peintre s’est appliqué à rendre le raffinement non ostentatoire de cette tenue par l’accord subtil des étoffes et des fourrures. Madame Chéruit est donc chaudement couverte en dehors de son seul visage, cependant la séduction n’est pas absente de ce portrait. En effet, le modèle détourne le regard dans un léger mouvement de tête qui laisse entendre, sans aucune impatience pourtant, que son esprit est occupé à envisager de plus importantes questions. Son beau visage paraît absorbé vers un ailleurs qui nous échappe, cependant cette attitude ne semble pas feinte. Aucune exagération ne pousse la moue au dédain ou à la mélancolie théâtrale. Madeleine Chéruit est séduisante par son naturel, par sa posture de relative indépendance qui ne sacrifie rien à sa féminité. C’est désormais par la spontanéité de sa personnalité que la femme peut captiver, sans qu’il soit besoin pour l’artiste de dévoiler le corps ou de présenter son modèle dans une attitude trop affectée.
50. Paul César HELLEU (1859 -1927)
Portrait de Madame Chéruit, circa 1898 Pastel sur carton, signé en haut à droite, 80 x 65 cm. Cette œuvre sera incluse dans le catalogue raisonné en préparation par l’Association des Amis de Paul-César Helleu sous le numéro PA-5956.
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Cette indépendance s’affirme d’avantage dans le sujet, plus tardif, de Domergue (ill. n° 51). Bien moins vêtue, elle conserve cependant une certaine distance et séduit d’avantage par le caractère de son visage que par la nudité de ses épaules. Domergue nous présente ici une femme dont le cou exagérément long et souple s’échappe d’un corset emplumé, une femme-oiseau et pourtant pas une oiselle, au regard doux mais déterminé. 51. Jean-Gabriel DOMERGUE (1882-1962)
Portrait de femme Huile sur toile, signée et datée 27 en bas à droite, 81 x 65 cm.
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52. Elie Anatole PAVIL (1873-1948)
Une soirée au Bal Tabarin Huile sur toile, signée en bas à droite, 50 x 65 cm.
La parisienne est également charmante par sa légèreté, au regard de cet irrésistible penchant matérialiste qui l’incite à suivre avec ravissement les modes, jusque dans les allures de garçonne qu’elle adopte au début des années 20. Le « Bob hairstyle » initié quelques années auparavant par Irène Castle ou Louise Brooks fait fureur, dégageant le cou et les épaules. Quel changement ! La longueur des cheveux ne dépasse pas le lobe de l’oreille, un style adopté par toutes les femmes présentes ce soir là au Bal Tabarin dans la composition de Pavil (ill. n°52). Danseuses, serveuses et habituées de ce célèbre cabaret du IXème arrondissement arborent les cheveux courts,
la nuque libre. Cependant, dans ces lieux de fête où Paris se réjouit, le spectre de la guerre et de la misère n’est jamais loin, que l’on regarde derrière ou devant soi. Et malgré la récréation, une indicible mélancolie plane souvent sur les noctambules. C’est en tous cas le sentiment que l’on croit lire sur le visage de cette danseuse assise au premier plan. Seule, en marge des autres personnages de la composition qui se désintéressent de son sort, son regard fixe vainement l’horizon de la salle de bal. On ne saurait dire quel espoir l’emporte, celui de danser encore ou de quitter pour de bon ce lieu…
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53. Jean-Louis FORAIN (1852-1931)
Dans les coulisses de l’opéra Huile sur toile, monogrammée en bas à droite, 66 x 50 cm.
53 Autre endroit de distraction des soirées parisiennes, l’opéra offre un spectacle qui n’a d’égal celui de ses coulisses. Nombre d’abonnés, des messieurs âgés pour la plupart, entretiennent en effet de jeunes ballerines. Forain se délecte de ces intrigues de coulisses qui lui fournissent le moyen de croquer certaines hypocrisies de la société mondaine de son époque (ill. n°53).
