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Samuel Bernier Lavigne
from Symposium 2019
by HIT Lab
Samuel Bernier Lavigne Architecte, Pr. l’École d’Architecture de l’Université de Laval Québec
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Répondante : Coline Giardi - Architecte, Atelier Vecteur
Samuel Bernier-Lavigne est professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université Laval, fondateur du FabLab ÉAUL et directeur du xFab. Il détient un doctorat en architecture (théorie, conception et fabrication numérique), en plus d’être récipiendaire de l’Henry Adams Medal of Honor (AIA), de la médaille de l’Institut Royal d’Architecture du Canada (IRAC), de la Bourse du Collège des Présidents (OAQ) et d’une bourse d’études supérieures du Canada Alexander-Graham-Bell (CRSNG). Samuel a notamment travaillé pour Studio Cmmnwlth (New York), Gramazio & Kohler (ETH, Zurich), et enfin UNStudio (Amsterdam), sur de nombreux projets allant de l’échelle de l’objet à celle de l’urbain. Il a aussi effectué une résidence doctorale à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon en plus d’être diplômé de l’Architectural Association Visiting School Los Angeles. Ses recherches financées portent sur le développement des nouvelles technologies en architecture et la question de
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la haute-résolution. Il collabore avec plusieurs firmes d’architecture au Québec, notamment par le biais de concours, fût commissaire de l’exposition et éditeur du catalogue « La bibliothèque d’Alfred Neumann (1900-1968) », en 2019 avec Georges Teyssot, et professeur responsable des installations architecturales du premier MNBAQ Gala en collaboration avec Shohei Shigematsu (OMA) en 2018. Ses travaux sont largement diffusés par le biais d’expositions, de publications et de conférences à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe.
Samuel Bernier Lavigne
Bonjour à tous. Un immense merci à Élodie et Jacques pour l’invitation. C’est un grand plaisir de participer à ce premier symposium HITLab, comme il a été mentionné dans l’introduction je suis professeur agrégé à l’école d’architecture de l’université de Laval à Québec et je voudrais vous entretenir sur les lignes que j’établis entre la recherche, la pratique et l’expérimentation comme étant les trois thèmes du symposium donc on verra d’abord en début de la présentation comment j’intègre ces choses à travers la création du Fablab et à travers mon enseignement pour ensuite regarder comment j’intègre ces choses là dans la recherche.
La première chose que j’ai fait quand j’ai été engagé comme professeur en 2014, j’ai mis sur pied le laboratoire de fabrication numérique de l’école d’architecture. L’école était alors moins développée du côté numérique que les grandes écoles américaines ou l’IAAC, comme nous venons de le voir, il me fallait donc établir rapidement une infrastructure afin d’être en mesure de supporter l’enseignement, la recherche et l’expérimentation à venir.
Donc je pense que vous êtes déjà un peu familier avec cette notion de fabrication numérique mais en fait ça permet de réaliser des objets qui sont initialement modélisés dans les logiciels 3D et de les réaliser de différentes façons dans différentes matérialités selon les différentes machines et ce qui permet soudainement d’ouvrir le champ des possibles au point de vue de la variation et au point de vue du « sur mesure ».
Une fraiseuse CNC va éliminer de la matière à partir d’un tout pour éventuellement réaliser l’objet et ensuite l’impression 3D qui est clairement la méthode la plus connue du grand public où on va inverser cette relation et on va fabriquer l’objet couche par couche en additionnant de la matière, donc que ce soit par exemple la poudre de plâtre qui va être solidifiée avec une tête d’impression avec colle et couleur ou éventuellement un fil de plastique surchauffé et imprimé.
Je travaille aussi actuellement à faire l’acquisition de bras robotisés pour commencer à développer cette espèce de fabrication collaborative à plus grande échelle éventuellement dans le futur.
Le Fablab comporte une dizaine de machines et continue de croître d’années en années, donc je suis parti d’une contrainte un peu bête quand j’ai voulu fonder le lab, l’école n’avait pas nécessairement les ressources nécessaires pour
engager par exemple des techniciens et tout mettre en place mais pour moi c’était vraiment important de ne pas être freiné par ça et de tout de suite me lancer donc la stratégie que j’ai adoptée a été de former des équipes étudiantes donc ils étaient quatre la première année, ils sont maintenant plus de trente à s’impliquer chaque année dans le Fablab pour éventuellement devenir les spécialistes de chacune des machines autant dans leur fonctionnement que dans leur maintien et qui servent aussi à faire le pont avec le reste de la population étudiante pour fabriquer éventuellement leurs différentes maquettes lors de l’évolution de leurs projets. Tout ça a permis de développer un sentiment d’appartenance très fort de la part des étudiants envers le Fablab qui assure sa pérennité à travers les années donc faut savoir en fait que la moyenne d’implication disons d’un étudiant c’est à peu près deux ans donc c’est généralement les années lorsque qu’ils sont master, donc un roulement très grand d’une année à l’autre dans le changement de l’équipe, ce qui fait en sorte qu’une espèce d’enseignement très continuelle est à faire pour s’assurer que tout cela fonctionne bien. Au-delà de ça, ça va générer une sorte d’engouement pour l’expérimentation et la recherche chez les étudiants c’est donc ce qui m’a amené éventuellement a créer l’année dernière xFab qui est une filière de recherche création et d’expérimentation architecturale alliée avec le Fablab et donc maintenant c’est
un petit groupe de recherche. J’ai cinq étudiants qui font des maîtrises de recherche en sciences de l’architecture pour exploiter les potentiels de ces nouvelles technologies de conception et de fabrication numérique donc, des fois, on fait de la recherche théorique dans la recherche technique et dans la recherche par projets en architecture.
