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Bourse d’études MDS 2018

Bourse

d’études MDS 2018 .......................................................... Stella Buisan

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Stella Buisan

“Bois”

Présentation par Coline Giardi - Présidente de L’Association MDS

L’association Métropoles du Sud a attribué en 2018 une bourse de 8 000 euros à Stella Buisan afin de lui permettre de développer ses recherches et sa pratique de l’architecture sur le thème de la construction bois. Ce projet de recherche avait pour ambition de faire un état des lieux de la construction bois en France au travers de sa filière, de sa multitude d’acteurs mais aussi de son maillage territorial donc Stella est diplômée de l’école d’architecture de Montpellier et travaille actuellement dans l’agence Dream à Paris.

Stella Buisan

Je vais vous présenter la recherche que j’ai réalisée durant une année, à l’aide de la bourse d’études Métropoles du Sud. Depuis quelques années on remarque au travers de toute la France la médiatisation de projets en structure bois, fait nouveau dans le paysage français très bétonné. La presse décrit ses projets

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comme innovants à fort potentiel d’avenir ou même les décrit comme d’architecture du futur. Pourtant ce matériau n’est pas nouveau et est beaucoup utilisé à travers le monde notamment en Angleterre, en Europe du nord, au Québec, au Japon, …

Alors pourquoi est-il si étonnant de voir apparaître en France des immeubles de moyenne à grande hauteur en structure bois ? Quelles sont les causes, les moyens et les points d’attention de l’engagement dans la construction bois en France ?

Donc c’est ce à quoi j’ai tenté de répondre au travers de ce livre. L’ambition de Bois est de dresser un portrait au présent de la construction bois en France donc au travers de sa filière, de sa multitude d’acteurs et de son maillage territorial. Son écriture a été ponctuée par des rencontres, des témoignages mais aussi des expériences professionnelles et personnelles au contact de ce matériau vivant.

Je vais vous faire une présentation non pas du contenu du livre mais un peu plus un résumé introduction conclusion de ce que j’ai pu en retenir.

Dans un contexte de prise de conscience écologique, où les citoyens marchent dans la rue pour le climat et attaquent l’état en justice, on parle beaucoup de nouvelles mobilités ou encore d’alimentation mais trop peu des enjeux environnementaux dans la construction. Pourtant l’industrie du BTP est une des plus polluantes en Europe avec un quart des émissions de CO 2 sur les territoires, elle a aujourd’hui sa place sur le banc des accusés dans l’Union Européenne, la construction et l’utilisation des bâtiments consomment environ la moitié de l’ensemble des extractions de matières premières, la moitié de la consommation énergétique ainsi qu’un tiers de la consommation d’eau et dans ce contexte la France n’a rien à envier à ses voisins européens. En effet à la sortie des deux guerres grâce à la reconstruction, elle a su développer une industrie du béton extrêmement efficace lui permettant d’assurer un rayonnement mondial de son savoir-faire mais nous avons aujourd’hui un problème, la fabrication du béton armé nécessite l’utilisation en grande quantité d’eau qui vient déjà à manquer dans certains pays du sud mais aussi de sable, de plus en plus médiatisé l’épuisement des ressources mondiales de sable est un fait avéré entraînant d’ores et déjà un certain nombre de tensions géopolitiques dû à son extraction, sans parler des conséquences de ces extractions sur l’environnement, ces pénuries provoqueront sûrement une forte augmentation du coût du béton et viendront peut-être s’y ajouter de potentiel taxe carbone même si aujourd’hui elles sont un peu controversées. Pour exemple Lafarge à lui seul produit 4.1% des émissions de CO 2 en France.

Malgré les apparences, les acteurs économiques

et politiques sont bien conscients des tensions économiques encourues même si les réguliers rassemblements internationaux sont pointés du doigt pour leur inefficacité, parfois des solutions émergent dès lors qu’elles rassemblent les critères environnementaux et économiques. C’est ainsi qu’au cours du grenelle de l’environnement en 2007 l’exploitation du bois est présentée comme une solution à adopter, puis en 2015 lors de l’élaboration du projet de la nouvelle France industrielle, un certain Frank Mathis directeur d’une des plus grande entreprise de charpente française propose le projet qui impactera l’industrie de la construction : il propose de lancer de grands projets de bâtiments en bois pour obliger la filière bois construction française à se moderniser, à se structurer. Le projet est alors économiquement et écologiquement viable et adopté à l’unanimité par le gouvernement, le bois apparaît alors comme un graal et le gouvernement se lance dans ce projet sans plus attendre.

Le dernier rapport du GIEC paru à la rentrée dernière enfoncera le clou en présentant l’exploitation et la plantation de forêts nouvelles comme la solution aux dérèglement climatique ainsi le bois, matériau millénaire qui nous paraissait il y a encore peu en France désuet, est présenté aujourd’hui comme une des solutions à adopter mais tout n’est pas si simple pour de multiples raisons l’industrie du bois française était, il y a encore peu, en déperdition, complètement abandonnée et peu industrialisée ainsi pour parler de l’évolution de la construction bois il faut d’abord parler de sa filière industrielle, de son évolution de ces dernières années, des espoirs et de ses craintes.

Un des premiers espoirs et pas des moindres ces temps-ci est la création d’emplois, en effet en France il y a beaucoup de bois, il nous faudrait continuer à grandir, il est alors facile de s’imaginer que la filière bois forêt, une fois revitalisée, pourrait être le creuset d’environ 600 000 emplois, ces emplois à forte identité non délocalisables et bien rémunérés, permettraient d’implanter des industries nouvelles dans des territoires ruraux dans ce but depuis dix ans on a complètement repensé et modernisé l’organisation de la filière bois b o i s forêt française, la tâche n’a pas été facile et le travail est encore en cours.

