
19 minute read
MUSIQUE
– MUSIQUE –ET ON DÉJEUNE : NOUVEAU GROUPE, DÉJÀ PLEIN DE PROJETS
JOANNIE COTTEN
Advertisement
Le 17 avril, à Rouyn-Noranda, Et on déjeune nous a démontré tout le travail qu’un groupe de filles passionnées peut accomplir malgré les défis de la pandémie. Le fruit de leurs efforts a été présenté lors de deux représentations à l’Agora des Arts.
Toutes originaires de la région, les cinq artistes de Et on déjeune ont uni leurs forces et commencé ce projet de groupe à la fin de l’été passé. Julie, Véro, Mélissa, Alix et Lou sont des musiciennes aux talents et aux carrières variés : actrice au théâtre, copropriétaire du « Cab », superviseure de mine, psychoéducatrice, en passant par DJ. Julie et Véro se sont connues enfants en faisant de la danse et les autres musiciennes se sont ajoutées au groupe dans les dernières années. Même si Mélissa était drummeuse au départ, elle voulait apprendre la guitare. Alix est donc la petite dernière à s’être jointe au projet pour s’occuper de la batterie!
Ce qui nous amène à leur premier contact avec « le monde » : leur sortie de résidence en avril dernier à l’Agora des Arts. La préparation de ce spectacle a nécessité beaucoup de travail. En plus du spectacle en soi, le groupe a dû s’occuper du son, des accessoires, de l’aménagement de l’ancienne église norandienne – qui est maintenant l’Agora – pour gérer la distanciation physique, etc. Les gens avaient hâte de voir ce que les filles avaient préparé; elles ont donc dû faire deux représentations dans la même journée! Le spectacle initial ainsi que la supplémentaire étaient suivis d’une période de questions pendant laquelle le public a pu interagir avec les artistes et transmettre ses commentaires.
Placer cinq voix et plusieurs instruments de musique sur une scène conçue pour le théâtre a été un gros défi technique! C’est aussi sans compter la scénographie : heureusement, elles ont eu un peu d’aide d’amis metteurs en scène, Julie Renaud et François Bédard.
Le groupe ne se limite pas à un seul projet, il enregistre présentement son premier microalbum (EP) de cinq titres au studio d’enregistrement de Sébastien Greffard : une cabane dans les bois avec électricité, perdue à Rapide-Danseur, surnommée la Shed! L’enregistrement a commencé en février dernier et les filles font de leur mieux pour trouver du temps dans leurs horaires chargés afin de continuer tranquillement le projet, travaillant parfois en petits groupes. Elles sont les cinq filles seulement à la réalisation de l’album. les filles ont organisé une campagne de sociofinancement en février; en seulement 40 jours, elles ont réussi à amasser 11000$! Les objectifs de cette collecte de fonds sont variés : les dons serviront entre autres à l’enregistrement de l’album, à la réalisation d’un vidéoclip, à payer les inscriptions à des festivals et à des concours, à acheter de l’équipement manquant et à financer une formation en gestion de carrière musicale. Le groupe est agréablement surpris de toute l’aide qu’il a reçue : il faut croire que les gens de la région ont vraiment leurs artistes à cœur! Elles ont d’ailleurs déjà des contrats pour l’été : au DeuxParQuatre et au St-Exupéry, entre autres. style comme étant « œstro-prog-alt-indie »! Julie ayant déjà quelques chansons d’écrites, Mélissa y a ajouté ses riffs de guitare et les autres complètent le tout avec leurs instruments respectifs. La chanteuse dit avoir un faible pour les compositions Marco et The Spill, les décrivant comme des chansons qui se sont écrites toutes seules et qui demandaient seulement qu’on les laisse sortir. Leur liste de pistes est composée autant de chansons en anglais qu’en français, ce qui, je crois, ira chercher les émotions d’un maximum de gens.
Pour rester au courant de tous les projets, vous pouvez visiter leur page Facebook Et on déjeune.
Même vacciné, on doit se protéger.
SPÉCIAL PREMIÈRES NATIONS

