2 minute read

L’ostéopathie en quête de légitimité

Afirmant pouvoir traiter plusieurs troubles fonctionnels fréquents, les ostéopathes attirent de plus en plus de patients en France. Ses origines spirituelles, son manque d’encadrement et des études révélant au mieux une efficacité modeste incitent pourtant à la prudence.

Déçu par les pratiques médicales de son XIXe siècle américain en pleine guerre de Sécession, le médecin chirurgien Andrew Taylor Still, fils d’un prêcheur protestant, n’a que 18 ans quand il décide de fonder une nouvelle médecine.

Advertisement

Principes fondateurs

En 1892, A. T. Still fonde la première école d’ostéopathie, l’American School of Osteopathy, à Kirksville, dans l’État du Missouri, à partir de ses croyances que la manipulation des os permettait d’améliorer le débit sanguin, de développer le système nerveux, et même de guérir toutes les maladies. “ Le corps est la pharmacie de Dieu, résumait-il. Le corps recèle tous les remèdes nécessaires à sa création. ” Il ne prétendait pas tant guérir qu’aider l’organisme à se soigner lui-même : “ L’ostéopathe supprime l’obstruction, et laisse le remède de la Nature – le sang artériel – être le médecin. ”

L’autorégulation n’est qu’un des quatre principes fondateurs de l’ostéopathie, avec l’unité de l’individu (chaque problème de l’organisme peut se répercuter sur le reste du corps), la structure du corps qui gouverne la fonction (l’organe doit être en bon état pour bien fonctionner)

36 861 ils n’étaient que

C’est le nombre de porteurs du titre d’ostéopathes en France en janvier 2022.

11 608 soit un triplement du nombre d’ostéopathes en dix ans. et le rôle absolu de l’artère (chaque organe doit être correctement irrigué par le sang et la lymphe).

L’ostéopathie séduit de nombreux adeptes mais se voit ébranlée par de sévères critiques, notamment quand les médecins ont commencé à s’interroger sur sa place dans le champ médical.

En 1954, le Dr Charles L. Farrell déclare à l’American Medical Association : “ Nous ne pouvons pas aider l’ostéopathe à améliorer son éducation ou sa valeur pour le public tant que sa formation ne sera pas médicale, plutôt que sectaire ”.

Transformation américaine

La déclaration, au diapason des conclusions scientifiques de l’époque, porte un coup de massue aux thèses d’Andrew Still. L’ostéopathie américaine se voit contrainte de se transformer, et même de se médicaliser. Aujourd’hui, la majorité des ostéopathes étatsuniens, comme les médecins, peuvent prescrire des médicaments et diagnostiquer. Les manipulations ont quasiment disparu de leur éventail d’interventions. Cette contestation des préceptes originaux s’est cantonnée au pays de l’oncle Sam. En Europe, au Moyen-Orient, en Inde et au Canada, l’ostéopathie selon Still a eu le temps de s’implanter. Les praticiens européens traitent principalement les troubles musculosquelettiques mais certains prétendent pouvoir s’occuper d’autres pathologies : l’asthme, les infections de l’oreille et les coliques, entre autres. Dans les années 80 en France, l’Académie nationale de médecine a relégué la pratique aux “ doctrines irrationnelles et antiscientifiques ” et jusqu’en 2007, taxait les ostéopathes exclusifs de “ charlatans ”.

Efficacité modeste

En 2012, l’Inserm a conclu, dans une revue systématique, que le corpus d’évaluations de l’ostéopathie était principalement constitué d’études présentant “ de réelles limites méthodologiques ” en ce qui concerne les douleurs d’origine vertébrales, certaines montrant “ un intérêt modeste de l’ostéopathie en addition d’une prise en charge habituelle ”.

“ En ce qui concerne les autres indications, ajoute le rapport, les études sont trop rares et/ou possèdent des limites méthodologiques trop importantes pour que des conclusions fiables puissent être proposées. Dans tous les cas l’efficacité de l’ostéopathie apparaît au mieux modeste. ”

Une étude clinique randomisée de l’Assistance publique

– Hôpitaux de Paris publiée en 2021 n’a pas non plus trouvé d’effets cliniquement significatifs des manipulations ostéopathiques de patients limités dans leurs mouvements à cause de douleurs dans le bas du dos. Cette étude s’était bien attelée à identifier les gestes propres à l’ostéopathie, plusieurs manipulations pouvant être emprunter à d’autres pratiques, telles que la kinésithérapie.

Des recherches rigoureuses sur le plan de la méthodologie sont nécessaires pour clarifier l’intérêt de l’ostéopathie.

À ce jour, il n’existe aucune donnée probante permettant de conclure à l’efficacité des pratiques non-musculosquelettiques (ostéopathie viscérale ou crânienne).

This article is from: