HRmagazine octobre

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«L’équité, ce n’est pas l’égalité. Nous voulons donner les mêmes chances à tout le monde.»

Thiébaud Groner, Baxter

LASTRATEGYDIVERSITÉ DOIT SE COMPRENDRE AU SENS LE PLUS LARGE

2022 / n° 294 / 28e
VISION RECRUITMENT TALENT REWARD LEGAL CAREER
OCTOBRE
année /
P509202 / Mensuel (pas de publication en juillet et août) / Bureau de dépot: Gand

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Le consensus est gé néral. En cette période de pénurie des talents, il faut que le travail ait du sens. Pour attirer les candidats. Pour retenir les salariés. En même temps, ce sens est la pierre angulaire de toute politique qui vise à favoriser le bien-être du personnel. Mieux, qui cherche à installer les conditions du bonheur au travail. Lors de notre table ronde consacrée au sujet (lire page 20), Eva Deschans (AG Health Partner), affirme d’ailleurs que le sens constitue l'une des quatre dimensions de l'épanouissement professionnel, la plus importante, comme la cerise sur le gâteau.

ET LE SENS DANS TOUT ÇA?

ployeurs mettent l'accent sur ce fameux sens, leur personnel ne semble pas y accorder la même im portance.

Difficile de trancher ce débat. Une chose est sûre: si l'on veut préserver le bien-être des salariés et en même temps, mais les deux sont liés, conserver ses meilleurs éléments, il y a d'autres pistes à explorer. On parle beaucoup pour le moment de leadership bienveillant. Sarah Neumann, spécialiste du changement dans les organisations, préfère l'appeler au trement: le leadership appréciatif (page 18).

Denis Pennel (page 28) se demande ce pendant si ce critère est vraiment si fonda mental pour les travailleurs. McKinsey a répertorié les raisons qui ont conduit des salariés à démissionner. Le manque de sens dans le travail arrive en quatrième position. Et quand on demande aux salariés ce qu'ils apprécient le plus dans leur job, le sens arrive en septième position, bien après la stabilité, le salaire, l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle… «On note par ailleurs des différences minimes entre les générations», affirme-t-il. Autrement dit, alors que les em

En un mot, le leadership appréciatif sti mule les équipes en se focalisant sur les réus sites, les ressources et les forces en présence. «Le monde du travail est bouleversé par les phénomènes sociétaux et se heurte à des styles de management des organisations qui datent de l’ère de l’industrialisation et ne sont plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui», dit-elle. «Plus que jamais nous avons besoin de projets positifs, à forte valeur ajoutée. Des projets qui fédèrent et cherchent la performance col lective pour mieux répondre aux enjeux du moment.» Bonheur? Sens? Au minimum, être apprécié pour son travail est un premier pas dont tout le reste découlera. ¶

ÉDITO FRANÇOIS WEERTS Octobre 2022 / HR magazine 3
‘‘Le sens du travail est-il vraiment un critère décisif?’’
Animatrice: Lisbeth Imbo
Écoutez le PODCAST de HRmagazine sur Spotify ou via podcast.hrmagazine.be.
Lies Collin, Yappa Yannick Lucas, PZ Carole Delava, Carrefour Lissa Van de Voorde, PZ Bart Van Hove, Flexso

«L'équité, ce n'est pas l'égalité. Nous voulons donner les mêmes chances à tout le monde.»

Thiébaud Groner,

Strategy

INSIDE

Jana Willems, Building Group Jansen

DIVERSITÉ ET INCLUSION

La politique de Baxter

WOMEN

IN RAIL

La SNCB cherche des femmes

GE HEALTHCARE

L'inclusion, source d'innovation

BIENVEILLANCE

La voie du leadership appréciatif

Operations

TABLE RONDE

Le bonheur au travail

RECRUTEMENT

Le rôle de la culture

Operations

MARCHÉ DU TRAVAIL

La grande divergence Tech

TABLE RONDE

La numérisation en marche

SCIENCE

Les situations fortes

HEUREUX À LA MAISON

Heureux au travail

FORMATION

Le piège des mythes

DROIT ET EMPLOI

La chronique des avocats de DLA Piper

«Un bon leader fera une équipe solide. Le bonheur au travail devient alors une conséquence logique.»

Ingrid Larik, Broederlijk Delen

«Je constate une grande divergence entre les attentes des travailleurs et celles des employeurs.»

Denis Pennel

Octobre 2022 / HR magazine 5 08 SOMMAIRE
28
20
Baxter 06 08 12 14 18 20 24 28 30 34 36 38 41
«Il est normal qu'un mana ger demande à ses collaborateurs comment ils vont.»

Jana Willems

/TOUT FEU TOUT FLAMME/

Danser, bouger, voilà ce qui me rend heureuse. L'été dernier, vous auriez pu me croiser dans des festivals comme Rock Werchter, Extrema Outdoor, l'Afro-Latino Festival ou le Pukkelpop. Dans les espaces attitrés, comme les Boiler Rooms ou les Dance Halls, les rythmes et les beats vous transportent corps et âme. J'ai une personnalité extravertie, sociale et spontanée. Je me rends dans les festivals avec des amies du même calibre. Nous sommes tout feu tout flamme.

Mon côté enthousiaste, positif et énergique se révèle le plus vivement dans les festivals. Ces moments sont des soupapes qui me permettent de lâcher prise, d'oublier le travail. Nous rions, nous dansons et nous goûtons le plaisir d'être ensemble. Je suis exactement la même lors des fêtes d'entreprise: je parle à tout le monde, j'entraîne mes collègues vers la piste de danse. Plus question de timidité ou d'appréhension. Chacun peut se montrer tel qu'il est. Dans leur travail aussi, j'encourage mes collègues à passer à l'action. Les erreurs sont toujours autorisées. À quel estival pourrais-je comparer mon employeur? À Tomorrowland, sans aucun doute: soyez créatif et ambitieux, toutes les idées sont les bienvenues, the sky is the limit.

J'aime favoriser l'authenticité au travail, il est permis de dévoiler sa vulnérabilité. Un exemple, mon père est très malade. Il souffre d'un cancer à un stade avancé. Le CEO est de mon côté: il a soutenu mon souhait de travailler provisoirement à temps partiel . Je peux ainsi passer plus de temps avec mon père pour le conduire à l'hôpital. Au bureau, nous avons installé une culture de liberté de parole. Il est très courant pour les managers de demander à leurs collaborateurs comment ils se sentent.

Mon père est un exemple pour moi. Il a toujours travaillé dur et m'a encouragée à viser haut, à avoir de l'ambition et à faire ce qui me plaît. Comme lui, j'essaie d'avoir un impact sur ceux qui m'entourent, pour que chacun puisse exprimer ce qu'il a au plus profond de lui.

Ce talent, je l'utilise dans la GRH mais aussi dans mon hobby de styliste de mode. J'aide mes clientes à retrouver leur confiance en elles. Il ne faut pas nécessairement se soumettre à un régime draconien ou respecter un programme d'entraînement épuisant pour avoir une belle silhouette. Quand vous faites attention à votre style, vous gagnez en assurance, y compris dans l'environnement professionnel . Le plus formidable, c'est que vous pouvez soigner votre apparence tout en restant vous-même. ¶

texte: gert verlinden / photo: wouter van vaerenbergh ID FONCTION Head of HR, Building Group Jansen
STRATEGY INSIDE Octobre 2022 / HR magazine 7

Diversité et inclusion: une stratégie concrète et structurée

Comme de nombreuses multinationales américaines, Baxter a mis au point une politique de diversité et d’inclusion très stricte, basée sur des objectifs chiffrés et des quotas. Politique qu’il est difficile de transposer telle quelle en Europe. Thiébaud Groner , Diversity, Equity & Inclusion Program Manager, préfère insister sur la richesse des différences culturelles. Et choisir la voie de la sensibilisation. texte: françois weerts / photos: wouter van vaerenbergh

Que signifie la diversité pour Baxter?

Thiébaud Groner: «La stratégie globale de l’entreprise est basée sur sa vision: sauver et préserver les vies. S'y ajoutent une série de valeurs et parmi elles, il y en a trois qui ont fait leur apparition il y a quelque temps: la diver sité, l'équité et l'inclusion. Nous donnons une définition large au concept de diversité. Il s'agit de l'éventail de per sonnes qui travaillent dans l'entreprise, de leur genre, de leurs origines, de leur orientation sexuelle, de leurs opi nions, de leur expérience, de leur secteur d'origine. Ainsi, nous ne cherchons pas exclusivement des spécialistes du monde pharmaceutique, nous voulons aussi attirer ceux et celles qui proviennent du secteur de l'énergie, des produits de grande consommation ou de l'univers des start-ups.»

Pourquoi avoir inséré l’équité parmi la diversité et l’inclusion?

Thiébaud Groner: «L'équité, ce n'est pas l'égalité. Nous voulons donner les mêmes chances à tout le monde. Ici, ce qui compte, c'est l'impartialité dans le traitement de cha

cun. Une impartialité stricte. Disons qu'un poste se libère et que dans le département, une salariée semble tout in diquée pour l'occuper. Notre exigence d'impartialité peut aboutir à lancer un appel plus large aux candidatures. L'inclusion, elle, renvoie au sentiment d'appartenance. Ce besoin est fondamental pour l'être humain, surtout pour les plus jeunes: nous voulons faire partie d'un ensemble, d'un collectif, qui nous accepte et qui nous accueille.»

Quelles sont les conditions d’une bonne politique de diversité, d’équité et d’inclusion?

Thiébaud Groner: «Un sujet est central dans cette thé matique: la sécurité psychologique. Quand on se sent en confiance, toute discussion peut être entamée, toute ac tion peut être lancée. Dans le contexte de crise que nous connaissons, cette sécurité est d'autant plus importante. Deuxième condition: l'engagement des équipes de lea dership à tous les niveaux. Y compris au niveau local, les responsables doivent être conscients de l'importance de la diversité et de l'inclusion. Ils doivent y croire!»

BAXTER EN BELGIQUE

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À Lessines, un millier de personnes produisent des poches de nutrition pour les prématurés et les patients en coma. Le site comprend aussi un centre logistique qui emploie deux cents opérateurs. Enfin, quatre cents personnes travaillent au siège de Braine-l'Alleud.

HR magazine / Octobre 2022 8 BAXTER STRATEGY

ID

Thiébaud Groner — FONCTION Diversity, Equity & Inclusion Program Manager de Baxter pour l'Europe, le MoyenOrient et l'Afrique

Quels sont vos grands objectifs?

Thiébaud Groner: «D'abord, nous encourageons les lea ders à utiliser le prisme de la diversité, de l'équité et de l'inclusion dans toutes leurs décisions. Ils doivent valori ser au mieux le mélange d'expériences et de profils dans leur équipe. Ils doivent aussi se demander s'ils n'excluent personne. Baxter s'est fixé des objectifs chiffrés précis. À l'horizon 2030, nous devons compter au minimum 40% de femmes parmi les directeurs et les vice-présidents. Par ailleurs, les équipes de direction doivent aussi être compo sées d'un quart de représentants des minorités ethniques. Pour le premier objectif, l'Europe y est presque. Pour le second, nous avons un effort à faire puisque nous n'uti lisons aucun système de quotas. Ce qui complique notre intervention.».”

L’approche américaine est donc différente?

Thiébaud Groner: «Nos collègues américains sont centrés sur l'efficacité, ils apprécient les objectifs chiffrés et l'obli gation de résultat. Comme la politique des quotas n'est pas possible dans nos pays, notre marge de manœuvre est assez limitée. Autre différence avec les États-Unis, notre approche ne repose pas sur des bases raciales. Ce n'est pas dans notre culture et la problématique est très différente. Ce serait d’ailleurs difficile à mettre en œuvre puisque la sphère de notre intervention recouvre une zone géogra phique étendue, l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Autrement dit, un groupe minoritaire en Belgique sera majoritaire au Maroc, par exemple.»

Pas de quota non plus pour les femmes?

Thiébaud Groner: «Non, nous promouvons la diversité des genres dans le cadre des candidatures mais la déci sion finale appartient toujours au manager en charge du recrutement. Nous nous contentons de proposer une pa lette diverse de candidats. À eux de trancher. Bien sûr, cette méthode nous interdit d'obtenir des résultats chiffrés à court terme. Nous devons donc travailler beaucoup plus. Pour préciser les choses, si nous n’imposons pas de quo tas, nous avons une exigence: quand on recrute pour un poste de direction ou de vice-président(e), nous voulons que la short list des candidats soit composée pour moitié de femmes. Même si cette liste comprenait deux hommes exceptionnels, nous réclamons d'y ajouter deux femmes tout aussi valables. Nous n'hésiterons pas à rouvrir le pro cessus. Après, c'est au meilleur, ou à la meilleure, d'être choisi(e). Le manager conserve le droit de décision. Nous avons l’intention d’étendre cette approche à d’autres fonc

tions. Cela dit, ce n'est pas toujours facile. Il y a une guerre des talents et les profils sont parfois très rares.»

BUSINESS RESOURCES GROUPS

Comment vous assurez-vous d’être sur la bonne voie? Thiébaud Groner: «Baxter a créé un conseil de la diver sité, de l'équité et de l'inclusion pour l'Europe, le MoyenOrient et l'Afrique. Il est composé de dix personnes et vérifie que nous atteignions nos objectifs. Il est chargé aussi d'identifier les freins. En plus de représentants de la communication et des ressources humaines, il com prend les responsables de cinq Business Resources Groups (BRG), des groupes de réseautage internes pilotés par employés volontaires sur des thématiques précises. La création de ces groupes est proposée et encouragée par l'entreprise. Mais ils reposent sur des individus passion nés, qui se dévouent au niveau local. Un groupe notam ment s'intéresse aux jeunes professionnels. Ceux-là ont des besoins différents, il faut les accrocher et les retenir. Ils ne se contentent plus d'une relation purement tran sactionnelle, faire un certain travail en échange d'un certain salaire. Ce groupe organise des activités qui leur sont destinées. Des conférences, par exemple. Il a lancé aussi une action spéciale: le reverse mentoring. L'idée est d'apparier chaque vice-président avec un salarié de 22 à 30 ans. Cet échange avec un jeune permet au responsable d'apprendre beaucoup de choses.»

Existe-t-il un groupe de ressources pour les femmes?