55. Louis FORTUNEY (1875-1951)
Élégante dans un parc Pastel sur papier, signé en bas à droite, 44,5 x 30 cm.
54. Auguste-François GORGUET (1862-1927)
Elégante au chapeau Huile sur toile, signée, dédicacée et datée 1894 en bas à gauche, 64 x 40 cm.
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56. Francis PICABIA (1879-1953)
Tête de femme Crayon sur papier, signé et daté 1er août 39 en bas à gauche, 28,6 x 23 cm. Certificat de Monsieur Pierre Calte, Comité Piacabia.
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57. Francis PICABIA (1879-1953)
Tête de femme Crayon sur papier, signé en bas à droite, 35,1 x 22,5 cm. Certificat de Monsieur Pierre Calte, Comité Picabia.
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FE M MES DU P EU PLE / ou l ’in car n at i on d’un message’uni vers el Au milieu du XIXème siècle, les récits de voyages pittoresques sont à la mode. Concurrençant les photographies ethnographiques, les artistes illustrent avec force détails les différents types humains rencontrés. Le dépaysement du voyage en Orient donne notamment l’occasion aux peintres d’étudier les différentes physionomies ethniques et les particularités telles le costume, en lien avec l’appartenance sociale des individus. Cependant il n’est pas besoin de voyager si loin pour observer cette tendance au pittoresque car la diversité des régions françaises fournit aux peintres un bel exemple de variété de mœurs et de coutumes. L’effondrement de la hiérarchie des genres en peinture et une certaine remise en cause de l’académisme initiée à partir de la seconde moitié du XIXème siècle vont aussi contribuer à ce que l’artiste concentre son regard sur son environnement familier. La femme au foyer dans ses tâches quotidiennes, les petits métiers de la ville ou de la campagne, constituent autant de potentielles « scènes de genre » particulièrement dignes d’être peintes. Le naturalisme trouve une belle expression dans le portrait de cette écaillère par Victor Gilbert (ill. n°58), qui s’était fait une spécialité de la représentation de ces petits métiers des Halles et des faubourgs parisiens.
58. Victor Gabriel GILBERT (1847-1935)
La marchande d’huitres Huile sur toile, signée en bas à gauche, 46,5 x 38 cm.
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59. Auguste AIGUIER (1814-1865)
La Porteïris Huile sur toile, signée en bas à gauche, 61 x 38 cm. Bibliographie : Le paysage Provençal et l’Ecole de Marseille, avant l’impressionnisme, Jean-Roger Soubiran, reproduit page 62.
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60. Pierre GRIVOLAS (1823-1906)
61. James BERTRAND (1823-1887)
Portrait de jeune femme
Huile sur toile, signée et datée 1873 en haut à gauche, 55 x 43 cm.
Huile sur toile, signée en bas à droite, 57,5 x 37 cm.
Jeune femme
Les trois modèles de ces portraits sont presque encore des fillettes, qui émeuvent par la candeur de leur regard et la simplicité de leur condition. Ce sont des filles «du pays», profondément attachées à la terre et indéfectiblement liées à leur village, où elles sont nées et mourront probablement. Leurs portraits s’en détachent pourtant pour atteindre une dimension universelle, portée par leur humilité. La petite marchande de légumes provençale d’Auguste Aiguier (ill. n°59) semble accepter sa condition sans ployer sous le poids du lourd panier qu’elle porte sur sa tête. Originaire d’Avignon, Pierre Grivolas dépeint quant à lui une toute jeune-fille au visage poupin (ill. n°60). Dans le travail de l’artiste, ce type d’étude précède l’élaboration de plus grandes compositions villageoises, dans lesquelles une foule de personnages se retrouve pour une manifestation commune, marché ou procession. Enfin, le peintre lyonnais James Bertrand montre une jeune fille du peuple dont la noblesse des traits évoque celle qui inspira les maîtres italiens de la Renaissance (ill. n°61).