– PREMIÈRES NATIONS –
RAPPROCHER LA CARTE DU TERRITOIRE
ALEC WHITE
Alors que les étudiants de la région arrivent à la fin de leur année scolaire et que les citoyennes et citoyens de la région peuvent enfin souhaiter profiter d’un été « normal », l’École d’études autochtones de l’UQAT a tenu du 12 au 14 mai dernier son tout premier séminaire de cartographies autochtones. Organisé en collaboration avec les communautés anicinabek de Pikogan, Lac-Simon et de Kitcisakik, ainsi qu’avec le Conseil de la Nation Atikamekw Nehirowisiw, cet évènement en ligne avait pour but de rassembler et de diffuser des connaissances liées à la cartographie participative autochtone à différents acteurs et actrices de la région et du Québec.
Quand vient le temps de produire une carte, il arrive qu’un écart se creuse entre l’arbitraire du tracé et la complexité du territoire délimité. En effet, portée par certains intérêts, la prétention d’une carte à délimiter et à nommer l’espace peut en venir à oblitérer les représentations que certaines populations se font de celle-ci. Dans le contexte colonial abitibien et plus largement canadien, ce phénomène peut être contrecarré au moyen de la cartographie participative autochtone. En mettant au jour ces autres représentations, la cartographie participative prend soin d’intégrer les perspectives de personnes autochtones, qu’il s’agisse d’universitaires, de jeunes ou d’aînés issus de différents milieux.
Offert en trois jours, le séminaire s’est divisé en quatre axes. Pour lancer l’évènement, le premier axe développé concernait l’enjeu de la négociation et de la protection des territoires ancestraux. Offert le jour même, le deuxième axe portait sur les différentes relations territoriales possibles, ainsi qu’à la manière dont la transmission des savoirs ancestraux s’y effectue. Au lendemain, la journée de séminaire a commencé par le troisième axe qui abordait la manière dont différentes représentations des cartes et différentes conceptions cartographiques jouent un rôle fondamental dans la fondation de récits et de mémoires chez les Autochtones. Pour clôturer ce premier séminaire, le quatrième axe s’est concentré sur la toponymie, soit l’étude des noms attribués aux lieux. L’organisateur et professeur à l’UQAT Benoit Éthier s’est d’ailleurs réjoui de l’importante participation d’acteurs autochtones à ce séminaire. Selon lui, « il arrive trop souvent que la voix des Autochtones ne soit pas assez entendue ».
Questionné à savoir si les personnes n’ayant pas été en mesure de suivre le séminaire pourront prendre connaissance de ce qui a été dit, Benoit Éthier confirme qu’un rapport synthèse des présentations, ainsi que des enregistrements audios de celles-ci devraient éventuellement être accessibles à toutes et à tous. Pour M. Éthier, le recours à de telles recherches participera, il le souhaite, à entretenir ce qu’il définit comme étant le « devoir de mémoire » à porter envers le territoire et les différentes représentations et sensibilités qui l’habitent.

– PREMIÈRES NATIONS –LE PROJET MINO AYAWI : ENCOURAGER LA BIENVEILLANCE GRÂCE AUX AINÉS
HÉLÈNE JAGER
MELISSA ROBINSON-KING Mino Ayawi, qui signifie être bienveillant en anishnabemowin, est le dernier projet en date de la communauté de Wolf Lake First Nation dans la mission dont est chargée Melissa Robinson-King. Nommée Healing and Wellness Worker, Melissa s’est attelée à sa mission au sein du Mahingan Sagahigan Health and Wellness Centre en octobre dernier. Mahingan Sagahigan signifie « Wolf Lake » en anishnabemowin.

