seafood & co Un hors-série eXpresso, avril 2011
www.booklet-seafood.ch
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Impressum
Editorial
Editeur
Vacances d’été sur les bords de la Méditerranée. Le soir, lorsque le soleil disparaît à l’horizon, je pars pêcher avec mon fils. Nous sortons notre canne, longue de plus de trois mètres, fixons à la ligne un plomb de poids moyen et accrochons un ver à l’hameçon. Ensuite, nous avançons dans les vagues. Ces dernières années, Saint-Pierre s’est montré clément et nous a offert quelques belles prises. Même si cela peut sembler fou: un jour, mon fils a même réussi à ferrer un requin. Pourtant, il n’avait pas utilisé de poisson en guise d’appât. Non, notre requin, long d’au moins un demi-mètre, avait essayé de croquer le ver. Galvanisé par la taille de l’animal, j’avoue l’avoir sorti de l’eau avant de le consommer avec délice le soir même. Aujourd’hui, j’ai évidemment mauvaise conscience. Tous les requins sont en effet protégés, car ils sont aussi menacés que l’espadon ou le thon rouge. En préparant ce horssérie, j’ai par ailleurs été très choqué d’apprendre que même le hareng de la Baltique, que l’on trouve dans ma région d’origine, est victime de surpêche, si bien que, cette année, les quotas ont été massivement revus à la baisse. Dieu merci, d’autres espèces se portent mieux. Dans ce numéro, nous vous faisons découvrir des poissons pêchés dans le respect du développement durable, vous parlons du marché de l’approvisionnement et relayons les conseils du WWF. Pour finir, je vous promets que la prochaine fois que j’attraperai un requin, je le libérerai et le laisserai repartir – même si ma fierté de pêcheur doit en prendre un coup.
Hotel & Gastro Union Adligenswilerstrasse 22 6002 Lucerne Tél. 041 418 22 22 (Lucerne) Tél. 021 616 27 07 (Lausanne) info@hotelgastrounion.ch www.hotelgastrounion.ch Rédaction GastroNews Adligenswilerstrasse 27 6006 Lucerne Tél. 041 418 24 40 Fax 041 418 24 71 info@gastronews.ch www.gastronews.ch Hebdomadaire eXpresso eXpresso est une publication de l’entreprise de communication GastroNews, sise à Lucerne, et l’hebdomadaire le plus lu de la branche gastro suisse. Selon l’institut Recherches et études des médias publicitaires REMP, qui certifie son tirage, eXpresso compte au total 100 000 lectrices et lecteurs par semaine. Hors-série eXpresso publie également de temps à autre des horssérie. Ce hors-série, intitulé «seafood & co», est consacré aux poissons et aux crustacés. D’autres publications de ce genre, dédiées à d’autres sujets, suivront. Directeur de la publication
Jörg Ruppelt, Rédacteur en chef adjoint de GastroNews
Philipp Bitzer Vente Jörg Greder (Directeur), Gabriel Tinguely, Josef Wolf Rédacteurs en chef Philipp Bitzer, Jörg Ruppelt (Rédacteur en chef adjoint; Directeur de la rédaction des magazines)
Sommaire
Rédaction de Lucerne Marc Benedetti, Riccarda Frei, Christian Greder (Directeur de la rédaction eXpresso), Mario Gsell, Ernst Knuchel, Ruth Marending, Rosaria Pasquariello
01 Editorial / Sommaire / Impressum
(online), Giuseppe Pennisi (page italienne)
02 Quoi de neuf?
Rédaction de Lausanne
08 Le loup du Lac de Joux
Patrick Claudet, Blaise Guignard (Directeur adjoint de la rédaction eXpresso), Laurent Schlittler
12 Filets de poisson frits: Go East!
Correctrice Verena Schaffner Traduction
16 Le poisson. Un délice menacé
Bertrand Denzler
22 Un air de Rungis à Carouge
Conception graphique et maquette
28 Une jeune star met sa créativité au service du poisson
Spot Werbung, Saint-Moritz Impression
32 Les esturgeons de Nidwald
AVD Goldach, Goldach Tous droits réservés. Toute utilisation des contenus rédactionnels doit préalablement faire l’objet d’une autorisation écrite de la rédaction. Les annonces publiées
38 Symphonie subaquatique 48 Concours / A venir
dans cette publication ne peuvent en aucun cas être copiées, retravaillées ou utilisées de quelque manière que soit, intégralement ou partiellement, par des tiers. S E A F O O D // E d i t o r i a l & S o m m a i r e
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Quoi de neuf ?
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A vos agendas:
Slow Fish
La cinquième édition du salon international Slow Fish, consacré aux poissons et aux écosystèmes aquatiques, aura lieu du 27 au 30 mai 2011 à Gênes. Des sujets comme la production durable et la consommation responsable seront abordés par le biais de colloques, de débats, d’ateliers et de dégustations. Cette année, l’accent sera mis sur la petite pêche côtière. Slow Fish est organisé par la région Ligurie et Slow Food, avec le soutien de la fondation Carige, de la province de Gênes, de la chambre de commerce de Gênes et de la ville de Gênes.
Ces animaux très décoratifs en verre ou en céramique font merveille sur les tables où l’on déguste du poisson et des fruits de mer. Présentés par exemple avec du sable coloré, des feuillages ou des bâtonnets en bois, ils marquent les esprits. Les poissons en verre sont par ailleurs très prisés des collectionneurs!
www.slowfood.it
www.deco-display.ch
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Animaux marins en verre
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Crevettes géantes
La maison Hugo Dubno SA distribue des crevettes géantes Black Tiger d’élevage certifiées Friend of the Sea. Elles grandissent dans un environnement naturel et se nourrissent de façon autonome. L’élevage se situe tout au sud du Vietnam, dans une région de la province de Cà Mau entièrement recouverte d’eau et de mangroves. Cette zone inondée a été reboisée grâce aux efforts soutenus des autorités locales et d’organisations internationales. www.dubno.ch
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Pleins feux sur le poisson!
Pour sortir de l’ordinaire, rien ne vaut la gamme «Compliments» de Bauscher, qui permet de mettre en valeur les mets comme ils le méritent. Ce plat en forme de feuille autorise par exemple une véritable mise en scène du poisson et de son risotto de printemps. Les différents modèles de la gamme peuvent être combinés entre eux, si bien que les restaurateurs et les hôteliers peuvent laisser libre cours à leur créativité. Mais il est aussi possible de les associer à ceux des autres gammes Bauscher ou d’utiliser les assiettes, les plats et les coupelles «Compliments» pour compléter un service en porcelaine. www.berndorf.ch
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Conserves de rêve
Depuis plus de 75 ans, Pita Hermanos sélectionne des produits de premier choix et utilise des méthodes ancestrales pour que les poissons et les fruits de mer de ses conserves gardent toute leur saveur. Les poissons sont pêchés à l’aube et les fruits de mer récoltés à la main. Tous les produits sont frais et naturels, les conserves ne contenant ni conservateurs ni colorants. Traditionnelles ou innovantes, les recettes comblent les gourmets les plus exigeants. www.conservascuca.com
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Couteaux d’exception
En collaboration avec Philippe Rochat, trois étoiles au Michelin et 19 points au GaultMillau, CeCo Ltd. a conçu un set de couteaux Shun Kaji, proposé en série limitée. Fabriqués par Kai, ces trois couteaux en acier damassé 32 couches d’une dureté exceptionnelle de 64 HRC sont de véritables chefs-d’œuvre. D’une valeur de 1399 francs, le set comprend un couteau à jambon, un couteau de cuisine et un couteau universel, tous trois arborant la signature de Philippe Rochat. En vente auprès de CeCo Ltd. et chez Philippe Rochat. www.kaimesser.ch
Mini rouleaux de printemps
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Pâte très fine et délicieuse farce à base de crevettes, de légumes frais et de nouilles transparentes – tels sont les atouts de ces mini rouleaux de printemps signés Kadi. Légers et croustillants, ils sont préparés quotidiennement à Langenthal. Kadi marie les saveurs orientales et la qualité suisse pour nous proposer des spécialités saines au goût irrésistible. Ne pesant que 20 grammes, ces petits rouleaux peuvent être préparés au steamer et sont parfaits à l’apéritif ou comme hors-d’œuvre. www.kadi.ch
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Quoi de neuf ? 08
Cap sur l’avenir
En lançant le label fish4future en 2008, l’importateur de poisson Bayshore SA a fait évoluer les mentalités sur le marché suisse. Dans le domaine de la restauration, fish4future est le premier label distinguant des poissons pêchés ou élevés selon les principes du développement durable, ces principes étant respectés jusqu’au consommateur final. Aujourd’hui, la dernière phase du projet est achevée: l’organisme indépendant suisse q.inspecta Sàrl, filiale de bio.inspecta SA, a certifié les premiers produits conformément aux normes fish4future et a confirmé leur traçabilité après vérification. Toby Herrlich, directeur de Bayshore SA et initiateur de fish4future: «Cette certification vient couronner nos efforts et renforce encore notre détermination ainsi que notre engagement en faveur de l’avenir des poissons.» www.bayshore.ch
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Priorité à la durabilité
Dyhrberg accorde la priorité au développement durable, comme le prouve sa participation à différents programmes de certification tels que Friends of the sea, MSC ou le label Bio. Partenaire du WWF Seafood Group, Dyhrberg adapte en permanence son offre de poissons et fruits de mer aux dernières exigences en date du WWF. Avec sa marque Krista topseafood, l’entreprise de Balsthal propose des produits de premier choix à la traçabilité transparente en s’appuyant sur 40 ans de savoir-faire dans le domaine de l’approvisionnement et du choix des fournisseurs. Dyhrberg n’a pas pour objectif de vendre tout et n’importe quoi, mais fait au contraire usage de sa longue expérience pour sélectionner les meilleurs produits. www.dyhrberg.ch
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Thon blanc MSC
Commercialisée par Gustav Gerig SA, la marque Raimond Frères propose du thon blanc en boîte labellisé MSC. Le poisson est pêché à la ligne dans le Pacifique par l’American Albacore Fishing Association, une organisation certifiée conforme aux exigences du label MSC. Ce thon blanc est l’un des rares à être recommandé par le guide d’achat du WWF. www.gerig.ch
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Recette: Jambalaya
Vous êtes à la recherche d’une délicieuse recette? Le spécialiste du riz Uncle Ben’s en propose toute une série. Notamment celle de ce Jambalaya pour quatre personnes. www.unclebens.ch
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Poisson de l’année
La truite lacustre a été élue «Poisson de l’année 2011». La Fédération Suisse de Pêche veut ainsi attirer l’attention sur une espèce qui, malgré sa grande importance halieutique, est menacée de disparition. La truite lacustre est sur la liste rouge car les centrales hydroélectriques ne lui permettent pas de se déplacer librement. www.sfv-fsp.ch
Ingrédients: – 150 g de chorizo en tranches – 2 cs d’huile d’olive – 1 oignon moyen haché – 1 gousse d’ail pressée – 1 poivron jaune – 1 poivron rouge – 2 grandes tomates charnues – romarin haché – 1 piment rouge égrené, en fines rondelles – 150 g de riz long grain Uncle Ben’s – 100 g de jambon en dés – 4 dl de bouillon de légumes – 300 g de gambas non décortiquées
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Préparation: 1. Couper les poivrons en deux, en retirer la tige, les égrener et les débiter en lanières. Ôter les tiges des tomates et les couper en tranches. 2. Faire rôtir le chorizo dans une poêle ou au wok, mettre de côté. 3. Dans la même poêle, faire revenir l’oignon et l’ail avec de l’huile d’olive. Ajouter le riz et faire rissoler. Ajouter les poivrons, les tomates, le romarin et le piment, couvrir et faire cuire à petit feu pendant cinq minutes. Ajouter le chorizo, le riz et le jambon, verser le bouillon, porter à ébullition, couvrir et laisser mijoter environ dix minutes à petit feu. Ajouter les gambas, couvrir et laisser reposer cinq minutes.
