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Panel 01
from Symposium 2019
by HIT Lab
Panel de discussion 01 Pratique de la recherche en Architecture
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Participants : Élodie Nourrigat (ENSAM, responsable scientifique HITLab) // Laurent Duport (ENSAM, membre du conseil HITLab) // Florence Sarano (ENSA Marseille, membre du conseil HITLab) // Eneko Uranga (Université du Pays-Basque, San Sebastian, Espagne) // Clara Mejia Vallejo (Université Polytechnique, département architecture, Valence, Espagne) :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: cas je réponds aux questions avec d’autres
Clara Mejia
Bonjour, je suis docteure en architecture et enseignante à l’Université Polytechnique de Valencia. Avant tout je voudrais remercier les membres du HIT Lab et de l’ENSAM de m’avoir invité à prendre part à ce symposium et je voudrais les féliciter pour cette initiative qui nous offre la possibilité d’aborder un sujet de grande importance pour tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont impliqués dans l’architecture. En tant qu’enseignante-architecte je me vois de jours en jours confrontée à plusieurs questions en relation avec la recherche en architecture néanmoins une question de base pourrait être : est-ce possible de faire de la recherche une architecture ?
De nombreux auteurs se sont penchés sur ce sujet et ont offert des perspectives diverses ils aboutissent tous néanmoins à la conclusion commune que la recherche en architecture est susceptible d’être considérée comme un territoire épistémologique de plein droit. Une fois énoncée la discussion de base, il surgit d’autres thèmes vers lesquels il me semble pertinent de se pencher. Je vais lancer une série sont plus ou moins contrastées, dans d’autres
de questions, les réponses, dans certains cas, interrogations. Ces questions seraient : Pourquoi faire de la recherche en architecture ? À quoi sert cette recherche ? Quels sont ses objectifs ? Par quelles voies peut-elle se mener à bout ? Quels sont les agents qui interviennent ? Envers qui elle se dirige ? Comme est-ce qu’on évalue sa qualité ? Quelles sont les conditions qui font qu’un travail d’architecture soit susceptible d’être considéré comme une recherche ? Et bien entendu la question qui préoccupe beaucoup d’entre nous : est-ce que la pratique professionnelle peut être considérée comme de la recherche ?
HITLab & Métropoles du Sud
Je lance ces questions et me permet de proposer des réponses non pas comme des certitudes mais comme un prétexte pour en discuter. J’aimerais peut-être essayer de développer le suivant énoncé : à travers la recherche en architecture, il est possible de contribuer à faire avancer de façon réelle le savoir dans notre domaine. En laissant en suspend ces réflexions je vais me permettre de présenter brièvement comment la recherche s’organise au sein de l’Université Polytechnique de Valencia à laquelle j’appartiens. Pour cela je vais commencer en présentant comment est structurée la recherche au sein de notre université puis je vais me centrer sur le cas du département architecture, auquel j’appartiens, en finissant par la présentation des lignes de travail du groupe de recherche. L’UPV, de même que le fait le ministère sciences innovation et université en Espagne, établit deux catégories de production de savoir : la recherche et l’innovation. La recherche est concentrée dans les départements universitaires, les groupes, les instituts et les centres de recherche. L’innovation se développe par le biais de startups et de spin off. La différence avec les structures précédentes réside dans le fait que les écosystèmes d’innovation engagent le développement d’un modèle de l’entreprise avec tout ce que cela implique. L’école doctorale fonctionne en parallèle à cette structure et centralise la gestion de toutes les thèses doctorales, tantôt académiques comme industrielles, qui sont menées au sein de l’UPV et qui sont dirigées par un de ses membres quelle que soit la discipline auquel elles appartiennent. Le groupe de recherche PAR a été créé en 2017, c’est un groupe officiel de l’université et qui est composé d’enseignants, appartenant au département de projets de construction et de structure, et d’un membre de l’administration. Ce groupe est né avec la volonté de promouvoir une recherche interdisciplinaire à propos du projet d’architecture et pour ça on a décidé d’orienter aussi, avec une grande coïncidence avec le HITLab, en trois axes qui sont donc : projet mémoire, projet & action et projet & innovation.