Le centre a déjà mené de nombreuses actions, mais l’un des axes prioritaires choisis est celui de la santé mentale et de la lutte contre l’intimidation au sein des jeunes de la communauté. La proximité avec la nature et son lien avec la culture ancestrale ont mené à la production de vidéos inspirantes tournées par Ed Regan et mettant en scène des membres de la communauté. Les vidéos mettent en valeur la transmission de génération en génération de qualités fortes comme la résilience et le bien-être à se trouver au milieu et en harmonie avec la nature. Les spectateurs sont donc amenés à prendre conscience des difficultés que les générations ainées ont pu rencontrer, car si ces difficultés étaient différentes, elles n’étaient pas inexistantes.
L’objectif premier de ce projet est de donner aux nouvelles générations un sentiment de responsabilisation (empowerment), la conscience de la force de leur culture et l’ouverture d’esprit nécessaire pour trouver l’élan d’être bienveillant les uns avec les autres. Les tournages se sont étalés au cours de deux mois et ont parfois été effectués à Hunter’s Point, un lieu phare pour la communauté de Wolf Lake qui n’a pas de territoire attitré.
L’accueil des premières vidéos par la communauté a été très positif et salué par des retours chaleureux et des encouragements. Il est maintenant prévu de faire un film plus long pour illustrer les migrations que la communauté a dû faire depuis Wolf Lake – d’où elle tire son nom – en passant par Hunter’s Point et les mouvements suivants jusqu’à

21 JUIN JOURNÉE NATIONALE DES PEUPLES AUTOCHTONES
Cette journée est définie par une célébration officielle qui vise à reconnaître les contributions inestimables des Premières nations. Cette journée est le moment de s’arrêter et reconnaître la richesse insoupçonnée que ces peuples autochtones nous ont léguée. Nous devons leur concéder une juste place qui leur revient et nous unir pour un avenir prometteur dans le respect de chacun. Bonne journée nationale des peuples autochtones!
SYLVIE BÉRUBÉ
Députée d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou Porte-parole des affaires autochtones | Chambre des communes 819 824-2942
MELISSA ROBINSON-KING

aujourd’hui. L’objectif prioritaire est d’inspirer les membres de la communauté de Wolf Lake, et plus particulièrement les jeunes, à se mettre en relation, à prendre confiance en leur culture et en leur héritage et à retrouver un sentiment de puissance et de responsabilité.

DES PROJETS RASSEMBLEURS
Parmi les autres actions engagées par Melissa Robinson-King, il y a des rassemblements bimensuels pour les plus jeunes, des séances autour du thème de l’autonomisation (selfempowerment) et la création d’une communauté virtuelle qui rassemble les membres de Wolf Lake First Nation dispersés aux États-Unis et à North Bay en Ontario. Une nouvelle manière de se rencontrer et de se mettre en contact afin de remplacer les rassemblements physiques! De plus, des actions très concrètes comme des chasses au trésor sont organisées. On souhaite principalement inciter les jeunes à se retrouver à l’extérieur et à participer à des activités de plein air qui vont alimenter leur confiance et leur santé mentale.
Melissa a déjà réussi à rassembler autour de ses actions de nombreux membres et se sent reconnaissante de toute l’aide dont elle a pu bénéficier jusqu’ici, depuis le Algonquin Tribal Council qui a apporté le financement pour les vidéos, en passant par les personnes apparaissant dans les vidéos : Noella et Gerald Robinson, Dave et Jim Saint-Denis et Julia Coleman.
Le souhait de Melissa est de voir ses pairs heureux, bienveillants, respectueux, se sentant en sécurité et à l’aise avec leur identité grâce à ces petites marches gravies les unes après les autres, tout en continuant de soutenir les jeunes.