Donc avant de passer à la partie plus recherche, je vais vous montrer quelques exemples rapidement de l’intégration du numérique dans l’enseignement grâce à l’implantation du Fablab. L’enseignement numérique à l’école d’architecture débute par mon cours que j’ai fondé en deuxième année qui s’intitule « Introduction à la conception numérique » et qui explore à la fois la brève histoire du numérique en architecture mais aussi c’est un cours où les étudiants vont apprendre à maîtriser les différents outils de modélisation numérique et paramétrique mais aussi éventuellement ils vont explorer les outils de rendu sur des machines de fabrication. Donc le premier contact que j’effectue entre les étudiants et ces technologies se passe à travers l’idée d’une remodélisation de bâtiments numériques existants pour qu’ils puissent être en mesure de s’immerger dans les possibilités de l’outil sans forcément se prendre les pieds dans la conception, les problèmes conceptuels et donc ça fait en sorte aussi qu’ils arrivent à comprendre assez rapidement les qualités possibles donc la production des maquettes fabriquées numériquement.
J’enseigne aussi le numérique à la maîtrise en architecture de la manière dont ça fonctionne à Québec, c’est à dire qu’on a des concentrations à la maîtrise donc les étudiants ont à choisir par exemple le projet urbain, le projet habitat et culture numérique ect… c’est donc dans la concentration numérique qu’on pose des projets donc vraiment à travers l’idée de recherche création et on essaie de développer les projets d’un peu plus grandes envergures. À l’été 2017, j’ai été contacté par la directrice du Musée National des Beaux-Arts du Québec pour mettre en place un projet collaboratif avec mes étudiants de maîtrise pour le tout
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premier gala philanthropique du MNBA et donc l’idée était de poursuivre un peu la vague philanthropique qui avait mené éventuellement la réalisation de ce nouveau bâtiment qui est le pavillon Pierre Lassonde qui a été réalisé par Shohei Shigematsu de OMA à New York.
Donc pour les étudiants c’est l’occasion de réaliser éventuellement un projet d’architecture éphémère à l’échelle 1:1 et de collaborer avec une grande institution qu’est le Musée National des Beaux-Arts et aussi de collaborer avec son architecte qui vient tout juste de terminer le MET Gala et de reprendre cette logique-là bien sûr à plus petite échelle et collaborer aussi avec un grand nombre d’intervenants dans le milieu artistique. Le musée souhaitait une série d’installations éphémères qui allait ponctuer donc le parcours des philanthropes lors du déroulement de la soirée du gala et donc comme premier exercice pédagogique ils ont du faire de la recherche d’idées dans l’atelier, je leur ai fait faire ce que j’appelle une purge conceptuelle, c’est à dire que dans un court laps de temps les étudiants avaient à sortir littéralement 100 idées, de les mettre sur la table et ensuite de les analyser, les critiquer et les confronter, pour ensuite créer quatre équipes dans l’atelier et faire un concours en interne.
Donc de ces 100 idées ont émergé quatre concepts qui étaient beaucoup basés sur une idée de l’expérience sensorielle des matériaux, on partait nécessairement avec un budget assez limité donc il y avait déjà une logique de réalisation très concrète. On voit par exemple les matériaux qui étaient
mis en avant, on a soit un film miroir, soit des fins voiles transparents, soit des films dichroïques qui filtrent la lumière et qui la diffusent avec certaines couleurs, et éventuellement des éléments gonflés tout ça était bien sûr organisé en forme, en espace et en structure selon les outils paramétriques et numériques. On voit en fait aussi une série d’étapes qui allaient évoluer dans la séquence spatiale de la soirée. On entrait dans le pavillon central donc l’ancien pavillon du musée pour ensuite passer dans le tunnel qui nous mène au nouveau pavillon pour arriver dans cet escalier monumental et pour finir la soirée dans le grand hall avec la réception donc ça c’était les quatre concepts. Il y a eu une première critique intermédiaire qui s’est déroulée dans les bureaux de OMA à New York. Lors de notre voyage d’étude, les étudiants ont dû présenter devant l’architecte du projet dans lequel ils vont faire un projet, c’est toujours quand même quelque chose d’assez intéressant à voir. Tous les intervenants se sont réunis pour discuter, tester et éprouver l’ensemble des quatre projets et donc le jury a permis de déterminer les gagnants qui auront ensuite la chance de réaliser leur installation dans le musée le soir du gala. L’équipe du projet gagnant est composée de trois étudiants qui sont venus en Erasmus à Montpellier en 2016 - 2017 donc vous avez bien poursuivi leur formation. Ils proposaient de jouer avec cette idée du film miroir pour exprimer en fait l’œuvre philanthropique à travers le froissement graduelle de cette matière donc en passant d’un reflet personnel où ça représente le don vers l’œuvre philanthropique éventuellement à créer une espèce de pièce maîtresse qui à l’avenir englobe cet escalier monumental du musée donc créé une sorte d’écrin autour de cet escalier qui correspond soudainement à l’œuvre collective qui émerge en fait de l’ensemble des gestes philanthropiques donc on ne voit plus le reflet personnel, on voit une espèce de reflet flou où on sent que la collectivité a pris le dessus sur le don personnel et en fait tout ce qui était la structure était définie par des assemblages assez simples de matériaux commun avec des
montants d’aluminium, où le positionnement des poinçons horizontaux était défini de façon paramétrique avec les outils numériques pour obtenir l’effet désiré. Donc à partir du moment où les gagnants furent déterminés, l’ensemble de l’atelier a fusionné en une sorte de méga équipe pour développer les aspects plus techniques : autant les dessins d’atelier que la production de prototypes à différentes échelles jusqu’à l’échelle 1:1 pour s’assurer que tout ça pouvait être éventuellement réalisé, testé et amélioré pour réduire le nombre de surprises en chantier. Bien que tout ça peut avoir l’air assez simple à réaliser on a découvert un peu sur place que ça reste assez complexe de construire quelque chose dans un environnement aussi pur et aussi prestigieux qu’un musée et surtout quand il faut s’assurer qu’une fois que l’installation est enlevée on y laisse aucune trace donc c’est quelque chose qui a été quand même assez complexe à gérer. Il fallait aussi gérer le fait que le musée restait ouvert pendant la construction c’est quand même quelque chose de pas si facile que ça mais au final on a tout de même mené le projet à bien. L’extérieur de l’écrin de la boîte on voulait qu’il englobe l’escalier qui est complètement en miroir, si vous voulez la spatialité qui avait été initialement prévue par l’architecte où il voulait un escalier complètement ouvert sur leur art, sur l’extérieur et là soudainement on va venir fermer, c’est comme si on venait isoler cet élément architectural là et le magnifier au point de vue de la puissance architectural.