À travers ces trois lignes interdépendantes et complémentaires, le groupe a l’intention de mener à terme une recherche, de type académique comme appliquée, et de promouvoir le transfert du savoir et de l’innovation en relation au projet d’architecture. « Projet mémoire » part de l’idée que le projet s’alimente d’imagination et de mémoire et que c’est à partir de ces deux concepts que se forment les bases de la création artistique. « Projet mémoire » se base sur le processus de la conception de l’architecture de tous les temps. En ce moment sont ouvertes plusieurs lignes de travail et le résultat se présente sous forme de livres, d’articles, de revues, de participation dans des congrès. C’est une ligne qui explore ce que nous pourrions appeler la voie académique. « Projet action » vise la condition du projet comme moyen d’action sur le milieu physique, social et culturel. Projet action s’implique dans des processus artistiques et éducatifs qui contribuent au progrès social et à promouvoir des entourages durables, sûrs et inclusifs. En ce moment cette ligne se concrétise sur l’intervention physique dans certains milieux en particulier dans des espaces en relation avec l’éducation, le travail et sur la relation entre architecture et enfance. Elle s’appuie sur la réflexion autour du sujet de la formation
de l’architecte, l’organisation de congrès, workshops, séminaires, et la préparation de publications de diffusion. Cette voie pourrait s’inscrire dans ce qu’en Espagne on appelle transfert. En dernier instant « projet et innovation » s’oriente vers l’innovation à partir des matériaux de notre temps. « Projet et innovation » promet une recherche sur la question technique, sur les processus de production et les qualités du bâti, au travers d’une chaire d’entreprise en relation aux matériaux céramiques. Il y a plusieurs projets en marche qui vont depuis la création de pièces nouvelles et l’expérimentation sur le matériel jusqu’à la diffusion. Aussi est ouvert un champ sur la définition structurelle et création d’espaces et un autre sur l’architecture vernaculaire. Vu qu’il s’agit d’un groupe de création relativement récent, les projets en cours sont encore la somme de projets individuels, notre objectif futur est de pouvoir proposer en tant que groupe de recherche des objectifs communs, suffisamment solvables et capables d’obtenir un financement externe. Revenons sur l’Université Polytechnique à Valencia, et la recherche en architecture nous pouvons affirmer que celle-ci s’organise dans 11 départements universitaires qui sont ceux qui interviennent dans les études d’architecture. Actuellement dans le programme de doctorat académique en Architecture Bâtiment, Urbanisme et Paysage il y a 153 élèves inscrits et dans le doctorat industriel nous n’avons aucun étudiant. Néanmoins le département d’architecture ne possède que deux groupes officiels de recherche et sa recherche se développe dans un seul institut de recherche. L’indice qui évalue la recherche au sein de la UPV, nommé VAIP, se trouve parmi les plus bas de l’université dans les départements en relation avec l’architecture. Ces données sont inquiétantes, vu qu’elles montrent une santé fragile de la recherche en architecture dans l’UPV qui, par ailleurs, est un centre de recherche important dans d’autres domaines. S’interroger sur les possibles causes de cette retraite peut être d’intérêt pour le sujet qui nous occupe. Dans un premier temps, je voudrais parler des mécanismes de contrôle de la qualité de la recherche qui sont employés. Fondamentalement nous avons deux types d’indicateurs, il y a un indicateur interne dans l’université qui s’appelle le VAIP et un indicateur externe qui est assuré par une commission nationale qui s’appelle le Sexenios qui en même temps est divisée en deux branches. Une branche qui est en relation avec la recherche et une autre branche qui est en voie d’expérimentation vu qu’elle a été mise en place cette année et qui tend à évaluer la transférence. En ce qui concerne les voies d’évaluation de la recherche, nous pourrons dire que tant l’indice interne que l’indice national évalue les mêmes paramètres, c’est-à-dire qu’ils évaluent la publication dans des revues indexées, la publication de livres et chapitres de livres de recherche, la participation dans des comités d’édition, le développement artistique (mais en entendant par ça le commissariat d’expositions), les brevets, copyrights et développements technologiques. Donc en voyant ces points nous voyons que le projet tel quel est un grand absent, bien que dans l’indice national il y a un point qui s’appelle « projets d’architecture singuliers » qui pourrait tenir compte de notre production architecturale. Néanmoins ne sont considérés dans ce cas que des projets qui ont eu des prix équivalents à un prix national d’architecture, ce qui est très rare ou qu’ils soient publiés dans des revues de haute diffusion. Si on s’intéresse à l’évolution interne de l’université, nous pouvons voir que les départements en relation avec l’architecture sont ceux qui sont marqués en jaune c’est à dire ils se situent plus ou moins en bas de l’échelle. Si nous regardons aussi quel type de recherche est mené à bout dans l’université, nous pouvons voir que 26 % sont en relation avec des projets
HITLab & Métropoles du Sud Évaluation de la Recherche en ARCHITECTURE de recherche qui sont inscrits dans le cadre de Universitat Politècnica de pouvons voir que l’indice en soit est 28 fois plus València (UPV) projets de recherche financés et 46 % d’articles élevé que le nôtre aussi en voyant le schéma dans des revues indexées. du type de production nous voyons que la partie correspondante aux projets de recherche se situe dans les 35 %, 41 % d’articles. Le déséquilibre est inquiétant. Nous pourrons voir que la voie la plus solide c’est à travers le plan Estatal de Recherche (Plan Estatal de Investigación Científica y Técnica y de Innovación) qui est développé par le ministère des sciences, recherche et universités. Ce plan est articulé en 4 branches : une première branche qui dédiée à l’emploi (c’est-à-dire des bourses pour des contrats pré et post doctoraux et dans la mobilité) ;après il y a un axe qui est production de savoir qui est surtout orienté aux En revenant sur le département d’architecture disciplines de la recherche fondamentale ; une nous voyons que l’indice est bas mais aussi autre branche qui est leadership et entreprise en regardant le schéma qui montre le type et finalement il y a une branche qui est nommée de production c’est aussi assez intéressant, défis de la société. nous voyons que le type de production est Par ces spécificités notre discipline ne peut beaucoup plus divers que la production qui se trouver que dans la première et la dernière se réalise au sein de l’université. Nous voyons branche. Si on s’intéresse à cette dernière que la proportion qui équivaut à des projets branche en relation aux défis de la société nous de recherche financées passe donc de 30% pouvons voir que parmi les 8 défis et 57 points à 6 %, que le pourcentage d’articles de seulement 9 points semblent susceptibles de recherche se trouve à 12 % et que le créneau pouvoir accueillir une recherche en relation avec qui a le pourcentage le plus élevé se trouve dans les productions artistiques comme je vous l’ai dit auparavant il s’agit de la préparation Évaluation de la Recherche en ARCHITECTURE l’architecture. Donc après cette présentation qui, comme je le disais, ne va pas être très positive je poserais Projets d’exposition. (en Architecture)_UPV plusieurs questions. Une première question En comparant avec la structure de recherche qui pourrait être : comment pouvons-nous voir notre a l’indice le plus élevé de notre université nous travail de recherche reconnu et quels sont les moyens susceptibles de nous permettre de réaliser nos recherches dans des conditions optimales ? On peut voir que les défis de la société sont coïncidents dans plusieurs milieux de recherche et je me demande est-ce que notre approche de l’architecture pratique et recherche est en accord avec ces défis ? Estce que la culture du spectacle qui imprègne de nos jours certains des paramètres de succès de l’architecture et qu’un secteur de la société semble demander, peut coexister avec le besoin de promouvoir l’attitude responsable pour
laquelle prônent les entités de recherche au nom de la société ? Est-ce que la tendance à dériver la recherche en architecture vers d’autres champs de connaissances plus facilement publiables est-elle réversible ? Ce point peut-être peut s’expliquer en relation avec notre cas concret en Espagne, car comme vous l’avez vu, l’évaluation de la recherche c’était surtout par la publication d’articles dans des revues indexées, qui dans le champ du projet sont très limitées. Est-ce possible que l’importance de l’architecture soit suffisamment prise en considération par les entités qui définissent les paramètres de la recherche (qualité et orientations) ? Et sur ce point je suis très contente d’avoir entendu les paroles de la représentante du ministère parce que je vois qu’en France vous êtes sur cette voie et j’espère que vous pourrez parler avec vos collègues espagnols.