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62. René SEYSSAUD (1867-1952)
Les ramasseuses de sainfoins, vers 1897 Huile sur carton, signée en bas à droite, 37,5 x 60 cm. Certificat de Madame Claude Jeanne Bonnici
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63. René SEYSSAUD (1867-1952)
Portrait de Louise Seyssaud, vers 1930 Dessin au crayon sur papier, 33 x 25,5 cm.
64. René SEYSSAUD (1867-1952)
Portrait d’Yvonne, fille de l’artiste vers 1910 Sanguine sur papier, signée en haut à gauche, 29,5 x 21,5 cm.
René Seyssaud réalise dans ces dernières années du XIXème siècle un grand nombre de scènes rurales. Atteint de la tuberculose, il réside pour quelques temps dans une ferme vauclusienne et le motif des paysans au travail lui est cher. Ce spectacle varie en fonction des saisons : labours, semailles, fenaisons ou moissons, mais il est au fond immuable, recommencé année après année, depuis des siècles. Les ramasseuses de sainfoins (ill. n°62) recueillent les plantes dans leurs tabliers, et tout autour de ces deux laborieuses figures, le printemps illumine le paysage d’un éclat vert tendre. Ces deux femmes semblent elles aussi participer de cet élan printannier, comme si elles avaient poussé du sol en même temps que les fleurs qu’elles ramassent, qui ont la couleur de leurs vêtements. Les paysans de Seyssaud sont en effet indissociables de la terre sur laquelle ils travaillent. Ils sont tant imprégnés par elle que chaque saison insuflle ses tonalités à leurs êtres. Ce n’est probablement pas un hasard si cette scène de renouveau printannier est habitée par des femmes, elles qui donnent la vie. Mais ces figures sont parfaitement anonymes, renforçant le sentiment qu’elles appartiennent véritablement à ce paysage. Elles lui donnent vie tout en ne disposant pas elles-même d’une existence propre, puisque leur être tout entier est destiné à agir en symbiose avec la terre dans l’accomplissement de ce travail agricole séculaire.
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Les provençales en méditation sur la colline d’Auguste Chabaud (ill. n°65) sont empreintes d’une dimension mystique. Ces deux silhouettes de paysannes de dos, portant un fichu sur la tête, sont chargées d’une intensité quasi-religieuse, qui se matérialise par une force toute graphique. Au sommet d’une colline, de retour de leur cueillette, elles veillent sur une vallée agricole dépouillée. Dans ce paysage assez rude, deux silhouettes cheminent sur un sentier. Plus haut, une autre colline accueille une petite chapelle annoncée par des cyprès tandis que de l’autre côté de ce promontoire, un village s’est établi, sur une pente certainement plus propice. Cette immense composition tire d’abord sa force de la tension qui se crée entre ce premier plan très invasif et la plongée vers la vallée où tout semble, y compris les hommes, ridiculement petit. Elle fait également écho à une spiritualité conduite au fil du tableau par la présence d’éléments graphiques tels que la rangée de cyprès, le chemin ou la chapelle. Enfin, la froideur et la sobriété de la palette accentuent l’effet dramatique de la composition, qui touche à l’universalité dans la puissance ancestrale que ces figures véhiculent. Telles les Parques de la destinée, elles nous rappellent la vanité de l’existence.
