HRS FR 3

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www.hrsquare.be mars-avril 15

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Bureau de dépôt Bruxelles X Numéro d’agrément P917806 Expéditeur : PMN sprl Rue des Sols, 8 1000 Bruxelles Bimestriel

Alain Goergen (Police fédérale)

+

Comment favoriser l’emploi des peu qualifiés Activez les bons leviers de la reconnaissance Recrutement mobile : faut-il y aller ? Clés pour développer les leaders de demain

« Plus et mieux de ‘bleu dans la rue’ »


social academy pour un meilleur dialogue social powered by

La FEB-SD Worx social academy contribue au développement d’un dialogue social constructif dans le tissu économique belge. Elle offre à toutes les parties prenantes des idées, des connaissances, des expériences émanant de responsables politiques, de capitaines d’industrie, d’entrepreneurs et de CEO.

PROGRAMME 2015 Le dialogue social et les thèmes de la décennie #04

travailler plus longtemps sur le terrain intergénérationnel

09h30 - 12h30

12/03/2015

#05 Future oF Flexibility, Flexibility oF work 13h30 - 16h30

12/03/2015

#06 mobilité: ne pas avancer, c’est reculer 14h00 - 17h00

23/04/2015

Le dialogue social: skills and strategy #07

strategie sociale: la perspective du ceo 13h00 - 16h30

05/05/2015

Le dialogue social dans un contexte plus large SÉANCE DE CLÔTURE

le grand débat: l’avenir de la concertation sociale 17h00 - 18h15

inscription, programme détaillé, liste des orateurs et personnes de contact sur :

Partners

MeDIaPartner

05/05/2015

www.socialacademy.be

POWereD BY


Perspectives

3

Responsable de quoi ? texte

christophe lo giudice

« D.R.H. D comme déconnecté. R comme

néma s’est montré prolixe à ce niveau : en

Face à ces images et clichés véhiculés au-

brasser de l’air. H comme la hache de guerre.

témoignent le film « Ressources humaines

tour du métier de DRH, la profession ne peut

D.R.H. D comme jeter des dés. R comme

» de Laurent Cantet, le violent « La question

rester muette, tout en n’esquivant pas une

jeter à terre. H comme payer moins cher. »

humaine » de Nicolas Klotz ou encore le

saine remise en question (car certains

Le refrain du dernier single de la chanteuse

récent « Deux jours, une nuit » des frères

clichés peuvent se comprendre). A tout le

française Anaïs est sans appel pour les DRH.

Dardenne. Un projet collectif mené par

moins, les responsables RH doivent oeuvrer

Elle y dénonce un département « déconnecté

22 étudiants de l’IGS, grande école pari-

à mieux traduire leurs initiatives pour les

» des travailleurs, toujours à la recherche de

sienne référence pour l’enseignement de

rendre plus lisibles à la fois pour les travail-

« nouveaux objectifs », « et tant pis si ça

la GRH, est allée plus loin dans l’analyse.

leurs, mais aussi hors des murs de l’entre-

casse, et tant pis si ça tue ». La profession,

A travers le visionnage d’une cinquantaine de

prise. Vice-President HR pour l’Europe chez

experte des « coupes dans le budget », y est

films, ils ont mis en évidence à quel point le

Sanofi, Fabienne Astier, le rappelle dans le

décrite comme appliquant « à la lettre des

métier, perçu comme exécuteur de basses

grand entretien qu’elle nous a accordé. Il y

ordres venus d’ailleurs, d’une autre planète,

oeuvres mandaté par la direction, était mal

a ensuite une question de positionnement à

d’un monde sans vertu ». « Responsable de

compris. La littérature, contemporaine mais

clarifier, comme le souligne Serge Panczuk

quoi ? Ah ben, on ne sait pas… »

aussi classique, n’est pas plus tendre. Dans

dans sa tribune libre à lire en fin de cette

Managers, relisez vos classiques ! De Zola

revue. Enfin, il faudra aux DRH davantage

« Tout ce qui est excessif est insignifiant »,

à Houellebecq, un autre regard sur l’entre-

mobiliser leur capacité à dire : Stop! Réflé-

disait Talleyrand. On aurait toutefois tort de

prise (Editions d’Organisation, 2011), Sophie

chissons si les décisions que l’on prend dans

passer outre la ritournelle en se bornant à

Chabanel met en lumière une vision tout

l’entreprise font vraiment du sens pour les

ricaner des clichés qu’elle véhicule. Car Anaïs

aussi négative du service RH, confirmant le

individus et contribuent à offrir de la qualité

n’est pas la première artiste à s’attaquer au

décalage existant entre les approches et ac-

à toutes les parties prenantes…

monde des ressources humaines. Le ci-

tions RH et la façon dont elles sont perçues.

Président Jos Gavel jos.gavel@hrsquare.be 0475 63 18 48

Directeur commercial Stijn Haegeman stijn.haegeman@hrsquare.be 0499 55 18 86

Directeur général Bert Gavel bert@hrsquare.be 0478 44 85 23

Responsable Partenariats & Events Stéphanie Poivre stephanie.poivre@hrsquare.be 0498 44 43 32

Directeur de la rédaction Christophe Lo Giudice christophe.logiudice@hrsquare.be 0476 50 84 07

Responsable du réseau Nathalie Dierickx nathalie.dierickx@hrsquare.be 0474 97 07 43

Journaliste Mélanie Geelkens

Office Manager Jens Ottoy jens.ottoy@hrsquare.be 02 515 07 60

Photographe Hendrik De Schrijver Mise en page Caroline Derveaux www.dfib.net Membership HR Square 200 euros par an (+ 21% TVA) Imprimerie Corelio Printing - Erpe-Mere Plus d’informations sur le site www.hrsquare.be/fr

HR Square paraît en français une fois tous les deux mois et est une publication de la sprl People Management Network, rue des Sols n°8, 1000 Bruxelles. Editeur responsable Jos Gavel, Rue des Sols, 8 1000 Bruxelles © L’autorisation écrite de la rédaction est requise pour toute réutilisation des textes ou du matériel photo publiés.

Membre de l’Union des éditeurs de la Presse Périodique

mars - avril 2015 n° 3 HR square


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le programme

© L. Bazzoni

46

16

26

© D.R.

64

© HDS

© HDS

Alain Goergen Police fédérale

Isabelle Lavergne Lampiris

Eddy Noben Cofely Services

Fabienne Astier Sanofi

32 Renault France : Accompagner les jeunes donne un autre sens au travail 34 Liège Airport : Des profils peu qualifiés devenus hyperspécialisés 35 McDonald’s : La jeunesse, nous, on y croit !

CPAS de Molenbeek : Un édifice qui se bâtit au quotidien 52 UCL : Le feed-back est clé dans la reconnaissance

RESEAU

INSPIRATION

54

10 11

36

avant plan 06 08

12 14

Marc Lambotte (Agoria) : Arrêtons de traiter les gens comme des enfants ! Statut unique : encore pas du chemin à parcourir…

De profil : Didier Lorent (Magotteaux) Nouveaux rôles : vos confrères qui relèvent un nouveau défi Agenda Forum : Recrutement mobile, faut-il y aller ?

EN TETE D’AFFICHE 16

Alain Goergen (Police fédérale) : Plus et mieux de ‘bleu dans la rue’

DOSSIER 1 : Favoriser l’emploi des peu qualifiés 20 25 26 28 30

Insertion : l’entreprise a (aussi) un rôle à jouer La jungle des aides à l’emploi Cofely Services : Former les peu qualifiés, c’est du win-win Bruxelles-Propreté : La personnalité et la volonté valent bien des diplômes Recma : Un tremplin pour ouvrir les portes de l’entreprise

HR square n° 3 mars - avril 2015

Les robots : menace ou opportunité pour l’emploi ?

SOUS LES PROJECTEURS 38

Christophe Marius (Axa Assistance) et Sandra Vandorpe (Belgocontrol) : débat CEO-DRH sur la pertinence des programmes de leadership

DOSSIER 2 : Reconnaissance au travail 42 La reconnaissance est un levier de performance 44 La fonction RH, garante de la reconnaissance au travail 46 Lampiris : La reconnaissance passe par l’implication 48 Accor : La reconnaissance ne doit pas être étiquetée comme telle 50 Electrolux : La reconnaissance ne s’improvise pas

51

EN COULISSE Canevas : Faut-il proposer des « accommodements raisonnables » ? 56 Décryptages : Force majeure médicale : réfléchir avant d’agir ! 58 Jurisprudence : Le non-respect des obligations en matière de bien-être 59 International : Transfert temporaire d’un travailleur vers un pays non-européen 60 Le coin des partenaires

HORIZONS 64 68

Fabienne Astier (Sanofi) : La marque RH doit être ‘promue’ davantage Les RH belges du bout du monde : Charlotte Ravoet (PAM) à Rome

IDEES 70 L’idéothèque 73 Libre expression : Bart Buysse (FEB) Il faut moderniser le droit du travail 74 Libre expression : Serge Panczuk (Edwards Lifesciences) - Parce que j’aime les gens…


Séminaire HR Square

GRH dans les soins de santé 24 avril 2015

Alerte sur l’hôpital! Relever les défis auxquels sont confrontées les institutions de soins par des initiatives RH audacieuses Au cours de la dernière décennie, la gestion des ressources humaines s’est profondément et structurellement professionnalisée dans le secteur des soins de santé. Les responsables RH des institutions de soins anticipent, créent et innovent dans un secteur en perpétuelle transformation. Si les progrès sont notables, et souvent exemplaires et inspirants même au-delà du secteur, leur positionnement stratégique reste encore parfois à réaliser. Le défi est de taille. On le sait: la situation financière évolue négativement dans le secteur des soins de santés et bon nombre d’institutions hospitalières ont déjà anticipé de manière proactive cette évolution en freinant la croissance

P r o g r a m m e

de leur nombre d’équivalents temps plein. C’est notamment ce que relève l’étude MAHA (Model for Automatic Hospital Analyses, Belfius), soulignant que, malgré cela, le résultat continue à se détériorer sensiblement. La réforme du financement des hôpitaux annoncée par le nouveau gouvernement laisse par ailleurs planer son lot d’incertitudes. Ce qui est sûr, c’est que la gestion des ressources humaines sera de plus en plus contrainte à l’avenir dans le secteur. Mais la contrainte est également source de créativité : même avec des moyens limités, il est possible - et nécessaire - pour le responsable RH de développer des initiatives et des projets ambitieux, contribuant au développement de son institution. C’est ce que nous explorerons ensemble lors de ce séminaire, exemples concrets à l’appui à l’occasion de sessions de travail interactives.

09.30 Accueil 09.45 Introduction par Christophe Lo Giudice, directeur de la rédaction de HR Square, et Isabelle Hennequin, présidente du séminaire et DRH du Grand Hôpital de Charleroi 10.00 Marc De Vos, directeur du think tank Itinera : Les grandes tendances en soins de santé et le rôle des hôpitaux 10.30 Roland Vanden Eede, directeur général de Mensura SEPP : Comment tourner les obligations légales en opportunités 11.00 Sylvie Choquet, directrice adjointe en charge des ressources humaines au Centre Hospitalier de Somain, membre de l’ADRHESS, l'association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (France) : regard croisé sur la modernisation RH dans les institutions de soins françaises et les réponses apportées aux défis actuels. 12.00 Lunch 13.00 Sessions interactives, organisées en 4 groupes de travail parallèles animés par des DRH du secteur : - Les richesses de la mutualisation des expertises et outils RH : créer une synergie inter institutions hospitalières - Design organisationnel: comment rendre une organisation plus agile et flexible pour faire face à l’environnement changeant ? - Comment booster la créativité et l’implication du management par le travail collaboratif ? - Qualité du management : faire grandir nos cadres dans leur rôle de manager d’équipe performant 15.00 Synthèse des travaux de groupe et partage des suggestions et points d’actions 15.30 Le regard du CEO : Baudouin Meunier, administrateur-délégué du CHU Dinant Godinne 16.00 Fin des débats, conclusions par Isabelle Hennequin 16.15 Drink LIEU Clinique Notre-Dame de Grâce - Chaussée de Nivelles, 212 - 6041 Gosselies INFORMATIONS et INSCRIPTION Groupe cible: les responsables RH internes. La participation revient à 100 € (+ 21% tva) pour les membres de HR Square et 200 € (+ 21% tva) pour les non-membres. Au cas où deux membres de votre organisation prendraient une inscription payante, un troisième représentant peut participer gratuitement. Le nombre de places disponibles pour les participants hors groupe cible est strictement limité. Pour plus d’informations sur les places disponibles et les conditions, contactez Nathalie Dierickx, nathalie.dierickx@hrsquare.be. Pour vous inscrire : bert@hrsquare.be ou via notre site web à l’adresse : http://www.hrsquare.be/fr/agenda

PARTENAIRES


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Avant-plan

Marc Lambotte (Agoria) sur les vertus de la « collaboration sociale » texte

jos gavel

Arrêtons de traiter les gens comme des enfants !

& lars de decker

La désindustrialisation n’est pas une fatalité, affirme Marc Lambotte, CEO d’Agoria. D’autres pays s’efforcent de conserver des avantages de localisation pour l’industrie. « Si notre pays avait fait de même, nous aurions aujourd’hui au moins 21.000 postes de travail en plus », estime le patron de la fédération de l’industrie technologique, plaidant en faveur d’une « collaboration sociale » en lieu et place de notre « concertation ». L’industrie technologique a clôturé l’exercice 2014 sur une légère croissance (+0,5%), qu’elle doit essentiellement à un bon début d’année. Au quatrième trimestre, le chiffre d’affaires a subitement dégringolé (-4 % par rapport à l’année précédente). La moitié de cette perte est imputable aux actions sociales qui ont durement touché les secteurs industriels, juge Agoria. En termes d’emploi, 2014 fut un mauvais cru, principalement à cause de la fermeture de Ford Genk et de son impact chez les sous-traitants. Au total, quelque 8.000 emplois sont passés à la trappe l’an dernier dans le secteur. Pour 2015, Agoria prévoit une baisse d’1,5% du chiffre d’affaires à l’échelle du secteur. Certains éléments incitent toutefois à un optimisme – certes prudent – pour cette année. Le recul attendu s’explique en grande

partie par la disparition de Ford Genk. Sans cette fermeture et son impact sur les sous-traitants, l’industrie technologique enregistrerait une légère croissance, d’1%. Plusieurs groupes d’entreprises tels que ceux de la défense et de l’aérospatiale, des TIC et de la construction mécanique prévoient une poursuite de leur croissance et de nouveaux engagements. « 2015 pourrait bien être l’année de l’inversion de tendance, estime Marc Lambotte. Grâce aux mesures gouvernementales, nous espérons renouer avec la croissance en 2016. » Notre pays a toutefois encore du pain sur la planche. « Nous avons perdu les atouts qui attiraient jadis les investisseurs en Belgique. Il importe à présent de rétablir nos avantages de localisation et de résorber progressivement, suivant un plan phasé, le handicap dont nous souffrons en matière de coûts salariaux. »

Temps forts :: La concertation sociale réfère à la conciliation d’opinions contradictoires. La ‘collaboration sociale’ peut être utilisée comme avantage compétitif à tous les niveaux. :: Impliquer les syndicats dans le processus de décision permettrait de faire en sorte, ensemble, que l’entreprise se développe, qu’il y ait plus d’emplois et que l’on gagne plus. :: Nous devons rendre la flexibilité possible dans un environnement où il est important de réaliser des produits qui se différencient.

HR square n° 3 mars - avril 2015

Quelle est votre conception de la « compétitivité » ? Marc Lambotte : « La compétitivité détermine dans quelle mesure une entreprise peut parvenir à décrocher des commandes. Ces commandes génèrent du travail. Elles sont un préalable à la création d’emploi. Qu’est-ce qui détermine la compétitivité ? Il y a, d’une part, des facteurs pour lesquels l’entreprise ne peut rien, comme la présence de pétrole dans le sol. Sur d’autres facteurs, l’entreprise peut agir, par exemple dans la conception de produits qui la différencient de la concurrence. Elle peut mettre davantage l’accent sur l’innovation. La différenciation ne se joue pas uniquement au niveau de l’entreprise. Le secteur et les pouvoirs publics interviennent

à leur niveau pour créer la base propice à l’innovation. Il en va également des individus : dans quelle mesure sont-ils qualifiés, créatifs, innovants ? Vous devez disposer de travailleurs bien formés, qui développent la bonne attitude, qui sont gérés avec une certaine autonomie. Trop de petites règles dans l’entreprise finissent par nuire à la créativité. Pour ma part, je connais mes moments les plus créatifs sous la douche. Chacun a ses propres moments créatifs. Nous devons donc rendre la flexibilité possible dans un environnement où il est important de réaliser des produits qui se différencient. Et y travailler ensemble. » La collaboration implique-t-elle aussi la concertation sociale sur tous les fronts ? Marc Lambotte : « Je ne parle pas volontiers de ‘concertation’. La concertation sociale réfère à la conciliation d’opinions contradictoires. Parlons de ‘collaboration sociale’, ce qui sonne plus positif. Cette collaboration peut être utilisée comme avantage compétitif que ce soit au niveau de l’entreprise, du secteur ou du pays dans son ensemble. Prenons la flexibilité. C’est typique dans notre pays : nous essayons de résoudre les problèmes en édictant de petites règles. Ce n’est pas bon. Dans une organisation moderne, il faut réduire le nombre de petites règles. Si vous laissez aux individus la chance de résoudre les problèmes par eux-mêmes, vous aboutissez souvent à de meilleures solutions. Cela contribue à la compétitivité. Le handicap salarial doit quant à lui être abordé au niveau du pays, en adressant la pression fiscale et parafiscale. La paix sociale est également un avantage compétitif. La prévisibilité est un


Avant-plan

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Marc Lambotte Agoria « Le dialogue social n’est pas un mal nécessaire, mais une condition nécessaire au maintien de notre prospérité. A ce titre, je préfère parler de collaboration sociale. » © Hendrik De Schrijver

élément clé pour qui veut entreprendre. Et elle se joue aux trois niveaux. Chez Agoria, nous avons chiffré le coût de la protestation sociale intervenue au quatrième trimestre 2014 : elle se chiffre à 2% de la production de l’industrie technologique – soit 400 millions d’euros ! » Comment inscrire la « collaboration sociale » au niveau de l’entreprise ? Marc Lambotte : « En Allemagne, les syndicats sont impliqués dans la gestion de l’entreprise. C’est un modèle auquel, personnellement, je crois beaucoup, et qui nous éloignerait du ‘dialogue’ actuel. Comment pouvons-nous faire en sorte, ensemble, que l’entreprise se développe, qu’il y ait plus d’emplois et, si tout va bien, que l’on gagne plus ? Il y aurait un passage du ‘comment puis-je gagner plus ?’ à ‘comment pou-

décision. Et si vous êtes impliqué dans la gestion de l’entreprise, vous savez quelles sont les conséquences des propositions que vous mettez sur la table. » Y a-t-il assez de possibilités de flexibilité dans le cadre de la législation belge ? Marc Lambotte : « Vous avez, en gros, deux situations. Dans un environnement qui n’est pas de production, on peut parler de toute forme possible de flexibilité de lieu et de temps de travail. Nous avons pu observer d’énormes évolutions ces 10 dernières années, soutenues par la technologie. C’est également le cas chez Agoria. Ce matin, je suis allé chez le dentiste à 9 heures et je n’ai pas eu à prendre congé pour ce faire. Je presterai ces heures à un autre moment. Ce qui est intéressant, c’est que, chez nous, nous n’exerçons plus aucun contrôle. Si vous me

Trop de petites règles dans l’entreprise finissent par nuire à la créativité vons-nous créer plus d’opportunités d’emploi ?’ De la sorte, chacun s’implique dans la grande question : comment susciter plus de commandes auprès de mon entreprise ? En Allemagne, ça fonctionne. Les syndicats participent au conseil d’administration, con­ tri­buent à la réflexion et prennent part à la

demandez le nombre d’heures travaillées cette semaine par tel collaborateur, je suis bien en peine de vous répondre. Je suppose qu’il a fait son travail. Nous ne regardons pas à une heure de plus ou de moins, c’est une question de confiance, de donner et recevoir. Dans certaines structures, la philosophie ne

fonctionne pas si bien, parce qu’énormément dépend de l’attitude des managers : ils doivent veiller à ce que le système ne soit pas perverti. Evidemment, c’est beaucoup plus difficile dans un environnement de production, où il y a une dépendance physique à gérer. Mais le dispositif de chômage temporaire permet d’avoir une certaine souplesse, lorsque la demande est plus faible. Le recours à l’intérim et aux contrats temporaires permet d’absorber les pics. Dans notre pays, il existe bien sûr énormément de règles. Prenez par exemple la réglementation sur les heures supplémentaires. Est-ce encore de notre temps ? Si je crée une firme et que je donne à chacun la liberté de pouvoir travailler non plus 8 heures par jour, mais 11 heures tel jour et 5 heures tel autre jour : êtes-vous intéressé par ce job ? La réponse est positive ou négative. Mais cette liberté nous est confisquée par le réflexe belge d’établir des règles pour prévenir les abus possibles. Nous traitons ainsi les gens comme des enfants. C’est un héritage d’un temps où les travailleurs ont été forcés de faire les choses, mais cette exploitation n’existe plus aujourd’hui. » En bref, quels sont les trois ingrédients clés du dialogue social ? Marc Lambotte : « Le premier est la transparence. Une ouverture tant dans les bons que dans les mauvais moments : parler ensemble de la gestion d’entreprise. Et, pour ce qui me concerne, plus encore que la transparence, l’engagement. Deux, l’honnêteté et la cohérence, qui garantissent la prévisibilité. Le troisième : l’empathie, à savoir se mettre à la place de l’autre, afin de comprendre ses motivations. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut par­ venir à une solution qui satisfera les deux parties. Tout cela implique d’être critique à l’égard de l’autre, mais aussi à l’égard de soimême. Le dialogue social n’est pas un mal nécessaire, mais une condition nécessaire au maintien de notre prospérité. »

mars - avril 2015 n° 3 HR square


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Avant-plan

L’harmonisation des statuts employé et ouvrier un an après : un paysage transformé texte

Statut unique ? Encore pas mal de chemin à parcourir…

christophe lo giudice

L’harmonisation des statuts ouvrier et employé s’est accélérée au début de l’an dernier. 2014 fut riche en modifications: le cabinet d’avocats Claeys & Engels a voulu célébrer le premier anniversaire du « statut unique » en tirant le bilan de ces nouvelles dispositions. Les avancées sont réelles, mais les années à venir nécessiteront encore de nombreux efforts… et resteront teintées d’incertitudes. La loi du 26 décembre 2013, appelée « statut unique », a soufflé sa première bougie. Un double anniversaire en somme puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Et c’est peu dire que le DRH qui, dans l’intervalle, aurait vécu une expatriation ou pris un congé sabbatique se retrouve dans un paysage transformé. « Certaines matières comme le motif grave, la rupture de commun accord ou les travailleurs protégés, n’ont pas été modifiées, nuance Henri-François Lenaerts, avocat associé chez Claeys & Engels lors du récent séminaire que la cabinet d’avocats a consacré au statut unique. Mais il n’en reste pas moins que de nombreux aspects ont changé en 2014. » Une remise à niveau s’impose, surtout si l’on veut s’éviter quelques solides embardées juridiques. Les changements les plus marquants touchent aux délais de préavis en cas de licenciement et de démission. Un nouveau système a été mis en place, sonnant le glas

Temps forts :: Les changements les plus marquants touchent aux délais de préavis en cas de licenciement et de démission. :: L’outplacement et la motivation du licenciement sont deux autres domaines où une attention particulière est nécessaire. :: Prochain chantier : l’égalité de traitement entre ouvriers et employés à garantir en matière de pensions complémentaires.

HR square n° 3 mars - avril 2015

de la célèbre formule Claeys. Désormais, les préavis sont déterminés par la loi, calculés en référence à l’ancienneté du travailleur. « Par rapport aux anciennes règles, ceux-ci représentent une perte sèche pour les employés supérieurs et un gain fabuleux pour les ouvriers », note l’avocat. Autres points à ne pas négliger : la suppression de la clause d’essai, des changements dans les conditions de rupture des CDD ou encore un nouveau mécanisme en matière de licenciement en lien avec une incapacité de travail. Exceptions et dérogations L’outplacement est également une matière qui a été profondément remodelée en 2014. « Pour savoir si un travailleur a droit à une forme de reclassement professionnel et à quelles conditions, il faut non plus seulement se référer à son âge, mais aussi à la durée de son délai de préavis. » Ce qui n’est pas sans poser toute une série de questions. C’est pourquoi le cabinet d’avocats a développé une arborescence destinée à faire le tri et à répondre adéquatement à chaque situation individuelle. Toujours en matière de licenciement, l’année 2014 a encore été enrichie par la question de la motivation du licenciement. Avec la particularité que cette matière a été réglée par les partenaires sociaux par le biais de la CCT 109 du 12 février, rendue obligatoire par arrêté royal du 9 mars 2014. Ces textes fixent un tout nouveau régime, entré en application le 1e avril. « Il donne le droit aux travailleurs de connaître le motif concret qui conduit à leur licenciement, tant dans le cadre d’un CDI que d’un CDD, et d’être indemnisés si le licenciement est manifestement déraison-

nable. Celui-ci concerne tous les ouvriers et les employés occupés dans le secteur privé, mais avec des exceptions et des dérogations pour certains secteurs. » Parmi les particularités à relever, Henri-­ François Lenaerts souligne le fait que le droit d’être indemnisé si le licenciement est « manifestement déraisonnable » ne s’applique qu’aux travailleurs engagés à durée indéterminée. « Les travailleurs en CDD ont le droit de connaître le motif, mais pas d’être indemnisé pour la raison invoquée. » Par ailleurs, quel degré de précision doit prendre la motivation ? « Le texte ne demande pas un détail des motivations aussi précis que dans le cadre d’une faute grave. L’exigence est que le travailleur sache pourquoi il est licencié. Il faudra voir comment se positionnera la jurisprudence en la matière, tout comme au sujet des sanctions. Une gradation est possible en fonction du caractère manifestement déraisonnable du licenciement, pour un équivalent de 3 à 17 semaines de rémunération. » S’inscrire dans un trajet Bon nombre de RH se contenteraient déjà de tous ces changements à assimiler. Eh bien, il faut pourtant y rajouter encore une couche. L’égalité de traitement entre ouvriers et employés doit aussi être garantie en matière de pensions complémentaires. La bonne nouvelle ? « Le législateur nous a donné beaucoup de temps, indique Jan Van Gysegem, avocat associé chez Claeys & Engels. La loi du 5 mai 2014 fixe 2025 comme date à partir de laquelle il ne sera plus permis d’avoir des distinctions entre ouvriers et employés. » La mauvaise nouvelle : n’espérez pas pou-


Avant-plan

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Depuis le 1e janvier 2014, est-ce à dire qu’il n’y a plus d’employés ni d’ouvriers, mais uniquement des travailleurs ? Loin s’en faut : il existe encore de nombreuses différences.

voir attendre cette date lointaine pour vous préoccuper de la chose. « Sur la période 2015 à 2025, il s’agit d’entamer le trajet de l’harmonisation qui ne peut être que graduelle. » Et qui est parsemée d’embuches…

La façon de motiver le licenciement sera à préciser en fonction de la jurisprudence « Le paysage des pensions complémentaires est relativement complexe, les ouvriers étant généralement affiliés à des plans sectoriels, les employés à des plans d’entreprise, illustre-t-il. Les choses devront être réglées dans le cadre sectoriel à l’horizon 2023, ce qui, théoriquement, laisse deux ans aux employeurs pour régler la question au niveau de leurs propres plans. » Alors, on attend 2023 ? Non, réplique l’avocat : « Le législateur impose aux employeurs l’obligation de s’inscrire dans un trajet d’harmonisation

tenant compte de ce qui se passe dans les secteurs… » Que peut-on (encore) faire aujourd’hui ? « En cas d’introduction d’un nouveau plan, celui-ci doit être un plan harmonisé ou du moins allant vers l’élimination de la discrimination. Et si vous modifiez un plan existant, vous ne pouvez pas introduire de nouvelles distinctions ou augmenter une distinction existante. » Et que devrait-on faire ? « Entamer au plus tôt le trajet d’harmonisation, sur base d’un inventaire de la situation existante - combien de régimes de pension existent dans l’entreprise, comment ont-ils été institués, ont-ils connu les mêmes évolutions, quels sont les plans sectoriels applicables, etc. Ensuite, il s’agira de travailler à la conception du nouveau plan : quels niveaux de cotisation, sur quels salaires de référence,… Puis, procéder à la négociation et à la mise en place, en veillant à la communication nécessaire… » Conseil : n’attendez pas d’être le dos au mur, suggère l’avocat, surfant sur l’inventaire des nombreux aspects juridiques à traiter. Temporisation… Depuis le 1e janvier 2014, est-ce à dire qu’il n’y a plus d’employés ni d’ouvriers, mais uniquement des travailleurs ? « Loin s’en faut, réplique Henri-François Lenaerts. Il existe encore de nombreuses différences de traitement des ouvriers vis-à-vis des employés. Par exemple au niveau des pécules de vacances, du salaire garanti en cas de maladie, du moment du paiement du salaire, des cotisations de sécurité sociale, des commissions paritaires, des assurances sociales, des délégations syndicales, de la composition des juridictions du travail, etc. Il reste donc du pain sur la planche pour nos gouvernants. »

L’heure semble être à la temporisation, afin de laisser la digestion de ces nouveautés s’opérer et de ne pas polluer la délicate négociation de l’accord interprofessionnel. A la mi-décembre, le Groupe des Dix s’est néanmoins accordé sur quelques éléments restés en suspens lors de la première phase de l’harmonisation des statuts ouvrier et employé. L’accord concrétise et adapte un certain nombre de mesures de compensation pour les employeurs et règle la question des tarifs que les employeurs paient pour les services externes de prévention. C’est ce que communiquait la FEB à la fin de l’année dernière. « Pour compenser le surcoût de la suppression du jour de carence, il avait déjà été prévu que l'enveloppe de 80 millions d’euros de réduction générale des charges destinée à cet effet serait utilisée de manière plus ciblée via une réduction de la cotisation patronale pour le régime des vacances annuelles des ouvriers, explique Bart Buysse, directeur général de la FEB. Pour des raisons budgétaires, ce n'était possible qu’à partir de 2016. Afin que cette mesure puisse déjà être réalisée partiellement en 2015, le gouvernement y affecte maintenant un budget de 40 millions d’euros. » Dans les quatre à huit ans à venir, le gouvernement transférera également un montant de 7 à 14 millions par an au régime des vacances annuelles des ouvriers, conduisant ainsi à une réduction supplémentaire de la cotisation patronale. « Pour limiter le surcoût lié aux nouvelles règles de licenciement pour les employeurs procédant à des restructurations dans des secteurs à haute intensité de main-d’œuvre et pour ne pas faire obstacle aux restructurations, l’'allocation d'insertion versée par l'ONEM aux ouvriers licenciés durant la période d’inscription dans la cellule d’emploi couvrira aussi la différence entre l’ancien et le nouveau préavis. La différence ne sera par conséquent pas à charge de l’employeur. »

mars - avril 2015 n° 3 HR square


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reseau I PROFIL

Didier Lorent, directeur RH chez Magotteaux

Plaisir, performance et proximité texte

christophe lo giudice

Après sept ans au pilotage des RH d’Holcim Belgique & Pays-Bas, Didier Lorent a pris un rôle plus opérationnel chez Magotteaux comme DRH de l’usine à Vaux-sous-Chèvremont. Une expérience ressourçante qu’il voit comme une opportunité de sortir d’une certaine tour d’ivoire et de se rapprocher du travail qui se vit sur le terrain. S’il faut pointer un fil rouge dans le par­cours de Didier Lorent, c’est la passion pour le monde industriel. « Quand j’ai pris la direction RH de Gralex, filiale qu’Holcim détenait à parts égales avec HeidelbergCement, le dirigeant du groupe Holcim m’avait demandé de synthétiser ma vision de la fonction RH en trois mots, raconte-t-il. J’avais cité le plaisir, la proximité et la performance. Sans plaisir, pas de performance et, inversement, la performance est source de plaisir ou de satisfaction. Quant à la proximité, elle est indissociable de la fonction RH. Le DRH doit bien connaître le business et être proche des gens qui le font, ce qui est source de plaisir. C’est vrai, j’aime l’industrie qui est un environnement concret et source de valeur ajoutée. » Tourné vers l’avenir Chez Magotteaux, il est donc dans son uni­­ vers. L’entreprise est une fonderie. L’invention du boulet en fonte au chrome lui a permis de partir à la conquête du monde et de s’imposer auprès des cimentiers aux quatre coins de la planète. Par la suite, le groupe a développé d’autres activités à plus forte valeur ajoutée et sert également les marchés des mines, des granulats, des centrales électriques et des fluides. Il propose aujourd’hui des produits et services dans quatre do­ mai­n es : le broyage, le concassage, le pyro-processing et le dragage. Actif dans le monde entier, Magotteaux dispose de 19 sites de production, appuyés de 28 bureaux commerciaux et centres d’ex-

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pertise technique. Repris à la fin 2011 par le holding chilien Sigdo Koppers, le groupe est une des rares multinationales dont le centre de décision reste établi en Wallonie. En effet, l’acquéreur a d’emblée indiqué son intention de laisser à la société belge son autonomie de gestion et de maintenir à Vauxsous-Chèvremont son quartier général. C’est précisément dans l’usine jouxtant le QG que Didier Lorent a pris ses nouvelles fonctions de DRH. Avec de solides défis à la clé, comme l’a montré une sortie syndicale dans les médias l’an passé. A la suite d'une série de licenciements de cadres et d’une baisse de la production, le SETCa s'inquiétait de l'avenir du site. Aujourd’hui, son DRH se veut rassurant : « J’ai malheureusement dû beaucoup restructurer dans ma carrière, mais je ne suis pas ici pour fermer l’usine. Je suis là pour contribuer à améliorer sa rentabilité et garantir sa pérennité. C’est dans cet esprit que le nouveau plan d’entreprise a été construit, axé sur le développement de nouveaux produits à plus haute valeur ajoutée, un partenariat renforcé avec les clients et prospects et sur l’adaptation de la production pour améliorer la compétitivité. » A son agenda : accompagner le changement, repenser les organisations et les simplifier « ce qui est simple à dire, mais complexe à réaliser -, développer la polyvalence et la mobilité interne, renforcer les compétences à tous les niveaux avec la contrainte de ne pas alourdir la masse salariale et reconstruire des relations collectives fondées sur la

Didier Lorent Magotteaux « Etre proche des opérations ne dispense pas de développer une vision, de définir une stratégie et de concevoir des outils RH simples, pratiques et performants. » © D.R.

confiance mutuelle. Un chantier pour lequel ce diplômé en psychologie et en GRH pourra capitaliser sur sa riche expérience. Après ses débuts en RH dans le groupe Walibi, il a rejoint le groupe Holcim en 1991. Il y a exercé des rôles variés en recrutement, formation et communication interne, avant d’évoluer comme responsable RH chez Gralex et Inter-Beton, Coordinateur Santé-Sécurité chez Ciments Saint-Laurent, groupe actif au Québec, Ontario et Nord-Est des EtatsUnis et Talent Manager chez Holcim pour le Benelux et la France. Entre 2007 et 2014, il a piloté les ressources humaines d’Holcim en Belgique et aux PaysBas, soit 1.500 personnes réparties sur une trentaine de sites. La fonction qu’il exerce aujourd’hui chez Magotteaux le rapproche donc de l’opérationnel. Ce qui n’est pas pour lui déplaire : « Etre proche des opérations ne dispense pas de la nécessité de développer une vision RH moderne, de définir une stratégie et de de concevoir des outils RH simples, pratiques et performants, conclut-il. Il est bon dans une carrière de DRH de sortir à un moment de sa tour d’ivoire, de se rapprocher des réalités que vivent quotidiennement les travailleurs et de traduire dans ses actes une certaine philosophie de la gestion de l’humain. »


reseau I Nouveaux rôles Stanislas van Wassenhove Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte

François Delcampe Rossel Après avoir piloté les ressources humaines du groupe Vlan durant deux ans, François Delcampe a pris la direction du développement RH pour le groupe Rossel. Il est chargé de développer et de diriger les processus et projets RH corporate pour les business units belges et françaises. L’objectif consiste à faire face aux évolutions du business model des médias dans une perspective RH et de mettre de nouveaux accents sur le développement et la mobilité des talents, l’attractivité en tant qu’employeur et les nouveaux modes de travail. Diplômé en GRH et en fiscalité, il a d’abord exercé des fonctions au sein de prestataires de services (Payroll Advisor chez Securex, responsable de l’administration du personnel chez Start People, Senior Consultant chez Arthur Andersen, Compensation & Benefits Manager chez Deloitte). En 2002, il rejoignait Electrolux en tant que HR Manager, pour ensuite évoluer comme HR Business Partner chez Mobistar. Entre 2004 et 2012, il a travaillé chez SWIFT, d’abord en tant que HR Manager, puis Project Manager Global Compensation & Benefits & Industrial Relations.

tool

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Avocat spécialisé en droit du travail, Stanislas van Wassenhove a rejoint le cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte en tant qu’associé. Licencié en droit et en relations internationales de l’UCL, il est avocat au barreau de Bruxelles depuis 1984. Il a été fondateur et managing partner de la branche belgo-luxembourgeoise de CMS, responsable de la pratique de droit social et membre du comité exécutif de l'Alliance CMS (1999-2012). Il a aussi été administrateur-délégué du Cercle du Lac à Louvain-La-Neuve (2013-2014). Stanislas van Wassenhove est spécialisé en droit social et plus particulièrement dans les matières qui concernent les dirigeants d'entreprise: mode de collaboration, pension complémentaire, gouvernance, responsabilité sociétale. Il intervient également dans les restructurations, les relations collectives, les questions liées à la vie privée et au bien-être et la sécurité au travail. Professeur en management aux cours Capa pour les stagiaires du barreau de Bruxelles et à la LeaderSchool pour des dirigeants, il est l’un des créateurs de l'Université d'été Trans-Mutation en 2010.

