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Sardaigne 1954-1957: une image de l’Odyssée

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Sardaigne 1954-1957: une image de l’Odyssée


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Titre original Pablo Volta. La Sardegna come l’Odissea Traductions libres de l’italien Ornella Volta Coordination éditoriale Salvatore Novellu Conception graphique Ilisso Edizioni Design couverture Aurelio Candido Presses Fotolito Longo

© 2007 ILISSO EDIZIONI - Nuoro www.ilisso.it ISBN 978-88-6202-002-2


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Pablo Volta, la Sardaigne et le photoreportage en Italie dans les annĂŠes 1950 et 1960 Tatiana Agliani, Uliano Lucas

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Sardaigne 1954-1957 - Photos

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Pablo Volta, la Sardaigne et le photoreportage en Italie dans les années 1950 et 1960 Tatiana Agliani, Uliano Lucas

La photo néoréaliste dans l’Italie de l’après-guerre: une nouvelle culture Le jeune photographe Pablo Volta débarque en Sardaigne en décembre 1954. Il est venu seul, de sa propre initiative, sans avoir pris des accords préalables avec un organe de presse ni avec un éditeur. Il a lu l’ouvrage de Zervos sur La Civilisation de la Sardaigne et quelques textes de Maria Giacobbe, Sebastiano Satta et Emilio Lussu, parus dans ll Mondo, mais il a surtout été frappé par l’enquête sur Orgosolo de Franco Cagnetta, publiée dans la revue Nuovi Argomenti, deux mois auparavant.1 Le débat sur l’Italie du Sud, à cette époque très vivace, a sans doute aussi joué dans son choix. Après ce premier séjour, qui n’a duré qu’une semaine, il reviendra dans l’île en 1956 et en 1957, en s’arrêtant plus particulièrement sur la Barbagia. Dans le village d’Orgosolo à la réputation redoutable, il a éprouve la sensation inouïe de découvrir, encore intacte, “une de ces communautés pastorales de la Méditerranée, décrites dans L’Odyssée”.2 Il a photographié les nuits des bergers dans le maquis à la saison des pâturages, les lieux où les paysans se réunissaient dans leurs moments de détente, leurs foires traditionnelles, leurs jeux collectifs et leurs cérémonies religieuses. Il a été aussi le premier à braquer son objectif sur le Carnaval des mamuthones, célébré à Mamoiada depuis des temps immémoriaux et qui demeurera cependant ignoré, même dans les villages des alentours, jusqu’à notre troisième millenaire où il est inopinément devenu l’une des majeures attractions touristiques de l’île. Il nous a ainsi livré quelques centaines de prises de vue d’une rare intensité qui, en plus de nous restituer l’image d’une Sardaigne disparue entretemps, constituent un extraordinaire témoignage des thèmes, des esthétiques, des ferments et des utopies qui ont alimenté l’une des saisons les plus fécondes de la culture italienne dans l’après-guerre. Le contexte de l’époque est connu, quoique souvent aplati sous l’étiquette passe-partout du “néoréalisme”. Marqués par l’expérience de la guerre et de la Résistance au fascisme, les milieux culturels italiens traversaient à ce moment, en effet, un tournant décisif les amenant à quitter leurs tours d’ivoire, dans lesquelles auparavant ils s’étaient volontiers abrités, et à remplacer le culte aliénant de “l’art pour l’art” – pratiqué, sous l’influence du philosophe napolitain Benedetto Croce, pendant toute la première moitié du XXe siècle – par un engagement moral, social et politique, en prise directe avec le processus renovateur en cours dans le pays.

