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Récessions multiples : une technique de tunnélisation moins invasive
recouvrement de récessions Une technique de tunnélisation moins invasive pour les récessions multiples
Dr Sofia Aroca, France Cabinet libéral, Paris, France Clinique de parodontologie, université de berne, Suisse
Le recouvrement des récessions reste un défi en présence de défauts sévères. Une technique et un matériau adaptés peuvent toutefois aider à garantir un résultat réussi. Découvrez comment.
L'objectif d'une intervention chirurgicale visant à traiter des récessions multiples est d'obtenir un recouvrement radiculaire total en harmonie avec les tissus mous environnants et assurant une stabilité durable, avec une profondeur de sillon d'au maximum 2 mm. Les techniques actuelles le plus communément utilisées pour traiter les récessions multiples peuvent être divisées en deux groupes :
multiples lambeaux d'épaisseur partielle déplacés coronairement1 avec incision des papilles, tunnélisation sans incision des papilles.
La technique du tunnel pour le recouvrement des récessions multiples est issue de la technique d’enveloppe supra-périostée combinée avec un greffon de tissu conjonctif (GTC)2. L'un des avantages de cette méthode est la préservation de la continuité des papilles gingivales et la création d'une poche contenant un GTC qui est légèrement exposé au-dessus de la récession. Laisser le greffon exposé peut cependant compromettre le résultat esthétique. Pour résoudre ce problème, Azzi et Etienne ont proposé une modification de la technique d’enveloppe supra-périostée3 qui consiste en l'élévation d'un lambeau de pleine épaisseur qui va au-delà de la ligne muco-gingivale pour recouvrir entièrement le GTC placé dessous. D'un point de vue biologique, l'incision sur toute l'épaisseur et l'intégrité des papilles garantissent une vascularisation optimale. L'apport de sang a une importance capitale dans la mesure où la surface avasculaire est étendue dans les récessions multiples 4,5. De nombreux articles scientifiques traitent de la technique d’enveloppe supra-périostée appliquée telle qu'elle a été initialement décrite ou avec de légères modifications6-8 .
A B
FiG. 1 : SUTUrES SUSpEnDUES pOUr UnE TECHniQUE DU TUnnEl DÉplACÉ COrOnAirEMEnT MODiFiÉE C
D
| A Récession gingivale initiale - ligne mucogingivale. | B La poche gingivale et le tunnel sont disséqués au-delà de la ligne mucogingivale, puis les fibres de collagène sont séparés avec des curettes sous le lambeau. Les papilles sont ensuite décollées. | C Le greffon de tissu conjonctif est placé légèrement en dessous de la jonction amélo-cémentaire. | D La poche recouvre complètement le greffon de tissu conjonctif et elle est maintenue en position coronaire par des sutures autour du point de contact. Ces sutures peuvent passer ou non à travers le greffon, selon la nécessité d'un déplacement coronaire ou interproximal du greffon de tissu conjonctif.
FiG. 2 : rECOUVrEMEnT DE rÉCESSiOnS MUlTiplES DE ClASSE i DE MillEr
A
B
C D
| A Différentes profondeurs des récessions visibles au départ. | B Greffon de tissu conjonctif sous le lambeau tunnéllisé. | C Sutures suspendues autour du point de contact. | D Résultats cliniques à 18 mois.
