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Gardes à vue au Commissariat
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Gardes à vue au Commissariat Nous étions plusieurs à vouloir inventer une autre façon de regarder l’art, à mettre en avant les notions d’interactivité, de temps réel, de mixage, de transdisciplinarité.
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HORSD’OEUVRE
le journal de l’art contemporain en bourgogne, été 2000
Cette attitude fait-elle du commissaire un artiste ?
Elle implique que le commissaire dise «je» et revendique ses choix. Les œuvres y incitent. A quoi serverait un commissaire qui ne serait pas un artiste ?
A quoi serverait un commissaire qui ne serait pas un artiste ?
Commissaire d’exposition. Sous ce mot à la connotation autoritaire se cache une personne chargée d’«assembler, d’entreprendre, de risquer» une exposition, c’est-à-dire de «présenter, mettre en vue, dire, expliquer» l’art, l’étymologie du terme commissaire d’exposition suggérant celle du Pouvoir.
Dans une actualité brûlante (la nomination de Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans au Palais de la jeune création à Paris suscite le débat sur leur rôle puisqu’ils devraient être assistés par une commission d’artistes pour l’acquisition des œuvres ; l’élection de Jacques Rigaud, PDG de RTL, à la présidence du Frac Aquitaine relance, quant à elle, le débat sur la gestion de l’art en région),...
Pouvoir de l’art ; Pouvoir sur l’art : la fonction de commissaire d’exposition, en ces temps de démocratie culturelle, représente un véritable enjeu politique. «L’art, ce sont les artistes.» En est-on encore sûr aujourd’hui ?
... nous avons voulu faire le point au sein de la rédaction, sur le rôle de cette figure naturelle (?) du milieu artistique, en donnant la parole à certains de ces commissaires, sans polémiques, afin qu’ils nous livrent leur méthode.
Commissaire au Frac entretien avec Emmanuel Latreille, directeur du Frac Bourgogne Après des études de philosophie à Lyon, Emmanuel Latreille est nommé à la direction du Frac Auvergne, de 1990 à 1995. Il est directeur du Frac Bourgogne depuis novembre 1995. Luc Adami / Laurence Cyrot : Dans un Frac, qui s’occupe du programme des expositions ? Emmanuel Latreille : Si les responsabilités sont partagées par les membres du Comité Technique pour le choix des œuvres proposées à l’acquisition, le directeur d’un Frac a une grande indépendance dans la diffusion des œuvres. C’est lui qui est responsable du programme des expositions. On peut dire que le directeur est seul maître à bord en ce qui concerne les expositions dans le lieu principal du Frac et dans l’ensemble de la région. La programmation, telle que je la conçois et telle qu’un directeur de Frac doit la concevoir, est liée à un « projet artistique et culturel » qu’il met en œuvre mais qu’il énonce également. Ce projet n’est pas inconnu, peut-être n’est-il pas diffusé au niveau du grand public et des usagers de l’institution, mais c’est un projet qui est soumis au conseil d’administration pour une durée de trois ans. Sur cette base qui énonce des perspectives générales, des actions particulières sont proposées. Celles-ci peuvent prendre pour base, par exemple, la prospection auprès d’artistes travaillant sur le territoire régional. Cela ne peut pas faire tout un projet mais c’est un axe possible parmi d’autres. Il peut y avoir, au contraire, durant cette même période de trois ans, le souhait de travailler sur la collection elle-même. À ce momentlà, on entre dans un cycle d’expositions thématiques mettant en œuvre le fonds en tant que tel. Ces expositions thématiques peuvent également partir d’artistes non encore présents dans la collection mais susceptibles d’être montrés pour ouvrir d’autres axes de réflexion. Mais une fois le projet énoncé, on attend évidemment des tutelles, du conseil d’administration, que les opérations réalisées soient évaluées, en relation avec les perspectives annoncées. C’est-à-dire qu’il doit y avoir ensuite une évaluation qui estime si ce qui avait été programmé comme axes de travail a été effectivement réalisé dans les actions et quelles en ont été les conséquences. Il faut sortir de l’idée, dans laquelle nous sommes plongés en France, d’une liberté absolue, intégrale, purement subjective du directeur d’une institution. Jean Dupuy : Oh ! Ce court tour tourne court - œuvres 1968-1995 Frac Bourgogne, Dijon, 16/12/95 - 16/02/96 © PhotExpress, Dijon