En expliquant, dans la revue Il Politecnico, en 1945, les limites des intellectuels italiens d’autrefois par leur manque de participation aux orientations et aux combats de la société dont ils étaient issus, Elio Vittorini prônait, lui, une nouvelle forme de culture qui exprimerait enfin les besoins réels et les aspirations profondes de cette société.3 Un voeu, celui-ci, qui était effectivement en train de se réaliser car dans tous les domaines, que ce soit en littérature, dans les arts visuels ou dans le cinéma, on commençait non seulement à traiter des sujets d’intérêt général, moins nombriliques qu’auparavant, mais à utiliser pour ce faire un langage moins sophistiqué, plus accessible à tout un chacun et donc mieux apte à transmettre ces nouveaux contenus. Les moyens de diffusion du savoir évoluaient tout naturellement en même temps vers les communications de masse.4 Les maisons d’édition littéraires rencontrant encore des difficultés pour la reprise de leurs activités, interrompues par la guerre, c’est la presse, aisément abordable par tout un chacun, qui devint alors le terrain d’élection du débat culturel. On vit ainsi paraître une ribambelle de nouveaux titres, qui allaient de l’hebdomadaire d’information (Tempo, L’Europeo) à la revue d’analyse (Società, Nuovi Argomenti, Sud, Cronache meridionali ), tandis que les périodiques de gauche (Il Politecnico, Rinascita, Mondo operaio) profitaient de cette conjoncture favorable pour publier des essais sociologiques, des éditoriaux politiques enflammés et des enquêtes et contre-enquêtes, inimaginables aujourd’hui. Dans cette conjoncture, la photo se trouva à jouer un rôle de plus en plus éminent. Stimulés par la reflexion critique sur le langage cinématographique menée par Luigi Chiarini, Umberto Barbaro et Guido Aristarco dans les revues Bianco e Nero et Cinema, Leo Longanesi 5 et Elio Vittorini6 découvrirent dans les images un contrepoint efficace à leurs écrits outre qu’un moyen de rendre plus attractifs leurs magazines, tandis que Arrigo Benedetti, directeur de journaux d’opinion (L’Europeo, puis L’Espresso) y voyait des documents utiles pour appuyer sa campagne de dénonciation des défaillances du pays. Arturo Tofanelli, directeur de l’hebdomadaire Tempo, attentif à l’actualité sans être vraiment contestataire, inaugura, lui, un nouveau genre de reportage, en publiant des “photo-textes” – signés par Federico Patellani, Lamberti Sorrentino ou Romolo Marcellini – qui racontaient les multiples aspects de la reconstruction du pays par une suite d’images, largement commentées. Commençait en même temps à s’installer l’idée (qui avait paru saugrenue lorsque Patellani l’avait suggérée au début 7


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des années 1940)7 selon laquelle le photoreportage pouvait constituer un métier à part entière. Les images qui illustraient dans la presse les contradictions de la société de consommation à ses débuts ou qui remémoraient les souffrances, les lâchetés et les épisodes héroïques d’un passé encore tout proche, n’apportaient pas seulement de nouveaux contenus mais introduisaient aussi en Italie un style de prise de vue bien différent de celui auquel on avait été accoutumés. Subissant cette influence, des clubs photographiques, appréciés jusque-là pour leurs photos artistiques d’inspiration picturale, telle La Gondola de Venise, recherchaient à présent un langage plus approprié à la représentation du réel, tandis que, un peu partout, on prêtait plus d’attention à ce qui, dans ce domaine, se faisait à l’étranger. Ce n’est sans doute pas par hasard qu’une grande exposition sur la photo éuropéenne – organisée à Milan, en 1951, sous l’égide de l’Unione fotografica, par Piero Donzelli – a précédé de peu la première vaste retrospective de l’oeuvre de Picasso, considérée depuis comme le point de départ d’une effective reconnaissance de l’art moderne, en Italie.8 C’est donc dans ce climat, riche de ferments prometteurs et propre à resserrer les liens entre les artistes et la cité, que s’est formée la nouvelle génération de photographes dont Pablo Volta a fait partie. Né en 1926 à Buenos Airès où son père Sandro avait débuté dans une brillante carrière de grand reporter et ren-