Merci.
Eneko Uranga
Bonjour à tous je m’appelle Eneko Uranga, je viens de San Sebastian, de l’Université du Pays Basque. Je voudrais d’abord remercier l’ENSAM et le HITLab, surtout Alain, Élodie, Jacques et Laurent. On travaille ensemble depuis un moment et c’est toujours un plaisir de revenir ici et cette fois ce n’est pas avec les études, c’est avec la recherche, chose qui est très intéressante. D’abord je dois dire que quand ils m’ont appelé pour venir ici, je ne suis pas un spécialiste dans les statistiques de la recherche et tout ça. Donc je vais vous présenter un peu mon parcours, je suis un chercheur et je sais ce que je fais et c’est donc le plus simple pour moi. Je dois dire aussi que ce n’était pas dans mon plan de faire de la recherche, j’ai commencé par être enseignant et après quand je suis rentré dans l’école j’ai vu que c’était nécessaire de faire de la recherche si je voulais continuer à être enseignant. Après ça, j’ai vu que la recherche, c’est très intéressant, personnellement, mais aussi pour l’enseignement je pense que c’est important et le chemin que je vais raconter maintenant je crois qu’il a de l’intérêt, pas seulement parce que c’est personnel, mais dans notre école à San Sébastian la plupart des chercheurs enseignants ont fait un peu le même parcours. Et sur les sujets de la recherche, de l’enseignement et aussi de la pratique, je vais donner quelques pistes de ce qui arrive à San Sebastian. J’ai commencé mes études à San Sebastian et je les ai finis à Barcelone, ensuite j’ai travaillé dans une agence pendant 12 ans. Et c’est en 2008 que j’ai voulu enseigner et que j’ai eu une place à l’université et c’est à ce moment là que je me suis rendu compte qu’il était nécessaire de ne pas être seulement enseignant mais aussi de faire de la recherche.
Un an après mon entrée à l’université, j’ai commencé un master mais c’était un master professionnel, je rentrais dans un mauvais moment, c’était les changements de plans et les études conduisant à un doctorat avaient disparues donc ils devaient mettre en place
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d’autres études. Alors j’ai fait un master professionnel qui pouvait se convertir en master officielle, qui lui mène au doctorat. En 3 ème année, j’ai donc fait ce master officiel en efficience énergétique et construction durable. Après j’ai fait ma thèse de fin de master sur le même sujet, c’était dans les quartiers de Gros de San Sebastian et mon point d’intérêt était : La nécessité de l’efficience énergétique dans le patrimoine. San Sebastian, je ne sais pas si vous connaissez, mais c’est une ville un peu comme Montpellier et beaucoup de villes en Europe, c’est une ville qui a de l’intérêt dans son architecture patrimoniale et mais il y avait un besoin d’obtenir de meilleurs résultats d’efficience énergétique.
Après ça j’ai fait ma thèse qui devait durer 3 années et elle a finalement durée un peu plus longtemps, cinq années et c’est normalement ce qui arrive aussi. Il se passe un peu la même chose avec d’autres enseignants. Quand ils rentrent à l’école soit ils sont en temps partiels, dans ce cas ils peuvent mener leur enseignement avec leur agence ou leur pratique professionnelle, soit ils sont en temps complet et ça devient de plus en plus difficile parce qu’ils ont besoin de temps pour faire de la recherche et de l’enseignement. C’est à ce moment que j’ai décidé de faire de la recherche. En Espagne, comme l’a expliqué Clara, on a une exigence pour être chercheur et on dit que la thèse n’est qu’un commencement pour devenir chercheur comme ça on a une stabilité dans l’université. Mais par contre il n’y a pas trop, dans le domaine de l’architecture, de lignes établies pour faire de la recherche. Nous nous sommes trouvés quelques enseignants et moi dans la nécessité de faire un peu notre propre chemin. Nous sommes maintenant quatre enseignants dans l’école d’architecture, un seul étant titulaire, les autres nous sommes à temps complet mais pas sur une posture établie. Nous essayons de faire un groupe de recherche mais c’est toujours difficile parce que si tu veux faire de la recherche il te demande d’avoir un poste et un parcours, et c’est difficile si tu ne trouves pas.