Technique du tunnel déplacé coronairement modifiée Au cours d'une intervention impliquant la technique du tunnel déplacé coronairement modifiée, la racine exposée est surfacée et les points de contact sont fermés avec du composite pour éviter l'effondrement des sutures suspendues dans les espaces interproximaux3-5. Les incisions sulculaires initiales et les séparations de lambeaux sont réalisées avec un élévateur micro-tunnélisation. La dissection muco-périostée est ensuite étendue au-delà de la ligne muco-gingivale et sous chaque papille de manière à déplacer le lambeau en même temps que les papilles dans le sens coronaire sans tension. Les fibres musculaires et les fibres de collagène restant sur la partie interne de la muqueuse alvéolaire du lambeau sont disséqués, avec un soin extrême, en utilisant un instrument contondant pour éviter de perforer le lambeau et obtenir un positionnement coronaire passif. Une fois le lambeau préparé, un GTC ou un substitut (matrice de collagène, matrice dermique acellulaire ou dérivé de matrice amélaire) peut être tunnélisé. Plusieurs techniques de suture sont possibles pour stabiliser les greffons et le lambeau tunnéllisé coronairement9,10. Azzi et Etienne, ainsi qu'Aroca et al., ont stabilisé le lambeau au moyen de sutures suspendues autour du point de contact3-5. D'après les auteurs, cette technique de suture particulière garantit une stabilisation coronaire étendue du lambeau au cours des deux premières semaines de cicatrisation (Fig.1).
efficacité clinique Pour les cliniciens, les récessions multiples restent un défi dans la mesure où elles constituent une situation clinique délicate. De nombreux facteurs, outre la surface avasculaire étendue, peuvent influencer le résultat clinique ; parmi eux, les différentes profondeurs de récession (Fig.2), les racines proéminentes, les biotypes fins et la perte d'os et de tissus mous interdentaires (Fig. 3). Tous ces facteurs doivent être pris en compte lors de la planification d'une intervention chirurgicale, en particulier
FiG. 3 : rECOUVrEMEnT DE rÉCESSiOnS MUlTiplES MAnDiBUlAirES DÉliCATES DE ClASSE iii DE MillEr
A B C
D E
Photos : Sofia Aroca | A Récessions multiples de classe III de Miller initiales. | B vestibule peu profond et quantité limitée de tissu kératinisé visibles initialement. | c Lambeau tunnélisé avec greffon de tissu conjonctif et sutures suspendues autour du point de contact. | D Résultats cliniques au suivi à 2 ans. Les variations de l'épaisseur du tissu et de la profondeur du vestibule sont visibles. | e vue vestibulaire du résultat à 2 ans.
lorsque son objectif ultime est un recouvrement radiculaire complet. Les revues systématiques évaluant le caractère prévisible de différentes techniques chirurgicales pour traiter les récessions multiples indiquent que le lambeau d'épaisseur partielle déplacé coronairement, avec ou sans greffe de tissu mou, et la technique modifiée du tunnel déplacé coronairement, avec greffe de tissu mou, sont les moyens les plus prévisibles pour obtenir un recouvrement radiculaire complet dans les récessions multiples des classes I, II et III de Miller11-14. Malgré le caractère prévisible de ces techniques chirurgicales, elles ne sont pas toutes efficaces pour les récessions multiples de classe III.
Une étude clinique comparative randomisée réalisée par Aroca et al. a évalué si l'ajout de dérivé de matrice amélaire (groupe expérimental) avec une technique du tunnel déplacé coronairement modifiée, comparé à un GTC sous-épithélial (groupe témoin), pouvait améliorer les résultats thérapeutiques « La technique minimalement invasive du tunnel crée un environnement biologique optimal dans lequel les processus de cicatrisation peuvent se dérouler sans problème ce qui, ainsi, offre une meilleure prévisibilité dans les situations cliniques compliquées. »
dans les récessions multiples de classe III de Miller 1 an après le traitement. Chez 20 patients présentant 139 récessions, les auteurs ont observé que les deux traitements ont permis d'obtenir un recouvrement radiculaire de 82 % pour le groupe expérimental et 83 % pour le groupe témoin. À un an, le gain de hauteur des papilles (mesuré par la réduction, en pourcentage, de la distance entre le point de contact et le sommet des papilles) était de 58,6 % pour le groupe expérimental et 59,2 % pour le groupe témoin. Le recouvrement radiculaire complet a été obtenu dans huit des interventions chirurgicales (38 %) dans les deux groupes. Les auteurs ont conclu que la technique modifiée du tunnel déplacé coronairement donne des résultats prévisibles dans le traitement des récessions multiples de classe III de Miller. Des résultats stables ont été obtenus à 28 jours et il n'y avait pas de différence significative intra et inter-groupes en termes de positionnement du bord gingival et des papilles à 28 jours et jusqu'à 12 mois.
