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L’analyse de Gérard Cotellon, DG de l’ARS de La Réunion
“ D’un point de vue contextuel, La Réunion possède, au niveau national, le meilleur taux de recours à un médecin généraliste. Nous n’avons pas, chez nous, de problèmes de déserts médicaux. Toutefois, chaque Réunionnais n’a pas déclaré un médecin traitant. Or, ce dont nous avons besoin par rapport au nombre assez important de personnes porteuses de maladies chroniques, tel que le diabète, c’est que tous aient un médecin traitant dont l’action est de coordonner le parcours de soins et de faire le lien avec les différents intervenants afin d’optimiser la prise en charge du patient. On peut résumer le problème de la manière suivante : nous avons une densité suffisante de professionnels de santé de ville pour le premier recours, mais nous avons une géographie locale complexe avec des difficultés de couverture médicale des personnes résidant dans les écarts.
La Réunion connaît un taux de diabète deux fois plus élevé que la métropole, des insuffisants rénaux et cardiaques, plus le sujet du cancer, avec un accès au dépistage et à la prise en charge précoce qui font défaut sur le territoire. Tout cela serait facilité si les gens avaient un médecin traitant. Il est à noter que ce sujet n’est pas propre à La Réunion. Il fait partie des quatre thématiques qui se sont imposées à toutes les ARS ”.
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L’attractivité des métiers de santé
“ Au niveau national, on voit que, malgré la revalorisation salariale que le SEGUR de la santé a accordée aux professionnels, il y a quand même une désaffection. Beaucoup quittent le métier car le contexte d’exercice dans la plupart des établissements de santé devient difficile. À La Réunion, nous sommes un peu protégés. Nous n’avons pas de difficultés pour remplir les différentes formations. Toutefois, il s’agit de voir comment autonomiser notre île sur un certain nombre de besoins professionnels. Par exemple, nous n’avons pas assez d’orthophonistes sur le territoire. Il faut ouvrir une école localement. Nous espérons qu’elle puisse voir le jour à la rentrée 2024 ”.
Prévention et dépistage
“ En premier lieu, il faut faire en sorte que les gens soient vaccinés. À ce titre, j’envisage de mettre un coup de boost sur la vaccination contre le papillomavirus qui doit intervenir idéalement avant le premier rapport sexuel ou du moins dans les premiers moments de sa vie sexuelle pour se protéger de ce virus à l’origine des cancers de l’utérus et de la gorge. Il faut faire la promotion de ce vaccin et vacciner les jeunes, hommes et femmes. D’autre part, nous avons un plan réunionnais nutrition/diabète qui consiste à former les gens à mieux manger tout en tenant compte de nos habitudes culinaires. Nous avons accompli un énorme travail sur les proportions. J’aimerais que tout un chacun puisse intégrer cette démarche du “ mieux manger ” pour prévenir le diabète et l’obésité. À cela, il faut ajouter du sport/ santé avec des activités physiques sur prescriptions en labellisant des salles de sports. En outre, il faudra redoubler d’efforts sur le thème du dépistage du cancer. Nous devons multiplier la pédagogie et la communication.
Nous allons organiser des semaines de la prévention sur le territoire. Aller vers les gens. En ce sens, je tiens à promouvoir les contrats locaux de santé. Pour l’instant, sur les 24 communes, seules 12 ont signé. Pourtant, il permet de déployer des actions au plus près de la population en identifiant les problématiques propres à chaque commune. Qui mieux que les services sociaux de la ville peuvent nous aider à cibler les actions ? ”
Les soins non programmés/Les urgences
“ À La Réunion, nous avons un accès aux soins non programmés assez élevé. Premièrement, la permanence des soins est organisée. Nous avons des sites d’urgences hospitalières, mais nous avons aussi les différents SOS médecins qui couvrent le territoire et voient énormément de gens. Ce à quoi il faut ajouter la PDSA (Permanence des soins ambulatoires), soit la possibilité d’avoir accès à un médecin généraliste entre 19 h et minuit, à son cabinet, tous les jours, week-ends compris. Il suffit de passer par le SAS (Service d’accès aux soins) que vous joignez en composant le 15. Localement, l’organisation et la couverture sont bonnes. Sur ce sujet, nous sommes en avance, même par rapport à la métropole ”.
Moins d’administration et plus de proximité
“ Il nous reste à amplifier notre démarche pédagogique, à l’école avec les enfants et dans les entreprises avec les adultes. Il faut que nous progressions sur le sujet du dépistage et ne pas baisser les bras sur la vaccination. D’autre part, je ne peux pas me satisfaire qu’il y ait encore trop de gens qui entrent trop tard dans le système, à un stade trop avancé de la maladie, ce qui signifie qu’il y a un problème d’accès aux soins. Il faut comprendre pourquoi. Je souhaite que tout le monde s’empare du sujet de la santé, en particulier les élus, mais aussi la population. Je ne veux pas que notre action demeure un simple exercice administratif ”.