Ensuite on se trouve dans le passage souterrain de l’ancien pavillon, au nouveau pavillon qui était en fait la deuxième étape, si vous voulez, dans le parcours philanthropique de la soirée où il est suspendu cette espèce de film miroir comme ça où à chaque fois que quelqu’un passait et qui venait ça se déformait créant un espèce de froissement métallique en construisant et déconstruisant les reflets des gens qui passaient et ça générait aussi une série de reflets de la lumière sur l’architecture et donc tout ça devenait excessivement immersif très rapidement avec très peu d’efforts. La deuxième partie de cette conférence aborde cette idée du thème de la recherche par la pratique, ou peut-être plus par le projet si vous voulez, qui sont à la fois des produits concours et des propositions de projets qui viennent par des contrats de recherche et voire même éventuellement d’exploration qui sont plus spéculatives et théoriques afin d’approfondir certains sujets de recherche.
Je débute avec un premier projet de concours donc qui est intitulé fields of gold qui est développé en 2015 en collaboration avec Etienne Bernier architectes que certains d’entre vous connaissent bien et donc c’est un concours pour les paysages en dialogue à Québec, c’est un projet qui s’est mérité une mention du jury. Le point de départ était un peu cette fascination pour certaines œuvres de William Turner qui arrive à faire d’incroyables reconstruction du paysage à travers son médium donc pour Turner ce n’est pas nécessairement d’essayer de peindre selon les règles de l’art de son époque mais essayer plutôt de peindre ce qu’il voyait c’est à dire les éléments, les lumières, le vide et c’est un peu le défi qu’on s’était donné pour la conception de notre projet c’est à dire de construire avec ces éléments donc lumière, horizon, ciel, berges, eau, etc… pour entraîner les visiteurs à redécouvrir le paysage existant par une expérience multi sensorielle et spatiale.
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du site que l’on avait donc une vue panoramique définitivement déformée mais bien sûr qui donnait ce rapport aux berges et au fleuve très présent donc là on est à marée basse si vous voulez, on avait rapidement compris en fait qu’il y a un accent particulier qui se dégageait de l’interaction entre la végétation des berges et la lumière du soleil qui nous rappelait un peu ces atmosphères des tableaux de Turner et on voulait donc par la mise en forme de cette relation architecturale déstabiliser, si vous voulez, le regard, la perception du passant pour l’amener à se construire son propre paysage et en l’éloignant des certitudes acquises parce que c’est un paysage qu’il voit tous les jours et la routine nous amène à perdre un peu de cette magie donc on essaie de ramener ça dans le projet. Le programme du concours était de proposer des belvédères pour redonner éventuellement accès à l’eau au grand public. Le belvédère proposé dans notre cas s’insérait dans l’Anse Cap rouge, sur une fine pointe de terrain qui s’avance dans le fleuve… Où les visiteurs étaient appelés à suivre cette enveloppe qui émerge du sol, pour graduellement découvrir des vues sur le Tracel (infrastructure ferroviaire très connue à Québec), ensuite une vue sur les ponts de la ville, puis sur le Fleuve et le paysage naturel environnant. L’organisation du projet génère un espace de transitions à travers une descente topographique intérieure qui nous mène au bord de l’eau. Celle-ci est recouverte d’une enveloppe poreuse, laissant graduellement apparaitre les vues.
sur cette enveloppe poreuse, au point de vue du développement de la recherche à travers les outils numériques donc elle vient révéler partiellement l’horizon en s’ouvrant à travers des rotations paramétriques.
Ça implique en fait que l’enveloppe de ce pavillon-là est subdivisée à travers une série de panneaux qui sont tous à la même largeur mais avec une hauteur variable, leur rotation est aussi variable selon s’il y a quelque chose à voir. On prend possession de ces outils là pour éventuellement jouer sur les perceptions de l’espace et il y avait tout un travail aussi au point de vue de la finition et des panneaux à travers 6 degrés de réflexion différents donc quand le panneau était à l’horizontale y avait une espèce de réflexion parfaitement miroir et plus il est en rotation plus on retrouvait les qualités des peintures de Turner à travers le jeu de cette réflexion.