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65. Auguste CHABAUD
Femmes en méditation sur la colline, 1909-1925 Huile sur toile, signée en bas à gauche, 170 x 315 cm. Expositions : Auguste Chabaud, Chapelle du Grand Couvent, Cavaillon, 20 juillet – 25 août 1972. Auguste Chabaud (1882-1955), Saarland Museum Saarbrücken, 04 avril – 16 mai 1993, reproduit au catalogue p.126-127 sous le numéro 68. Auguste Chabaud (1882-1955), Von der Heydt-Museum Wuppertal, 30 mai – 18 juillet 1993, reproduit au catalogue p.126-127 sous le numéro 68. Auguste Chabaud (1882-1955), Städtische Galerie im Lenbachhaus München, 15 septembre – 24 octobre 1993, reproduit au catalogue p.126-127 sous le numéro 68. Auguste Chabaud (1882-1955), Musée des Beaux-Arts, Orléans, 12 juillet – 13 octobre 1986, reproduit au catalogue p.71 sous le numéro 60. Centenaire Auguste Chabaud, Palais des Papes, Avignon, 28 septembre – 31 octobre 1982, sous le numéro 19. Auguste Chabaud, 55 années de peinture, 22 juillet – 14 septembre 1956, Galerie des Arts, Nîmes, sous le numéro 28. Auguste Chabaud, Cercle artistique et littéraire, Paris, juin – juillet 1952, sous le numéro 37. Rétrospective Auguste Chabaud, Salon d’automne, Paris, 1956. Bibliographie :
Auguste Chabaud, Raymond Charmet, La bibliothèque des Arts, Paris, 1973, reproduit p.159 sous le numéro 69. Auguste Chabaud, Max Philippe Delavouët, Editions Cercle d’Art, Paris, 1983 sous le numéro 27. Provenance : Collection privée, Londres
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Cette quête d’universalité qui s’incarne dans des femmes du peuple trouve une autre expression dans ce tableau de Francis Picabia (ill. n°66). Deux femmes, simplement vêtues et encore de dos cette fois, se recueillent au seuil d’une chambre à coucher au mur de laquelle est accroché le portrait d’un jeune-homme souriant. La lettre tombée à leurs pieds ainsi que les mentions par l’artiste de la date 1939 et de l’inscription « Prisonnier » ne laissent pas de place au doute. Picabia exprime dans cette scène la douleur d’une mère dont le fils parti à la guerre est captif. On est cependant loin ici de certaines images exubérantes de la Mater Dolorosa. La mère exprime son désarroi par son attitude de prière et d’humilité et la compassion nait de l’identification à cette femme dont on ne peut distinguer le visage. Plus légères sont les compositions orientalistes d’Emile Deckers (ill. n°67) ou Etienne Dinet (ill. n°68), dans lesquelles l’âge adulte est tenu à distance. Ces adolescentes jouent comme des enfants qui n’ont pas encore conscience que leur vie d’adulte est sur le point de les happer. Les fillettes berbères de Dinet sourient, tout à leur jeu, tandis que celle de Deckers se laisse conter fleurette par un jeune garçon qui lui murmure à l’oreille. Ces évocations sont bien loin de celles de l’Orient romantique, fantasmé par les peintres occidentaux de la première génération. La vie dans les campagnes et les coutumes étrangères de ces peuples nomades vont fournir aux artistes de nouveaux motifs. Cet intérêt est tout particulièrement sincère chez un peintre comme Dinet, qui passe la majeure partie de son temps en Algérie et se convertit à l’islam, adoptant le prénom de Nasreddine, qui signifie « le salut de la religion ». 66. Francis PICABIA (1879-1953)
Prisonnier Huile sur panneau, signée en bas à droite, datée 1939 en bas à gauche et titrée «Prisonnier» en haut à droite, 106 x 74 cm. Certificat de Madame Germaine Everling Picabia daté du 17 Août 1962. Provenance : Collection privée, Sud de la France
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68. Etienne Alphonse DINET (1861-1929) 67. Émile DECKERS (1885-1968)
La confidence, Alger Huile sur toile, signée, située et datée 1941 en bas à droite, 80 x 61 cm.