Vos élections sociales de A à Z

« Mon entreprise devra-t-elle organiser des élections sociales en mai 2016 ? » « Comment vais-je les organiser ? » « Qui va m’aider à suivre la procédure ? » LES PROCHAINES ÉLECTIONS SOCIALES VOUS SEMBLENT ENCORE LOIN ? C’EST POURTANT LE MOMENT D’Y PENSER. Les experts Agoria ont développé le XY-Tool*, un logiciel qui a fait ses preuves dans de nombreuses entreprises. Pour des élections sociales fiables, sécurisées et sans stress. Pour plus d’infos sur les élections sociales et le XY-Tool, rendez-vous sur www.xytool.be

* Recommandé par la FEB et reconnu par les syndicats.

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reseau I PROFIL

AGENDA HR Square

VE 24.04

HR Square

Séminaire sur la GRH dans les soins de santé

Conférence d’été

La GRH s’est structurellement professionnalisée dans le secteur des soins de santé : les DRH créent, anticipent et innovent dans un secteur en perpétuel changement. Alors que la pression financière s’accroît, quelles pistes créatives emprunter pour contribuer de façon ambitieuse et proactive au développement de leur institution? Programme et inscription via www.hrsquare.be/fr/agenda.

Top Management

VE 03.04

CEO-CHRO Strategic Meeting Comment gérer l’allongement des carrières à l’avantage des collaborateurs ET de l’entreprise ? Orateurs : Brieuc de Meeûs, CEO de la STIB, et Ivo Christiaens, VP HR chez Siemens. Réduction pour les membres HR Square. Infos sur www.hrsquare.be/fr/agenda.

HR Square

Je 02.06

Stratégie & Innovation Professeur, auteur et conférencière réputée, Lisbeth Claus enseigne à la business school de la Willamette University (Oregon, EtatsUnis). D’origine belge, elle a mené toute sa carrière académique outre-Atlantique où elle s’est spécialisée en gestion des ressources humaines internationales et dans la prise en charge des défis humains et culturels liés à la globalisation. Elle figure parmi les plus grands gourous du management RH.

HR square n° 3 mars - avril 2015

27-28.08 HR Square

Je 24.09

Séminaire Customer-Centric HR Quel est le rôle des RH dans le développement d’une organisation centrée sur le client ?

HR Square + FEB

Je 15.10

Les Etoiles du Dialogue Social Des exemples inspirants de dialogue social constructif en entreprise. L’événement se conclura par la désignation des Etoiles du Dialogue Social.

HR Square

Je 19.11

Séminaire Espaces de travail Comment accompagner le réaménagement des espaces de travail pour en faire un levier de transformation de la culture d’organisation et améliorer les niveaux de performance. Ce programme est prévisionnel. A suivre sur www.hrsquare.be/fr/agenda

Laurent Lenoir GSK Vaccines Après sept ans passés dans différentes fonctions au sein du groupe papetier SCA, Laurent Lenoir a rejoint le groupe pharmaceutique GSK Vaccines en tant que Senior HR Manager. Diplômé en communication de la Haute Ecole Galilée (Bruxelles), Laurent Lenoir s’est orienté vers la gestion des ressources humaines, en débutant sa carrière dans le recrutement chez Randstad. Après trois ans, il rejoignait Deloitte au sein du département Tax & Legal pour s’y occuper de missions internationales. A l’automne 2006, il poussait les portes de Sabena Technics pour y exercer la fonction de Compensation & Benefits Coordinator chez Sabena technics, avant d’être appelé un an et demi plus tard à prendre un rôle généraliste chez SCA Packaging. Groupe papetier suédois, SCA est alors actif dans plusieurs segments d’activités: la transformation du bois, l’emballage et les produits d’hygiène. C'est au sein de la division Packaging Europe qu'il oeuvre en tant que HR Manager au quartier général à Diegem. En mai 2011, il connaît une évolution de carrière pour devenir Compensation & Benefits Manager pour l’Europe. En 2012, les activités d'emballage de SCA étaient reprises par le groupe britannique DS Smith, et Laurent Lenoir a notamment travaillé au volet RH de cette scission. La division SCA Hygiene Products a ensuite été renforcée par la reprise de Georgia Pacific. C’est dans ce contexte qu’il a exercé la fonction de HR Director pour la division 'Away From Home' de SCA Hygiene Products, spécialisée dans les solutions d'hygiène professionnelle, jusqu’au mois de décembre dernier.


reseau I Nouveaux rôles Marie-Caroline Mathelot SD Worx

Paul-Etienne Siegrist Mercuri Urval Consultant chez Mercuri Urval depuis l’automne 2010, PaulEtienne Siegrist a été nommé Business Unit Manager. Il dirigera les équipes de consultants des bureaux de Bruxelles et Wallonie. Ingénieur de gestion diplômé de la Louvain School of Management, il a débuté sa carrière à Paris au siège de PSA Peugeot Citroën. En 2007, il a rejoint Daikin Europe en tant que Senior Business Developer.

Sofia Van Overmeire HR Builders Sofia Van Overmeire a rejoint HR Builders, société d’HR-Interimmanagement, comme International Business Partner. Diplômée en psychologie d’entreprise, elle a effectué un parcours dont le fil rouge consiste à aider travailleurs et entreprises à se développer, notamment chez Search & Selection, à l’UZ-Gent, pour la société ‘Nederlandse Spoorwegen’ ou dans la mise sur pied d’une startup dans le retail en France.

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SD Worx intensifie son développement en Wallonie avec l’arrivée de Marie-Caroline Mathelot, nommée Director Business Development pour le Sud du pays. Juriste, elle a développé son expertise entre autres chez Creyf’s (aujourd’hui Start People) et chez Randstad. Depuis 2011, elle évoluait en tant que Business Manager chez Galilei Wallonie.

Retrouvez les derniers changements de fonction sur notre site à l’adresse www.hrsquare.be/fr/nominations. Vous relevez un nouveau défi ? Faites-le nous savoir auprès de christophe.logiudice@hrsquare.be

Vos collaborateurs font la force de votre entreprise. Vous souhaitez par conséquent qu’ils soient là tous les jours. Mensura peut vous y aider. Ensemble, nous veillons à la santé de vos collaborateurs et à un environnement de travail sûr. En partant du strict minimum légal, mais en allant aussi bien plus loin. Voilà comment, en tant qu’employeur, vous obtenez de meilleurs résultats. mars - avril 2015 n° 3 HR square


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reseau I forum

Recrutement mobile : faut-il y aller ? texte

Le Forum permet à tout DRH qui le désire d’évoquer un thème figurant à son agenda et de bénéficier de l’expérience de confrères disposés à mettre en valeur leurs réalisations. Vous souhaitez poser une question à la communauté RH? Adressez un courriel à christophe.logiudice@hrsquare.be.

christophe lo giudice

La question de Sophie Lepercq, DRH chez JCDecaux, société spécialisée dans la publicité urbaine et exploitant le système de vélos en libre-service à Bruxelles : « Faut-il mettre en place une stratégie de recrutement mobile ? Ne pas adapter les outils de recrutement aux nouveaux modes de communication risque-t-il de faire perdre à l’entreprise des candidats potentiels ? » Plus de 2,48 milliards d’internautes sur une population mondiale d’environ sept milliards d’individus, soit une pénétration d’internet de 35%. La proportion est issue de l’étude Social, Digital & Mobile Around the World, publiée par We are Social en janvier 2014. En matière de technologies de la communication, un an, c’est une éternité et le chiffre a encore progressé. L’étude révèle aussi qu’un milliard et demi de personnes ont accès au mobile à haut débit. Différentes sources statistiques laissent à penser qu’en 2017, plus de 90% des internautes accèderont à du contenu en ligne via leur téléphone. A en croire le sondage mené par Havas Media Group auprès d’un échantillon de 1.064 Belges âgés de 18 ans et plus, 46% disposent aujourd’hui d’un smartphone (contre 30% fin 2012) et 38% d’une tablette (10% en 2012). Plus de deux personnes sur dix possèdent même les deux. Et l’enquête confirme que les intentions d’achats de ces deux produits restent élevées : 17% pour le smartphone, 21% pour la tablette. Autre chiffre à relier aux premiers : d’après le Baromètre de la société de l’information 2014 publié par le SPF Economie, 17,7% des individus qui ont utilisé internet au cours des trois mois précédant l’enquête l’ont fait pour chercher du travail ou postuler. Démocratisation des outils En Belgique, le nombre d’entreprises développant une approche mobile spécifique pour leur recrutement reste très limité.

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Certaines ont défini l’ébauche d’une stratégie, d’autres vont se lancer, d’autres encore y réfléchissent et… attendent de voir ce que vont faire leurs concurrentes. En la matière, notre pays accuse un retard certain. En France, les initiatives se multiplient. Il existe même une étude (Potentialpark) menée auprès de 3.900 étudiants et jeunes diplômés qui établit un classement des meilleurs recruteurs sur mobile. En tête, on trouve Orange, mais également la Marine nationale, l’Armée de terre, qui devancent Airbus, la Société générale ou encore L’Oréal. « Les jeunes diplômés pianotent de plus

Sophie Lepercq JCDecaux © D.R.

La Société bruxelloise de transports publics (STIB), qui annonce mille postes de travail à pourvoir en 2015, l’a fort bien compris. En mai dernier, elle relançait son site emploi (jobs.stib.be) en l’adaptant pour la consultation via mobile. « La proportion de ceux qui visitent notre site via leur téléphone tourne

Les jeunes pianotent de plus en plus sur leur mobile pour chercher un emploi en plus sur leur mobile pour chercher un emploi, commentait Antoine Lhosmot, directeur France chez Potentialpark au Figaro. Ils étaient 24% à utiliser leur téléphone l'an dernier pour chercher des informations sur un employeur. Ils sont 35% aujourd’hui. Le candidat utilise son téléphone pour accéder aux offres d'emploi, les filtrer et, faute bien souvent de pouvoir postuler, se les envoyer par courrier électronique afin de postuler plus tard depuis son ordinateur. »

autour de 23%, ce qui n’est pas négligeable, confie Johan Claes, Employer Branding & Sourcing Manager à la STIB. On peut penser qu’il s’agit surtout d’ingénieurs et d’informaticiens, mais ce serait sous-estimer la démocratisation des outils de communication, notamment chez les plus jeunes. » Johan Claes en est convaincu : « Les sites d’emploi vont avoir de plus en plus difficiles à justifier leur existence dans les années à venir. Les entreprises essaient de développer


reseau I forum

Les entreprises essaient de développer une conversation directe avec les candidats une conversation directe avec les candidats et un site d’emploi représente une étape de trop. Chez nous, 70% des candidats nous arrivent en direct. De ces 70%, 25% utilisent le mobile et/ou une tablette. » La STIB n’a toutefois pas fait le choix de développer une application mobile spécifique. A ce stade du moins. « Mais nous sommes en discussion avec plusieurs sociétés qui proposent des solutions d’offres de postes vacants ‘en temps réel’ et en direct via smartphone, que ce soit via le scanning de notre logo ou par des ‘digitales footprints’ ultralocalisables et ultrapersonnalisables. Notre grand défi ? Etre les premiers à proposer de telles solutions, sans être trop tôt pour le marché de l’emploi... » Employer branding En France, le groupe Thales, actif dans les hautes technologies pour les marchés de la défense, de la sécurité, de l’aérospatial et du transport, a lancé son application mobile de géolocalisation en réalité augmentée pour smartphone dès juin 2013. Disponible dans les 56 pays où le groupe est présent, elle permet de découvrir les offres d’emploi, la diversité des métiers et les prochains rendez-vous de recrutement. Baptisée Thales World 4U, l’application vient renforcer l’offre de canaux par lesquels l’entreprise et les candidats ont la possibilité de se rencontrer. Thales figurait déjà parmi les premières entreprises de son secteur à se positionner sur les réseaux sociaux. Il faut dire que ses volumes de recrutement sont élevés : un millier en CDI, 2.000 stagiaires et 1.800 alter-

nants pour l’année 2015, des chiffres comparables à ceux de l’an passé. « Nous sommes depuis longtemps attentifs à ce qui se fait aux Etats-Unis ainsi qu’à l’évolution des taux de connexion via les téléphones mobiles, explique Vincent Mattei, responsable Recrutement et Mobilité France chez Thales. Les gens ne cherchent plus un job uniquement via leur ordinateur, mais via leur téléphone ou leur tablette quand ils le peuvent, par exemple dans le métro ou dans le train. Si nous avons voulu innover, c’est aussi pour renforcer notre marque employeur. Le nom Thales est connu, mais les candidats ne connaissent pas toujours nos produits, ni les emplois que nous proposons. » L’application correspond à l’ADN de l’entreprise dont la passion pour les technologies est un des éléments clés. « En activant la fonction réalité augmentée de l’application, l’utilisateur filme son environnement et voit apparaitre des fenêtres pop-up sur son écran, illustre-t-il. Celles-ci pointent les lieux où les solutions Thales peuvent être utilisées autour de lui et les offres d’emploi situées à proximité. En cliquant sur ces pop-up, il peut découvrir les fiches de description de ces solutions et des offres d’emploi. » Réagir avec impulsivité ? Aujourd’hui, l’application ne permet pas de postuler en ligne - ce qui nécessite une technologie plus poussée, mais une nouvelle version est en développement pour offrir cette possibilité aux candidats. Vincent Mattei le reconnaît : « Recruter via mobile est encore un investissement, un pari sur l’avenir plus qu’une réalité. Ceux qui posent leur candidature après usage de l’application ne représentent pas la majorité des candidats. Les réseaux sociaux amènent également un faible volume, de l’ordre de 8% à 10%. » Faut-il dès lors investir dans le mobile quand on n’est pas une société à vocation technologique ayant des volumes de recrutement importants ? « Il existe diverses façons d’appréhender le recrutement mobile, que ce soit par une présence sur les sites d’emploi généralistes ayant leur propre application mobile, via l’application corporate de l’entreprise ou par des applications mobiles multi-entreprises. Tout dépend des profils qu’on cherche : s’ils sont critiques à trouver et que vos concurrents sont accessibles via mobile, ne pas y aller représente un risque. » Permettre aux gens de postuler en temps réel, donc de réagir avec impulsivité, n’est-ce pas aussi la garantie de s’attirer la quantité de candidatures au détriment de la qualité, le candidat n’ayant pas forcément réfléchi

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en profondeur au sens de son acte ? « Qu’on le veuille ou non, les jeunes d’aujourd’hui fonctionnent de la sorte, note Johan Claes. Bien sûr, on peut continuer à exiger un CV sur papier et une candidature à la main, avec le risque de passer à côté de candidats. Aujourd’hui, le marché des talents est calme, mais le sera-t-il demain ? Je ne dis pas qu’il faut se lancer tête baissée, mais il faut au minimum se tenir au fait des évolutions en veillant à les étayer par des mesures et, idéalement, se montrer proactif en testant des solutions. Il n’y a pas beaucoup de sens à les développer en interne : des outils existent sur le marché et ceux-ci évoluent si vite qu’on ne pourrait suivre. Les applications mobiles, on n’en parlait guère il y a quelques années et, désormais, elles sont partout. Il faut en tenir compte. »

Ils partagent leur expérience

Johan Claes Employer Branding & Sourcing Manager STIB © STIB

Vincent Mattei Responsable Recrutement et Mobilité Thales © Thales Group

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En tête d’affiche

Alain Goergen Police fédérale « Face au déficit structurel en personnel, pour faire en sorte qu’un maximum de poli-ciers soient actifs sur le terrain et fassent leur travail de policier, il nous faut faire mieux avec moins de personnel au niveau des services d’appui non opérationnels. » © Hendrik De Schrijver

HR square n° 3 mars - avril 2015


En tête d’affiche

Alain Goergen pilote la mise en place d’un nouveau département RH à la Police fédérale texte

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Mission : plus et mieux de ‘bleu dans la rue’

christophe lo giudice

Dans le cadre du vaste plan d’optimalisation des services de police porté par le gouvernement fédéral, la Police fédérale met en place une nouvelle direction des ressources humaines intégrant les différents domaines RH. Au pilotage du projet, Alain Goergen détaille cet ambitieux trajet de change management dont les maîtresmots sont « rationalisation, simplification et déconcentration » pour fournir un meilleur appui au terrain. La Police fédérale n’a bien sûr pas attendu 2015 pour gérer ses ressources humaines de façon professionnelle et moderne. Cette gestion s’opérait jusqu’ici dans le cadre de la Direction général de l’appui et de la gestion (DGS) où douze directions travaillaient en ligne, rapportant chacune au directeur général. Parmi celles-ci, sept relevaient des domaines RH : le recrutement et la sélection, la formation, la gestion des carrières, le service juridique, les relations internes et syndicales, le service du bien-être au travail et le service médical. Ces services sont désormais intégrés au sein d’une « direction du personnel ». Cette dernière fait partie d’une direction générale des ressources et

Temps forts :: La nouvelle structure de la Police fédérale est issue d’une vaste réflexion initiée en 2012 qui a impliqué des personnalités hors de l’organisation. :: Objectifs : simplifier, moderniser, rationaliser, accroître la réactivité, se rapprocher du terrain et stimuler les collaborations. :: La constitution d’un département RH intégré doit permettre de soutenir toute l’organisation dans ce trajet d’optimalisation, avec à la clé de nombreuses initiatives RH, nouvelles ou intensifiées.

de l’information, dans laquelle on retrouve également trois autres directions : la logistique, les finances et l’ICT. La nouvelle structure est issue d’une vaste réflexion initiée en 2012 en vue de l’optimalisation des services de police. Un groupe de

et gendarmerie aient été constatés dans le cadre des enlèvements d’enfants perpétrés par Marc Dutroux. Mieux avec moins « La réforme des polices avait pour vocation

La réorganisation s’accompagne d’une remise à plat des activités et des processus travail avait alors été institué par la ministre de l’Intérieur. Composé de façon multidisciplinaires en impliquant des personnalités hors de la police, il a lui-même consulté un nombre important de personnes tant à l’intérieur qu’en dehors de l’organisation. Après fixation des priorités politiques, le fruit de ces travaux s’est concrétisé au mois de mars 2014 par l’adoption à la Chambre d’une loi modifiant les structures et le fonctionnement de la Police fédérale. Les grandes lignes du projet ? Une police fédérale plus simple, plus moderne, plus présente sur le terrain, plus réactive, au service des zones et renforçant sa collaboration avec les autorités judiciaires et administratives. La démarche vise à améliorer le fonctionnement de la police intégrée structurée en deux niveaux (police fédérale et polices locales) dont la mise en place effective remonte à janvier 2001, après que des dysfonctionnements entre police judiciaire

de mettre fin à un excès de centralisation, explique Alain Goergen, directeur du personnel ad interim à la Police fédérale. Mais si la décentralisation a ses avantages, il s’est révélé nécessaire de renforcer la vision et la cohérence stratégique tout en améliorant la coordination entre les services. » D’autre part, le plan d’optimalisation doit, dans le contexte budgétaire difficile qu’on connaît, permettre de dégager des capacités opérationnelles pour une meilleure présence sur le terrain. Il vise à produire des économies d’échelle pour réinvestir les moyens libérés dans l’engagement de personnel opérationnel ainsi que dans la modernisation des technologies et des équipements. « La mission de la police consiste à mettre en oeuvre la politique de sécurité qui doit garantir une société où il fait bon vivre », précise-t-il. Une des ambitions est de voir plus et mieux de ‘bleu dans la rue’. « Face au déficit structurel en personnel, pour faire

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En tête d’affiche en sorte qu’un maximum de policiers soient actifs sur le terrain et fassent leur travail de policier, il nous faut donc faire mieux avec moins de personnel au niveau des services d’appui non opérationnels. » Le projet de rendre la police plus efficace et plus moderne comporte par nature un très grand nombre de dimensions RH : simplification des structures en fusionnant des services et en rééquilibrant les affectations, développement des capacités de management, amélioration du recrutement et de la sélection, renforcement du professionnalisme et de la spécialisation - en assurant une meilleure formation pour l’acquisition des compétences de base ainsi que le développement continu en cours de carrière -, stimulation des dynamiques de collaborations, révision des possibilités de carrière, adaptation des politiques de bien-être aux nouveaux besoins, etc. Tailles variées La Police emploie quelque 50.000 person­ nes : 40.000 policiers en uniforme et 10.000 civils. 15.000 d’entre eux travaillent à la Police fédérale qui, outre gérer son propre personnel, exerce des missions de GRH pour l’entièreté de la police intégrée, no-tamment le recrutement et la sélection, la formation et la gestion de la mobilité. Un rôle relativement complexe quand on sait que les polices locales représentent 192 employeurs ayant leur autonomie. « Ce mode d’organisation peut, dans une certaine mesure, être comparé à une structure bancaire dotée d’un centre et d’agences relativement autonomes, le siège se chargeant de concevoir la politique RH et d’assurer différents services. » Mais la comparaison avec une banque s’arrête là. En effet, il faut en effet tenir compte de certaines spécificités, outre le métier bien sûr. A la police, par exemple, on

notamment se tourner vers le bourgmestre au niveau des communes (ou vers le collège de police au sein des entités recouvrant plusieurs communes) pour la police administrative et vers le procureur du roi pour la police judiciaire. Enfin, la taille des polices locales peut fortement varier, certaines comptant une soixantaine de policiers, d’autres pouvant grimper jusqu’à des effectifs de 2.400 personnes, comme à Anvers par exemple. PLIF La nouvelle structure organisationnelle de la Police fédérale se compose de trois directions générales : deux opérationnelles (la direction de la police administrative et celle de la police judiciaire) et une direction générale de la gestion des ressources et de l’information. C’est au sein de celle-ci qu’est créé le département du personnel, à côté de trois autres départements : logistique, information et finance. En abrégé, le « PLIF ». La création de ces départements s’accompagne d’un programme d’accompagnement du changement. « La nouvelle structure existe depuis la fin de l’année dernière, explique Alain Goergen. Toute personne qui avait un emploi dans l’ancienne organisation doit désormais trouver sa place dans la nouvelle organisation, ce qui passera par différentes phases à dérouler cette année. Pour certains, il n’y aura guère de changement. D’autres sont amenés à postuler en interne. Certaines fonctions disparaissent, d’autres sont créées. » L’exemple vient d’ailleurs du top : au pilotage du projet, Alain Goergen, aujourd’hui « DRH ad interim », est lui-même appelé, comme les autres directeurs de département, à passer la sélection pour leur fonction, ouverte à concurrence… L’intégration des services RH s’est accompagnée d’une analyse approfondie des acti-

La nouvelle organisation est renforcée par la création d’une communauté RH interne ne parle pas de CEO, mais de « commissaire général » (générale, en l’occurrence) qui, jusqu’ici, n’avait pas de « comité de direction » : ce dernier est une autre nouveauté amenée par la loi d’optimalisation. Autre particularité : si on veut opérer une analogie avec un « conseil d’administration », il faut

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vités et d’un reengineering des processus. « Ce chantier se fonde sur le modèle d’Ulrich, différenciant centres de services et centres d’expertises, pointe-t-il. Nous avons identifié trois grands processus : le management des collaborateurs, le management de la carrière et la gestion du bien-être. » Un grand ta-

bleau résume toutes les activités. En vert, on retrouve celles prises en charge au niveau central. Ensuite, en jaune et en orange, les autres activités sont réparties selon un modèle de « déconcentration », autre trait marquant de la loi d’optimalisation. « Des directions déconcentrées de la Police fédérale sont implantées dans chacun des 12 arrondissements calqués sur les arrondissements judiciaires, détaille-t-il. Ces directions ont leur propre responsable chargé de mettre en oeuvre les directives de l’échelon central, avec certaines marges de manoeuvre, notamment au plan de la gestion de leur personnel. Désormais, il y aura un seul service PLIF par arrondissement. Ces niveaux d’autonomie ont en outre été bien balisés: il y a ainsi des tâches qui doivent rester gérées en central, d’autres qui sont exécutées en central et qui peuvent être déconcentrées et d’autres enfin pour lesquelles la décision finale revient au central après avis donné par le niveau déconcentré. » Partager les bonnes pratiques Le trajet de changement dans l’organisation RH s’accompagne aussi de la création d’une « communauté RH » interne. « Dans une organisation de 50.000 personnes, nous avons naturellement un nombre important de personnes s’occupant de RH, que ce soit au niveau central, au niveau des arrondissements ou à celui des polices locales, avec des communications qui ne passent pas toujours de façon optimale. Il existe des réseaux informels, avec plus ou moins de maturité ou d’intensité selon les endroits. Ces réseaux fonctionnent bien, quand ils existent, et nous voulons capitaliser sur ceux-ci en les appuyant sur un réseau plus formel de responsables RH. Soit un noyau de quelque 250 personnes, avec l’objectif de faciliter les échanges d’information top/down et bottom/up et partager les bonnes pratiques. » Une telle dynamique ne peut être animée depuis le seul échelon central. C’est pourquoi le choix a été fait de s’appuyer sur les responsables du personnel au niveau des arrondissements qui, eux-mêmes, vont ani­ mer leur communauté de responsables RH des entités de première ligne. « L’enjeu principal sera de faciliter l’accès à l’expertise au niveau le plus adéquat. Le niveau central est, par exemple, souvent critiqué pour son manque de réactivité. Mais celui-ci s’explique en partie par le fait qu’il est trop sollicité pour des questions qui ne relèvent pas de ce niveau : quand on rencontre une question ou un problème, la tendance est à prendre le téléphone et à appeler quelqu’un qu’on connaît en central, plutôt que de chercher


En tête d’affiche

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Alain Goergen Police fédérale « Si la décentralisation amenée par la réformes des polices a ses avantages, il s’est révélé nécessaire de renforcer la vision et la cohérence stratégique tout en améliorant la coordination entre les services. » © Hendrik De Schrijver

Un des enjeux sera de faciliter l’accès à l’expertise RH au niveau le plus adéquat la solution au moyen des outils à disposition. On évalue entre 70 et 80% des questions qui pourraient être traitées à un niveau inférieur. Dans cette optique, nous allons mettre en place des trajets de formation visant à amener les gestionnaires à être autonomes pour la résolution de la plupart des problèmes de leur niveau. Ce qui devrait permettre au central d’accroître sa réactivité sur les matières qui le concernent et de développer son rôle stratégique. » La parole aux policiers A côté de la réorganisation des services RH, les projets ne manquent pas et touchent aux différents domaines de la GRH. « Le recrutement et la sélection demeure un axe essentiel puisque nous procédons à quelque 2.000 engagements par an, avec des pics jusqu’à 2.300 ces trois dernières années, souligne Alain Goergen. Une de nos préoccupations consiste à faire évoluer nos lignes de com-

munication de sorte de refléter au mieux la réalité du travail de policier. Nous enregistrons entre 25.000 et 30.000 candidatures par an, ce qui est amplement suffisant. Notre but n’est donc pas d’attirer davantage de candidats, mais de cibler les bons candidats, bien conscients des avantages mais aussi des inconvénients du métier. » A ce titre, l’actualité récente et la menace terroriste qui pèse sur notre pays peuvent potentiellement avoir des impacts en matière de recrutement. « La situation actuelle alimente en tout cas le cliché du policier cagoulé, en gilet pare-balles et armé d’une mitraillette. Or, ce n’est qu’une partie du métier qui masque un autre volet extrêmement important qu’est le service à la population. Pour aider les candidats à se faire une idée réaliste ce que fait un policier, nous donnons autant que possible la parole aux policiers eux-mêmes pour qu’ils parlent de leur métier. A cette fin, nous avons constitué un réseau de points de contacts, soit 1.400 volontaires dans le pays, dans tous les types de fonctions. Des capsules de témoignages avec des collègues sont aussi développées, de telle sorte d’avoir des messages plus spontanés, moins marketing. » La formation est un autre domaine où les initiatives abondent : gestion des compéten-ces, remise à plat du contenu des formations de base, création d’une cartographie des formations pour les rendre plus visibles et plus accessibles. Depuis plusieurs années, la Police fédérale s’est embarquée dans un important trajet visant à devenir une organisation apprenante, avec notamment un volet de knowledge management qui trouve ainsi un nouvel élan. La démarche s’articule en cinq axes: valoriser les connais-

sances (avec un travail spécifique au niveau du leadership), identifier les connaissances (par une cartographie des connaissances critiques), partager les connaissances (en octroyant les moyens de ce partage, que ce soit en termes d’outils ou de méthodologies), accéder à la connaissance (en promouvant différentes façons d’y accéder et en facilitant cet accès), et organiser la connaissance (en faisant émerger des réseaux de réseaux et en œuvrant à leur interconnexion). Une attention spécifique va être apportée aux carrières. Dans le cadre des nouvelles activités que le département RH va pouvoir mettre en place grâce à l’optimalisation, on retrouve notamment la création d’un bureau d’aide à la carrière. « Sur base de bilans de carrière, il aura pour mission de faire des recommandations aux personnes. Aujourd’hui, le principe de mobilité se fonde sur deux paramètres : les postes vacants et les choix des collaborateurs. Or, ces derniers ne sont pas forcément au courant de toutes les possibilités qui s’offrent à eux dans une organisation de cette taille. Ce bureau doit permettre de mieux les orienter en fonction de leurs compétences et aspirations et, bien sûr, des besoins de l’organisation. » Enfin, le bien-être des membres du personnel n’est pas oublié. D’un point de vue structurel, on notera la création d’un tout nouveau « Psychological medical service » qui sera encore mieux à même de proposer une prise en charge globale des membres du personnel, tant dans l’urgence que dans le suivi (notamment en cas d’accident du travail et d’exposition à des événements traumatisants). Du pain sur la planche, donc, pour le nouveau département RH et son patron qui devrait être définitivement nommé dans les semaines qui viennent…

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De nouvelles pistes de recrutement et de formation à explorer

Insertion des peu qualifiés : l’entreprise a (aussi) un rôle à jouer texte

mélanie geelkens

L’intégration professionnelle des profils peu qualifiés est un enjeu majeur de la relance économique. Et un problème important sur le marché de l’emploi actuel. Si l’enseignement et les mesures prises par les pouvoirs publics doivent être améliorés, les entreprises doivent elles aussi jouer un rôle, via leurs politiques RH.

« Europe 2020 ». Rares sont les politiques qui mentionnent le nom de cette stratégie européenne dans leurs discours. Pourtant, depuis 2010, celle-ci est censée être le livre de chevet de tous les élus et acteurs publics soucieux de relancer l’économie nationale. Ce texte entend développer « une économie intelligente, durable et inclusive ». Au-delà des beaux discours, les objectifs sont précis. Améliorer le taux d’emploi de la population active (20 à 64 ans), diminuer le décrochage scolaire, réduire le nombre de personnes touchées par la pauvreté ou l’exclusion sociale. Histoire de passer de la parole aux actes, la Belgique a chiffré les efforts à fournir. Côté taux d’emploi, elle entend atteindre les 73,2% d’ici 2020. Contre 67,2% actuellement (chiffres pour 2013). Six points : l’écart peut sembler minime à combler, d’autant qu’il reste encore cinq ans pour y parvenir.

Temps forts :: Les procédures de recrutement habituelles ne sont pas adaptées aux travailleurs peu qualifiés. :: L’entreprise doit miser sur la formation, les politiques salariales attractives, des emplois d’avenir. Tout en luttant contre la tendance à la surqualification. :: Ces politiques demandent des investissements, mais pas à corps perdu : des retombées, notamment économiques, peuvent être à la clé.