Nous sommes quatre enseignants aujourd’hui accompagnés d’autres collaborateurs et vous voyez ce n’est pas un parcours qui a commencé quand j’ai fini ma thèse, c’était pendant mes études qu’on a commencé. On a fait différents projets, des recherches et partenariats du gouvernement Basque et des universités, parfois avec les autres départements de l’université. Pour l’instant nous avons fait ces neuf projets après des contributions au congrès mais qui sont de moins en moins mis en valeur. Nous avons fait quinze contributions au congrès avec des publications de chapitres de livres et nous avons fait dix articles dans des magazines. Dans la situation actuelle, le problème c’est l’emploi du temps parce que si on est en temps complet, on doit faire : l’enseignement, la recherche, la gestion aussi qui prend beaucoup de temps et on devrait ajouter la pratique mais c’est difficile. Il n’y a pas d’enseignants dans l’école d’architecture qui font l’enseignement, la recherche, la gestion et ils ont leurs propres chances, je pense que c’est un peu difficile, mais par contre c’est nécessaire, on a pu en discuter hier c’est nécessaire d’avoir l’enseignement, la recherche, peut-être la gestion mais surtout la pratique, et on peut tout lier sinon on reste dans la théorie. Finalement j’ai mis un peu les aspects positifs et négatifs dans cette façon de fonctionner. Dans le négatif c’est le commencement de la recherche en architecture, comme l’a dit Clara, il n’est pas trop développé. À l’université du Pays-Basque il y a un groupe de recherche mais il est toujours plus technique que projectuel. Par contre ça peut être positif aussi parce que ça donne des schémas plus ouverts, il est possible de choisir des lignes plus ouvertes de recherche. Le temps est, je pense, le problème principal pour tout le monde, comment faire tout ça dans une journée en ajoutant la gestion et la pratique avec le
travail en agence ? Dans les cours ordinaires c’est positif pour les étudiants mais par contre c’est embêtant, c’est vrai, parce que tu dois dédier tes meilleures heures de la journée à ce qui est le plus important, maintenant c’est la recherche. Moi ce que je vois de plus en plus comme exigence des agences officielles du Pays-Basque ou de l’Espagne, c’est un peu la méthode du bâton et de la carotte comme on dit, on te donner des coups de bâton pour faire de la recherche avec la carotte au bout, mais je vois que cette carotte elle est de plus en plus loin et parfois on ne la voit pas et c’est un problème. En revanche tu acquières des connaissances sur l’architecture et tu peux les appliquer, nous sommes déjà entrain de le faire, nous allons donner des cours l’année prochaine sur les conclusions d’une étude que nous sommes en train de faire. C’est également un plaisir, et ce n’est pas ce que je pensais quand j’ai commencé, mais c’est très plaisant de faire de la recherche. Je vais vous montrer un peu ce sur quoi nous sommes en train de travailler pour savoir ce que l’on fait et avec qui on le fait. Dans le milieu de l’efficience énergétique on continue à travailler, et maintenant nous travaillons sur un projet qui en est à son commencement avec Technalia. Nous n’avons pas encore de subvention, mais nous continuons à travailler sur cette ligne au Pays-Basque.
Merci.
Laurent Duport
Je voudrais juste reprendre un petit point de démarrage. Notre groupe de recherche est un groupe naissant et ce que j’ai beaucoup apprécié dans ta présentation, Clara, c’est que tu parles de ligne de recherche. Je pense qu’il y a aussi ça qui est important c’est de bien savoir quelles sont les lignes de travail sur lesquelles on va organiser à la fois la journée mais peutêtre aussi le futur dans nos ambitions. On voit aussi qu’il y a une similitude que tu as mentionné dans une espèce de tripartie qui rassemblait dans votre cas : projet et mémoire, projet et action, projet et innovation et est-ce que ces trois éléments ne sont pas finalement le tabouret de base de la question de la recherche ?
Alors nous c’est un petit peu différent mais c’est pas si différent que ça puisqu’on a pris des thématiques qui sont liées aussi à des questions sociétales et il ne faut pas le négliger et là où je voudrais qu’on essaie de discuter ensemble c’est sur la question de la transdisciplinarité, puisque Elodie mentionnait qu’effectivement la recherche en architecture se positionnait parmi d’autres recherches dans d’autres disciplines et quelle pourrait être finalement notre spécificité, notre autonomie autour de la question du projet ?
Alors qu’est-ce que c’est le projet dans la recherche en architecture ? Ou on peut inverser la phrase en disant qu’est-ce que c’est la recherche sur le projet en architecture ? Voilà c’est un peu les bases que je voulais mentionner. J’ai aussi été très touché, très intéressé par le parcours d’Eneko qui indiquait que finalement sur une ligne de travail que tu t’es fixé, il y a des choses qui ont un peu évolué et donc je pense que c’est important de nous retrouver sur une notion finalement de plaisir. Cette notion je pense qu’elle doit aussi nous transcender à travers nos différences, c’est peut-être des choses qui doivent nous rapprocher afin qu’on puisse ensemble essayer d’avancer dans ce questionnement et ce qui est très important
HITLab & Métropoles du Sud
c’est le cas de la recherche comme tu l’as posé en tout début de ta présentation Clara. Est-ce que le plus important comme en philosophie ce sont les questions ? Mais est-ce qu’il y a des réponses à ces questions ? C’est ce que je pense qu’on va travailler aujourd’hui donc je lance une première bouée qui est évidemment la place du projet dans la recherche.
Florence Sarano
Moi ce qui m’a frappé à la fois dans les propos au préalable et puis dans les présentations c’est une chose qui est importante : la notion de défi par rapport aux enjeux contemporains et une de mes thématiques de recherche c’est justement le rôle des architectes dans ces défis contemporains. On est plus dans les architectes modernes qui vont changer le monde, le rendre meilleur qui ont une certaine image de l’Homme etc. On a basculé vers des architectes qui doivent participer, répondre aux défis d’aujourd’hui or ces défis ils demandent quoi ? Ils demandent du projet justement il demande à la fois des connaissances, une prise de conscience des complexités dans lesquelles on s’inscrit de toutes les interrelations et il demande aussi de projeter et donc je pense que les architectes justement en même temps peuvent participer parce qu’ils ont une certaine pratique du projet mais en même temps ils ont aussi à évoluer sur ce projet, sur la manière de faire, sur leur démarche. Ça veut dire aussi les engagements, prendre des postures et que par rapport à ce projet si on sortait de l’école avant avec un modèle, on sent bien que tous les modèles ne sont plus adaptés, qu’il y a beaucoup de choses à reprendre. Même dans les écoles on est en train de construire le projet et que cette mobilité là c’est ce dont on a besoin pour l’avenir. La première chose c’est le projet, la deuxième ça serait cette mobilité d’esprit, la troisième ce serait l’interdisciplinarité or toujours pour répondre à ces défis sociétaux et environnementaux, etc, l’architecture a cette capacité d’être à l’interface de plusieurs disciplines. On n’est pas les seuls mais on est quand même parmi ceux qui ont le plus cette capacité-là donc je me demande pourquoi avec toutes ces compétences de projet et toutes ces questions qui se posent pour répondre aux défis contemporains, les architectes ne sont pas plus au cœur des paramètres qui permettent d’évaluer, qui peut répondre aux défis ou pas, voilà l’importance du projet évidemment associée à la recherche.