Constituée de petites et moyennes entreprises alimentées par un parcellaire morcelé, la filière était très en retard face aux concurrents européens et la filière bois forêt est gérée par quatre ministères en France : Agriculture, Environnement, Logement et Économie, je vous laisse imaginer les accords de filières le

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temps que ça prend pour se mettre d’accord, donc malgré tout, au prix d’un travail acharné de plusieurs de ses acteurs, la filière a su en moins de dix ans se métamorphoser on a même vu arriver depuis peu les géants du BTP : Bouygues, Vinci, Eiffage qui, avec chacun leur stratégie, apportent à la filière leur savoir-faire et leur efficacité cependant il reste encore un certain nombre de craintes à lever je vous en présente trois. Donc la première est liée au feu, le bois ça brûle effectivement mais heureusement la réglementation incendie est là pour nous sauver, il y a eu un énorme travail de ce point de vue depuis quelques années et ce travail est encore en cours mais aujourd’hui on sait construire des R+17 en s’assurant qu’ils ne partiront pas en fumée d’ici peu. De la même façon, un énorme travail est aussi en cours sur la réglementation acoustique point faible des constructions bois. La seconde contrainte et pas des moindres pour le développement de la construction bois c’est

l’argent ; aujourd’hui une construction bois en France c’est environ 20% plus cher qu’une construction béton tant que ce chiffre ne baissera pas, le bois se cantonnera à des constructions exemplaires alors que l’enjeu principal est bien de massifier la construction pour minimiser l’impact du BTP sur l’environnement mais dans ce chiffre il y a un problème, il est biaisé de 20% supplémentaires cela correspond à un calcul construction – livraison alors que si on calcule le coût d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie extraction des matières premières – construction – livraison – exploitation –recyclage alors là le bois devient concurrentiel mais pour cela il faudrait bien avoir une vision sur le long terme. Enfin cette course aux prix bas ne doit pas nous faire tomber dans les erreurs du passé qu’on a pu faire avec l’agriculture intensive et dont on connaît toutes les conséquences, oui le bois est un matériau d’avenir et vivant qui cristallise les espoirs de notre société mais non il n’est pas la solution miracle qui permettra au système de continuer impunément sur sa lancée. Il serait imprudent, par excès d’enthousiasme, de porter le bois sur un étendard sous peine de sombrer dans du good washing contreproductif. Ok nous alors architecte qu’avons-nous à faire dans tout ça ? Comme ils ont su le faire lors de l’après-guerre avec le béton armé, un chantier des plus stimulants s’ouvre aux architectes pour repenser les modèles architecturaux de demain à l’orée du jour où énergies et matières

premières deviendront des nouveaux facteurs discriminants entre les « have » et les « have not ». Il s’agit aujourd’hui de poser les bases d’une nouvelle économie du bois qui redistribuerait les forces en présence, capitaliserait sur le savoir-faire du passé allié à l’innovation et à l’ingéniosité de l’architecture contemporaine, une architecture du bois raisonnée mais surtout humaine avec un peu plus de matière grise pour un peu moins de CO 2 .

Voilà je vous présente rapidement le sommaire du livre, j’ai voulu construire ma recherche un peu à la croisée des regards pour cela je suis allée faire une vingtaine d’interview des acteurs de la filière bois forêt : du gestionnaire forestier jusqu’à la maîtrise d’œuvre en passant par la maîtrise ouvrage, les charpentiers, les collectivités, les organismes de promotion de la filière. L’ouvrage se compose d’un essai d’une vingtaine de témoignages mais aussi d’un roman graphique dont j’ai demandé à un jeune illustrateur de venir apporter un peu son imaginaire dans ces textes qui sont parfois un peu techniques. Je tiens à remercier Métropoles du Sud pour cette bourse d’études qui m’a permis de monter ce projet plus particulièrement, Élodie Nourrigat qui m’a énormément soutenu dans l’élaboration de cette recherche, Dream l’agence d’architecture pour laquelle je travaille, Fanny Myon la graphiste, Daniel Amdemichael l’illustrateur et enfin les personnes qui m’ont corrigée et relue.

Elodie Nourrigat

Merci et bravo Stella pour ce travail, pour nous c’est toujours important ça fait effectivement plusieurs années que cette bourse existe, l’an prochain il n’y en aura pas, mais en tous les cas ça a permis d’initier d’autres formes de recherche, peut-être moins académiques et plus enclins avec la pratique qui du coup aussi aujourd’hui peut nous servir à nous. Ce qui est important aussi c’est qu’aujourd’hui tu as de la chance, tu es dans la pratique et de porter toujours cette interrogation, de porter toujours cette réflexion à travers une filière c’est vrai que c’est une filière que vous portez au sein de votre agence et qui permet aussi d’avoir une concrétisation pour la suite, j’espère en tous les cas. Cet ouvrage que tu as présenté, il y en a quelques exemplaires précieux ici qu’on pourra remettre sur demande expresse et vraiment intensive mais il sera également à la vente dans certaines librairies à Paris donc n’hésitez pas à la solliciter pour découvrir son ouvrage. Bravo encore et j’espère dans tous les cas que ça sera aussi pour toi un élément qui te permettra de poursuivre et d’un petit peu plus aussi se positionner en tant qu’architecte parce que c’est ce qu’on a vu aujourd’hui et c’est un peu le but des études et à la sortie des études aussi d’être en capacité de te dire : voilà mon champ de compétences de recherche qui permet d’étayer ce positionnement donc bravo encore pour ce travail mené en tous les cas nous on en est très fier.

HITLab & Métropoles du Sud

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