Quoi de neuf ?
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La bonne carte
L’atelier Steinicke, installé à Birmensdorf ZH, propose de très belles cartes reliées à la main. Le patron les produit lui-même et garantit leur qualité. Ci-contre, une carte des poissons, réalisée dans un matériau baptisé Beluga, avec des coins métalliques. Disponible en vert ou en noir. www.speisekarten.ch
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Nos poissons, nos chefs
Si les bars de ligne, barbues, raies ou lottes inspirent des merveilles aux chefs d’ici aussi bien qu’à ceux du Cotentin ou des rives de la Méditerranée, les poissons d’eaux douces de notre région n’ont rien à leur envier sur le plan gastronomique. Le livre d’Isabelle Bratschi paru fin 2009 chez Favre, en apporte la preuve très gourmande: quinze chefs romands, accompagnés pour l’occasion de Régis et Jacques Marcon, donnent leurs recettes pour sublimer ombles, truites, féras, sandres, brochets et autre poissons de lac. Les recettes sont souvent faciles et originales, et la photo signée Dominique Derisbourg, Michel Roggo et Pierre-Michel Delessert contribue à les mettre en valeur. Editions Favre 192 pages, Fr. 79.– ISBN 978-2-8289-1094-5
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Le loup de mer est arrivé
Mérat & Cie SA est un partenaire privilégié des restaurateurs pour la viande, la charcuterie et la volaille. Depuis mai 2010, Mérat propose également une offre de poissons et de produits de la mer, qui comprend désormais du loup de mer, de la dorade royale et de la dorée australe. Mérat livre des filets surgelés avec ou sans peau, du saumon, des spécialités à base de poisson ainsi que des fruits de mer. Les produits peuvent être commandés en ligne. A l’origine une boucherie, la maison Mérat & Cie a été créée il y a 60 ans à Berne. L’entreprise est aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs des restaurants et des entreprises de restauration collective. Son offre comprend de la viande de bœuf labellisée Swiss Gourmet Beef et Irish Beef ainsi que des spécialités de viande séchée valaisanne ou des Grisons. Sise à Berne, la société emploie plus de 100 personnes et a des succursales à Bâle, Zurich, Bazenheid, Martigny et Vucherens, ce qui lui permet d’effectuer des livraisons dans presque tout le pays. www.merat.ch
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Marins en toque
Tous les jours, ils sortent, à des heures où la ville dort, pour ramener le poisson frais qui viendra garnir les étals du marché ou figurer sur la carte des restaurants des alentours. Ces marins pêcheurs de France ont raconté leur histoire à la journaliste gastronomique Brigitte Racine, confié leurs recettes secrètes, souvent simples mais toujours savoureuses, et adaptables au gré des marées. Ici, la barbue au cidre côtoie la vieille aux légumes et la bouillabaisse du pêcheur a l’odeur des quais du Vallon des Auffes. Toujours inégalé.
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Love!
Pourquoi les aimer? Parce qu’ils sont très faciles à trouver, qu’ils sont souvent bon marché, et surtout parce qu’ils sont bons – savoureux et sains grâce à leur apport en oméga 3. Maquereaux, sardines, harengs et anchois, les quatre espèces retenues par Mireille Gayet, méritaient donc bien une déclaration d’amour et quelques recettes pour en tirer le meilleur parti, qu’ils soient frais, salés, fumés, entiers ou en boîte. Editions Le Sureau 71 pages, Fr. 17.50 ISBN 978-2-9113-2869-5
Editions Ouest-France 128 pages, Fr. 28.– ISBN 2737328713
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Bon à savoir
Comment se porte la mer aujourd’hui? Est-il possible de continuer à manger du poisson sans vider les océans? Maintenir la consommation de poisson tout en préservant cette ressource est le défi qui se pose à notre génération et aux suivantes; pour mieux en saisir les enjeux, Delphine Germain revient sur des siècles de passion et de conquêtes poissonnières, avec la même clarté et la même rigueur qui font le succès des titres de la collection «Ce que nous devons savoir sur....» Editions Plon 71 pages, Fr. 17.50 ISBN 978-2-9113-2869-5
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La pêche durable est notre passion.
Nachhaltige Fischerei ist unsere Passion.
Le premier label dirigeant pour la gastronomie (2008)! Disponible chez votre Importateur: Bayshore SA, 4104 Oberwil / Bâle fournisseur habituel. Das erste und führende Label für die Gastronomie (2008)! Membre de «La Confrérie du Poisson d'Or» et partenaire de la «Guilde suisse». Erhältlich bei Ihrem Comestibles-Lieferanten.
Le loup
du Lac de Joux TEXTE Blaise Guignard PHOTOS Pierre-Michel Delessert
Quand on dit que la Vallée de Joux est un pays de loups, c’est en référence à son climat plutôt rude et à la bise qui la traverse de part en part, faisant geler les eaux du lac à chaque hiver. Pourtant, un loup y vit bel et bien – pas dans les bois du Risoud, mais sous les eaux froides du lac; pas le loup des contes, mais un carnassier tout aussi spectaculaire: le brochet. Rien d’étonnant à ce que les habitants de la région en aient fait un plat synonyme de grandes occasions. Mais attention: mal préparée, la bête se venge de son mangeur... Au «Bellevue», sur la rive occidentale du lac, on cultive depuis 130 ans la méthode pour transformer l’inquiétant prédateur en pur délice.
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En treize décennies, le Restaurant Bellevue, au lieu-dit le Rocheray sur la commune du Sentier, n’a connu que quatre générations de propriétaires. Tous ont fait plus de vingt-cinq ans; l’un deux a tenu durant quarante ans les rênes de l’établissement. Les gérants actuels, eux, fêteront leur première décade en juillet. Mais même s’ils ne sont pas nés dans cette Vallée située à 1000 m d’altitude et orientée plein Nord, Daniel et Dalila Leuenberger sont bien partis pour rivaliser de longévité avec leurs prédécesseurs. D’abord parce que dans ce coin de terre vaudoise que ses habitants appellent simplement «la Vallée», le restaurateur né à Delémont et son épouse kabyle ont pu réaliser un rêve: tenir un restaurant au bord d’un lac. Mais l’attachement de ce cuisinier autodidacte au Rocheray a une autre raison: Daniel Leuenberger aime tout particulièrement cuisiner le poisson d’eau douce. Or, l’histoire du «Bellevue» se confond avec celle de son plat emblématique, le brochet au beurre citronné, cuit entier au four et servi sur guéridon. C’est «la» spécialité du restaurant, celle que les familles combières viennent déguster lorsqu’il y a quelque chose à fêter. Un plat devenu identitaire, à l’instar du Vacherin Mont-d’Or, mais que l’on ne mange qu’au restaurant – et sous cette forme du moins, uniquement au «Bellevue». Certes, l’aspect cérémoniel du filetage en salle, devant une tablée à la fois respectueuse et impatiente, rend un hommage approprié au prédateur devenu proie. Mais surtout, révéler la suavité de la chair de cette brute des profondeurs demande un grand savoir-faire. Car si les 700 dents du brochet en font le cauchemar des truites, carpes, corégones et autres tanches avec lesquelles il partage son habitat, ce sont ses arêtes qui peuvent faire de sa consommation une expérience aussi douloureuse que dissuasive. Or, le désarêter avant sa cuisson est mission impossible, sous peine de transformer la chair en charpie. Le travail en salle s’impose donc – une tâche délicate et exposée qui a fait reculer plus d’un restaurateur. «Quand on est venu ici, on a découvert que reprendre le restaurant signifiait reprendre le brochet, recette comprise, raconte Daniel Leuenberger. Un serveur qui était là avant nous nous a montré. Une vraie machine de guerre, mais il en mettait partout! Nous avons perfectionné la méthode.» De fait, une fois la bête ététée, ses joues – un régal – prélevées et sa peau enlevée, Dalila Leuenberger joue de la bruxelle en virtuose. Il faut faire vite, pour que le plat reste chaud. «Si la patronne n’est pas meilleure que les employés, qui va les former? commente-t-elle. J’ai deux employés en salle qui connaissent la technique, et deux autres en cours de formation, qui s’exercent sur les filets que l’on met au plat du jour. Là, le travail se fait en cuisine, pas sous l’œil des clients.» Mais avant cette ultime et délicate étape, le travail de son mari, du vivier à la cuisson, n’est pas moins difficile, ni moins essentiel. Car les brochets du Rocheray ne passent pas directe-
Infos Costaud, le brochet combier! Certes, esox lucius ne vit pas que dans les eaux froides du Lac de Joux. Sa présence dans cette gouille post-glaciaire est d’ailleurs selon toute probabilité d’origine humaine: des moines l’y auraient introduit vers le XIIIe siècle, comme les autres espèces peuplant les trois lacs de la Vallée. Mais la fraîcheur et la propreté du lac lui réussissent au-delà de toute description; l’animal jouit de fait de la même vitalité et longévité que celles, proverbiales, des humains établis sur ces rives depuis un millénaire. Chasseur redoutable, le brochet gobe tout ce qui passe (imprudemment) à portée de ses énormes mâchoires: têtards, grenouilles, alevins, poissons, oiseaux lacustres, écrevisses ou rongeurs, tout ce qui entre fait ventre. Et de belle façon: pour 100 g ingurgités, la bête développe 17 g de muscle frémissant; il grandit très vite: trente centimètres la première année, vingt la seconde, puis dix chaque année – jusqu’à son âge maximum d’une vingtaine d’années. «J’ai servi au Rocheray des brochets de 14 kg, soit dix, douze ans et plus d’un mètre et demi», se souvient Daniel Leuenberger. Lui-même est très sensible aux questions environnementales; membre d’AENEC, l’Agence de l’énergie pour l’économie, il s’est engagé à diminuer de 13% d’ici à 2012 ses émissions de CO2. «On a un lac très propre, constate-t-il. La seule pollution occasionnelle sérieuse provient des deux golfs situés en amont, en France, qui sont parfois à l’origine de la prolifération de l’algue rouge, le <sang des Bourguignons> qui asphyxie les eaux du lac. Nous avons dû intervenir à plusieurs reprises aux Rousses. D’une façon générale, on voit bien qu’il n’est pas facile de trouver l’équilibre entre gestion naturelle du lac et besoins de l’économie.»
