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Alvéoles d'extraction : qu'est-ce qui fait la différence ?
préservation crestale Alvéoles d'extraction : qu'est-ce qui fait la différence ?
Dr Daniele Cardaropoli, italie Directeur Scientifique PROED, Institut pour la formation professionnelle en médecine dentaire Turin, Italie
Après extraction, il est primordial de conserver le volume osseux d'origine. Mais quels sont les paramètres à prendre en compte ? Avis d'Expert.
Le processus de cicatrisation des alvéoles d'extraction est lié à une série d'évènements biologiques, dont la formation d'un coagulum remplacé dans le temps par : une matrice de tissu conjonctif provisoire, de l'os fibreux immature, de l’os lamellaire et de la moelle La croissance du procès alvéolaire est directement liée à la présence de dents et suit différents degrés d'atrophie après l'extraction dentaire. La résorption de l'os fasciculé est principalement due à l'apport limité de cellules provenant du ligament parodontal. De même, lorsque la table osseuse est plus fine, l'os alvéolaire se résorbe du côté crestal, davantage du côté vestibulaire que lingual2. Sur le plan clinique, ce remodelage physiologique se traduit par une résorption horizontale et verticale de la crête.
Au cours des six premiers mois suivant
osseuse1 .
l'extraction, au niveau de la crête alvéolaire, on observe en moyenne une résorption horizontale de 3,8 mm et une résorption verticale de 1,24 mm3. De plus, un an après l'extraction, la crête peut perdre jusqu'à 50 % de sa largeur d'origine4. D'après les principes biologiques, anatomiques et cliniques qui régissent la dynamique de cicatrisation du site post-extractionnel, il est essentiel d'essayer de conserver le volume initial de la crête. Il est fréquent que des sites post-extractionnels présentent un volume osseux insuffisant pour la mise en place différée d'implants. Par conséquent, si une implantation est prévue, des procédures additionnelles d'augmentation de la crête sont essentielles pour compenser la perte crestale. Deux situations cliniques, deux solutions Quelles sont les solutions pour conserver un volume osseux suffisant ? Il faut tout d'abord distinguer les cas où les parois osseuses sont intactes de ceux où elles ne le sont pas.
1
2 Lorsqu'une alvéole présente trois parois osseuses intactes à 100 % et une quatrième paroi dont la perte osseuse n'excède pas 20%, avec une perte osseuse verticale n'excédant pas 1-1,5 mm5, la préservation de la crête permet de conserver le volume crestal au sein de l'enveloppe osseuse existant au moment de l'extraction3 . En cas de perte partielle ou complète d'une ou de plusieurs paroi(s), l'augmentation de la crête est recommandée pour accroître le volume crestal au-delà du contour existant au moment de l'extraction.
Préservation de la crête : une approche tout-en-un Le choix de la technique chirurgicale de préservation de la crête a un impact sur les résultats :
› extraction avec ou sans élévation d'un lambeau, › type de matériau utilisé (os autologue, matériau allogénique, xénogénique ou alloplastique), › utilisation d'une membrane ou non.
FiG. 1 : AVAnTAGES DE lA prÉSErVATiOn DE lA CrÊTE AVEC CiCATriSATiOn ET rEMODElAGE OSSEUX
Os natif
Formation d'os nouveau
Os préservé
Os préservé
Les résultats prévisibles pour les dimensions verticales de la crête peuvent varier entre un gain moyen de 1,3 mm et une perte moyenne de 2,48 mm. Quant aux résultats pour les dimensions horizontales de la crête, ils peuvent varier entre un gain moyen de 3,25 mm et une perte moyenne de 2,5 mm6 .
Les résultats cliniques montrent que la préservation de la crête permet de conserver le volume de la crête alvéolaire de manière prévisible selon un mécanisme de compensation biologique. L'utilisation d'un biomatériau approprié dans une alvéole d'extraction favorise le modelage osseux et compense la contraction marginale de la crête7 (Fig. 1). La résorption physiologique de l'os fasciculé et la perte probable de la table osseuse d'origine ne peuvent être évitées. Cependant, la régénération osseuse avec un biomatériau approprié à l'intérieur de l'alvéole crée un nouveau volume crestal comparable aux volumes pré-extraction. Par conséquent, d'un point de vue technique, la préservation de la crête ne permet pas de conserver l'alvéole mais plutôt le volume de la crête alvéolaire.
conseils cliniques Les biomatériaux à résorption lente semblent être les plus efficaces pour le maintien du volume tridimensionnel initial de la crête8. En présence d'une alvéole intacte, il est recommandé d'utiliser une approche sans lambeau pour optimiser les résultats. L'élévation d'un lambeau muco-périosté déclenche en effet une série de phénomènes biologiques différents et une phase d'hypoxie transitoire au niveau cortical, ce qui active les ostéoclastes et la résorption osseuse qui s'ensuit9 .
Biomatériau de préservation volumique : Après l'extraction, l'alvéole doit être débridée et abondamment rincée avec une solution saline de manière à décontaminer le site avant utilisation du biomatériau (Fig.2).