Thiébaud Groner: « L’Alliance for Baxter Women dé fend plus particulièrement le leadership des femmes. Cette alliance est très active en Belgique. Elle illustre aussi le fonctionnement de ces Business Resources Group qui sont répartis en chapitres. Certains peuvent com prendre une soixantaine de volontaires et disposent d'un budget pour monter leurs actions. Le groupe des femmes est constitué de 40 chapitres dans notre zone géographique et a mené plusieurs actions intéressantes. Notamment des séances d'impro centrée sur la vie en en treprise, à l'image de ce que l'on fait avec des comédiens professionnels. On imagine des situations et les colla borateurs doivent alors jouer des rôles. C'est très enri chissant. Autre initiative: l'empowerment des femmes qui occupent déjà une fonction de direction pour les aider à aller plus loin. La GRH avait lancé un programme sur ce sujet il y a cinq ans mais le relais a été partialement pris par ce groupe. Aujourd'hui, cette initiative venue

HR magazine / Octobre 2022 10 BAXTER STRATEGY
«Nous envisageons la diversité très largement: du genre aux opinions, en passant par le secteur d'origine.»
Thiébaud Groner

«L'équité, ce n'est pas l'égalité. Nous voulons donner les mêmes chances à tout le monde.»

du terrain renforce l'action de l'entreprise. Les synergies sont réelles. J’insiste sur le sujet de l'empowerment des femmes. Souvent, leur accession à des postes à responsa bilité se heurte à un problème: certaines ne s'en sentent pas capables. Pour des raisons variées, parce qu'elles redoutent de se confronter à un monde trop masculin, parce qu'elles ne croient pas posséder les codes néces saires… Il faut donc les convaincre du contraire et les accompagner. Les aider à prendre confiance en elles. Nous y travaillons.»

Quels sont les autres groupes?

Thiébaud Groner: «Il y en a un qui se consacre aux personnes handicapées. Ici, il ne s'agit pas simplement de prévoir les aménagements nécessaires pour facili ter l'accès de nos bâtiments. Nous travaillons sur pro gramme centré sur la neurodiversité qui nous conduit notamment à nous demander comment intégrer les personnes autistes. Un autre groupe, le réseau multi culturel, célèbre explicitement la diversité des origines. En ce mois d'octobre par exemple nous organisons dans notre siège de Braine-l'Alleud une semaine interne de la diversité. Pour découvrir la culture des collègues, notre cafétéria propose des plats venant de 25 cuisines différentes. J'ajoute que notre siège emploie 32 natio

nalités différentes. Les actions du réseau multiculturel ne se limitent pas à ces explorations culinaires. Ainsi, il a monté un programme pour expliquer aux managers ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils doivent surtout éviter quand ils gèrent une équipe multidisciplinaire. Ici aus si, la synergie avec la GRH est étroite.»

Rencontrez-vous des limites dans l’action de ces groupes de ressources?

Thiébaud Groner: «Oui, bien sûr, la diversité et l'in clusion ne peuvent se décliner de la même manière dans tous les pays. Il faut tenir compte des sensibilités locales. C'est le cas du groupe chargé d'attirer l'attention de notre entreprise sur les personnes et alliés LGTBQIA+. Nous avions pour projet, lors du Pride Month – le mois de juin, d’arborer le drapeau arc-en-ciel sur la façade de tous nos sièges en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Cela s'est avéré impossible à mettre en œuvre dans certaines régions peu tolérantes. Nous préférons alors miser sur la prise de conscience et sur l’entraide. Par exemple, via des lignes téléphoniques de soutien ou par la désignation de confiance. Dans ces cas-là, notre objectif est plus modeste: il s'agit de créer un espace de travail sûr pour tout le monde. Nous ne pouvons pas changer la société mais nous pouvons avoir un impact sur elle. Plus généralement, nous voulons travailler en faveur des communautés locales. C'est une approche très américaine mais nous l'encourageons aussi dans nos pays. Récemment, avec l’aide d’une ASBL d'An derlecht, j'ai invité 25 jeunes de quartiers défavorisés à assister à une conférence de TEDx Bruxelles. Ceci pour élargir leurs horizons, pour les inspirer. Une initiative à répéter…»

Vous parliez de pénurie de main-d’œuvre. Comment éviter les effets indésirables d’une politique de la diversité?

Thiébaud Groner: «Nous devons être prêts à adoucir certains critères. Quinze ans d'expérience sont deman dés? Dix années suffisent peut-être. On peut choisir de développer les talents, de centrer nos recrutements sur la capacité à progresser. À cet égard, nous partageons les récits de succès de profils atypiques, comme une vice-présidente venue du secteur de l'aviation. Ou une opératrice qui a pris la direction d'une usine. Finale ment, on en revient au principe de la sécurité psycholo gique. Elle contient l'idée que l'on peut avoir de l’audace parce qu’il n’est pas interdit de se tromper.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 11

«Des chances égales pour les salariés pendant toute leur car rière»

La SNCB a lancé cet été Women in Rail. Une campagne volontariste qui renforce sa marque d’employeur et s’inscrit dans une politique structurée de la diversité.

Women in Rail est une campagne publicitaire qui cherche à attirer des femmes pour des fonctions qui ne semblent pas faites pour elles. Cette opération illustre la politique structurée de diversité et d’inclusion de la compagnie. Depuis 2018, c’est Marieke Arnou qui est l’experte du domaine pour la SNCB. Elle rend compte devant un comité spécial, sous la conduite de la DRH Petra Blanckaert, qui comprend les responsables de chaque business unit. Objectif? Stimuler une culture inclusive auprès des 17.500 travailleurs de l'entreprise.

La politique de diversité et d’inclusion s’appuie sur trois piliers. «Nous voulons garantir des chances égales pendant toute la carrière de nos employés. Notre personnel doit refléter la diversité que nous observons parmi nos voyageurs.

Enfin, nous nous efforçons de mettre en place une culture inclusive qui permette à chacun de se sentir à l’aise», explique Marieke Arnou.

La compagnie ferroviaire n’échappe pas au vieillissement de la population et à taux de départs élevé. «Pour l’année 2022, nous devons engager 1.300 nouveaux collègues. Ce qui nous force à toucher tous les talents disponibles et à nous assurer qu’ils restent chez nous.»

UNE CARTE DE LA DIVERSITE

La SNCB souhaite que son personnel soit à l'image de la diversité de la population belge. Marieke Arnou: «Pour savoir si nous y parvenons vraiment, nous avons besoin de données.»

Afin de cartographier la diversité, la SNCB analyse des paramètres classiques comme le genre, l’âge, l’origine et le handicap. «Nous le faisons par business unit, par niveau de leadership, par catégorie professionnelle, etc.»

Mais quand on veut classer la population sur la base de l’origine et du handicap, on ne peut pas faire n'importe quoi. «La très grande majorité de notre personnel possède la nationalité belge, mais cette information ne vous fournit pas nécessairement une représentation précise de la réalité», souligne Marieke Arnou. «La nationalité ne dit rien de l’origine. Or, nous voulons disposer de chiffres objectifs à cet égard. Nous les avons obtenus grâce à un échange de données anonymes avec la Banque-Carrefour de la Sécurité sociale. Selon les critères

HR magazine / Octobre 2022 12 DIVERSITE STRATEGY
«Une campagne de communication pour attirer des profils plus diversifiés n'est pas suffisante en soi.»
Marieke Arnou, SNCB
texte: jo cobbaut / photo: wouter van vaerenbergh

MARIEKE ARNOU

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Marieke Arnou est experte en diversité et en inclusion à la SNCB. Elle a commencé sa carrière chez Unia, après des études en langues et cultures africaines. Elle a pris en charge des dossiers de discrimination dans le cadre de procédures de médiation et de pratiques réparatrices.

officiels, vous êtes d’origine belge si vos deux parents et vous-mêmes êtes belges et qu’en plus, cette nationalité est la première consignée dans le registre national.»

Réunir des renseignements sur le nombre de personnes qui ont un handicap est encore plus difficile. Marieke Arnou: «Les chiffres sont éparpillés et ne donnent qu’une image limitée. L’ONU applique une définition très large de la notion de handicap. Nous prenons aussi en compte les salariés qui ont été déclarés définitivement inaptes pour des raisons médicales. Ils bénéficient d’un accompagnement de notre

Centre des talents qui leur cherchent un autre job dans notre entreprise. Nous voulons donc aller plus loin que la définition du handicap officiellement reconnu.»

Bien sûr, les chiffres ne sont pas tout. La SNCB organise régulièrement des séminaires avec le management et sur le terrain. L’enquête du personnel de la SNCB sonde également l’inclusivité de l’entreprise.

PLANS D’ACTION CONCRETS

Sur la base de ces analyses, la SNCB a lancé un plan de diversité 20192021 qui a réuni plusieurs actions concrètes. Un deuxième plan a été inauguré en juin 2022. «Une campagne de communication pour attirer des profils plus diversifiés n'est évidemment pas suffisante en soi», précise Marieke Arnou. «Nous organisons des actions dans plusieurs domaines.» En matière de formation, les managers et les professionnels RH ont pu affûter leurs compétences en inclusion par le biais de séminaires, de webinaires et de cours à distance. La SNCB a développé aussi des directives et des procédures sur la transition de genre au travail, l'utilisation d'un vocabulaire non genré, le port de symboles religieux, les adaptations raisonnables par rapport aux handicaps, etc.

Les formations s'appuient toujours sur des cas concrets et sont centrées sur l'expérience. «Par rapport à l'accessibilité des gares pour les personnes à mobilité réduite, la SNCB a imaginé, avec des ASBL externes, une mise en situation ludique pour les designers», explique Marieke Arnou. «On leur a demandé de réaliser en petits groupes des

tâches dans une gare et chacun se voyait attribuer un handicap. Ils pouvaient ainsi se rendre compte de ce que cela représente d'aller aux toilettes, de changer de quai… Ils ont discuté ensuite de leur expérience avec des experts. Cet exercice a eu beaucoup d'impact.»

Pour ce genre de projets, la SNCB s'adresse généralement à des partenaires extérieurs. Marieke Arnou: «En collaborant avec des partenaires spécialisés, vous êtes en mesure d'aller plus loin dans votre politique de diversité. Vous entrez également en contact avec des groupes que vous ne touchiez pas jusqu'alors. Un exemple: dans nos deux ateliers techniques de Bruxelles, nous avons organisé des sessions destinées à des jeunes qui n'ont pas les diplômes requis mais qui ont des affinités avec la technique. Une initiative mise sur pied avec Actiris et Bruxelles Formation.»

RESULTATS CONCRETS

Tous ces efforts ont déjà donné des résultats: ainsi, les femmes représentent désormais près de 20% du personnel de la SNCB, contre 17% en 2019 avant le lancement du plan d'action et 14% en 2015. Depuis, l'entreprise a été récompensée pour sa politique de diversité: la campagne de l'année dernière a reçu l'Award fédéral de la diversité et de l'inclusion. Et en février, la compagnie a obtenu le label bruxellois de diversité décerné par Actiris. «Nous sommes heureux de ces résultats mais nous ne nous reposons pas sur nos lauriers. Nous allons poursuivre nos actions dans les prochaines années.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 13

L'inclusion, moteur de l'innovation

Il y a beaucoup de différences entre Karin Bastin, HR Country Manager de GE Healthcare, et son stagiaire, Yousef Eid Ce sont ces différences qui sont intéressantes. Le stagiaire personnifie la vision de l'inclusion et de la diversité de l’entreprise; la responsable RH s'inspire de ses idées et de sa sensibilité. texte: gert verlinden

Yousef Eid, étudiant en management dans une haute école anversoise (Karel De Grote Hogeschool), a fait un stage dans l'équipe de Karin Bastin. Le sujet de sa thèse? Comment la GRH peut-elle favoriser l'empowerment. Conclusion? La diversité et l'inclusion sont des outils puissants pour permettre aux salariés de déployer leurs forces et leurs talents.

Pour être précis, Karin Bastin donne délibérément la première place à l'inclusion, devant la diversité. Selon elle, attirer les meilleurs talents ne suffit pas. Il faut s'assurer qu'ils puissent apporter leur contribution parce que chaque petite idée peut avoir un impact énorme pour l'organisation. De plus, elle est convaincue que la diversité dépasse des caractéristiques personnelles visibles, comme la couleur de peau, le genre ou l'âge. Elle recouvre des différences d'idées et de mentalités.

Les entreprises changent, il faut donc disposer d'une politique inclusive pour accueillir les nouvelles idées. «Ne le faites surtout pas pour suivre la mode», recommande-t-elle. «Intégrez-la dans votre stratégie RH.»

Karin Bastin n'appartient pas un groupe minoritaire. Pourtant, comme Yousef Eid, réfugié

palestinien, elle représente aussi la diversité. Elle parle sept langues. Pendant son enfance, elle a déménagé tous les deux ans dans un autre pays à cause de la carrière internationale de son père et a toujours suivi les cours dans l'enseignement local. Conséquence: elle est très consciente des différences et de leur richesse.

PREJUGES

L'inclusion et la diversité commencent par l'acquisition des talents. Il faut être capable d'appliquer la plus grande neutralité dans les recrutements, sans tenir compte du genre, de l'orientation sexuelle, de l'âge, etc. Ce qui réclame de faire très attention aux préjugés inconscients. Les recruteurs et les managers suivent des formations pour mener des entretiens de façon objective, indépendamment des erreurs d'appréciation automatiques, comme les biais de confirmation. En même temps, ils partagent beaucoup d'informations sur les valeurs de l'entreprise et présentent longuement l'ouverture de la culture de GE pour que le candidat s'y sente lié.

GE Healthcare encourage les managers à faire le point quatre fois par an avec les membres de leur équipe. Ces entretiens doivent se dérouler en évacuant toute forme

«La diversité et l'inclusion sont des outils puissants d'empowerment des salariés.»

Yousef Eid

HR magazine / Octobre 2022 14 DIVERSITE STRATEGY
ID
— FONCTION Bachelier en International Business Management, Karel De Grote Hogeschool
Yousef Eid

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QU'ONT APPRIS LE STAGIAIRE ET LA RESPONSABLE RH?

Yousef Eid: «Karin met en pratique le leadership bienveillant dont se réclame GE Healthcare. Elle a veillé à ce que j'aie un impact sur mon environnement. Elle s'est montrée patiente face à mon inexpérience. Elle explique le pourquoi des décisions, elle a donné du sens à mon travail.»

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Karin Bastin: «Yousef réussit à prendre ses distances par rapport à la situation. Il possède une forme de sagesse. Il adopte une autre perspective quand il regarde les choses. Il n'a pas le même sens de l'urgence que moi, ce qui m'a rendue folle par moment, je l'avoue. En même temps, cette attitude m'a appris beaucoup sur mon propre fonctionnement.»

«Le recrutement de talents diversifiés prend du temps. Il arrive parfois qu'il y ait un écart de quelques semaines dans le planning du personnel.»

Karin Bastin

de biais, conscient ou inconscient. Il faut donc conscientiser les cadres et leur montrer qu'ils peuvent succomber à des stéréotypes. Ils feront alors plus attention aux facteurs contextuels et aborderont de façon proactive les différences dans l'environnement de travail. Ils se concentreront sur la collecte et l'évaluation de faits mesurés et observés, en restant les plus objectifs possible. Le feedback sera direct, mais restera respectueux.