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Ecaillage. Daniel Leuenberger enlève les écailles de la peau du brochet à l‘aide d‘une étrille, un outil conçu à l‘origine pour panser les chevaux.
Du beurre! Salé, le brochet est généreusement farci de beurre frais, puis enduit de farine, avant de passer au four à air chaud durant une vingtaine de minutes.
ment du lac à l’assiette: le restaurant passe ses commandes à l’un des deux pêcheurs professionnels du lac de Joux, qui lui amène les poissons vivants. Ils passent ensuite jusqu’à deux mois dans le vivier de pierre aménagé au sous-sol et alimenté par l’eau du lac, captée par les bons soins de Daniel Leuenberger. «L’eau de source est trop chaude pour les brochets, et le chlore leur est fatal. Il m’est arrivé de perdre tout un vivier en une nuit.»
but, on présentait le brochet juste pêché aux clients, avant de le préparer en cuisine. Nous ne le faisons plus: il arrivait trop souvent que le poisson saute du plat et se retrouve par terre. Evidemment, les clients effrayés n’en voulaient plus!»
Dans ce bassin étroit et obscur qui accueille parfois son quintal de carnassiers alertes, le jeûne imposé n’atteignant guère leur vitalité, Daniel commence par sélectionner un poisson du calibre recherché (pour deux convives, environ 50 cm). Pas toujours facile – et pas question d’y mettre la main! Une fois l’animal dans l’épuisette, il l’assomme avec un tuyau de plomb. Un seul coup ne suffit pas toujours. «Il se défend! Un gros de cinq ou six kilos, il faut s’y mettre à deux pour le tuer. Mais personne n’a jamais été blessé. Evidemment, on évite de laisser la main devant sa gueule.» Une fois estourbi, le brochet part en cuisine, où le chef, ou l’un de ses deux cuisiniers, l’écaille au moyen d’une étrille détournée de son usage originel. Il est ensuite vidé, et ses branchies – coupantes comme du verre – sont arrachées avec précaution. Mais est-il bien mort? Même ouvert en crapaudine, salé et bourré de beurre, il frémit, se tortille, semble vouloir échapper à son sort. Rien d’inhabituel, selon Daniel Leuenberger: «Au dé-
Ces Combiers d’adoption-là seraient-ils un peu marseillais? Pas du tout: après avoir de ses yeux vu le cœur du brochet battre avec obstination et régularité sur l’inox du plan de travail, une bonne demie-heure encore après avoir été (définitivement) ôté à son propriétaire (lui-même en voie de cuisson), l’auteur de ces lignes se porte garant de la véracité de leurs dires. Y compris lorsqu’ils font dans la surenchère: «On en voit qui se retournent dans le four, et font des sauts, comme pris de folie. Le beurre brûlant gicle partout, impossible d’ouvrir la porte sans danger...» En général, toutefois, le brochet fait face à son destin sans se livrer à un tel esclandre. Et révèle, dans l’assiette, des qualités bien plus pacifiques et gourmandes, grâce au savoir-faire du chef. «On utilise un four à pâtisserie, assez grand pour contenir un grand brochet entier, et idéal pour donner une belle croûte croustillante sans déssécher la chair, détaille Daniel Leuenberger. Pour le servir à peine rosé dans l’assiette, je le sors après quinze, vingt minutes, quand il est encore difficile d’en extraire les arêtes; ça se joue à la demie-minute, et parfois, les sommelières se plaignent. Mais il finit sa cuisson dans l’assiette, reste moelleux et juteux, et c’est un régal.»
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Infos De Delémont à la Vallée Ancien inspecteur des sinistres entré en restauration sur le tard, Daniel Leuenberger a racheté l‘hôtel-restaurant Bellevue en 2001. «Avec mon épouse Dalila, nous avons exploité un petit hôtel à la Chaux-de-Fonds durant quelques années, comme locataires; lorsque le bail a été résilié, nous avons cherché un établissement à reprendre ensemble, pour poursuivre et développer notre aventure commune», raconte le mari. Le couple visait un hôtel-restaurant pas trop grand, ni trop cher... et surtout «quelque chose au bord d‘un lac». Le «Bellevue» satisfaisait à cette dernière condition... mais pas vraiment aux deux premières. «On a mûrement réfléchi, et on s‘est lancé, sans autre financement que celui de la banque», raconte Daniel avec une pointe de fierté. Un risque calculé qui s‘avérera payant: aujourd‘hui, le «Bellevue» fonctionne très bien, grâce à la clientèle fournie par le tourisme et par l‘industrie horlogère locale. «En été, notre haute saison, huit touristes sur dix sont des Alémaniques. Ils adorent ce coin de paradis, qui plus est très avantageux pour eux, et ils aiment bien échanger quelques mots de suisse allemand avec moi», sourit le patron. Le couple Leuenberger a pu agrandir l‘hôtel, ajoutant une aile entière à l‘établissement et doublant le nombre de chambres comme celui des couverts; l‘hôtel compte aujourd‘hui vingt chambres et 200 places réparties entre salle à manger, bistrot et jardin d‘hiver. Le résultat d‘une gestion avisée – la for-
Bon appétit. Sur la carte, le plat peut légitimement s‘intituler «Brochet du Lac de Joux sans arêtes»: il n‘en contient plus une seule.
mation commerciale du patron s‘est révélée précieuse – mais aussi celui d‘une cuisine de qualité estampillée «maison», dont le poisson domine la carte, ce qui convient parfaitement
Un régal dont le Rocheray perpétue la tradition depuis près d’un siècle et demi. Mais en authentique apôtre du brochet, Daniel préfère minimiser ses propres compétences pour mieux souligner les mérites de celui qu’il sert: «Sans chauvinisme, le brochet d’ici est bien meilleur que celui d’en-bas! Sa chair est plus ferme, le poisson est plus musclé, plus vif. J’achète parfois du brochet d’en-bas pour en mettre au plat du jour, mais je les prends déjà morts. Sinon, ils ne tiendraient pas le coup dans le vivier.» On lui objectera que certains ne s’y trouveraient sans doute pas si mal; après tout, Daniel et Dalila, venus «d’en-bas» et devenus un peu par hasard les dépositaires d’une tradition gastronomique propre à la Vallée, y ont trouvé leur propre vivier, et y sont comme des... poissons dans l’eau.
à Daniel, cuisinier autodidacte, méthodique et expérimenté – et bien entouré de professionnels. Et puis, il faut le dire, sa seconde carrière a failli être la première: né dans une famille de restaurateurs, le jeune Daniel était familier de la cuisine dès son jeune âge: «Chez mes parents, j‘étais considéré comme un employé à part entière, et je travaillais tous les soirs et les week-ends en cuisine. Après l‘école, je me suis juré de ne jamais devenir cuisinier...» Il ne faut jamais dire «jamais».
Contact Hôtel Bellevue Le Rocheray 1347 Le Sentier Tél. 021 845 57 20 www.rocheray.ch
Daniel et Dalila Leuenberger, 4e génération de propriétaires du «Bellevue», fêteront en juillet leurs dix ans à la tête de l‘établissement.
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Filets de poisson frits:
Go East !
TEXTE Jörg Ruppelt PHOTOS Gina Folly, Kadi, Bayshore
A la recherche du meilleur filet de poisson frit – tel pourrait être le titre de cette histoire qui débute chez Kadi, à Langenthal, où huit cuisiniers se sont retrouvés pour des séances de dégustation qui ne sont pas restées lettre morte.
S E A F O O D // P U B L I R E P O RTAG E // F i l e t s d e p o i s s o n f r i t s : G o E a s t !
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Les pêcheurs des coopératives sibériennes de la région d’Abakan n’utilisent que de petits chalutiers.
La capture des perches et des sandres n’est pas de tout repos: un pêcheur sibérien remonte ses filets.
A quoi ressemble le filet de poisson frit parfait? A-t-il plutôt le goût du poisson ou celui de la panure? Quelle doit être sa texture? Comment faut-il l’assaisonner? Voilà les questions auxquelles ont dû répondre il y a deux ans huit cuisiniers expérimentés. A l’invitation de Kadi, ils participaient à une série de dégustations afin de permettre à Kadi de créer le meilleur filet de poisson frit surgelé. «La tâche n’était pas aisée. Posez une question à huit cuisiniers et vous aurez huit réponses différentes», explique Rolf Sommer.
Heureusement, c’est en forgeant que l’on devient forgeron: les filets de poisson frits lancés par Kadi l’an dernier n’ont plus rien à voir avec ces premières tentatives. «La différence est impressionnante. Aujourd’hui, les poissons panés de Kadi sont croustillants à souhait et ils ont un goût des plus agréables», souligne Stalder. Rolf Sommer renchérit: «La saveur dominante est clairement celle du poisson. Par ailleurs, j’apprécie le fait que les filets de Kadi ne soient pas trop assaisonnés, car cela me permet d’en affiner le goût moi-même.» Willy Nyffenegger, chef du «Seehotel», à Hallwil, partage cet avis: «Personnellement, j’utilise mon propre mélange d’épices pour rendre ces filets encore plus savoureux.» Or Nyffenegger sait de quoi il parle: spécialiste du poisson, il faisait lui aussi partie du comité de dégustation.
Chef cuisinier de l’hôtel «Seeburg» à Lucerne, il faisait partie de ces spécialistes qui, en collaboration avec des représentants de Kadi, commencèrent par goûter à l’aveugle différents produits disponibles sur le marché. «A l’époque, nous leur avons attribué des appréciations allant de ‹misérable› à ‹bon› en passant par ‹acceptable›. Mais aucun produit ne fut considéré comme ‹très bon›», poursuit Sommer. Dans ces conditions, comment faire pour créer un poisson pané qui pourrait obtenir la meilleure note et avoir une chance de s’imposer sur un marché très disputé? Au terme d’un long processus et en tenant compte de l’avis des cuisiniers, Kadi opta pour des filets de perche, de sandre et de pangasius, enrobés d’une panure légèrement assaisonnée. Quelques mois après les premiers tests, Kadi présenta aux huit chefs le fruit de ses premiers essais. Mais – pour le dire gentiment – il ne fit pas l’unanimité. «Avant de déguster le poisson, il fallait se casser les dents sur une croûte dure comme de la pierre», nous confie tout de go Sepp Stalder, un ancien membre de l’équipe nationale de cuisine qui a fait partie du jury de nombreux concours et qui est aujourd’hui chef cuisinier de l’hôpital cantonal de Baden.