Jeux de fillettes Huile sur toile, signée et datée 1906 en bas à droite, 52 x 62 cm. Certificat de Koudir Benchikou
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RE GARDS SI NGU LI ERS S UR LA FE M ME / Leprin, Ambrogiani, Ferrari & d’autres provençaux du XXème siècle
S’ils se réclament des maîtres provençaux novateurs tels qu’Adolphe Monticelli, la parenté ne saute pas immédiatement aux yeux. Pour ces artistes, dont beaucoup fréquentent à Marseille le bar du Péano, la verve expressionniste s’avère la voie la plus tentante. Tout en restant figuratifs, ils prennent leurs distances avec l’imitation de la réalité. Dans des cheminements très différents, la femme, et plus particulièrement le corps féminin, constitue un modèle de référence, notamment dans l’exploration du rapport à la réalité. 69. Pierre AMBROGIANI (1907-1985)
Nu posant Huile sur toile, signée en bas à gauche, 92 x 65 cm. Certificat au dos de Raymonde Ambrogiani, du 20 Juin 1979. Bibliographie : Pierre Ambrogiani, André Alauzen, Ed. Tacussel, p. 41. Exposition : Pierre Ambrogiani, Musée de Région Auguste Chabaud, Graveson, de Février à Mai 2011, n°21 du catalogue.
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70. Marcel LEPRIN (1891-1933)
L’escale du marin, Marseille Huile sur toile, signée en bas à droite, 46 x 55 cm.
71. Antoine FERRARI (1910-1995)
Portrait de femme Huile sur isorel, signée en bas à droite, 81 x 60 cm.
72. Antoine FERRARI (1910-1995)
La parisienne Huile sur isorel, signée en bas à droite, 65 x 46 cm.
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73. Jules COULANGELAUTREC (1861-1950)
Femme allongée Huile sur carton, signée en bas à droite, 24,5 x 40 cm.
74. Pierre CORNU (1895-1996)
75. Yves BRAYER (1907-1990)
Femme à la lecture
Deux Toreras
Huile sur toile, signée en bas à droite, 55,5 x 45,5 cm
Huile sur toile, signée en bas à droite, 35 x 27 cm. Exposition : Wildenstein Institute, New-York
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76. Jonathan ZUTTER (XX)
Femme nue assise Huile sur toile, signée en bas à droite, 81 x 65 cm
77. Richard MANDIN (1909-2002)
Femme au manchon Huile sur papier, signée et datée 1947 en haut à gauche, 48,5 x 62,5 cm. Bibliographie : Richard Mandin, le dernier peintre, catalogue raisonné, Annick Masquin et Bernard Plasse, reproduit sous le n° NU009, p. 220.
78. Richard MANDIN (1909-2002)
Femme à la flûte de cristal Huile sur toile, signée et datée 1951 en bas à gauche, 61 x 50 cm. Bibliographie : Richard Mandin, le dernier peintre, catalogue raisonné, Annick Masquin et Bernard Plasse, reproduit sous le n° PO106, p. 307.
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LES NANAS / ou le regard révolté d’une artiste sur la condition féminine Les années 60 sont propices à une remise en question sociale, qui passe aussi et d’abord par le champ artistique. Les Nouveaux Réalistes posent un regard inédit sur l’objet, interrogent la place de l’humain dans la société de consommation. Dans ce contexte, Niki de Saint-Phalle développe une réflexion très critique sur le rôle assigné aux femmes. Cette jeune femme très belle, qui pose pour la couverture de Vogue, est intérieurement dévastée, rongée par un traumatisme d’enfance devenu un accablant secret, dont elle livrera la nature des années plus tard dans un livre. De retour des Etats-Unis où elle a suivi une scolarité chaotique, elle s’installe à Paris avec son mari et leur premier enfant. Très jeune, à 18 ans à peine, elle est déjà épouse et mère. Cependant, elle se sent oppressée dans ce rôle, tiraillée entre son statut familial, sa claustration sociale et ses aspirations. « Je voulais le monde et le monde alors appartenait aux hommes »1 dira-t-elle. Niki de Saint-Phalle fait une grave dépression puis commence à entrevoir la possibilité de faire entendre sa voix et atténuer sa souffrance par l’expression plastique. 1. Niki de Saint Phalle, catalogue d’exposition, Paris, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1993, p. 148.