Berlin, 1949

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contré sa future épouse, fille d’immigrés du Friouli, Pablo a poursuivi ses études à Turin, Rome, Lucques et Viareggio, avant de prendre le maquis encore adolescent, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour réjoindre les partisans dans les Alpes Apuanes et participer avec eux à la libération de Modène. Il a découvert la photo en 1949, à Berlin, alors occupé par les Alliés, en apprenant à manier une Contax 35 mm, dans un cours d’Elementary photography de l’armée américaine. Rentré à Milan où il avait déjà vécu, entre 1947 et 1948, une brève expérience de chroniqueur à Milano Sera, il a entrepris la profession de photoreporter à l’instar d’autres jeunes gens rencontrés dans le quartier de Brera – Alfa Castaldi, Mario Dondero... – qui avaient quitté pour l’appareil photo d’autres voies entamées auparavant.9 Également attiré par le mythe de Cinecittà, il se rend toutefois d’abord à Rome, où il va participer à la réalisation du documentaire sur la campagne romaine, Canto d’estate, de Stefano Ubezio, puis, en tant qu’assistant volontaire, aux tournages de Deux sous d’espoir de Renato Castellani et du Cheik blanc de Federico Fellini. Le métier de photoreporter freelance s’accordant cependant mieux à son caractère indépendant, il se joint à de nouveaux amis, Franco Pinna, Caio Garrubba, Plinio de Martiis et Nicola Sansone, en fondant avec eux la coopérative Fotografi associati, sur le modèle de la Magnum, qui n’aura cependant qu’une courte existence. À l’instar de ses camarades, il vendra désormais ses photos à la


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presse de gauche (Il Lavoro, Vie nuove, Noi donne), ainsi qu’à des hebdomadaires à la fois engagés et élitistes tels que Il Mondo ou L’Espresso. À cette époque, l’actualité est dominée par les grèves avec occupations des lieux dans les campagnes méridionales, aussi dans les milieux de gauche, et au sein du Parti Communiste en particulier, les débats sont vivaces sur les indispensables réformes à accomplir. Poursuivant sur la voie ouverte avant-guerre par Corrado Alvaro et Ignazio Silone, ces débats trouvent aussi leur prolongement littéraire dans les écrits de Carlo Levi et d’Emilio Sereni, d’Anna Maria Ortese et de Luigi Compagnone, de Maria Giacobbe et de Tommaso Fiore, tandis que Tricarico, la petite ville de la Basilicate où vit et milite le poète engagé Rocco Scotellaro, devient le point de repère obligé de la plupart des écrivains, cinéastes et photographes italiens. Tout en ne suivant pas, lui, les mêmes itinéraires, c’est dans cette ambiance que Pablo Volta mûrit son choix d’un voyage en Sardaigne. Un certain regard: la Sardaigne de Pablo Volta entre ethnographie et reportage Bien qu’elles répondent, toutes, à un même questionnement, les représentations du Sud qui circulent en Italie à ce moment, reflètent, si examinées séparément, des positions intellectuelles très diverses. Il y a, d’une part, les photos que Federico Patellani, Tino Petrelli ou les reporters de l’agence Realfoto, rapportent de ces régions que L’Espresso d’Arrigo Benedetti a appelées “L’Afrique chez nous”, et dont l’indigence constitue pour Il Mondo de Mario Pannunzio une preuve accablante de l’impéritie du gouvernement démocrate-chrétien.10 À l’instar des images du cinéma néoréaliste,11 ces documents contrastent vivement avec la vision folklorique et romanesque proposée par la presse populaire avec ses paysages de carte postale, peuplés par des brigands de légende. Tout en ayant le mérite d’importer en Italie la leçon de Robert Capa, d’Eugene Smith ou de Werner Bischof, et de remplir enfin ce devoir d’information si longtemps negligé par leurs prédecesseurs et qui continuait de l’être par les magazines à gros tirage,12 ces photographes trouvent cependant leurs limites en adoptant, la plupart, un style populiste, chargé parfois d’une grande force émotive, sans toutefois aller au délà d’un constat de déchéance. Certains de leurs confrères, rattachés à de petites agences de presse de gauche, tombent en revanche dans l’excès opposé, en mythifiant les travaux et le mode de vie du milieu rural ou bien en mettant en exergue des superstitions et des retards culturels qui relevent des mêmes stéréotypes.13 Il y a aussi une autre catégorie de photographes indépendants qui poursuivent ouvertement des buts “artistiques”. Ces derniers se rendent dans le Sud pour fixer la mémoire d’un passé dont ils pressentent l’inévitable disparition. C’est ainsi que Alfredo Camisa, Pietro Donzelli, Fulvio Roiter, Mario de Biasi ou Fosco Maraini, séduits par la beauté, les couleurs et les lumières de ces paysages, nous offrent de véritables icônes du monde

Sur les bords de la Seine. Paris, 1952 Curé contestataire à SaintGermain-des-Près. Paris, 1952