Ces louanges vont droit au cœur de Christian Zarth, responsable de l’approvisionnement et pionnier du poisson chez Kadi. Autrefois pêcheur amateur, il connaît parfaitement la perche et le sandre. Mais il avoue qu’il y a encore deux ans, il ne savait pas du tout comment il fallait s’y prendre pour en acheter en grandes quantités sur le marché mondial. «Dès le départ, nous savions que nous voulions du poisson de qualité. Mais à quoi ressemble le marché de la perche, du sandre et du pangasius? Quelle est la meilleure saison? Existe-t-il des restrictions?» Christian Zarth était confronté à un océan de questions. Il s’adressa donc à des importateurs chevronnés et plus particulièrement à Bayshore SA. Cette entreprise familiale bâloise entretient d’étroites relations avec des pêcheurs du monde entier qui lui fournissent des poissons de premier choix.
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Des prises modestes, mais une excellente qualité.
Désormais, Bayshore livre sur commande du poisson à Kadi, notamment de la perche en provenance de Pologne, de Russie, de Lettonie ou d’Estonie. «‹Go East› est le mot d’ordre du moment sur le marché international du poisson», explique Toby Herrlich, directeur de Bayshore SA. Ses fournisseurs sont de petits ou très petits pêcheurs disposant d’un certificat de l’Union européenne. Il les appelle des «paysans de l’eau» et ajoute: «Ils pêchent dans les lacs de ces pays, à bord de frêles embarcations ou de petits chalutiers. Je connais tous mes pêcheurs et toutes les entreprises qui traitent le poisson sur place.» Au moins une fois par an, il s’envole à destination des pays de l’Est. Il se rend régulièrement à Pärnu, en Estonie, où ses fournisseurs pêchent des perches de qualité dans l’eau saumâtre des lacs proches des côtes. «Les Estoniens», dit Toby Herrlich, «sont un peuple fier. Autrefois, ils combattaient le régime soviétique. Aujourd’hui, ils ont à cœur de nous montrer qu’ils travaillent bien.» Herrlich nous parle aussi de ses séjours à Abakan, une ville sibérienne située au sud de Krasnoïarsk, où l’aventure est toujours au rendez-vous. Ici, il travaille avec une coopérative de pêcheurs qui confie ses poissons à une entreprise de transformation locale. Lorsque, vers la fin de l’automne, les lacs de la région d’Abakan commencent à geler, les pêcheurs font deux trous dans la glace et y font passer leurs filets. En hiver, les perches et les sandres ne bougent presque pas dans ces eaux glaciales, si bien que leur chair est plutôt maigre, mais d’une grande pureté. Dans les entreprises de transformation, Herrlich choisit les poissons qui entrent en ligne de compte pour Kadi. Il est à la recherche de morceaux de filet de forme irrégulière qui n’ont pas été découpés en dés. Les morceaux de perche doivent peser entre 10 et 20 grammes. Pour le sandre, Kadi n’utilise que des filets
Christian Zarth (Kadi) et Toby Herrlich (Bayshore) contrôlent la qualité des filets de perche et de sandre.
pesant entre 80 et 120 grammes découpés en morceaux de 10 à 20 grammes. Herrlich s’assure que, sur place, les poissons ont été congelés au maximum deux fois et non jusqu’à cinq fois, comme c’est le cas des produits bon marché. Il exige aussi que l’entreprise congèle les morceaux et non les filets entiers: «Ainsi, la chair ne s’effrite pas, les valeurs microbiologiques sont respectées et le goût reste naturel.» Environ une fois par mois, quelque 33 palettes de poisson surgelé sont expédiées en Suisse, à 5500 kilomètres de là. En fonction de l’état des routes sibériennes, le camion et les deux chauffeurs mettent entre cinq et dix jours pour arriver à destination. La cargaison est alors confiée aux entrepôts frigorifiques de la société Frigosuisse, à Möhlin. C’est ici que Bayshore conserve les morceaux de filets, à une température de –18°C. Ensuite, ils poursuivent leur route jusqu’à Langenthal, où Kadi les stocke dans ses propres congélateurs. Avant d’être transformés en produit fini, les morceaux sont disposés sur un tapis roulant pour être décongelés. Au terme du processus, la couche de glace qui les protégeait contre la déshydratation aura disparu. Pour finir, les morceaux sont panés et pré-frits avant d’être à nouveau congelés. Afin de garantir une qualité irréprochable, Kadi a rédigé un cahier des charges très contraignant. Il définit les critères appliqués en matière d’origine des poissons, de poids des filets, de forme et de poids des morceaux, de valeurs microbiologiques (moisissures, listeria, salmonelles), de pureté chimique de l’eau et préconise également que les poissons ne doivent pas avoir été irradiés ou en contact avec des gaz. Régulièrement, Christian Zarth contrôle la qualité du poisson avec les membres de son équipe. «Nous traquons les arêtes, contrôlons le poids égoutté des morceaux et les cuisinons à la vapeur avant de les comparer aux produits de la concurrence.»
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Les filets de poisson frits sont testés par des cuisiniers et par les responsables du marketing de Kadi.
En hiver, on ne pêche que peu de perches et de sandres dans les lacs sibériens. Mais leur chair est maigre, très pure et particulièrement savoureuse.
L’avis favorable de nombreux cuisiniers et l’augmentation des ventes sur le marché suisse de la restauration sont très encourageants, si bien que Kadi a décidé d’élargir son offre. Après la perche, le sandre et le pangasius, Kadi a l’intention de passer au corégone blanc. Actuellement, l’entreprise est en train d’effectuer des tests afin de déterminer si les poissons proviendront de Suisse, de Russie ou du Canada. Cela dépendra des quantités disponibles sur le marché, du goût et de l’aspect des filets ainsi que du prix – comme toujours dans cette branche. Une fois de plus, Kadi est à la recherche du meilleur produit.
Contact Filets de pangasius frits sur lit de salade croquante.
Kadi SA Produits réfrigérés et surgelés Thunstettenstrasse 27, 4901 Langenthal Tél. 062 916 05 00
Infos
www.kadi.ch
Pangasius Le poisson d’élevage est très à la mode. «Il y a bien sûr des importations bon marché», dit Christian Zarth, responsable de l’approvisionnement, «mais chez Kadi, nous achetons des poissons de premier choix, évidemment plus chers.» Pour ses filets de poisson frits, Kadi utilise du pangasius vietnamien labellisé Global GAP (Good Agriculture Practices), un certificat qui tient compte des aspects environnementaux et préconise notamment un espace vital suffisant, un recours limité aux antibiotiques, une bonne qualité de l’eau et une alimentation exempte de farine de poisson.
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Le poisson. Un délice menacé TEXTE Christian Greder, Mariann Breu PHOTOS WWF Allemagne
Le monde entier raffole du poisson. Et cet appétit menace l’équilibre des océans. Particulièrement appréciés, la morue, le thon ou le mérou sont sérieusement en danger.
1er Poisson préféré des Suisses, le thon est sérieusement menacé.
En Suisse, nous mangeons de plus en plus de poisson et de fruits de mer: en trois ans, notre consommation a augmenté de plus de 25 pour cent pour atteindre 71 011 tonnes, ce qui correspond à 9,1 kg par personne et par an. 95 pour cent des poissons que nous dégustons sont importés et un tiers d’entre eux proviennent d’élevages. «Cette augmentation pose des problèmes», affirme Mariann Breu, experte en poissons du WWF. La situation est particulièrement alarmante pour les poissons de pêche sauvage. Mariann Breu: «De nombreuses espèces marines sont victimes de surpêche ou vont l’être prochainement.» De plus, des millions de poissons et d’animaux marins meurent accidentellement dans les filets de pêche et
sont rejetés à la mer. Environ 85 pour cent des effectifs des espèces exploitées commercialement sont ainsi surpêchées ou en danger. La part des effectifs exploités avec modération est passée de 40 à 19 pour cent depuis les années 1970. «Notre solde créditeur ne cesse de diminuer», dit Mariann Breu. Par ailleurs, la farine et l’huile de poisson utilisées dans les élevages proviennent de poissons sauvages. Seule une pêche durable peut donc garantir la survie des espèces menacées. Afin de disposer d’une image claire de notre consommation de poissons, Mariann Breu a établi une liste des espèces préférées des Suisses:
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1er Le thon est et reste le poisson préféré des Suisses, qui en ont consommé 8710 tonnes en 2009. Il se classait déjà premier en 2006, lors de la dernière étude.
4e Nous mangeons 6000 tonnes de poissons plats, un ordre qui regroupe notamment les flétans, les limandes ou les soles. 5e Encore inconnu il y a quelques années, le pangasius se classe désormais 5e avec 3796 tonnes.
2e Atteignant désormais 7948 tonnes, notre consommation de crevettes a presque doublé en trois ans. 3e Avec 7305 tonnes en 2009, notre consommation de saumon a plus que doublé.
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2e Les crevettes
3e Le saumon
4e Les poissons plats
5e Le pangasius
Les principales causes de la surpêche Usines flottantes Au cours des 50 dernières années, l’industrialisation a profondément modifié le visage de la pêche. Les petits bateaux de couleur ont fait place à des usines flottantes qui pillent les ressources marines. Le poisson est souvent transformé et congelé à bord. Prises accidentelles Tous ceux qui pêchent font des prises accidentelles. Il s’agit de tous les poissons que l’on ne voulait pas pêcher, que l’on ne peut pas vendre ou que l’on n’a pas le droit de ramener à terre. A l’échelle mondiale, elles représentent environ 40 pour cent de toutes les prises, la plupart des poissons ainsi capturés étant rejetés à la mer morts ou blessés. Pêche illégale Près d’un tiers des prises sont illégales, non déclarées ou non contrôlées. D’après des estimations récentes, cette activité génère entre quatre et neuf milliards de dollars de chiffre d’affaires par an. Même dans l’UE, il arrive que les quotas fixés pour le thon rouge en Méditerranée ne soient pas respectés. Pillage contre devises L’industrie de la pêche pille sans états d’âme les ressources halieutiques des pays les plus pauvres. Les flottes japonaises, chinoises ou européennes signent des accords qui leur permettent d’aller pêcher dans les eaux territoriales de pays africains ou asiatiques qui ont besoin de devises. Une fois sur place, elle pratiquent sans contrôle une pêche souvent illégale, les autochtones devant se contenter des restes. Mais même ces maigres prises sont exportées vers les pays riches.