Une fois à l’intérieur, l’architecture propose aux visiteurs de se construire ce nouveau paysage mental de l’environnement qui l’entoure et l’interstice qui est générée à travers ce jeu paramétrique de la façade entraine justement la lumière à pénétrer à l’intérieur et crée une série d’atmosphères à travers les ombres qui sont projetées sur cette topographie qui nous mène éventuellement à la descente à l’eau. Et donc tout ce flou visait à stimuler si vous voulez l’imagination du visiteur en faisant appel bien sûr à ses émotions afin qu’il puisse éventuellement se laisser flotter dans les champs dorés qui mènent sur le bord du fleuve Saint-Laurent.
Le deuxième projet est né d’une collaboration de recherche qui s’est fait avec mon collègue Gianpiero Moretti qui est professeur à l’école
d’architecture et deux collègues ingénieurs qui enseignent à l’université de Laval : Lucas Sorelli et David Conciatori. La ville nous a contacté en nous offrant un contrat de recherche pour réfléchir à une esquisse d’une passerelle piétonne et cycliste qui mettrait en avant les possibilités du béton fibré ultra haute performance donc une matérialité que je pense vous connaissez bien ici avec le pont de Chelsea et la gare de tgv.
D’un point de vue urbain on cherchait à connecter le quartier Limoilou avec un nouvel éco quartier qui prenait naissance dans ce parc au centre de l’image, une connexion qui se faisait par le prolongement d’une des rues en passerelle survolant la rivière saint Charles. Bien qu’à première vue ça peut sembler un peu contre intuitif que de développer une passerelle en bfup pour un éco quartier nous faisons la démonstration que sur le long terme l’utilisation d’une telle matérialité est très juste entre autres par des analyses de cycle de vie approfondie. Notre collègue spécialiste en la matière, exprimait qu’il est difficile mettre une date de péremption sur une structure de bfup, puisque c’est un matériau qui semble presque éternel de par sa résistante structurale et sa nonporosité qui le protège des intempéries (une caractéristique qui est super importante dans un climat comme celui de Québec où l’on a plusieurs périodes gel-dégel par année).
Donc la stratégie architecturale suivait aussi cette voie plus écologique en tentant de minimiser l’utilisation de la matière pour arriver éventuellement à réaliser la passerelle donc j’ai mis en place une sorte de boucle rétroactive entre l’architecture et l’ingénierie en mettant sur pied un modèle paramétrique capable de se modifier selon les efforts. Donc on débute avec une forme initiale c’est à dire le design de l’architecte si vous voulez à laquelle on venait appliquer une distribution des charges pour ensuite analyser la répartition des efforts dans la forme et éventuellement venir modifier la topologie de la structure à travers un jeu de perforation donc d’élimination de la matière et là on recrée cette boucle une deuxième fois, une troisième fois, jusqu’à temps qu’on obtienne une structure qui est à la fois performante pour l’ingénieur et à la fois intéressante pour l’architecte. Avec une analyse par éléments finis du champ des contraintes et la déformation exagérée du comportement structural, qui nous a mené peu à peu à utiliser une logique de subdivision pour venir ajuster, de façon itérative et locale, les membrures dans les losanges principaux, afin de mieux s’adapter aux besoins structuraux, tout en conservant une cohérence dans l’ensemble du projet. Donc tout ça résulte en un long tube dont la paroi en treillis se subdivise pour devenir une sorte de fin tressage de bfup blanc et dont l’arrimage sur les deux rives permettait de redonner l’accès à la rivière aux citoyens. C’est quelque chose qui était souhaité depuis très longtemps là dans la ville et la passerelle connecte aussi les deux pistes cyclables qui vont sur le long des berges ce qui permet une augmentation de la porosité et la connexion urbaine d’un quartier à l’autre qui est quelque chose qui manque définitivement de ce point de vue-là.
À l’intérieur, ce même motif nous permettait aussi de filtrer, bien sûr, la lumière et de nous amener à découvrir de superbes vues sur la ville de Québec, on est rendu au centre de cette rivière et on sent aussi une certaine inspiration des ponts couverts qui étaient quelque chose qui nous inspirait beaucoup à ce moment. Ce sont des ponts qu’on retrouve dans plusieurs villages au Québec, c’est né d’une logique de protection des intempéries. Ce qui est quand même somme toute incroyable à travers cette
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idée du bfup structurale c’est qu’on avait une portée de 55 mètres à faire et on était en mesure de limiter l’épaisseur de la structure à 10 cm d’épaisseur dans son treillis principal et 5 cm dans la subdivision interne qui est cette espèce de double peau qui vient simplement fusionner à travers le premier treillis.