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Les blousons noirs à Pigalle. Paris, 1957

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rural, en perpétuant toutefois, malgré les différences de style, le point de vue naturaliste et idyllique de la peinture du XIXe siècle qui avait inspiré les premières illustrations des Fratelli Alinari. Cette vision – solidement ancrée dans l’imaginaire collectif – d’un univers immobile, d’une population misérable et néanmoins solidaire et accueillante, se retrouve même chez les photographes étrangers les plus réputés, tels David Seymour, guidé par Carlo Levi dans la Basilicate des années 1940, ou Henri Cartier-Bresson qui était allé explorer cette même région, ainsi que les Abruzzes, en 1951, puis la Sardaigne, en 1962. En dirigeant pour la première fois leurs regards non plus sur les autres continents, mais à l’intérieur même de leur pays, et en éprouvant désormais le besoin d’appuyer leurs enquêtes sur une documentation photographique pertinente, ce seront finalement les nouveaux ethnologues et anthropologues à changer la donne. Confortés par des images éloquentes, leurs analyses des problèmes qui se posent et leur prise en compte de l’heritage culturel, ont d’autant plus d’impact que les préjugés contre les sciences humaines, instillés jadis par la philosophie idéaliste de Benedetto Croce, sont en train de s’évanouir. Mémorables en ce sens, les essais d’Ernesto De Martino sur “Le folklore progressif” et sur “L’histoire des milieux populaires subalternes”, publiés dans Società,

à la fin des années 1940,14 et l’action menée dans les années suivantes par le même De Martino, ainsi que par Franco Cagnetta et Diego Carpitella, qui a abouti à la fondation du Centro Etnologico italiano, en 1954. S’il faudra attendre les années 1960 pour l’avènement en Italie d’une photographie anthropologique au sens propre, ajoutant aux documents visuels leurs clés de lecture (et qui ne peut véritablement se réaliser que lorsque le photographe et l’anthropologue sont réunis en une seule personne),15 on a déjà un aperçu de cette nouvelle approche dans le reportage réalisé en 1952 à Tricarico par le tout jeune Arturo Zavattini. Premier photographe italien à fournir le portrait d’une communauté, ce dernier a tiré en fait la leçon du travail accompli l’année précedente – sous le guide de son père, l’écrivain et scénariste Cesare Zavattini – par Paul Strand, dans le bourg de Luzzara.16 On constatera un point de vue analogue dans les photos de la ville de Melissa du peintre néoréaliste et militant politique Ernesto Treccani,17 ainsi que dans les enquêtes minutieuses de Franco Cagnetta sur les banlieues autour de Rome (et notamment chez les romanichels et les prostituées du Mandrione), illustrées par de jeunes photographes – Franco Pinna, William Klein, Sheldon M. Machlin –, à cette époque encore peu connus. Comme nous l’avons déja signalé, c’est aussi Cagnetta qui est à l’origine de l’intérêt de Pablo Volta pour la Sardaigne. Déjà formé au reportage d’investigation, mais aussi sensible, par sa formation culturelle, à la fascination des cultures archaïques, Volta entreprend son voyage dans cette île encore pratiquement ignorée par les média, sans l’appui d’une commande journalistique ou d’une mission ethnologique et ayant pour tout repère l’enquête sur la Barbagia que Franco Cagnetta a publiée dans Nuovi Argomenti et quelques adresses orgolaises que ce dernier lui a amicalement fournies.18 Dès son arrivée sur place, il fixe son objectif, au hasard de ses rencontres, sur la vie quotidienne des gens qu’il côtoie – labourages et pâturages, moments de détente et fêtes collectives, coutumes et costumes traditionnels – en réalisant, avec la technique du reportage et la conséquente mobilité et liberté d’approche, des prises de vue qui témoignent en fait d’un sens de l’observation digne d’une enquête anthropologique. Suivant ses pulsions instinctives plutôt qu’un plan prémedité, il fait ainsi – peut-être inconsciemment – la synthèse des “stratégies du regard” qui ont cours à cette époque en Italie, avec une remarquable efficacité. Frappé par la cohérence sociale et culturelle de la Sardaigne, malgré ses retards et ses difficultés, il parvient à nous restituer la physionomie digne et puissante de cette île qui la distingue nettement, à ses yeux, des autres régions méridionales qu’il lui était arrivé de visiter19 sans la figer pour autant dans une icône, sans la mythifier. Les personnages qu’il nous montre – une marchande de livres de poèmes (photo 44), ou trois hommes jouant à la mourre (photo 62) – s’imposent à notre imaginaire comme des figures emblématiques sans quitter pour autant leur dimension quotidienne.