Élodie Nourrigat
C’est vrai que ce que tu dis est intéressant et je pense qu’en fait aussi on en arrive peut-être à une sorte de paradoxe comme tu le dis, les architectes en tous les cas dans la formation et la formation par le projet et moi c’est ce qui me semble effectivement, comme toi, totalement essentiel, ce qui fait la spécificité, c’est la capacité à être transversale, à construire et à produire du projet.
Une fois je discutais avec quelqu’un qui était énarque il disait « c’est quoi la spécificité d’un architecte » je disais « il faut avoir une grande capacité de synthèse » il me dit « oui comme nous », « non nous on est meilleur, vous vous faites des rapports, nous on fait des projets » donc voilà c’est vraiment dans cette dimension de conception en fait et c’est ça qui fait la spécificité. En même temps on se retrouve
finalement face une sorte d’absurdité du système qui est qu’aujourd’hui, dans le système actuel, la recherche reconnue est celle des spécialistes. C’est à dire si on n’est pas spécialiste, on est pas reconnu comme chercheur or le rôle d’architecte c’est d’être un grand généraliste mais au sens noble du terme et je pense que cette posture est essentielle, si on veut produire du projet, si on veut concevoir, il y a cette nécessité de connaître suffisamment tous les champs qu’on va appréhender pour pouvoir les transcender et pour pouvoir produire un projet ce qui est totalement antinomique avec le fait d’être un grand spécialiste dans un champ particulier. Je pense qu’on pâtit un peu de cette dimension là que naturellement le projet est transdisciplinaire et la production du projet est transversale et la volonté en fait d’aller chercher des spécialistes qui répondraient à une recherche académique. Maintenant, par contre, cette dimension-là, si on la reprend au regard des défis sociétaux, certes, on a besoin de spécialistes mais on attend et aujourd’hui la société attend des gens qui sont capables de rompre cette dimension de silos et dans ce cas-là oui il y a un rôle à reprendre et si en tant qu’architecte on arrive à défendre cette position de projection effectivement de conception, j’allais dire par le projet, je crois qu’on a un rôle effectivement à rejouer. Après un autre point qui est essentiel c’est aussi qu’aujourd’hui effectivement on a différentes ruptures qui se mettent en place, des ruptures environnementales, des ruptures numériques et qui changent notre pratique même. La pratique en agence est en train d’évoluer et je crois que pour les architectes de demain, les étudiants en tous les cas qui sont en train de se former il faut effectivement qu’ils aient cette maîtrise du projet mais il va falloir qu’ils aillent chercher autre chose parce qu’on attend plus des architectes dans la société qui répondent juste un programme pour faire un bâtiment, on attend d’eux qu’ils aient effectivement un apport sociétal, une réflexion sociétale et d’autant plus avec l’air du numérique ou finalement produire juste un bâtiment il y a pleins de logiciels qui vont être capables de le faire à notre place donc si on ne sait faire que ça on va aller compter les billes ailleurs et en ce sens-là l’investigation dans le champ de la recherche, même pour être un praticien, à l’avenir va être important mais il ne faut pas qu’on tombe dans le fait de devenir des hypers spécialistes d’un champ connexe à l’architecture.
Clara Mejia
Dans la présentation que je fais à un moment donné quand je me demandais si la pratique en architecture peut être considérée comme de la recherche, les images que j’ai choisies sont des images qui appartiennent à ma propre pratique professionnelle que j’ai développé avec une certaine intensité pendant plusieurs années et qui n’est pas de la recherche. Je ne dis pas ça avec de l’ironie. Je me suis demandé plusieurs fois est ce que c’est de la recherche ou non. Bien évidemment c’est de l’architecture, de l’architecture à travers notre projet, néanmoins je me demande si cette pratique professionnelle telle que nous l’avions abordée, elle réunissait certaines conditions pour être considérée comme de la recherche. Je me pose la question par exemple, est-ce que les résultats sont attestables ? Est ce qu’ils sont susceptibles d’être reproduit ? Est-ce qu’ils sont susceptibles d’être transmis ? Oui à travers des publications en architecture mais nous savons que nos publications en architecture montrent l’objet fini mais elle n’incite pas sur une possible recherche qui aurait pu être menée à bout dans le projet. Donc la diffusion de toute notre pratique professionnelle est celle du résultat fini et je pense qu’en soit un bâtiment fini n’est pas un objet de recherche. Donc c’est aussi une question que je me suis posée plusieurs fois parce que, comme disait Eneko, c’est notre façon de s’approcher de la recherche, notre façon d’approcher aussi le métier d’enseignant, à penser que certaines dynamiques changent.