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Dans les faits, toutefois, le chantier est colossal. Pour toucher au but, soulignait le Conseil supérieur de l’emploi (CSE) dans son rapport 2014, il faudrait réussir à créer quelque 400.000 emplois supplémentaires, soit 60.000 par an de 2014 jusqu’à

tion âgée de 15 à 64 ans. Chez les demandeurs d’emploi, cette proportion s’élève même à 42%. Or les chances de trouver un job augmentent en fonction de l’avancement dans les études. En moyenne, le taux d’emploi des diplômés de l’en-

Ceux qui quittent l’école trop tôt représentent encore un tiers de la population globale l’échéance. Mission quasi impossible (ou très ambitieuse, c’est selon), lorsqu’on sait que depuis 2008, 26.000 créations nettes d’emplois par an ont été recensées, contre 43.000 avant la crise. Le principal frein à l’accomplissement de la stratégie « Europe 2020 » reste la faible participation au marché du travail de certains groupes dits « à risque ». Pièges à l’emploi À commencer par les profils peu qualifiés. Ou plutôt « peu scolarisés ». Cette catégorie regroupe essentiellement ceux et celles qui n’ont pas obtenu de certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS), ayant abandonné les cours avant la sixième secondaire. Globalement, le niveau d’éducation des Belges s’améliore d’année en année. Mais ceux qui quittent l’école trop tôt représentent encore un tiers (32%) de la popula-

seignement supérieur et des universités dépasse les 80%, contre 38% pour ceux qui ont décroché avant la rhéto. Chaque région du pays n’est pas logée à la même enseigne. La Flandre et la Wallonie sont un peu moins concernées tandis qu’à Bruxelles, on estime qu’environ la moitié des personnes inscrites au chômage disposent au maximum du diplôme secondaire du deuxième degré (4ème année). Dans la capitale, viennent se greffer à cette problématique ceux qui possèdent un diplôme non-reconnu en Belgique (près d’un tiers des demandeurs d’emploi). Dans son rapport établi en 2013, le CSE tentait de dresser un portrait de cette population plus faiblement qualifiée. Davantage masculine que féminine, plus exposée à la précarité, changeant plus fréquemment de job, signant généralement des contrats à temps partiels, temporaires ou d’intérim. Comprenant une part importante de ressor­


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Philippe Delhez Coordinateur du rapport du CSE « Il est parfois possible de décomposer une fonction globale en fonctions plus simples. Une fois recentrée sur sa mission principale, la personne deviendra plus productive. À côté de cela, un poste moins qualifié aura été créé. » © D.R.

tissants de pays hors Union européenne, aussi. Proportionnellement plus âgée, enfin. Pourtant, les efforts des pouvoirs publics ces dernières années se sont surtout concentrés sur les jeunes. En tentant de lutter contre le décrochage scolaire, en proposant des formules d’accompagnement des chômeurs, en mettant en place des dispositifs d’aide à l’embauche (lire ci-contre), etc. Aux yeux du CSE, il est nécessaire d’enfoncer encore le clou. Celui-ci propose différentes pistes : éviter le redoublement, mieux informer les jeunes quant au rendement des études, lutter contre la stigmatisation des filières techniques, professionnelles, d’alternance et de promotion sociale, offrir au travers d’une « seconde chance » la possibilité de revenir à l’enseignement après l’avoir prématurément quitté… Ses recommandations ne s’arrêtent pas à

l’univers scolaire. Aux partenaires sociaux, il rappelle le juste équilibre à trouver entre salaire minimum et pièges à l’emploi. Aux pouvoirs publics, il suggère d’étudier l’efficacité des mesures prises, d’abaisser le coût du travail via la réduction de charges salariales, de mettre en place un accompagnement plus performant des chômeurs, ainsi que des formations plus adaptées. Bref, il n’existe pas de recette miracle pour permettre à ces profils peu scolarisés de (re)trouver le chemin du travail. L’équation est au contraire plutôt complexe et seule une addition de chacun des éléments qui la composent permettra d’atteindre un résultat final positif. Et les entreprises, dans tout ça ? Selon le CSE, les entreprises ont elles aussi un rôle à jouer. Certes, la rengaine patronale est connue : les sociétés ne sont pas des

écoles, le coût du travail est déjà faramineux, le contexte économique actuel n’aide pas, la motivation fait parfois cruellement défaut aux candidats, les aides à l’embauche son mal ficelées… Et cetera, et cetera. Soit. Cela n’empêche pas d’ajouter sa pierre à l’édifice. Certaines organisations le font déjà abondamment, d’autres pourraient sans doute s’améliorer. Le Conseil supérieur de l’emploi identifie quatre options envisageables. À commencer par le renforcement des formations en interne (y compris lorsque celles-ci ne sont pas spécifiques à la fonction), pour favoriser le management des compétences. « Il y a deux façons de traiter le capital humain d’une organisation : soit on le presse, soit on le cultive, résume Philippe Delhez, coordinateur du rapport du CSE et expert au sein du département études de la Banque nationale de Belgique. Il est important de fidéliser son personnel, de réfléchir à son épanouissement. » La deuxième piste s’inscrit dans le même ordre d’idée : recourir à des plans personnels de développement, afin de s’assurer que chaque salarié utilise ses capacités de façon optimale tout au long de sa carrière. Peut-être est-il également possible de pratiquer le job splitsing, poursuit Philippe Delhez. « C’est-à-dire réfléchir aux tâches réellement effectuées par les employés plus qualifiés. Il est parfois possible de décomposer une fonction globale en fonctions plus simples », détaille-t-il. Par exemple, un cadre peut passer un certain temps à faire des photocopies, des recherches sur le web, à compléter des dossiers… Autant de pans de son boulot quotidien qui pourraient être effectués par d’autres. « Une fois recentrée sur sa mission principale, la personne deviendra plus productive. À côté de cela, un poste moins qualifié aura été créé, et le collaborateur qui l’occupera pourra se sentir valorisé. Évidemment, cela suppose que l’entreprise soit d’une taille suffisante. »

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dossier 1 Mehdi Kherroubi HEC-ULg « Les canaux de diffusion des offres d’emploi se révèlent parfois ‘vieux jeu’. Les réseaux sociaux peuvent être une alternative. On peut aussi se diriger vers des agents d’insertion qui aideront à transmettre des offres dans les cafés, les lieux sportifs… » © D.R.

Le job splitsing va de pair avec une lutte contre la surqualification, quatrième recommandation du CSE. « Quand le chômage augmente, les sociétés qui engagent disposent généralement de plus de choix. Des profils présentant plus de qualifications que ce que le poste exige peuvent se présenter. Les responsables des ressources humaines sont alors confrontés à un dilemme : faut-il choisir celui qui a un diplôme nécessaire, suffisant, ou celui qui semble avoir davantage de compétences ? », résume le coordinateur. Beaucoup opteraient pour la deuxième alternative. Parfois à tort : le talent risque de s’ennuyer puisqu’il effectue un boulot qui ne correspond pas à son niveau de formation, et par conséquent d’aller voir rapidement si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Le DRH est alors bon pour relancer une (coûteuse) procédure de recrutement. « Mieux vaut directement employer quelqu’un qui répond d’emblée aux compétences, et qui pourra progresser en étant accompagné », estime Philippe Delhez. Mais avant de penser à la manière dont on va pouvoir conserver son personnel sur la durée et le faire évoluer, il faut d’abord parvenir à l’embaucher. Or la marche à suivre serait assez différente lorsqu’il est question de profils peu qualifiés. Mehdi Kherroubi, chercheur à HEC-ULg, a travaillé avec de grandes firmes sur la gestion des ressources humaines liée à la diversité. Il a remarqué que les canaux de diffusion des offres d’emploi se révèlent parfois « vieux jeu ». En interne, sur son site web, via le Forem ou Actiris… « Or ce public particulier a des habitudes différentes, souligne-t-il. Il est assez lassé de chercher un job par les moyens traditionnels. » Hors des sentiers battus Les réseaux sociaux peuvent devenir une alternative, de manière à se montrer plus proche de la cible à qui l’on veut s’adresser, en particulier les jeunes. « Il n’y a pas que le virtuel, ajoute-t-il. Dans le réel, on peut se diriger vers des agents d’insertion, des personnes qui connaissent les quartiers comme

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leur poche et qui n’ont pas une étiquette de fonctionnaire. Ils peuvent aider à transmettre des offres dans les cafés, les lieux sportifs… Bref, à sortir des chemins balisés, connus et quelquefois inefficaces. » Mehdi Kherroubi suggère par ailleurs de simplifier les profils de fonction. De s’abstenir de tous descriptifs dégoulinant de jargon, de concepts abstraits. Plutôt d’aller droit au but. « Parfois, il est plus simple de joindre une vidéo qui montrera clairement le travail demandé », envisage-t-il. Même plaidoyer terre-à-terre en matière d’entretiens d’embauche, souvent très carrés : une présentation du poste, un exposé

Choisir son vocabulaire Stéphanie Coster plaide également en faveur d’une simplification des procédures RH. Cette chercheuse à la Louvain School of Management réalise une thèse sur le rôle des politiques de gestion dans l’intégration professionnelle des travailleurs peu qualifiés, particulièrement dans le secteur des titres services. « Sur le terrain, j’ai dû adapter mon langage. Les personnes avec qui je discutais ne savaient par exemple pas ce qu’était une évaluation, simplement parce qu’elles n’y avaient jamais été confrontées, raconte-telle. Même chose pour le développement des compétences. Il faut se montrer plus

Il y a deux façons de traiter le capital humain : soit on le presse, soit on le cultive

des compétences et des motivations, une séance de questions-réponses assis autour d’une table… « Pourquoi ne pas plutôt juger les comportements sur des situations bien précises, suggère le chercheur. Mettre le candidat en situation, ce qui permettra au recruteur de voir comment il réagit, et au recruté de savoir à quoi il devra s’attendre ». Histoire qu’il ne finisse pas par démissionner parce que le poste ne correspondait pas à l’image qu’il s’en était faite.

précis. » Plus conscient aussi des aspirations et motivations de chacun. « Pour ce type de profil, le salaire est quelque chose d’élémentaire, observe-t-elle. Ils travaillent vraiment pour avoir suffisamment d’argent à la fin du mois ». Dans un premier temps, il n’est dès lors peut-être pas utile de mettre en avant les possibilités d’évolution, de formations, etc. « Certains salariés trouvent ça chouette, d’autres disent "on n’en a vraiment pas


dossier 1 besoin, on ne voit pas l’utilité de faire ça ». » La sécurité de l’emploi est un autre facteur important. Or les contrats proposés par les employeurs sont souvent précaires, et risquent de le devenir encore davantage depuis la disparition de la période d’essai, suite à l’harmonisation des statuts. Toutefois, cumuler les CDD, les intérims ou les remplacements, sans réelle perspective d’avenir, ne favorise pas la motivation… Un cercle vicieux. Flexibilité Par ailleurs, l’équilibre entre vies privée et professionnelle n’est pas l’apanage des cadres… Si le télétravail n’est peut-être pas une piste envisageable, il est parfois possible de réfléchir à des horaires adaptés. « La notion de flexibilité est importante, affirme Mehdi Kherroubi. Les sociétés doivent avoir une politique un peu plus ouverte. Ces personnes sont restées longtemps au chômage, elles n’ont plus nécessairement l’habitude de travailler. Il faut leur laisser le temps de faire leurs preuves, de s’adapter. » « L’entreprise doit aussi être attentive à l’atmosphère dans les équipes », enchaîne-t-il. Et de citer le rôle que peut jouer un médiateur, qui va récolter les plaintes émanant des ou-

Une personne à qui on a fait confiance aura envie de rendre cette confiance

différentes, mais aussi entre les catégories d’âge, francophones et néerlandophones… » Le stage est souvent la première porte d’entrée dans la vie active. Beaucoup de structures offrent d’abord les places disponibles aux enfants des salariés. Qui sont majoritairement plus qualifiés, remarque le Centre pour l’égalité des chances. Celui-ci plaide pour davantage d’ouverture, de manière à ce que plus de jeunes puissent se frotter à la réalité du travail, et ainsi ajouter une ligne sur leur CV par la suite. Mehdi Kherroubi mentionne également d’autres initiatives, comme celle de désigner un parrain parmi les salariés les plus anciens pour épauler le nouveau venu, lui expliquer les trucs et astuces liés à la vie quotidienne, l’organisation interne, et in fine faciliter son intégration. « Autant de petits instruments qui ne coûtent pas cher et qui peuvent empêcher l’émergence de beaucoup de problèmes ». Reste que l’intégration professionnelle du personnel peu qualifié demande un certain investissement de la part des équipes RH. Qui peut être important sur le plan financier, par exemple lorsqu’il s’agit d’organiser des formations. Or la principale crainte

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Evi Van Acker championne de voile olympique

vriers et employés. Ainsi que l’importance de mettre en place des séminaires sur le thème du vivre ensemble au sein de l’organisation. « Pour éviter les tensions qui peuvent surgir, pas seulement entre personnes d’origines

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dossier 1 des firmes est de consentir cet effort pour ensuite voir le salarié les quitter pour un autre employeur. L’avantage de la page blanche Crainte justifiée ? « Si elles peuvent offrir un emploi sécurisé, avec de bonnes conditions, un contrat intéressant, des perspectives d’évolution, pourquoi les personnes partiraient-elles ? », répond Mehdi Kherroubi. « Changer pour un nouveau type de métier

augmente sa cote vis-à-vis de différents pans de la population au sein de laquelle elle réalise son activité économique. Elle soigne par conséquent son image, sa responsabilité sociétale. » Un aspect non négligeable…

Le job splitsing va de pair avec une lutte contre la surqualification

Stéphanie Coster Louvain School of Management « Il convient d'adapter son langage. Les profils peu qualifiés ne savent, par exemple, pas forcément ce qu’est une évaluation, simplement parce qu’ils n’y ont jamais été confrontés. » © D.R.

est assez rare, complète Stéphanie Coster. La raison principale sera souvent une rémunération plus élevée trouvée ailleurs. » Ces « investissements » engendreraient même des retombées intéressantes, et parfois inattendues, pour les entreprises. « Si on prend une page blanche, on peut écrire ce que l’on veut dessus, compare Caroline Plumet, project team leader chez Manpower, spécialisée dans l’accompagnement des chercheurs d’emploi. Quelqu’un à (re)former pourra l’être selon le fonctionnement de l’entreprise. Puis une personne à qui on a fait confiance aura envie de rendre cette confiance. » Un employé qui commence au bas de l’échelle pour en gravir progressivement les échelons aura une meilleure connaissance du fonctionnement interne une fois le poste à responsabilités atteint. Dans le cas du job splitsing, une bonne adéquation entre tâches effectuées et niveau de compétences est synonyme de productivité accrue. Aussi, des études montrent que les sociétés qui embauchent du personnel correspondant à la diversité de sa clientèle se créeront plus d’opportunités économiques. Le public que l’on cible sera sans doute sensible à l’idée d’être en contact avec un représentant en qui il se reconnaît. A contrario, le personnel pourra aussi aider à comprendre d’autres cultures, d’autres habitudes, d’autres états d’esprit. « C’est faire d’une pierre, deux coups, conclut Mehdi Kherroubi. La firme

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Les entreprises sociales à la pointe de la réinsertion, mais à la traîne niveau RH En matière d’insertion socio-professionnelle des profils peu qualifiés, les entreprises d’économie sociale sont généralement en première ligne. Une étude récemment réalisée par Charlotte Moreau, doctorante à HEC-ULg, montre que la gestion des ressources humaines devient pour elles un réel enjeu. Seules 30% de ces organisations disposent d’un DRH désigné comme tel, autre que le directeur général. Pourtant, une majorité d’entre elles estiment que les RH sont indispensables dans leur secteur, même si les politiques mises en œuvre doivent être adaptées à celui-ci. Charlotte Moreau a d’ailleurs constaté que ces structures n’hésitent pas à faire appel à des aides extérieures et que des outils de gestion des ressources humaines commencent à être développés, par exemple au niveau du recrutement ou de rémunération. L’objectif de ces politiques mises en place est d’atteindre une égalité des pratiques et ente travailleurs. L’un des principaux défis rencontré concerne la gestion de la diversité du personnel. Qui n’est pas seulement constitué de profils à la fois très et peu

qualifiés, mais aussi de bénévoles, de coopérateurs, etc. En général, les entreprises sociales n’éprouvent pas de réelles difficultés à recruter. L’offre de candidats se révèle même souvent supérieure à la demande. La notion de formation, si elle reste synonyme d’épanouissement professionnel, revêt un sens légèrement différent : dans ces organisations qui poursuivent un but sociétal, former est vu comme un tremplin qui permettra au final au travailleur à se réinsérer dans le circuit économique privé, « classique ». Il ne s’agit pas d’un moyen pour conserver les salariés le plus longtemps en place. Il existe parfois des tensions entre l’objectif social et l’objectif économique auxquels ces entreprises restent confrontées. Faut-il engager une personne parce qu’elle se montre productive ou parce qu’elle est très éloignée du marché de l’emploi ? Les responsables RH ne sont pas encore parvenus à trancher cette question…


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De (trop) nombreuses mesures existent en Belgique

La jungle des aides à l’emploi texte

mélanie geelkens

Activa, Activa Start, Start, SINE, SESAM, APE, PTP, CPE… Entre toutes ces appellations et ces acronymes, il y aurait presque de quoi en perdre son latin ! La liste des aides à l’emploi disponibles en Wallonie et à Bruxelles est longue, très longue. Et méconnue.

Jean De Lame UWE « Nous plaidons pour davantage d’efficacité, en concentrant toutes les mesures sur une seule et unique diminution des cotisations sociales. » © D.R.

Les employeurs y voient parfois flou et il arrive que les futurs employés doivent mettre eux-mêmes en avant les subsides et réductions auxquels ils pourraient avoir droit, en fonction de leur profil. Pour tenter de résumer, une bonne partie de ces aides s’adressent aux jeunes, a fortiori peu, voire très peu, qualifiés. C’est par exemple le cas d’Activa Start, qui permet une déduction du salaire net d’une allocation de travail de 350 euros pendant maximum 6 mois. Elle peut être couplée à une réduction ONSS « jeunes travailleurs », de maximum 1.500 euros par trimestre (selon le niveau d’étude). Existe aussi la solution « CPE » pour « convention premier emploi », s’adressant aux moins de 26 ans peu qualifiés. En Wallonie, s’ajoute également le SESAM, un subside forfaitaire annuel de 22.500 euros (répartis sur 3 ans) qui peut être octroyé suite à l’embauche d’un

Temps forts :: On recense recense plus de 120 mesures fédérales (principalement) et régionales (accessoirement) relevant de la politique de l’emploi. :: La quasi-totalité des mesures est ciblée, c’est-à-dire qu’elle s’applique à des publics spécifiques, dont les peu qualifiés. :: Le paysage pourrait évoluer maintenant que la sixième réforme de l’Etat a rendu les régions encore plus compétentes en matière d’aides à l’emploi.

demandeur d’emploi dans le secteur marchand. Vous suivez toujours ? Ce n’est pas fini ! D’autres aides s’appliquent potentiellement pour les travailleurs plus âgés (réduction ONSS groupe cible, complément de reprise du travail 55 +, Fonds de l’expérience professionnelle…), pour les demandeurs d’emploi de longue durée, pour l’engagement des premiers travailleurs, pour les personnes présentant un handicap… Sans oublier toutes les aides à la formation. Régions plus compétentes Les options potentielles sont nombreuses. Trop, selon l’Union wallonne des entreprises (UWE). « Il existe beaucoup de mécanismes, mais les budgets ne sont pas énormes, critique Jean De Lame, directeur du département Emploi-Formation. Puis ces aides sont temporaires et à 90% orientées vers le secteur non-marchand et le public. » L’UWE plaide pour davantage « d’efficacité », en concentrant toutes les mesures sur une seule et unique diminution des cotisations sociales. Ce qui simplifierait les choses et permettrait aux entreprises de ne pas avoir à décaisser, alors que les mécanismes actuels nécessitent souvent d’avancer les montants totaux avant de recevoir un subside. Ces réclamations ne datent pas d’hier. Reste à savoir si elles finiront par être entendues par les instances publiques. Les entreprises gardent espoir, surtout depuis que la réforme de l’Etat a rendu les régions encore plus compétentes en matière d’aides à l’emploi. Avec des mesures plus adaptées aux réalités de chaque territoire à la clé ?

Sur le site www.autravail.be, vous trou­verez un aperçu des avantages et primes auxquels vous avez droit. Ce site recense plus de 120 mesures fédérales (principalement) et régionales (accessoirement) relevant de la politique de l’emploi, relève l’UWE dans ses Etudes sur la situation de l’entreprise. Les mesures qui peuvent être sollicitées par les entreprises privées établies en Wallonie sont de l’ordre de 30. Elles peuvent être ventilées en quelques catégories : les différents plans Activa qui peuvent combiner activation de l’allocation de chômage pour le salarié et réductions de cotisations de sécurité sociale personnelles et patronales ; des mesures visant à réduire les cotisations de sécurité sociale patronales ou personnelles ; les primes à l’emploi ; les différents incitants fiscaux et les mesures en faveur des publics en formation. La quasi-totalité des mesures s’applique à des publics spécifiques (jeunes, seniors, chômeurs de longue durée, handicapés, petites entreprises, premières embauches,...). Différents critères entrent en jeu. Dans le chef des salariés, il s’agit principalement de l’âge, de la durée du chômage et/ou du manque de qualification. Pour les employeurs, les distinctions concernent principalement la taille de l’entreprise et le secteur d’activité.

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Eddy Noben (Cofely Services) sur la valeur des partenariats pour accroître les qualifications texte

Former les peu qualifiés, c’est du win-win

christophe lo giudice

Les entreprises peuvent jouer un rôle très concret pour contribuer à la mise à l’emploi de profils non qualifiés, tout en trouvant par là même réponse à des enjeux business. C’est ce que montre l’expérience de Cofely Services, d’une part avec la création d’une entreprise d’insertion sociale, d’autre part via un dispositif de formation en alternance.

Filiale du groupe GDF SUEZ, Cofely Services est un groupe d’entreprises actif dans la gestion technique d’installation et de services facilitaires. L’entreprise emploie près de 2.000 personnes en Belgique, essentiellement qualifiées (ingénieurs, techniciens, etc.). C’est au printemps 2008 qu’elle a mis sur pied Novela, une société coopérative à finalité sociale et d’insertion permettant l’engagement, la formation et la mise à l’emploi de profils non qualifiés. Une initiative qui relève d’une préoccupation de responsabilité sociétale, mais qui correspond également à un véritable enjeu business. « A côté des interventions à caractère technique, nous réalisons aussi de petits travaux de peinture et du nettoyage, confie Eddy Noben, directeur des ressources humaines

Temps forts :: La création d’une entreprise d’insertion sociale par Cofely Services a permis la mise à l’emploi de profils non qualifiés et le recentrage des techniciens sur leur coeur de métier. :: La formation en alternance rend possible de placer la barre moins haut en recrutement en comblant l’écart par de la formation adaptée aux besoins de l’entreprise. :: Certaines entreprises se positionnent comme simples utilisateurs de l’alternance. Se positionner en partenaire est plus riche.

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chez Cofely Services. Nos techniciens revenaient parfois frustrés par ce type de tâches pour lesquelles ils sont naturellement sur-qualifiés. De la perspective de l’employeur, c’était également payer trop cher pour ce travail. En isolant cette activité et en la sous-traitant à une société à créer, nous pouvions à la fois mieux organiser l’exercice de nos métiers et mettre en place une niche d’activité de nature à donner de l’emploi à des profils non qualifiés. » Emploi de proximité Depuis lors, Novela a trouvé sa place dans le portefeuille d’activités de Cofely Services et occupe en moyenne 16 personnes. « Il s’agit d’une démarche sociétale complètement intégrée dans la stratégie de l’entreprise », confirme le DRH qui souligne par ailleurs la bonne collaboration avec des partenaires locaux, dont la Mission locale de Saint-Josse, pour sa mise en oeuvre. « Ceux-ci nous aident à trouver les profils dont nous avons besoin dans une perspective d’emploi de proximité, appuie Karolien Vandersteen, Social Development & Training Manager. En termes de sélection, nous laissons les portes grandes ouvertes, pour autant de tenir compte des conditions assez strictes fixées par le gouvernement en matière de réinsertion. Il n’y a pas vraiment d’autres critères, si ce n’est la motivation des personnes à saisir la perche qu’on leur tend. » Une fois la personne engagée, Cofely Services leur dispense une formation au métier ainsi qu’un soutien comportemental. « Le dispositif bénéficie à des personnes qui ont parfois été longtemps sans emploi et qu’il

faut alors resocialiser professionnellement : leur apprendre à se lever le matin, ce que signifie avoir un chef, comment interagir avec les collègues, etc. » La première phase du trajet est donc plutôt tourné vers le savoir-être. Ensuite vient le savoir-faire. « Même si le travail n’est pas complexe, il existe des prérequis en matière de sécurité. Nous veillons à la mise à niveau en langues. Il est aussi arrivé que nous assurions la formation à l’obtention d’un permis de conduire. » L’objectif du dispositif n’est pas de garder les personnes en poste chez Novela, mais de les préparer à rebondir sur le marché de l’emploi, reprend Eddy Noben. « Nous sommes dans un cadre de réinsertion : Novela agit comme un tremplin. Nous ne fixons toutefois pas de limite de temps. Chacun peut ainsi évoluer à son rythme. Pour certains, le trajet dure une année ou deux. D’autres évoluent plus vite, d’autres plus lentement. » Depuis sa création, cette entreprise sociale a contribué à réinsérer près de 25 profils à faibles qualifications sur le marché de l’emploi. Un sur deux a trouvé un emploi fixe dans une des sociétés du groupe. Trouver son chemin Plus récemment, Cofely Services s’est essayé au dispositif de formation en alternance. Celui-ci consiste pour les apprenants à alterner des phases de formation théorique à l’école ou en centre et des phases d'apprentissage en entreprise, selon un programme préétabli et agréé. Là encore, l’initiative répond à un enjeu business : « Nous sommes actifs dans des domaines à fortes pénuries de main d’oeuvre, observe le DRH. Pour nous


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Eddy Noben, avec Els Neyens et Karolien Vandersteen Cofely Services « Nous sommes dans des métiers à fortes pénuries de main d’oeuvre. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’attendre qu’on vienne postuler chez nous. Faire preuve de proactivité, c’est former nous-mêmes les travailleurs dont nous avons besoin. » © Hendrik De Schrijver

attacher les travailleurs dont nous avons besoin, nous ne pouvons pas attendre qu’ils viennent postuler chez nous. Il nous faut être proactifs. Un tel dispositif nous permet de placer la barre un peu plus bas en termes de compétences techniques recherchées, mais de combler l’écart en développant les personnes par de la formation. » La matière étant pour le moins compliquée dans notre pays - avec des dispositions très différentes selon les régions, les partenaires, etc. -, il a d’abord fallu à l’entreprise un peu de temps pour trouver son chemin dans ce dédale. Elle a ensuite développé des contacts privilégiés avec un certain nombre d’écoles sélectionnées pour leur capacité à lui présenter des candidats correspondant à ses besoins. « Comparé à Novela, nous ciblons ici des profils plus jeunes, avec une certaine maturité, mais aussi très motivés,

Une fois la sélection opérée, l’alternant s’inscrit dans un trajet dont les modalités vont varier selon les écoles : une alternance d’une semaine à l’école et d’une semaine dans l’entreprise dans certains cas, une alternance de deux jours à l’école et de trois jours en entreprise durant la même semaine dans d’autres cas. « Tous les apprenants bénéficient chez nous du soutien d’un parrain social et d’un parrain technique qui agissent comme points de référence, ajoutet-elle. Au début, ils ne travaillent jamais seuls. Par la suite, ils développent une certaine autonomie dans l’équipe à laquelle ils sont intégrées, mais toujours dans le cadre d’un suivi et d’une évaluation menée très régulièrement. » Temps et énergie Certaines entreprises

se

positionnent

Nous ne fixons pas de limite de temps. Chacun peut évoluer à son rythme l’investissement étant plus lourd en formation pour leur permettre d’atteindre le niveau de compétences attendu », note Els Neyens, Recruitment & Career Manager chez Cofely Services.

tion et dans le suivi des élèves, mais également de garantir dans la mesure du possible qu’ils puissent trouver un emploi au terme du trajet, indique Eddy Noben. Cet investissement fait que les alternants ont tendance à nous être fidèles et à faire du chemin au sein de notre groupe. » Depuis la mise en place du dispositif, 40 jeunes ont été ou sont toujours occupés via un contrat d’alternance chez Cofely Services et 16 d’entre eux se sont déjà vu proposer un contrat à durée indéterminée. Le DRH ne s’en cache pas : la formation en alternance exige du temps et de l’énergie, en particulier en phase de lancement. Ensuite, il faut pouvoir assurer un suivi constant et, d’un point de vue RH, soutenir les responsables d’équipe qui prennent en charge les alternants. « Nous veillons à ne pas placer trop d’alternants dans une même équipe pour pouvoir assurer le meilleur accompagnement possible. Ils sont affectés en fonction des affinités pédagogiques des responsables d’équipe. Pour bien accompagner, il faut non seulement être au fait du sens de la démarche et formés adéquatement, mais également ouvert à la chose. On ne peut donc placer n’importe qui n’importe où. Cela reste une démarche volontaire et que l’on doit soutenir par des efforts de formation continue. »

comme simples utilisateurs de l’alternance. Cofely Services a voulu aller plus loin. « Nous envisageons le dispositif comme un partenariat, ce qui implique de nous investir dans le développement des programmes de forma-

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Philippe Kemp (BruxellesPropreté) invite à changer notre regard sur les peu qualifiés texte

La personnalité et la volonté valent bien des diplômes

christophe lo giudice

Le déficit en qualifications chez les jeunes n’est pas une fatalité. Bruxelles-Propreté fait le pari de dépasser les a priori et d’ouvrir ses portes aux gens courageux, peu importe leur bagage, pour autant qu’ils soient prêts à mettre leur enthousiasme et leur force de travail au service de l’entreprise. Bilan ? Bien davantage de réussites que d’échecs… Bruxelles-Propreté, tout le monde connaît dans la capitale. Cet organisme para-régional de type A est chargé de la collecte et du traitement des déchets dans les 19 communes de la région de Bruxelles-Capitale. Ses missions sont toutefois plus larges. L’agence gère par exemple les parcs à conteneurs et les bulles à verre, procède au nettoiement des voiries régionales et de certaines voiries communales ou mène des actions de pédagogie, en particulier à destination des écoles. Particularité supplémentaire : cette entreprise publique a des activités commerciales à l’égard des commerçants pour le ramassage de leurs déchets sur un marché qui, celui-là, est ouvert à la concurrence. « La région bruxelloise a fait le choix d’organiser un service public de collecte et de

Temps forts :: Dans le vivier que représentent les demandeurs d’emploi à Bruxelles, Bruxelles-Propreté cherche avant tout des personnes qui ont envie de travailler, des personnalités. :: S’il y a une dimension sur laquelle Bruxelles-Propreté ne transige pas, c’est le respect d’un certain nombre de valeurs : sens du service, sécurité, qualité, ouverture à l’autre… :: L’Ecole de Propreté a vocation de former aux métiers, mais aussi d’enseigner les codes du travail auxquels certains profils peu qualifiés n’ont jamais été exposés.

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traitement des déchets, là où d’autres ont privilégié l’externalisation à des entreprises privées, observe Philippe Kemp, directeur RH chez Bruxelles-Propreté. Cette orientation explique également le caractère social associé à nos activités. L’agence est consciente de l’impact qu’elle peut avoir sur la société,

Dans la population des ouvriers de propreté publique, on retrouve une grande majorité de jeunes peu qualifiés. « Nous avons avant tout besoin de gens qui ont une santé de fer pour effectuer un boulot physique, assez dur et même à risques. Nous recherchons des personnes qui ont envie de travailler, des

Le fait d’avoir un emploi, de se sentir ‘inclus’, contribue à apporter de la sérénité dans le cadre des services qu’elle rend, mais aussi en matière d’emploi. Le taux de chômage s’affiche à plus de 20% à Bruxelles, et même à 28% chez les jeunes. Il relève de notre mission de contribuer à leur mettre le pied à l’étrier, en particulier les profils à très faible qualification. » Mesures trop complexes Bruxelles-Propreté emploie près de 2.500 travailleurs, dont 2.100 ouvriers de propreté publique - la majorité sur la collecte et quelque 450 pour l’activité de nettoiement. Le solde de l’effectif se compose du personnel de support, d’ingénieurs, de chimistes, etc. « Il ne faut pas sous-estimer la dimension technologique de nos métiers, qui sont bien plus complexes qu’il n’y paraît, dit-il. Le souci de réduire les déchets, de les recycler et de les valoriser exige d’élaborer des solutions de plus en plus complexes. »

personnalités. Certains candidats sont au bord de la précarité, voire parfois du décrochage social. Notre condition majeure, c’est de détecter qu’ils ont envie de s’en sortir par le travail, qu’ils veulent mettre leur force de travail au service de la collectivité. » A côté d’une importante source de candidatures spontanées, Bruxelles-Propreté a noué un partenariat avec Actiris et avec Bruxelles-Formation. L’agence s’inscrit par ailleurs dans différents dispositifs de mise à l’emploi : convention de premier emploi, contrat d’agent contractuel subventionné (ACS), emplois « Rosetta », contrat Article 60, etc. « Ces mesures sont intéressantes, mais souvent tellement complexes, regrettet-il. A tel point qu’on ne peut parfois même pas les intégrer aux systèmes RH existants, ce qui exige un traitement à part. D’autre part, les mesures temporaires peuvent donner cette impression qu’on abuse du recours


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Philippe Kemp Bruxelles-Propreté « Certains jeunes peu qualifiés ont parfois tendance à voir le travail comme quelque chose d’annexe dans leur vie. Ils faut les former aux codes du travail : venir tous les jours, être à l’heure, prévenir quand on est malade, etc. » © Christophe Lo Giudice

à des travailleurs précaires. On observe par ailleurs de plus en plus de différences selon la communauté linguistique, ce qui tend à rajouter encore une couche de complexité. » Reflet de la diversité Récemment une nouvelle convention a été conclue avec Actiris pour l’externalisation du screening des candidats. « Lorsque nous avons des postes ouverts, l’annonce est envoyée prioritairement à Actiris qui s’engage à nous répondre dans les 24 à 48 heures sur la possibilité de trouver les candidats recherchés et, si celle-ci est positive, à nous envoyer minimum 6 CV correspondant à la demande dans les dix jours. Les candidats proposés ont été préalablement rencontrés et évalués, ce qui nous permet de les inviter à une séance d’information organisée par nos services de recrutement, puis de les convoquer pour un examen, éventuellement suivi d’un interview. L’embauche s’effectue au terme d’une visite médicale relativement approfondie. » Les critères de sélection sont assez simples : une connaissance minimale du français ou du néerlandais, la capacité à répondre aux exigences de sécurité, la motivation à rallier une organisation de service public telle que Bruxelles-Propreté. « Nous insistons sur le respect de certaines valeurs, appuie Philippe Kemp. Le sens du service - à la population, mais aussi aux collègues -, le respect et l’ouverture aux autres - essentiels au sein d’une

organisation très multiculturelle, reflétant la diversité de la population bruxelloise -, la sécurité - le travail étant effectué sur la voie publique et, donc, soumis à des risques -, la rigueur et la qualité dans le travail : ce sont des dimensions non négociables. » Les besoins de Bruxelles-Propreté sont de l’ordre d’une cinquantaine d’engagements en CDI par an, pour environ 250 contrats signés sur l’année (renouvellements de CDD ou changements de contrat). « Nous ne rencontrons pas de difficultés particulières à nous attacher le personnel requis, même s’il faut bien constater un déficit dans la formation de base de beaucoup de jeunes, pointe-t-il. C’est pourquoi nous avons en interne notre Ecole de Propreté, un centre de formation préparant aux métiers de l’entreprise. » Elle propose des formations destinées au personnel, mais aussi aux partenaires du secteur, tels que les communes, les concierges, le secteur privé, etc. Rendez-vous réguliers Le manque de formation de base n’est pas la seule dimension qu’il faut « combler ». Les candidats connaissent également, pour certains, un déficit de conscience de ce qu’est le travail. « L’Ecole de Propreté apprend aussi à se positionner dans un contexte de travail, par exemple comment s’adresser aux autres de façon respectueuse, pourquoi il faut faire preuve de rigueur et de sérieux, en quoi il est important de tenir ses engagements, etc.

Certains jeunes ont tendance à voir le travail comme quelque chose d’annexe dans leur vie. Ils doivent apprendre les codes du travail, comprendre que l’entreprise a besoin qu’ils viennent tous les jours, qu’ils soient à l’heure, qu’ils préviennent quand ils sont malades. C’est la raison pour laquelle notre processus de recrutement se compose de plusieurs rendez-vous réguliers, ce qui permet d’évaluer ces capacités. » Face à ce réservoir de main d’oeuvre à très faible qualification, les entreprises ne peuvent considérer que la responsabilité de le rendre employable relève de l’Etat, voire des individus eux-mêmes, estime Philippe Kemp. « Les employeurs ont un rôle à jouer dans la formation de ces profils, avec l’avantage de pouvoir la façonner au plus près de ses besoins. Il convient de dépasser les a priori en la matière : aujourd’hui, beaucoup de gens se sentent exclus du travail, voire apparaissent un peu révoltés, voire frondeurs. Or, le fait d’avoir un emploi, de se sentir ‘inclus’, de s’inscrire dans une certaines normalité, contribue à apporter de la sérénité, suscite un effet apaisant. » Le DRH de Bruxelles-Propreté encourage à oser faire le pari d’engager des profils qui, de prime abord, apparaissent à la marge du marché du travail. « Nous n’avons certes pas que des bonnes surprises, mais nous enregistrons plus de succès que d’échecs, et dans une proportion qui reste intéressante », conclut-il, tout en insistant sur l’importance de travailler sur la fierté et le sens du travail. « La propreté publique est une des premières préoccupations des citoyens et les études montrent un lien très fort entre la propreté et le sentiment de sécurité. Les personnes qui travaillent chez nous sont correctement payées, bénéficient d’avantages, ont des possibilités de formation et d’évolution et contribuent au bien-être de la population. Il ne s’agit aucunement d’emplois au rabais. Nous sommes fiers de notre personnel, et il peut être fier de ce qu’il accomplit. »

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Claudel Guitard (Recma) sur l’insertion socioprofessionnelle des peu qualifiés

Un tremplin pour ouvrir les portes de l’entreprise texte

christophe lo giudice

En quinze ans de temps, le groupe Recma a engagé plus de 400 per­ sonnes peu qualifiées qu’il a formées, réorientées, accompagnées et repositionnées sur le marché de l’emploi. Un tremplin qui démontre qu’un investissement ciblé dans ce public encore largement ignoré par les entreprises peut le rendre apte à répondre à des besoins bien réels.

