«Il nous faut sauver ce qui peut encore l’être» Le tourisme helvétique vit la plus grave crise de son existence. Le directeur de Suisse Tourisme, Martin Nydegger, évoque ici les solutions sur lesquelles il planche en coulisse. Considérant que nous ne sommes pas faits pour la distance sociale, il organise notamment pour la branche une manifestation agendée fin août à Zurich.
INTERVIEW RETO E. WILD
Martin Nydegger, vous arrivez encore à bien dormir?
tielles. Nous devons nous profiler comme une branche respectueuse des gens et Martin Nydegger: Oui, même si liée aux émotions, raison pour laquelle notre branche et l’ensemble de la Suisse nous avons mis un coup d’arrêt à pratitraversent une crise sans précédent. quement toutes les activités de markeNotre système politique demeure fonc- ting habituelles. Nous avons également tionnel, je me sens bien en Suisse et suis lancé dans les réseaux sociaux la camheureux de vivre en ce moment dans ce pagne d’empathie «Dream now and trapays. vel later», à travers laquelle nous souhaitons interpeller des clients potentiels. Suisse Tourisme va-t-elle faire l’objet Ceci nous permet aussi de présenter des d’un redimensionnement? images toutes de sensibilité mais néanNon, mais nous avons cependant décidé moins belles de notre pays. d’un gel de l’embauche au sein de notre organisation où les taux d’occupation L’impact sera immense sur notre accusent un fort déséquilibre. Ceux qui tourisme, mais avez-vous une idée du travaillent sur des solutions de fortune nombre d’hôtels et de restaurants qui ont bien plus à faire tandis que d’autres vont devoir mettre la clef sous la sont moins occupés en raison de la crise. porte? Viviane Grobet, notre cheffe d’état-major, La semaine dernière, un sondage natioétudie la situation et regarde qui a be- nal réalisé en commun avec Hotelleriesoin d’aide. Nos collaboratrices basées en Suisse et la Haute école de gestion de Corée épaulent par exemple l’équipe en Sierre (VS) a montré que 19 % des sondés charge du numérique. de la branche s’attendaient à des faillites. 27 % des restaurants et 23 % des hôtels La publicité touristique ne rime du pays redoutent même fortement une quasiment plus à rien par les temps qui telle débâcle, et c’est bien triste. On envicourent. sage toutefois aussi d’autres scénarios C’est vrai, il serait complètement ab- dans le monde, et c’est ainsi que 84 % surde de se fendre d’une publicité banale des hôtels devraient être à nouveau ouet à côté de la plaque alors que la popula- verts en Chine où nos représentants sont tion est en butte à des craintes existen- sur le terrain avec les organisateurs et les
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médias. Difficile d’estimer la part d’optimisme de façade derrière ces annonces, mais nous allons tout de même pouvoir émettre des pronostics pour nos autres marchés si la Chine, premier pays touché ★ Père de famille à la tête de 240 collaborateurs
Martin Nydegger, 49 ans, est depuis le 1er janvier 2018 directeur de Suisse Tourisme (ST). Père d’un fils de 13 ans, l’homme a grandi à Büren an der Aare (BE) et a effectué un apprentissage de mécanicien sur machines agricoles avant de suivre une formation dans le tourisme au sein de la Haute école spécialisée de Samedan dans les Grisons. Il a ensuite fait ses débuts à l’Office du tourisme de Scuol (GR) puis a été dépêché à Amsterdam pour le compte de Suisse Tourisme en 2005. Martin Nydegger passe pour être le père du «Grand Tour of Switzerland», itinéraire de 1600 kilomètres pour voitures et motos à travers notre pays. Disposant d’un budget annuel de plus de 90 millions de francs, Suisse Tourisme compte 240 collaborateurs sur 22 marchés.