79. Niki de SAINT-PHALLE (1930-2002)
Lady with handbag, 2000 Sculpture en résine peinte, numérotée 130/150, 63 x 36 cm. Photographies en extérieur : Timothé Leszczynski
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80. Niki de SAINT-PHALLE (1930-2002)
La baigneuse, 1973 Sculpture en résine peinte, numérotée 357/500, 27 x 35 x 30 cm.
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Son œuvre est d’abord marquée par une grande violence et la pratique des tableaux-tirs va servir d’exutoire à son mal être. Par ce procédé subversif, elle inverse les rapports, exerce sa vengeance sur l’univers masculin et s’insurge contre l’ordre établi, y compris les principes de la représentation artistique. Sa violence devient véritablement actrice, investie d’un pouvoir de création par la destruction. La rencontre avec Jean Tinguely, qui deviendra son second époux est également décisive dans cette renaissance. Pour se consacrer à ses deux nouvelles passions, qui l’absorbent toute entière, elle quitte son foyer, laissant derrière elle ses deux enfants et un relent de scandale. C’est en croquant l’une de ses amies enceinte que germe l’idée des Nanas, ces rotondités gonflées comme des baudruches célébrant l’énergie vitale de la femme. Évoquant les Vénus du paléolithique, ces sculptures callipyges et stéatopyges réconcilient les deux pôles de la féminité dans une ode joyeuse à la fécondité. Elles font fi de l’antagonisme créé de manière artificielle entre la femme et la mère. Si la religion a instauré ce dualisme, il fut entretenu au cours des siècles par la société mais aussi par la représentation artistique, qui n’a su se défaire de cette emprise. Or, s’il est bien un corps qui a connu la volupté, c’est celui de la mère. Le concept originel de fécondité, louant la femme qui donne la vie par la plénitude de ses attributs sexuels, semble une piste de représentation d’avantage en accord avec la réalité et avec la nature, qui fait écho à l’affirmation sans complexe de la virilité masculine. La référence formelle à une structure primitive renvoie aussi au fantasme d’une société matriarcale, induisant un bouleversement total des codes et des hiérarchies. Ces figures, lorsqu’elles sont monumentales, ont aussi à proprement parler une valeur d’introspection : dans Hon, une Nana géante de près de 30 mètres de long, le visiteur pénètre dans le corps de la femme par le vagin, et dans le Jardin des Tarots, en Toscane, il suit un parcours initiatique guidé par des figures ésotériques. Car les Nanas sont aussi accompagnées d’un panthéon imaginaire, constitué d’êtres à la fois attirants et inquiétants, effrayants ou protecteurs. Tel est cet Oiseau amoureux (ill. n°81) campé sur ses serres qui accueille une Nana cramponnée à son cou et ses reins. L’artiste a décliné cette iconographie selon plusieurs variantes, et notamment des grands modèles, réalisés avec l’aide de son époux Jean Tinguely. Celui de la fontaine de Lebensretter-Brunnen à Duisburg en Allemagne atteint près de 5 mètres de haut et capte l’énergie cinétique des jets d’eau, à laquelle Niki de Saint-Phalle avait déjà confronté ses créations, notamment dans le projet de la Fontaine Stravinsky réalisé pour la Ville de Paris.
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81. Niki de SAINT-PHALLE (1930-2002)
L’oiseau amoureux, 2000 Sculpture en résine peinte, numérotée 134/150, 60 x 48 x 23 cm.