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Les fermes piscicoles sont-elles une solution? Les fermes piscicoles sont souvent considérées comme la voie royale pour sortir de la crise et pour répondre à l’augmentation de la demande. La pisciculture est en plein boom et réalise un chiffre d’affaires annuel de 56 milliards d’euros. En 2005, les fermes piscicoles produisaient déjà près de 19 millions de tonnes de poissons et de fruits de mer. Mais de nombreuses espèces souffrent des conséquences de la pisciculture car, paradoxalement, les fermes piscicoles contribuent au pillage des océans. Près d’un tiers des poissons pêchés dans le monde servent en effet à produire de la farine et de l’huile de poisson, dont une part de plus en plus importante est utilisée pour nourrir les poissons d’élevage. Pour 1 kg de thon, il faut ainsi 22 kg de poissons sauvages, pour 1 kg de saumon, jusqu’à 4 kg. Ceci explique que les anchois, les sardines, les harengs ou les merlans fassent l’objet d’une pêche intensive ou soient victimes de surpêche.
«Le WWF n’est pas contre toutes les piscicultures», dit Mariann Breu. De nos jours, il est possible d’acheter des poissons issus d’élevages bio, où les poissons sont exclusivement nourris avec les déchets de l’industrie de la pêche et qui n’utilisent que les additifs absolument indispensables. En collaboration avec des producteurs, des ONG et des scientifiques, le WWF a ainsi établi, dans le cadre de ses «Dialogues sur l’aquaculture», des critères environnementaux pour les fermes piscicoles, l’objectif étant de diminuer leur impact négatif. Au terme du processus, les piscicultures respectant ces critères pourront demander une certification à l’Aquaculture Stewardship Council (ASC). Afin que les gourmets sachent quel poisson acheter, le WWF a réédité son guide «Poissons & fruits de mer», désormais également disponible sous forme d’application pour les smartphones. Si vous disposez d’un téléphone compatible, vous pouvez vous rendre sur http://mobile.wwf.ch/poisson. Pour les poissons sauvages, le WWF recommande le poisson labellisé MSC (Marine Stewardship Council) et, pour les poissons d’élevage, les produits arborant le label Bio ainsi que les poissons d’eau douce suisses.
Le WWF Seafood Group Le WWF Seafood Group réunit des entreprises qui veulent contribuer à la protection des mers en faisant évoluer leur offre, l’objectif étant à terme de ne plus proposer que des poissons et des fruits de mer issus de stocks gérés de manière durable ou d’élevages respectant l’environnement. Les membres du WWF Seafood Group ne vendent plus de poissons appartenant à des espèces menacées comme le requin ou le thon rouge. Ils remplacent progressivement par d’autres offres les espèces victimes de surpêche et les poissons provenant d’élevages peu écologiques et commercialisent de plus en plus de produits certifiés conformes aux exigences du développement durable. Les membres du WWF Seafood Group sont: Bianchi SA, Bell SA Seafood, Braschlers Comestibles Import SA, Coop, Dörig & Brandl SA, Dyhrberg SA, Marinex SA, Migros, Ospelt Food SA, Ultra Marine Food SA.
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Turbot: Le turbot est élevé à terre, dans des fermes contrôlées dont l’impact sur l’environnement est moins important que celui des piscicultures ouvertes puisqu’elles permettent d’éviter la propagation de la pollution, des maladies et des parasites. Ainsi, il est possible de mieux protéger les écosystèmes.
Les poissons à éviter et leurs alternatives A éviter
> Alternatives
>>>
Crevettes tropicales (penaeus)
Crevettes d’eau froide (MSC) bio; crevettes d’élevage de Madagascar ou d’élevage extensif (sans alimentation!)
Flétan de l’Atlantique NE
Flétan du Pacifique ou du Groenland
Truite de Turquie et du Chili
Truite bio; truite d’élevage d’Europe du Nord et de l’Ouest
Cabillaud de l’Atlantique NE (pêche au chalut de fond)
Cabillaud MSC; cabillaud de la mer de Barents et d’Islande (pêche à la ligne ou élevage)
Carrelet/plie (pêche au chalut à perche et de fond)
Carrelet MSC; carrelet de la mer du Nord (pêche à la senne danoise ou au chalut pélagique)
Merlu de l’Atlantique NE méridional et de la Méditerranée
Merlu MSC; merlu de l’Atlantique NE septentrional, merlu du Cap
Baudroie de l’Atlantique NE et de la Méditerranée
Baudroie d’Islande (pêche au filet maillant)
Sole (pêche au chalut à perche et de fond)
Sole de la Manche et de la mer du Nord (pêche au filet maillant ou à la senne danoise)
Turbot
Turbot d’élevage européen
Thon albacore
Thon du Pacifique (pêche à la senne tournante), thon pêché à la ligne à main (toutes provenances)
Pangasius
Pangasius bio, certifié par AquaGAP ou par d’autres organismes
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Baudroie: Cette espèce est menacée de surpêche. Il n’existe pas de données précises sur les stocks actuels, mais des recherches menées en Islande laissent penser que, pour l’instant, la baudroie n’est pas encore surpêchée, le risque restant cependant important si les quantités capturées ne diminuent pas.
Les labels Sont évalués les critères des labels dans les domaines
Les meilleurs labels garantissent:
suivants:
– une production 100% bio
a) environnement (eau, sols, biodiversité, climat)
– des mesures de protection des écosystèmes et
b) normes sociales et relations commerciales équitables
de la biodiversité
c) risques pour les tiers (additifs, résidus toxiques)
– un élevage respectueux des animaux et l’absence de
d) bien-être des animaux
transports aériens
e) gestion de la pêche
– des conditions de travail socialement acceptables
f) crédibilité (contrôles indépendants, transparence)
– un recours très limité aux additifs – l’absence d’OGM – des contrôles indépendants annuels
A privilégier: Bio Suisse, Naturaplan (Coop), Bio (Migros) Recommandés: MSC, Bio (EU), AquaGAP Mieux que rien: Friends of the Sea
Poissons et fruits de mer pêchés ou élevés conformément à divers critères environnementaux
Poissons et fruits de mer issus d’une pêche durable à long terme se distinguant par une bonne gestion
Production bio respectant des critères plus stricts que ceux définis par la loi; élevage respectueux des animaux
Production bio satisfaisant aux exigences légales de l’UE
Production bio respectant des critères nettement plus stricts que ceux définis par la loi; élevage respectueux des animaux (Coop)
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Production bio respectant des critères nettement plus stricts que ceux définis par la loi; élevage respectueux des animaux
Poissons et fruits de mer d’élevage respectant des critères environnementaux et sociaux
Dominique Lucas a racheté l’entreprise en 1985 à son père et à son oncle; il l’a rebaptisée et réorganisée, passant de cinq à quarante collaborateurs, et multipliant les ventes par cinq.
Un air de Rungis
a Carouge TEXTE Patrick Claudet PHOTOS Pierre-Michel Delessert
Depuis un quart de siècle, Lucas Poissons est le fournisseur privilégié de la haute gastronomie et de l’hôtellerie-restauration. Spécialiste des produits de mer et d’eau douce, l’entreprise genevoise peut compter sur la qualité de ses mareyeurs et la fidélité de ses collaborateurs. Et si ses locaux n’ont pas la taille du pavillon de la marée du marché de Rungis, à Paris, la maison livre chaque jour les meilleures tables de l’arc lémanique. Récit d’une journée comme les autres, à la découverte d’un modèle commercial qui a depuis longtemps fait ses preuves.
Le dépôt est planté en pleine zone industrielle de Carouge. Dans l’espace climatisé à 11° C, une dizaine de collaborateurs s’activent depuis 5h du matin. On écaille, on désarête et on filète le poisson en silence, tandis qu’une énorme machine crache de la glace pilée. Les gestes sont précis, automatiques. L’acheteur, Jean-Pierre Peguet, est arrivé une heure plus tôt, pour relever les messages du répondeur, une centaine. La veille, après le service, les restaurateurs ont passé leurs commandes. Il s’agit maintenant de les comparer avec la liste des marchandises qui seront livrées d’ici peu. L’expérience aidant, l’offre répondra une nouvelle fois à la demande. Le «détail» a son importance; Lucas Poissons, comme d’autres, travaille à flux tendu. Ici, pas de stocks, ou presque. Vers 6h30, un camion en provenance de Lyon, où transitent les poissons et fruits de mer des côtes françaises, décharge plusieurs palettes. On enlève le cellophane, on ouvre les caisses en sagex, on vérifie la température. Puis on inspecte visuellement la marchandise. Les branchies rouge vif du bar et sa gueule grande ouverte – preuve qu’il est mort à la suite de l’éclatement de sa vessie natatoire, après avoir été arraché du fond de la mer
d’un seul coup – sont des signes de fraîcheur. Tout comme la surface brillante et visqueuse des poissons, et leur raideur. Dans les caisses, la mer affiche toute sa diversité. Loups de mer, dorades royales sauvages, lotillons, raies, tourteaux, homards, rougets, langoustines et coquillages, tout ou presque a été commandé la veille aux mareyeurs, bretons en l’occurrence, principaux fournisseurs de Lucas Poissons avec leurs confrères d’Europe du Nord et d’Italie. Parfois l’un d’eux appelle JeanPierre Peguet en pleine criée, pour savoir si telle pièce l’intéresse. Peu d’inertie dans ce métier: le poisson est pêché et livré le lendemain au restaurateur. Si la qualité est là, les commandes entrent; si ce n’est pas le cas, le grossiste n’a plus qu’à changer de profession. Une fois la marchandise déballée, l’équipe prépare les poissons. Neuf fois sur dix, ils sont livrés en filets, les pièces entières étant destinées à la haute gastronomie. On s’active de nouveau devant les planches de découpe, cette fois en plaisantant. Dans la salle réservée aux salmonidés d’élevage, José Teixeira transforme en moins d’un minute un grand saumon en filets sans arête. «J’ai 27
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Sous le regard de Carlos Prazeres, Antonio Félix montre fièrement deux maigres pêchés la veille. La marchandise est scrupuleusement inspectée dès son arrivée au dépôt.