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Il suffit de comparer ces images avec les photos que Mario De Biasi a prises dans l’île en 1951, ou avec les illustrations conventionnelles des Alinari, pour en saisir toute la différence. Au lieu de portraits stylisés répondant à une sémantique bien établie, Pablo Volta nous livre des prises de vue où le hasard a joué un rôle non negligeable, en multipliant de façon souvent surprenante les facettes du récit. Cela est sans doute dû, aussi, à sa façon d’utiliser la Rolleiflex 6 x 6 – destinée en principe à des compositions statiques, centrées sur un sujet déterminé – comme une caméra 35 mm, faite au contraire pour saisir des “images à la sauvette”, à la façon de Robert Frank encore plus que de Cartier-Bresson.20 Ce détournement – qui sera également pratiqué par Franco Pinna pour sa documentation des enquêtes de De Martino dans la Basilicate et la Calabre – a été sans doute une conséquence de l’attention prêtée au langage cinématographique par les milieux culturels en Italie, à cette époque. C’est certainement sous l’influence du cinéma, aussi, que les photos de Volta dans la Barbagia ne donnent jamais l’impression d’images isolées, indépendantes l’une de l’autre, mais renvoient toujours à l’ensemble dont elles font partie. Souvent ses cadrages évoquent la scène d’un théâtre où une pluralité d’actions dramatiques se dérouleraient en même temps et dont tous les personnages ne s’imposeraient pas à notre regard du premier coup, mais apparaîtraient l’un après l’autre, comme si nous les découvrions progressivement avec un travelling. Une seule prise de vue de la station des cars à Nuoro nous raconte ainsi trois situations psychologiques différentes, correspondant à trois étapes successives (photo 2): la longue attente du départ est représentée, en bas à gauche, par le plan rapproché d’un homme assis par terre dont on ne voit que les mains serrant ses genoux dans une attitude résignée; la proximité du départ est suggerée, en plan moyen, par une femme se tenant debout, le dos à l’objectif, son balluchon sous le bras, au centre de l’image, tandis que le départ du car, avec ses voyageurs à bord, figure à l’arrière-plan. D’autres prises de vue viennent bouleverser l’iconographie traditionnelle, tout en semblant s’y rattacher. Au lieu de figures intemporelles et immobiles, présentées frontalement, des enfants, des hommes et des femmes sont saisis au moment où ils marchent en direction de l’objectif ou bien lorsqu’ils traversent le fond de la scène, en nous donnant ainsi vraiment l’impression de les suivre dans leur vie et leurs parcours quotidiens (photo 6). Pris successivement de plusieurs points de vue – sans craindre l’image floue qui résulterait d’une ample ouverture du diaphragme et d’un temps de pose très réduit –, les jeux d’adresse des paysans, les courses de chevaux dans les ruelles du village, la cuisson de l’agneau au coeur d’une grande fête religieuse, ou les rituels carnavalesques, font l’objet de séquences qui n’illustrent pas seulement les phases successives de chaque évenement, mais aussi ce qui se passe tout autour. Les jeunes gens qu’un concours de vitesse oblige à avaler leurs

Le 14 juillet à Paris, 1958 Les 24 Heures du Mans, 1958 Les Académiciens de France sous la Coupole. Paris, 1962

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63. Fête de Notre-Dame de l’Assomption à Orgosolo, août 1956


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J’ai revu plus tard “Sa Foedda”, et nous nous sommes rendues ensemble à l’église. Il y avait là des femmes, recouvertes de grands voiles noirs, assises à ras de terre, les jambes pliées sur le côté. Les enfants étaient groupés et revêtus de couleurs claires. En psalmodiant un long et récurrent ora pro nobis, les femmes se balançaient d’avant en arrière avec un léger mouvement de bascule. Le tout, avec une grande concentration. Une concentration habitée par Dieu. Elles étaient réunies dans la partie postérieure de l’église, la partie antérieure étant reservée aux hommes. Deux groupes bien distincts. Ils sont ensuite sortis tous de l’église. Les veuves sont vêtues de noir et celles qui ne se remarient pas portent le deuil jusqu’à leur mort. Il y avait une femme avec une robe rouge foncé: c’était son habit de deuil pour son frère, mort à la guerre. (I. Kowaliska, 1932)