– PREMIÈRES NATIONS –DES POSTES D’AGENTS DE DÉVELOPPEMENT CULTUREL POUR LES COMMUNAUTÉS ANICINABEK
AMÉLIE BRASSARD
MARIE-RAPHAËLLE LEBLOND

Pour les gens qui ne sont pas familiers, il est difficile de comprendre la place prépondérante occupée par la culture au sein des communautés anicinabek. En fait, on la retrouve partout puisqu’elle se vit au quotidien : c’est une façon de vivre, de penser et d’agir. En ce sens, les secteurs de la santé et de l’éducation sont très actifs. Par exemple, en santé, beaucoup de culture est utilisée en lien avec la parentalité, la guérison et la santé mentale. En éducation, il n’y a pas de centre de services scolaire, c’est-à-dire que chaque communauté est libre d’élaborer son programme avec les conditions de diplomation québécoise. On voit alors fleurir des cours d’anicinabemowin, des sorties scolaires qui soutiennent des activités traditionnelles (chasse, trappage, pêche, raquette, canot, ateliers d’artisanat, etc.), des classes avec des aînés, des classes de plein air, etc. Tout cela est incorporé dans un programme scolaire bien ficelé et équilibré entre l’enseignement traditionnel et contemporain. On peut également remarquer le dynamisme des communautés anicinabek par l’organisation d’événements culturels tels que les pow-wow, les semaines ou les journées culturelles, la tenue de festivités pour la Journée nationale des autochtones, etc. De plus, les organisations culturelles comme la radio ainsi que les artistes s’assurent de produire, de développer et de diffuser la culture. Mais la réalité actuelle est qu’en plus d’en faire la mise en valeur, il faut aussi trouver des solutions afin de la sauvegarder.

UN PROJET PILOTE
Depuis l’année 2018-2019, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) a élaboré un projet pilote qui s’est concrétisé en une entente triennale dès 2019 pour embaucher et former des agents de développement culturels autochtones dans chaque communauté du Québec. En ce moment sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, les communautés de Kebaowek, Wolf Lake, Lac-Simon et Long Point bénéficient de ce programme.
Riche de grands espaces, de vastes étendues d’eau et de forêts verdoyantes, l’Abitibi-Témiscamingue est « gâtée par la nature ».
À toi d’en profiter. Cet été, planifie tes vacances dans ta région!

Le mandat premier de l’agent de développement culturel est de s’informer de tout ce qui se passe en matière de culture dans sa communauté. De plus, cette personne doit se tenir au courant de ce qui se passe en culture ailleurs, dans les autres communautés anicinabek et même à l’échelle régionale. Elle a la responsabilité de bâtir un plan culturel pour la communauté. En d’autres mots, elle s’assure que des projets voient le jour, qu’ils aient des suivis et surtout qu’ils soient déterminés en fonction des priorités de la communauté.

LES IMPACTS
Il y a une dizaine d’années, le MCC avait instauré un projet similaire pour les municipalités en créant des postes d’agents de développement pour le patrimoine. Les répercussions avaient été importantes puisque les milieux avaient compris l’importance d’une telle personne-ressource et cela avait contribué à la pérennisation d’un tel poste à l’échelle municipale.
Aujourd’hui, que des personnes anicinabek soient appelées à travailler sur les projets culturels de leur communauté est porteur d’un avenir prometteur. Pour la nation anicinabe, le fait d’avoir plusieurs agents de développement culturel pourra permettre de créer des échanges positifs entre les communautés tout en créant une boîte à outils en gestion de projets adaptée au milieu. Minwashin, un organisme culturel anicinabe, offrira une expertise à cette table de travail, d’échanges et de partages.
« Faire de la télé ça me tente parce que... J’aime les interactions avec les autres joueurs et ça me permet de partager une de mes passions avec plein de gens. »
Alex Proteau
Les brumes de Kad-Eliac