ans de métier!», dit-il, comme pour s’excuser d’être si rapide. Il est entré dans l’entreprise quand elle était encore dirigée par le père de Dominique Lucas, actuel propriétaire et directeur. Attention toutefois à ne pas parler de maison familiale: en 1985, quand son père et son oncle ont décidé de mettre un terme à leur collaboration initiée dans les années 60 sous l’enseigne Lucas Frères S.A., Dominique Lucas a racheté, seul, le volet genevois du commerce, qu’il a pris soin de rebaptiser. «Pas question de mêler travail et famille», explique cet ingénieur de formation, converti au commerce des produits de mer et d’eau douce après une année sabatique passée sur les routes d’Asie. Un quart de siècle plus tard, l’approche se révèle payante: l’entreprise est passée de 5 à une quarantaine de collaborateurs, multipliant ses ventes par cinq, et la famille n’a jamais été aussi soudée qu’aujourd’hui. Vers 7h30, le dépôt s’anime. Les commandes sont dispatchées par véhicule, une dizaine au total. Le rayon de livraison couvre tout l’arc lémanique; certains colis sont même envoyés outre-Sarine par express. Sur une grande table, près des frigos de stockage, les bulletins de commande sont gérés par Carlos
Prazeres, 30 ans de boîte, responsable de la production, qui organise les tournées. Sur les fiches, on reconnaît le nom d’hôtels et de restaurants de Genève et du Canton de Vaud, celui d’une poissonnerie aussi. Le principal canal de distribution reste l’hôtellerie-restauration, mais les cliniques et les banques privées sont en plein essor, tout comme le commerce de détail. Depuis 2003, Lucas Poissons a aussi diversifié son offre avec les sushis, confectionnés dans une salle à part, près de l’atelier de découpe, où deux collaborateurs sont à pied d’œuvre chaque jour dès 4h30 ou 5h, en fonction des commandes. Des spécialités japonaises destinées à l’enseigne Sushi Wok, à Rive, exploitée par Lucas Poissons comme le bar à sushis de Globus, mais aussi à des hôtels, des cliniques ou des privés. Tandis qu’une vague de nouvelles commandes arrive par téléphone, et que dehors le jour s’est définitivement levé, les premières fourgonnettes s’en vont. Il est 8h, une seconde journée commence, et, particularité de la maison, les livraisons sont effectuées par l’équipe qui vient de découper les poissons. Un choix clairement revendiqué par Dominique Lucas, pour qui le livreur est la pièce maîtresse du dispositif, la clé du succès en
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Dans la salle réservée aux salmonidés d’élevage, José Teixeira – 27 ans de métier au compteur – transforme en moins d’une minute un grand saumon en filets sans arête.
Les branchies rouge vif des bars et leur geule grande ouverte sont des signes indiscutables de fraîcheur.
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quelque sorte. C’est lui qui, après tout, est quotidiennement au contact de la clientèle. D’où l’importance de l’impliquer dans la préparation des commandes, mais aussi dans la marche de l’entreprise. Ainsi, le patron a consulté ses collaborateurs avant l’achat de nouveaux véhicules. «Eux seuls peuvent savoir quel genre de camionnette correspond à leurs besoins», résume Dominique Lucas, dont l’équipe est essentiellement issue de l’hôtellerie-restauration. Chaque chauffeur est aussi libre d’organiser sa tournée comme il l’entend. Ici, pas de plan de livraison, ni de consignes à respecter, hormis celles liées au respect des normes d’hygiène. Au volant de son utilitaire japonais arborant le logo de la maison, José Morgado, 14 ans d’ancienneté, conduit la fenêtre ouverte. L’air est frais, mais il dit ne pas aimer être enfermé. Il faut aussi savoir garder la tête froide quand on circule à Genève, qui plus est aux heures de pointe. Car s’il a son programme dans la tête, José sait qu’il va devoir improviser en fonction du trafic. L’autre souci concerne les places de livraison, souvent squattées par les automobilistes. «Et quand on se gare hors des cases ou sur le trottoir, il suffit parfois d’une minute pour se ramasser une bûche», dit-il en s’arrêtant à la rue Adrien-Lachenal, devant une pâtisserie-confiserie à qui il doit livrer du saumon fumé. Après un crochet par le boulevard Emile-Jaques-Dalcroze, où il se fait gentiment chambrer parce qu’il vient aujourd’hui un peu plus tard que d’ordinaire, il file en vieille ville. Sur la place du Bourg-de-Four, la communauté des livreurs se croisent et se saluent. Mais tout se passe au pas de course: José sort trois caisses en sagex de la fourgonnette, et, quand la porte se referme en claquant, il est déjà 20 mètres plus loin! Chaque livraison est chronométrée: c’est trois minutes par adresse, grand maxi-
Les livraisons sont effectuées par les collaborateurs qui se sont chargés de préparer les commandes – ici José Morgado sur la place du Bourg-de-Four.
Depuis 2003, Lucas Poissons a diversifié son offre avec les sushis, confectionnés tous les jours par deux collaborateurs – ici François Peguet – à partir de 4h30.
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Un échantillon de la livraison du jour: crevettes, langoustines, coquilles St-Jacques, tourteaux et homards.
Infos
mum, faute de quoi tout le programme est décalé. Autre souci: à chaque fois qu’il repart, José doit faire attention aux cyclistes et piétons, qui se faufilent sans arrêt derrière son véhicule, trop pressés pour attendre qu’il termine sa manœuvre.
Fidelité à toute épreuve Si les collaborateurs de Dominique Lucas sont fidèles, ses clients le sont tout autant. L’«Hôtel de Ville» de Crissier, pour ne citer que lui, est client depuis plus de 20 ans. A l’époque,
Bientôt les livraisons s’enchaînent à un rythme qui va crescendo. Dans une clinique privée, le chef de cuisine, un ancien de l’hôtellerie de luxe, réceptionne lui-même la marchandise. A Chêne-Bougeries, un automobiliste neuchâtelois garé sur une place livraison fait des mots croisés. José peste contre lui mais n’a pas le temps de lui faire la morale. Il se gare en double file, livre des noix de St-Jacques et une dorade, et, déjà, repart en direction de Thonex, avant de revenir au centre ville, dans le quartier des Eaux-Vives. A l’avenue de Montchoisi, il grimpe au sixième étage d’un locatif pour livrer des filets de carrelet à une crèche, où quelques têtes blondes se baladent dans le couloir. Dans la cuisine, des muffins refroidissent sur un plan de travail. Un rayon de soleil entre dans la pièce, petit instant de répit. Après avoir contrôlé la marchandise, la directrice signe le bulletin de livraison. José s’en va.
Frédy Girardet avait l’habitude de se fournir auprès du marché de Rungis, acheminant ses commandes par avion. Puis, un jour, il s’est adressé à Lucas Poissons, ce qui a grandement contribué à l’essor de l’entreprise. «Notre chance est d’avoir débuté au moment où la haute gastronomie s’est développée en Suisse romande, analyse Dominique Lucas. Soudain, les restaurants avaient besoin de poisson tous les jours, alors que, dans les années 60, c’était principalement les étrangers installés en Suisse qui le cuisinaient entier. Aujourd’hui, rares sont les établissements qui ne le proposent pas à la carte.» Et si l’intérêt croissant des consommateurs est en partie responsable de la surpêche qui menace de nombreuses espèces, Dominique Lucas constate que le politique des quotas fonctionne. «La prise de conscience s’opère à tous les niveaux:
Il est un peu plus de 11h quand il est finalement de retour à Carouge. Au final, sa tournée aura duré plus de trois heures. Pendant qu’il lave sa camionnette, Jean-Pierre Peguet continue de recevoir des appels de restaurateurs. Certains livreurs vont repartir pour une seconde tournée, les autres commenceront à préparer les commandes du lendemain. Bref, une journée comme les autres.
les pêcheurs utilisent des filets plus sélectifs et l’Union européenne a mis en place des garde-fous efficaces. A terme, la situation devrait se régulariser par les prix, lesquels vont augmenter en raison de la raréfaction des produits, et réduire par conséquent la demande.»
Contact Lucas Poissons 9–11, rue Blavignac 1227 Carouge Tél. 022 309 40 40 www.lucas.ch
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Les livreurs organisent librement leur tournée, et, s’ils ont leur programme bien en tête, ils sont souvent contraints d’improviser en fonction des conditions de trafic.
Vers 6h30, un camion en provenance de Lyon, où transitent les poissons et fruits de mer des côtes françaises, décharge plusieurs palettes au dépôt de Lucas Poissons, à Carouge.
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Une
jeune star met sa créativité au service du poisson TEXTE Jörg Ruppelt PHOTOS Foto Dubler, Bremgarten
Depuis le début de l’année, l’ancien champion du monde junior de cuisine Thomas Bissegger et le spécialiste du saumon fumé Dyhrberg travaillent ensemble. Le fruit de leur collaboration? Des recettes de haut vol à base de poisson et de produits de la mer, publiées sur le site web de Dyhrberg.
Il est sans conteste l’une des nouvelles stars de la cuisine suisse: Thomas Bissegger, 24 ans, ancien champion du monde avec l’équipe nationale junior et double vainqueur de la célèbre Swiss Culinary Cup. Un sourire éclaire en permanence le visage de ce jeune chef qui, bien qu’ambitieux, ne se laisse pas griser par le succès. Gardant les pieds sur terre, il ne brûle pas les étapes de sa prometteuse carrière. Il a fait ses premières armes dans les cuisines de la clinique psychiatrique «Königsfelden» à Windisch. Désireux de se frotter aux grands noms de la branche, il se fait ensuite embaucher par «Chrüter Oski» (Oskar Marti) à Münchenbuchsee, avant de travailler comme cuisinier généraliste au «Hirschen» de Villigen, pour finalement se retrouver au «UBStairs» à Zurich, où le grand maître Bruno Keist le prend sous son aile. Il y reste deux ans et, en 2010, rejoint l’équipe de l’hôtel «Seedamm Plaza» à Pfäffifkon SZ, où il perfectionne son art dans les cuisines du restaurant «Pur», dirigées par le très créatif Ivo Berger. Filet de saumon frais en manteau de pancetta avec gendarme sur pommes de terre aux poireaux.
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Saumon de l’Alaska fumé au feu de bois
Thomas Bissegger prépare sa recette à base de saumon de l’Alaska MSC.
Saumon de l’Alaska MSC au chorizo, pain blanc, knödel en serviette, kaki en marinade aigre-douce, mousseline de céleri et salade de jeunes pousses.
Aujourd’hui, Thomas Bissegger est à Lucerne. Ayant débuté le 1er mars comme Chef de partie du restaurant «Jasper» de l’hôtel cinq étoiles «Palace», il en est depuis le 1er mai le Sous-chef. Parallèlement, il prépare les examens pour devenir Cuisinier en hôtellerie et restauration avec brevet fédéral ainsi que des expositions avec la Guilde argovienne des cuisiniers. Mais il continue également à se construire une identité propre. Véritable virtuose, il crée des recettes – en exclusivité pour la première saurisserie de saumon de Suisse, Dyhrberg SA. Thomas Bissegger connaît depuis longtemps les produits de cette société installée à Balsthal. «Dyhrberg sponsorise la Swiss Culinary Cup, que j’ai remportée deux fois de suite», expliquet-il. Après sa victoire, en automne dernier, il eut soudain une idée: «Tiens, je devrais appeler Dyhrberg et voir si nous pouvons faire quelque chose ensemble.» Il fut reçu avec enthousiasme. En collaboration avec le directeur de Dyhrberg, Peter Hirschi, et le responsable du marketing, Ralf Weidkuhn, Bissegger développa un concept original:
créer des recettes simples mais de haut niveau à base de poisson et de fruits de mer. Désormais, une fois par mois, le jeune chef souriant à l’inventivité débordante se retrouve donc chez Dyhrberg et découpe du saumon. Aujourd’hui, il s’attaque à du saumon argenté d’Alaska labellisé MSC fumé au feu de bois. Armé d’un couteau Kai Shun en acier damassé («Tant qu’à faire, autant choisir le meilleur couteau possible»), il coupe avec habileté des morceaux réguliers qu’il enveloppe ensuite dans du chorizo et du pain blanc. «Saumon de l’Alaska au chorizo, pain blanc, knödel en serviette, kaki en marinade aigre-douce, mousseline de céleri et salade de jeunes pousses», tel est le nom de cette recette. Tous les deux mois, Dyhrberg publie les nouvelles compositions de Bissegger sur son site www.dyhrberg.ch. «C’est génial», dit Thomas Bissegger, «car cela me permet de montrer ce que je sais faire.»