Alors que le projet suit actuellement son cours avec les instances municipales, entre-temps j’ai été invité à joindre le CRIB (Centre de recherche sur les infrastructures en béton - regroupement de 5 Universités au Québec) afin de poursuivre le développement technique des coffrages pouvant réaliser cette passerelle. Je poursuis donc le développement d’une idée de recherche qui avait été mise en place lorsque j’étais à l’ETH chez Gramazio & Kohler - celle des coffrages complexes réutilisables grâce à l’usinage de formes en cire industrielle. On voit le fonctionnement qui est assez simple donc par cette séquence d’image il suffit de fabriquer si vous voulez par fraisage CNC, l’inverse de la forme modélisée dans une cire industrielle, l’utiliser comme forme dans le coffrage, couler de béton ou bfup, décoffrer, faire fondre la cire pour la réutiliser dans un nouveau bloc, puis ensuite recommencer. J’ai une étudiante qui exploite en fait ces possibilités et comment on arrive à définir cette technique de fabrication, comment on arrive aussi à comprendre comment la cire se comporte à travers la fabrication, le coulage et la réutilisation. On teste présentement des qualités de surface possible avec différentes transpositions de forme, de motifs, de textures et voir comment les traces, qui sont laissées
par l’outil lors de la fabrication, affectent ou pas le résultat et comment on peut transposer cette logique-là à une plus grande échelle, à l’échelle 1:1, pour arriver éventuellement à construire cette passerelle donc on n’est pas encore nécessairement arrivé au résultat parfait mais le projet évolue quand même assez bien et on remarque aussi tout l’effort qui est mis en place lors de la fabrication pour récupérer tous les déchets, une espèce de grande bâche de plastique sur lequel la cire est déposée pour s’assurer que toutes les copeaux qui soient ensuite réutilisés donc fondus et réintégrés dans la fabrication. On arrive à générer une fabrication de coffrages qui est presque sans déchet.
En parallèle des projets que vous venez de voir, qui sont un peu plus collaboratifs et concrets, j’ai des recherches qui sont un peu plus spéculatives et théoriques de l’autre côté qui me permettent d’explorer en profondeur certains termes sans forcément avoir des contraintes très déterminées mais plutôt une sorte de terrain de jeu de la recherche, qui me permet de tester des idées. Ça rejoint un peu ce que Abraham Flexner (père de l’Institute for Advanced Studies de Princeton) écrivait dans son fameux texte «The Usefullness of Useless Knowledge», c’est-à-dire de se permettre de prendre le temps d’explorer certaines avenues dont la finalité est loin d’être connue – un peu comme faire de la recherche fondamentale… parce que l’on ne sait jamais ce qui y sera découvert, et comment cela pourra éventuellement venir informer des recherches qui sont plus appliquées, un jour.
Donc, la prochaine série d’images présente un projet de recherche sur l’objet architectural (à la limite de l’objet artistique) que je viens tout juste de terminer. Depuis ma thèse de doctorat en 2014 je m’intéresse beaucoup à l’idée de l’optimisation topologique donc c’est ce qu’on voit ici c’est un processus algorithmique qui permet un calcul de la répartition des charges dans un objet et qui vient éliminer graduellement la matière pour n’en conserver qu’un minimum pour que l’objet
puisse arriver à tenir.
Donc bien que ce processus-là soit d’une puissance quand même inouïe il génère en fait habituellement des géométries au maillage assez complexe mais qui reste toujours une sorte de même langage très fluide comme on peut le voir aussi ici et j’ai donc essayé d’explorer ce potentiel à travers une méthode de conception de quatre objets qui sont à la fois similaires et à la fois différents, déposés sur des socles en dialogue avec l’objet. Le premier explorait simplement les qualités formelles et spatiales, l’optimisation topologique pure. L’ensemble de ces objets sont inspirés de petits monolithes - dont la forme angulaire avant optimisation émerge d’un processus algorithmique de réduction géométrique graduel, par soustraction booléenne multiple... et chaque objet final tire profit d’une méthode d’impression spécifique – ici, une impression en nylon, précise et résistante. Pour les trois autres objets le but était de réfléchir à une série de systèmes qui seraient éventuellement capables d’intégrer ces données structurales et de les exprimer autrement donc un peu comme il avait été fait dans la passerelle en bfup mais à une toute autre échelle en abordant un deuxième thème qui est celui de la haute résolution dans la conception donc vous savez maintenant quand on utilise un outil de conception numérique qu’on peut arriver à modéliser quelque chose d’une précision extrême mais c’est toujours sa matérialisation qui reste un petit peu plus complexe et donc je voulais essayer de pousser ou de repousser les limites des différences d’imprimantes 3D pour aller voir jusqu’où on peut aller chercher cette précision et cette haute résolution dans l’expression et voir ce qui pourrait éventuellement ressortir à travers une
série d’objets.
On voit ici un système de voxels qui sont des pixels 3D donc extrêmement précis qui mesurent à peu près 1 millimètre par 1 millimètre et qui s’extrudent de l’objet selon s’ils doivent participer ou non à la structure donc une première optimisation topologique qui est performée sur l’objet et ensuite il y a un algorithme de géolocalisation qui est capable de comprendre le positionnement du voxel par rapport à la distribution des charges.
Tout ce qui est blanc est l’élément le plus extrudé, le plus solide, le plus massif et nécessairement ça lui a donné aussi son espèce de coloris qui est appliqué ensuite à travers l’impression 3D en poudre de plâtre.
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Ce troisième objet enfin intègre les flux structuraux au travers d’un monolithe donc on voit assez bien l’élément de base qui est très angulaire cette fois ci, il est transparent et lisse à l’extérieur, extrêmement travaillé de l’intérieur ce qui m’amène à qualifier ce projet ou cette série d’objets : de l’objet champ, c’est une réflexion qui émerge de l’histoire du numérique donc de l’interaction entre cette idée de l’objet et cette idée du champ plus large et donc cette fois ci l’idée des différents flux structuraux ne vient pas nécessairement influencer la forme mais bien la matérialisation de cet objet par une intégration dans un objet qui est prédéterminé donc autonome initialement. La base exprime ce rapport particulier qu’a chaque objet avec le champ de force environnant. C’est comme si ces informations d’optimisation structurales c’étaient en fait dissoutes dans la conception pour réapparaître de façon un peu plus fantomatique dans sa matérialisation ce qui se fait par un travail d’épaississement de la surface intérieure et une impression 3D par stéréolithographie avec une résine qui est extrêmement transparente donc on se rapproche d’un objet presque de glace plutôt qu’un objet imprimé en plastique.
informations formelles extérieures de l’objet et les flux structuraux pour se matérialiser dans une dentelle extrêmement fine, à travers l’organisation complexe d’éléments linéaires simples, où chaque membrure ne fait que 0.5 mm d’épaisseur.