La plupart des entreprises font tout pour éviter que les travailleurs qu’elles ont formés ne les quittent pour un autre employeur. Chez Recma, pionnière de l’économie sociale, on se fixe l’objectif exactement inverse : engager, former et accompagner des personnes peu qualifiées - des demandeurs d’emploi, chômeurs et bénéficiaires du revenu d’intégration - pour leur permettre de rebondir ailleurs. Créée en 1999, l’entreprise a pour activité historique le tri de PMC via un partenariat noué avec Intradel. Consciente du risque d’être mono-client, elle s’est ensuite diversifiée pour offrir des services de gestion de l’environnement, de nettoyage industriel, d’entretien de parcs et jardins, des travaux de maison, le recyclage de panneaux

Temps forts :: Le recrutement de profils peu qualifiés en entreprise est rendu plus compliqué par la pléthore de bons CV sur le marché : ils ne sont souvent même pas pris en compte. :: Les entreprises d’insertion agréées travaillent sur trois volets : formation technique, socialisation professionnelle et accompagnement social. :: Une fois les a priori des employeurs dépassés, les personnes ainsi qualifiées remplissent des postes souvent difficile à pourvoir dans les entreprises.

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photovoltaïques, ainsi qu’une activité de placement de personnel. « Une fois que les personnes ont acquis certaines compétences professionnelles, nous les présentons auprès de tiers et pouvons ainsi valoriser leur profil », confie Claudel Guitard, Manager de Recma Groupe. Le recrutement s’opère via offre d’emploi. « En général, environ 200 personnes postulent. Une fois les candidatures passées au crible des critères d’insertion et des obligations administratives, il nous reste une dizaine de personnes. » Ce qui les caractérise ? « Ce sont toujours des profils en fracture scolaire, qui sont passés par énormément d’intérims ou ont travaillé au noir et qui veulent régulariser leur situation. Il y a également parfois des personnes nouvellement arrivées sur le territoire, très motivées par la perspective de pouvoir envoyer de l’argent à leur famille au pays. » D’autres horizons Passer les étapes administratives en dit déjà long sur la motivation et la débrouillardise du candidat qui, dès lors, est invité en entretien. La sélection s’opère essentiellement sur des éléments psychomoteurs. Les profils engagés reçoivent un CDD de trois mois reconductible une fois, avant de se voir proposer un CDI, ce qui représente un grand facteur de motivation. « Ailleurs, bien souvent, ils pourraient travailler dans le meilleur des cas sous contrat d’intérim… » Le groupe Recma investit énormément dans la formation. Dès que la personne décroche son CDI, un plan personnalisé de développe-

Claudel Guitard Recma « Auparavant, on me disait que si ça ne marchait pas chez Recma, on tenterait sa chance ailleurs. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont conscients de la chance de recevoir un CDI et donnent leur maximum. » © Christophe Lo Giudice

ment est mis en place. « Nous dispensons des formations professionnelles, par exemple pour devenir machiniste, cariste, bulliste ou autres. Les meilleurs éléments peuvent passer le permis camion, un processus coûteux et relativement difficile. A côté de ces formations, nos travailleurs bénéficient aussi d’un accompagnement social : un membre de notre équipe veille à la prise en charge de problématiques personnelles et familiales, telles que le surendettement, et, au besoin, à l’orientation vers des services spécialisés, par exemple en matière d’alcoolisme. » Après trois ou quatre années chez Recma à effectuer, en pauses successives, un travail très exigeant, les travailleurs vont être sensibilisés à l’idée de s’ouvrir petit à petit à d’autres horizons professionnels. « Ce qui témoigne du fait que nous sommes contents d’eux », précise Claudel Guitard. Le service de placement est en contact étroit avec les entreprises de la région et est constamment à l’affût des opportunités d’emploi offrant une meilleure rémunération et de nouvelles perspectives d’évolution. « Nous ne sommes pas toujours bien accueillis car on confond travailleur peu qualifié et travailleur handicapé. Mais lorsque nous parvenons à faire se rencontrer les personnes entre elles, nos travailleurs se font très souvent engager, généralement sur base d’un essai de quelques mois après une période de sous-traitance. »


dossier 1 A ce jour, plus de 440 personnes ont évolué sous contrat Recma, une bonne cinquantaine d’entre elles étant toujours actuellement employées par le groupe. Comment expliquer que de nombreuses personnes aient pu rebondir dans des entreprises qui, jusquelà, ne leur auraient pas ouvert leurs portes ? « Le recrutement en direct de tels profils est

règles sont claires. « Je constate un changement sur le marché de l’emploi : auparavant, on me disait que si ça ne marchait pas chez Recma, on tenterait sa chance ailleurs, relève-t-elle. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont conscients de la chance de recevoir un CDI et donnent leur maximum. Car nous ne transigeons pas : les personnes

Les entreprises confondent souvent travailleur peu qualifié et travailleur handicapé rendu plus compliqué par la pléthore de bons CV sur le marché, analyse Claudel Guitard. Les moins qualifiés se retrouvent éliminés d’emblée. Ici, nous leurs offrons une forme de discrimination positive. » La chance est ainsi offerte, mais si la personne ne fait pas en sorte de la saisir, les

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leurs de Recma sont fiables, prêts à travailler, désireux de progresser. Le message aux entreprises : « N’hésitez pas à faire appel à une entreprise d’insertion agréée pour votre recrutement interne quand le profil ne nécessite pas des compétences très poussées, conclut Claudel Guitard. Il en va de même pour vos travaux en sous-traitance, comme le nettoyage, la manutention ou encore les services facilitaires. Vous donnerez ainsi leur chance à des profils peu qualifiés, plutôt que de donner votre argent à des multinationales qui, pour certaines, font venir du personnel des pays de l’Est et cassent les prix. Mais ce qu’on paie moins cher d’un côté, on finit toujours, à terme, par le payer plus cher d’un autre… »

qui nous rejoignent ont besoin de nous pour se réinsérer et nous avons besoin d’elles pour mener nos activités. Les travailleurs prennent vite conscience que nous devons pouvoir oeuvrer en confiance et, la confiance, ça se mérite. » Et, généralement, ça marche : les travail-

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dossier 1

Philippe Farge (Renault) sur les facteurs de succès de la formation de jeunes sans qualification texte

Accompagner les jeunes donne un autre sens au travail

christophe lo giudices

En 22 ans, le groupe Renault a contribué à la formation et à la professionnalisation de 3.850 jeunes sans qualification qui ont, pour la grande majorité, obtenu un diplôme et un emploi grâce à un dispositif d’alternance. A elle seule, l’usine de Douai dans le Nord-Pas-de-Calais en a accompagné un millier. Retour d’expérience avec le responsable RH du site, Philippe Farge. Voici tout juste un an, Renault et le ministère français du travail prorogeaient l’accord-cadre national visant à former des jeunes demandeurs d’emploi sans qualification. Par ce sixième avenant, l’entreprise s’engageait, sur la période 2014-2016, à accueillir et à accompagner 800 jeunes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle. Depuis sa signature initiale en 1992, l’accord aujourd’hui dans son sixième avenant a bénéficié à quelque 3.850 jeunes qui ont, pour la plupart, obtenu un diplôme et un emploi. L’usine de Renault à Douai est un des sites qui s’inscrivent activement dans le dispositif, et ce depuis son origine. « Depuis 1992, nous avons accueilli environ mille jeunes, confie Philippe Farge, son responsable RH.

Temps forts :: Le facteur principal de réussite d’un dispositif de formation de jeunes sans qualification réside dans le partenariat étroit noué entre les différents acteurs. :: L’entreprise, les services publics de l’emploi, les organismes de formation professionnelle, les sociétés d’intérim et les jeunes concernés doivent apporter leur pierre à l’édifice. :: Un suivi rigoureux du dispositif est nécessaire tant en termes d’organisation du travail qu’en matière d’accompagnement des jeunes alternants au quotidien.

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Au début de cette année, 74 jeunes y participaient et nous dépasserons le cap des 100 à la fin de l’année avec l’arrivée d’une nouvelle promotion. » Si la démarche bénéficie aux jeunes concernés, elle est aussi porteuse de valeur ajoutée pour l’entreprise. « Ces jeunes apportent aux équipes leur fraîcheur et leur dynamisme, précise-t-il. Je reçois extrêmement rarement des remontées négatives. Leur présence fait du bien aux équipes auxquelles ils sont intégrés. »

pal ? Ne pas avoir de diplôme ou posséder un diplôme obsolète et rencontrer des difficultés d’insertion sur le marché du travail. « A côté de ce critère ‘négatif’, il y a également des critères positifs, à savoir la maîtrise de base du français, des mathématiques et du raisonnement logique, de sorte de garantir la capacité de l’alternant à aller jusqu’au diplôme, indique Philippe Farge. Nous menons par ailleurs un entretien de motivation afin d’évaluer si le candidat est suffisamment

Les jeunes alternants apportent aux équipes leur fraîcheur et leur dynamisme La dynamique développée matérialise de façon très concrète la notion de responsabilité sociétale de l’entreprise. « Nous sommes convaincus que les employeurs ont un rôle à jouer pour la formation et l’employabilité des jeunes dans les bassins d’emplois où ils sont implantés », appuie Marie-Françoise Damesin, directrice RH du groupe. Plus encore, le dispositif contribue à donner un sens supplémentaire au travail de ceux qui, sur le terrain, accompagnent ces jeunes, ajoute Philippe Farge. « Les tuteurs volontaires et les collègues qui s’occupent de leur formation participent à quelque chose qui dépasse leur cadre de travail. Ils ont le sentiment de faire oeuvre utile. » Les candidats à la formation sont repérés et sélectionnés par les missions locales, les sociétés d’intérim et le Pôle emploi (l’équivalent de nos Forem et Actiris). Le critère princi-

volontaire pour entrer dans le dispositif et en accepter toutes les contraintes. Enfin, une visite médicale doit garantir son aptitude à la tâche. » Remise à niveau Les jeunes alternants sont alors accueillis dans l’usine pour une période de deux ans, à Douai ou dans une des autres usines du groupe participant au dispositif (Cléon, Flins, Grand-Couronne, Sofrastock et Maubeuge). Après un stage de trois à quatre mois pour apprendre les comportements de base de la vie en entreprise et opérer une remise à niveau des fondamentaux, ils sont intégrés aux équipes de production. Ils suivent en parallèle la formation à raison de deux semaines en ateliers pour une semaine à l’école. Tout au long de leur mission, ces jeunes sont accompagnés par des salariés tuteurs ainsi


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que par une personne du service RH qui les suit régulièrement. Pas de promesse « Le dispositif de professionnalisation est organisé suivant un savant maillage en étroite collaboration avec le département production. Il s’agit notamment de coordonner les présences et absences des jeunes dans l’entreprise, en veillant à leur bonne répartition selon les équipes », confie-t-il. Une forme de contrat est nouée avec les tuteurs. « Depuis le temps que vit le dispositif, nous connaissons les chefs d’équipe qui ont le plus d’appétence pour ce rôle. Le choix a été fait de ne pas mettre en place de formation spécifique à leur égard car, s’agissant de développer l’employabilité de ces jeunes, nous pensons préférable de les immerger dans le monde du travail réel, sans artifice. S’ils devaient se sentir traités de façon particulière, je pense que nous louperions quelque chose dans leur formation. Ils sont considérés comme des membres de l’équipe à part entière. » Au terme de leur contrat de professionalisation, une aide au retour à l’emploi leur est apportée par Renault, le service public de l’emploi et des entreprises de travail temporaire. La vocation première du dispositif n’est nullement un recrutement au sein du groupe, mais certains y décrochent un intérim ou un contrat fixe par la suite. « Tout comme certains rejoignent d’autres constructeurs automobiles de la région. En aucun cas,

nous ne leur faisons de promesse d’emploi. Nous nous engageons à les former en vue de l’obtention d’un diplôme reconnu et à développer leur employabilité. Ils peuvent ensuite trouver un emploi dans l’industrie, et pas uniquement dans le secteur automobile. » Le taux de réussite aux examens est de 90%, permettant l’obtention d’un diplôme à vocation interprofessionnelle, un CAP CIP (conducteur d’installation de production), reconnu par les firmes industrielles de tout secteur dans leur bassin d’emploi. Pas moins de 70% des alternants trouvent un emploi dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme, sous forme d’intérim le plus souvent, mais certains en CDI. Remise à l’ordre Parmi les facteurs de succès du dispositif de formation de jeunes sans qualification, Philippe Farge pointe le partenariat étroit à nouer entre l’entreprise, les services publics de l’emploi, les entreprises de travail intérimaire, les organismes de formation professionnelle et les autorités locales. « Il ne faut pas négliger les ressources nécessaires à avoir en interne pour gérer le partenariat : plus le maillage sera étroit, mieux les choses se passent. La qualité du point de contact RH et du support qu’il fournit est primordiale, afin que la formation n’apparaisse pas comme un problème du département production, mais comme un projet d’entreprise. »

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Philippe Farge Renault Douai « Le choix a été fait de ne pas proposer de formation spécifique aux tuteurs. Nous pensons préférable d’immerger les jeunes dans le travail sans artifice. S’ils se sentaient traités de façon particulière, nous louperions quelque chose dans leur formation. » © D.R.

Un rôle de « gendarme » est aussi parfois nécessaire. « Il faut savoir que la principale difficulté de ces jeunes, ce n’est pas tellement de venir travailler à l’usine, mais bien de retourner à l’école, conclut Philippe Farge. Ils sont contents d’être à l’usine. Par contre, ils ont un historique souvent négatif à l’égard de l’école. Très régulièrement, des formateurs nous appellent pour solliciter notre appui : notre rôle est alors de faire comprendre que le dispositif est un tout, et qu’il n’y a pas, d’un côté, le travail où il faudrait être sérieux et, de l’autre, l’école où une sorte de ‘je-m’en-foutisme’ serait permis. Ils doivent se montrer aussi sérieux et rigoureux de part et d’autre, ce qui exige parfois certains recadrages qui peuvent venir de la hiérarchie directe, des RH et/ou de la société intérimaire. Il n’en faut souvent pas plus pour les remettre dans le droit chemin. »

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Face aux difficultés de recrutement, Liège Airport a créé sa propre formation

Des peu qualifiés devenus hyperspécialisés texte

mélanie geelkens

Il y a quelques mois, Liège Airport a dû recruter des avitailleurs. Or, aucune formation n’existe pour cette profession particulièrement pointue. L’entreprise a donc créé son propre dispositif, en collaboration avec plusieurs partenaires. En ciblant volontairement des personnes peu qualifiées, mais motivées. Une seule erreur de manutention, un unique moment d’inattention suffiraient à causer une catastrophe. Pas question de badiner avec la sécurité lorsqu’on manipule des milliers de litres de kérosène et que le moindre incident pourrait transformer la piste d’atterrissage en poudrière. Avitailleur dans un aéroport : un métier hyperspécialisé, sans lequel aucun avion ne quitterait le tarmac. Pourtant, aucune formation spécifique n’existe pour cette profession. À Liège Airport comme ailleurs, la question du recrutement se révélait dès lors délicate. D’autant que l’équipe en place, composée de 26 personnes, commençait doucement à s’élever dans la pyramide des âges. Avec des conséquences inhérentes sur le taux d’absentéisme, lié aux conditions de travail qui peuvent être physiquement éprouvantes. L’aéroport liégeois devait donc penser à em-

Temps forts :: Pour pourvoir des fonctions auxquelles aucune formation ne prépare, sélectionner des profils peu qualifiés et les former peut représenter une piste porteuse. :: La sélection est importante : c’est la grande soif d’apprentissage qui peut compenser le manque de qualifications. :: Pour réussir un tel projet, il est intéressant de miser sur un partenariat privés et public.

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baucher. « En temps normal, nous engageons puis nous formons sur le terrain, confie Marc Sparmont, son directeur des ressources humaines. Cette fois, suite à des discussions avec Tempo-Team et le Forem, nous avons eu l’idée de créer une formation sur-mesure. » Formation qui s’est volontairement adressée à des profils peu qualifiés, susceptibles de faire preuve d’une « grande soif d’apprentissage », là où les détenteurs d’un diplôme spécifique entendraient d’abord faire valoir les compétences acquises lors de leur cursus. 200 candidats, 6 retenus L’agence d’intérim s’est chargée de faire le tri parmi les 200 candidatures reçues. Au final, six personnes ont été choisies et ont suivi une formation de 260 heures, qui s’est terminée le 30 juin dernier. « Le Forem nous a par exemple aidé à adapter des modules qu’il proposait à nos besoins et notre matériel », pointe le DRH. Certains « élèves » ont décroché en cours de route, ayant trouvé un contrat ailleurs. D’autres ont été remerciés, ne semblant pas assez rigoureux au niveau de la sécurité. Aujourd’hui, trois nouveaux avitailleurs ont intégré l’équipe de base. Ils devraient prochainement signer leur contrat à durée indéterminée, après plusieurs mois en tant qu’intérimaires. Le fait de ne pas embaucher directement s’inscrivait dans le cadre du partenariat avec Tempo-Team. « L’intérim offre aussi un peu plus de souplesse, bien que les candidats avaient des garanties quant au nombre d’heures qui seraient prestées. » Ces profils peu qualifiés sont désormais hyperspécialisés. Et susceptibles d’intéresser

Marc Sparmont Liège Airport « Notre expérience relative aux avitailleurs a été positive pour tout le monde. D’autres pourront être lancées à l’avenir pour des profils très spécifiques, comme des pompiers d’aéroports ou des électromécaniciens. » © D.R.

d’autres entreprises, notamment actives dans le secteur logistique. « Quand on est capable de remplir de carburant les réservoirs d’avions, se charger de l’approvisionnement de la citerne de particuliers devient très simple, illustre Marc Sparmont. Les candidats initialement retenus qui ont trouvé un emploi entretemps ont d’ailleurs pu faire valoir cette formation sur leur CV. » Objectif long-terme Liège Airport ne craint toutefois pas la fuite de ses nouveaux talents. « Nous faisons beaucoup pour fidéliser notre personnel. CDI, salaires au-dessus de la moyenne, beaucoup de formations… Ici, nous visons des carrières sur le long-terme. » Cette formation d’avitailleur a certes eu un coût pour l’entreprise. Mais difficile à chiffrer, car essentiellement humain. Investissement du département RH dans l’organisation de la procédure, parrainage des « anciens » vis-à-vis des nouveaux… « Cette première expérience a été positive pour tout le monde », souligne le responsable, qui précise que d’autres pourront être lancées à l’avenir. À nouveau pour des profils très spécifiques, comme des pompiers d’aéroports ou des électromécaniciens. « On ne va pas résoudre le problème de chômage dans la région, mais on a pu démontrer qu’il était possible de prendre des initiatives entre partenaires privés et public. »


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McDonald’s s’engage face au chômage particulièrement élevé chez les jeunes

La jeunesse, nous, on y croit ! texte

christophe lo giudice

En Belgique, le chômage des jeunes touche surtout les personnes peu qualifiées. Au début de cette année, McDonald’s et ses franchisés en Belgique prenaient l’engagement de créer 500 nouveaux emplois d’ici à fin 2017, dont 75% pour des jeunes de moins de 25 ans. Le soutien envers les jeunes est aussi explicitement exprimé dans un manifeste. Début 2015, McDonald’s comptait 57% de jeunes de moins de 25 ans parmi ses 3.347 collaborateurs. Pour la moitié d’entre eux, il s’agit d’une première expérience. 68 des 69 restaurants McDonald’s en Belgique sont sous la direction de 22 franchisés. Dans le contexte extrêmement tendu pour l'emploi que l’on connaît, McDonald’s Belgique et ses franchisés ont pris trois engagements à long terme à l’égard des jeunes, à commencer par la création de 500 nouveaux emplois d’ici à fin 2017 Parmi ces emplois, au moins trois sur quatre sont destinés à des jeunes de moins de 25 ans. Il s’agit d’emplois majoritairement locaux, avec une moyenne d’environ 40 nouveaux postes de travail par ouverture de nouveau restaurant. En 2014, 3 nouveaux restaurants ont vu le jour à Charleroi, Waremme et Bruges. En 2015, l’entreprise et ses franchisés annoncent l’ouverture de 4

Temps forts :: En Belgique, le chômage des jeunes touche surtout les personnes peu qualifiées. :: McDonald’s Belgique et ses franchisés s’engagent à accélérer leur mise à l’étrier, par le recrutement mais aussi la formation et l’offre de perspectives d’évolution. :: Aujourd’hui, 90% des 467 managers de McDo ont débuté en tant qu’équipiers.

nouveaux restaurants, dont le premier ouvrira à Grand-Bigard ce printemps, et le remodeling de 6 restaurants. Un total de 18 millions d’euros sera investi en 2015. Un tremplin L’investissement ne s’arrête pas aux nouvelles implantations et au remodeling des restaurants existants. « Nous investissons également dans nos équipes, précise Guy Bral, franchisé des restaurants de Gand, Gand Martelaarslaan, Wondelgem, Zingem et Renaix. La formation est la pierre angulaire de notre politique de relations humaines et nous prenons un deuxième engagement ferme, celui d’investir au moins

Les franchisés Valérie Bovy et Guy Bral, aux côtés de Stephan De Brouwer, CEO de l’entreprise, ont signé, au nom de McDonald's Belgique et ses 22 franchisés, les trois engagements à l’égard des jeunes. © D.R.

donnent de réelles perspectives d’évolution. Aujourd’hui, 90% des 467 managers ont débuté en tant qu’équipiers. Ces formations et l’acquisition de ces compétences ont pour conséquence directe d’augmenter l’employabilité de ces jeunes. Il s’agit d’un véritable tremplin leur permet-

La formation est la pierre angulaire de notre politique de relations humaines 250.000 heures de formation pour nos collaborateurs d’ici à fin 2017. » L’entreprise recrute sur base de motivation, et non pas en fonction du diplôme ou de l’expérience. Les formations sont dès lors données dès le premier jour ce qui permet aux nouveaux collaborateurs d’acquérir des compétences pratiques (comme les règles d’hygiène et de sécurité alimentaire), ainsi que des compétences transversales (comme le travail en équipe). Ces formations

tant de poursuivre leur carrière chez McDo ou ailleurs. Le troisième engagement est illustré dans un manifeste envers le jeunesse signé récemment par McDonald’s Belgique et ses franchisés. Il met en avant la confiance que McDonald’s place envers les jeunes. Ce manifeste est largement diffusé à travers un film, en télévision ainsi qu’au cinéma, depuis le mois de février.

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inspiration

35% de nos emplois ont une probabilité élevée (supérieure à 70%) d’être robotisés

Les robots : menace ou opportunité pour l’emploi ? texte

christophe lo giudice

Dans l’état actuel de la technologie, 49% des emplois en Belgique pourraient, à terme, être robotisés. C’est ce que met en évidence une étude publiée par ING Focus, croisant les probabilités de robotisation des emplois telles qu’évaluées par Frey et Osborne pour les Etats-Unis et la répartition détaillée des emplois dans notre pays.

La robotisation est un fantasme de science­fiction de longue date. Les prédictions sur l’arrivée imminente de robots humanoïdes sont légions. Mais force est de constater que celles-ci sont loin d’avoir été (toutes) rencontrées. Toutefois, on ne peut sous-estimer les impacts de la robotisation. Tout comme on ne peut sous-estimer l’impact des progrès technologiques sur l’emploi. Ainsi, en 50 ans, la Belgique compte moins d’agriculteurs, de cireurs de chaussures et de standardistes, mais bien plus d’installateurs de panneaux solaires, de consultants ou de vendeurs de smartphones. Dans un article académique publié en 2013 (The future of employment: how susceptible are jobs to computerization ?, Oxford Martin School Working Papers), l’économiste Carl Benedikt Frey et l’ingénieur Michael Osborne ont étudié, sur base de données américaines, les probabilités que les différents types de métiers existant actuellement soient, dans un futur plus ou moins proche, robotisés. La démarche repose sur l’analyse des avancées scientifiques et technologiques dans deux domaines importants : l’apprentissage de tâches par les machines et les robots mobiles. Les auteurs en arrivent à la conclusion qu’aux Etats-Unis, 47% des emplois ont une probabilité élevée (à savoir supérieure à 70%) d’être « robotisés ». Sur base d’une répartition détaillée des emplois en Belgique, ING se dit en mesure de calculer le nombre d’emplois qui, à terme, sont susceptibles d’être remplacés par des machines, des algorithmes ou des robots. Si l’on prend l’ensemble des emplois et des probabilités de robotisation, 2,2 millions

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d’em­­­­plois sur les 4,5 millions en Belgique pris en compte dans cette étude pourraient être robotisés. 49% des emplois pourraient donc être « menacés » par le progrès technologique et pourraient disparaître, du moins sous leur forme actuelle. Meilleure posture En se concentrant sur 9 classes de fonctions, ce sont les employés de type administratifs qui ont le plus haut risque de robotisation (93%). A l’inverse, les managers (13%) et les professions intellectuelles, scientifiques

La technologie permet aussi de libérer du travail pour l’exécution de nouvelles tâches

et artistiques ont la plus faible probabilité de robotisation. En s’intéressant plus précisément aux métiers (412 métiers étudiés), le top 5 des métiers dans lesquels le plus d’emplois pourraient être robotisés sont les employés de bureau, fonctions générales (155.000 emplois robotisables), les vendeurs en magasin (133.000 emplois), les aides de ménage à domicile (92.000 emplois), les agents d'entretien dans les bureaux, les hôtels et autres établissements (65.000 emplois) et les cadres comptables (58.000 emplois) On peut également regarder la même réalité sous un autre angle en se demandant quel part des emplois appartiennent à un métier à faible, moyenne ou forte probabilité de robotisation. Au total, 35% des emplois ont une forte probabilité de robotisation (supérieure à 70%), 28% des emplois ont une probabilité moyenne (entre 30% et 70%) et 37% ont une faible probabilité de robotisation (inférieure à 30%). Dans l’étude de Frey et Osborne, on apprend, à titre de comparaison, que ces probabilités sont respectivement de 47%, 19% et 33%. La Belgique semble donc dans une meilleure posture que les EtatsUnis, observent les experts d’ING. Les auteurs évitent tout catastrophisme : « Les probabilités évoquées sont liées à la capacité technique de robotiser des métiers. Cela ne veut pas dire que la robotisation sera directe. Si la robotisation mènera certainement à la disparition effective de certains emplois ou même de certains métiers, il est aussi fort probable que certains métiers vont conserver leur effectif mais que les tâches qui y sont effectuées seront influencées par la robotisation. Cette évolution est aussi


inspiration

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une opportunité : le progrès technologique permet en effet de libérer du travail pour l’exécution de nouvelles tâches et l’émergence de nouvelles activités. C’est par cette voie qu’une économie progresse. Le grand défi pour les autorités n’est donc certainement pas de freiner l’évolution technologique, mais de rendre notre économie suffisamment flexible pour s’assurer que le progrès technologique soit la source d’un plus grand bien-être. » Une autre manière d’envisager la robotisation comme une opportunité plutôt que comme une menace consiste à la mettre en lien avec le vieillissement de la population. On sait que celui-ci va réduire la population active à partir de 2020. « Dès lors, la robotisation pourrait contrer les effets d’une telle évolution en compensant le manque de travailleurs. »

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sous les projecteurs

Sandra Vandorpe (Belgocontrol) et Christophe Marius (Axa Assistance) « L’entreprise doit proposer un environnement qui autorise une certaine autonomie, ce qui implique la confiance. Or, il y a très peu de confiance dans le monde de l’entreprise, que ce soit du sommet vers la base ou de la base vers le sommet. » © Hendrik De Schrijvere

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sous les projecteurs

Débat CEO-DRH sur la pertinence des programmes de leadership texte

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Le leadership peut être développé… à certaines conditions

christophe lo giudice

Les trajets de développement du leadership sont-ils un outil performant et rentable pour l’entreprise ou un simple moment de reconnaissance, voire de détente, pour les cadres ? Christophe Marius, directeur général d’Axa Assistance en Belgique, et Sandra Vandorpe, DRH chez Belgocontrol, croisent leur regard sur la question. Surprise : le CEO se montre confiant dans la valeur ajoutée de tels trajets, là où la DRH se dit plus… sceptique. Christophe Marius, directeur général d’Axa Assistance pour le Benelux, l’Allemagne et la Suisse, et Sandra Vandorpe, directrice des ressources humaines de Belgocontrol, ont en commun un background financier. Le premier a exercé le rôle de contrôleur financier au Boston Consulting Group, avant d’évoluer comme directeur financier d’Inter Partner Assistance, devenu depuis Axa Assistance dont il a également été Regional CFO pour la zone Northern, Central & Eastern Europe. La seconde a débuté dans l’audit chez Arthur Andersen, avant de prendre le train des RH dans cette même société puis chez Deloitte, avant de rejoindre Belgacom où elle était responsable, entre autres, de l’engagement des collaborateurs. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Top Management, le réseau dédié aux dirigeants d’entreprise, a été fort inspiré de les réunir à

Temps forts :: On peut chiffrer en milliards de dollars les coûts qu’engendrent les trajets de développement du leadership pour les sociétés. :: Le retour sur investissement n’est garanti qu’à certaines conditions dont l’ancrage dans la stratégie business, l’ engagement du top et l’alignement des systèmes RH. :: Le développement du leadership ne peut se faire au détriment de la valorisation de l’expertise.

l’occasion d’un Strategic Meeting consacré aux trajets de leadership. « Le monde est en pleine transformation à la suite de la crise financière et les entreprises doivent mobiliser leurs collaborateurs pour gérer et réussir le changement, explique Bauduin Auquier, Partner chez Agile Maker et président de séance. Elles ont donc besoin de leaders qui, au-delà d’une bonne gestion du quotidien, ont la capacité de comprendre le contexte changeant, de montrer le cap à suivre, de donner du sens et de créer le cadre permettant aux collaborateurs de faire émerger les bonnes solutions à leur niveau. » Mais voilà, depuis des dizaines d’années, les entreprises consacrent des budgets plus que colossaux aux programmes de développement du leadership. « La question qu’on doit se poser, c’est : est-ce que ça marche ? Ou, autrement dit : en a-t-on réellement un retour sur investissement ? » Et, en fonction de la réponse qui émergera, faut-il continuer à organiser de tels programmes, les réaménager ou encore proposer d’autres dynamiques? Le débat est ouvert… Dans votre carrière, vous avez participé à plusieurs reprises à la mise en oeuvre de trajets de développement du leadership, et vous en avez vous-même suivis. Quel bilan en tirez-vous ? Sandra Vandorpe : « Je suis quelqu’un de naturellement positif, mais je dois avouer avoir presque perdu confiance en ces trajets. Des études montrent que 80% des programmes de leadership n’atteignent pas leurs objectifs. Or, on peut chiffrer en milliards de dollars les coûts qu’ils engendrent pour les sociétés. Par ailleurs, on entend des

patrons, des cadres supérieurs, des managers, des administrateurs se plaindre que les uns ou les autres font mal leur boulot, se trompent, commettent des erreurs. On peut le voir comme un signal que les leaders ne sont pas toujours préparés comme ils le devraient à exercer leur rôle. Quand on mène des études d’engagement et de satisfaction,

80% des programmes de leadership n’atteignent pas leurs objectifs on relève des scores souvent très bas dans la perception du leadership. Le message récurrent ? They don’t know what’s going on in the field. Les leaders ne sont pas assez au courant de ce que les travailleurs font, de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils pourraient améliorer si on les écoutait, etc. Les leaders ne passent pas assez de temps avec les collaborateurs. Parfois, ils ne les connaissent même pas. On ne peut donc pas objectivement exprimer de la satisfaction avec un tel bilan. »

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sous les projecteurs Sandra Vandorpe Belgocontrol « Les processus RH doivent être alignés avec les principes de leadership. Si les promotions sont octroyées non pas à celui qui pilote bien ses gens, mais à celui qui produit des rapports et powerpoints que personne ne lit, le message est clair… » © Hendrik De Schrijvere

Alors, les programmes de développement du leadership, de l’argent jeté ? Christophe Marius : « L’expérience que nous vivons m’incite à penser le contraire. Axa Assistance est une société autonome du groupe Axa, mais qui s’intègre dans la stratégie de ce dernier. En 2005, le groupe a défini un projet intitulé ‘Ambition Axa 2012’ avec pour objectifs de doubler le chiffre d’affaires et de tripler les résultats à horizon 2012. Entre-temps, bien sûr, la crise financière était passée par là et l’ambition n’a pas été rencontrée. En 2012, les objectifs stratégiques ont été revus dans un nouveau projet rebaptisé ‘Ambition Axa’. Pour maximiser les chances de les atteindre, le groupe s’est interrogé quant à savoir s’il avait des modes de fonctionnement adaptés à son ambition. La conclusion a notamment été qu’il fallait davantage capitaliser sur nos ressources, ce qui s’est matérialisé dans le développement d’une culture ‘Trust & Achievement’ autour de laquelle les collaborateurs vont se mobiliser. C’est bien de le dire, mais encore faut-il faire évoluer le style de leadership alors très axé sur le ‘command & control', les chiffres et les résultats à court terme vers un style de leadership plus participatif, collaboratif, orienté client, axé sur le long terme. C’est dans cet esprit qu’a été conçu le Leadership Framework qui ne cible pas seulement le management, mais tous les collaborateurs. Un premier levier porte sur la définition et la communication de 8 dimensions du leadership attendu. Le deuxième levier consiste à articuler l’ensemble des systèmes RH autour de ces dimensions. Le troisième levier porte sur les symboles : recruter en adéquation avec ces 8 dimensions, promouvoir des collaborateurs ayant des comportements exemplaires par rapport à celles-ci, adresser les comportements qui ne le seraient pas, investir dans la formation et le coaching et, bien sûr, communiquer. Le programme est-il utile ? On n’est pas au bout du chemin, mais on avance et des progrès sont enregistrés à différents niveaux. »

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Sandra Vandorpe : « Les sociétés veulent développer l’innovation et la créativité. Mais on ne peut rendre innovants et créatifs des personnes qu’on contrôle en permanence. Il n’y a pas d’autre moyen que de proposer un environnement qui autorise une certaine autonomie, ce qui implique la confiance. Or, il y a très peu de confiance dans le monde de l’entreprise, que ce soit du sommet vers la base ou de la base vers le sommet. » Il ne faut donc pas nécessairement supprimer les programmes de leadership ? Sandra Vandorpe : « Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il faille tous les supprimer même, si parfois, ce devrait être une option à considérer d’en supprimer certains. Ce que font d’ailleurs certaines sociétés, et pas parce qu’on n’y apprendrait rien, bien au contraire. Si 80% des trajets de leadership n’atteignent pas leurs objectifs, cela veut dire aussi que 20% fonctionnent. J’y crois donc encore, mais à certaines conditions, comme l’illustre l’expérience de Christophe Marius. Il faut que ces trajets soient étroitement ancrés dans la stratégie business. Trop souvent, on envoie les gens en développement sans clarifier le pourquoi, ni le lien avec les enjeux des activités. Quand ils reviennent au bureau, la vie reprend as usual. Il convient, en outre, que toute l’équipe de direction soit engagée dans le processus et le soutienne. Si le programme est uniquement une affaire de RH, il vaut mieux économisez votre argent. Il

n’y a rien de pire pour un manager qui revient d’un trajet de leadership et qui s’aperçoit que ce qu’il a appris n’est pas apprécié ou jugé important par sa hiérarchie. Autre condition : les processus RH et les processus business doivent être alignés avec les principes de leadership que vous voulez diffusez. Si, par exemple, les promotions sont octroyées non pas à celui qui pilote bien ses gens, mais à celui qui produit des chiffres, des rapports et powerpoints que personne ne lit, le message est clair. »

Le leadership n’est pas que l’affaire de la direction. Il concerne tout le monde


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Christophe Marius Axa Assistance « Le management immédiat est un des domaines clés que le Leadership Framework doit permettre de développer. Peut-on réellement développer les gens dans le domaine du leadership ? Ma réponse est qu’on doit au moins essayer. » © Hendrik De Schrijvere

connaît ses atouts et ses limites, et où la somme des points forts et la maîtrise des points faibles peuvent donner de bons résultats. »