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Advertorial Dyhrberg et la durabilité Le développement durable exige de nous que nous nous comportions de manière responsable avec les animaux et les ressources naturelles afin de garantir l’équilibre écologique à long terme. Il s’agit de ne pas participer à la surexploitation de ces ressources, qui cause des dégâts parfois irréversibles, notamment en matière de biodiversité. Mais l’engagement en faveur du développement durable a également un impact sur notre stratégie et nos objectifs commerciaux: Dyhrberg refuse de participer au pillage des mers et des océans.
MSC-Alaska-Lachs mit Chorizo und Weissbrot, Serviettenknödel, süss-sauer eingelegten Kaki, Selleriemousseline und Sprossensalat.
Crevettes Black Tiger labellisées FOS. Ces crevettes originaires du sud du Vietnam grandissent dans un environnement entièrement naturel (mangroves inondées) et ne sont ni nourries artificiellement ni traitées aux antibiotiques.
Dans ce contexte, la pêche et l’élevage doivent être pratiqués de manière à minimiser les conséquences négatives. C’est pourquoi Dyhrberg travaille uniquement avec des piscicultures qui respectent des directives environnementales strictes et des pêcheurs utilisant des méthodes qui ne menacent ni l’écosystème ni la survie des espèces. En haut: Thomas Bissegger, ancien champion du monde avec l’équipe nationale junior et vainqueur de la Culinary World Cup l’an dernier au Luxembourg avec la Guilde argovienne des cuisiniers. En bas: terrine de saumon à l’ail des ours et à la ciboulette en manteau de carotte, coquille Saint-Jacques sur sablés, fruit de la passion, concombre et espuma de moutarde.
Afin de concrétiser ses convictions, Dyhrberg participe à de nombreux programmes reconnus comme «Friends of the Sea» (FOS), MSC ou le label Bio. Dyhrberg est par ailleurs membre du WWF Seafood Group. Dyhrberg SA Solothurnerstrasse 40, 4710 Klus/Balsthal Tél. 062 386 80 00 www.dyhrberg.ch
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Les esturgeons de Nidwald
PRODUCTION Hubert Germann TEXTE Philipp Bitzer PHOTOS Gina Folly et Christoph Läser (Food)
A Ennetmoos NW, Peter Jäggi dirige une ferme piscicole spécialisée dans les salmonidés. Depuis plus de dix ans, il y élève aussi une douzaine d’esturgeons. A l’occasion d’une manifestation du restaurant «Central» à Lucerne, quatre d’entre eux ont été capturés, dépecés et cuisinés. Nous avons assisté à ces scènes un peu sanglantes.
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A ce jour, Ennetmoos n’a connu qu’un seul grand événement historique. Le 9 septembre 1798, un petit groupe de Nidwaldiens téméraires (pour ne pas dire manipulés par les ecclésiastiques) tentent, au nom de Dieu, de la religion et de la patrie, de s’opposer à des forces napoléoniennes en surnombre. Bilan de la journée: le village d’Ennetmoos est rasé, 494 autochtones perdent la vie, dont 119 femmes et 16 enfants. Parti à la conquête de l’Europe pour l’éclairer de ses lumières, Napoléon ne sera stoppé que des années plus tard au terme de batailles légendaires. Après ces péripéties, le hameau d’Ennetmoos se rendormit. Depuis, les ruisseaux vivent tranquillement leur vie dans un agréable clapotis et irriguent la plaine verdoyante. Mais parfois, il se passe quand même quelque chose dans ce petit coin de paradis. Généralement, l’événement est la conséquence d’une idée saugrenue qui a germé dans la tête d’un rêveur obstiné, comme il en existe encore dans ces contrées. Peter Jäggi est l’un d’eux. Pisciculteur passionné, il s’est spécialisé dans l’élevage des salmonidés. Sa ferme aquacole baptisée «Lutherbach» livre des truites et des ombles chevaliers dans toute la Suisse. L’offre proposée par Jäggi couvre l’ensemble des besoins des consommateurs. C’est ainsi qu’il vend aussi bien des œufs, des poissons adultes, des truites vivantes ou des filets fumés. Parallèlement, son entreprise s’est également spécialisée
dans le transport des poissons vivants, de toutes tailles ou presque, pour le compte d’administrations, d’associations, d’autres éleveurs ou de ses propres filiales de Willisau et d’Ebikon. Si vous vous rendez chez Peter Jäggi et que vous observez les bassins pendant assez longtemps, il se pourrait que, parmi les salmonidés, vous aperceviez soudain une immense ombre noire. Spectateur non averti, vous êtes interloqué et spéculez: «Qu’est-ce donc? Une raie? Un requin? Un monstre?» Or, c’est exactement ce qui est arrivé l’année dernière aux deux jeunes restaurateurs Mario Bergen et Moritz Stiefel, qui dirigent depuis un an le restaurant «Central», situé à proximité de la gare de Lucerne. Se fournissant en poissons chez Jäggi, ils lui ont immédiatement demandé ce qu’était cette ombre menaçante. D’un calme olympien, Jäggi leur a répondu: «C’est l’un de mes esturgeons.» L’esturgeon est l’un des plus vieux habitants de la planète. Parfaitement adapté à son environnement, il peut vivre dans la mer ou en eau douce jusqu’à l’âge canonique de 150 ans. Il mesure jusqu’à cinq mètres et demi et pèse jusqu’à 1500 kg, ce qui fait de lui l’un des plus grands poissons du monde. Avant que l’être humain ne se mette à considérer les œufs de la femelle comme une merveille gastronomique, l’esturgeon n’avait pas de prédateur. Depuis, il est par contre traqué sans pitié, et l’effondrement de l’URSS a envenimé la situation: ces dernières
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Lorsque le pisciculteur Peter Jäggi prend l’un de ses esturgeons dans ses bras, l’animal se calme instantanément. On pense que le pouls de l’homme apaise les poissons.
L’un des deux bassins de la ferme piscicole «Lutherbach» à Ennetmoos, où quelques esturgeons vivent parmi les truites et les ombles chevaliers.
années, la pêche illégale a tellement augmenté, que l’esturgeon sauvage est menacé de disparition. Afin d’assurer l’avenir du caviar, le nombre d’élevages d’esturgeons a donc considérablement augmenté et on en trouve même en Suisse, dont le plus important est celui de la Maison tropicale («Tropenhaus») de Frutigen. Mais, il n’est pas nécessaire de tout faire en grand. C’est ainsi que des pisciculteurs ingénieux comme Peter Jäggi tirent eux aussi leur épingle du jeu grâce à leur enthousiasme contagieux.
Nous fûmes étonnés d’y croiser bon nombre de jeunes, dont une classe de l’Ecole hôtelière suisse de Lucerne, venue en groupe célébrer dans la bonne humeur la fin du premier semestre. Mais il n’y avait pas que des étudiants. Quel que soit leur âge, les convives étaient tous aux anges et ils furent nombreux à demander la date de la prochaine manifestation consacrée à l’esturgeon. En guise de réponse, rappelons-leur que «tout vient à point à qui sait attendre». Aussi bien à Lucerne que dans le canton de Nidwald.
Mario Bergen et Moritz Stiefel sont de la même trempe que Jäggi. Après avoir découvert l’existence des esturgeons d’Ennetmoos, les deux jeunes restaurateurs se sont immédiatement dit qu’il fallait en faire quelque chose. Stiefel, le cuisinier, se plongea dans la littérature consacrée à l’esturgeon et au caviar, tentant de trouver des méthodes de préparation et des recettes originales. Bergen, le directeur, se rua sur sa calculette, car un seul de ces poissons vaut environ 500 francs. Après mûre réflexion, ils décidèrent d’organiser un événement de deux jours pendant lequel ils proposeraient un menu de cinq plats à base d’esturgeon (détails et recette du plat principal à la page 36). Aussitôt dit, aussitôt fait: leur happening a eu lieu début avril au restaurant «Central».
Contact Ferme piscicole «Lutherbach» Eimatt, 6372 Ennetmoos Tél. 041 610 42 63 Mob. 079 743 23 32 Restaurant «Central» Morgartenstrasse 4, 6003 Lucerne Tél. 041 220 02 22 www.central-luzern.ch
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De jeunes restaurateurs jamais à cours d’idées: Mario Bergen et Moritz Stiefel, respectivement directeur et cuisinier du restaurant «Central» à Lucerne.
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Le menu des nuits de l’esturgeon a Lucerne Début avril, le restaurant «Central» de Lucerne a organisé un événement gastronomique pour lequel le jeune chef Moritz Stiefel a cuisiné quatre esturgeons provenant de l’élevage de Pe-
ter Jäggi à Ennetmoos. Ci-dessous, nous vous dévoilons le plat principal du menu raffiné qu’il a concocté à cette occasion. Vous trouverez les recettes des autres plats sur www.central-luzern.
Plat principal: 01
Tranche d’esturgeon poêlée sur filet de bœuf avec sauce au Barolo et pissenlit à l’orange, gâteau à la pomme de terre Ingrédients (4 personnes): 200 g 4 100 g 1 4 l 1 500 g 2 dl 1 2 1 1 1 1 dl
de filet d’esturgeon prêt à être poêlé tranches de filet de bœuf de 150 g de moelle bouteille de Barolo de fond de volaille non salé pâte feuilletée de 23 cm de diamètre de pommes de terre nouvelles de crème bouquet de thym œufs citron bio pour le zeste botte de pissenlit orange d’huile d’olive vinaigre balsamique blanc
Gâteau à la pomme de terre Déposez la pâte feuilletée sur une plaque à pâtisserie et piquez-la avec une fourchette. Coupez les pommes de terre en tranches d’env. 1 mm d’épaisseur et répartissez-les sur la pâte. Mélangez les œufs et la crème, salez et poivrez le mélange puis versez-le sur les pommes de terre. Parsemez de thym. Mettez la plaque au four pendant env. 35 min. à 160°C.