L'ENGAGEMENT DU SOMMET

Karin Bastin souligne que travailler sur le thème de la diversité et de l'inclusion peut être épuisant, surtout après la pandémie et les défis qu'elle a entraînés. Les responsables RH doivent continuer à se battre pour un idéal, «même si parfois, notre action prend le tour d'une croisade». En même temps, elle insiste sur le rôle de la GRH comme partenaire à part entière de l'entreprise. Une stratégie fondée

sur les données est cruciale pour générer un impact mesurable. Et la direction générale doit accepter d'élever la diversité et l'inclusion au rang des priorités. Bien sûr, une entreprise comme GE Healthcare souhaite disposer en permanence des effectifs nécessaires, ce qui crée une certaine tension. «Le recrutement de talents diversifiés prend du temps. Il arrive parfois qu'il y ait un écart de quelques semaines dans le planning du personnel.»

Karin Bastin voit des effets positifs dans une bonne politique d'inclusion et de diversité sur le bien-être. Elle pense aussi qu'elle est un moteur d'innovation. Le contexte belge est complexe mais justement, notre pays fonctionne comme un laboratoire en vraie grandeur. «Si cela marche chez nous, cela marchera ailleurs.»

LEADERSHIP BIENVEILLANT

Karin Bastin s'efforce de créer un

contexte de sécurité psychologique dans lequel chacun puisse s'exprimer librement. Cette liberté, Yousef Eid l'a expérimentée concrètement. Il n'éprouvait aucune pression quand il assistait à une réunion du management mais se sentait au contraire inspiré par ces rencontres. Il apprécie d'ailleurs le leadership qu'il a observé parce qu'il crée de la valeur. De son côté, Karin Bastin plaide pour un leadership bienveillant, surtout après la pandémie.

Elle s'inspire ici de son expérience en Afrique. La population locale ne désigne par le lion comme le roi de la création mais l'éléphant. Il est imposant et on le respecte à cause de sa force, pas en raison de son pouvoir. Elle pense que grâce à la GRH, on peut abandonner les positions de pouvoir pour s'orienter vers l'empowerment des salariés. «Nous accompagnons un virage du leadership qui vise à permettre aux salariés de montrer la meilleure version d'eux-mêmes.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 15
— FONCTION
ID
Karin Bastin
HR Country Manager Benelux, GE Healthcare

Fiscalité, TCO et électrification: ce qu’il faut savoir

Avec la transition électrique actuelle, le TCO des voitures devient plus important que jamais lors de la constitution de votre parc automobile. Car une voiture qui est la plus économique à l'achat peut être la plus chère en fin de parcours. Pour faire le bon choix, il est essentiel de tenir compte à la fois de la situation fiscale actuelle et des coûts sur le long terme. Découvrez un aperçu des prochaines évolutions fiscales, avec une comparaison du coût total de possession de trois modèles Audi.

Pour qu'un gestionnaire de flotte professionnel puisse effectuer le calcul complet du coût total de possession (TCO), de nombreux paramètres doivent être pris en compte. Des paramètres qui, avec l’électrification des voitures, sont d’ailleurs susceptibles d'évoluer: les coûts de carburant sont remplacés par les coûts de recharge (à domicile et dans les bornes de recharge publiques), les coûts d'entretien et d'assurance varient et enfin, la déductibilité fiscale et la quantification de la contribution de solidarité CO2 sont appelées à changer profondément dans les années à venir.

PLAFONNEMENT DE LA DÉDUCTION FISCALE DES FRAIS DE CARBURANT

Le 1er janvier 2023, une première modification fiscale entrera en vigueur: la déductibilité des frais de carburant fossiles sera limitée à un maximum de 50% pour les

voitures commandées à partir de cette date. Cette mesure concerne donc principalement les voitures diesel et à essence, mais aussi les plug-in hybrides rechargeables, pour la partie des trajets qui se fait uniquement avec le moteur thermique.

LE PLUG-IN HYBRIDE RESTE INTÉRESSANT

Cependant, le plug-in hybride reste une option intéressante jusqu'au 30 juin 2023. Premièrement, elle donne aux entreprises plus de flexibilité et de temps pour installer leur infrastructure de recharge. De plus, les plug-in hybrides ont généralement un délai de livraison plus court que les voitures 100 % électriques. En outre, un véhicule plug-in hybride peut constituer une première initiation à la conduite et à la recharge électriques pour les collaborateurs, ce qui favorisera le passage ultérieur à la conduite 100% électrique. Enfin, ceux qui

s'efforcent de rouler principalement à l'électricité avec leur plug-in hybride ressentiront beaucoup moins le changement de taxe susmentionné.

RÉGIME DE SORTIE

Le grand changement fiscal interviendra néanmoins à partir du 1er juillet 2023. À partir de cette date-là, la déductibilité sera réduite de manière drastique pour tous les véhicules à émissions non-nulles, qu'il s'agisse de voitures diesel ou à essence ou de plug-in hybrides. Si ces voitures sont commandées entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2025, elles relèveront du «Régime de sortie». Dans ce cadre, la déductibilité maximale est réduite par tranches de 25% à partir de 2025. Ainsi, une voiture à émissions non-nulles sera déductible à hauteur de 75% en 2025, 50% en 2026, 25% en 2027 et plus du tout à partir de 2028.

Les véhicules électriquesactuellement déductibles à 100%

PARTNER CONTENT FLEET
HR magazine / Octobre 2022 16

Valeur d'acquisition HTVA 33.057,52 € 42.156,54 € 48.578,51 €

Taux de loyer mensuel HTVA775,00 € 901,00 € 914,00 € TCO mensuel HTVA 1.273,82 € 1.262,02 € 1.209,02 € ATN 144,98 € 73,71 € 83,53 €

- verront également leur avantage fiscal réduire à partir de 2027. Toutefois, cette diminution est plus modérée et se stabilise à 67,5% en 2031.

COMPARAISON ENTRE L’AUDI Q4 E-TRON, L’AUDI Q3 TFSI E ET L’AUDI Q3

Pour se faire une idée claire du TCO, rien ne vaut un exemple concret. Ou même trois, pour vous donner un aperçu des modèles Audi de différentes catégories: une Audi Q4 e-tron 100% électrique, une Audi Q3 TFSI e plug-in hybride et la variante diesel de l'Audi Q3. Pour chacune de ces voitures, nous énumérons les différents coûts liés au TCO dans le tableau ci-joint. Dans cet exemple, l'Audi Q4 e-tron

apparaît comme l'option la moins chère, avec un TCO qui, à 48 mois, est inférieur de 2 500 € environ par rapport à une Audi Q3 plug-in hybride. Si l'on y ajoute le coût d'une borne de recharge - nécessaire avec un modèle 100 % électrique comme l'Audi Q4 e-tron - la différence de TCO entre les deux voitures est négligeable. La version diesel de l'Audi Q3 - malgré une valeur d'investissement et un prix de location beaucoup plus bas - semble avoir un TCO plus élevé que celui de la version plug-in hybride, avec également un Avantage de Toute Nature (ATN) nettement plus élevé pour le collaborateur.

En résumé, le constat est déjà le suivant aujourd'hui: une voiture 100% électrique ne doit pas forcément coûter plus cher qu'une voiture à moteur

thermique, alors que celle-ci semble plus avantageuse à première vue. Sur la base de la fiscalité actuelle, les véhicules plug-in hybrides peuvent encore soutenir la comparaison, mais cela changera après la grande réforme fiscale du 1er juillet 2023. Le positionnement des véhicules à moteur thermique est quant à lui déjà soumis à une forte pression.

Vous avez des questions sur le choix des véhicules pour votre flotte automobile?

Contactez Audi Fleet sur audi.be

Octobre 2022 / HR magazine 17
Q3 Business Edition Attraction Q3 TFSI e Attraction S Line Q4 e-tron Attraction
35 TDI S tronic (150 cv) 45 TFSI e S tronic (245 cv) 40
Diesel PHEV BEV
Motorisation
e-tron (204 cv)
CO2 (WLTP) 141 gr 37 gr 0 gr Consommation (WLTP) 5,4 l/100 km 15,8 kWh/100 km - 6,5 l/100 km 17,52 kWh/100 km Déductibilité fiscale 61 % 100 % 100 %

Leadership appréciatif: les succès avant tout!

Née aux États-Unis, la méthode appréciative (Appreciative Inquiry) rompt avec l’approche classique de la résolution des problèmes. Le leader appréciatif stimule ses équipes en se focalisant sur les réussites, les ressources et les forces en présence. Et ça change tout!

Certains parlent de leadership positif ou bienveillant. En réalité, le leadership appréciatif, qui découle de l’approche de l’Appreciative Inquiry, est avant tout une posture. Une manière de regarder le monde. «Le leader appréciatif coconstruit un futur désirable en se basant sur les réussites, les ressources et les forces présentes, plutôt que d’essayer de les embarquer dans la direction qu’il a lui-même choisie», explique Sarah Neumann.

Cette facilitatrice du changement a effectué une bonne partie de sa carrière dans l’industrie, dans des entreprises où la résolution de problèmes était la ligne incontournable. Analyse et détection des causes (et des

coupables), hypothèses de solutions, plan de traitement des problèmes… Cette approche qu’elle dit basée sur la peur, elle la trouve froide, peu énergisante, et franchement dépassée! «Le monde du travail est bouleversé par les phénomènes sociétaux et se heurte à des styles de management des organisations qui datent de l’ère de l’industrialisation et ne sont plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui», écrit-elle. «Plus que jamais nous avons besoin de projets positifs, à forte valeur ajoutée. Des projets qui fédèrent et qui cherchent la performance collective pour répondre mieux aux enjeux du moment. Au service de la vie.» Résultat: elle a définitivement tourné le dos à cette méthode pour le leadership appréciatif.

CHERCHER CE QUI MARCHE

L’Appreciative Inquiry est né dans les années 1980 aux États-Unis, à Cleveland. Dans le cadre d’une thèse, David Cooperrider, cofondateur de la démarche, réalisait un audit dans un hôpital de Cleveland. «Qui dit audit dit problèmes. Mais il s'est rendu compte que dans cette clinique, les relations humaines étaient assez extraordinaires. Les gens collaboraient, coopéraient… Cela l’a amené à changer son sujet. Il s’est dit ceci: plutôt que d'aller chercher ce qui ne marche pas, pourquoi ne pas me concentrer sur ce qui fonctionne bien? Et il s'est rendu compte qu'en posant des questions constructives, il avait ce pouvoir de mener la conversation dans une direction positive. Ensuite il a formalisé sa démarche. Celle-ci est arrivée en Europe au début des années 2000.»

ÉMOTIONS POSITIVES

Il ne s’agit pas de nier les problèmes, mais de les remettre à leur place. «En réalité, l’étude des problèmes va augmenter le nombre de problèmes, parce que ce sur quoi on porte son attention va grandir», décrit Sarah Neumann. «Si vous avez une image

QUE FAIRE DES PROBLÈMES?

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«Évidemment, la vie n’est pas rose en permanence, et apprécier ne veut pas dire tout tourner en positif», explique Sarah Neumann. Selon la méthode appréciative, apprécier signifie accueillir tout ce qui est là, y compris les situations difficiles.

«Après avoir accueilli ces situations difficiles, on va essayer d’aller chercher de petites pépites, les petits moments lumineux où il n’y a pas de tension. Même si ceux-ci ne représentent que 5% de la situation, on va creuser ces 5% pour les renforcer, les faire grandir.»

HR magazine / Octobre 2022 18 RÉSOLUTION DE PROBLÈMES STRATEGY
texte: liliane fanello / photo: sophie stacino

pleine de points verts et deux ou trois points rouges, votre regard va être attiré par les points rouges. C’est un peu ce qui se passe dans la vie d’entreprise: souvent, il y a plein de points verts, plein de choses qui fonctionnent bien, mais dès qu’un grain de sable apparaît, on va tourner le regarder vers celui-ci. Ce n’est pas forcément mauvais, mais l’ennui est qu’on ne voit plus le reste.»

«Derrière ces réflexions, il y a des fondements issus des neurosciences», poursuit Sarah Neumann. «Le fait de susciter une émotion positive entraîne un changement biochimique chez l'individu. Cela génère entre autres la production d’ocytocine, et de la confiance. Alors les personnes s’ouvrent et libèrent leur potentiel créatif.» C’est donc précisément le rôle du leader appréciatif: mobiliser le potentiel créatif de ses équipes, créer de la confiance, de l’énergie, de l’enthousiasme, extraire tout ce qui marche pour construire sur de nouvelles bases, et mettre tout cela en mouvement au service d’un changement à la fois désirable et durable.

«La méthode appréciative prend le contre-pied des problèmes, elle libère le potentiel d’innovation et de créativité en explorant les forces positives présentes dans les organisations, et facilite ainsi le changement.»

MAÏEUTIQUE

Le pilier de la méthode appréciative, ce sont les questions. L’idée est d’amener les personnes à centrer leur attention sur ce qui marche, ce qui donne sens, en puisant dans leur propre expérience. «Racontezmoi un moment d’incertitude où vous avez mobilisé vos forces ou vos compétences. Qu’appréciez-vous dans telle situation? De quoi rêvezvous?... Ces situations peuvent être banales en apparence. L’essentiel est d’amener les personnes dans une situation où ça a bien marché et dans laquelle elles ont été actrices. C’est en fait une recherche inlassable de ce qui donne vie, de ce qui fait avancer. Et ça marche dans n’importe quel contexte, dans toute relation humaine!»

SAVOIR ÉCOUTER

Pour être un bon leader appréciatif, la capacité numéro 1 est l’écoute. «Il s’agit de ne plus dire “moi je sais, et je vais embarquer les autres dans ma direction”, mais “je vais me mettre au service de ceux qui m’entourent, je vais poser les bonnes questions, et puis surtout je vais vraiment écouter les réponses”.» L’écoute, la vraie, est forcément liée à une forme d’humilité. Le leader se met dans une posture de curiosité, pour découvrir tous les savoirs et compétences qui l’entourent.

Tout cela n’est pas forcément naturel et demande de l’entraînement. Alors pour commencer, Sarah Neumann invite les organisations à créer des espaces de «conversations qui comptent». «Dans ces espaces de conversation, on peut s'exercer à poser des questions positives et à écouter. Pour certains, cela peut sembler être une perte de temps au début. Mais au contraire, c’est très puissant et permet par la suite, grâce aux sentiments positifs et aux liens relationnels qui se sont créés, d’avancer beaucoup plus vite!»