Sa matérialisation en résine translucide le rend encore plus évanescent. Ici, l’algorithme développé remplace la forme de base par un système cartésien où les membrures verticales définissent les limites de cette forme, alors que le positionnement des membrures horizontales est dicté selon les résultats de l’optimisation topologique, en suivant une boucle itérative de plus de 8500 loops. Ce qui vient littéralement
générer sa matérialisation.
Donc ces projets m’ont aussi amené à explorer d’autres possibilités des machines de fabrication numérique que ce pourquoi elles ont été initialement conçues. Ici par exemple, il s’agit d’une fraiseuse au CNC sur laquelle on a développé une espèce de prothèse pour y joindre un crayon et on commence à dessiner numériquement les différentes résultantes du projet en traçant les lignes fournies par le modèle 3D. Les résultats sont quand même assez fascinants, comme on peut s’y attendre il y a une
sorte d’hyper précision dans la directionalité de la ligne, bien sûr c’est la machine qui la trace mais comme c’est une machine qui en fait est pas très subtile, c’est une machine d’usine qui fait beaucoup de vibrations, on retrouve cette espèce de tremblement presque de la main dans le dessin et donc on s’éloigne de cette impression pour arriver à retrouver quelque chose d’étrangement familier à travers cette texture qui est somme toute assez riche dans le travail du dessin.
Ce projet est présentement exposé à Québec donc si jamais vous passez par-là cet été vous êtes les bienvenus à voir ça. Cette image en fait va vous permettre de mieux comprendre les formes angulaires d’où tout cela émerge et l’échelle de ces objets d’à peu près 25 cm de hauteur. Je termine en fait avec la dernière partie de la conférence qui portera sur ce que j’appelle la recherche sur la pratique. J’ai toujours été fasciné par les différentes méthodes de conception que certains architectes arrivent à mettre en place dans leurs pratiques et à développer mais en fait j’utilise un peu ma position académique c’est à dire un peu hors de cette pratique là pour me permettre certaines incursion dans l’œuvre éventuellement de quelqu’un pour mieux comprendre le processus, puis éventuellement le contexte dans lequel l’œuvre s’inscrit donc qui est parfois un contexte historique parfois théorique des fois conceptuel et naturel.
Je débute ici avec le projet des chambres blanches, un projet que j’ai fait en collaboration avec l’atelier Pierre Thibault, donc Pierre si jamais tu veux intervenir libre à toi, dans une exposition où j’étais le commissaire.
Donc dès le début c’était très clair pour nous qu’on abordait ce projet là comme étant une sorte d’expérimentation créative en laboratoire. Le but était, en quelque sorte, de distiller puis isoler les qualités des architectures de l’Atelier Pierre Thibault, pas nécessairement pour créer un descriptif très précis, mais plutôt pour en développer une compréhension approfondie, qui mènerait à la création d’architectures simples… où ces caractéristiques arriveraient à s’exprimer de façon singulière et individuelle. Donc, chaque expérimentation créative résultait en un objet spatial, matérialisant une qualité précise. On pourrait parler des résultats comme des petites architectures absolues pas dans le sens de la pureté mais bien dans le sens de leur expression au point de vue de leur autonomie au point de vue d’un objet comme étant un objet maintenant isolé autonome.
Ces projets isolés s’expriment à certains moments par des gestes formels simples (le plan, la boîte, la pente, la tour), d’autres fois par des caractéristiques spatiales (contraction, ouverture, gradation, massivité, légèreté), et même, à l’occasion, par des actions (monter, regarder, entendre, se coucher, se faufiler, grimper). La démarche prend une forte cohérence à travers l’itération progressive, où chaque idée se précise et se bonifie par une sorte d’évolution.
Les interventions isolées commencent à dialoguer par regroupement si vous voulez donc un dialogue par juxtaposition et on obtient une
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collection de chambres blanches. L’exposition a été fait en 2015 aux jardins de Métis en Gaspésie où le dispositif d’exposition amenait à se plonger littéralement dans les détails de la maquette.
Au-delà de ces maquettes certaines chambres blanches ont été sélectionnées pour ensuite être réalisées dans l’environnement naturel presque vierge du parc la rivière Métis. L’actualisation de la maquette en installation architecturale conditionne un nouveau cycle de conception et de découverte de ce que peut apporter le projet.
Par exemple ici c’était une petite chambre où on était appelé à avoir une espèce de contraction spatiale dans un environnement naturel très ouvert et là soudainement un objet artificiel qui vient, qui est comprimé, qui nous amène à s’élever dans l’espace, à avoir une vue qui était inaccessible de par la végétation et donc toute cette recherche matériel sur les détails de la menuiserie si vous voulez permet non seulement de construire cet artefact qui est à la base plus spéculatif mais vient aussi créer des dispositifs capables de produire différents effets architecturaux donc juste de rentrer dans cet environnement complètement blanc alors qu’on était entouré d’une nature luxuriante. Il y a un contraste là quand même assez intéressant à pousser et donc on se promène, on découvre par exemple sur le bord de l’eau et sur l’horizon des installations qui viennent
complètement contraster de par leur couleur, leur forme à travers le paysage et donc ce sont des architectures qui sont assez simples mais qui sont passées d’une expérimentation en laboratoire à un petit projet implanté au milieu de la Gaspésie et qui génère ces nouveaux environnements, une sorte de contemplation très intime de la nature quelque chose qui résonne nécessairement très bien avec l’œuvre de Pierre.