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14 aoùt. Dimanche. À Desulo: je suis dans la terre la plus merveilleuse que mes yeux aient jamais vue. Je suis sortie me promener, en me dirigeant vers l’église, dans ce splendide paysage montagneux. Des cimes tout rondes, recouvertes de forêts, de châtaigniers. Un grand nombre, un très grand nombre de femmes, toutes très belles, la tête recouverte d’un foulard ou d’un capuchon rouge. Même les petites filles âgées de dix ans portent le costume traditionnel de leur village. J’ai fait connaissance avec la plus jolie de toutes, “Sa Foedda”. Elle était petite, mais se tenait bien droite. (I. Kowaliska, 1932)


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Notice biographique

1926 Naissance à Buenos Aires d’un père toscan, journaliste et collectionneur renommé, et d’une mère argentine d’origine frioulane. 1932-44 Sa famille s’étant installée en Italie, il poursuit ses études à Rome, Turin, Lucques et Viareggio. 1944-45 Pendant la guerre, réjoint les partisans sur les Alpes Apuanes et participe avec eux à la libération de Modène. 1949 Suit un cours d’Elementary Photography, organisé par l’armée américaine d’occupation à Berlin. 1950-52 À Rome, participe comme cameraman au tournage du documentaire de Stefano Ubezio, Canto d’estate, et, comme assistant volontaire, aux films, Deux sous d’espoir de Renato Castellani, et Le Cheik blanc de Federico Fellini. Entame une intense collaboration avec l’hebdomadaire italien, Il Mondo. 1954 Premier voyage en Barbagia (Sardaigne) sur les traces de l’enquête sur Orgosolo de Franco Cagnetta, publiée dans la revue Nuovi Argomenti d’Alberto Moravia. 1957 Photographie le Carnaval de Mamoiada. Sur ce rituel, observé depuis des temps archaïques, aucun document visuel n’existait auparavant. Se fixe à Paris où il photographiera, entre autres, un grand nombre d’écrivains et d’artistes parmi les plus représentatifs du XXe siècle. 1959 Illustre l’affiche et la couverture du catalogue de l’Exposition Internationale du Surréalisme, à Paris, galerie Daniel Cordier, à la demande d’André Breton. 1960 Tourne deux documentaires pour la télévision italienne: sur les anarchistes parisiens, à la fin du XIXe siècle, et sur les amenagements de Paris, dans le Second Empire, par le baron Haussmann. 1963 Collabore à titre d’enseignant volontaire au Centre audiovisuel pour l’éducation populaire, organisé par le FLN en Algérie, après la décolonisation. 1966 Participe comme journaliste à une série d’émissions sur la Sardaigne pour Cinq Colonnes à la une (ORTF). Est engagé dans le bureau de correspondance parisien de la RadioTélévision italienne (RAI). 1977 Retourne en Sardaigne où il découvre le muralisme, et en rapporte des images emblématiques qui seront montrées dans une grande exposition sur L’Art public dans le monde, au Château de Caen, en 1981. 1978 Un choix de ses photos est montré pour la première fois dans l’exposition, Appunti per una storia del fotogiornalismo in Italia, organisée à Milan par la galerie Il Diaframma, et qui tournera ensuite dans toute l’Italie. 1987 S’établit à San Sperate, en Sardaigne. 2003 Exposition de ses Portraits distraits à Paris, galerie Nicaise. Exposition au Museo archeologico de Amelia (Ombrie), Pablo Volta: immagini della tradizione sarda. 2004 Le documentaire Portrait de Pablo Volta est réalisé par le metteur en scène Giovanni Columbu. 2006 Exposition Pablo Volta: sguardi sul mondo, à Cagliari, galerie Arcivernice.

Pablo Volta, Orgosolo, Supramonte, décembre 1954 Face à un sanglier, le scooter de Pablo Volta. Orgosolo, Supramonte, août 1956

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