Elle ajoute: «La démarche appréciative ne peut cependant fonctionner que dans les organisations où l’on est prêt à laisser les gens s’exprimer sans vouloir contrôler à l’avance ce qui va ressortir. Il faut accepter de faire confiance au processus, même si c’est parfois inconfortable. Ceci dit, les leaders d’aujourd’hui peuvent-ils encore se permettre de ne pas écouter et valoriser leurs équipes?» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 19
ID
— FONCTION Facilitatrice du changement
Sarah Neumann
«La méthode appréciative prend le contre-pied des problèmes, elle libère le potentiel d’innovation en explorant les forces positives.»
Sarah Neumann

«MISEZ SUR LES LEADERS!»

Un employé heureux fera un client heureux. Du coup, le service RH a tout intérêt à favoriser le bonheur au travail. Les experts de notre table ronde considèrent le bonheur au travail comme une responsabilité partagée, dont les dirigeants sont les premiers garants. texte:

HR magazine / Octobre 2022 20 LE BONHEUR AU TRAVAIL OPERATIONS
patrick verhoest / photos: wouter van vaerenbergh

De gauche à droite

Nancy De Coensel, Senior Consultant & Partner de Bakker & Partners, Siviglia Berto, directrice générale de B-Tonic (filiale de la Bâloise), Ilse Claes, DRH de Democo Group, Eva Deschans, Product & Partnership Director d'AG Health Partner

Pour Eva Deschans (AG Health Partner), le bonheur au travail comporte quatre dimensions. La satisfaction constitue le premier niveau. Elle implique notamment une diversité suffisante des tâches, un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée et le soutien des collègues. L’ambiance sur le lieu de travail constitue le deuxième ni veau. Cet aspect est influencé par les personnes avec les quelles vous travaillez et concerne l’atmosphère générale, des relations qui ont du sens et la considération nécessaire. «La troisième dimension, l’engagement, vous permet de définir des objectifs motivants et de mobiliser vos forces. «Vous pourrez alors vous préoccuper de la quatrième di mension: le sens. Cela dit, l’épanouissement professionnel dépend de votre type de travail, de la phase de vie dans laquelle vous vous trouvez et du style de bonheur que vous recherchez.»

Nancy De Coensel (Bakker & Partners) est du même avis, mais souligne que le bonheur au travail est un concept personnel. «Il est difficile d’en établir une défini tion, car tout dépend de la phase de vie dans laquelle vous

vous trouvez et de vos priorités. Ces priorités varient dans le temps. Elles peuvent concerner l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, mais aussi le plaisir, l’auto nomie ou les connaissances. Nous devons chercher ce qui est source d’énergie pour les salariés.»

Pour Ilse Claes (Democo Group), cette énergie est essentielle. «Tant que votre travail vous procure plus d’énergie qu’il ne vous en demande, nous pouvons parler de bonheur au travail. C’est primordial pour se sentir bien au travail. Pour certains, cela signifie travailler avec des chiffres, pour d’autres, gérer du personnel.»

Selon Ingrid Larik (Broederlijk Delen), le bonheur au travail est un terme connoté, un mantra. Il est important de s’appuyer sur ses motivations personnelles: «Le travail doit correspondre à vos valeurs, à ce que vous êtes et à ce que vous défendez. Vous devez vous sentir bien au bureau. J’en suis moi-même un exemple. J’ai toujours cherché un sens à mon travail, mais ce n’est qu’avec mon employeur actuel que j’ai trouvé une harmonie entre mes valeurs et celles de l’organisation.»

Octobre 2022 / HR magazine 21

D’après Siviglia Berto (B-Tonic), le bonheur au travail est un sentiment de satisfaction durable. Il repose sur l’équilibre entre la solidarité, l’autonomie, la confiance et la considération. «Les défis doivent être enthousiasmants et il faut se retrouver dans l’organisation. Le lien avec l’employeur se manifeste différemment d’une personne à l’autre. Certains trouvent leur bonheur dans une journée de travail de huit heures. Nous n’avons pas tous besoin d’être des entrepreneurs.»

Elke Vandewalle (Beliving) souligne l’importance de se sentir chez soi dans l’entreprise. «La culture est pri mordiale, tout comme le fait d’être entouré d’une équipe agréable. Dans un monde idéal, nous devrions être en me sure d’établir une définition du bonheur au travail pour chacun.»

LES PARTIES PRENANTES

Qui est responsable du bonheur des travailleurs? Pour Elke Vandewalle, il incombe aux employeurs de faire des propositions. «Il appartient toutefois à chaque employé de saisir les occasions pour faire de ce bonheur une réalité. Ce n’est pas à la portée de tout le monde. L’employeur doit jouer un rôle de facilitateur et composer une offre qui a pour but de rendre le collaborateur heureux.»

Selon Eva Deschans, il existe quatre parties prenantes principales. Lorsque les employeurs veulent garder leurs collaborateurs et attirer de nouvelles recrues, il est important qu’ils se concentrent sur le bien-être et le bonheur au travail. Il incombe souvent au service RH de mettre en œuvre de tels projets. «La GRH peut, dans certains cas, compter sur le soutien du service de prévention. De son côté, le mana ger joue un rôle crucial. Le développement des soft skills des leaders, comme la communication et le coaching, influence beaucoup plus l’organisation que les hard skills. Enfin, le collaborateur doit surtout se montrer prêt à participer aux initiatives que l’employeur organise pour lui.»

Les organisations doivent soutenir leurs leaders, es time Siviglia Berto. «Aujourd’hui, les responsables ont beaucoup de choses à gérer. Cette situation met beaucoup de pression sur leurs épaules, pression qui vient à la fois d’en haut et d’en bas. Lorsqu’un collaborateur s’en va, on met souvent la faute sur leur dos. Le métier de mana ger ne s’improvise pas. C’est pour cette raison que vous devez être prudent lorsque vous laissez des experts ac céder à une fonction dirigeante. Certaines compétences humaines comme l’intelligence émotionnelle, la capacité d’écoute et l’empathie, leur font parfois défaut. Or, ce

sont des clés essentielles pour garantir le bien-être et le bonheur au travail.»

Ingrid Larik: «La fonction de responsable est désor mais plus centrée sur les résultats, la capacité à déléguer, à écouter et à former. Les supérieurs hiérarchiques doivent s’engager à nouer le dialogue. Un bon leader fera une équipe solide. Le bonheur au travail devient alors une conséquence logique. Il ne faut pas sous-estimer l’impor tance d’un bon leader pour le bien-être.»

ATTENTES

Le bonheur au travail est étroitement lié à la concordance des besoins des employés et des attentes des employeurs, affirme Nancy De Coensel. Tout le monde n’a pas besoin d’atteindre le sommet: «C’est cette idée qui est à l’origine du principe de Peter. Aujourd’hui, de plus en plus de nos clients misent sur l’élargissement et l’enrichissement. La mobilité horizontale contribue tout autant au bonheur au travail.»

Siviglia Berto remarque souvent dans les offres d’em ploi que les entreprises ont des attentes trop élevées concer nant leurs nouvelles recrues: «Nous devons attirer des per sonnes pour les qualités qu’elles peuvent apporter. Si elles sont en ligne avec l’atmosphère et les valeurs de l’entreprise, cela crée déjà un terrain propice au bonheur au travail.»

Ilse Claes constate la même chose chez Democo Group. «Si quelqu’un veut travailler pour notre entreprise parce qu’elle l’attire, c’est déjà un bon début. Avant, nous cherchions l’oiseau rare qui remplissait toutes les exi gences du poste. Ce n’est plus le cas. Nous recrutons main tenant des candidats qui nous correspondent et cherchons ensemble la fonction qui leur convient le mieux. Nous les entourons de collègues qui leur sont complémentaires, qui peuvent les aider à combler leurs lacunes. C’est pour cette raison que nous accordons tant d’importance à la compo sition des équipes. Nous disposons d’équipes flexibles par chantier, une approche qui favorise le bonheur au travail. L’important est que les collaborateurs se sentent bien au sein de leur équipe et dans leur fonction. Ils savent qu’ils ont le droit de faire des erreurs lorsqu’ils évoluent dans un environnement sûr.»

COMMUNICATION

Il faut avant tout communiquer ouvertement et partager les meilleures pratiques, souligne Siviglia Berto. «Les équipes moins fortes peuvent alors apprendre de celles qui sont plus avancées. Ainsi, tout le monde sait qu’il est per

HR magazine / Octobre 2022 22 LE BONHEUR AU TRAVAIL OPERATIONS
«Un bon leader fera une équipe solide. Le bonheur au travail devient alors une conséquence logique.»
Ingrid Larik, DRH de Broederlijk Delen

mis de commettre des erreurs. Cela permet aux organisa tions et aux collaborateurs d’évoluer.»

Nancy De Coensel privilégie une culture de commu nication ouverte. «Les collaborateurs doivent sentir qu’ils peuvent s’exprimer à tout moment, de manière formelle et informelle. Cette communication s’applique aux points po sitifs et négatifs. Plus tôt vous êtes au courant des situations problématiques et plus vite vous pourrez agir auprès des personnes qui rencontrent plus de difficultés. Le responsable peut ainsi intervenir rapidement et engager un dialogue.»

C’est une responsabilité supplémentaire pour le supé rieur hiérarchique. Ingrid Larik souligne l’importance du rôle de facilitateur des responsables. «Les employés n’osent se livrer et nommer les problèmes que lorsque ce climat de communication ouverte règne et que le comportement du manager est exemplaire.»

EVOLUTION POSITIVE

Pour Eva Deschans, les managers doivent d’abord s’oc cuper de leur propre bonheur au travail. «Ils doivent sa voir d’où ils tirent leur énergie, où se trouvent leur centre d’intérêt, leur but et leur bonheur, et le partager avec les membres de leur équipe. Ils doivent leur communiquer clairement les objectifs, la mission et les attentes. Les res ponsables ne doivent pas avoir peur de se montrer vulné rables et d’admettre qu’ils ne savent pas tout. Cela crée une sécurité psychologique pour les autres.»

Ilse Claes voit à cet égard une évolution positive dans le monde de la construction. «Un changement s’est opéré dans notre monde plutôt masculin. Nos responsables de chantier – souvent costauds – ont appris à exprimer leurs sentiments. Cela marque un véritable progrès.»

La pandémie a également entraîné des changements, ajoute Siviglia Berto. «On accorde davantage d’impor tance au bien-être et au bonheur au travail. Dans des conditions de travail difficiles, le rôle du responsable est devenu encore plus important. Il devient la pièce maîtresse de toute forme de bien-être dans l’équipe. Je pense que l’importance de ce rôle de coach va accroître à l’avenir.»

FLEX INCOME PLAN

Pour Eva Deschans, le Flex Income Plan est la clé du bien-être et du bonheur au travail. «Il devrait contenir des volets qui renforcent le bien-être. J’en reviens à nouveau au rôle de facilitateur du service RH. L’employeur fait des propositions et l’employé choisira parmi elles. Autant lui

soumettre de quoi améliorer son développement person nel et son bonheur et négliger les nouvelles jantes pour la voiture de société.»

Siviglia Berto espère qu’il sera possible de dégager un budget bien-être à l’avenir. «Vous choisissez des pro grammes qui vous apprennent à faire plus d’exercice, à manger plus sainement ou à mieux dormir et d’autres choses qui vous procurent plus de bonheur.»

Nancy De Coensel voit apparaître des coachs de car rière internes et externes dans les organisations. «Ils encou ragent les employés à travailler de manière proactive sur leur bonheur au travail. Il s’agit d’une évolution positive.»

Chez Democo, le département du personnel paie luimême les séances avec le psychologue si les collaborateurs en ont besoin, ajoute Ilse Claes

DES LA PHASE DE RECRUTEMENT

Le bonheur commence dès le recrutement. Sur ce point, les experts présents autour de la table sont d’accord. Siviglia Berto: «Les personnes doivent avant tout s’identifier à la culture de votre entreprise. Ne mettez pas trop d’exigences concernant le poste dans vos offres d’emploi, mais évoquez plutôt vos valeurs. C’est pour cette raison que je préconise le recrutement par des employés au sein de votre entreprise. Ils savent si un candidat correspond à la culture.»

Cela fait longtemps que Nancy De Coensel ne propose plus des profils qui remplissent toutes les cases à ses clients. Elle examine les points forts de la personne et du client. «Nous sortons des sentiers battus et suggérons des candi dats qui correspondent à la culture et sont complémentaires au responsable et à l’équipe. Parfois, le profil du candidat proposé est très différent de ce que le client avait initiale ment en tête. Une bonne concertation fait que le client ose passer le pas et cela procure une grande satisfaction par la suite lorsque les clients font à nouveau appel à nous.»

Elke Vandewalle met surtout l’accent sur la culture. Elle organise des actions de team building et se concentre sur les responsables. «Pourtant, il est souvent difficile d’obtenir l’adhésion de tous lorsque, comme nous, vous travaillez de manière décentralisée.»

Conclusion d' Eva Deschans: «Agir en faveur du bon heur au travail n'est pas une initiative isolée. Cela fait par tie d'une politique globale du bien-être qui se traduit par une diminution du stress, des maladies et par une aug mentation de la motivation et de la cohésion. L'investisse ment en vaut donc la peine.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 23
«La culture est essentielle, de même que la qualité des collègues.»
Elke Vandewalle, HR Manager de Beliving (Overstock)

Les valeurs et la culture, boussoles du recrutement?

«Hire for attitude, train for skills.» On connaît le cliché. Il n'est pas facile cependant de vérifier pendant le processus de sélection si quelqu'un correspond à votre culture, endosse sincèrement vos valeurs.

«En réalité, cette technologie utilise des algorithmes qui proviennent des sites de rencontre. Ils cherchent une relation entre deux personnes, ce qui n'est pas la même chose que l'adéquation entre un individu et une organisation. Je pense que les outils de mesure ne sont pas encore au point. Il ne faut pas non plus sousestimer la complexité de ce que vous mesurez. Le problème de la culture, c'est qu'il en existe de nombreuses définitions.»

DEUX MODELES

Dirk Buyens distingue deux modèles. Le premier est celui de l'accord entre la personne et l'organisation, qui examine la correspondance des valeurs de l'une et l'autre. «Les us et coutumes de l'organisation correspondent-ils à ceux de l'individu? Est-il possible de les associer?»

«Veillez à ce qu'il n'y ait pas de désaccord entre la personne et la réalité de l'entreprise.»

Dirk Buyens

Des notions comme les valeurs ou la culture sont complexes à appréhender. Récemment, Dirk Buyens, professeur de la Vlerick School, a réuni plusieurs responsables RH pour étudier ces concepts. Comme il l'a dit, il faut d'abord accepter qu'il est délicat de mesurer ces phénomènes. La technologie peut apporter une aide précieuse. Elle est en effet capable de traiter une masse de données pour élaborer des modèles qui prédiront l'adhésion à la culture.