HITLab & Métropoles du Sud
Pour ça dans notre groupe de recherche, on veut conserver ses trois lignes parce qu’on pense que la recherche sur le projet depuis un point de vue académique c’est à dire qu’est ce qui a été fait jusque-là comment ça s’est fait mais non pas seulement depuis un point de vue historiographique, mais sinon le point de vue de la propre discipline, c’est à dire quels sont les mécanismes qui ont été mis en place pour produire ces projets à un moment donné et ça c’est extrêmement intéressant je pense qu’on peut apprendre des projets qui ont été faits à toutes les époques. Donc ça on veut le laisser et cette voie est celle qui nous permet une approche plus encadrée avec ce qui est attendu de nous du point de vue de l’évaluation mais on voulait aussi exister sur le point qu’on appelait action qui est en relation avec ce que Laurent tu appelais peutêtre sociétal. Action qui est la possibilité de l’architecture de se faire visible. Donc ça je pense que c’est très important même si je ne sais pas si on peut dire que c’est exactement une recherche, parce que les résultats ne sont pas nécessairement contrastés, ne sont pas nécessairement les bons, je pense que c’est une façon d’alimenter notre pensée vers le projet. Finalement la voie innovation c’est la voie la plus canonique, enfin c’est une recherche qui est inscrit dans des domaines plus habituels. En préparant la présentation, en voyant que dans notre programme de doctorat nous avons 153 étudiants inscrits sur la voie académique et que nous n’avons aucun étudiant inscrit dans la voie industrielle pour moi c’est inquiétant parce que la voie industrielle ce serait l’équivalent un peu de ce que vous étiez en train de présenter, c’est à dire la possibilité de développer le doctorat dans le cadre d’une agence. Ce qu’on demande c’est qu’une entité, soit une industrie, soit une agence, s’engage à payer, à co-financer cette bourse pré-doctorale et que les résultats prévus soit disons depuis le moment initial bien clair. Qu’est-ce qu’on attend de cette recherche ? Quelle est la ligne du travail ?
Laurent Duport
Je veux rebondir sur ce que tu dis, est-ce que tu sais si dans les autres villes universitaires en Espagne c’est configuré ou structuré de la même manière ? Et est-ce qu’il y a aussi cette disproportion sur les 153 doctorants dans la voir académique et zéro dans la voie industrielle ?
Clara Mejia
Non le doctorat industriel est un doctorat national et j’ai fait une petite recherche et j’en ai trouvé deux à Barcelone à l’UPC.
Élodie Nourrigat
Mais c’est vrai par rapport à ce que tu dis. Le dispositif CIFRE, pour expliquer aux personnes, c’est en fait un système de cofinancement où l’état finance une partie du salaire de la personne qui va travailler dans une entreprise et donc bien sûr s’applique aux champs des agences d’architecture, ce qui fait qu’un doctorant peut mener son doctorat en travaillant dans une agence d’architecture sur un temps donné et l’agence d’architecture lui paye un salaire et l’état rembourse une partie du salaire donc on est vraiment dans un dispositif gagnantgagnant. Pour moi ça reste vraiment la voie a initier pour les étudiants aujourd’hui parce que ça permet aussi de ne pas se retrouver dans ce que tu évoquais, c’est à dire que si on veut s’engager dans la recherche ça prend beaucoup de temps et en fait on se déconnecte complètement du champ de la pratique parce que de toute façon on n’a pas d’espace de travail dans ce champ-là or là ce dispositif permet de rester connecté avec la pratique, aux agences d’apporter une plus-value en termes de positionnement de recherche, une valeur ajoutée à l’agence elle-même et effectivement au doctorant. Une fois qu’il aura son doctorat aussi d’avoir un champ professionnel, c’est à dire que la problématique c’est qu’il ne faut
pas que les docteurs soient juste des futurs chômeurs ou de futurs enseignants parce que ça aussi c’est une voie qui peut être problématique, cette déconnexion arrive aussi par ce champ là et si les futurs docteurs sont également inscrits dans les agences d’architecture et qu’ils peuvent enseigner et transmettre aussi cet élément là, ça sera un champ à mon avis positif et constructif c’est pour ça que de travailler sur ce triptyque enseignement, recherche et pratique est très intéressant. Il y a aussi cette dimension entreprise, quand on a travaillé sur le programme avec Manuel sur le KAAU (Knowledge of Alliance for Advanced Urbanism) puisque c’est la thématique qui avait été posée, derrière on a des étudiants qui se sont engagés dans des doctorats à expérimenter ce triptyque en fait de voir qu’est-ce qu’une entreprise peut apporter mais aussi qu’est-ce que la recherche peut apporter à l’entreprise. Il faut des espaces d’expérimentation où chacun apprend à se connaître aussi et ces éléments là je crois que les écoles d’architecture sont un terrain favorable et dans les différents projets qui sont mis en place vous évoquez dans votre présentation le fait que les écoles doivent plus répondre avec le réel, je crois qu’il y a beaucoup aujourd’hui d’expérimentation qui sont faites en tous les cas à Montpellier et Florence tu pourras en parler aussi de ce que tu fais à Marseille, à Montpellier dans le cadre des studios euxmêmes il y a des conventions partenariales qui sont passées avec des collectivités, avec des entreprises. On a travaillé pour ma part avec le département de l’Hérault sur la question des bureaux du futur et des étudiants de troisième année se sont emparés de ce sujet. Jérôme tu pourras aussi parler du travail que tu fais sur la question de la ruralité des centres bourgs en collaboration avec des villes où les étudiants présentent même au conseil municipal où il y a ce dialogue et je crois que très tôt initié ce dialogue et ce triptyque, et d’insuffler aussi une dimension de recherche portée par l’enseignant, qui n’est bien sûr pas produite par les étudiants à ce niveau-là, c’est une première étape à mon avis pour ouvrir des champs possibles et commencer à instaurer cette dynamique.