77 De cet étrange univers émerge ce personnage (ill. n°82) arborant tel Shiva, Dieu hindou de la destruction et de la création, un troisième œil frontal. Sa forme rappelle cependant les matriochkas russes ou les personnages d’un dessin animé culte diffusé dans les années 70. La Mexicana serait un hommage à une autre artiste profondément rebelle, Frida Kahlo. « Si aujourd’hui je me considère presque comme le seul poète, le seul sculpteur capable de créer quelque chose de poétique, c’est justement parce que je suis femme. Les hommes avec leurs fusées, leurs bombes atomiques, et toute cette saleté qu’ils nous ont foutue dessus… ils se sont stérilisés. Et c’est pour ça justement aujourd’hui, que moi, femme, je peux vraiment faire une œuvre fulgurante poétique. Les hommes sont prisonniers de trucs stupides… Argent, pouvoir, macarons de la Légion d’honneur, alors que moi, femme, j’ai une liberté fantastique pour exprimer mes délires, mes problèmes face au monde d’aujourd’hui. » 2 C’est ainsi que Niki de Saint-Phalle, avec sa douleur, ses failles, sa révolte et ses espoirs, étreint le monde par la démesure des Nanas. 2. Julia Kristeva, préface au catalogue d’exposition Visions Capitales, Paris, Musée du Louvre, 1998, p.11.
82. Niki de SAINT-PHALLE (1930-2002)
Mexicana, 1999 Sculpture en résine peinte, numérotée 3/8, 40 x 30 x 28 cm.
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INDEX DES ARTISTES PRESENTÉS :
AIGUIER, Auguste ...........................p.58
HELLEU, Paul César ...................p.48
ALLEGRE, Raymond .........................p.7
HERZIG, Yvonne .......................p.14-15
AMBROGIANI, Pierre .....................p. 68
KISLING, Moïse ..............................p.28
ARTEMOFF, Georges ................p.26-27
LANDELLE, Charles .....................p.8
BERNARD, Emile .......................p.16
à 19
LEBASQUE, Henri ........................p.36
BERTRAND, James .........................p.59
LEPRIN, Marcel ............................p.69
BONNARD, Pierre ....................p.38
à 41
LESBROS, Alfred ........................p.23
BRAYER, Yves ..................................p.70
LEVY-DHURMER, Lucien ............p.10
CHABAUD, Auguste .............p22-23, .63
LINO, Gustave .........................p.44
CORNU, Pierre ............................... p.70
LOMBARD, Alfred .........p.24-25, 42-43
COULANGE-LAUTREC, Jules ..... p.70
MANDIN, Richard .........................p.71
DECKERS, Emile .............................p.66
MANGUIN, Henri ....................p. 32
DINET, Etienne ................................p.67
MORISOT, Berthe ........................p.35
DOMERGUE, Jean-Gabriel ..........p.50
PAVIL, Elie Anatole .....................p.51
ENJOLRAS, Delphin .......................p.11
PICABIA, Francis .................p.54-55, 65
FERRARI, Antoine ...........................p.69
PICASSO, Pablo ............................p.30
FORAIN, Jean-Louis .......................p.52
PIZZELLA, Edmundo ....................p.13
FORTUNEY, Louis............................p.53
POURET, Marcel ..........................p.12
GILBERT, Victor .............................p.56
ROUFFIO, Paul ..............................p.10
GORGUET, Auguste-François ...p.53
SAINT-PHALLE, Niki de ......... p.72
GRIVOLAS, Pierre ...........................p.59
SEYSSAUD, René .....................p.60-61
GUINDON, Marius ............................p.6
VALLOTTON, Félix ........................p.20
à 47
à 34
à 77
Remerciements : Monsieur Olivier Thomas Monsieur Joël Giverso Madame Claude Jeanne Bonnici Madame Maria de la Ville Fromoit Monsieur Yves Rouart La chocolaterie Puyricard Monsieur Didier Hortolary - Puyricard boutique Davso Aleksander et Julia Rabczuk Stéphane et Jason - Guy Pieters Gallery Timothé Leszczynski Nous remercions également tous les collectionneurs qui nous accordent leur confiance.
Galerie Alexis Pentcheff 131, rue Paradis 13006 Marseille
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