L'ASA (attraction-selection-attrition) est un autre modèle, qui s'appuie sur les objectifs de l'organisation. «Imaginons qu'une entreprise veuille se développer à l'étranger. Comment cette intention sera-t-elle mise en pratique au niveau du futur collaborateur? Quelle attitude devrat-il avoir? Ces objectifs peuvent avoir une influence sur l'attraction, la sélection et les buts personnels qui agissent sur le taux de rétention.» L'un et l'autre modèle ne conviennent

HR magazine / Octobre 2022 24
texte: patrick verhoest ACCORD OPERATIONS
ID
— FONCTION Professeur en GRH de la Vlerick Business School
Dirk Buyens

«Les prestations du salarié, son envie de rester et son bien-être sont liés à la concordance entre les valeurs de l'entreprise, de l'équipe et du manager.»

pas nécessairement à toutes les entreprises. «Il faut faire l'essai en fonction de ce que veut obtenir l'organisation. Veillez en tout cas à ce qu'il n'y ait pas de désaccord entre la personne et la réalité de l'entreprise.»

UNIFORMITE

En effectuant de mesures concrètes au niveau des valeurs ou de l'attitude, les entreprises se heurtent au risque de l'uniformité. «Par exemple, une organisation qui recherche des personnalités assertives peut être limitée dans son action, notamment par rapport à ses clients. Elle ne pourra plus s'adresser à certains d'entre eux parce qu'elle s'oriente vers un groupe cible en particulier.» Quand on s'adresse à des personnes qui n'ont jamais travaillé et à d'autres qui ont déjà de l'expérience, on ne peut pas utiliser les mêmes

instruments pour évaluer l'accord culturel. «C'est l'employeur qui définit la façon dont le travail se présente chez lui», affirme Dirk Buyens. «Disons que pour vous, l'autonomie est essentielle et que vous trouvez votre premier emploi chez Procter & Gamble. C'est l'entreprise qui fixera ce que signifie l'autonomie pour elle. Si après une dizaine d'années, vous allez voir ailleurs et que vous vous adressez à Mondelez ou à Unilever, il est possible que ces organisations aient une idée très différente de l'autonomie. Il est alors probable que vous ne vous y sentirez pas bien, même si vous pensiez qu'il y avait un accord culturel.»

BRIDGESTONE: ACCORD SUR LES VALEURS

Bridgestone ne croit pas à l'accord sur la culture mais à l'accord

sur les valeurs. La culture est déterminée par ce qui se voit, par la personnalité des individus et par les valeurs. Ce n'est jamais un ensemble uniforme. Wim Van der Meersch, CHRO de Bridgestone, pense qu'il est difficile de déterminer ce qu'il faut analyser pour parler d'accord culturel. «L'attitude? Pas sûr, parce que sa prévisibilité dans les assessments est relative. La personnalité? Pas vraiment non plus, parce que cela n'a aucun sens d'engager toujours les mêmes profils. Sous peine de perdre en diversité. Et que faitesvous de la culture à laquelle aspire le candidat? Si quelqu'un qui possède certaines compétences et certains savoir-faire ne trouve pas dans son nouvel environnement ce qu'il espérait, il partira. Ces erreurs sont très coûteuses, pour l'entreprise et pour le travailleur.»

Wim Van Der Meersch préfère l'accord sur les valeurs. Qu'est-ce qui est important pour un individu dans son environnement de travail? Ses priorités correspondent-elles à celles des autres collaborateurs et des managers? «Je veux avoir de l'autonomie dans mon travail. Si mon manager estime aussi que l'autonomie est essentielle, il est fort probable que je sois satisfait dans cet environnement, que j'y travaillerai avec plaisir et que j'aurai de bons résultats. Il y aura ainsi plus de respect mutuel, moins de frictions et plus de motivation. Ce qui débouchera automatiquement sur de meilleurs résultats. Les prestations du salarié, son envie de rester et son bien-être sont liés à la concordance entre les valeurs de l'entreprise, de l'équipe et du manager.»

Octobre 2022 / HR magazine 25
— FONCTION
ID
Wim Van der Meersch Chief Human Resources Officer de Bridgestone

AVEC L'AIDE D'UNE START-UP

Pour comparer les valeurs, Bridgestone fait appel à Twegos, une start-up belge. «Les résultats sont bluffants», assure Wim Van Der Meersch. «En recrutant sur les valeurs, nous avons diminué notre taux de départ de 22%, nous avons éliminé 22% du temps que nous consacrions au screening des candidats, nous avons augmenté la qualité des entretiens de fonctionnement de 12%, les absences pour maladie ont baissé de 28% et nous avons économisé une quantité énorme de temps en interview.»

On lui pose souvent une question: est-il possible de préserver une certaine diversité quand on recrute sur les valeurs? «Pour moi, cet argument n'est qu'un prétexte pour ne rien faire. Ce n'est pas parce que vous partagez certaines valeurs avec votre manager que vous ne pourrez pas avoir votre personnalité et vos idées à vous, être d'un autre genre ou d'une autre origine.»

ARGENTA: CULTURE ET VALEURS

De son côté, dans son processus de recrutement, Argenta recherche autant l'accord sur la culture que sur les valeurs. Autrefois, la banque embauchait des travailleurs essentiellement sur la base de leurs compétences pour une certaine fonction. Elle accorde aujourd'hui beaucoup plus d'importance à la relation à long terme avec ses salariés. «Nous voulons qu'ils se sentent bien dans notre organisation pour qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes», assure Tom Jonkers, responsable de la gestion des talents d'Argenta. «Il est donc

important qu'ils partagent avec nous certaines valeurs et qu'ils aient une certaine attitude.»

PREMIERE PRISE DE CONTACT

Ce recrutement sur les valeurs, la banque le pratique depuis de nombreuses années. Mais la manière de faire a évolué. Il y a huit ans, Argenta a été l'une des premières banques belges à utiliser l'outil Company Match, qui rapproche d'une entreprise ceux qui cherchent un emploi. «Un peu plus tard, nous avons publié cet instrument dans notre site en y ajoutant quelques questions spécifiques à Argenta.

Ceux qui cherchent un emploi de façon latente peuvent ainsi découvrir notre entreprise», explique Tom Jonkers. Depuis trois, l'entreprise recommande à ceux qui ont rendezvous pour un entretien de compléter au préalable ce questionnaire.

Grâce à cet outil, Argenta est en mesure d'évaluer si le candidat correspond à sa culture. «De son côté, le candidat peut apprendre à connaître notre culture pour vérifier qu'elle lui convient.» Argenta ne respecte pas strictement les recommandations du programme. Ceux qui obtiennent moins de 70% sont malgré tout invités. «Si l'on privilégie l'efficacité, l'application stricte d'un filtre pourrait être un bon choix. Dans ce cas, il faudrait cependant que la valeur prédictive du questionnaire soit scientifiquement établie. Nous le voyons plutôt comme une première prise de contact. Nous recherchons surtout des collaborateurs qui ont envie de progresser, qui sont capables d'évoluer pour affronter le changement qui est devenu une constante.»

Depuis qu'Argenta travaille intensivement sur l'accord culturel, la banque n'a pas vu nécessairement augmenter l'afflux de candidats. «Nous observons cependant que la qualité de l'accord est plus élevée. Nous rencontrons des personnes qui ont vraiment envie de travailler pour nous.»

PIEGES

Argenta a consacré du temps et de l'énergie pour parvenir à une définition collective de l'accord culturel. «Cela ne veut pas dire que nous ne voulons que des clones dans nos rangs. La proximité est l'une

de nos valeurs. Nous permettons à chacun d'être lui-même. L'inclusion fait partie de notre ADN.»

En d'autres termes, l'accord culturel n'est pas du prêt-à-porter. «Nous

Tom Jonkers

HR magazine / Octobre 2022 26 ACCORD OPERATIONS
ID
— FONCTION Talent Manager d'Argenta
«Nous recherchons des collaborateurs capables d'évoluer pour affronter le changement, devenu une constante.»
Tom Jonkers

«Dans un contexte de changement constant, on ne peut se braquer sur les valeurs, qui sont statiques. Il faut préférer la culture, une donnée dynamique.»

faisons aussi attention à l'apport de la diversité. En attirant des profils différents, nous obtenons une dynamique totalement nouvelle qui nous amène d'autres idées, des innovations, de la créativité et un état d'esprit créatif et critique. Nous cherchons des salariés qui nous correspondent et peuvent nous enrichir. Même si nous ne savons pas encore aujourd'hui ce qu'ils pourront nous donner demain.»

MICROSOFT: CULTURE ET VALEURS

Dans ses recrutements, Microsoft essaie aussi de parvenir à l'accord sur la culture et les valeurs. L'entreprise constate que le type de compétences dont elle a besoin a fortement évolué. D'où l'importance pour les candidats de posséder l'envie de progresser. «Nous ne recrutons plus uniquement en nous basant sur les compétences présentes. Nous cherchons des individus qui ont envie de grandir, d'évoluer, d'apprendre. Raison pour laquelle nous nous basons sur notre culture», explique Veerle Dero, Talent Acquisition Director. «Nous préférons consacrer notre temps à les former pour qu'ils acquièrent des qualifications techniques au lieu d'essayer de les intégrer dans notre culture.»

Cette culture est en évolution constante. «Tous ceux qui nous rejoignent impriment leur marque.

Je le vois aussi dans mon équipe constituée d'une trentaine de personnes venues de différents pays européens. Je suis la seule Belge. L'équipe est constituée d'hommes et de femmes, qui ont connu des expériences, des formations et des cultures différentes. Cela crée une certaine dynamique. Toute nouvelle

recrue modifie les comportements dans l'équipe et la manière dont nous voyons les choses.»

Veerle Dero place la culture au-dessus des valeurs. Elles les considère comme faisant partie de la culture. «Le marché de l'emploi et la manière dont les salariés travaillent ensemble ont évolué ces deux dernières années. Dans ce contexte, on ne peut se braquer sur les valeurs, qui sont statiques. Il faut préférer la culture, une donnée dynamique.»

SCREENING IN

Dans sa politique de recrutement, Microsoft parle de screening in. «Nous analysons de façon très large les éléments dont quelqu'un a besoin pour effectuer tel travail. Quand nous avons besoin d'un manager de projet, nous examinons son profil extensivement, son expérience, ses hobbys, son engagement sociétal par exemple dans l'école de ses enfants

ou dans une équipe de foot. Nous avons dû inculquer à nos recruteurs ce nouvel état d'esprit.»

Les préjugés inconscients constituent l'un des problèmes. Dans leur quête de collaborateurs, les responsables du recrutement admettent être parfois guidés par ce qu'ils sont eux-mêmes. Raison pour laquelle Microsoft utilise des hiring squads, des équipes de deux, trois ou quatre intervieweurs. «Chacun d'entre eux pose des questions sur deux éléments, la culture et les compétences par exemple ou la gestion de projet et l'inclusion», explique Veerle Dero. «Ils posent les mêmes questions pour qu'à la fin du processus, tous les candidats soient évalués sur les mêmes bases. Pour nous, il est important de traiter le processus avec tout l'objectivité requise. Cela peut paraître un peu rigide mais nous voulons étudier le background des candidats en profondeur.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 27
ID Veerle Dero — FONCTION Talent Acquisition Director de Microsoft

Employeurs et employés: le grand écart

Pour Denis Pennel, directeur général de la World Employment Confederation, il se passe visiblement quelque chose dans le marché du travail. Les signaux d'alarme se multiplient: Great Resignation, Great Reshuffle, Great Attrition, Great Reevaluation, Quiet Quitting Autant de symptômes d'un profond malaise. Provoqué par une grande divergence entre les attentes des salariés et celles des entreprises.

Tous les mouvements qui agitent le marché de l'emploi ne sont pas nécessairement lisibles au premier degré. «Ainsi, aux États-Unis, la grande démission par exemple est une tendance de fond, aggravée par la pandémie mais bien présente déjà dès 2011», explique Denis Pennel. «De plus, ces démissionnaires sont nombreux à ne plus réintégrer le marché du travail. On note aux USA un excès de départs à la retraite par rapport aux prévisions.»

Et la grande attrition? Dans les pays anglo-saxons, une étude révèle que 40% des travailleurs affirment qu'ils pourraient probablement ou très probablement quitter leur job dans un avenir proche. «On en reste ici au stade des intentions mais l'anomalie est perceptible.» L'expert pourrait multiplier les exemples de paradoxes. Il est en effet persuadé d'une chose: on ne peut parler d'effets de mode. Il s'agit plutôt de symptômes d'un grand malaise. Ce malaise,

Denis Pennel l'appelle la Grande Divergence. Le grand écart entre les attentes des travailleurs et celles des entreprises.

LE TRAVAIL A CHANGE

Bien sûr, la pandémie est passée par là. Avec ses conséquences directes, comme la pénurie de main-d'œuvre. Elle est devenue le problème numéro un des entreprises. Dans les pays du G7, 69% des employeurs affirment éprouver des difficultés à recruter.

Mais le travail lui-même a changé, une évolution de longue haleine, qui n'a pas été provoquée par le coronavirus mais qu'il a sans doute accélérée. Ainsi, la longueur des carrières dans les entreprises ne ressemble plus à ce qu'elle était il y a trente ans. «Au début de ma vie professionnelle, je pouvais envisager de compter huit ou neuf employeurs jusqu'à la retraite. Un jeune d'aujourd'hui peut travailler

pour huit ou neuf sociétés, mais en même temps. Sous des statuts divers, comme indépendant à titre complémentaire, comme free-lance, comme salarié à temps partiel, etc. À tel point que l'on peut se demander s'il a encore des employeurs et non plutôt des clients.»

DIFFERENCES D'APPRECIATION

En réalité, la pandémie n'a pas créé de nouvelles tendances, elle en a accentué certaines qui existaient déjà. «Elle a creusé l'écart entre les attentes des uns et des autres.» Un exemple de cette différence d'appréciation: la popularisation du télétravail grâce au coronavirus a enthousiasmé les dirigeants d'entreprises qui ont vu dans ces nouvelles formes de collaboration le creuset d'une créativité revitalisée. «Du côté des salariés, cette conception n'entre pas vraiment en résonance.» Une étude d'Adecco Group montre sur

IDDenis Pennel

général de la World Employment Confederation (la fédération mondiale des services en ressources humaines)

HR magazine / Octobre 2022 28
texte: FRANÇOIS WEERTS / photos: saskia vanderstichele
MARCHE DU TRAVAIL OPERATIONS

«Les désirs des travailleurs se heurtent à ceux de leur employeur.»

Denis Pennel

ce point que les leaders sont 59% à penser que la collaboration est plus riche aujourd'hui, contre 38% des managers et 21% seulement des salariés.