Eneko Uranga
Ça serait parfait parce que maintenant ce qui m’arrive et à Valence je pense que c’est la même chose, moi j’ai passé un mois dans une agence, mais maintenant les étudiants qui finissent veulent faire un bout de chemin à parcourir la recherche. Normalement il y a une bourse mais elle ne leur permet pas de travailler s’ils en bénéficient. Alors ça les mène à faire de la recherche et pas plus. Et cette recherche est très instable, ça ne peut pas devenir un parcours professionnel ni une profession parce que tout dépend de si les projets sortent ou non. Alors ces chercheurs deviennent enseignants s’ils y arrivent. Dans certains cas ils peuvent aller dans une entreprise de recherche-innovation, il y a quelques cas mais ce sont seulement les deux chemins possibles. Cela n’a rien à voir avec la pratique dans une agence. Alors ce qu’Élodie indique serait très bien pour avoir différentes possibilités pour continuer la profession, mais ce n’est pour le moment pas le cas chez nous.
Florence Sarano
Pour rebondir sur ce que tu disais sur les territoires, parce qu’on parlait des agences par rapport au contrat CIFRE. Il me semble qu’il y a d’autres acteurs qui sont les territoires à tous les niveaux et il y a des territoires qui sont particulièrement démunis en termes d’ingénierie territoriale et ses territoires là il y a une attente, il y a des possibilités, il y a un vrai territoire d’exploration aussi pour les architectes c’est à dire que c’est un peu dans les deux sens. Moi je pense témoigner donc avec les ateliers de master où on va dans des territoires ruraux et des petites communes et quand on y va donc en immersion avec les étudiants, on invite avec nous justement des chercheurs donc les
HITLab & Métropoles du Sud
chercheurs viennent avec nous sur le territoire, ils le découvrent, ils donnent une conférence aux habitants donc ça donne des rencontres assez improbables entre le petit maire de la commune et un chercheur qui n’a pas du tout l’habitude d’intervenir dans ces situations là, avec des échanges et des habitants, des questions plutôt inattendues mais souvent pertinentes et intéressantes et l’objectif est d’élargir leur regard et puis nous aussi de nous nouer à ce qui amène finalement une médiation sur les territoires, sur les connaissances sur le territoire. Les étudiants en architecture se retrouvent dans le rôle de médiateur, de tisser des liens parce qu’ils écoutent d’abord donc ils développent leurs capacités d’écoute, ils apprennent aussi à être écoutés, à transmettre et donc chacun élargi son champ de vision. On n’est pas l’architecte qui vient qui dit voilà ce qu’il faut faire sur votre commune mais plutôt « par contre peut-être vous pourriez faire attention à tel endroit, tel bâtiment, tel partie oubliée etc » et eux aussi ils apprennent. Je crois aussi à ces dimensions de la recherche pas obligatoirement fermées mais aussi en déplacement et finalement cette rencontre entre les habitants, les acteurs, les maires, les élus, tous les acteurs du territoire, les étudiants et les enseignants, ça ouvre des envies, des désirs de se dire « on n’imaginait pas ça, on ne le pensait pas ».
Je reviens sur cette notion de projection, se projeter ce n’est pas que faire du projet c’est aussi se jeter en avant, c’est aller dans l’avenir, c’est ça aussi le rôle du médiateur, c’est d’ouvrir les horizons mais aussi de tisser des possibles et après il y a des envies d’aller plus loin. On a eu beaucoup d’expériences où quand on est arrivé ils se disaient qu’est-ce qu’ils viennent faire là etc et puis finalement ils nous ont écoutés, ils nous ont appris des choses, on a pu échanger et là le projet de territoire il peut se constituer aussi et il rassemble les étudiants, les architectes, les chercheurs de différentes disciplines et c’est quand même ce dont on a besoin pour répondre à nos défis. Donc je pense que la question de la recherche et du projet elle ne se pose pas, elle est une évidence, elle est une nécessité, c’est juste quels moyens on se donne pour y arriver et ils sont multiples les moyens donc c’est peut-être ça le sujet de la recherche.
Clara Mejia
Ce que tu dis me parait très intéressant et pertinent mais m’inquiète en un point parce que je pense que l’architecte doit avoir bien évidemment ce rôle de médiateur, ce rôle de mettre en relation plusieurs choses, ça c’est évident. Et surtout l’architecte doit avoir une attitude responsable que pendant des années nous n’avons pas eu, peut-être que nos écoles n’ont pas insisté sur ça. Ça je suis absolument d’accord mais aussi je pense qu’il y a un côté disciplinaire qui est inhérent à la pratique du projet, de fabrication du projet qu’on ne doit pas non plus laisser de côté. Ça peut constituer aussi une recherche en soit. C’est un métier, le fait de la réalisation concrète du projet, non seulement le document projet, mais aussi la pratique et tout ce qu’elle doit incorporer mais aussi la pratique en elle-même. Et je pense qu’on doit continuer à penser que cette pratique doit s’alimenter et peut en elle-même constituer une ligne de recherche.