Chez Belgocontrol, comment envisagez-vous le développement du leadership ? Sandra Vandorpe : « J’ai la chance de travailler pour un CEO convaincu que ce sont les employés qui font la différence. L’organisation doit vivre une importante transformation et il faut réaliser un véritable changement d’état d’esprit. Or, que constate-t-on ? Plus de 80% de l’effectif apparaît très motivé et désireux de contribuer à la réussite de nos activités. Mais les managers ne parviennent pas suffisamment à créer les conditions pour que cet engagement s’exprime et délivre les résultats. Nous avons donc mis en place un programme de développement pour les managers et, en parallèle, un trajet destiné aux collaborateurs autour de différents axes : l’état d’esprit, la positivité, la créativité, etc. Effectuer les deux de fronts a cet avantage que les collaborateurs perçoivent ce que les managers apprennent et tous reçoivent les mêmes messages. Il se développe un langage commun. Les collaborateurs peu­­vent interpeller les managers sur leurs com­p orte­m ents. Les managers peuvent montrer l’exemple, renforcer les messages auprès de l’équipe. » Peut-on réellement « développer » le leadership ? Christophe Marius : « Le programme de développement Manager@Axa n’est assurément pas destiné à ‘distraire’ les participants, mais bien à les développer en étant

alignés sur ce qu’on attend des collaborateurs et la façon de les évaluer. Il se décline en quatorze modules, sur trois niveaux : la connaissance de soi, la compréhension des impacts qu’on a sur les autres et la gestion des performances des équipes. Le groupe a veillé à dessiner le Leadership Framework de telle sorte que tous sachent ce qui est attendu d’eux pour les 8 dimensions selon qu’on soit dirigeant, manager ou collaborateur. Le leadership, ce n’est pas que l’affaire du patron ou de la direction, mais concerne tout le monde. »

A quels obstacles peut-on se heurter dans le développement du leadership ? Christophe Marius : « Dans la grande majorité des entreprises, on a de très nombreux managers qui étaient bons experts et qu’on a nommés dans des rôles de management, sans forcément qu’ils aient les compétences pour les exercer. C’est un vrai sujet chez nous. Le management immédiat est un des domaines clés que le Leadership Framework doit permettre de développer. Peut-on réellement développer les gens dans le domaine du leadership ? Ma réponse est qu’on doit au moins essayer. » Sandra Vandorpe : « Je pense en effet qu’on doit essayer, mais avec certaines balises et l’une d’elles doit être d’aussi valoriser l’expertise. Or, les systèmes de classification de fonctions traditionnels ont surévalué les compétences de management et nous finissons pas être victimes de systèmes que nous

Les classifications de fonctions surévaluent les compétences de management Sandra Vandorpe : « En ayant organisé et suivi différents trajets de développement du leadership, je ne peux que constater que les points faibles des gens restent des points faibles, tout comme les forces restent les mêmes. L’avantage de tels trajets, c’est qu’on apprend à mieux se connaître et, ainsi, à capitaliser sur ses points forts. Au plan de la gestion des ressources humaines, ils ont le mérite de pouvoir aider à constituer des équipes complémentaires, où chacun

avons créés. Pourquoi un manager devrait-il ‘valoir’ plus qu’un expert ? Ils devraient avoir la même valeur, voire se situer dans un rapport inverse dans certains contextes. Trop souvent, les individus se retrouvent dans une position qui ne devrait pas être la leur pour de mauvaises raisons. Ce n’est bon ni pour l’entreprise, ni pour la personne. Les bons experts qui sont devenus de ‘mauvais’ managers ne sont pas heureux dans leur job. »

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dossier 2

La rémunération compte moins que des formes plus symboliques d’appréciation texte

La reconnaissance est un levier de performance

christophe lo giudice

Pour nombre d’employeurs, la reconnaissance au travail s’exprime encore avant tout, et parfois même uniquement, par la rémunération et ses diverses composantes. Erreur : les collaborateurs sont aujourd’hui en demande d’une reconnaissance plus symbolique, plus diversifiée, et surtout authentique. Bonne nouvelle en conjoncture difficile : celle-ci est peu coûteuse et représente même un levier de performances. Les collaborateurs affichent une satisfaction plutôt mitigée à l’égard des pratiques de reconnaissance de leur entreprise, y compris en ce qui concerne la reconnaissance de leurs résultats. C’est ce que met en évidence le livre blanc Enjeux et perspectives de la reconnaissance au travail, publié par Christophe Laval, président fondateur de VPRH. Ce document se fonde sur des « focus groups » et des ateliers qui ont réuni plus de 2.000 personnes, des entretiens individuels auprès de salariés, de dirigeants et de managers et des enquêtes quantitatives menées auprès d’entreprises françaises et nord-américaines. On peut y lire que trois salariés sur quatre se disent insatisfaits de la reconnaissance de leurs efforts, ce qui se traduit en outre par un fort sentiment d’iniquité. Seuls un quart des collaborateurs estiment que les efforts déployés dans leur travail sont reconnus à leur juste valeur. La « problématique » existe en Europe, mais aussi outre-Atlantique où la culture de la reconnaissance est pourtant plus poussée. Dans un article publié dans Forbes, Josh Bersin présente les résultats d’un projet de recherche sur le thème de la reconnaissance du personnel : Ils révèlent que 83% des organisations étudiées souffrent de déficits de reconnaissance et, pire, qu’elles sont pour cela moins performantes. Du bon sens Dans le livre collectif Tous reconnus (Editions d’Organisation, 2005) dirigé par le célèbre professeur français Jean-Marie Peretti, les auteurs appuient le constat, observant que de nombreuses sociétés n’ont pas encore adopté de système cohérent de reconnais-

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sance. « Depuis longtemps, les entreprises font des choses en matière de reconnaissance, mais sans forcément les placer sous une telle étiquette, observe Jean-Pierre Brun, professeur titulaire au département de management de la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, spécialiste de la reconnaissance au travail.

Mais voilà : les entreprises peinent à prendre la mesure de l’enjeu. « Un Vice-President d’une grande multinationale me disait que ce qui le préoccupe, ce sont les résultats, pas la reconnaissance, indique le professeur. Mais, le résultat, c’est la fin de l’équation. Pour l’obtenir, il convient de mettre une série de choses avant le signe égal. Le résultat n’ar-

Les travailleurs ont des idées et veulent être impliqués, consultés, écoutés Et elles font des choses souvent sans en être conscientes et, souvent aussi, sans activer les bons leviers. » Les études le démontrent : en entreprise, on préfère généralement mettre en place de savants, complexes et coûteux dispositifs de variables plutôt que de faire preuve du plus élémentaire bon sens. « Les travailleurs reçoivent régulièrement des augmentations et, pourtant, la majorité d’entre eux ne se sentent pas reconnus, illustre-t-il. Une étude sur quinze formes de reconnaissance révèle que la rémunération n’arrive qu’en 12e place. Les augmentations, les primes, les bonus, tout cela est devenu un acquis aux yeux des collaborateurs. Ce que les gens attendent relève plutôt du symbolique. Autrement dit, il convient d’évoluer d’une reconnaissance ‘cadeau’ à une reconnaissance plus intégrée dans les pratiques managériales. »

rive pas par magie. A ce titre, la recherche montre que la reconnaissance représente un levier de performance important. Quand les travailleurs se sentent reconnus, ils sont doublement engagés ; ils développent une relation plus forte aux managers ; ils sont plus inspirés, plus créatifs, plus proactifs. La reconnaissance n’est pas une activité RH de plus, ni un nice-to-have, mais bien un vrai levier de performance organisationnelle. » Quatre formes A l’inverse, l'absence de reconnaissance peut être considérée comme un des facteurs de risque le plus fortement associé à la détresse psychologique élevée au travail. Ainsi, selon une étude réalisée par la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l'Université Laval, le niveau de détresse psychologique des travailleurs


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Jean-Pierre Brun Université de Laval « L’université d’entreprise est généra« Les augmentations et les bonus sont devenus un acquis aux yeux des collaborateurs. Ce que les gens attendent relève du symbolique. Il convient d’évoluer d’une reconnaissance ‘cadeau’ à une reconnaissance plus intégrée dans les pratiques managériales. » © D.R.

oeuvrant en milieu hospitalier, universitaire, forestier et de l'industrie métallurgique est de 43%, soit plus du double que le taux établi pour l'ensemble de la population québécoise (20%). Parmi les facteurs cités comme causes, le manque de reconnaissance au travail arrive en deuxième position, juste après la surcharge de travail. D’autres études montrent que les individus recevant des marques de reconnaissances connaissent des taux d’absentéisme inférieurs ainsi que des risques diminués d’encourir des maladies cardiovasculaires. Que faut-il entendre par reconnaissance ? Les travaux de Jean-Pierre Brun distinguent quatre formes de reconnaissance en milieu de travail. Tout d’abord, la reconnaissance existentielle, celle du travailleur en tant que personne possédant une identité et une expertise unique. Ensuite, la reconnaissance de la pratique de travail, à savoir la façon dont le collaborateur effectue ses tâches (comportements, qualités professionnelles, compétences). La reconnaissance de l’investissement dans le travail porte sur les efforts fournis pour contribuer au processus de travail. Enfin, la reconnaissance des résultats s’intéresse aux fruits du travail de la personne, cette forme de reconnaissance étant conditionnelle aux résultats obtenus. « Les entreprises mettent généralement l’accent sur la reconnaissance des résultats et, dans une moindre mesure, sur la reconnaissance existentielle, commente JeanPierre Brun. Pour les deux autres dimensions - la reconnaissance de la qualité du travail et des efforts fournis -, elles sont beaucoup moins investies. Or, aujourd’hui, les organisations demandent à leurs équipes de se donner non plus à 100%, mais à 150%. Les travailleurs font beaucoup d’efforts et s’attendent à être reconnus à la hauteur de ceuxci, peu importe le résultat. » D’autre part, 40% des jeunes qui entrent dans le circuit du travail ont une formation universitaire. « Ils ont des compétences, des idées et veulent

être impliqués, consultés, écoutés. Ils attendent d’être reconnus en tant que citoyens organisationnels à part entière. » Ateliers participatifs Le professeur de l’Université de Laval incite donc les entreprises à « dé-former » les managers en matière de reconnaissance et à les sensibiliser aux ingrédients amenant à valoriser comme il se doit les membres de l’organisation. « Les gens demandent en fait des choses très simples et peu coûteuses. Partout, on les entend dire qu’ils ne voient pas assez leur manager, leurs dirigeants. Les travailleurs n’attendent pas d’être mis sur un piédestal ou placés sous l’éclat d’un son et lumière, mais plutôt une reconnaissance symbolique, informelle, en one-to-one. La meilleure piste à explorer consiste à inciter les managers à augmenter leur présence auprès de leur équipe. » Plus que de la formation, Jean-Pierre Brun conseille d’organiser des ateliers réunissant le manager et ses collaborateurs et permettant d’identifier comment ces derniers se sentent et veulent être reconnus. « Cette dynamique permet de dépasser les idées toutes faites, précise-t-il. Avant de reconnaître, il faut connaître! La méconnaissance d'autrui peut devenir un obstacle dans la perspective où la reconnaissance pourrait être basée sur des aspects superficiels ou

encore, n'avoir aucun fondement plausible. » Les formes de reconnaissance « plébiscitées » sont, outre la présence du manager, le soutien de ce dernier et de l’organisation quand quelque chose ne va pas (par exemple face à un client difficile), le fait de saluer les personnes et de dire merci pour le travail accompli, le fait de prendre le temps de parler aux gens… La présentation des réussites ou des actions exemplaires via les différents médias de l’entreprise (intranet, réseau social interne, site internet corporate, journal d’entreprise, etc.) est aussi appréciée. D’autres pratiques, comme l’examen des enjeux humain dans la prise de décision, une gestion participative (pouvant aller jusqu’à la co-création), les dispositifs de partage des connaissances entre pairs ou encore les programmes de flexibilité du temps ou du lieu de travail, sont aussi à envisager comme pouvant être des formes de reconnaissance. « Former les managers est une bonne chose, mais l’essentiel consiste à développer une véritable culture de reconnaissance dans l’organisation, conclut-il. Car la reconnaissance importe du manager au collaborateur, mais aussi entre travailleurs et même de la part du collaborateur envers son supérieur. L’enjeu n’est pas tant de faire plus en matière de reconnaissance, mais mieux… développer des approches plus qualitatives.

Pour aller plus loin :: La Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail dans les organisations de l’Université de Laval propose énormément de ressources sur la reconnaissance au travail : www.cgsst.com :: Livre blanc Enjeux et perspectives de la reconnaissance au travail, VPHR, Vanves, 2013, ISBN 978-2-9540132-1-3, 65 pages :: Jean-Pierre Brun, Les sept pièces manquantes du management, Editions Transcontinental, Montréal, 2008, ISBN 978-2-89472-367-8, 204 pages :: Daniel H. Pink, La vérité sur ce qui nous motive, Editions Leduc.s, Paris, 2011, ISBN 978-2-84899-454-3, 245 pages

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dossier 2

Laurent Taskin (UCL) sur la ré-humanisation du travail comme moteur de reconnaissance texte

La fonction RH est garante de la reconnaissance au travail

christophe lo giudice

Si le déni de reconnaissance se renforce, c’est notamment en raison d’un management exclusivement quantitatif, dénonce Laurent Taskin, professeur de management humain et des organisations à la Louvain School of Management et président de l’Institut des sciences du travail de l’UCL : « Il faut espérer que le management des indicateurs laisse demain davantage de place au management humain ». Dans quelle mesure la reconnaissance au travail est-elle à l’agenda des employeurs en Belgique ? Laurent Taskin : « Le besoin de recevoir et de témoigner de la reconnaissance est au cœur de toute relation humaine, a fortiori de travail. En fait, c’est un élément central et essentiel de notre condition d’être humain : nous sommes capables de reconnaissance autant que nous en avons besoin pour attribuer du sens à la Vie, au travail et à nos actions. On peut considérer que la fonction ressources humaines est aussi la garante de cette qualité des relations humaines dans l’entreprise et, donc, de la reconnaissance au travail. Le processus le plus évident est certainement l’évaluation de la performance individuelle : il s’agit de donner un feed-back

Temps forts :: La GRH est copropriétaire des processus qui peuvent offrir de la reconnaissance : l’évaluation, le développement personnel, mais aussi la culture organisationnelle, l’accompagnement, la gestion du changement, etc. :: Le feed-back donné dans le cadre de l’évaluation est aujourd’hui souvent empreint de technicité, voire d’inhumanité, sous prétexte d’objectivation. :: C’est la responsabilité du management de faire prendre conscience à tout opérateur qu’il contribue à un projet qui dépasse sa simple activité.

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sur le travail accompli et sur la manière dont il a été accompli. Et le feed-back est l’élément clé de l’évaluation. Ce que des philosophes comme Axel Honneth nous forcent à prendre en considération, c’est justement le caractère incarné de la reconnaissance. La reconnaissance s’exprime au travers d’une rencontre, c’est-à-dire d’une relation humaine. Or, lorsque j’observe la manière dont l’évaluation est parfois instruite et le feed-back donné, je suis inquiet par la technicité déployée, voire l’inhumanité avec laquelle l’évaluation peut être réalisée, sous prétexte d’objectivation. Des tableaux de résultats, sans appel, sont ainsi soumis à des travailleurs, et une décision ‘automatique’ est communiquée : prime, satisfaction, blâme ou intention de licenciement. » Pourquoi la question de la reconnaissance est-elle aujourd’hui sur le devant de la scène ? Laurent Taskin : « Pour trois raisons : la première, c’est que le déni de reconnaissance semble plus fréquent aujourd’hui, sou­tenu par un management financiarisé, un management de la mesure exclusivement quantitative. L’atteinte d’objectifs peut, certes, susciter de la reconnaissance, mais c’est un peu maigre pour durer et permettre à l’humain de s’engager dans son travail, d’y trouver un sens. La deuxième, c’est paradoxalement la limitation, voire la réduction des budgets de fonctionnement des entreprises. Ceci pousse certaines organisations, et dans le secteur public depuis plus longtemps encore, à imaginer des formes de reconnaissance non-monétaire. La troisième, enfin, c’est qu’il est toujours aussi admis que la

reconnaissance au travail joue un rôle déterminant dans la satisfaction, l’implication, l’engagement et la performance au travail. » Quels éclairages nous apporte la recher­ che pour enrichir les pratiques RH en matière de reconnaissance? Laurent Taskin : « Depuis plusieurs années, on a compris qu’un moteur fondamental du ‘bon’ fonctionnement des organisations était le sentiment de justice organisationnelle. Pour m’impliquer durablement au sein d’une organisation, je dois pouvoir comprendre les décisions et les pratiques de gestion qui y sont prises et développées, et arriver à leur donner sens. Cela implique, de la part du management, un devoir de communication. Mais, pour garantir mon implication à long terme, je dois trouver ces décisions ‘justes’. Prenons le cas du licenciement d’un collaborateur, qui est par ailleurs une personne appréciée et sympathique : si cette personne agissait de manière dilettante envers ses horaires de travail, adoptait des comportements inadéquats envers les autres parties prenantes de l’organisation et ne contribuait pas au succès du projet de l’organisation, la décision de licenciement sera considérée comme ‘juste’, indépendamment du fait qu’il puisse s’agir d’un ami ou d’un bon copain. J’irais même plus loin : cette décision sera jugée nécessaire par les membres de l’équipe pour témoigner qu’il y a des attendus forts et que la qualité du travail fourni prime sur les relations interpersonnelles. Naturellement, de telles décisions ne s’improvisent pas et l’on retrouve ici le rôle fondamental du feed-back régulier et périodiquement structuré qui se joue notamment


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Keep the fire burning!

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Laurent Taskin Louvain School of Management « L’atteinte d’objectifs peut, certes, susciter de la reconnaissance, mais c’est un peu maigre pour durer et permettre à l’humain de s’engager dans son travail, d’y trouver un sens. »

de son manager

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Très concrètement, quelles initiatives le DRH pourrait-il prendre pour stimuler la reconnaissance dans son organisation ? Laurent Taskin : « Il convient de penser systématiquement la reconnaissance au travail au travers d’un jugement d’utilité mais aussi esthétique. L’utilité se mesure, c’est la contribution aux résultats, au projet d’un groupe, d’une organisation. Elle doit être largement objectivée selon des normes de mesure communiquées, voire mises en place collectivement, antérieurement à la période concernée par un feed-back donné. Le jugement esthétique concerne, lui, un jugement de valeur que le manager doit pouvoir poser. Il s’agit de pouvoir dire que le travail est ‘bien fait’, que l’on reconnaît ‘la patte’ d’un collaborateur, que ce travail-là est propre au collaborateur, à sa façon de faire et que le résultat obtenu lui appartient aussi. Ceci implique aussi de recomposer le travail humain, au-delà de la division ou de la parcellisation des activités : c’est la responsabilité du management de faire prendre conscience à tout opérateur qu’il contribue à un tout, à un projet qui dépasse sa simple activité, mais qui est impossible sans lui. Il y a donc une nécessité de sensibilisation du middle management à l’importance du feed-back donné, à la manière de le donner, et aux qualités que cet acte fondamental dans le processus de reconnaissance occupe. Je pense qu’à côté des initiatives ponctuelles de valorisation à plus courte durée telles que la formation, la récompense symbolique ou la visibilité occasionnelle, cette ré-humanisation du travail et du management sont les moteurs de la reconnaissance. »

14 % des professionnels belges ont trop

de travail et ont sans cesse l’impression d’être surchargés n

© Christophe Lo Giudice

au cœur de l’évaluation. Cette notion de justice organisationnelle, dans ses tenants procéduraux (les attentes sont connues et des règles claires sont produites, et elles peuvent l’être de manière participative) et distributifs (les décisions prises me paraissent équitables au regard d’autres situations jugées similaires), devient centrale en matière de management humain car elle permet de remettre la valeur du ‘respect’ de l’autre au cœur des préoccupations du management. Si le sentiment de justice organisationnelle est présent, les travailleurs s’estiment en confiance avec les décisions de leur organisation et le management. La reconnaissance se comprend dès lors au travers de cette notion de justice qui renvoie, aussi, à un référent normatif très personnel. »

1 personne sur 3 est stressée à cause

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Un peu plus d’une personne sur 5 travaille chaque jour en dehors des heures de bureau

61 % des travailleurs estiment que la frontière entre travail et vie privée s’estompe Presque 70 % des travailleurs s’attendent à subir encore plus de pression et de stress négatif

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Isabelle Lavergne (Lampiris) sur la co-création au sein d’une start-up en croissance texte

La reconnaissance passe par l’implication

christophe lo giudice

Parmi les diverses formes que peut prendre la reconnaissance, le fournisseur alternatif d’énergie Lampiris mise sur la reconnaissance du travailleur en tant qu’être humain et de sa contribution au processus de travail au travers d’un dispositif de co-création. Ce dernier a permis de faire évoluer la culture de l’organisation autour de la définition des valeurs, du leadership et de la communication souhaités. En une dizaine d’années, Lampiris s’est imposé comme troisième fournisseur d’énergie du marché belge, grâce à un éventail d’innovations qui ont remis en question des règles apparaissant pourtant immuables jusque-là. En 2003, ils étaient deux à se lancer, Bruno Venanzi et Bruno Vanderschueren, avec 63.000 euros de capital et aucun client. La société basée à Liège dépasse aujourd’hui le milliard d’euros de chiffre d’affaires et compte plus de 800.000 clients dans notre pays. Elle emploie 170 personnes auxquelles s’ajoutent une centaine de consultants. « Chez nous, on ne parle pas de salarié, de consultant ou d’intérimaire, précise Isabelle Lavergne, HR Director chez Lampiris. Nous sommes tous des Lampirisiens. » La croissance a été rapide, et particulièrement soutenue entre 2009 et 2012. En 2013,

Temps forts :: Gérer une culture qui évolue est plus facile si l’on implique le personnel en profondeur dans ce changement. :: La reconnaissance correspond à un moteur qu’on utilise pour augmenter la satisfaction et l’engagement du personnel. :: Elle se traduit par une rémunération compétitive et équitable, par un environnement de travail répondant à ce qui compte pour les collaborateurs et par leur implication dans la vie de l’entreprise et la réalisation de ses objectifs.

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Lampiris a cherché et trouvé des investisseurs pour donner plus de poids à sa mission de fournisseur alternatif d’énergie sur le marché belge, avec à la clé une augmentation de capital. L’entreprise s’est également engagée sur la voie de la diversification en offrant des services verts dans et autour de la maison, mais aussi en créant une filiale en France qui a déjà convaincu plus de 100.000 clients. Grandir ensemble Longtemps portée par le ‘Lampiris Effect’ qu’on peut traduire par un lien étroit existant entre les fondateurs-entrepreneurs et les collaborateurs, la start-up a dû gérer les effets de la croissance. « Les premières années, l’implication et la reconnaissance pouvaient s’exprimer de façon très immédiate grâce à cette proximité, pointe Isabelle Lavergne. Quand l’organisation grandit, une forme de hiérarchie s’installe. Il y avait un risque que le Lampiris Effect ne finisse part s’effriter. La question s’est posée de savoir comment grandir ensemble et préserver l’étincelle qui avait fait la réussite de la société. » La participation au processus Great Place to Work en 2013 a représenté une sorte de signal d’alarme. On pouvait lire à travers les résultats de l’enquête une demande en faveur de plus de transparence et de « reconnaissance ». Encore fallait-il traduire ce que ce terme pouvait recouvrir. « Pour nous, la reconnaissance correspond à un moteur qu’on utilise pour augmenter la satisfaction et l’engagement du personnel, précise la DRH. Elle vient a posteriori. Ce qui doit venir a priori, c’est l’implication : faire en sorte que

chacun soit acteur au sein de l’entreprise, ait le sentiment d’apporter sa pierre à l’édifice et se sente apprécié pour sa contribution. » La voie choisie pour développer cette reconnaissance a priori est celle de la co-création. « Ce que les Lampirisiens aiment, c’est qu’on leur demande leur avis et qu’on en tienne compte. Et c’est plus vrai encore pour la génération Y qui constitue la majorité de nos effectifs. Les Y ne veulent plus être considérés comme de simples travailleurs, mais comme des individus que l’on reconnaît comme tels. Une bonne façon de prendre en compte leurs avis et leurs idées sur les sujets qui le permettent consiste à formaliser cette démarche dans un dispositif collaboratif. » Cartographie Cette co-création a déjà trouvé à s’appliquer dans quatre domaines. Premièrement, la définition des valeurs. Deuxièmement, la vision du leadership. « La réflexion répond à la réalité de très jeunes managers qui développent des interrogations sur leur rôle et leur façon de l’exercer. Les middle managers ont ainsi pu déterminer ensemble la façon dont ils voulaient gérer les équipes et les personnes, dans une optique de coordination plus que de pouvoir. » Troisièmement, l’institutionnalisation de la communication interne sur base collaborative. Quatrièmement, l’organisation d’ateliers autour de la satisfaction et du « commitment ». « La co-création menée autour de la communication interne est celle qui a pris le plus d’ampleur. Elle visait notamment à répondre à la problématique de transparence pointée par l’étude du dossier Great Place to Work, note Isabelle Lavergne. Des ateliers ont été


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Isabelle Lavergne Lampiris « On peut copier la stratégie d’une entreprise, on peut copier ses produits et services. Mais on ne peut pas copier sa culture. Faire évoluer ensemble la culture de l’entreprise revêt donc une importance majeure. » © L. Bazzoni

organisés sur base volontaire pour cartographier la communication souhaitée. Il en est ressorti qu’elle devait être, outre transparente, synthétique, vulgarisée, fun. » Plusieurs dispositifs en sont ressortis : la Lampigazette développée par les collaborateurs eux-mêmes ; la création d’un réseau social

« Nous offrons des packages attractifs - un bonus collectif CCT 90, un bonus individuel, un plan de stock-options dont tout le monde peut bénéficier, etc. - dans le contexte d’une commission paritaire qui est pourtant calquée sur le service public, indique Isabelle Lavergne. Mais la reconnaissance ne se

L’attente portait autant sur une reconnaissance symbolique que pécuniaire d’entreprise sur la plateforme Yammer ; des petits déjeuners auxquels assiste le CEO ; le Tom’s Weekly, un JT hebdo proposé chaque vendredi par le CEO et au cours duquel celui-ci répond à toutes les questions posées ou encore la mise sur pied d’un comité de transparence composé de six membres, garant de la conformité de la communication avec ce que souhaitent les collaborateurs. Qualité du feed-back En 2014, une nouvelle enquête de satisfaction et d’engagement a permis de décoder les leviers de reconnaissance importants pour les collaborateurs de Lampiris, avec de surcroît une analyse service par service.

limite pas à la rémunération. L’enquête et les ateliers de co-création post-enquête réalisés avec l’appui du Lentic (HEC-ULg) nous ont confirmé que l’attente portait autant sur une reconnaissance symbolique que pécuniaire. » L’équité, la clarté dans l’attribution des postes et responsabilités, la flexibilité ainsi que la liberté de s’organiser, la place laissée à l’initiative (et pas uniquement pour que celle-ci serve à Lampiris), le feed-back positif et constructif ou l’acceptation de l’erreur comme étape pour progresser sont autant d’éléments mis en avant. « Sur base de ces enseignements, l’équipe RH travaille à développer des solutions communes pour

toute l’entreprise, par exemple en matière d’horaires flexibles. D’autre part, la reconnaissance est très liée au manager direct. C’est pourquoi chaque directeur de département a été invité à prendre trois engagements à l’égard de ses équipes partant des demandes plus spécifiques exprimées à leur niveau. » Ce peut être, par exemple, selon les cas, assurer davantage de proximité avec l’équipe, développer sa pratique du « one-to-one » et le mener chaque semaine, organiser des stand-up meetings deux fois par semaine ou apporter un feed-back sur le développement ou l’évolution de carrière et pas uniquement sur des questions opérationnelles. Tous les middle managers ont notamment suivi un module de formation au leadership avec un accent mis sur la qualité du feed-back individuel. « On peut copier la stratégie d’une entreprise, on peut copier ses produits et services, conclut Isabelle Lavergne. Mais on ne peut pas copier sa culture. Faire évoluer ensemble la culture de l’entreprise revêt donc une importance majeure, tout en veillant à ce que la culture ne mange pas la stratégie. Il faut parvenir à garder l’étincelle tout en continuant à grandir ensemble et à l’utiliser comme levier. Notre expérience témoigne du fait que gérer une culture qui évolue est plus facile si l’on implique le personnel en profondeur dans ce changement. L’étape suivante consiste à appliquer la dynamique de co-création au client. Notre salaire, c’est le client qui le paie. Mettre le client à nos côtés autour de la table permettra de mieux comprendre ce qu’il souhaite et de construire ensemble la réponse à ses besoins. »

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Katya Sokolsky (Accor) sur les différentes formes de valorisation du personnel texte

La reconnaissance ne doit pas être étiquetée comme telle

christophe lo giudice

Chez Accor, la dynamique de reconnaissance s’inscrit dans les processus RH et dans des initiatives plus formelles, comme le Challenge des Métiers ou la remise des Bernaches. Mais l’essentiel de la reconnaissance est intégré dans les comportements managériaux au quotidien, avec un effort soutenu de formation en la matière. Premier opérateur hôtelier mondial, avec une présence dans 92 pays et plus de 3.500 hôtels dont les marques bien connues Sofitel, Pullman, Mercure, Novotel et autres ibis, le groupe Accor emploie quelque 170.000 personnes. La reconnaissance y est considérée comme un des ingrédients clés de la stratégie RH. « Nous sommes dans des métiers où la principale valeur ajoutée réside dans l’humain, confie Katya Sokolsky, Senior Vice-President Social Policy & Social Relations de l’entreprise. Il n’y a pas d’hôtel sans personnel. La reconnaissance est vue comme un levier incontournable pour stimuler l’innovation et promouvoir l’excellence en tant que source de différenciation. » Autre particularité : le groupe est, par nature, très décentralisé, avec un rôle important dévolu au management de proximité.

Temps forts :: La reconnaissance s’inscrit dans l’ensemble des processus RH : évaluation, formation, développements de carrière, etc. :: La reconnaissance se matérialise aussi au travers de dispositifs formels, pour valoriser l’excellence dans son métier ou la mise en oeuvre exemplaire des valeurs. :: Le plus important, c’est que la reconnaissance s’intègre dans les comportements managériaux au quotidien, ce à quoi doit contribuer la formation.

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« L’apprentissage du feed-back constructif fait partie de nos formations managériales, ajoute-t-elle. La reconnaissance doit s’intégrer dans les comportements managériaux au quotidien. » Marque employeur Face aux développements du groupe dans le monde, un des défis consiste à recruter de nouveaux talents, a fortiori dans les métiers en pénurie de qualifications. Une

Les différentes générations ont des besoins de reconnaissance différents fois les perles rares embauchées, il s’agit alors de les fidéliser. « Le secteur de l’hôtellerie-restauration souffre d’une image parfois contrastée et d’une perception qui peut être ingrate. Les taux de rotation sont importants, même s’il ne s’agit pas forcément d’une rotation de séparation, mais souvent de rotation d’évolution favorisée par nos politiques de

mobilité interne. La reconnaissance joue également un rôle à ces niveaux. » C’est d’autant plus vrai que les attitudes dans le chef des collaborateurs évoluent : une tendance au zapping, une quête plus aiguë de sens dans le travail, la conviction de ne pas vouloir perdre sa vie à la gagner, une volonté de s’inscrire dans une relation win-win/ donnant-donnant, etc. « Dans une certaine mesure, les travailleurs deviennent aussi des consommateurs. Dans le cas présent, des consommateurs de la marque employeur. Face à chaque segment de collaborateurs, nous avons des problématiques différentes qu’il faut dès lors intégrer et auxquelles il faut pouvoir répondre, avec des formes de reconnaissance adaptées. » Connectivité Chez Accor, cela fait bien longtemps qu’on ne pense plus que la reconnaissance puisse s’exprimer uniquement à travers la rémunération. Elle s’inscrit au coeur même de la « promesse employeur » de l’entreprise qui apparaît en tête de la rubrique ‘recrutement et carrières’ de son site internet : un employeur attentif qui respecte, forme et fait évoluer ses collaborateurs. « Quand un travailleur est choisi pour une évolution de poste ou si on lui propose de participer à un programme de développement des compétences, il est reconnu pour sa valeur ajoutée et/ou pour le potentiel qu’il représente. » Pour Katya Sokolsky, les attentes en matière de reconnaissance au travail ne sont pas devenues plus importantes que par le passé, mais elles se matérialisent différemment. « On veut être reconnu non plus seulement en tant que travailleur, mais comme individu,


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Katya Sokolsky Groupe Accor « Nous évoluons vers d’avantage de co-construction et d’interactivité. Dans une telle dynamique, la reconnaissance de la valeur de chacun et de la contribution de chacun, prend une dimension encore plus cruciale. » © D.R.

comme contributeur participant à la réussite de la société. Les différentes générations ont par ailleurs des besoins de reconnaissance différents. Pour la jeune génération, être reconnu comme individu passe, par exemple, par la possibilité de se connecter aux autres. Nous avons développé tout un projet de connectivité pour que les collaborateurs puissent à la fois se connecter à nos systèmes et se connecter entre eux, via leur propre smartphone. C’est une forme de reconnaissance que de se sentir faire partie d’une communauté, de pouvoir avoir accès en direct aux services et infos offerts par l’entreprise, au travers de l’outil de son choix. » En compétition La reconnaissance se matérialise également au travers de dispositifs formels, comme par exemple le « Challenge des Métiers ». L’initiative met en compétition de jeunes collaborateurs du groupe, âgés entre 18 et 25 ans, considérés comme excellents dans les métiers du bar, de la cuisine, du service en salle ou de la réception. Issus de 25 pays d’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie-Pacifique, un millier de candidats, soit en poste, soit sous contrat d’apprentissage en alternance, « s’affrontent » en pools

régionales, puis nationales durant le second semestre de l’année. Par la suite, 70 finalistes participent aux épreuves chronométrées dans l’une des quatre disciplines et sont notés par un jury composé de journalistes, de professionnels de l’hôtellerie et d’experts des ressources humaines. L’événement se déroule à Paris et les prix sont remis par un invité de renom, par le PDG, Sébastien Bazin, et par la DRH du groupe, Evelyne Chabrot. « Le Challenge des Métiers représente un dispositif permettant de reconnaître et de valoriser nos jeunes talents et métiers phares. Ce concours leur donne l’occasion de mesurer leurs compétences, de donner le meilleur d’eux-mêmes et de vivre d’intenses moments de partage et d’émotion. C’est également une excellente vitrine partageant la richesse des métiers avec des jeunes du monde entier. »

tion, l’esprit de conquête, la performance, le respect/responsabilité sociale, la confiance et l’esprit Accor. Les bernaches du Canada sont en effet des oies sauvages migratrices fortement attachées à la notion de groupe et particulièrement solidaires. L’année dernière, un événement de grande envergure a par ailleurs été organisé pour célébrer les collaborateurs ayant 40 ans de carrière chez Accor, soit quasiment l’âge de l’entreprise. « Quelque 29 managers ont ainsi été distingués et ont été jumelés pour une journée avec 24 nouveaux arrivants de moins de 25 ans. Il s’agissait de reconnaître à la fois la fidélité au groupe et la valeur du transfert de connaissances dans une perspective intergénérationnelle. » En 2014, le groupe Accor a remis à plat sa stratégie et redéfini ses grandes orientations RH, avec une vaste réflexion quant à l’organisation visée. L’accent est désormais mis sur la responsabilisation, la prise d’initiative, l’autonomie, l’agilité, une communication plus directe, transparente et fluide. « Nous évoluons vers d’avantage de co-construction et d’interactivité, et moins de hiérarchie au sens traditionnel du terme, conclut Katya Sokolsky. Dans une telle dynamique, la reconnaissance de la valeur de chacun et de la contribution de chacun, mais aussi de la richesse que représente la diversité, prennent une dimension encore plus cruciale. On le voit : énormément de choses participent de la reconnaissance, sans forcément être étiquetées comme telle. La reconnaissance s’inscrit dans l’ensemble des processus RH du groupe. »

Vaste réflexion Un autre temps fort de l’année en matière de reconnaissance se marque avec la remise des « bernaches ». Celles-ci récompensent chaque année dans diverses catégories - Or, Argent, Honneur et Equipe - des collaborateurs des hôtels et des sièges dont les actions et les comportements exemplaires incarnent les valeurs du groupe : l’innova-

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Griet Staelens (Electrolux) évoque les préalables à une approche structurée

La reconnaissance ne s’improvise pas texte

christophe lo giudice

La « reconnaissance » n’est pas une fin en soi, mais peut contribuer à soutenir la mise en œuvre d’un projet stratégique, témoigne Griet Staelens chez Electrolux. Par contre, développer une approche structu­ rée en matière de reconnaissance exige au préalable un système de rémunération clair et bien communiqué, fondation pour bâtir l’édifice. La reconnaissance s’inscrit dans l’intitulé de fonction de Griet Staelens, Director Reward & Recognition EMEA chez Electrolux, témoignant ainsi de l’importance que lui donne ce groupe suédois comptant parmi les leaders mondiaux de l’électroménager. La dynamique trouve un nouveau champ d’application dans la nouvelle initiative Teamship lancée au niveau mondial. « Ce projet fait suite au constat révélé par nos Employee Engagement Surveys de la perception d’un manque de collaboration au sein de l’organisation, confie-t-elle. Au niveau de l’équipe, cette perception est bonne, mais elle se dégrade quand on l’envisage entre équipes et départements, et plus encore entre business units. » Le projet Teamship vise donc à stimuler la collaboration, l’alignement et la transpa-

Temps forts :: Chez Electrolux, un programme mondial est actuellement implémenté pour stimuler la collaboration au sein du groupe. :: Pour atteindre cet objectif, un des leviers activé porte sur la reconnaissance. :: Pour pouvoir structurer une approche de reconnaissance plus ap­­pro­ fon­die, il faut que les collaborateurs soient conscientisés sur la façon dont ils sont rémunérés.