Le malaise est profond, répète Denis Pennel. Il se manifeste aussi sur des points essentiels. Les formations? 69% des leaders sont convaincus qu'ils libèrent les ressources nécessaires pour les organiser. 31% des salariés seulement sont du même avis. Écart très comparable quand il s'agit de la façon dont l'entreprise s'occupe du bien-être mental de ses collaborateurs…

Au fond, les désirs des travailleurs se heurtent à ceux de leur employeur. La flexibilité? Pour les salariés, c'est la possibilité d'organiser librement leur temps de travail. Pour les employeurs, il s'agira plutôt de gérer les incertitudes RH, comme les pointes d'activité saisonnières, les

maladies, etc. L'autonomie? Pour les uns, il s'agit d'acquérir une nouvelle liberté. Pour les autres, on reste dans le contrôle et les procédures.

D'une manière générale, les salariés privilégient leur bien-être et leur développement personnel. Les entreprises cherchent la résilience, veulent gérer les changements et préserver leurs profits. Bien sûr, ces divergences sont sources de frustrations.

Le sens du travail, tous les employeurs en parlent. Denis Pennel se demande cependant si ce critère est vraiment fondamental pour les travailleurs. McKinsey a répertorié les raisons qui ont conduit des salariés à démissionner. Le manque de sens dans le travail arrive en quatrième position. Et quand on demande aux salariés ce qu'ils apprécient le plus dans leur job, le sens arrive en septième position, bien après la stabilité, le salaire, l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle… Autrement dit, alors que les employeurs mettent l'accent sur ce fameux sens, leur personnel ne semble pas y accorder la même importance. Toujours la divergence.

QUELLES CONSEQUENCES DE LA PANDEMIE?

Les changements provoqués par la pandémie ne sont pas tous des surprises. Certains étaient déjà en germe, comme le travail à distance. Ou la numérisation des métiers. On peut y ajouter le travail hybride (y compris dans ses formes contractuelles) ou la polarisation du marché du travail avec le risque de déclassement qui pèse sur les cols blancs moyens.

«Bien sûr, il y a des impacts nouveaux qui rendent la situation beaucoup plus complexe à maîtriser. D'abord, dans ce contexte d'incertitude, on ne pratique plus le just-in-time mais le just-in-case, c'est-à-dire que la gestion du risque a pris le dessus. Il faut réinventer les interactions sociales dans un contexte professionnel où l'on continue à travailler à distance. Le bien-être n'a jamais été aussi important. Et il faut passer de l'évaluation du travail basée sur les heures passées au bureau à une évaluation centrée sur les résultats.

On assiste également à des retours de pendule. C'est le cas de l'Étatprovidence qui connaît un regain de popularité. Par ailleurs, la croissance n'est plus une donnée incontestée, on parle maintenant davantage de résilience. Et on s'aperçoit de l'importance de relocaliser la production de certains biens. Enfin, dans ce nouvel environnement, l'échange international de main-d'œuvre s'est réduit.

Bref, dans ces temps de pénurie, les entreprises devraient se montrer plus attentives. D'abord, pour mieux comprendre les besoins réels des candidats (et de leurs propres travailleurs). Ensuite, elles doivent aussi moduler leurs exigences. «Les offres d'emploi s'adressent toujours aux mêmes profils. Il faut être plus imaginatif.» ¶

Enquêtes citées

The Adecco Group – Resetting Normal: Defining New Era of Work – June 2021

McKinsey 2022, Great Attrition, Great Attraction 2.0 global survey.

Octobre 2022 / HR magazine 29

NUMÉRISATION: «IL N’Y A PLUS D’EXCUSES»

Les experts réunis autour de notre table ronde sont tous des spécialistes des ressources humaines et des données. Ils travaillent pour des organisations RH qui sont en pleine numérisation. Ils ne voient plus d’excuses pour que la GRH ne se mette pas à utiliser les données.

HR magazine / Octobre 2022 30 TABLE RONDE TECH
texte: patrick verhoest / photos: wouter van vaerenbergh

De gauche à droite David Van de Sype, Group HRIS-Manager HR-Technologie de Mitsubishi Chemical Group, Jim Clijmans, Marketing Manager d'United Consulting, Tom Mentens, HR Transformation Consultant de Flexso for People, Amedee Audooren, Directeur Enterprise Architecture & Innovation du VDAB

David Van De Sype (Mitsubishi Chemical Group) ne croit pas en une stratégie numérique indépendante qui se concentrerait uniquement sur l’aspect technologique. «Je plaide pour une approche numérique envisagée sous quatre angles: la technologie, les données, les processus et les personnes. Tout cela dans le cadre d’une vision qui a pour but de rendre les opérations plus efficaces, plus simples, moins chères et plus attirantes.»

Les participants de notre table ronde consacrée à la stratégie numérique connaissent des départements RH qui ne travaillent pas encore avec des données ou dans lesquels une stratégie numérique n’a pas encore été élaborée. Pour tant, il n’y a plus aucune raison de ne pas relever ce défi, estime Tom Mentens (Flexso for People). Il constate en core un certain immobilisme de la part des départements RH. Les organisations n’agissent souvent que lorsque la continuité de leurs ressources humaines est menacée ou lorsqu’un besoin de changement radical se fait sentir, notet-il. «Les entreprises commencent alors par numériser un département, par exemple, pour correspondre à leur

marque d'employeur. Cette dernière se définit non seule ment à partir de l’idée que l’on se fait d’une fonction, mais aussi de l’environnement de travail. Autrement dit, il est préférable d'avoir une cohérence entre le positionnement d'un employeur à l’extérieur et la façon dont les processus fonctionnent à l’intérieur. Sinon, celui qui se retrouverait dans un environnement non numérisé risquerait fort d'être déçu. Ce qui rendra l’attraction de nouveaux collabora teurs plus difficile à long terme. Un autre élément plaidant pour un changement radical est une technologie existante — éventuellement obsolète — dont les licences expirent et qui ne donne pas réelle satisfaction. Il s’agit d’un moment idéal pour repenser l’une ou l’autre chose en profondeur.»

TRAITEMENT RESPONSABLE DES DONNEES

Le VDAB est avancé dans l’utilisation intelligente des données. Amedee Audooren, directeur du département Architecture et Innovation, appelle à une utilisation ré fléchie des données. «En tant qu’entreprise, cela fait déjà

Octobre 2022 / HR magazine 31

trente ans que nous sommes passés de systèmes manuels (le bac à fiches) à la numérisation des informations, c’està-dire des données. Cela s’applique à tous les domaines, y compris aux ressources humaines. Ce que le VDAB s’ef force de faire pour ses clients (trouver et proposer un em ploi adéquat, offrir la bonne formation), il le fait aussi en interne pour ses collaborateurs. La masse de données (big data) qu’elle capte au cours de ce processus sert à aider les gens, et non à en tirer un profit. Pour chaque projet que nous lançons et qui implique des données, nous travaillons avec un outil d’évaluation de l’impact sur la vie privée que nous soumettons à notre Data Privacy Officer. Une équipe examine d’un œil critique les questions relatives aux don nées et, si nécessaire, les soumet au comité de direction. Leurs conseils sont rigoureusement suivis. Le traitement responsable des données fait partie intégrante de nos pro cessus.»

TRANSPARENCE

Pour le client-utilisateur, le VDAB est très transparent en matière de données. Si le client veut ignorer les entreprises sponsors qui sont présentées en premier, il peut sélection ner les cookies correspondants. Le VDAB traite égale ment de manière intelligente la masse de données recueil lies. L’objectif est de récolter de nouvelles informations sur le marché du travail et d’obtenir de meilleures offres d’emploi. C’est la raison pour laquelle l’intelligence arti ficielle est déjà mise au service des données. «Cependant, nous continuons à mettre tout ce qui concerne les données et le numérique au service de l’humain», déclare Amedee Audooren. «Je conseille à tout le monde d’utiliser les don nées de manière réfléchie et de s’en servir pour améliorer les processus de décision des travailleurs.»

FACTEUR HUMAIN

Que les données tiennent compte de l’aspect humain, c’est le credo de Jim Clijmans, Marketing Manager d'United Consulting. Pour lui, la numérisation et l’utilisation des données doivent toujours rester centrées sur l’humain et rester en accord avec les valeurs et la personnalité de l’organisation. «Nous avons beaucoup grandi, mais nous demeurons une entreprise familiale. Notre force réside dans notre indépendance et, surtout, dans notre approche personnalisée et humaine. Des qualités que nous voulons préserver à l’ère des données et de la numérisation. C’est pourquoi nous avons pris la décision délibérée, en interne,

de ne pas tout automatiser dans l'expérience des salariés et des candidats, même si nous pouvions le faire. Nous uti lisons énormément d’analyses de données et d’automatisa tion numérique, mais à chaque moment de contact impor tant, nous faisons en sorte qu’une personne de confiance est prête à interagir.»

STRATEGIE NUMERIQUE EXTERNE

Jim Clijmans considère que la culture de son organisation, qu’il qualifie de personnalisée, enthousiaste, créant du lien et humaine, est l’un des atouts pour les candidats. «Nous ne manquons aucune occasion de communiquer à ce sujet vers le monde extérieur. Nous le faisons grâce à des témoi gnages (people stories) authentiques sous forme de vidéos, de photos et de textes. Grâce à ces mini-campagnes, nous attirons les bonnes personnes qui correspondent à notre ADN. De plus, nos témoignages sont largement relayés et partagés par nos 600 consultants. Nous n'utilisons pas de campagnes de publicité payante ou de re-marketing. Cela ne correspond pas à ce que nous sommes. Nous vou lons simplement que les gens apprennent à mieux nous connaître parce qu’ils en ont eux-mêmes envie. Pour cela, il est important que vos collaborateurs soient enthou siastes. Ils deviennent nos ambassadeurs, faisant ainsi la promotion de notre groupe de consultance. Ces commu nautés se renforcent mutuellement en permanence.»

ATTENTION AUX CHATBOTS

Jim Clijmans recommande de se montrer prudent, no tamment par rapport aux chatbots. «Nos collaborateurs ne doivent jamais avoir le sentiment d’être des numéros. Cela ne nous empêche pas de travailler pleinement avec des données et de numériser ce que nous pouvons. Mais toujours dans le but d’offrir au salarié une meilleure ex périence.»

Reste la question de savoir comment s’y prendre. Tom Mentens préconise de définir une stratégie RH à long terme, dont découlera un plan de numérisation. «Cette stratégie peut, par exemple, consister à rechercher une plus grande efficacité. Ainsi, nous voulons passer du temps avec nos clients et ne pas nous épuiser dans la paperasse. L’efficacité peut représenter un gain de temps, mais aussi laisser plus d’espace pour les tâches importantes.»

L’approche de Flexso for People permet de créer non seulement une GRH numérique, mais aussi une flotte numérique, des finances numériques et une administra

HR magazine / Octobre 2022 32 TABLE RONDE TECH
«Lorsque nous réalisons un business case, nous nous adressons au CEO et au CIO pour leur montrer ce que l’on peut retirer de la numérisation.»

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LES PRINCIPES DE BASE DE LA NUMÉRISATION

Si vous voulez vous lancer dans la numérisation et viser une approche efficace, David Van De Sype vous fournit quelques principes clairs comme de l’eau de roche.

• Single source of truth. Conservez vos données de base dans un seul endroit et assurez-vous qu’elles sont correctes et complètes.

• Share – unless. Au lieu de tout protéger, il est préférable de laisser vos données circuler librement, à l’intérieur et peutêtre même à l’extérieur de l’organisation. Assurez-vous de tenir compte des règles de sécurité, du RGPD et de conformité.

• Simplify where possible. Gardez tout aussi simple que possible et simplifiez encore lorsque c’est possible. Et aussi: bien, c’est assez bien. La règle des 80-20 % revient souvent: une petite partie du champ d’application crée une grande complexité et rend les processus difficilement gérables.

• Employee experience first. Faites en sorte que tout soit aussi convivial et intuitif que possible, car sinon vous obtiendrez des outils compliqués qui ne seront pas utilisés.

• Digital process approach. La numérisation d’un processus RH ne peut être un simple copier-coller d’un processus tel qu’il existait auparavant.

• Data driven HR. Fondez vos décisions sur des données: nous en sommes encore loin en matière de ressources humaines. L’intuition reste importante, mais les données permettent d’objectiver, et même de prévoir certaines choses.

• Future proof. Lorsque vous démarrez le processus de numérisation, veillez à ce qu’il soit intégré dans votre paysage informatique. Ne mettez pas en œuvre des outils sans examiner comment ils s’intègrent à vos systèmes informatiques existants. Utilisez les normes existantes pour échanger des données et relier les outils.

• Proven solutions. Recherchez les solutions les plus courantes et les plus efficaces du marché qui ont démontré leur valeur ajoutée numérique.

• Executive support. Envisagez l’intégration dans votre organisation en recrutant un Chief Data Officer, qui assurera la gestion depuis le plus haut niveau et contribuera au suivi des questions mentionnées plus haut.

tion numérique. «Ce processus permet d’accroître l’en gagement des collaborateurs. Une vague de numérisation émerge donc d’une vision RH. Tout cela a un impact sur l’expérience. La question est cependant de savoir qui de vrait être le chef de file de cette évolution.»

EQUILIBRE

La numérisation de la GRH ne signifie pas seulement auto matiser les demandes de congé et trouver la bonne forma tion. «La résolution des problèmes liés aux PC et aux voi tures est également concernée», continue Tom Mentens «Nous numérisons tout. Lorsque nous réalisons un bu siness case, nous nous adressons au CEO et au CIO pour

leur montrer ce que l’on peut retirer de la numérisation. Nous quantifions les avantages, même si cela n’est pas toujours facile pour les questions liées aux ressources hu maines.» En définitive, il faut trouver un équilibre entre le numérique (par exemple, travailler avec un chatbot) et l’humain, par exemple, un entretien de qualité. «Nous visons le phygital, une combinaison de physique et de di gital. Quand on y parvient, on obtient un effet positif sur l’expérience des collaborateurs.»

PROFILS

Le département des ressources humaines doit-il investir à l’avenir dans des profils hautement technologiques? David Van De Sype ne le pense pas. «Les outils deviennent de plus en plus conviviaux. Il n’est pas nécessaire de com prendre le fonctionnement d’un téléphone pour l’utiliser. Il en va de même pour de nombreuses applications avec lesquelles vous travaillez. Je constate le même phénomène dans la technologie des analyses RH, la numérisation des processus et les analyses prédictives. Beaucoup de choses sont prêtes à l’emploi et conviviales, et peuvent être mises en œuvre très rapidement dans votre organisation.» Tom Mentens est du même avis: «En tant que professionnel des ressources humaines, vous devez avoir une compréhension de ce qui existe en matière de pratiques numériques plu tôt que de posséder une technicité informatique. Ce sont deux choses différentes. Nous aidons les gens à établir des feuilles de route numériques et à fournir des solutions RH sans que tout le monde comprenne tout ce qui se cache derrière.»