Sauce au Barolo
Dressage Placez le filet de bœuf sur un miroir de sauce. Posez l’esturgeon sur la viande et le pissenlit sur l’esturgeon. Placez la part de gâteau à la pomme de terre à côté.
Faites réduire le fond de volaille jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que 0,5 l, puis le Barolo jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que 0,1 l. Faites dégorger la moelle pendant une heure, puis découpez-la en brunoise. Mélangez le Barolo et le fond de volaille et ajoutez la moelle.
Filet de bœuf Salez et poivrez la viande. Saisissez-la à température élevée puis rôtissez-la au four pendant env. 7 min. à 180°C (46°C à cœur), sans oublier de la laisser ensuite reposer 5 min.
Esturgeon Découpez le filet en 4 morceaux de taille égale. Saisissez-les à feu moyen dans une poêle téflon, parsemez-les de zeste de citron, salez et poivrez.
pissenlit Râpez et pressez l’orange. Faites réduire son jus. Préparez une vinaigrette à base de vinaigre balsamique blanc, d’huile d’olive de premier choix, de sel, de poivre et de sucre et ajoutez-y le jus et le zeste de l’orange. Versez la vinaigrette sur le pissenlit et mélangez.
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Les autres plats: 02
Caviar fait maison sur blinis et crème fraiche
Essence d’esturgeon safranée avec écrevisses et fleuron
Surprise de notre choco-souris Betty
Préparation
Carpaccio d’esturgeon et légumes tièdes avec vinaigrette aux herbes
Vous trouverez les recettes détaillées sur: www.central-luzern.ch
booklet_seafood_11_175x131.ai 1 20.04.2011 10:20:58
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Symphonie subaquatique TEXTE Jörg Ruppelt PHOTOS Michel Roggo
Michel Roggo est l’un des meilleurs photographes subaquatiques du monde. Ses photos de poissons sont exceptionnelles.
S’il était resté enseignant, il vivrait sans doute dans une maison avec jardin et toucherait une pension confortable. Mais il n’en est rien. A 60 ans, Michel Roggo habite dans un petit trois-pièces fonctionnel situé à la Rue de Lausanne, à Fribourg. Il n’a pas fait fortune, mais il est heureux. Heureux d’avoir osé faire de son hobby son métier. Une fois qu’il a déduit les frais engendrés par ses photos, ses revenus sont à peu près comparables à ceux d’une caissière de la Migros. Car les voyages qu’il entreprend en Amazonie, en Alaska ou dans les déserts des émirats arabes coûtent cher.
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Le brochet à l’honneur «Je suis particulièrement satisfait de cette photo», dit Michel Roggo. On y voit un brochet, sans doute une femelle, qui nage avec fierté et élégance dans un bras latéral de l’Aar. Le photographe explique qu’il est rare de parvenir à fixer sur la pellicule un si beau spécimen dans une telle atmosphère.
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Tout commence il y a une trentaine d’années. Michel Roggo enseigne les sciences naturelles à Düdingen/Guin. Pendant son temps libre, il se met à la photo et y prend goût. Cinq ans plus tard, il décide de ne plus travailler qu’à mi-temps. La photo prend de plus en plus d’importance dans sa vie. A l’âge de 40 ans, il abandonne définitivement son métier d’enseignant et devient photographe indépendant. Paysages, aigles, chamois ou grenouilles sont ses sujets de prédilection. Son premier grand voyage date de 1981 et le mène au Kenya. Armé d’un énorme téléobjectif de marque Novoflex, il part sur les traces des lions. «A l’époque, j’étais naïf, explique Roggo, je ne savais pas comment il fallait s’y prendre à l’aéroport ou comment réserver une chambre d’hôtel. Je ne parlais pratiquement pas un mot d’anglais.» Mais son voyage est un succès. Non pas d’un point de vue financier, mais parce qu’il est fasciné par ce qu’il a photographié, à tel point qu’il organise immédiatement un second grand périple. Cette fois-ci, il met le cap sur l’Alaska. Un jour, il y découvre une petite rivière dans laquelle s’ébrouent des centaines de saumons d’un rouge écarlate. «Les poissons, l’eau cristalline, les algues couleur cyan… Je me suis dit qu’il fallait que je photographie sous l’eau.» Mais il n’a pas l’équipement adéquat et est obligé de remettre son projet à plus tard. Quelque temps après, il retourne donc en Alaska, au même endroit, avec un appareil qu’il peut utiliser sous l’eau. Il est tellement enthousiasmé par ce qu’il a vu, que, quelques années plus tard, il fait un troisième voyage en Alaska. Cette fois-ci, il dispose d’un boîtier subaquatique et d’un câble pour déclencher l’appareil à distance. Il avance à pas de loup, un peu angoissé, car les rivières où il y a des saumons attirent aussi les ours.
Perches dans le soleil Depuis de longues années, Michel Roggo passe ses vacances d’été en Laponie suédoise. Il loue une vieille ferme et pêche dans les lacs des environs. En 2009, il y a découvert de très belles perches d’environ 30 centimètres. Il ne s’est pas contenté de les capturer, il les a aussi photographiées.
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Tanches des marais Enfant, Michel Roggo pêchait souvent avec son frère dans les marais de sa région natale. Quarante ans plus tard, il décida d’y retourner. L’eau était trouble, mais il plaça malgré tout son appareil sous l’eau. Et il eut bien raison: il réalisa des prises de vue spectaculaires, à commencer par ces photos de tanches nageant au soleil. «Le jeu des couleurs était unique en son genre, il y avait du jaune, de l’orange, du rouge foncé et du noir.»
Truite en plein vol Lorsque les tempêtes d’automne balayent le lac de Neuchâtel et que les cours d’eau grondent, les truites quittent les eaux profondes et remontent vers leur frayère. Par moments, ces poissons qui peuvent mesurer jusqu’à 90 cm, bondissent hors de l’eau, comme ici, dans l’Areuse.
La migration des saumons rouges Tous les quatre ans, lorsque les saumons rouges quittent les eaux du Pacifique et remontent les cours d’eau pour se reproduire, Michel Roggo se rend sur les rives de la rivière Adams, non loin de Vancouver. Il y était l’automne dernier: «Il devait y avoir huit à neuf millions de saumons rouges dans la rivière, cela faisait plus d’un siècle qu’il n’y en avait pas eu autant.»
Le cygne et les chevesnes Pendant l’hiver 2009, Michel Roggo voulait photographier des bancs de chevesnes au repos dans le Rhin. Un touriste japonais jeta du pain dans l’eau et les poissons affamés s’agitèrent dans tous les sens. Alléché, un cygne tenta d’attraper le morceau de pain. Mais effrayé par les chevesnes en panique, il repartit aussi vite qu’il était arrivé.
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Le retour des saumons de l’Atlantique Michel Roggo a effectué une vingtaine de voyages pour tenter de réussir une photo satisfaisante des saumons de l’Atlantique. Il y est parvenu en 2009, dans une rivière du Québec. «Après avoir engraissé dans les eaux qui bordent le Groenland, ces saumons retournent sur leur lieu de naissance, des bancs de graviers des cours d’eau de la côte est du Canada. Ils sont guidés par les odeurs et par la lumière.»
Il est satisfait des photos qu’il réalise, mais ennuyé que l’on ne voie pas toujours la tête des poissons. L’année suivante, il repart donc en Alaska avec une caméra vidéo subaquatique. Les images sont bien meilleures et Michel Roggo continue à arpenter la rivière. Auparavant, il déclenchait son appareil plus ou moins spontanément. Désormais, il compose ses clichés, en tenant compte des bulles d’air, des plantes, des pierres. Et des poissons. Il voyage dans le monde entier et photographie des saumons, des sandres, des silures ou des truites, toujours sans flash. «Sous l’eau, la magie vient de la lumière naturelle. D’abord, il y a du rouge et du jaune. Quand ils disparaissent, il reste un bleu fascinant.» Au début, il photographiait les poissons de manière documentaire. Plus tard, il a commencé à s’intéresser de plus près à leur comportement, à étudier les mouvements des saumons ou leur façon de se reproduire. Aujourd’hui, les clichés de Michel Roggo sont demandés dans le monde entier. Au Canada ou dans les marais du canton de Fribourg, il poursuit sa quête, à la recherche de paysages subaquatiques qui rappellent les toiles lumineuses du peintre anglais William Turner. «Il m’inspire. Avec un pied et de longs temps de pose, je cherche de nouvelles formes et structures», explique le photographe. Cette année, il a lancé un projet de longue haleine baptisé «Freshwater Project». Il s’agit de documenter l’eau douce. Il a choisi 30 endroits répartis dans le monde entier, des glaciers, des ruisseaux, des fleuves et des lacs. «Je montre leur beauté, leur diversité, mais aussi leur fragilité.»
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Silure du Rio Ebro Ce sont des pêcheurs suisses qui ont donné à Michel Roggo l’idée de photographier un silure, dont on trouve de beaux spécimens dans l’Aar. Mais ses tentatives échouèrent. En 2006, il reçut un appel en provenance d’Espagne, lui indiquant que les silures étaient en train de frayer dans le Rio Ebro. Il prit l’avion et se posta à l’ombre sur les bords de la rivière, réussissant finalement à capturer avec son objectif des silures de trois mètres.
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Ombres amoureux Près de Thoune, l’Aar est une zone de reproduction pour les ombres ou thymallus. «Je m’y suis rendu souvent et j’y trouve de très beaux motifs», dit Michel Roggo. Le mâle féconde sur-le-champ les œufs que la femelle lâche dans les graviers.
L’attaque du sandre En 2008, Michel Roggo apprit que, non loin des chutes du Rhin, un sandre déchaîné attaquait les cygnes, voire les personnes travaillant en eau peu profonde. Il se rendit immédiatement à Neuhausen, installa son matériel et attendit. Défendant sans doute une frayère, le sandre fou finit par se ruer sur l’appareil, abîmant le plexiglas du dispositif. «Peu importe», dit Roggo, «j’avais ma photo.»
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Les carpes se cachent Le photographe a découvert cette très belle carpe miroir sous des souches d’arbre englouties dans les eaux d’un bras de l’Aar, près de Berne. Les carpes de cette taille sont très prudentes. Pour les photographier, il faut beaucoup de patience et d’expérience. Pour les pêcher aussi. Les pêcheurs commencent généralement par les repérer en observant longuement le cours d’eau à différentes heures du jour.
Michel Roggo Michel Roggo lors de l’une de ses expéditions en Amazonie. Aujourd’hui âgé de 60 ans, il a reçu de nombreux prix. En 2010, il s’est ainsi vu remettre deux prestigieuses distinctions: «BBC Wildlife Photographer of the Year» et «European Wildlife Photographer of the Year».
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CO N CO U R S
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