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rence au sein du groupe. En 2014, un certain nombre de facilitateurs - des profils RH, mais surtout des profils business - ont été formés afin de cascader le message en interne. Un coaching spécifique a par ailleurs été dispensé pour encourager le feed-back. Et au cours cette année, des ateliers sont organisés avec les collaborateurs pour identifier, définir et diffuser les comportements permettant de concrétiser cette ambition. Une dynamique de reconnaissance vient s’y greffer. « Nous identifions les exemples de bonnes pratiques en matière de Teamship pour les diffuser via nos canaux de communication internes, note Griet Staelens. Tous les collaborateurs peuvent ainsi découvrir des façons d’améliorer la collaboration et les résultats associés. Les pratiques positives sont ainsi reconnues, et même récompensées : chaque trimestre, une initiative se trouvera sélectionnée par un vote de l’ensemble des employés et, en fin d’année, le comité exécutif récompensera celle que ses membres jugeront la plus aboutie. » A la clé, un voyage à Stockholm pour un dîner avec l’équipe de direction. Le CEO veille par ailleurs à valoriser régulièrement les initiatives sortant du lot, trimestre après trimestre. Outiller les managers Un besoin spécifique en matière de reconnaissance ne ressort pas en tant que tel des enquêtes sur l’engagement du personnel. « Par le passé, nous avons plutôt relevé des interrogations quant à l’équité interne dans la façon dont les efforts sont récompensés

Griet Staelens Electrolux « Nous avons travaillé sur le calibrage des fonctions et le positionnement des rémunérations pour renforcer l’équité interne dans la façon dont les efforts sont récompensés. » © D.R.

tant d’un point de vue financier que dans une perspective plus large, commente Griet Staelens. Ce qui rejoint indirectement le sujet de la reconnaissance. C’est pourquoi nous avons beaucoup travaillé sur le calibrage des fonctions et le positionnement des rémunérations pour un meilleur alignement au niveau mondial. » Aujourd’hui, c’est sur la communication et l’éducation en matière de rémunération que les efforts portent. « C’est le niveau de fonction et la performance individuelle qui est délivrée par le collaborateur qui font évoluer la rémunération, mais beaucoup d’entre eux ne sont pas conscients de la manière dont l’entreprise fait évoluer leur salaire. Nous allons outiller les managers de ligne pour qu’eux-mêmes comprennent bien le système et qu’ils puissent expliquer les évolutions des rémunérations à leurs collaborateurs. » A ce stade, différents programmes axés sur la reconnaissance existent au sein du groupe, notamment au niveau local dans les usines (par exemple par la mise en évidence de personnes ou d’équipes ayant pris des initiatives pour améliorer les façons de travailler) ou pour des populations particulières comme le Shared Service Centre. « Une fois les bases en matière de rémunération en place et une bonne communication réalisée pour en assurer la compréhension en interne, nous allons pouvoir passer au niveau supérieur et oeuvrer à une approche de la reconnaissance plus structurée. »


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Nathalie Briand (CPAS Molenbeek) sur l’ancrage de la reconnaissance dans la pratique RH

Un édifice qui se bâtit au quotidien texte

christophe lo giudice

Montrer aux travailleurs qu’on apprécie leurs efforts passe par diverses initiatives qui se renforcent mutuellement, estime Nathalie Briand, Head of HR au CPAS de Molenbeek-Saint-Jean. Aux conceptions techniques et normatives parfois artificielles, elle préfère la mobilisation de dyna­ miques de reconnaissance ancrées dans les dispositifs RH. La reconnaissance au travail n’est pas une demande nouvelle de la part des gens, mais elle prend des formes plus variées et, surtout, elle rencontre de plus en plus les attentes de l’entreprise : le travail change et les attentes à son égard évoluent aussi, souligne Nathalie Briand. « L’entreprise attend de ses collaborateurs qu’ils dépassent la routine, qu’ils voient plus loin que les tâches assignées et prennent des initiatives, qu’ils fassent preuve de polyvalence, etc. A ce niveau, le besoin de reconnaissance apparaît plus marqué et son expression est aussi perçue comme plus nécessaire par notre direction. » Le CPAS de Molenbeek-Saint-Jean emploie quelque 500 personnes (et jusque 900 dès lors qu’on inclut les contrats d’insertion de type Article 60). Depuis plusieurs années, impulsé par le fonctionnaire dirigeant et avec le soutien continu des autorités, il s’est engagé dans un trajet de modernisation de ses politiques RH, d’une part dans une quête de plus grande efficience des services, d’autre part pour renforcer la dimension humaine au quotidien. La dynamique de reconnaissance

Temps forts :: La dynamique de reconnaissance d’inscrit dans la modernisation des pratiques RH. :: La direction veille à ce qu’elle « teinte » tous les processus RH. :: La reconnaissance du travailleur en tant que personne complète l’édifice.

est un des volets de la démarche et la direction veille à ce qu’elle « teinte » tous les processus RH. Clubs RH La reconnaissance des efforts et de l’investissement au travail se marque d’abord dans le cadre de l’évaluation régulière du personnel, selon un calendrier défini par les RH et en sensibilisant les responsables d’équipes à son importance. « Le processus nous permet d’être à l’écoute des besoins et des attentes des collaborateurs, et d’ensuite leur offrir des perspectives d’évolution et de développement. Notre personnel bénéficie d’un vaste effort de formation. Le plan de formation annuel est individuel et comprend cinq jours pour un temps plein. » Outiller les collaborateurs dans l’exercice de leurs tâches participe aussi d’une forme reconnaissance de leurs compétences et de leur contribution à la réalisation de la mission. « Dans cet esprit, des ‘Clubs RH’ ont été institués en 2014 : il s’agit de réunions d’information et d’échanges organisées une fois par trimestre autour d’un sujet. Nous avons ainsi parlé d’harmonisation des statuts et de prise en compte des risques de burn-out. Un Club RH s’est tenu sur la formation afin d’aider les collaborateurs à identifier les formations les plus adéquates. En 2015, nous aborderons la nouvelle législation en matière de risques psychosociaux ainsi que la gestion de la diversité, notamment. » Une reconnaissance des apports et de l’investissement de chacun s’exprime dans la mise en place de comités techniques visant

Nathalie Briand CPAS de Molenbeek-Saint-Jean « Le travail change et les attentes à son égard évoluent aussi. Le besoin de reconnaissance apparaît dès lors plus marqué et son expression est aussi perçue comme plus nécessaire par notre direction. » © D.R.

à impliquer les responsables intermédiaires. « Le dispositif permet d’émettre des pistes d’amélioration des services et de faire remonter les propositions exprimées par le personnel. On reconnaît de cette façon que les bonnes idées ne viennent pas seulement du haut, mais qu’elles peuvent émerger de partout au sein de l’organisation. » Nathalie Briand insiste aussi sur la reconnaissance du travailleur en tant que personne. « Nous veillons à en tenir compte dans les différents types de relation de travail, statutaire ou contractuel par exemple, de sorte que chacun se sente traité de façon équitable. Le bien-être au travail est également une préoccupation centrale. Enfin, nous sommes attentifs à tout ce qui peut faciliter l’équilibre entre le travail et le projet de vie des personnes, via des aménagements du temps de travail. » Enfin, le CPAS de Molenbeek-Saint-Jean veille à la mise en valeur de ses agents et leur travail, que ce soit via la publication des interviews de membres du personnel sur son site internet ou dans le cadre de sa page Facebook ou encore le partage de savoir-faire par des formations internes… « Autant de pierres à l’édifice de la reconnaissance », conclut-elle.

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Elisabeth Masurel (UCL) sur la dimension contextuelle de l’appréciation du personnel texte

Le feed-back est clé dans la reconnaissance

christophe lo giudice

Certains leviers de reconnaissance trouvent à s’appliquer dans toutes les entreprises. D’autres sont à mobiliser plus spécifiquement en lien avec la mission et/ou la culture et les valeurs de l’organisation, comme l’illustre l’exemple de l’Université catholique de Louvain (UCL). Entretien avec Elisabeth Masurel, DRH de l’institution. A quelles contraintes faites-vous face en matière d’appréciation du personnel ? Elisabeth Masurel : « La première contrainte est liée à notre système de rémunération réglementé, lié au diplôme de la personne et organisé selon des grades et des barèmes. La seconde est que les universités connaissent une situation budgétaire difficile, ce qui laisse très peu de marges de manoeuvre pour ce qui relève d’une reconnaissance pécuniaire. On entend souvent dire qu’on ne gagne pas bien sa vie à l’université. C’est faux. Si les salaires peuvent sembler moins compétitifs en début de carrière, ils atteignent de bons niveaux au cours de la carrière. Mais il est vrai que nous n’octroyons ni prime, ni bonus, ni autres avantages financiers particuliers, sauf en matière de pension. Nous sommes donc bien conscients de l’importance, et même de la nécessité, de jouer sur d’autres

Temps forts :: A l’UCL, la reconnaissance au travail se fonde tout d’abord sur l'employé en tant qu'être humain distinct possédant une identité et une expertise uniques :: La reconnaissance comme appartenance à un collectif, à une communauté, est une autre dimension essentielle, avec toute la symbolique qu’elle sous-tend :: Un mot d’ordre : l’authenticité. Autrement dit, le caractère vrai de ce que l’on dit, ce qui implique aussi du courage.

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leviers que la rémunération pour reconnaître l’implication et la contribution de notre personnel. » L’organisation particulière de l’université amène-t-elle d’autres contraintes ? Elisabeth Masurel : « Nous employons 5.700 personnes réparties sur six sites géographiques et, parfois, issues d’institutions qui se sont regroupées ou ralliées à l’UCL. Celles-ci travaillent sous trois statuts différents : le personnel académique, le personnel scientifique et le personnel administratif et technique. L’université est organisée autour des facultés (pour l’enseignement) et des instituts de recherche. Les services généraux viennent en support aux missions de l’université. Il y a donc à la fois un enjeu d’homogénéisation et de standardisation des processus à équilibrer avec l’enjeu de respect de l’autonomie et des spécificités de ces différentes entités, nécessaires au dynamisme de l’enseignement et de la recherche. Enfin, les ressources humaines sont pilotées par une académique, la vice-rectrice à la politique du personnel et gérées par deux services différents. Le premier ayant en charge les aspects juridiques et contractuels (contrats, rémunération,…), le second s’occupant des différentes dimensions de la GRH à destination du personnel administratif et technique (recrutement, gestion de carrière…). » Quelle serait la pierre angulaire de votre conception de la reconnaissance ? Elisabeth Masurel : « Le respect de l’individu en tant que personne, avant même d’être un travailleur. A l’université sans doute davantage que partout ailleurs, l’être humain

n’est pas perçu comme entité instrumentale, un moyen d’atteindre des objectifs, mais bien comme une fin en soi. Nous sommes très soucieux de l’équité, du respect de la dignité de chacun. Cette préoccupation se traduit dans la vision du rôle RH, à savoir faire en sorte que chaque individu se trouve dans les meilleures conditions pour pouvoir bien faire son travail. Une fois l’individu en poste, nous regardons ses résultats bien sûr, mais pas uniquement. Nous prêtons une grande attention aux efforts fournis. Cette perspective ‘teinte’ la reconnaissance qui s’exprime dans notre contexte de travail. J’ajouterais à cette pierre angulaire un mot d’ordre, l’authenticité. Autrement dit, le caractère vrai de ce que l’on dit. Car les employés ne sont pas dupes. Considérer la personne comme une personne avant d’être un travailleur s’accompagne du courage de dire les choses, même si elles sont difficiles. En la matière, je crois à la valeur de l’exemple, au leadership authentique.» Par quels canaux principaux la reconnaissance s’exprime-t-elle ? Elisabeth Masurel : « J’ai la conviction que bien des éléments de la gestion RH, dont la reconnaissance, passent par la ligne hiérarchique. Une autre spécificité de l’université, c’est qu’il s’agit d’un contexte où, au nom de la liberté académique et de la nature même de la mission de recherche, il existe sans doute moins de prescrits qu’ailleurs. Or, il est difficile d’évaluer et de reconnaître quelqu’un si on n’a pas défini l’attendu. Très classiquement, l’entreprise a fait évoluer ses meilleurs experts dans des rôles managériaux, avec la nécessité d’accompagner et de développer ces personnes. Nous avons ainsi


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Elisabeth Masurel UCL « Bien des éléments de la gestion RH, dont la reconnaissance, passent par la ligne hiérarchique. C’est notamment pourquoi nous avons créé un programme de formation, d’une durée de sept jours, rendu obligatoire dès qu’une personne prend une responsabilité d’équipe. » © D.R.

mis sur pied un programme de formation, d’une durée de sept jours, rendu obligatoire dès qu’une personne prend une responsabilité d’équipe. Les retours sont très positifs, notamment dans la manière dont l’attendu est déterminé et dont la reconnaissance trouve à s’exprimer. » En quoi la reconnaissance passe-t-elle par la mise en place d’un ‘cadre’ ? Elisabeth Masurel : « Le contexte universitaire se caractérise par une culture de grande autonomie laissée aux collaborateurs. Le risque de cette forte autonomie, c’est qu’on peut parfois se demander, en tant que travailleur, si on ‘existe’ encore pour l’organisation. Car, on ‘existe’ en tant que personne au travail pour ce que l’on fait, mais aussi par rapport à ce qu’on nous dit. Le feed-back est dès lors un levier essentiel de reconnaissance au travail. Et c’est une pratique à laquelle nous formons nos responsables d’équipe, pour qu’elle s’exprime de façon formelle, lors d’entretiens réalisés une fois par an ou tous les deux ans, mais aussi de façon plus informelle au quotidien. Nous avons également commencé à travailler avec un outil qui offre l’avantage de développer un langage commun. Qui permet notamment de travailler avec le responsable, avec l’équipe pour améliorer le fonctionnement de tous. Nous partons du principe que nous travaillons avec des adultes responsables, qui n’ont pas de difficultés à reconnaître que, pour certains aspects, ils peuvent avoir besoin d’un soutien ou d’un accompagnement. » Comment se construit ce ‘cadre’ ? Elisabeth Masurel : « Par exemple, nous sommes pour le moment occupés à développer un cadastre des métiers, une sorte de répertoire qui reprend les différents métiers administratifs et techniques exercés au sein de l’université et les compétences associées. Jusqu’ici, nous répertorions plus de 270 fonctions, ce qui est inutilisable en

tant qu’outil de gestion. Ce nouvel outil va nous permettre de professionnaliser nos pratiques de gestion RH et notamment de créer des plans de formation se fondant sur des compétences transversales communes. Un des objectifs sera de développer la mobilité interne, en particulier horizontale - à savoir exercer le même métier ailleurs dans l’organisation ou encore changer de métier -, ce qui représente un levier à la fois de motivation, de professionnalisation et de reconnaissance. »

à une communauté. Par ailleurs, la communication interne joue un rôle important en délivrant de l’information sur les personnes qui travaillent à l’université, leurs activités et les projets auxquels elles participent. La reconnaissance vient alors des responsables, mais aussi des collègues. A l’université, la reconnaissance par les pairs revêt une importance toute particulière, raison pour laquelle nous mettons l’accent sur les réseaux et autres espaces de partage des connaissances et des pratiques. »

La pierre angulaire de la reconnaissance, c’est le respect de la personne Quelles sont les attentes de votre personnel en matière de reconnaissance ? Elisabeth Masurel : « Je pense que la principale attente porte sur la reconnaissance des compétences, de l’expertise et de l’implication dans nos missions universitaires. Il y a un attachement très fort à la mission. Cette reconnaissance s’exprime par exemple lors de moments institutionnels comme la rentrée académique ou à l’occasion de la cérémonie des docteurs honoris causa : il se marque le sentiment d’appartenir à une grande maison. Autre trait marquant : la culture de l’autorité académique. Les autorités de l’université sont très sollicitées et tentent pourtant de rester en contact avec le terrain. Elles rencontrent par exemple les nouveaux engagés. Une journée d’accueil est également organisée pour les nouveaux collaborateurs, ce qui marque une signal symbolique fort : la personne est ‘choisie’ par l’université, s’y sent accueillie et est intégrée

La gestion des ressources humaines de l’université s’enrichit-elle de l’expertise des académiques et de la recherche menée au sein de l’institution ? Elisabeth Masurel : « C’est très vrai : nous avons la chance d’avoir toute cette richesse à portée de main. Pour la matière RH par exemple cet enrichissement a été initié dans le cadre de la Chaire laboRH en Management humain et Transformations du Travail. Créé au sein de l'Institut des Sciences du Travail en collaboration avec l’institut de recherche de la Louvain School of Management, ce centre d’expertise est financé par plusieurs entreprises dont l’UCL. Il nous donne accès aux résultats de la recherche et, pour les chercheurs, cette collaboration représente une belle opportunité de se confronter à la réalité du terrain. Une reconnaissance mutuelle des apports, en somme. Ce sont aussi des collaborations qui donnent un sens nouveau à ce que les gens font au quotidien. »

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Gestion des convictions philosophiques et religieuses

Faut-il proposer des « accommodements raisonnables » ? texte

christophe lo giudice

Port de signes convictionnels au bureau, organisation d’un espace de prière sur les lieux de travail, demande d’adaptation des horaires ou de congé pour motif religieux, requête de menus spécifiques à la cantine : autant de situations délicates à aborder pour les départements RH. Comment prendre en compte les demandes religieuses sans qu’elles ne nuisent à la cohésion des équipes ou au fonctionnement de l’entreprise ? Les entreprises peuvent adopter différents types d’attitudes vis-à-vis de la revendication religieuse. Le refus ou le déni pur et simple apparaissent assez répandus face à la peur d’avoir à gérer une surenchère de demandes. Ce qui peut susciter un grand désarroi des managers de première ligne sur le sujet. Position inverse : la direction peut décider de tout accepter ou presque, par crainte d’apparaître discriminante mais aussi de perdre des personnes dans des fonctions pénuriques. On observe également des entreprises qui gèrent la question au cas par cas. Pour tel ou tel individu, sur telle ou telle raison, on va négocier des « accommodements raisonnables » pour préserver le bon climat et éviter les départs, mais sans pour autant tout accepter de façon systématique. Pour le compte du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, une

Temps forts :: Les managers et les responsables RH se trouvent en première ligne face à la demande d’affirmation religieuse et identitaire. :: Les différentes formes que celle-ci peut prendre suscitent de nombreuses incertitudes et relèvent encore souvent du tabou en entreprise. :: Les entreprises sont d’avis de ne pas passer dans une normalisation à l’extrême, mais de laisser la place au bon sens. Mais cela implique de gérer la question religieuse comme un acte managérial.

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équipe de chercheurs de l’Université de Namur a exploré ces « ajustements concertés » mis en place dans les entreprises belges en fonction des convictions philosophiques et religieuses. Ses résultats ont été présentés à l’occasion d’un colloque sur la diversité culturelle organisé à HEC-Université de Liège en décembre dernier. Cette recherche faisait suite à une première étude menée en 2010 par l’ULB et la VUB qui avait déjà mis en évidence la sensibilité du sujet. « Un millier d’entreprises ont été consultées et 47 ont

collègues, appuie-t-elle. Il semble qu’on se situe dans un débat plus pragmatique que philosophique. Les demandes ne sont d’ailleurs pas forcément en lien avec le fait religieux : il peut, par exemple, s’agir d’une demande d’un travailleur issu d’un pays éloigné souhaitant passer des vacances plus longues dans sa famille d’origine. » Que nous apprennent les résultats de l’enquête menée par les chercheurs de l’Université de Namur ? Les entreprises interrogées se disent unanimement opposées à l’octroi

Les employeurs sont en faveur d’une concertation la plus informelle possible répondu, ce qui représente une information en soi, souligne Charlotte Lambert, chercheuse au sein du Centre interdisciplinaire Vulnérabilités et Sociétés de l’Université de Namur. La matière dérange ou, du moins, pose question. Le sujet est difficile pour les acteurs de l’entreprise qui craignent de s’écarter du politiquement correct. » Avis partagés L’étude ULB/VUB avait déjà révélé que des « aménagements raisonnables », bien que non (encore) prévus par la loi, étaient mis en place dans les entreprises, et souvent sans qu’elles ne s’en rendent toujours compte. « Il s’agit le plus souvent d’un processus de type informel, pragmatique négocié entre l’employeur et le travailleur, et voire même entre

de congés supplémentaires pour raisons philosophiques ou religieuses. Mais une sur deux reconnaît qu’il faudrait donner priorité à une demande de congé pour motif religieux. Quant à la question de la modification des jours fériés légaux, les avis sont partagés : 55% s’y refusent, pour 45% se disant favorables (idéalement à raison d’un seul jour). La pratique de la prière sur le lieu de travail représente un autre sujet sensible. Près de quatre entreprises sur cinq sont d’avis qu’il ne faut pas interrompre le travail, mais que des moments de pause déjà prévus peuvent être utilisés librement par les travailleurs, et donc aussi pour prier. Le code vestimentaire est également vu comme problématique, car c’est par ce biais que la question revient le plus fréquemment devant les tribunaux


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« Les revendications religieuses en entreprise sont de plusieurs ordres : les congés et/ou aménagements d’horaire, le code vestimentaire, la gestion des interdits alimentaires, un espace de prière ou encore la question du rapport à la femme. »

ou dans la presse. Quatre sociétés sur dix estiment qu’il faut interdire le port de signes convictionnels au travail. Une proportion quasi identique (43%) est d’avis que cette interdiction doit se limiter aux fonctions de représentation ou en contact avec la clientèle. 17% les autorisent. Mais si des vêtements de sécurité sont obligatoires, ils sont incompatibles avec toute flexibilité en matière de port de signes religieux, et ce à l’unanimité de l’échantillon. Souci d’équité Faut-il prévoir au restaurant d’entreprise des plats adaptés aux convictions religieuses ? La crainte essentielle qui émerge porte sur la logistique que cela impose et, surtout, sur le risque d’ouvrir une boîte de pandore amenant à aller toujours plus loin dans les spécificités demandées, commente Charlotte Lambert. Dès lors, 32% des entreprises interrogées disent que la cantine ne doit pas proposer de tels plats, là où 30% estiment que des accords devraient être conclus entre l’employeur et les travailleurs de manière générale. Mais, pour les repas d’entreprise (par exemple lors d’une fête de fin d’année), l’ouverture à la prise en compte de convictions philosophiques et religieuses est bien plus grande. En période de jeûne, 85% des répondant sont d’avis qu’il faut adapter le travail/le planning en conséquence. En ce qui concerne les demandes de congé prolongé (notamment pour des visites dans le pays d’origine), 41% des entreprises estiment qu’elles ne doivent être rencontrées que pour motif « justifié ». « Les entretiens qualitatifs ont toutefois montré que la ques-

tion posait peu de problèmes, car les travailleurs s’arrangent généralement pour la gérer, par exemple via le dispositif de congé sans solde », indique la chercheuse. Les entreprises se refusent en tout cas à octroyer des congés payés supplémentaires par souci d’équité entre les travailleurs. Charlotte Lambert tient cependant à nuancer le tableau. « Les résultats de la recherche laissent apparaître des positions assez mitigées sur une grande partie des questions, à l’exception de quelques avis très clairs sur certaines d’entre elles, explique-t-elle. Et les répondants sont aussi les personnes les plus sensibilisées à la problématique. Au travers de ce type d’enquête, on n’arrive que très difficilement à obtenir la voix de ceux qui ont des opinions plus tranchées ou moins conciliantes. Une certitude par contre : les entreprises sont en faveur d’une concertation par les acteurs la plus informelle possible, sans intervention réglementaire. La crainte associée à plus de formalisation porte sur le risque de voir émerger davantage de demandes qu’il n’y en a actuellement. » Mener un audit Dans une Europe de plus en plus plurielle, il faut toutefois s’attendre à des demandes d’affirmation religieuse et identitaire de plus en plus forte : les religions sont dès lors susceptibles d’interférer davantage avec le monde du travail à l’avenir. C’est le point de vue développé par Isabelle Barth, professeur en sciences de gestion et directrice de l’Ecole de Management de Strasbourg, dans le livre collectif Management et Religions – Décryptage d’un lien indéfectible (Editions EMS,

2012). Celui-ci rassemble l’éclairage de 26 chercheurs en sciences de gestion sur ce qui se « noue » et se « joue » dans les intrications entre religion et management, en se fondant sur une recherche action de terrain permettant d’aider concrètement les managers. D’après Isabelle Barth, l’entreprise ne peut ignorer les revendications religieuses, mais ne doit pas non plus tout accepter, ni adopter des attitudes d’opportunité. « Gérer cette question doit au contraire rester une question de management: il faut certainement éviter d’entrer dans un débat religieux qui serait sans fin, insiste-t-elle. Il faut également se prémunir de créer des contextes de préférences qui seraient amenés par des lobbies, certains plus puissants que d’autres. » La première étape, selon elle : mener un audit de la problématique et identifier si les problèmes qui se posent représentent une certaine masse critique méritant la prise en compte formelle. Sur cette base, l’entreprise pourra alors édicter des règles claires, en privilégiant l’égalité de traitement entre les personnes, donc en évitant d’entrer dans la différenciation selon les rites existants. « C’est là l’idée de rester dans une optique de management, tenant compte à la fois des enjeux business – le port du voile peut être jugé acceptable dans le cadre d’une fonction de comptable sans contact avec la clientèle, mais pas dans un rôle commercial, par exemple – et des impératifs de sécurité et d’hygiène, explique-t-elle. Toutes sortes de dosages peuvent être trouvés. Une demande de congé doit être prise en compte de la même façon, qu’elle soit motivée par un jeûne ou par un congé pédagogique nécessitant de garder son enfant à la maison. Le piège consiste à sortir de la sphère managériale : il n’est pas nécessaire, ni utile de connaître le contenu des sourates pour résoudre de telles problématiques. La règle déterminée doit être opposable sans entrer dans les spécificités religieuses. »

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Décryptages

Difficile de constater la rupture pour force majeure sans collaboration du travailleur texte

Force majeure médicale : réfléchir avant d’agir !

nadège toussaint

En cas de maladie, et en particulier pour des travailleurs malades de longue durée, on pense souvent en pratique à recourir à une 'rupture pour force majeure' afin de pouvoir se séparer 'à moindre coût' de ces travailleurs. Mais gare à l’improvisation ! L'employeur peut en effet mettre fin au contrat de travail en invoquant la force majeure médicale. Dans ce cas, le travailleur n'a pas droit à une indemnité de licenciement. Ce que beaucoup d'employeurs perdent souvent de vue dans un tel cas, c'est qu'une rupture pour force majeure n'est possible que lorsque le travailleur (1) est empêché définitivement (et non pas seulement temporairement) (2) d'exécuter le travail convenu. De plus, beaucoup d'employeurs n'ont pas conscience de ce que la rupture pour force majeure nécessite en pratique la collaboration du travailleur, ainsi que de préférence la collaboration de deux médecins. Sans la collaboration (et l'accord) du travailleur, le recours à la force majeure reste certes possible, mais le risque de contestation est relativement élevé. C’est pareil si on dispose d'une seule attestation, comme par exemple un certificat du médecin traitant ou du médecin contrôleur. Enfin, beaucoup d'employeurs ne sont pas habitués à la procédure applicable pour ce mode de rupture spécifique. Force majeure médicale : notion Conformément à l'article 32, 5° de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les engagements résultant d'un contrat de travail prennent fin par la 'force majeure'. Dans ce cas, le contrat de travail prend fin de plein droit, sans qu'un délai de préavis ou qu'une indemnité compensatoire de préavis ne soit dû. Dans certains cas, l'incapacité de travail du travailleur peut être invoquée comme étant un cas de force majeure. Il est question de force majeure médicale lorsque le travailleur, suite à une incapacité de travail permanente, se trouve définitive-

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ment dans l'impossibilité d'exécuter le travail convenu. En revanche, si l'incapacité de travail n'est que temporaire, le contrat de travail ne prend pas fin. L’incapacité de travail temporaire n'entraîne que la suspension du contrat de travail. Les principes en matière de force majeure médicale découlent principalement de la jurisprudence. Il existe uniquement un nombre limité de textes légaux concernant la constatation et les conséquences de l'incapacité de travail définitive du travailleur.

- par un certificat médical du médecin traitant duquel il ressort que le travailleur n'est plus apte à exécuter son travail ; - par la carte de visite médicale (à présent dénommée : formulaire d'évaluation de santé) ; - par une consultation d'un spécialiste, en cas de contestation. En pratique, l'incapacité de travail définitive est la plupart du temps constatée par un certificat médical du médecin traitant du travailleur, par lequel le travailleur est déclaré comme étant inapte définitivement à

Bien des employeurs ne sont pas habitués à la procédure relative à ce mode de rupture Procédure Pour que l'employeur puisse invoquer avec succès la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, il doit bien entendu être certain que l'incapacité de travail du travailleur est définitive. Puisque la constatation de l'incapacité définitive de travail implique une décision ou un diagnostic médical, la preuve de cette incapacité doit être apportée à l'aide d'un ou de plusieurs certificats médicaux. Il est admis en jurisprudence que la preuve de l'incapacité de travail définitive d’un travailleur peut entre autres être apportée de la manière suivante : - par un certificat médical du médecin traitant ;

exécuter le travail convenu, et par le médecin du travail dans le cadre de la procédure de reclassement (cf. ci-dessous). Procédure de reclassement 1.- Lorsqu'un certificat médical constatant une incapacité de travail définitive est délivré par le médecin traitant, le travailleur peut démarrer une procédure de reclassement dans l'entreprise via un examen effectué par le conseiller en prévention-médecin du travail (ci-après dénommé: médecin du travail). Cette procédure est mise sur pied afin de vérifier s'il n'y a pas une autre fonction ou une fonction adaptée qui peut être proposée au travailleur. La procédure de reclassement n'est pas obligatoire, mais il est forte-


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Nadège Toussaint Avocate Claeys & Engels « Une rupture pour force majeure n'est possible que lorsque le travailleur est empêché définitivement, et non pas seulement temporairement, d'exécuter le travail convenu. » © D.R.

ment conseillé de suivre cette procédure. La pratique démontre en effet que l'ONEM lorsqu'un travailleur se présente après coup pour l'octroi d'allocations de chômage - ne se contente en principe pas d'un certificat médical du médecin traitant, mais exige également que ce certificat soit confirmé par le médecin du travail. Si le travailleur demande à l'employeur son reclassement par lettre recommandée, ce dernier doit lui remettre un formulaire de 'demande de surveillance de santé des travailleurs'. Ce document est ensuite remis au médecin du travail qui examine le travailleur et qui a la possibilité de prendre quatre décisions différentes : le travailleur est suffisamment apte à poursuivre le travail convenu ; le travailleur peut exercer le travail convenu, moyennant certaines adaptations déterminées par le médecin du travail ; le travailleur est suffisamment apte à exercer une autre fonction, éventuellement moyennant les adaptations nécessaires et dans les conditions fixées par le médecin du travail ; le travailleur est définitivement inapte. 2.- Avant de prendre une décision, le médecin du travail doit normalement prendre contact également avec l'employeur afin de s'informer de la possibilité de proposer une autre fonction ou une fonction adaptée. Dans cette hypothèse, il est recommandé d’insister sur le fait qu'il est impossible de proposer au travailleur une autre fonction dans laquelle il ne sera pas confronté à ses problèmes médicaux. En outre, l'employeur peut exposer au médecin du travail qu'il lui est techniquement et objectivement impossible de donner un autre travail ou que cela ne peut raisonnablement pas être exigé de lui pour des motifs fondés. La législation stipule en effet que "l'employeur est tenu de continuer à occuper le travailleur qui a été déclaré définitivement inapte par une décision définitive du conseiller en prévention-médecin du travail conformément aux recommandations de

ce dernier, en l'affectant à un autre travail sauf si cela n'est pas techniquement ou objectivement possible ou si cela ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés". L'employeur a la charge de la preuve et doit pouvoir démontrer qu'il ne lui est ni objectivement ni techniquement pas possible de proposer un travail adapté ou que cela ne peut raisonnablement pas être exigé de lui pour des motifs fondés. 3.- Une fois que le médecin du travail a attesté l'incapacité définitive de travail sur le formulaire d'évaluation de santé, l'employeur doit encore attendre que cette décision devienne définitive. Le travailleur peut en effet introduire un recours contre la décision du médecin du travail dans les sept jours ouvrables de la date d'envoi ou de remise au travailleur du formulaire d'évaluation de santé, et ce auprès du médecin inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail. La décision du médecin du travail devient seulement définitive après l’expiration de ce délai de recours. 4.- Si le médecin du travail estime que le travailleur est définitivement inapte au travail, ou s'il constate qu'il est impossible de maintenir le travailleur au travail conformément aux conditions posées par le médecin du travail pour cause d'absence d'alternatives, et que le délai de recours a expiré, l'employeur peut constater que le contrat de travail a pris fin pour force majeure. La 'constatation de force majeure médicale' n'est en elle-même pas soumise à des formalités ; il est néanmoins recommandé de confirmer que le contrat de travail a pris fin en envoyant une lettre au travailleur. Conclusion : collaboration exigée ! Tenant compte de ce qui a été exposé ci-avant, il est en pratique particulièrement difficile de constater la force majeure médicale sans la collaboration du travailleur. La probabilité qu'un médecin traitant atteste, contre la volonté du travailleur, que celui-ci

est définitivement incapable d'exercer la fonction convenue, est minime. D'autre part, le travailleur ne peut pas être obligé de se soumettre à l'examen du médecin du travail. Cet examen ne peut en principe avoir lieu qu’à l'initiative du travailleur lui-même (après que son médecin traitant a attesté l'incapacité définitive de travail et qu'une procédure de reclassement a débuté) ou dans certaines situations spécifiques prévues dans l'arrêté royal du 28 mai 2003 (entre autres : examen de santé périodique pour les travailleurs qui y sont soumis obligatoirement, examen de reprise du travail, consultation spontanée à l'initiative du travailleur). Transaction Strictement parlant, il n'est pas nécessaire de signer une convention lors de la constatation d'une force majeure médicale. Concrètement cela signifie que lorsque l'employeur peut apporter la preuve de force majeure médicale, il peut en principe constater la fin du contrat de travail avec ou sans l'accord du travailleur. Toutefois, lorsque la force majeure médicale est constatée sans l'accord du travailleur, le travailleur dispose, comme exposé ci-avant, d'une possibilité de recours contre la décision du médecin du travail ou peut s'opposer à la constatation de la force majeure médicale ou formuler encore ensuite d’autres revendications. Afin d'éviter qu'un recours soit introduit - et plus généralement de s’assurer que le travailleur ne s'oppose pas à la constatation de la force majeure médicale - il est recommandé de signer une convention de transaction, dans laquelle la rupture pour force majeure médicale est constatée et dans laquelle le travailleur renonce à toute demande supplémentaire vis-à-vis de l'employeur.