Finalement, le dernier projet en ce sens qui vient tout juste de se terminer à la fin avril, est «La bibliothèque d’Alfred Neumann». D’abord qui est Alfred Neumann? Il étudie dans les années 20 à l’Académie de Beaux-Arts de Vienne, d’où il provient, pour ensuite devenir un élève de Peter Behrens et d’Auguste Perret, et il est universellement connu pour ses travaux de systèmes de compactage spatial (ang. Space Packing) qui sera exprimé par sa théorie des morphologies d’agrégations modulaires.
Il enseignera d’abord au Technion (Haïfa, Israël) et laissera sa marque avec ses principaux projets (en collaboration avec ses anciens étudiants Zvi Hecker et Eldar Sharon) qui incluent l’hôtel de ville de Bat Yam (1959-1963), ou les appartements Dubiner (1961-1964) en Israël. Par la suite, Alfred Neumann enseignera d’abord comme Professeur invité, puis comme professeur et directeur de maîtrise, à l’École d’Architecture de l’Université Laval à Québec, de 1962 jusqu’à sa mort en 1968.
Suite au legs de sa bibliothèque personnelle, mon collègue Georges Teyssot et moi-même
avons mis sur pied un projet de valorisation de son œuvre. Ce projet a été catalysé par la découverte de quelques documents forts intéressants… Comme ce dessin de Neumann d’un mobilier de rangement modulaire, jamais réalisé… Ce qui nous a poussé à faire l’exposition – en réalisant un meuble inspiré du dessin…
Ce meuble qui accueille les livres personnels de Neumann. Pour passer d’un dessin préliminaire à la réalisation finale du meuble, j’ai eu la chance de modéliser le tout, et continuer le travail de Neumann (ce qui est un moyen très riche de rentrer dans son œuvre) - à travers le développement des détails d’assemblages et en mettant en place un système d’éléments verticaux en plexiglas, à l’intérieur des cellules, pour à la fois mieux tenir les livres en place, et renforcer sa structure. Comme on le voit sur cette photo de l’exposition, il y une sorte de triple mise en abîme assez intéressante, alors que le catalogue de l’exposition, intitulé La bibliothèque d’Alfred Neumann se retrouve dans le meuble de bibliothèque, avec les livres de la bibliothèque d’Alfred Neumann. Autre aspect extrêmement intéressant, l’accès à toute sa collection de livres, qui nous permet de mieux saisir d’où il vient, contextuellement parlant, par l’influence Viennoise des grandes années avec des perles rares comme ce livre d’Adolf Loos et les fameux Die Fackel de Karl Krauss. Et bien sûr sa compréhension mathématique approfondie des problèmes d’organisation spatiale complexe – avec l’important « Essai sur le Rythme » de Matila Ghyka. Un autre document d’exception, est un exemplaire du Modulor 2 dédicacé personnellement à Alfred Neumann par Le Corbusier… Définitivement une très belle pièce de la collection. Et d’autres documents inspirant comme les diapositives avec lesquels Neumann donnait ses cours à l’École d’architecture de l’Université Laval qui deviennent de fascinants documents d’archives… et qui pour la jeune génération (dont je peux dire que je fais encore partie) est une expérience immersive incroyable que de se plonger dans l’étude minutieuse des diapositives sur une table lumineuse. Ces diapos nous permettent aussi de comprendre l’ampleur des maniements polyédriques dans le processus créatif et architectural de Neumann.
Nous avons également publié un catalogue qui contient une conférence inédite de Neumann sur l’architecture de la morphologie. Et les images qui sont en fait la projection des diapositives de Neumann. On voit le Dubiner Appartment
Building, en plan et une fois réalisé.
Et pour terminer, un texte de ma part intitulé : « Écumes polyédriques ; des combinaisons pré-numérique au post-paramétrique » qui explique comment Neumann et ses collègues sont à la source d’une série d’explorations d’architectures numériques basées sur les agrégations spatiales… En passant par la vague de projet utilisant l’algorithme de Voronoi, le projet Groto de Aranda Lasch qui a marqué les esprits, et voir même les explorations post-numériques très récentes de Bureau Spectacular – mais aussi des projets qui ont eu une résonnance internationale comme le Watercube à Pékin
HITLab & Métropoles du Sud
pour les jeux Olympiques de 2008 ou plus récemment le Taichung Opéra House de Toyo Ito, qui expriment le potentiel architectural d’une telle démarche polyédrique, et comment celle-ci arrive à évoluer et s’actualiser par l’outil numérique.
Merci
Coline Giardi
Merci beaucoup déjà pour cette présentation, c’était très riche, très varié et ça nous a permis de voir qu’au travers de cette pratique l’outil numérique permet de faire évoluer la recherche en architecture et le métier d’architecte. On peut voir ainsi que la recherche en architecture a plusieurs facettes il y a donc cet outil numérique qui permet d’expérimenter, il y a également cette pratique du métier et l’enseignement. J’aurai peut-être comme question, pour des futurs architectes, est-ce que cet outil est nécessaire ou même indispensable à la pratique actuelle du métier d’architecte ?