Manuel Gausa
Une petite anecdote mais que je trouve très intéressante liée à l’intervention d’Élodie moi j’étais pendant dix ans le vice-président d’un conseil de la Catalogne, c’était un conseil pour le développement durable pour le gouvernement. Il y avait des physiciens, des écologues, des géologues, tous les scientifiques possibles, des experts dans l’eau, et beaucoup de physiciens liés à l’énergie, à l’eau, etc. Ils m’ont fait vice-président par ma capacité
d’enthousiasme, parce que le scientifique il a la capacité de douter. Mais ce que tu as expliqué c’est très intéressant pour moi, parce qu’on leur montrait des projets, et il répondait « Ah oui les architectes, vous vous amusez c’est incroyable comment vous vous amusez » et un jour ils m’ont expliqué « On vous comprend Manuel, le fait est que nous sommes jaloux, parce nous nous travaillons avec des rapports, avec des chiffres ». Nous les architectes on a besoin d’une vision, c’est pas seulement les chiffres, il faut projeter, créer des visions parfois qui sont des stratégies et des recherches converties en vision spatiale. Là commence le problème de l’architecture parce qu’il est entre la recherche et la création et ça c’est notre problème et en même temps notre richesse. Et donc ce que tu disais effectivement, la synthèse elle est dans plusieurs disciplines, la synthèse spatiale, pas tellement, la synthèse spatiale visionnaire un peu, le design peut le faire effectivement, la publicité aussi, mais la publicité fait la publicité, elle vend, nous nous ne vendons pas nous expliquons, nous montrons et nous démontrons. Donc pour moi je suis fière d’être architecte, et j’ai toujours été fière d’être entre l’Art, la création et la science. Et en Italie c’est pratiquement semblable, on se retrouve dans les mêmes situations. Si tu fais de la recherche, elle doit être validée par les publications, etc. Et le doctorat effectivement c’est la recherche scientifique en théorie. Mais là nous sommes des architectes, donc recherche scientifique dans un doctorat veut dire aussi recherche culturelle. Et donc c’est compliqué. C’est vrai qu’en Italie par exemple il faut avoir 6 bourses payées pour créer un cycle nouveau de doctorat, pour mettre en place une nouvelle année de doctorat. Le ministère de la culture ou le ministère de l’éducation paye 4 ou 5 bourses parce que sinon c’est difficile. Mais il faut toujours trouver la 5 ème ou la 6 ème bourse, qu’on cherche soit dans l’administration publique, c’est-à-dire les territoires, qui pendant longtemps avant la crise économique étaient capables de créer des recherches payées par eux pour créer des prospections territoriales. Et pour nous ça serait une entreprise qui payerait pour avoir une bourse industrielle, cependant avec la crise économique beaucoup de groupes d’entreprises ne peuvent pas payer 50 000 / 60 000 € en trois ans pour avoir cette bourse.
Donc à la fin le problème c’est que les gens qui entrent en doctorat en Italie, font une opposition forte pour avoir très peu de place, et celle qui ne sont pas payées sont très mal vues et en général pas très bien considérées pour nous. Quand j’étais à Barcelone, on payait nous même pour faire des doctorats. Chaque pays a sa logique, en France aussi ça sera une autre logique, mais finalement le problème c’est que l’évaluation de la recherche est une évaluation chaque fois plus scientifique, plus démonstrative et nous nous sommes toujours au milieu entre la science, la technologie et la création.
Alors moi je suis assez d’accord qu’on a probablement passé une époque où les écoles étaient positionnement culturel et les professeurs également à une époque économique reflétant le XX ème siècle, et probablement le futur sera plus social espérons-le, que ce soit plus un autre genre d’interactions, interaction sociale, interaction avec l’environnement, avec l’idée d’interaction complète, mais tout cela est entrain de changer, nous sommes dans une époque de transition.
HITLab & Métropoles du Sud
Élodie Nourrigat
On arrive à la fin de cette table ronde et de cette matinée juste et j’aimerais vous relater cette anecdote mais qui est ancienne et qui est l’expérience qu’avait fait un architecte ingénieur inventeur qui est Buckminster Fuller qui était hors des clous puisque quand même il a été sorti deux fois de Harvard pour à la fin y enseigner donc ce qui était plutôt une belle récompense et Buckminster Fuller à l’époque où en fait les théories d’Einstein n’étaient pas encore vérifiée, Einstein commençait à émerger et on s’interrogeait sur ce qu’il faisait. Buckminster avait écrit un ouvrage ou un chapitre d’ouvrage qui s’appelait le monde selon Madame Murphy dans lequel il prenait toutes les théories d’Einstein et il regardait comment serait le monde si Einstein avait raison et donc il écrit cet ouvrage, il le publie, son éditeur lui dit « Mais tu as quand même eu l’aval de Einstein » il lui dit oui, c’est un architecte, il a appris à mentir très tôt, il dit « oui pas de soucis j’ai l’aval de Einstein ». Il sort cet ouvrage et un an plus tard il était à New York et son éditeur lui dit formidable Einstein va faire une conférence tu vas pouvoir le rencontrer. Bien sûr il n’avait jamais rien demandé à Einstein et donc il commence à avoir un peu peur et on lui organise donc un rendezvous ,il était dans une salle et il attendait un peu fébrilement Einstein qui rentre dans la salle et il lui dit « c’est vous monsieur Buckminster Fuller » il répond oui et Einstein lui dit « écoutez je voudrais vous remercier parce que ce que vous avez fait j’en suis personnellement incapable je n’ai pas la moindre idée de savoir à quoi vont servir mes inventions » et je crois qu’il est là le rôle de l’architecte, c’est en cela qu’il a véritablement été architecte dans cette capacité de prendre et de transformer des choses dans le réel et pour moi cette anecdote est assez impressionnante dans ce que doit être effectivement la recherche en architecture dans cette captation de spécialistes, de spécificités et dans la capacité de le réinjecter dans le réel.
Florence Sarano
Au contraire je trouve que c’est très motivant parce que le réel il nous demande de relever des défis aujourd’hui et donc je pense qu’il y a une double recherche et c’est une manière aussi de vous répondre c’est qu’il y a à la fois la recherche sur la discipline elle-même mais l’architecte maintenant il est encore plus dans la conscience avec ce que nous donnent les scientifiques, on va dire en termes de données etc, mais qui sont de plus en plus nombreuses, d’où aussi cette question de la gestion des données d’architectes qui produisent moins de plans et qui manipulent plus les données, tous les diagrammes et ça c’est intéressant aussi de voir l’évolution de ce qu’on produit, plus seulement les plans et donc je pense qu’il y a un double niveau de recherche sur cette conscience du monde, nous quel rôle on peut jouer là-dedans et sur la conscience de notre discipline en elle-même, sur ses spécificités mais pour moi n’y a pas d’opposition entre les deux, tout ça est lié au réel qui est de plus en plus complexe.