FiG. 2, A-H : TrAiTEMEnT D'UnE AlVÉOlE D'EXTrACTiOn AVEC prÉSErVATiOn DE lA CrÊTE MiniMAlEMEnT inVASiVE
A B C D
E F G H
Photos : Daniele Cardaropoli
| A Situation initiale : vue latérale de la deuxième prémolaire supérieure droite compromise. | B vue occlusale montrant l'atteinte de la structure dentaire résiduelle. | c Radiographie initiale de 15 montrant la lésion carieuse profonde et l'insuffisance du traitement endodontique. | D Évaluation par tomographie volumique à faisceau conique (CbCT) montrant une lésion périapicale nette et l'absence d'os disponible entre l'apex de la racine et le plancher sinusien. La situation représente une contre-indication pour la mise en place immédiate d'un implant. | e vue occlusale du site d'extraction après l'approche sans lambeau. | F Geistlich bio-Oss® Collagen est appliqué dans l'alvéole post-extractionnelle récen après un débridement approprié. | G Geistlich Mucograft® Seal est positionnée au-dessus de Geistlich bio-Oss® Collagen pour protéger le greffon et obturer l'alvéole. La matrice tridimensionnelle est suturée avec un fil 5/0 en polytétrafluoroéthylène non résorbable. | h vue latérale 4 mois après l'intervention. La cicatrisation des tissus mous est totale et l'anatomie initiale de la crête est préservée dans sa dimension verticale.
Le biomatériau idéal doit impérativement être biocompatible, ostéoconducteur et à résorption lente pour compenser le remodelage inévitable de l'os fasciculé. L'os minéral bovin déprotéinisé possède ces caractéristiques : il préserve, en moyenne, 93 % du volume crestal initial au suivi à quatre mois, le volume alvéolaire est pratiquement préservé et, sur le plan histologique, il consiste en approximativement 26 % d'os nouveau et 18 % de granules d'os bovin résiduels5 . Biomatériau protecteur : habituellement, après l'application du biomatériau de remplissage, l'alvéole d'extraction est obturée avec une membrane de collagène résorbable ou, plus récemment, avec une matrice de collagène tridimensionnelle (Geistlich Mucograft® Seal - Fig.2). La matrice de collagène d'origine porcine, épaisse et double couche, protège efficacement le greffon osseux sous-jacent et favorise la cicatrisation secondaire des tissus mous sans risque d'infection. La couche externe, lisse et dense, de la matrice de collagène limite la pénétration des bactéries et favorise la colonisation par les cellules des tissus mous. La fermeture complète des tissus mous survient habituellement entre la troisième et la quatrième semaines suivant l'extraction. Implant : Quatre à six mois après la préservation de la crête, un implant ostéointégré peut facilement être inséré dans une crête osseuse préservée, avec un volume crestal approprié et des tissus mous parfaite-
FiG. 2, i-p : TrAiTEMEnT D'UnE AlVÉOlE D'EXTrACTiOn AVEC prÉSErVATiOn DE lA CrÊTE MiniMAlEMEnT inVASiVE
J K l
M n O p
Photos : Daniele Cardaropoli
i vue occlusale 4 mois après l'intervention. La largeur de la crête est maintenue et comparable au volume d'origine. | J Radiographie péri-apicale 4 mois après l'intervention montrant le remplissage osseux total du site d'extraction. | K Évaluation CbCT 4 mois après l'intervention montrant la préservation du volume crestal dans les dimensions verticale et horizontale. | l Après élévation du lambeau, nouveau tissu remplissant l'alvéole et bonne largeur de la crête osseuse compatible avec la mise en place d'un implant. | m un implant de 4,1 mm de diamètre est mis en place. une épaisseur osseuse supérieure à 2 mm est disponible, sur les faces vestibulaire et linguale, pour assurer une stabilité durable. | N Diagramme de l'insertion de l'implant : la stabilité primaire augmente au cours de l'insertion (ce qui suggère un contact total entre le filetage de l'implant et la surface de l'os) et s'achève avec un couple de serrage final de 35 Ncm, ce qui, dans ce cas, représente également le couple d'insertion réel. | o Radiographie péri-apicale après mise en place de l'implant montrant l'implant dans un volume osseux approprié. | P Histologie d'un prélèvement sur un site de préservation de la crête 4 mois après extraction. L'image révèle la présence d'os nouvellement formé en abondance, compatible avec l'insertion d'un implant (grossissement 100x)12, 13 .
ment cicatrisés10 (Fig.2). La technique de préservation de la crête osseuse est utilisée pour conserver l'anatomie initiale de l'os et des tissus mous, assurer un volume crestal stable et optimiser les résultats fonctionnels et esthétiques qui simplifient les actes cliniques. Ces résultats positifs peuvent également être espérés en dépit de l'épaisseur initiale de la table osseuse11 .
références 1 Cardaropoli G, et al.: J Clin Periodontol 2003; 30, 809–818. 2 Araujo MG, Lindhe J: J Clin Periodontol 2005; 32: 212–218. 3 Hämmerle C, et al.: Clin Oral Impl Res 2012; 23(Suppl 5), 22-38. 4 Schropp L, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 2003; 23:313–323. 5 Cardaropoli D, et al.: Int J Periodontics Rest Dent 2012; 32: 421-430. 6 Vignoletti F, et al.: Clin Oral Implants Res 2012; 23
Suppl 5:22-38. 7
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11
12
13 Araujo MG, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 2008; 28:123-135. Avila-Ortiz G, et al.: J Dent Res 2014; 93(10):950-95. Nobuto T, et al.: J Periodontol 2005; 76:1346-1353. Cardaropoli D, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 2015; 35(5):677-85. Cardaropoli D, et al.: Int J Periodontics Rest Dent 2014; 34(2):211-217. Haas R, et al.: Clin Oral Implants Res 1998; 9(2):117-22. Zitzmann NU, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 2001; 21:288–295.