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Décryptages I Jurisprudence

Le non-respect des obligations en matière de bien-être peut justifier la résolution judiciaire du contrat de travail ?

texte

gaëlle willems,

avocate chez claeys

L’employeur doit prendre toutes les mesures utiles afin de promouvoir le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail. L’occupation dans des conditions non-conformes à ces obligations permet aux travailleurs d’entreprendre diverses démarches. L’employeur doit ainsi appliquer les mesures de prévention et de protection permettant notamment d’éviter les risques d’atteinte au bien-être des travailleurs, d’évaluer les risques qui ne peuvent être évités, et de combatte les risques à la source. Le bien-être des travailleurs recherché par ces mesures vise la sécurité, l’hygiène, l’ergonomie, la santé au travail, l’environnement de travail mais aussi tous les risques psychosociaux. La notion de risques psychosociaux englobe la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail, mais elle ne s’y limite pas. Elle inclut ainsi également des situations de stress, de burn-out, de conflits,... L’occupation de travailleurs dans des conditions non-conformes à ces obligations en matière de bien-être permet aux travailleurs d’entreprendre diverses démarches soit internes à l’entreprise, soit, en certaines circonstances, externes. Dans ce cadre, une action en résolution judiciaire du contrat aux torts de l’employeur peut être justifiée. Ce principe a été confirmé par le tribunal du travail de Bruxelles. Les faits A son retour de congé parental, une travailleuse est déchargée d’une partie de ses responsabilités. Aucun avenant au contrat de travail n’est à cet effet conclu. Quelques années plus tard, cette même travailleuse dépose une plainte auprès du SPF Emploi, en l’absence de procédure interne lui permettant de requérir l’intervention d’un conseiller en prévention aspects psychosociaux. Elle y dénonce des faits de harcèlement moral au travail. Malgré plusieurs démarches de l’employeur pour remédier à cette situation, l’ambiance au travail ne s’améliore pas. La travailleuse dépose alors une nouvelle plainte pour harcèlement moral, cette fois-ci, auprès du conseiller en prévention du service externe de prévention et de protection au travail. Au terme de son rapport, le conseiller en prévention estime ne pas pouvoir conclure à du harcèlement moral de la part des dirigeants de l’entreprise mis en cause par la travailleuse. Il constate toutefois l’existence d’une situation très conflictuelle et émet à cet effet des recommandations au niveau individuel et collectif. L’employeur n’ayant pas entrepris la moindre démarche en vue de rencontrer les recommandations

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& engels

du conseiller en prévention et la situation se dégradant fortement compte tenu notamment de propos désobligeants relatifs à la religion et à la prétendue race de la travailleuse tenus par les dirigeants de la société, la travailleuse introduit une action devant le tribunal du travail de Bruxelles. Cette action vise d’une part, à entendre la résolution judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur, et, d’autre part à entendre l’employeur condamné à diverses sommes dont des dommages et intérêts réparant le préjudice moral et psychologique subi suite à son comportement fautif. Décision du tribunal Le tribunal considère que les manquements reprochés à l’employeur, à savoir la modification des tâches de la travailleuse et les propos désobligeants relatifs à sa religion et à sa prétendue race, même s’ils ne constituent pas du harcèlement moral ou de la violence, sont importants et graves, la travailleuse ayant de ce fait subi une charge psychosociale. Le tribunal relève en outre que l’employeur n’a pas donné de suites adéquates ni aux plaintes de la travailleuse, ni aux recommandations du conseiller en prévention. Ces manquements justifient la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. L’employeur est dès lors condamné au paiement de dommages et intérêts correspondant à l’indemnité compensatoire de préavis à laquelle la travailleuse aurait pu prétendre en cas de licenciement. Le tribunal estime par ailleurs que la travailleuse a subi un préjudice moral distinct de celui que réparent les dommages et intérêts alloués au titre d’indemnisation de la perte d’emploi. Il accorde par conséquent à ce titre un dédommagement spécifique à la travailleuse. Conclusion L’employeur doit, de manière générale, être attentif au bien-être des travailleurs et doit, par ailleurs, réserver les suites utiles aux plaintes des travailleurs ainsi qu’aux recommandations du conseiller en prévention aspects psychosociaux.

Trib. trav. Bruxelles, 17 juin 2014, R.G 12/2.602/A


Décryptages I INternational

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Comment formaliser le transfert temporaire d’un travailleur vers un pays non-européen ? texte

Nombres d’entreprises belges souhaitent valoriser les compétences de leurs travailleurs ou leur permettre de parfaire leurs connaissances en les envoyant temporairement auprès d’une société établie en dehors de l’Europe. Voici comment procéder. Avant toute chose, vous devrez examiner si la réglementation en matière d’immigration dans le pays d’accueil a un impact sur le mode de formalisation. Certains pays (comme la Russie) exigent en effet que le travailleur dispose d’un contrat de travail local afin d’obtenir un titre de séjour et/ou un permis de travail. Dans ce cas, le transfert du travailleur vers le pays d’accueil devra donc être formalisé en procédant à la conclusion d’un contrat de travail local avec la société étrangère, et à la conclusion d’une convention de suspension ou de rupture du contrat de travail belge. Si la conclusion d’un contrat de travail local avec la société étrangère n’est pas indispensable, il importe de déterminer (i) si seul l’employeur belge continuera à définir les tâches concrètes du travailleur, de même que ses conditions de travail et de rémunération ou (ii) si la société étrangère exercera également une partie de l’autorité patronale à l’égard du travailleur. Dans le premier cas, une seule relation contractuelle continue à exister durant la mission à l’étranger, à savoir la relation entre l’employeur belge et le travailleur. Sachez que vous devrez informer le travailleur au préalable et par écrit de la durée de sa mission, de la devise dans laquelle la rémunération sera payée, des avantages éventuels liés à cette mission et des conditions de son rapatriement. Ces éléments seront de

préférence fixés par le biais d’un avenant au contrat de travail. Dans le second cas, deux hypothèses doivent être distinguées : si seules les tâches du travailleur et les modalités pratiques de leur exécution sont définies par la société étrangère, la situation peut être formalisée par le biais d’une convention tripartite entre le travailleur, l’employeur belge et la société étrangère. Les règles en matière de mise à disposition peuvent toutefois s’opposer à ce mode de formalisation ; si la société étrangère est amenée à définir tant les tâches que les conditions de travail et de rémunération du travailleur, la conclusion d’un contrat de travail local, accompagnée de la suspension ou de la rupture du contrat de travail belge, semble s’imposer. Dans tous les cas, vous devrez vous assurer que les conditions de travail et de rémunération du travailleur dans le pays d’accueil sont conformes aux dispositions impératives ou d’ordre public, obligatoirement applicables en vertu de la réglementation locale. Conséquences sur le plan de la sécurité sociale Si le travailleur est envoyé dans un pays avec lequel la Belgique n’a pas conclu de convention bilatérale de sécurité sociale, ou s’il conclut un contrat de travail avec la société étrangère, la réglementation du pays d’accueil déterminera s’il doit être assujetti à la sécurité sociale locale. Indépendamment de son assujettissement à la sécurité sociale dans le pays d’accueil, ce travailleur pourra exceptionnellement rester assujetti à la sécurité sociale belge pour une période de 6 mois, prolongeable une fois. Après cette période, une assurance spécifique pourra éventuellement être souscrite auprès de l’ORPSS (nouvelle dénomination de l’OSSOM depuis le 1er janvier 2015), qui permettra au travailleur de continuer à se créer des droits

jérôme deumer, avocat chez claeys

& engels

en matière de pension belge, et à bénéficier d’une couverture maladie - invalidité et d’une assurance soins de santé. Si une convention bilatérale de sécurité sociale a été conclue entre la Belgique et le pays dans lequel le travailleur exécutera sa mission, et que le travailleur ne conclut pas de contrat de travail avec la société étrangère, ce travailleur peut, sous certaines conditions, rester assujetti à la sécurité sociale belge durant son occupation à l’étranger et éviter l’assujettissement dans le pays d’accueil. Le maintien de l’assujettissement à la sécurité sociale belge d’un travailleur envoyé en mission dans l’un de ces pays est possible pour autant que la durée prévisible de la mission n’excède pas, selon le cas, 12, 24 ou 60 mois. Chaque convention prévoit des possibilités de prolongation du détachement s’il s’avère que la mission perdure au-delà de cette durée prévisible. On rappellera qu’avant le début du détachement de votre travailleur vers l’un de ces pays, vous devrez demander auprès de l’ONSS la délivrance d’une « attestation relative à la législation applicable », via l’application GOTOT accessible en ligne sur le site www.securitesociale.be. Autres obligations N’oubliez pas que la réglementation du pays dans lequel le travailleur est envoyé peut exiger que l’employeur effectue une déclaration préalable au détachement (similaire à la LIMOSA qui doit être effectuée lorsqu’un travailleur est détaché de l’étranger vers la Belgique). L’employeur veillera également à respecter les obligations découlant de la réglementation fiscale dans le pays d’accueil.

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Dominique Jonckers Manager Psychosocial Well-being Securex

Pourquoi et comment anticiper le burn-out Securex vient de publier un nouveau white paper sur le stress et le burn-out. Celui-ci se fonde sur deux panels : d’une part, 1.318 salariés représentatifs du marché du travail belge ont été sondés sur la satisfaction, le stress, l’engagement et l’employabilité durable; d’autre part, 544 employeurs ont été interrogés sur leur perception du burn-out. L’étude montre tout d’abord que près de deux travailleurs sur trois (64%) ressentent du stress au travail, soit une hausse de 18,5% comparé à 2010. Quasi tous les travailleurs qui disent ressentir du stress estiment que celui-ci porte préjudice à leur santé (97%). On peut donc parler de stress « excessif », qui provoque des troubles chez plus d’un travailleur sur quatre (27%), tels que les maux de tête, les palpitations, l’insomnie, les troubles de la concentration, les pensées dépressives, les accès de colère rapides.

Le surcoût total d’un travailleur en burn-out peut dépasser les 20.000 € Dans le pire des cas, ce stress débouche sur le surmenage, voire le burn-out. L’étude montre que près d’un travailleur sur dix souffre de burn-out réel (9,2%). « Pour détecter les signaux de burn-out, nous nous sommes fondés sur un questionnaire scientifiquement validé permettant de percevoir trois dimensions symptomatiques : l’épuisement mental - à savoir le fait de se sentir au bout de ses forces - ; la distanciation, voire un certain cynisme, et une baisse des performances, explique Heidi Verlinden, HR Research Expert chez Securex. L’important est d’anticiper l’émergence de ces signaux pour pouvoir les gérer en amont. » Hausse de la pression L’enseignement majeur de cette étude est à trouver dans la reconnaissance par les employeurs de leur part de responsabilité dans la problématique du burn-out. « Le burn-out est encore souvent perçu comme une faiblesse, alors qu’il peut frapper tout le monde, en particulier ceux qui se donnent à fond », note Dominique Jonckers, Manager Psychosocial Well-being chez Securex. Les DRH semblent en avoir pris conscience : plus de 95% des entreprises sondées reconnaissent avoir une responsabilité importante dans la problématique du burn-out.

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D’après eux, au moins la moitié des causes du burn-out trouvent leur origine au sein de l’entreprise. Pour près de huit employeurs sur dix (77%), la progression du nombre de cas de burn-out est due à une augmentation de la pression du travail. Près d’un sur deux (46%) fait référence aux modes de communication modernes qui impliquent une joignabilité quasi permanente. Le volet de l’enquête mené auprès des travailleurs confirme que la pression au travail ressentie connaît une hausse significative ces trois dernières années (+8%). En outre, les déplacements domicile-lieu de travail sont aussi jugés plus contraignants (+8%). Approche intégrée Si les DRH semblent avoir pris la mesure de la problématique, ils doivent encore souvent sensibiliser, voire convaincre leurs collègues de l’équipe de direction. « En moyenne, un travailleur souffrant de burn-out est absent pendant 96 jours, soit près de 5 mois, indique Heidi Verlinden. Sur base de nos méthodologies d’enquête prenant en compte les coûts indirects liés à l’absentéisme, nous en concluons que le surcoût total pour l’employeur peut atteindre plus de 20.000 euros par travailleur souffrant de burn-out. Et ce surcoût pourrait se révéler plus important encore en cas de passage à deux mois de salaire garanti. » Conclusion de Securex : il est aujourd’hui plus que nécessaire pour les entreprises de mener une politique liée au stress et de sensibiliser au risque de burn-out. « Il convient de développer une approche intégrée et à plusieurs niveaux ciblant toutes les parties de l’entreprise, suggère Dominique Jonckers. Une première étape doit consister à lever les tabous relatifs au burn-out. Il s’agit en parallèle d’évaluer la proportion de travailleurs à risques et d’identifier les causes pouvant conduire au burn-out. Les managers doivent en outre être préparés à détecter les signaux d’alerte et outillés pour dialoguer avec leurs collaborateurs sur le sujet. Enfin, l’employeur identifiera comment intervenir en case de besoin pour valider un diagnostic, restera en contact avec les travailleurs absents et, enfin, le moment venu, préparera leur retour. » Heidi Verlinden de conclure : « Bien sûr, il sera toujours préférable d’anticiper la problématique par un travail en profondeur sur les stresseurs et la façon de les réduire, par exemple en veillant à la bonne adéquation de la personne à son rôle, en encourageant l’autonomie ou en facilitant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, par exemple. »

Le « coin des partenaires » est un espace réservé aux partenaires de HR Square. Il leur permet d’apporter librement un éclairage sur une thématique RH, sous la supervision de la rédaction afin de garantir au lecteur une information pertinente et de qualité. Pour devenir partenaire, contactez Stijn Haegeman (0499/55.18.86) ou Stéphanie Poivre (0498/44.43.32).


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Aline Paulus Business Unit Manager Ascento Wallonie

Priorité au marché du travail interne et au leadership L’automne dernier, Ascento a réalisé un « Talent Mobility Scan » auprès d'une centaine d'entreprises. Il révèle que toutes les organisations restent focalisées sur l'orientation et le développement des talents, en mettant davantage l'accent sur les collaborateurs qui sont déjà en service plutôt que sur le recrutement de nouvelles personnes. Ce Talent Mobility Scan démontre aussi le besoin énorme d'un leadership fort afin de favoriser cette mobilité interne des talents. En dépit des premiers signes de reprise économique, les services RH font encore face à de grands défis. Tout d'abord, la pression sur les employeurs. En raison des contraintes budgétaires, les pouvoirs publics et le secteur non marchand doivent faire « plus avec moins ». Dans le secteur privé aussi, la pression reste forte : chaque collaborateur doit contribuer au maximum à la rentabilité. L'implication positive et durable de tous les collaborateurs est essentielle. Cela augmente surtout – et avec force – la pression sur les dirigeants. Cette année, de nombreux services RH se détournent des candidats externes pour se concentrer sur les collaborateurs de l'entreprise. Les personnes doivent travailler plus longtemps et, dès lors aussi, gérer autrement leur carrière : continuer à progresser en permanence et s’orienter. De leur côté, les organisations également doivent devenir plus flexibles, notamment sous la pression de la réalité économique. Et, pour assurer la flexibilité des organisations et des collaborateurs, il faut du leadership et du self leadership. C’est d’autant plus vrai qu’il est important pour la société que nous fassions en sorte que nos collaborateurs restent en bonne santé et motivés à travailler plus longtemps et très probablement aussi autrement. La hausse actuelle du nombre de burn-outs montre l'ampleur du défi. Pour relever les missions qui sont les siennes dans ce contexte, RH doit collaborer d'une manière plus intensive avec les collègues et les dirigeants. Arrêter de ne s'intéresser qu'aux propres pratiques et instruments RH. Encourager le leadership et devenir le partenaire et le coach des dirigeants.

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Bert Pappijn Business Manager BPO Partena Professional

Sous-traiter les processus RH de manière durable L’expérience nous enseigne que les projets de Business Process Outsourcing (BPO) réussis se fondent sur une collaboration intense et sur le long terme entre l’organisation sous-traitante et le partenaire BPO. Les principaux piliers d’une collaboration BPO durable sont : :: L’approche stratégique : sous-traiter les processus RH est une décision stratégique soutenue par toute l’organisation, à commencer par le top management. La vision d’avenir est clairement définie et le changement vise à optimiser l’efficacité et la qualité. :: La communication ouverte : une ouverture totale entre l’organisation et le fournisseur BPO est requise quant à la situation au départ, pendant l’analyse préalable et lors de l’évaluation des pistes d’amélioration présentées. Et ce, sur la base d’attentes mutuelles claires. :: Le « Delivery » : la fourniture des services convenus par le prestataire BPO est longtemps restée le seul point d’attention. Nous savons aujourd’hui que ce « Delivery » n’est qu’un des éléments qui assurent le succès d’un BPO. Il reste évidemment crucial de pouvoir livrer à temps et correctement grâce à une main-d’œuvre flexible, mais il ne s’agit que d’un aspect, en marge de la compétence à améliorer en continu et du maintien d’une bonne relation. :: La « Transformation » : un parcours BPO commence par une analyse de la situation actuelle et par un exercice d’optimisation. Le fournisseur BPO lance d’autres processus et systèmes afin d’améliorer l’efficacité. Ce changement peut être profond et doit donc être bien encadré. Mais cette transformation n’est toutefois pas un processus unique. Il convient, en effet, de continuellement rechercher plus d’optimisation, tout au long de la collaboration. Cette approche est inhérente au BPO et stimule l’augmentation continue des performances. :: La « Relation » : une collaboration intensive et durable à long terme doit se fonder sur une bonne relation entre l’organisation et le prestataire BPO. Une grande attention doit être consacrée au modèle de gouvernance, aux KPI et aux SLA, car il s’agit d’autant d’outils permettant d’objectiver l’échec et la réussite. On trouve aussi, au sein de cette relation, des « droits et obligations » réciproques, mais aussi de bons usages qui feront du projet un succès.

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Karine Eerdekens Directeur Gestion des Risques Mensura

Tarification et organisation de votre service externe : quels changement en 2016 ? Le financement et l'organisation des services externes pour la protection et la prévention au travail changeront à partir de 2016. Le législateur souhaite mettre davantage l’accent sur la prévention plutôt que sur la surveillance médicale pure. Quels seront les changements et comment rentabiliser au maximum votre contribution ? À partir du 1er janvier 2016, le calcul ne sera plus basé sur un tarif à l'unité par type d’examen médical (annuel, triennal, quinquennal,…) : vous paierez chaque année, par travailleur, un montant forfaitaire basé sur le nombre de travailleurs et la nature de leur activité. En contrepartie, les entreprises sans conseiller en prévention formé (groupes C et D) pourront compter sur une gamme de services de base dans les différents domaines du bien-être. Peu de changements pour elles donc, à l'exception de la tarification. Unités de prévention À partir de 2016, les entreprises qui ont un conseiller en prévention formé (groupes A, B et C+) utiliseront des unités de prévention. Vous pourrez consacrer ces unités à des « activités prioritaires », comme la surveillance de la santé, l'encadrement psychosocial ou la participation au CPPT par le biais d'un médecin ou d'un psychologue. Ces unités pourront aussi être affectées à des « activités recommandées » comme l'ergonomie, la sécurité, l'environnement, l'hygiène industrielle et la promotion de la santé. En passant d'un examen annuel à un examen bisannuel, vous pourrez consacrer le budget « libéré » aux besoins en matière de bien-être dans votre entreprise : amélioration des postes de travail, formations, conseils pour le style de vie, etc. La concertation avec votre service externe est recommandée pour un meilleur résultat. Rendement optimal Le législateur entend encourager les employeurs à se pencher davantage sur la prévention plutôt que sur la surveillance médicale pure. Mensura vous aide à rentabiliser au maximum la contribution forfaitaire légale et à utiliser vos unités de prévention en vous disant comment optimiser la disponibilité durable de vos collaborateurs avec votre nouveau budget.

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Isabel De Clercq Trendwatcher et spécialiste du learning Kluwer Formations

Partage de connaissances : la clé du succès ! L’économie de demain sera axée sur la force des communautés et des réseaux. Dans ce monde où tout tourne autour de la rapidité, de l’innovation et de la connexion, une tendance claire se dessine en 2015 : posséder des connaissances ne suffit plus, il faut avant tout les partager. Le partage de connaissances est le nouveau moteur de développement des entreprises : :: Il augmente la vitesse de réaction :: Il favorise l’innovation :: Il facilite la résolution des problèmes complexes :: Il pérennise et développe les connaissances présentes au sein de l’entreprise Pourquoi est-il si difficile de partager des connaissances ? Bon nombre des obstacles rencontrés sont liés à la culture d’entreprise, qui n’est pas encore adaptée à la dynamique de demain. Elle est en effet encore trop ancrée dans des principes industriels de prévisibilité et de répétitivité, dans une gestion axée sur les ordres et le contrôle et dans une approche fortement orientée sur l’intérieur de l’organisation. Pour rendre possible le partage des connaissances, un certain nombre de changements sont nécessaires. Nous devons apprendre à gérer l’imprévisibilité. Nous ne savons pas aujourd’hui de quelles connaissances nous aurons besoin demain afin de répondre aux besoins de nos clients. Tout le monde possède des connaissances. Et tout le monde a le droit de s’exprimer. Afin de rendre apparentes les connaissances tacites d’une organisation, un nouveau leadership et des relations de travail matures sont nécessaires. Effacez les frontières ! Une organisation ne vit pas en autarcie, elle collabore avec et pour des communautés. Le regard doit se porter non plus sur ce qui se passe en interne, mais sur monde extérieur. Cette frontière doit s’estomper. Malgré ces obstacles, la tendance est clairement au partage des connaissances. La machine est en marche et ne peut être arrêtée. Non seulement parce que cette évolution est nécessaire, mais aussi parce qu’elle est possible. Les technologies sociales nous permettent de partager le savoir et de passer ainsi à la vitesse supérieure en matière d’innovation et de résultats.


en coulisse

Herman Looghe Senior Business Development Manager Agoria

Enregistrement des présences sur chantier Depuis le 1er janvier 2015, l’enregistrement des présences sur chantier est obligatoire. En résumé, l’obligation d’enregistrer la présence des personnes actives sur un chantier concerne tous les travaux immobiliers d’une valeur supérieure à 800.000 euros. Cet enregistrement doit avoir lieu avant le début des travaux. Il y a de grandes chances pour que l’enregistrement obligatoire des présences s’applique aussi à vos travailleurs. Outre les travaux dans le secteur de la construction, tous les autres travaux immobiliers tombent également dans le champ d’application de la législation : constructions métalliques, travaux d’électricité, installations mécaniques fixes dans un environnement de production ou de transformation, automatisation, activités de levage et montage, toutes les activités de maintenance et réparation, etc. Quels travailleurs concernés ? Non seulement toutes les personnes qui réalisent des travaux de type immobilier sur le chantier mais également la direction de l’entreprise responsable du projet, du contrôle et de l’exécution, ainsi que le coordinateur responsable de la sécurité et du bien-être durant l’évolution du projet de construction et des travaux. Un besoin d’information ? Une enquête menée au sein de membres concernés d’Agoria indique que 70% des répondants ont implémenté l’enregistrement des présences au sein de leur entreprise. Mais l’enquête démontre aussi que beaucoup de questions subsistent au sein des entreprises et en particulier le champ d’application de l’enregistrement. Quel type de travaux sont visés ? Par ailleurs les relations contractuelles tant avec des entrepreneurs généraux qu’avec les soustraitants ne sont pour certains toujours pas claires. Bref, matière suffisante pour l’organisation d’une quatrième séance d’information organisée par Agoria en collaboration avec l’ONSS, et durant laquelle les entreprises obtiendront une réponse à toutes leurs questions concrètes. Agoria propose en effet dans ce dossier des instruments très pratiques tels qu’une assistance juridique et sociale pour la rédaction des contrats et l’adaptation nécessaire du règlement de travail. L’enregistrement des présences entraine une charge de travail administratif supplémentaire pour les entreprises. Heureusement des solutions TIC peuvent alléger ce processus et le rendre fiable et rapide. C’est ainsi que plusieurs entreprises TIC feront, durant l’évènement du 26 mars, la démonstration de solutions existantes. Des experts seront disponibles pour répondre de façon individuelle aux questions des entreprises et un info-corner de l’ONSS sera prévu !

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horizons

Fabienne Astier Sanofi « En bon marketeer, j’ai longtemps été convaincue que c’est la force des marques qui fait la puissance de l’entreprise. Peu à peu, j’ai pris conscience que ce sont les hommes et les femmes qui font le principal levier de performance. » © D.R.

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horizons

Fabienne Astier (Sanofi) sur la quête d’excellence pour réaliser les ambitions business texte

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La marque RH doit être ‘promue’ davantage

christophe lo giudice

Le groupe pharmaceutique Sanofi ambitionne de lancer 18 nouveaux produits d’ici 2020 sur un marché devenu plus incertain et contraignant que par le passé. Un défi auquel les équipes RH répondent par l’anticipation quant aux compétences requises, la gestion proactive des talents, la stimulation de l’agilité organisationnelle et la transformation culturelle. Rencontre avec Fabienne Astier, Vice-President HR pour l’Europe. L’automne dernier, Sanofi présentait les nouveaux médicaments et vaccins que le groupe pharmaceutique a l’intention de mettre sur le marché. Soit potentiellement jusqu’à 18 lancements entre 2015 et 2020, ce qui illustre la vitalité du portefeuille de R&D de l’entreprise ainsi que son aptitude à développer de nouveaux traitements dans divers domaines thérapeutiques. Six médicaments pourraient encore être lancés cette année et environ un nouveau tous les six mois entre 2016 et 2018. Ces lancements pourraient générer un chiffre d’affaires cumulé de plus de 30 milliards d’euros au cours des cinq premières années de vente.

De belles perspectives qui ne doivent pas masquer les contraintes pesant sur toutes les entreprises du secteur. « Pendant longtemps, le pharma a été une industrie assez stable, explique Fabienne Astier, Vice-President Human Resources en charge des opérations commerciales ainsi que de la

se développe par ailleurs avec un mode de fonctionnement se rapprochant du marché de la grande consommation. Se centrer sur le patient est devenu une priorité pour une industrie qui avait l’habitude de parler aux médecins. Pour répondre à tous ces défis, Sanofi mise sur un maître mot : l’excellence.

En RH, pour être efficace, il faut travailler dans une perspective de long terme

Temps forts :: Tout le monde dit que le capital humain représente le principal atout stratégique de l’entreprise. Une orientation plus marketing des RH peut contribuer à tourner ces déclarations en réalités :: Les environnements bougent fortement et rapidement : stimuler l’agilité et la capacité d’adaptation des gens les préparera à prendre des rôles qui n’existent peut-être pas encore à l’heure actuelle :: Le changement culturel ne se décrète pas, mais il doit être rendu visible de façon très concrète. Par exemple au travers du réaménagement des espaces de travail.

coordination RH pour l’ensemble des activités en Europe, soit quelque 50.000 collaborateurs. Aujourd’hui, il n’y a pas de problème de demande - il y a de plus en plus de patients qui vivent de plus en plus longtemps -, mais notre environnement est devenu beaucoup plus volatile, moins prévisible. » D’une part, les gouvernements influent de plus en plus sur les marchés de la santé afin de limiter la hausse des coûts. Dans ce contexte, on exige des entreprises du secteur de documenter davantage la valeur ajoutée de leurs produits. D’autre part, l’industrie se trouve confrontée à des partenaires commerciaux plus sophistiqués exerçant, eux aussi, une pression grandissante. Ces facteurs pèsent sur le chiffre d’affaires et la rentabilité. Enfin, les patients se révèlent mieux informés, alors que le marché des médicaments sans prescription obligatoire

Comment cette ambition d’excellence se traduit-elle en termes RH ? Fabienne Astier : « Elle se traduit d’abord par la nécessité de toujours faire progresser nos standards en matière de compétences, avec le défi supplémentaire que de nouveaux métiers apparaissent. Je pense notamment aux évolutions que porte le digital, mais pas uniquement. La science ne cesse de progresser et ouvre de nouveaux champs. Deuxième défi : comme beaucoup d’entreprises, nous souffrons du manque de talents. C’est vrai sur les marchés émergents où les taux de rotation sont élevés et où il faut redoubler d’efforts pour attirer et fidéliser. C’est vrai également sur les marchés matures : après l’arrivée à échéance de nombreux brevets et un temps de restructurations, nous repartons vers la croissance. Avec un taux de rotation de 5%, on en arrive à renouveler 25% de

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horizons l’effectif sur cinq ans, ce qui nécessite d’entretenir un pipeline de talents. Et, donc, de se montrer proactifs dans l’identification des besoins et le développement des collaborateurs pour éviter de devoir procéder à la recherche externe de compétences que tout le monde demande. En RH, pour être efficace, il faut travailler sur le long terme : reconvertir quelqu’un prend deux à trois ans si on veut travailler sérieusement. Troisième défi: l’organisationnel. Les entreprises prennent des formes de plus en plus complexes et nous estimons qu’il convient de simplifier l’organisation afin que la grande taille ne se mue pas en faiblesse ou ne ralentisse la prise de décision. L’ambition doit être de développer une agilité qui se rapproche de celle d’un biotech. Enfin, quatrième défi : la transformation culturelle. L’évolution de notre business model centré sur le patient implique un trajet à mener sur la culture d’entreprise. Un chantier passionnant, mais relativement nouveau pour les RH et qui se gère, là encore, dans la durée. » Comment répondre à de tels enjeux sur des populations aussi importantes ? Fabienne Astier : « Le groupe s’est doté depuis 5 ans d’un modèle RH intégré ‘One HR’ très efficient, avec les mêmes politiques, les mêmes processus et les mêmes outils partout dans le monde. Tous les collaborateurs sont gérés de la même façon pour les divers volets RH. D’autre part, la première responsabilité RH incombe au manager : notre rôle n’est pas de gérer individuellement les collaborateurs, mais bien d’accompagner et d’outiller les managers pour opérer cette gestion individuelle, puis veiller à ce qu’elle soit efficace. En ce sens, la fonction RH s’est sophistiquée. Elle s’est spécialisée autour de différents domaines d’expertises. Certains diront qu’elle est aussi devenue plus technique mais, en parallèle, les volets plus softs se renforcent également, comme en témoignent les enjeux d’engagement des collaborateurs ou de culture d’entreprise. Il se marque un équilibre entre technicité et dimensions plus stratégiques. Ce n’est plus un métier où le bon sens suffit. Quand, venant du marketing, je suis arrivée en RH, j’ai suivi un master spécialisé pour m’y former : évoluer en RH ne s’improvise plus. » Passer du marketing aux RH peut apparaître atypique… Fabienne Astier : « En 2003, c’était surprenant. Ce l’est moins aujourd’hui. On voit de plus en plus de profils venant du business évoluer dans des rôles RH. C’est presque une tendance. Un ancien camarade d’école

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de commerce que j’ai retrouvé il y a peu me disait qu’il était évident pour lui que j’évoluerais en RH. Pour moi, c’était loin d’être une évidence. Je suis une vraie marketeer, très branchée marques et produits. J’ai longtemps été convaincue que c’est la force des marques qui fait la puissance de l’entreprise. Après avoir exercé quasi toutes les fonctions marketing possibles, j’avais milité en faveur de la création d’une fonction de trade marketing chez Sanofi. Avec la fusion avec Synthélabo en 1999, le groupe s’était engagé

pour placer les bonnes compétences au bon endroit, au bon moment et au bon prix. Le Strategic Workforce Planning que nous mettons en place, c’est en fait partir de l’offre, à savoir comment évolue notre population à un horizon de cinq ans, puis nous intéresser à la demande, à savoir l’évolution des besoins de l’organisation à cet horizon, pour mesurer les écarts entre l’offre et la demande et construire des solutions RH afin de les combler. Oser communiquer, expliquer ce qu’on met en oeuvre, traduire en quoi ce qu’on fait

Notre ambition consiste à développer une agilité qui se rapproche de celle d’un biotech à ce que celle-ci n’ait pas d’effet négatif sur l’emploi. Du coup, on avait du personnel disponible. J’ai pu créer ce département avec une équipe de 35 personnes. Mais on ne m’a évidemment pas donné les talents que tout le monde voulait. Pourtant, nous avons réalisé une super aventure et le département créé s’est pérennisé. Cette expérience m’a fait prendre conscience que ce sont en fait les hommes et les femmes qui font le principal levier de performance de l’entreprise. J’ai ensuite pris une direction marketing où j’ai fait beaucoup de people management, ce qui m’a menée au choix de prendre le train des ressources humaines… » Ce bagage marketing donne-t-il une tonalité spécifique à la façon dont vous exercez la fonction? Fabienne Astier : « Ce bagage représente certainement un atout pour la compréhension des problématiques business, pour traduire les enjeux business en actions RH. Il m’offre une certaine tournure d’esprit aidant à me positionner en business partner stratégique. Traditionnellement, la fonction RH ne se met pas sur le devant de la scène. Elle ne fait pas beaucoup sa propre promotion, alors que tout le monde s’accorde à dire que le capital humain représente le principal atout stratégique de l’entreprise. Un esprit marketing contribue à tourner ces déclarations en réalités concrètes. Certains réflexes sont naturels, comme définir une vision et un plan d’action stratégique pour tout projet. On a parfois d’autres façons de voir les choses : gérer les talents peut être vu comme le fait de différencier les personnes

répond aux besoins : ce n’est pas spontané quand un département RH se compose d’experts de la fonction, alors que cette communication apparaît naturelle pour un marketeer. » Revenons aux quatre défis évoqués. Comment y répondez-vous concrètement? Par exemple, la montée en compétences… Fabienne Astier : « Nous travaillons beaucoup sur la définition des compétences dont nous aurons besoin demain. Au regard de la situation actuelle, nous pouvons ainsi agir sur différents leviers : développer de nouveaux dispositifs de formation intégrant aussi les évolutions digitales, proposer du mentoring et du coaching, imaginer de nouveaux trajets de carrière, etc. Nous insistons pour que les développements de carrière soient diversifiés, avec des passages par des business différents, des marchés différents avec des niveaux de maturité différents, etc. Une autre dimension porte sur la culture managériale, afin que le développement des collaborateurs soient inscrits dans les trois priorités de nos leaders. Nous voulons que celui-ci soit ancré dans leurs responsabilités, dans une perspective transverse, et non pas dans le seul cadre de leur silo. Le manager doit être un coach, un développeur actif des collaborateurs. D’autre part, nous sommes clairs avec les collaborateurs sur leur responsabilité d’être actifs dans le développement de leur carrière. Ils sont conscientisés sur le fait qu’il s’agit de responsabilités partagées dans un véritable triangle ‘managercollaborateur-outils RH’. »


horizons Comment faire preuve de l’anticipation nécessaire en matière de talents ? Fabienne Astier : « La base réside dans l’identification le plus tôt possible des futures générations de leaders et des potentiels, afin de les développer le plus vite possible. Différents sujets y sont ensuite reliés, comme la diversité pour stimuler l’innovation et mieux embrasser la complexité de notre environnement. Nous partons de besoins quantitatifs, déclinés selon nos différents métiers, sur base de la démographie. Mais une telle approche ne suffit pas : sur les cinq années à venir, nos besoins sont relativement stables en Europe. Par contre, les types de métiers et de compétences requises se transforment radicalement. Si on ne mène pas l’analyse qualitative, on risque de se dire qu’à effectifs stables, il n’y a pas d’enjeu ! Ce n’est pas le cas : nous avons besoin d’autres compétences médicales, d’autres façons d’approcher le marché, de capacités digitales, etc. C’est vrai aussi en RH où nous avons moins besoin de spécialistes de la paie ou des restructurations, mais davantage de compétences en Strategic Workforce Planning, en développement du leadership et en transformation culturelle. On peut alors donner aux collaborateurs une visibilité sur ce qu’on attend et les orientations possibles. Ainsi, par exemple, si quelqu’un nous dit ambitionner de prendre un rôle de Country Manager, nous savons qu’ils sont 200 à vouloir ce type d’évolution pour 20 places à prendre. Nous pouvons alors suggérer de regarder à d’autres évolutions de postes qui, à l’avenir, seront positionnés de façon beaucoup plus stratégiques qu’aujourd’hui. Des postes pour lesquels il faudra développer des compétences autres que celles attendues traditionnellement dans la fonction de Country Manager. Les environnements bougent fortement et rapidement : on ne peut donner de garanties sur l’avenir, mais nous pouvons stimuler l’agilité et la capacité d’adaptation des gens pour les préparer à pouvoir prendre des rôles qui n’existent peut-être pas encore à l’heure actuelle. » Comment pilotez-vous le chantier organisationnel ? Fabienne Astier : « Le sujet est parmi les plus complexes. Nous travaillons notamment sur la clarification des rôles et des responsabilités. Le grand risque, dans des structures organisationnelles complexes, c’est que ceux-ci soient dilués, qu’on ne sache plus qui féliciter ou sanctionner. Il y a un travail permanent à mener en termes de simplification et de gouvernance. Nous n’avons toutefois pas lancé de grand projet

de simplification, mais nous veillons à éviter d’inventer de nouveaux processus si nous ne sommes pas sûrs par ailleurs d’en supprimer en parallèle. Un axe important consiste à encourager et à stimuler la collaboration pour ne pas réinventer la roue. Si une bonne idée a été lancée ailleurs dans l’organisation, autant s’en inspirer et gagner du temps en implémentation. Il y a là une dimension culturelle à gérer. Notamment sur la fierté consistant à

