3.2.4 Synthèse des séries des grillades de Coop Les publicités de Coop axées spécifiquement sur la viande concernent plusieurs séries, centrées sur la présence de célèbres footballers ou sur les grillades, ou les deux. Tous ces spots montrent des scènes d’amitié, de convivialité, des images gaies et colorées, des mines visiblement ravies et des communautés familiales d’humeur festive. La nourriture ne se contente pas de contribuer à cette atmosphère, elle en est à l’origine. Mis à l’honneur, le barbecue est associé à la détente et à la socialisation. La métaphore sportive indique toutefois que des grillades réussies requièrent une performance digne d’un grand athlète. Le barbecue est donc synonyme de succès, ce qui est confirmé par le discours, et renvoie à une société conçue sur le modèle de la croissance infinie et génératrice de profits. Le profit est également synonyme de plaisir, la possession/propriété étant ici rattachée à des émotions positives. En termes de constructions sociales et de comportements individuels, les individus sont assurés d’accéder au bonheur et au bien-être s’ils achètent et consomment de la viande. Le barbecue est associé à un moment de fête, souvent par la diffusion d’une musique répétitive; dans une vidéo, tout le monde reprend la chanson en cœur en se dirigeant vers le barbecue (Admeira no 910901). Une autre vidéo (Admeira no 1092891) annonce le retour de « la saison des grillades » en mettant en scène des gens ordinaires sur leur balcon, dans leur jardin ou sur leur terrasse, qui cuisinent différents types de viande et ont chacun leurs grillades préférées. Dans d’autres vidéos (Admeira no 914771), la bande-son dynamique et sonore, suffisamment répétitive pour remplacer le slogan, rappelle les films d’action où le héros se prépare à livrer une bataille dont sa vie dépend. Les grillades sont mises en scène comme étant le résultat d’une performance sportive qui requiert de l’entraînement, du courage et de la détermination, avant de célébrer la victoire. Dans la série sur les grillades, l’onomatopée évoquant le grésillement de la viande (« tsch, tsch ») est systématiquement associée au slogan de la marque à la fin du spot. L’élément clé ici est de suggérer qu’il est normal de manger de la viande: tout le monde le fait. Cela dit, on voit une enfant manger un épi de maïs, pendant que la voix off déclare: « Jennifer, qui se met tout à coup à aimer les légumes » (Admeira no 1092891). Dans plusieurs autres vidéos, la publicité débute sur des légumes en train d’être coupés. À un moment donné, un steak se transforme en courgette au moment où il est retourné sur le feu. Au final, on voit que différents types de viande ont été cuisinés, mais aussi des brochettes de légumes. Dans la version courte de la vidéo, les légumes sont beaucoup moins présents: la viande reste la composante principale d’un repas. Cette suggestion est particulièrement appuyée dans plusieurs vidéos par la manière dont la viande retombe lourdement sur le gril, la taille du morceau et son poids évoquant la valeur nutritive de la viande et la sensation de satiété qu’elle procure. Plus surprenant, dans l’une des vidéos (Admeira no 1000992), le footballer Darko est présenté comme quelqu’un de très apprécié, apportant de la viande à tous les barbecues auxquels il est invité, jusqu’à ce qu’il se retrouve au milieu d’un groupe de femmes qui ne mangent pas de viande. Ce ne sera pas un obstacle à son intégration ni à ses pouvoirs de séduction, mais pour cela il ment en prétendant être végétarien. Le narrateur, un vendeur de chez Coop, explique que Coop propose aussi des options végétariennes dans son assortiment. Darko sort du magasin avec une aubergine, un choix étrange étant donné que Coop vend des saucisses véganes et d’autres substituts de viande. Ne pas montrer ces alternatives semble être un choix délibéré. De plus, la publicité prend soin de présenter les légumes et autres options non carnées comme une solution complémentaire – Darko s’adapte aux autres au lieu de faire ses propres choix – qui permet de s’intégrer suivant le contexte, plutôt que comme une question d’engagement écologique ou de santé. Si cette vidéo est innovante à bien des égards, et exceptionnelle dans le sens où elle présente des alternatives non carnées tout en promouvant des produits carnés, elle favorise toutefois des stéréotypes particulièrement forts: la viande, c’est pour les hommes et les végétariens sont forcément des femmes.
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DE LA MANIPULATION PUBLICITAIRE À NOS ASSIETTES