– PREMIÈRES NATIONS –VULGARISER SCIENTIFIQUEMENT GRÂCE À LA CULTURE
JADE BOURGEOIS
Dans le but de trouver une façon ludique de présenter et d’expliquer les enjeux liés à la gestion des matières résiduelles (GMR), Isabelle Brûlé, géographe et maître en environnement, conseillère en environnement pour la communauté de Long Point First Nation, a décidé de créer une bande dessinée de vulgarisation scientifique destinée tout spécialement aux membres de la communauté. Ce projet a été réalisé en collaboration avec Martin Patenaude-Monette, bédéiste, Émilie Hébert-Houle, collègue géographe de Mme Brûlé, ainsi qu’avec l’un des aînés de la communauté.
« Le but de cette bande dessinée est que les gens de Long Point se sentent concernés par les enjeux liés à la gestion des matières résiduelles grâce à une BD qui leur ressemble. On voulait prendre des situations de la vie quotidienne de la communauté et les mettre en relation avec certains enjeux environnementaux. Les personnages et les lieux ont des traits anicinabek intéressants, selon moi, pour joindre notre public cible : les membres de Long Point », affirme Isabelle Brûlé. D’ailleurs, dans l’optique de rejoindre le plus grand nombre et de valoriser la culture anicinabe, l’ouvrage a été traduit en trois langues : français, anglais et anicinabe.

Ce projet a été créé à la suite de la construction d’un écocentre et de la mise sur pied d’un système de tri des déchets dans la communauté de Long Point il y a deux ans. Ce changement a en effet nécessité la conception d’une campagne d’information, de sensibilisation et


d’éducation pour expliquer les raisons d’un tel projet et renforcer les bonnes pratiques de GMR à la maison.
La bande dessinée traite d’une foule de sujets, comme l’importance du tri des matières résiduelles à la maison; la connaissance du cycle de vie d’un déchet, d’une matière recyclable ou d’une matière dangereuse; l’importance de protéger la terre mère et de participer à la propreté du territoire, etc. Les lectrices et lecteurs de tous les âges trouveront leur compte dans cette bande dessinée. En effet, toutes les petites parties de la BD sont simples et ludiques pour joindre un public plus jeune, tout en étant accompagnées d’un texte explicatif qui détaille l’enjeu.
Bien que la bande dessinée complète ne soit pas encore sortie – conséquence de la pandémie – certains feuillets ont été distribués à la population au courant de la dernière année. Bonne nouvelle : on peut s’attendre à un lancement officiel des trois versions de la bande dessinée en juin!
– PREMIÈRES NATIONS –
TERRITOIRE DE RENCONTRES : GARDER DES TRACES
JADE BOURGEOIS
Le projet Territoire de rencontres vise à créer des occasions d’échange entre les membres des communautés des Premières Nations puis à les documenter. L’idée du projet a émergé d’une rencontre entre un jeune Inuk et un aîné qui ont été rassemblés en 2017 lors d’un tournage documentaire sur un site historique sacré en territoire. N’ayant jamais été mis en relation auparavant autour d’un projet commun, ils ont découvert le fort potentiel de leurs échanges et l’importance de les transmettre avec leur communauté.

AMY KISTABISH-JEROME En plus de promouvoir et d’archiver des pans importants de la culture anicinabe, Territoire de rencontres est une expérience très enrichissante pour les participantes et participants et les personnes qui sont interviewées. Amy Kistabish-Jerome a adoré son expérience et a hâte de diffuser ses vidéos pour que plus de jeunes en profitent. Elle a eu le bonheur de profiter du projet pour interviewer des membres de sa famille : « C’est important de documenter leurs savoirs pour quand ils vont être partis. Avant, le savoir se transmettait grâce au bouche-à-oreille. Maintenant, la technologie nous permet de garder des traces. Moi, ça m’a permis d’aller dans le bois, d’apprendre sur le territoire et l’histoire de ma famille. J’ai appris à dépecer un lièvre, à déplumer, arranger et faire cuire une oie! »