Le développement des collaborateurs s’inscrit dans les trois priorités de nos leaders dire ‘Je l’ai fait moi-même’, pour développer la fierté de s’inspirer intelligemment de ce que quelqu’un d’autre a inventé et accepte de partager. Les nouvelles générations sont plus à l’aise avec ces nouvelles approches collaboratives. Pour nous, l’évolution soustend de mettre en place des systèmes RH qui valorisent la collaboration et non pas uniquement les performances individuelles, par exemple. »

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Ce qui nous amène à la culture d’organisation… Fabienne Astier : « Le premier enjeu con­ siste à être bien conscient de la culture dans laquelle on évolue, des forces et faiblesses à l’oeuvre. Il s’agit là d’un travail à nouveau quantitatif et qualitatif, puis d’un partage du diagnostic. Sur cette base, nous avons pu développer des priorités et des plans d’actions : le centrage sur le patient, l’innovation dans le contexte du lancement de produits, la collaboration, la communication ouverte et transparente. Nous sommes au coeur de ce voyage, avec la particularité d’être aussi en attente d’un nouveau CEO qui aura, par nature, une influence forte sur ces nouvelles orientations. L’important consiste à concrétiser le changement : le changement ne se décrète pas, mais doit être visible. Ce qui se traduit, par exemple, dans la façon dont nous aménageons les espaces de travail, en mode dynamique, avec une offre d’espaces différents qui permettent aux collaborateurs de choisir l’endroit approprié pour la tâche qu’ils ont à mener. Cette liberté va dans le sens du développement de la responsabilité, de l’agilité et de l’anticipation de ce qu’on a à faire. De même, nos bureaux sont conçus pour brasser les fonctions et les départements, en faisant se rencontrer les métiers fonctionnels et opérationnels. Ce qui va dans le sens de favoriser la collaboration, de stimuler l’innovation et la créativité. Autrement dit, il ne s’agit pas de réaménager les espaces de travail parce que c’est à la mode, mais bien parce qu’ils sont un puissant levier de transformation culturelle répondant aux objectifs de l’entreprise. »

Jalons de carrière :: Vice-President Human Resources Europe du groupe Sanofi (2013-…) :: Vice-President HR Commercial Operations chez Sanofi France (2011-2013) :: Vice-President HR for Support Functions chez Sanofi (2007-2011) :: Northern Europe HR Director chez Sanofi (2004-2007) :: Europe HR Head of People Development chez Sanofi (2003-2004) :: Marketing Director chez Sanofi (2001-2003) :: Trade Marketing Director chez Sanofi (1999-2011) :: Oral Care Group Product Manager chez Sanofi (1995-1999) :: Sales Representative, puis Product Manager chez Warner Lambert (1990-1995) :: Diplômée de l’EDHEC Business School (1990), avec un master complémentaire en Strategic Management of HR à HEC Paris (2005)

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RH du bout du monde

Charlotte Ravoet à Rome (Italie) texte

Le monde entier comme horizon

christophe lo giudice

Les Belges exerçant des responsabilités en RH s’exportent bien. On en trouve aux quatre coins de la planète dans des contextes divers. Ce mois, HR Square a « skypé » Charlotte Ravoet, Capability Development Officer au PAM, organisme d’aide alimentaire de l’ONU. Elle est établie à Rome après avoir évolué plus de 5 ans chez Vodafone en Egypte. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) est la plus grande agence humanitaire pour la lutte contre la faim dans le monde. Créé dans le système des Nations Unies, il dépêche de la nourriture dans les situations d’urgence pour aider les victimes de conflits et de catastrophes naturelles. Une partie des activités porte aussi sur l’accompagnement des gouvernements de pays en développement pour bâtir leur sécurité alimentaire. En tout, ce sont quelque 14.000 personnes qui y travaillent, la plupart au contact des populations les plus démunies. Capability Development Officer au sein de l’organisation depuis 18 mois, Charlotte Ravoet est basée au quartier général à Rome. Elle y exerce un rôle global touchant jusqu’à des lieux parfois fort reculés. Ses collègues sont de nationalités diverses, avec des niveaux d’expertises élevés. Vivre à Rome : le rêve? Ne lui parlez pas de « dolce vita », même si elle se plaît dans la mythique capitale italienne. « Je suis arrivée avec mes deux enfants alors que mon mari travaille toujours au Caire, dit-elle. Nous avons tous les deux des boulots prenants mais passionnants avec de très belles opportunités de carrière. Après les semaines intenses, nous nous retrouvons le week-end pour savourer pleinement les moments précieux partagés en famille. Ce rythme de vie est un choix, mais nous avons le luxe de pouvoir décider d'en changer si nous le souhaitons. Tout le monde n’a pas cette chance… » Saut vers l’inconnu La grande aventure de l’expatriation débute à l’été 2007. A l’époque, Charlotte Ravoet travaille chez DaimlerChrysler comme HR

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Development Officer. Son fiancé, actif depuis un an à Londres, lui annonce que tout est en place pour lui permettre de le rejoindre. Mais voilà : à peine arrivée, elle voit le projet sur lequel travaille celui-ci tomber à l’eau. « Nous nous sommes retrouvés tous les deux à chercher un job ! », raconte-t-elle. L’attente ne sera pas longue. Il décroche une opportunité au Moyen Orient, avec contrat d’expatrié à la clé. Et, à nouveau, le hasard s’en mêle : « Le jour même, Google Londres me confirmait que je pouvais débuter dans une fonction de HR Coordinator. Là, il ne fallait pas retomber

La crédibilité se gagne par l’exemplarité, l’écoute et l’humilité dans le même piège… » Le couple se donne six mois pour faire le point et décider lequel des deux allait suivre l’autre. Une fois encore, c’est la jeune femme qui fera le saut vers l’inconnu, cette fois au Caire. « Dès le départ, c’était clair : je ne voulais pas m’installer dans un statut de femme d’expatrié », dit-elle. C’est ainsi qu’elle décroche une fonction de HR Consultant chez Vodafone Egypte, numéro un du marché local de la téléphonie mobile. L’entreprise emploie alors près de 7.000 personnes et connaît des jours florissants.

La nouvelle venue intègre l’équipe de recrutement pour mettre en place de nouveaux outils d’assessment. Elle oeuvre aussi au développement de l’image d’employeur. « Le niveau de professionnalisme m’a impressionnée, alors que je venais d’une entreprise comme Google », confie-t-elle. Les pratiques RH sont à la pointe et le soutien du groupe important. « Nous n’étions plus dans un pays en développement, mais bien dans un pays émergent. La culture était jeune, innovante, fondée sur la confiance. Si une idée était bonne, appuyée par un business case solide, nous avions carte blanche. » Contribuer ensemble Après deux ans, à l’été 2010, Charlotte Ravoet se voit promue manager du département Training & Development. Face au constat d’une approche plutôt réactive en la matière, sa mission consiste à le transformer en centre d’excellence et à lui donner un axe plus stratégique. « J’ai revu le positionnement de la fonction et les approches de formation et de développement dans une perspective de consultance interne. J’ai renforcé la compréhension des enjeux business et la capacité à les traduire en besoins en compétences et comportements, afin d’apporter des solutions efficaces et innovantes pour les développer. » Avec le recul, elle juge cette expérience extraordinaire, d’autant qu’elle lui a permis de faire elle-même l’apprentissage du people management sur une équipe de 5 personnes. Parmi les projets les plus emblématiques, elle retient le lancement de la Retail Academy destinée aux mille collaborateurs des boutiques Vodafone. « Nous avons fait


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Charlotte Ravoet PAM « A terme, j’aimerais repartir dans un pays émergent. Puis, il serait bon d’envisager un retour en Belgique afin de permettre aux enfants de développer leurs racines… Garder des contacts étroits avec sa famille et ses amis est essentiel pour garder le cap. » © D.R.

l’inventaire des meilleures pratiques et une analyse très fine des besoins en impliquant les experts du terrain, des collaborateurs et même des clients. Un modèle de learning & development a pu être implémenté sur mesure, les formations étant dispensées par des collègues formés à cette fin. Au bout du compte, les résultats ont été évalués en termes d’apprentissages, mais aussi d’impacts sur les ventes et les profits. Et ils

chez certains expatriés. Au contraire, je suis convaincue que tout le monde doit continuer à se développer et que ce n’est qu’ensemble qu’on peut contribuer à faire avancer les choses. » Belles ambitions En Egypte, Charlotte Ravoet a aussi appris à consacrer du temps aux relations humaines. « A Bruxelles ou à Londres, je ne les voyais

Il n’y a rien de pire que la condescendance qu’on observe chez certains expatriés étaient très positifs. » Quelle leçon retenir de cette expérience ? « Le plus important consiste à parvenir à se positionner de manière crédible, tant professionnellement que humainement. Au sein de Vodafone Egypte, nous étions trois expatriés et j’étais la seule femme étrangère. Au départ, j’ai ressenti une certaine forme de rejet à mon égard : une femme, grande, blonde aux yeux bleus, ne parlant pas la langue, formée en Europe et en Amérique du Nord, avec d’autres expériences de vie et d’autres façons de penser. La crédibilité se gagne par l’exemplarité, l’écoute et l’humilité, en montrant sa conviction que chacun a quelque chose à apporter. Il n’y a rien de pire que la condescendance qu’on peut observer

pas aussi centrales pour faire du business. Or, c’est vraiment la clé de tout, et je le mesure encore dans le cadre du PAM : prendre le temps pour les gens. » Lorsque survient la révolution, elle décide de rester au Caire où elle passera encore un an et demi. La chance de vivre des moments historiques, avec le bémol de se retrouver confrontée aux évacuations, aux alertes à la bombe, aux pénuries et privations, etc. « Avec un enfant en bas âge et un nouveau né, j’avais besoin d’une autre sécurité. » C’est à ce moment-là que le PAM vient la chercher… La nouvelle directrice de l’agence nourrit de belles ambitions, dont celle de rendre le département RH plus stratégique. Au pilotage du volet Learning & Development de

ce projet, Charlotte Ravoet mène un vaste projet de changement. Après une courte période de découverte de l’institution et de constitution de son réseau interne, elle s’est attelée à définir un cadre L&D dans une organisation très décentralisée. « Il existe des formations un peu partout et chacun fait à sa manière. Je dois donc ‘vendre’ ce nouveau cadre, les outils et le support développés. Un groupe de ‘Learning Focal Points’ a été institué pour réaliser l’inventaire des efforts de formation, analyser les besoins, développer l’offre et établir des mesures du retour sur investissement. » Depuis début 2014, Charlotte Ravoet travaille à la mise en place d’un projet mondial de développement du leadership. Les besoins ont été analysés sur base d’entretiens avec plus de 140 leaders. Un travail de mise en parallèle avec d’autres organisations a aussi été mené. Le programme qui va cibler un millier de personnes dans le monde a été bâti en co-création avec le « business ». A la fin de l’année, il a été déployé en pilote dans les antennes de Bangkok, du Caire et au QG à Rome, avant d’être lancé tout récemment au niveau mondial avec la première session sur le site de Nairobi. Aujourd’hui, elle se dit heureuse dans sa vie à l’étranger et dans son job, même si maintenir l’équilibre entre la vie de famille et la charge de travail très importante au PAM est un défi au quotidien. « A terme, j’aimerais repartir dans un pays émergent, conclut-elle. Dans trois ans et demi, je serai amenée à changer de fonction : évoluer en Asie ou en Afrique me plairait bien. Puis, il serait bon d’envisager un retour en Belgique afin de permettre aux enfants de développer leurs racines… C’est important : j’ai toujours gardé des contacts étroits avec ma famille et mes amis. Des repères essentiels qui aident à maintenir le cap alors que la vie d’expatrié est semée d’embûches et de changements. »

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L’idéothèque texte

christophe lo giudice

François DUPUY

La faillite de la pensée managériale Editions du Seuil Paris, 2015 233 pages ISBN 978-2-02-113650-0 20 €

Lost in management 2 Les théories implicites utilisées par celles et ceux qui exercent des responsabilités dans les entreprises, qui ont à décider ce qu’il y a lieu de faire et comment le faire, relèvent plus du « sens commun » que des acquis des sciences sociales, explique François Dupuy en ouverture de son livre La faillite de la pensée managériale. Il va même plus loin : « L’utilisation intensive du ‘savoir ordinaire’, avec toutes ses conséquences induites dans la vie quotidienne des organisations, tient à une inculture générale et particulière qui a envahi le monde de l’entreprise. » Un relativisme de la connaissance que, selon lui, les business schools ont contribué à légitimer. Les amateurs de discours critiques ne seront pas déçus. L’ouvrage de ce sociologue des organisations, qui a lui-même enseigné à l’INSEAD et dans plusieurs business schools à travers le monde, est dans la droite ligne de Lost in management, publié en 2011 et qui avait reçu le Prix du meilleur ouvrage sur le monde du travail. Dans ce premier volume, l’auteur s’était attaché à démonter les conséquences d’un aspect spécifique mais pénalisant de cette connaissance ordinaire : la tentative de reprendre le contrôle des organisations par la voie de la coercition. François Dupuy y montrait en fait que les entreprises sont surtout en passe de perdre le contrôle d’elles-mêmes : le pouvoir est descendu d’un ou plusieurs crans pour se disperser à la base, au niveau des intermédiaires et des exécutants. Et lorsque, poussés par une compétition grandissante, les dirigeants tentent de reprendre le contrôle par la mise en œuvre de « process » et de « reportings », le résultat est à l’inverse de l’effet escompté : plus les décisions se multiplient, moins le contrôle est grand… Pour autant, les entreprises ne doivent pas se passer de règles, comme certains vont le préconiser. « Toute la question consiste à savoir où placer le curseur, explique François Dupuy. En entreprise, on a multiplié les process, les KPIs et les reportings, sans toujours être capable d’arrêter le curseur à un certain moment. La production de process est même devenue une activité en soi. Lorsque, dans une multinationale, un cadre supérieur doit composer avec plus de 200 indicateurs de performance, autant dire qu’il n’en a plus aucun ! Plus les process, les indicateurs et les reportings vont être nombreux, moins ils vont

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être utilisables. Ceux-ci vont donner le sentiment de placer l’entreprise sous contrôle, mais c’est l’inverse qui se produit : aujourd’hui, on a perdu le contrôle des entreprises gérées de cette façon-là. Nous vivons dans une situation où les entreprises ont perdu le contrôle et où elles dépendent en réalité de la seule bonne volonté des gens. » Ce second volume appuie sur l’argument en s’attachant à démonter le mécanisme par lequel la pensée managériale mène les dirigeants, par le biais de décisions paresseuses, dans des impasses aux conséquences très concrètes. L’auteur y décrypte la confusion entre structure et organisation, la méconnaissance dramatique des phénomènes de pouvoir, mais aussi les erreurs de raisonnement qui entachent les tentatives par ailleurs louables d’aborder des thèmes nouveaux. Il l’illustre à travers des situations de la vie quotidienne : priorité donnée aux situations simplistes, prises de décision d’autant plus volontaristes qu’elles tiennent rarement compte des possibilités de mise en oeuvre, utilisation abstraite d’un vocabulaire mal maîtrisé… Mais point de catastrophisme, conclut l’auteur. « Des entreprises, encore minoritaires il est vrai, prennent conscience de l’impasse vers laquelle elles se dirigent en conservant et accentuant leurs modalités de gestion actuelles et en persévérant dans les modes de raisonnement qui les induisent. C’est sur ces entreprises et le type de réaction qu’elles développent que l’on peut parier : elles essaient d’ouvrir le jeu, en y introduisant plus de confiance au sein des relations de travail. L’instauration de la confiance pourrait jouer un rôle semblable à celui tenu par l’amélioration de la sécurité dans quelques sociétés. L’attention portée à un enjeu en apparence technique a fait progressivement apparaître la nécessité de changer en profondeur les comportements et, donc, de s’interroger sur ce qui permettrait de les comprendre. Il y a donc opportunité, certes, mais rien n’indique qu’elle sera saisie… » François Dupuy « Des entreprises prennent conscience de l’impasse vers laquelle elles se dirigent en conservant et accentuant leurs modalités de gestion actuelles. » © Emmanuelle Marchadour


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Le titre que l’on porte n’induit rien sur le pouvoir dont on dispose malgré la fascination que ces titres ne cessent d’exercer

Evelyne LEONARD

Ressources humaines. Gérer les personnes et l’ordre social dans l’entreprise Editions De Boeck Louvain-la-Neuve, 2015 165 pages ISBN 978-2-8041-9019-4 28 €

Elisabeth LAHOUZE-HUMBERT

Le choc générationnel. Comment faire travailler ensemble 3 générations Editions Maxima Paris, 2014 296 pages ISBN 978-2-84001-808–7 25,50 €

GRH et ordre social

Choc générationnel ?

Dans les traditionnels remerciements qui accompagnent l’écriture de son livre, Evelyne Léonard, professeur de GRH à la Louvain School of Management (UCL) et, depuis peu aussi, vice-rectrice à la politique du personnel de l’institution, reconnaît humblement avoir longtemps hésité à prendre la plume, « ne fût-ce que par crainte d’alourdir inutilement des étagères déjà parfois bien encombrées ». A la lecture de l’ouvrage, nous pouvons la rassurer : elle a bien fait. A côté des très nombreux manuels de gestion des ressources humaines qui proposent un catalogue de bonnes pratiques et de conseils visant à assurer la cohérence entre la stratégie et cette gestion et à définir de manière cohérente des politiques consistant en objectifs et moyens destinés à accroître la performance du personnel, elle nous rappelle que la GRH en pratique semble souvent bien éloignée des images de papier glacé.

Il n’y a que dans l’entreprise où trois générations sont obligées de passer ensemble huit heures, voir plus, par jour. Ce qui, aux yeux d’Elisabeth Lahouze-Humbert, spécialiste française sur les rapports entre générations dans l’entreprise, les expose au risque d’un « choc générationnel ». Exagéré ? « Lorsque je demande d’accoler trois caractéristiques à chaque génération, je recueille une foule de stéréotypes comme ‘les seniors sont peu malléables, ne connaissent rien aux nouvelles technologies, sont trop chers ; les Y travaillent en dilettantes, sont zappeurs ; les X jouent aux chefaillons, n’ont pas trouvé leur place, se protègent, etc. Le risque d’un choc générationnel est presque inévitable si les générations continuent à cohabiter au lieu de travailler ensemble. »

« Le métier de responsable des ressources humaines a ceci de particulier qu’il touche à la matière la plus complexe de l’organisation : les personnes, leurs comportements, leurs relations, écrit Evelyne Léonard. Ces ressources ne limitent pas leur particularité au simple fait d’avoir des sentiments et des émotions, comme on l’entend souvent. Plus que des ‘sujets subjectifs’ ou ‘sujets émotifs’, ces ressources s’inscrivent dans des rapports sociaux particuliers où elles constituent bel et bien des acteurs à part entière, capables de préférences, d’actions et de comportements autonomes. Et dans leur gestion se jouent, précisément, des composantes d’un ordre social local. » Cet ordre organise des rangs et des places, contribue à positionner des personnes sur le marché du travail, détermine des parcours avec le statut et la reconnaissance qui leur sont attachés, établit un rapport entre effort et salaire, et cadre les relations que les personnes entretiennent entre elles. Le livre invite à une prise de recul salutaire sur cette réalité qu’une fois le nez dans le guidon, le DRH tend à perdre de vue. Or, s’il veut exercer sa mission avec professionnalisme, mais aussi de façon éthique, il ne peut esquiver ces questions : quel rôle la gestion des ressources humaines joue-t-elle dans l’organisation d’un ordre social ? De quelle manière ? Avec quels enjeux, quelles difficultés et quels résultats ?

L’auteur se dit elle-même lassée de lire tout et son contraire sur la génération Y, et l’on commence même à voir des articles sur les Z. Mais, estime-t-elle, pour réduire le risque de choc générationnel, il est indispensable de connaître comment fonctionnent ces trois générations (18-30 ans, 30-45 ans et 45-65 ans) dans l’environnement de travail, mais aussi en dehors, et d’en tenir compte. Au fil des différents chapitres, elle questionne les entreprises sur la façon dont se construit la relation hiérarchique entre les générations, sur l’évolution des modes de communication qu’elles privilégient, mais également sur la fixation des objectifs, la délégation, l’évaluation des performances, la motivation, la reconnaissance, le pilotage du changement, la formation, le travail en équipe, la fidélisation au prisme des générations. « La génération des jeunes salariés est peut-être vue à tort comme ‘individualiste et matérialiste’. Elle est bien au contraire partisane d’un pacte social avec l’entreprise. Ce qui est essentiel aux yeux des juniors, c’est d’être au service d’un employeur responsable, attentif à l’ensemble des salariés. Les directions d’entreprise doivent favoriser les processus coopératifs. Or, nos entreprises sont encore structurées sur des modèles dépassés avec pour références absolues le dirigisme et le marché, la hiérarchie pyramidale et la compétition brutale. Nous devons faire le choix de l’horizontalité et de la transversalité de l’organisation, c’est-à-dire de la mise en réseau. Si l’organisation favorise les synergies, tout le monde y gagne. »

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L’idéothèque texte

David DUCHEYNE & Frank VANDER SIJPE

Mon emploi, un travail sur mesure Editions Racine Bruxelles, 2014 230 pages ISBN 978-94-014-2452-3 19,99 €

christophe lo giudice

Sabine POHL & Olivier KLEIN Stéréotypes et préjugés au travail. Des processus aux conséquences Editions L’Harmattan Paris, 2014 270 pages ISBN 978-2-343-03861-2 27 €

Personnaliser le travail Stéréotypes et préjugés Dans le livre Mon emploi, un travail sur mesure, David Ducheyne et Frank Vander Sijpe, respectivement Chief People Officer et directeur HR Research chez Securex, proposent un plaidoyer pour davantage de personnalisation du travail. « Le travail sur mesure est une solution dans un monde de différences, disent-ils. Nous sommes peut-être similaires mais nous n’avons pas tous les mêmes préférences et les mêmes besoins. » Le livre part d’un « manifeste » : pour les auteurs, la situation est urgente. « L’interaction entre les facteurs économiques, technologiques et sociaux change fondamentalement. Des mesures doivent être prises pour conserver notre niveau de prospérité. » A leurs yeux, faire en sorte que plus de gens travaillent est la solution la plus évidente et la plus probable pour surmonter notre défi économique et social. « Et cela ne peut se faire qu’en gardant plus longtemps les gens au travail. » Mais « nous devons relever le défi d’une carrière plus longue en quittant l’approche du ‘devoir’… et mettre l’accent sur le ‘pouvoir’, ‘vouloir’ et ‘avoir la possibilité’. Les employeurs peuvent contribuer à ces objectifs en abandonnant l’approche standardisée du travail et en s’ouvrant aux profils moins typiques et à d’autres façons d’organiser le travail. » Une partie du livre est spécifiquement destinée aux employeurs et aux professionnels RH. Les auteurs les invitent à se débarrasser de la vision de l’homme en tant qu’actif ou capital. « Voir les travailleurs comme des moyens ou des ressources paraît inoffensif à première vue, mais si nous ne sommes pas attentifs, ils sont aussi gérés de cette manière : comme un coût, remplaçables… » Au contraire, il est nécessaire d’humaniser à nouveau la vie d’entreprise, soulignent-ils en mettant en exergue quatre points d’ancrage d’une « politique de l’être humain » : l’empathie, la justice, la réciprocité et la gentillesse. Mais sans naïveté : « Humanité et performances ne sont pas deux notions contradictoires. Les deux vont de pair. » David Ducheyne et Frank Vander Sijpe développent des thèmes qui leur sont chers, tels l’employabilité durable, le Sustainable way of leadership, l’agilité, le nouveau monde du travail, les i-deals, le job sculpting, l’apprentissage sur mesure,… Non sans conclure que l’employabilité durable est aussi et avant tout une responsabilité de chaque individu.

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Il y a aujourd’hui au moins deux façons de parler des stéréotypes et des préjugés : le langage commun, d’une part, et la littérature scientifique, d’autre part. Cet ouvrage collectif a vocation à reposer la problématique sous l’angle de la recherche sur les stéréotypes et préjugés en psychologie sociale et sur leur rapport avec la discrimination. Il s’intéresse plus particulièrement à la relation entre les stéréotypes et le monde du travail. Un monde intimement lié à des processus de sélection, de choix et d’exclusion. On y parle de stéréotypes affectant la sélection, dont ceux liés à l’apparence physique, mais aussi du « plafond de verre » ou de la stigmatisation des chômeurs. « Les techniques de sélection ne sont pas à l’abri de biais imputables aux stéréotypes perçus par les recruteurs à l’encontre des recrutés, expliquent notamment Sabine Pohl et Olivier Klein, professeurs à l’ULB. Ces biais interviennent à différents niveaux. Tout d’abord, ils guident les critères d’évaluation des candidats lors du premier filtrage sur base du CV. Puis, ils définissent les attentes des percevants et tendent à orienter leurs conduites vis-à-vis des candidats. Enfin, les stéréotypes sont susceptibles de guider l’interprétation des différents éléments disponibles pour juger le candidat. » Les auteurs soulignent que le recruteur est lui-même membre d’une organisation plus large à laquelle il doit rendre des comptes et qui définit certaines normes. « Si la ‘culture organisationnelle’ privilégie préjugés et discrimination, il va sans dire qu’un recruteur fait face à une certaine pression lorsqu’il souhaite engager un candidat. D’autre part, le recruteur peut volontairement rejeter une candidature de peur que le candidat ne ’s’ajuste pas bien’ dans l’entreprise en raison des préjugés de ses collègues… » L’ouvrage interpelle également les DRH sur les pratiques RH qui vont déterminer la place accordée aux plus anciens dans l’organisation : plafonnement des carrières, implication des travailleurs âgés dans les programmes de formation, valorisation de l’expérience par un système de parrainage ou de mentorat,… autant de questions à se poser pour éviter que la GRH ne se désinvestisse de la gestion des plus anciens, à l’heure où l’enjeu de l’allongement des carrières doit être pris en main de façon plus proactive.


Libre Expression

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Il faut moderniser le droit du travail texte

bart buysse

Notre législation est désespérément à la traîne sur les besoins et opportunités qui se présentent sur le terrain et sur ce qui se fait à l'étranger. On y recourt nettement plus au travail temporaire, en équipe et de nuit et de week-end. En termes européens, la durée du travail n'est pas particulièrement élevée en Belgique. Et notre législation est l'une des plus rigides aux restructurations. Ces dernières décennies, l'économie a connu de grands changements : la mondialisation, la concurrence internationale, de nouveaux modèles de consommation et de nouvelles technologies. Les entreprises doivent produire des produits de plus en plus complexes et diversifiés, proposer leurs services sur des périodes plus longues (plus tôt, plus tard, le week-end) et travailler da-

jours sur le modèle de travail traditionnel qui prévalait il y a plusieurs dizaines d’années. Les problèmes rencontrés par nos entreprises sont de trois ordres. Outre la nécessité d'instruments de flexibilité mieux adaptés (pour porter notre arsenal au minimum au niveau des pays voisins), l'accès aux instruments et solutions actuels est en outre trop restreint. Il comporte trop de conditions, de

Les règles existantes ne correspondent plus aux besoins actuels des entreprises vantage « just in time ». Les clients veulent être livrés presqu’aussitôt après avoir passé commande. La demande est imprévisible et volatile. Les entreprises doivent constamment adapter et modifier leurs produits, leur production et les volumes produits. Pour bon nombre d'entreprises, il y va de leur survie. Or la capacité de nos entreprises à s’adapter, notamment dans l’organisation du travail, est compromise par une réglementation trop rigide. Il ne s’agit pas d’une question de flexibilité pour le « plaisir » de l'employeur, mais d'une nécessité absolue pour décrocher des contrats, pour être compétitif. Notre législation du travail a fait l’objet d'adaptations ponctuelles, mais elle n'a pas assimilé ces transformations majeures. Elle repose tou-

procédures et d'autorisations, freinant et compliquant la flexibilité, et ce notamment en raison du veto souvent opposé par les représentants syndicaux. Bon nombre de travailleurs sont disposés à travailler de manière flexible, mais toutes les règles et structures en place entravent la conclusion de bons accords. Un accès aisé et direct à ces mesures doit permettre aux entreprises d'y recourir effectivement. Il y a à la fois le coût direct lié à l'application de la flexibilité - suppléments pour heures supplémentaires, travail de nuit et en équipes, travail le dimanche et les jours fériés,... plus élevés qu'à l'étranger - et le coût indirect ou le prix à payer par les employeurs pour parvenir à des accords en matière de flexibilité.

La compétitivité et l’innovation sont importantes et nécessaires, mais l’organisation du travail aussi. Cela requiert des coudées franches pour du travail sur mesure, des règlements sectoriels ou propres à l'entreprise, des expériences en matière d'organisation et de de temps de travail, l'étalement de la durée du travail sur une période d'un an (automatique) ou plus, ce qui doit permettre aux entreprises de mieux faire face aux variations (conjoncturelles) de l'activité et de la production. Assouplir les règles régissant le travail de nuit comporte des opportunités pour les activités logistiques et de soutien et les activités en rapport avec les nouvelles technologies (e-commerce, helpdesks, ...). Il est urgent d'assouplir et de simplifier le travail à temps partiel. Pour pouvoir s'adapter, il faut aussi pouvoir procéder plus simplement et plus rapidement à des restructurations. Par ailleurs, cela clarifie plus vite la situation pour les travailleurs concernés. Entre-temps, des opportunités nous échap­ pent et nos concurrents étrangers en profitent. Des quick wins peuvent générer des chances d'emploi pour de nombreux demandeurs d'emploi (même peu qualifiés). Il est donc grand temps de moderniser notre droit du travail et de l'adapter aux besoins actuels et futurs sur le terrain. A cet égard, l'accord de gouvernement offre une fenêtre d'opportunité. Il contient des ouvertures vers un droit du travail plus moderne, tant en termes d'organisation du travail, d'e-commerce et de formation salariale que de restructurations. Bart Buysse Directeur général FEB

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Libre Expression

Parce que j’aime les gens… texte

serge panczuk

Le recruteur : ‘Pourquoi voulez-vous faire des ressources humaines ?’ Le candidat, pensant tenir LA réponse magique, répond avec un grand sourire : ‘Parce que j’aime les êtres humains, l’individu est la part la plus importante de l’entreprise’. Le recruteur est content. Le candidat aussi. Tout le monde a perdu.

Cette réponse n’était pas seulement stupide. Elle est dangereuse. En se targuant de sa dimension humaine, la fonction RH atteint en fait un objectif opposé. Elle « déshumanise » les autres fonctions, et prend le risque de les voir relativiser, voire ignorer, leur responsabilité dans le pilotage des relations humaines. Ensuite, en se « marketant » de la sorte, la direction RH entretient une confusion mal-

un langage abscons, des processus souvent complexes et inutiles, ou des systèmes déshumanisés et mécaniques. Une fois cette armada technocratique en place, on se rend compte qu’un truc cloche. Tous nos efforts ne portent pas leurs fruits. Mais pourquoi diable ? La cible est trouvée : le management. Alors, on se retourne vers lui. Vers celui qui devrait – non pas aimer -

La stratégie RH est une illusion. Seule la stratégie d’entreprise compte saine quant à son vrai rôle. Trop d’employés voient le responsable RH soit comme un sauveur, soit comme un bourreau. Il n’est ni l’un, ni l’autre. Trop de managers ne savent plus qui fait quoi. Enfin, l’entreprise - qui aime la logique – l’enferme dans une boîte aux contours bien flous : pour la finance, il y a le financier ; pour les ventes, le vendeur ; pour fabriquer, les usines et, pour gérer les humains… le responsable RH. Oups, là on vient de se tirer une balle dans le pied. Pour montrer leur capacité à gérer le fameux « capital humain », les professionnels RH ont développé des processus, des outils de gestion des compétences, des systèmes de performance… La meilleure réponse que nous trouvions pour piloter les RH, c’est donc

HR square n° 3 mars - avril 2015

mais « respecter ses équipes, accepter les émotions, écouter et s’intéresser ». C’est le management qui doit être plus vulnérable, humain et comprendre que, malgré tous nos processus objectifs, l’être humain reste profondément subjectif. C’est cette subjectivité qui nous rend d’ailleurs humains. Mais, à ce stade, nous sommes coincés entre nos croyances RH, les systèmes que nous avons portés, notre positionnement instable et nos incohérences. Mais alors, « pourquoi vouloir faire des ressources humaines ? » Non pas pour gérer les RH, mais bien pour influencer les quelquesuns qui le font. Non pas pour gérer les RH, mais pour peser au sein des systèmes de gouvernance de l’entreprise. Parce qu’ils

impactent les individus qui contribuent à la production de valeur de l’entreprise. Non pas pour gérer les RH, mais pour jouer un rôle politique de contre-pouvoir au sein des équipes de management, où qu’elles soient et quel que soit leur niveau dans l’entreprise. Non pas pour gérer les RH, mais pour avoir voix au chapitre dans tous les sujets liés au fonctionnement de l’entreprise. La stratégie RH est une illusion. Seule la stratégie d’entreprise compte. A nous d’y prendre notre place. La finance s’immisce partout. Nous aussi. Là encore, c’est une question de pouvoir et, donc, de combat. J’ai l’habitude de dire que si nous ne sommes pas invités au dîner, c’est que nous sommes au menu. A cause de notre positionnement en recul, de notre orgueil mal placé ou de notre timidité face aux jeux de pouvoir, nous nous sommes retrouvés inscrits dessus. A cause du « j’aime les gens », nous avons accepté les dérives de certaines organisations, leur déshumanisation, leurs méthodes de management mécaniques, leurs systèmes de performance inefficaces. Parce que nous n’avons pas compris que pour atteindre notre « fin », il faut d’abord avoir les moyens. Et ça, ça s’appelle le pouvoir. Pourquoi voulez-vous faire des Ressources Humaines ? « Parce que je veux rejoindre une fonction puissante, qui a le pouvoir d’influencer la politique de l’entreprise, sa culture, ses valeurs et sa capacité à créer l’adhésion de ses employés » Maintenant, vous savez… Serge Panczuk Vice President International Human Resources Edwards Lifesciences (Irvine, California, Etats-Unis) Email : serge @panczuk.com


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