INTUITION

Les ressources humaines reposent encore sur l’intuition. Jim Clijmans le sait bien. «Il m’est déjà arrivé de recruter des personnes en me basant sur mon ressenti, alors que sur le papier, le bon candidat ne s’était pas immédiatement démarqué.»

Tom Mentens: «L’intuition doit être étayée par les données et les analyses. La GRH doit encore faire des progrès dans ce domaine. Vis-à-vis du comité de direction, il est préférable d’utiliser les outils qui permettent d’éliminer l’intuition et de la remplacer par des décisions scientifiques et fondées sur des données. Cela ne fera que renforcer la crédibilité de la GRH. Vous pourrez alors assumer votre position à la table où sont prises les décisions.» ¶

Octobre 2022 / HR magazine 33

Les situations fortes font naître les bons comportements

Dans les situations fortes, les salariés connaissent les comportements que l'on attend d'eux et qui seront valorisés. Dans une situation faible, les signaux sont confus et ambigus. Attention: il faut aussi faire attention aux messages implicites. Que dit la science à ce sujet?

J'ai discuté récemment avec deux professionnels de la GRH. La première m'a avoué qu'elle avait beaucoup de mal à faire revenir ses collaborateurs au bureau. L'autre s'en est étonné parce que chez lui, l'organisation du télétravail était claire et chacun appliquait les consignes. La discussion s'est engagée sur l'importance du lieu de travail comme espace de rencontres, le sentiment d'appartenance et le besoin d'autonomie, les différences entre les générations et la hausse du coût de l'énergie. Quand je suis rentrée chez moi plus tard, j'ai pensé qu'il y avait une autre raison à cette différence d'opinions entre mes deux interlocuteurs. Dans l'entreprise de la première, on n'avait pas créé de situation forte alors que le deuxième en avait toutes les caractéristiques.

QUE DIT LA SCIENCE?

En fait, les «situations fortes» suscitent les comportements attendus, ce qui n'est pas le cas des

«situations faibles» (Mischel, 1973). Dans une situation forte, les gens ont une interprétation commune de ce que l'on attend d'eux et de ce qui est valorisé. On peut penser ici à un carrefour avec des feux rouges qui ne prêtent pas à confusion.

Dans une situation faible en revanche, ce que l'on espère de nous n'est pas clair. Ce sera le cas d'un croisement dont les feux de signalisation ne fonctionnent pas. Nous cherchons des signaux pour savoir quoi faire, nous les interprétons de manière différente et nous finissons par agir en ordre dispersé.

AMBIGUÏTE

Un système RH fort signale clairement à tous les salariés ce que l'on attend d'eux (Bowen & Ostroff, 2004). Des messages du sommet de l'entreprise aux discussions informelles avec les chefs d'équipe, en passant par les

entretiens de sélection avec les candidats, les entretiens d'évaluation et les instructions données aux freelances: tout indique clairement ce que réclame l'organisation de ses collaborateurs (Gill et al., 2018).

Dans un système RH faible, les signaux de l'organisation sont ambigus. Le CEO parle peut-être de responsabilisation personnelle mais les chefs d'équipe exigent que chacun soit au bureau quatre jours par semaine. L'entreprise promet un environnement dynamique à ses nouvelles recrues mais un collègue de la comptabilité reçoit un blâme parce qu'il est arrivé en retard un matin. Alors que les free-lances peuvent aller et venir comme ils le souhaitent. Les messages implicites sur ce que l'organisation attend de ses collaborateurs varient au cas par cas.

QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE POUR L'ENTREPRISE?

D'abord, il est important que les

«Un système RH fort signale clairement à tous les salariés ce que l'on attend d'eux.»

FONCTION

Professeure en psychologie des organisations de l’Antwerp Management School

HR magazine / Octobre 2022 34 TECH
CHANGEMENT
texte: kathleen vangronsvelt / photo: wouter van vaerenbergh
/QUE DIT LA SCIENCE?/

professionnels de la GRH soient sur la même longueur d’onde que la direction et les managers. Les experts RH peuvent rédiger de magnifiques politiques en faveur du travail hybride, si le CEO ne s'en soucie pas et si les managers continuent à n'en faire qu'à leur tête, cela ne servira pas à grandchose. Et peut même se révéler contre-productif. «Comment? La GRH me demande de travailleur deux jours par semaine à la maison? Alors que certains de mes collègues viennent au bureau tous les jours? Le département financier a même un espace bien aménagé, avec des photos personnelles, des plantes vertes…»

Dans ce cas, il est préférable de confier aux managers la responsabilité de l'organisation de leur équipe, sans imposer de directive stricte. Vous donnerez alors le signal clair que l'organisation du travail dépend de l'équipe dans laquelle vous opérez.

MESSAGES IMPLICITES

Par ailleurs, il est souvent intéressant d'examiner attentivement quels sont les messages implicites qui sont émis dans l'organisation. Si les initiatives visant à stimuler l'innovation s'accompagnent d'évaluations annuelles qui ne récompensent que les résultats, le message est ambigu. «Essayez tout ce que vous voulez, explorez de nouvelles idées, mais il faut que cela marche.» Autre message contradictoire: vous vantez l'esprit d'équipe mais vos équipiers croulent sous la charge de travail parce qu'ils se portent au secours de leurs collègues et que rien n'est fait pour les soulager. «S'entraider, c'est bien, mais mauvais pour ma santé.» S'apercevoir de ces messages implicites contradictoires et une première étape. Rééquilibrer ces signaux en est une deuxième.

C'est vrai, ce n'est pas facile, mais c'est exactement le prétexte parfait pour organiser des discussions sur la mission, les valeurs et l'identité. «Qu'est ce que nous voulons? Qu'est-ce qui est vraiment important pour nous?» ¶

RÉFÉRENCES

Bowen D.E. & C. Ostroff C. (2004). Understanding HRM–firm performance linkages: The role of the “strength” of the HRM system. Academy of Management Review, 29, 203-221

Gill, C., Gardner, W., Claeys, J. & Vangronsvelt, K. (2018). Using theory on authentic leadership to build a strong human resource management system. Human Resource Management Review, 28, pp. 304–318

Octobre 2022 / HR magazine 35

Heureux à la maison, heureux au travail

Une étude constate que ceux qui bénéficient de la compréhension de leurs collègues sont capables de s'occuper plus facilement de leurs responsabilités familiales. Un avantage qui se répercute positivement sur leur relation avec leur partenaire. Et par ricochet, sur leur travail lui-même.

Un salarié qui bénéficie du soutien et de la compréhension de son partenai re sera plus créatif et se montrera plus dévoué dans son travail. «On a déjà étudié ce genre de choses par le passé, mais d'une manière très générale», affirme Jakob Stollberger. Avec ses collègues Yasin Rofcanin et Mireia Las Heras, il a effectué des recherches approfondies sur l'interaction entre les situations professionnelles et privées des travailleurs. «Nous avons analysé très en détail la relation entre les partenaires d'une part, et le rôle du manager et des collègues d'autre part. Nous avons observé que l'amélioration de la qualité des rapports professi onnels fonctionne le mieux quand la relation amoureuse est caractérisée par un soutien inconditionnel entre les partenaires.»

UNE OREILLE BIENVEILLANTE

Dans ce triangle, les chercheurs ont constaté que l'impact des collègues est plus important que celui du ma-

nager. «Quand quelqu'un doit s'occuper par exemple d'un enfant malade à la maison, ses collègues accepteront plus facilement de prendre le relais», explique Jakob Stollberger.

En fait, les collègues se comprennent mieux entre eux parce que leur situa tion est comparable. Ils sont plus enclins à prêter une oreille bienveillante et à fournir un soutien émotionnel. Enfin, ils préfèrent généralement ne pas impliquer la hiérarchie pour éviter des problèmes éventuels et pour préserver les chances de carrière du parent en difficulté.

Mais que peuvent faire les managers? «Soutenir et stimuler ce soutien mutu el de leurs collaborateurs. Ils doivent faire en sorte que leurs équipiers puis sent trouver des solutions entre eux et s'entraider. L'entreprise doit en courager cette culture solidaire. Nos recherches montrent que les organisa tions en profitent directement grâce à l'augmentation du dévouement et de la créativité de leur personnel.»

«Les salariés préfèrent souvent ne pas impliquer la hiérarchie pour éviter des problèmes éventuels.»

L'ENQUÊTE

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260 couples hétérosexuels américains ont complété un questionnaire hebdomadaire pendant six semaines. Les deux partenaires ont répondu aux questions de leur côté. «Nous voulions savoir dans quelle mesure les salariés cherchent un soutien et auprès de qui. C'est une étude longitudinale intensive qui a enregistré des événements et leurs conséquences sur une longue période.»

Il est possible de mettre en place une politique structurée en la matière et de formuler des objectifs précis. Il est cependant important que les employeurs admettent que les relations amoureuses de leurs salariés appartiennent à leur sphère privée. ¶

Jakob Stollberger

HR magazine / Octobre 2022 36 VIE PRIVEE OPERATIONS
texte: peter ooms
ID
FONCTION Associate Professor Organizational Behavior (Vrije Universiteit Amsterdam)

La pandémie, les rapports professionnels et les relations affectives

La pandémie nous a fait envisager autrement le travail et la vie. C'est l'analyse d'Esther Perel, psychothérapeute belge installée à New York. Cette remise en cause prend cependant des formes différentes et peut aller jusqu’au divorce ou à la démission.

Les parallèles entre les relations professionnelles et les relations amoureuses sont devenues plus évidentes encore pendant la pandémie. «Certaines personnes ont perdu leur travail et ont été plongées dans l'insécurité», explique Esther Perel. «Pour d'autres, le travail a été un facteur stabilisant, il garantissait la continuité. En tout état de cause, deux mondes ont fusionné en un seul endroit: la maison. Ceci, alors que les routines sociales normales disparaissaient. Certains ont été surchargés, notamment parce que leur vie privée et leur vie professionnelle se chevauchaient. On a vu aussi apparaître la notion d'activités essentielles: nous avons tous pu nous rendre compte que nous dépendions de certaines personnes. Où est le superflu quand la survie est en jeu? Qui a pris le risque de continuer à travailler en dehors de chez lui pour améliorer la vie de ses concitoyens?»

DECONSTRUCTION DES RITUELS

La possibilité de travailler à distance a remis en question des pratiques bien installées. Esther Perel: «Nous avons commencé à nous demander si nous devions vraiment rester enchaînés à notre bureau jusqu'à la fin de nos heures ou jusqu'au moment où notre

patron rentrera chez lui. Cela a-t-il encore un sens? La question se pose quand nos tâches quotidiennes sont terminées, indépendamment du nombre d'heures à prester. Quelle est encore l'utilité d'un bureau physique? Et qui peut déployer ses compétences à distance? Ainsi, les thérapeutes n'ont pas vraiment besoin d'un divan, avec les rituels qui entourent leur intervention. Moi-même, j'ai pu proposer des thérapies au-delà des frontières. J'ai aussi dirigé des sessions avec des couples dont les deux partenaires n'étaient pas au même endroit. La déconstruction des rituels existants a été très fructueuse et a ouvert de nouvelles perspectives. Bizarrement, nous n'avons jamais été autant séparés physiquement et proches intimement. Les visioconférences me font entrer dans votre sphère personnelle, il y a des enfants qui pleurent, un chien qui passe, des petites choses qui enrichissent la rencontre. Nous avons été nombreux à nous asseoir sur la même chaise pour manger, travailler, avoir des contacts sociaux… Ce qui s'opposait à notre tendance naturelle à exercer nos activités dans des espaces spécifiques, avec des vêtements ad hoc, en respectant certains rituels, en utilisant des instruments appropriés… En temps normal, ces rituels encadrent la transition d'une activité à l'autre. Mais quand ils disparaissent, l'épuisement est une conséquence possible.»

RELATIONS DE QUALITE

Esther Perel risque une prévision. «Les guerres et les catastrophes fonctionnent comme des accélérateurs des relations. Les mariages augmentent, comme les naissances et les séparations. Une crise accentue toujours la conscience que nous avons de notre fragilité. Ce que vous pensiez pouvoir faire plus tard devient urgent. Par ailleurs, on assiste à une hausse des séparations parce que les gens n’ont plus la patience d’attendre que leur situation évolue. Ils découvrent pendant la crise qui les aide et qui les néglige. Et ils ne veulent plus rester dans ces relations. Cela vaut pour un mariage, mais aussi pour des amitiés, les relations professionnelles ou de voisinage. Ces temps incertains provoquent une certaine polarisation. Au lieu d'accepter que nous ne savons pas comment aller plus loin, nous nous rabattons sur de fausses certitudes. Et nous souffrons de ce que les anthropologues appellent la liminarité», constate Esther Perel. Nous sommes entre deux rituels, l'ancien et le nouveau, nous sommes dominés par l'incertitude. «Cette liminarité s'impose aussi aux relations. Certaines d'entre elles se renforcent, d'autres n'y résistent pas.»

Octobre 2022 / HR magazine 37 BRF
«Une crise accentue toujours la conscience que nous avons de notre fragilité.»
ID Esther Perel — FONCTION Psychothérapeute belge installée à New York

Le piège des mythes, des superstitions et des erreurs d'interprétation

Même si les travaux scientifiques ont réfuté de nombreuses allégations, nous succombons toujours aux mythes, aux superstitions et aux erreurs d'interprétation des modèles de formation. Clark Quin, expert en la matière, présente ces trois groupes dans son livre «Millenials, goldfish & other training misconceptions; debunking learning myths and superstitions».

Les mythes, le premier groupe d'erreurs de jugement, sont des convictions qui survivent obstinément malgré le fait qu'elles sont démenties noir sur blanc. Dans le contexte professionnel, ils sont plus fréquents qu'on ne pourrait le penser. Un exemple: les styles d'apprentissage, un mythe qui stipule que les individus sont visuels, auditifs ou cinétiques. Dans leur approche, les formateurs devraient donc tenir compte des préférences individuelles pour rendre leur formation efficace. Cette idée (erronée) remonte aux années 1970 avec Dunn and Dunn et leur Learning Style Model. Aujourd'hui encore, on retrouve cette philosophie dans le modèle de Kolb, ce qui provoque des débats féroces sur LinkedIn entre partisans et adversaires.

Une recherche menée par l'université de San Diego (Pashler, 2008) tranche définitivement la question. Elle montre sans équivoque que l'adaptation d'une méthode de

formation aux soi-disant styles d'apprentissage ne procure aucun avantage significatif. Les participants ont beau avoir une préférence naturelle pour la lecture ou l'écoute, la science n'y voit aucune valeur ajoutée particulière.