Selon la coordonnatrice de Territoire de rencontres, Marilyne Soucy, de l’organisation sans but lucratif la Boîte Rouge VIF, « chaque fois qu’un aîné disparaît, c’est une bibliothèque de savoirs qui disparaît ». Territoire de rencontres est donc né d’un besoin du milieu de conserver la culture, les pratiques et les savoirs traditionnels grâce, entre autres, à des échanges intergénérationnels. Pour ce faire, des porteuses et porteurs culturels issus des Premiers Peuples sont choisis pour participer à une formation sur la captation vidéo et la réalisation d’entrevues. Ensuite, les vidéos filmées par les participantes et participants lors de ces rencontres servent à inspirer l’œuvre d’une ou d’un artiste local. En Abitibi-Témiscamingue, ce sont Amy Kistabish-Jerome, de Pikogan, et Andrée-Ann Monforton de Kebaowek – une jeune participante de 10 ans! – qui ont été recrutées avec l’aide de Minwashin pour être les porteuses culturelles de cet ambitieux projet. Les sujets sont multiples : il peut s’agir par exemple de faire une entrevue avec un aîné ou une aînée qui raconte une histoire ou une anecdote, filmer une artisane qui fait des mocassins, filmer un chasseur qui « arrange » son gibier tout en l’expliquant en anicinabe, etc. Selon Mme Soucy, lorsque l’on est prêts à filmer à tout moment grâce à de l’équipement simple et bien utilisé, les seules limites sont celles que l’on s’impose. D’ailleurs, l’une des participantes a pu capter la touchante vigie en l’honneur de Joyce Echaquan l’année dernière. Bien que ce ne soit pas le sujet habituel du projet, c’est un moment important qui doit être conservé et transmis.
Le projet Territoire de rencontres n’est pas près de se terminer. Des porteuses et porteurs culturels seront bientôt recrutés dans d’autres communautés anicinabek de la région.


– CINÉMA –ANICINABE : UN FILM QUI ÉCOUTE
MARINE CLÉMENT-COLSON
Prendre le temps de s’asseoir. Écouter. Retrouver les souvenirs, réveiller les mémoires. Écouter, enfin, une communauté qui a trop longtemps été oubliée. C’est d’une genèse attentive qu’est né le documentaire Anicinabe, là où les eaux se rencontrent. « Au-delà de la démarche cinématographique, il y avait surtout une démarche sociale », explique la réalisatrice, Sophie Chaffaut.
Toutes les entrevues du film se sont déroulées lentement, comme de longues discussions autour d’un feu. C’était primordial pour toute l’équipe du film que les intervenants qui avaient accepté de se livrer devant la caméra puissent le faire dans un contexte très intime. C’est dans cette optique que la réalisatrice s’est entourée de Geneviève-Marie Le Gresley et Meggan Mathias-Cossette, étudiantes en travail social. Ensemble, elles forment un trio franco-québécois-anicinabe, mais surtout, une équipe de production à l’approche très humaine. Avant d’ouvrir les caméras sur le tournage, elles s’installaient avec leurs intervenants. Discutaient, rassuraient aussi. Car derrière des entrevues si personnelles se cache un grand travail de mise en confiance. Le film, elles ne le voulaient pas misérabiliste, mais simplement vrai. Avec la vérité belle et la vérité qui fait mal, mais à la différence que cette fois, ce sont les Premières Nations qui témoignent de leurs savoirs, de leur version de l’histoire.
De ce doux procédé ont émergé des entrevues si puissantes que certaines ont eu un effet cathartique sur les humains qui ont témoigné. Leur permettant de libérer des histoires qui n’étaient jamais, ou presque, sorties de leurs maisons.
VOCATION ÉDUCATIVE
« Ils sont tellement oubliés dans notre société, qu’on ne sait même pas qu’ils existent. […] Tout ce qu’on connaît, ce sont les stéréotypes véhiculés par la société », témoigne, à la fin du film, un jeune Montréalais stagiaire dans la communauté autochtone de Kitcisakik.
Cette citation, elle est le moteur derrière le besoin essentiel de créer ce film. Dès les premières étapes de la création, le documentaire portait la mission d’être un outil pédagogique. Car les réalisatrices sont d’avis que c’est en se rapprochant des communautés autochtones, et surtout en les écoutant, que nous améliorerons les relations entre allochtones et autochtones.
Écouter pour se souvenir.
Écouter pour apprendre.
Anicinabe, qui a d’abord été diffusé à Rouyn-Noranda en 2017, est maintenant accessible à tous en ligne depuis le printemps 2021 sur la chaîne YouTube de Sophie C.