GTc ou biomatériaux Une épaisseur gingivale appropriée est la clé garantissant une stabilité durable15,16 . Dans les cas où le biotype est fin, il est impératif d'utiliser la bonne technique chirurgicale. La procédure la plus courante et la plus prévisible est le lambeau déplacé coronairement associé à une GTC. Il est cependant très fréquent qu'un patient ayant des récessions multiples présente un biotype fin ; de ce fait, le prélèvement d'un GTC peut être associé à une morbidité supérieure pour le patient, un temps de chirurgie plus long et des complications postopératoires telles que le saignement, l'engourdissement et des changements de la sensibilité au niveau du site donneur5. Des efforts ont été faits pour essayer de développer de nouveaux biomatériaux pour remplacer les GTC.
Dans la famille des matrices de collagène, Geistlich Mucograft® a été proposé comme alternative au GTC sous-épithélial dans les interventions de chirurgie plastique parodontale. Sa sécurité et son efficacité clinique dans les procédures de recouvrement radiculaire ont été décrites dans le cadre de plusieurs études précliniques17 et cliniques18, 19 .
En 2013, Aroca et al. ont réalisé une étude, prospective, randomisée et comparative sur 1 an pour évaluer le résultat clinique du traitement de récessions multiples des classes I et II de Miller avec la technique modifiée du tunnel déplacé coronairement associée soit à Geistlich Mucograft® soit à un GTC5. À 1 an, par comparaison avec la situation initiale, les deux traitements ont entraîné des améliorations statistiquement significatives en termes de recouvrement radiculaire complet, de recouvrement de récession moyen, de largeur de tissu kératinisé et d'épaisseur gingivale. Le recouvrement radiculaire complet a été observé pour 42 % des sites d'expérimentation et 85 % des sites témoins ; quant à la cicatrisation, elle s'est déroulée sans événement pour les deux groupes de traitement. Les auteurs ont conclu que l'utilisation d'une matrice de collagène peut représenter une alternative au GTC en réduisant le temps de chirurgie et la morbidité des patients.
Une procédure chirurgicale complète La technique du tunnel est une procédure chirurgicale minimalement invasive en raison de l'absence d'incisions de décharge verticales. La dissection interne non-agressive des muscles et des fibres de collagène permet un positionnement coronaire passif du lambeau. La vascularisation est assurée par le maintien des papilles intactes et la réalisation d'une dissection de pleine épaisseur. Cette technique chirurgicale crée, par conséquent, un environnement biologique optimal dans lequel les processus de cicatrisation peuvent se dérouler sans problème ce qui, à son tour, offre une meilleure prévisibilité dans une situation clinique compliquée, comme par exemple les récessions de classe III de Miller et la présence de biotypes fins.
références 1 Zucchelli G, De Sanctis M: J Clin Periodontol 2000; 30(10): 862-870. 2 Allen AL: Int J Periodontics Restorative Dent 1994; 14(4): 302-315. 3 Azzi R, Etienne D: J Parodontol Implant Orale 1998; 17: 71-77. 4 Aroca S, et al.: J Clin Periodontol 2010; 37(1): 88-97. 5 Aroca S, et al.: J Clin Periodontol 2013; 40(7): 713-720. 6 Zabalegui I, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 1999; 19(2):199-206. 7 Tozum TF, Dini FM: Quintessence International 2003; 34(1): 7-13. 8 Zuhr O, et al.: Int J Periodontics Restorative Dent 2007; 27(5): 457-463. 9 Allen EP: Int J Periodontics Restorative Dent 2010; 30(5): 479-85. 10 Zuhr O, et al.: Eur J Esthet Dent Winter 2009; 4(4): 338-47. 11 Miller PD: Int J Periodontics Restorative Dent 1985; 5(2): 8-13. 12 Hofmänner P, et al.: Quintessence Int 2012; 43(7):545-54. 13 Graziani F, et al.: J Clin Periodontol 2014; 41(15):
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