Un autre mythe qui reste populaire est l'idée que le temps d'attention de l'être humain ne dépasse pas huit secondes. Certaines organisations privilégient donc de petites vidéos éducatives et refusent les longues interventions. Une autre erreur conceptuelle est de considérer que les jeunes générations, nées avec Internet, apprennent plus facilement sur un écran que leurs collègues plus âgés. Pas prouvé non plus.

LE COUT DES MYTHES

Donneriez-vous des centaines d'euros à une diseuse de bonne aventure pour qu'elle prédise votre avenir grâce à votre horoscope? Sans doute pas. Pourtant, n'est-ce pas ce

que nous faisons souvent dans un contexte professionnel? Dans quelle mesure votre politique de formation est-elle étayée scientifiquement? En plus du coût financier, la crédibilité de la GRH peut aussi être entamée si elle recourt à des modèles douteux. Mieux, dans certains cas, les mythes freinent le processus d'apprentissage en tant que tel.

SUPERSTITIONS

Clark Quinn identifie une deuxième catégorie d'erreurs de jugement: les superstitions. Ce sont des pratiques qui continuent à exister alors que leur valeur ajoutée n'a jamais été établie. Il faut donc aborder ces allégations avec prudence et un art consommé de la nuance. Dans un article paru précédemment dans ce magazine, nous avons discuté de la gamification, c'est-à-dire la mise en œuvre dans la formation d'éléments ludiques comme les badges, les avatars ou les concours. Certains fournisseurs dans le marché

«La cicatrisation fait apparaître une nouvelle peau sous celle qui a été blessée. Il en va de même avec la formation.»

HR magazine / Octobre 2022 38
texte: sofie willox FORMATION TECH

affirment que leur approche donne de meilleurs résultats. Jusqu'à présent, aucune relation causale n'a été décelée. Le côté ludique peut se traduire par une augmentation de la motivation pendant le cours mais ne garantit pas un meilleur rendement de la formation.

Autre point litigieux fréquent: raconter une histoire déboucherait automatiquement sur la mise en œuvre avec succès des compétences acquises. Ce n'est pas nécessairement le cas. Un formateur a sans doute plutôt intérêt à se concentrer sur les actions concrètes que ses étudiants devront accomplir et développer la théorie sur cette base.

Une troisième erreur est de faire le rapport entre les tests et les compétences acquises. Trop souvent, les professionnels de la formation pensent que le test des connaissances établit que l'on maîtrise les nouvelles compétences. En réalité, les résultats d'un examen constituent une bonne mesure de la mémorisation, mais ne garantissent pas un changement de comportement positif lors du retour au travail.

ERREURS D'INTERPRETATION

La troisième et dernière catégorie d'idées problématiques concerne les modèles qui vivent leur vie au fil du temps. Et qui du coup finissent par s'écarter des concepts originels. Selon Quinn, contrairement aux mythes, les débats ne portent pas ici sur ce qui est juste ou faux. Les principes qui sont à la base de ces modèles restent intéressants mais peuvent avoir des interprétations différentes. Prenons l'exemple de la théorie du désapprentissage (unlearning en

anglais). À cause d'un monde qui évolue très vite, nous avons besoin d'abandonner les vieux schémas de pensée pour introduire de nouveaux codes dans nos cerveaux. Pensons à une nouvelle version de Windows que le département informatique installe dans votre ordinateur portable pendant le week-end. Après un certain temps de tâtonnements et de frustrations, vous finirez par vous débrouiller avec la nouvelle version.

Selon certains professionnels de la formation, nous devons d'abord désapprendre l'ancienne manière de travailler avec la vieille version de Windows pour ensuite construire une nouvelle carte mentale dans notre cerveau. Que dit cette théorie? Notre cerveau apprend quelque chose de nouveau en créant de nouvelles connexions entre nos neurones.

Mais on peut aussi comparer ce processus à celui de la cicatrisation qui fait apparaître une nouvelle peau sous celle qui a été blessée. Quand nous apprenons quelque chose, cela revient à construire de nouveaux chemins par-dessus les anciennes connexions. On ne désapprend jamais totalement. La rechute constitue d'ailleurs le signe que les anciennes connexions continuent à être suffisamment actives pour influencer notre comportement. Les check-lists, les coachs et le suivi après une formation peuvent aider à maintenir en activité les nouveaux chemins dans notre cerveau. Et il importe peu de savoir si nous désapprenons ou si nous construisons de nouvelles connexions. Tant que la nouvelle idée reste vivace. ¶

Octobre 2022 / HR magazine 39
«L'adaptation d'une méthode de formation aux soi-disant styles d'apprentissage ne procure aucun avantage significatif. C'est prouvé.»
Clark Quinn

qu’on va faire de toi?»

texte: françois weerts

La sentence est sans appel: 85% des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore. La quatrième révolution industrielle, celle de l’intelligence artificielle et de la robotique, va chavirer le monde du travail. C’est ce que confirme Nicolas Hazard, un entrepreneur français préoccupé par la durabilité et l'inclusion, dans son livre: «Qu’est-ce qu’on va faire de toi?»

Mais quels seront ces nouveaux métiers? L’auteur dresse 21 portraits de femmes et d’hommes qui sont déjà engagés dans cette révolution. Dans sa liste, on retrouve pêlemêle un nanomédecin, une cheffe cuisinière en 3D, une éthicienne de l’intelligence artificielle, un contrôleur aérien de drones… On y rencontre aussi un nostalgiste qui travaillera avec des personnes âgées pour recréer en trois dimensions un univers qu’elles connaissent bien, comme celui de leur jeunesse. Ceci, afin d’exercer leur mémoire ou leur donner du plaisir. Il cite encore une assistante de bonheur, personne humaine chargée d’aider ses semblables à retrouver du sens dans ce foisonnement de technologies.

UN PEU DE SCIENCE-FICTION, MAIS PAS TELLEMENT

Au-delà de ces visions prospectives (qui doivent très peu à la science-fiction), Nicolas Hazard profite de ces portraits pour aborder les sujets qui mobilisent l’attention des professionnels RH. La formation tout au long de la vie, l’inclusion des groupes à risque, l’école et l’enseignement, les défis environnementaux, la pénurie de talents… Et chaque fois, l’éclairage de l’évolution technologique permet de comprendre à quel point il est urgent de changer. «Comme jamais dans notre histoire, la

transformation de nos métiers va être gigantesque», annonce Nicola Hazard. «Elle touchera des centaines de millions de personnes à travers le monde. Au cours des dernières décennies, le travail a déjà subi des modifications considérables. Elles ne sont rien par rapport à celles que l’on peut d’ores et déjà prévoir.» Il explique ainsi que les étudiants d’aujourd’hui auront exercé de huit à dix emplois différents avant leur trentehuitième anniversaire. Une affirmation que ne démentira pas un expert du marché du travail

comme Denis Pennel. Mais lui va plus loin encore: il affirme que ces huit ou dix emplois différents, certains de ces futurs travailleurs les exerceront en même temps!

DES TRANSFORMATIONS INIMAGINABLES

Bref, l’intelligence artificielle, la robotisation, l’Internet des objets, l’exploitation des données ou la réalité virtuelle vont engendrer des bouleversements que nous pouvons à peine nous représenter aujourd’hui. Ces innovations n’en sont qu’à leurs balbutiements. Une chose caractérise cependant l’époque que nous vivons: la rapidité des changements. Il est impossible de s’endormir sur ses lauriers. À peine maîtrise-t-on une technologie ou une compétence qu’il faut en développer une autre. Nicolas Hazard en appelle à juste titre à un changement global de mentalité. «La culture apprenante mais aussi l'éthique et la recherche de sens occuperont une place prépondérante dans les organisations.» Il tient à donner un avertissement: de nouvelles compétences seront requises de la part des travailleurs. «Ces compétences exigent de nouvelles modalités d'apprentissage, et c'est dès le plus jeune âge qu'il conviendra d'aider les enfants à les développer.» L'avantage du livre de Nicolas Hazard est de présenter ces évolutions dans une perspective pleine d'espoir. Sans angélisme, sans catastrophisme non plus.

Fondateur et président d’INCO, Nicolas Hazard est un entrepreneur français qui s’engage dans le monde en faveur d’une économie inclusive et durable. Qu’est-ce qu’on va faire de toi? Par Nicolas Hazard. Éditions Flammarion. Paris, 2022.

HR magazine / Octobre 2022 40 BRF
«Qu’est-ce
Nicola Hazard:
«Comme jamais dans notre histoire, la transformation de nos métiers va être gigantesque.»

Dans cette rubrique, les spécialistes du bureau d’avocats DLA Piper répondent aux questions de nos lecteurs sur la très large thématique du droit du travail. Vous pouvez également poser vos questions en les envoyant à redaction@hrmagazine.be

DROIT & EMPLOI

ID Frederic Brasseur

FONCTION

Avocat de DLA Piper UK LLP www.dlapiper.com/ en/belgium/

Selon la législation actuelle, une entreprise est en prin cipe uniquement responsable du respect des obliga tions légales à l’égard de son propre personnel, et pas du respect par les sous-traitants des obligations que ceux-ci ont à l’égard de leur personnel. Il y a certes quelques exceptions légales à cette règle, par exemple l’obligation pour les entreprises qui travaillent sur le même site de collaborer dans le domaine du bien-être et de la sécurité au travail. Et il y a les règles générales en matière de complicité, qui permettent dans certaines conditions de sanctionner un entrepreneur qui coopère à des infractions commises par ses sous-traitants.

Le 8 août 2022, une proposition de loi instaurant un de voir de vigilance et un devoir de responsabilité à charge des entreprises tout au long de leurs chaînes de valeur a été déposée et celle-ci changerait fondamentalement les choses. Il s’agit d’une proposition qui doit encore être débattue au Parlement et faire l’objet d’un vote. Mais la proposition émane des représentants au Parlement du PS, de Vooruit et d’Ecolo-Groen, de sorte que la proba bilité qu’elle soit approuvée est bien réelle (même si ces trois partis réunis n’ont pas de majorité à eux seuls).

CHAINE DE VALEUR

La notion de «chaîne de valeur» est définie dans la pro position de loi comme l’ensemble des entités avec les quelles l’entreprise entretient une relation commerciale, soit parce que lesdites entités fournissent directement ou indirectement des produits, soit parce que l’entreprise reçoit des produits de ces entités. La proposition de loi sera applicable à toute entreprise établie en Belgique. Les autres entités de la chaîne de valeur peuvent se trouver n’importe où dans le monde.

Les «conséquences négatives» qui doivent être évitées concernent non seulement les droits humains au sens strict du terme (par exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme), mais aussi les droits sociaux (la proposition de loi contient une liste de dispositions y re latives telles que diverses conventions de l’Organisation internationale du travail) et les droits environnementaux.

La proposition de loi prévoit dans un premier temps un devoir de vigilance général, c’est-à-dire une obliga tion d’identifier les éventuelles conséquences négatives dans la chaîne de valeur, d’y mettre un terme et de répa rer le dommage causé.

Les entreprises d’intérêt public et les grandes entre prises ont l’obligation supplémentaire d’établir un plan de vigilance. Ce plan comprend, entre autres, des pro cédures d’évaluation régulière des activités, des mesures raisonnables ou appropriées pour prévenir les consé quences négatives, un mécanisme de signalement des conséquences négatives comportant des garanties en ma tière de protection des lanceurs d’alerte, et enfin un mé canisme de traitement des plaintes relatives à des infrac tions et de réparation du dommage s’il devait apparaître que des infractions ont effectivement été commises.

Le plan de vigilance doit être élaboré après consul tation publique des parties intéressées, mais le mode de finalisation n’est pas encore clairement établi.

La proposition de loi prévoit également un certain nombre de dispositions procédurales, par exemple la possibilité d’intenter des actions collectives pour les or ganisations dont l’objet social est lié au préjudice collectif ou les organisations syndicales.

Enfin, la proposition de loi prévoit une responsabili té solidaire pour toutes les entreprises concernées en cas d’infraction.

Reste à savoir ce que le Parlement finira par déci der concernant cette proposition de loi. Le texte actuel contient toutes sortes de dispositions formulées de ma nière générale, qui laisseraient par conséquent une large marge de discussion sur ce que ces obligations devraient précisément impliquer dans la réalité quotidienne.

Une proposition de loi qui devrait modifier fonda mentalement les obligations des entreprises concer nant leurs sous-traitants et fournisseurs a été intro duite au Parlement belge. Pour l’heure, reste à savoir si le projet de loi sera effectivement adopté, sous une forme modifiée ou non. ¶

Octobre 2022 / HR magazine 41
Les entreprises serontelles désormais également responsables, dans une large mesure, du personnel de leurs sous-traitants?
DLA PIPER LEGAL

Rythmes scolaires: la grande incertitude

texte: françois weerts

Depuis la rentrée, le rythme scolaire que nous connaissons depuis plus d’un siècle est modifié. Les vacances estivales sont raccourcies à six semaines, au lieu de huit, et les élèves ont droit à des congés de deux semaines après sept semaines de cours. C’est un nouveau rythme auquel les parents francophones devront s’adapter. De même que les entreprises.

Depuis la rentrée 2022, du côté francophone, l’année scolaire est planifiée sur une durée de 7 semaines de cours (6 au minimum, 8 au maximum), suivie d'une période de deux semaines de vacances. L'année scolaire a donc commencé le lundi 29 août 2022 et s’achèvera le vendredi 7 juillet 2023 dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Si cette réforme vise une meilleure régularité dans les périodes de travail et de repos des enfants afin d’augmenter leurs capacités d’apprentissage, elle risque de compliquer la prise de vacances des parents au sein de leur entreprise.

En effet, selon une enquête de SD Worx, les PME wallonnes et bruxelloises, avec respectivement 30,4% et 24,7%, s’inquiètent d’une plus grande complexité pour la prise de congés. Moins de 4% d’entre elles estiment que ce nouveau régime facilitera les vacances. Les entreprises doivent donc se préparer et anticiper cette nouvelle réforme.

au long de l’année mais pour des durées moins longues en été par exemple.»

À propos de l’enquête

Entre le 24 mai et le 2 juin 2022, 435 entreprises comprenant de 1 à 250 employés ont participé à l'enquête en ligne de SD Worx.

EST PUBLIÉ PAR NMG

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ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

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PHOTOGRAPHIE

Sophie Stacino, Wouter Van Vaerenbergh TRADUCTIONS

François Weerts, Élan CONCEPTION GRAPHIQUE Oeyen en Winters info@oeyenenwinters.be

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HR magazine / Octobre 2022 42 BRF

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