Samuel Bernier Lavigne
Bien sûr c’est un outil indispensable mais qui offre en fait différentes possibilités, c’est-à-dire que bien sûr moi j’ai fait la thèse sur l’émergence du numérique en architecture donc à travers des regards à la fois philosophiques, naturels, biologiques des systèmes complexes et comment tout ça s’intègre dans l’architecture, il y a toute une pensée derrière. Ce que j’essaie de transmettre à mes étudiants c’est que bien sûr l’outil nous permet de concrétiser cette chose mais en même temps si on n’est pas 100% dans cette conception numérique l’outil peut tout de même aider à faire énormément de choses dans une agence.
J’ai eu beaucoup de mes étudiants qui vont travailler dans des agences internationales et c’est toujours l’outil qui va être mis de l’avant au niveau de l’automatisation par exemple certaines tâches sur la gestion de deux modèles assez complexes, sur les possibilités de fabriquer ces choses-là. Je fais tout avec cet outil maintenant ça peut bien sûr donner des formes un peu hors normes des éléments extrêmement complexes et variables en même temps, on peut à la fois l’intégrer dans des logiques hyper rigides et strictes et très minimales sur certains points donc ça peut être vu comme étant une globalité mais ça peut aussi être vu comme étant un outil qui aide à la pensée, à l’évolution de l’architecte.
Florence Sarano
Je voulais juste dire que ce qui apparaît clairement, pour comparer aussi avec notre école de Marseille, c’est que derrière les machines il faut des Hommes et des enseignants et que ce n’est pas juste l’outil pour faire une plus belle maquette, plus rapide, plus parfaite que celle qui serait faite à la main mais c’est aussi une réflexion derrière ces outils, sur ce qu’on veut en faire et donc l’expérimentation et la recherche sont une évidence. Vous avez mis en place aussi des moyens, vous avez parlé des réseaux, vous avez commencé en montrant le scan des étudiants qui participent et en nous montrant toutes les différentes facettes, vous nous avez montré toutes les facettes des relations entre recherche, projet et ces machines et ça c’était la première chose que je voulais dire.
L’autre chose que je voulais poser comme question c’est qu’en générant un certain nombre, plus pour parler de la partie sur les volumes, vous avez du coup générer ses formes à partir de données donc c’est un énorme pouvoir par rapport à d’autres donc je pense que d’autres formes, d’autres manières, de faire du projet etc, ça peut être aussi ce qui fait peur et inquiète et dans l’usage des machines qui sont peut-être des fois aussi réduites à celui qui va savoir utiliser tout ça. Donc je pense que là aussi il y a besoin d’enseignants de recherche. Vous avez parlé par exemple du pont, il y a beaucoup de données qui sont physiques et liées à la résistance etc. Est-ce que parfois vous utilisez d’autres types de données qui seraient peut-être des données plus sensibles ou plus de l’ordre de la mécanique des forces mais sans
dire que c’est mieux ou pas bien ?
Samuel Bernier Lavigne
Eventuellement quand on développe des projets dans la plus grande échelle on fait énormément d’analyses de sites avec ces outils donc ça peut être des flux urbains par exemple, en voyant la présentation de Monsieur Olives, donc ces éléments-là qui sont à la base un peu réservés à l’ingénieur, ne nous permettent de devenir, des spécialistes ça c’est clair mais on est capable de voir un peu cette logique et encore en manipulant ces données ça vient
former à la fois la forme, l’espace, la réflexion de l’imagination de projets donc oui on essaie de viser assez large.
Bien sûr personnellement les données structurelles sont l’élément dans lequel je trouve un peu plus mon compte. En fait un paramètre ça peut être n’importe quoi donc bien sûr énormément d’éléments d’information qui entrent dans ce processus-là. Sinon pour revenir dans la première partie de votre question en fait ce qui est intéressant c’est lorsqu’on achète par exemple une machine même si c’est pas une machine qui coûte une fortune, on voit ce que ça peut faire. La première chose que vont faire les étudiants c’est faire l’inverse de ce qu’elle peut faire donc ils vont tout de suite essayer de l’amener ailleurs et donc ça n’a pas besoin, éventuellement pour avoir une sorte de d’émergence, d’avoir une infrastructure qui est très lourde simplement avec l’idée de l’imagination sur cette petite infrastructure, cette petite machine nous amène à tout de suite réfléchir un point de vue recherche et projet donc dans cette voie-là.
Pierre Thibault
C’est là qu’on voit que les budgets sont pas nécessairement ce qui fait qu’on arrive à aller audelà donc Samuel a cette capacité là, d’être un agrégateur des étudiants et entre eux continuer à développer et explorer, d’aller au-delà de ce que même les machines étaient prévues pour faire initialement donc je pense que par de nombreuses expositions et présentations on comprend cette démarche de recherche et les étudiants deviennent eux-mêmes je dirais presque des ambassadeurs de cette façon de faire c’est là qu’on voit que les humains derrière la machine sont encore là.
Samuel Bernier Lavigne
Souvent la question lorsque je présente mon cours, c’est quelle agence va m’engager pour ça ?
Au Québec c’est à vous d’amener ce changement dans l’agence donc ce ne sera jamais le patron qui va dire mais il faut utiliser absolument cette nouvelle technologie. C’est souvent le jeune qui sort de l’école et qui a ces capacités qui dit mais voici ce que je peux faire avec ça et voici éventuellement comment on peut essayer de l’intégrer dans une agence.
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Photos : 1 // Shadow Cabinet - Harrison & Crist Architects 2 // Kyabram & District Health Services Health and Wellbeing Centre - Antarctica 3 // Graham CRIST - PRS. 4 // Ferrars - Housing - Antarctica