L.A. / L.C. : Néanmoins, le rôle des institutions n’est-il pas trop dogmatique ? E.L. : Les institutions ne doivent pas être monolithiques. Ce qui m’intéresse dans le fait d’être responsable d’une institution c’est de pouvoir poser des questions par rapport aux idées dominantes, énoncées parfois par une autre institution. Je crois qu’il faut que les institutions se répondent, qu’il y ait des échanges, des dialogues qui amènent les amateurs, les spectateurs, à s’interroger aussi. Je ne sais pas ce que cela veut exactement dire de « contester » les institutions, mais je voudrais essayer de toujours questionner les systèmes de valeurs, au moins ceux que je suis capable d’identifier, et qui fondent des manières de voir et de pouvoir, y compris bien sûr dans l’institution dont j’ai la charge, ou une partie de la charge. Toute exposition crée un système de valeurs, de pensée. Une œuvre d’art ne peut pas être seulement considérée en terme de goût mais doit également être comprise dans ses enjeux intellectuels et les représentations symboliques qu’elle motive. Par un jeu d’oppositions, on dépasse cette notion du goût pour mieux appréhender les problématiques des œuvres. Et même s’il n’y a peut-être pas effectivement de pensée unique dominante, mettons qu’ il y a des modes, ou tout simplement qu’une exposition crée sa visibilité. Il faut donc interroger cette visibilité. De quoi est-elle constituée, de quoi est-elle porteuse ? Je trouve intéressant le débat créé par le monde de l’art à travers la diversité de ses institutions. Mais peut-être ce débat ne porte-t-il pas suffisamment sur une diversité de préoccupations artistiques, sur les œuvres des artistes. Peut-être aussi que les institutions ne se mettent pas elles-mêmes en question, ne prennent pas beaucoup de risques. La création est rapidement instrumentalisée dans des stratégies politiques ou individuelles qui rendent idiots bien avant l’âge de la retraite. Le dogmatisme des institutions n’est pas une fatalité mais je suis d’accord pour dire que c’est hélas, la pente la plus naturelle : comment voulez-vous persuader quelqu’un de scier la branche sur laquelle il espère grimper ? Probablement pas en lui expliquant qu’elle pourrait servir un jour à le pendre… L.A. / L.C. : Qu’elle est alors le statut de l’œuvre d’art dans l’institution ? E.L. : La place d’une œuvre dans une collection est différente de celle qu’elle a dans une exposition temporaire. Il est évident, par exemple, que la proposition de Fabrice Gygi à Chalon-sur-Saône pour l’exposition Xn00 est adaptée à un contexte particulier. L’artiste prend en compte un type d’architecture et la proposition du commissaire d’exposition de mettre en question l’exposition collective dans un tel contexte. En proposant un parcours de santé, Gygi suggère une autre appréhension du lieu. Dans le cadre d’une collection, on doit penser qu’en fonction des contextes d’exposition, l’œuvre pourra prendre différentes inflexions mais qu’elle doit conserver une autonomie. C’est ce que l’on veut dire, je crois, lorsque l’on dit que l’œuvre doit « résister ». Elle a sa raison d’être en elle-même sans forcément devoir démontrer quelque chose par rapport à l’exposition et au parcours du spectateur. Une œuvre n’est pas là pour illustrer un propos et c’est bien ce qui rend délicat l’exposition « thématique », c’est-à-dire tout rassemblement d’œuvres pour quelque prétexte que ce soit. Et donc a fortiori toutes les collections, mais surtout les collections publiques qu’il faut montrer. C’est, me semble-t-il, ce qui rend suspectes ces collections, elles sentent la trahison, l’inévitable torsion. Mais c’est quelque chose par rapport à quoi on peut se positionner de différentes manières, et que je voudrais en tout cas, pour ma part, assumer entièrement dans le cadre d’une institution, sans illusions ni faux-semblants. L.A. / L.C. : Que pensez-vous du libre usage qui est fait actuellement des œuvres d’art, notamment au sein d’expositions collectives ? Souvent, leur autonomie est entamée, au bénéfice du concept à illustrer. E.L. : Par le fait d’être responsable d’une collection, on peut être tenté de croire que l’on dispose d’objets avec lesquels on peut faire ce que l’on veut. Ce n’est pas le cas. Chaque fois que l’on montre des œuvres appartenant à une collection, et si l’on est responsable, on doit se poser la question du sens de l’exposition que l’on veut faire, avoir acquis une bonne connaissance des œuvres dans leur singularité et impliquer, autant que possible, les artistes, au moins en les informant du projet. Dans les années soixante-dix, des artistes se sont posés la question de la maîtrise de leur travail une fois vendu. Daniel Buren, par exemple, propose avec chaque pièce, un « avertissement », un texte rédigé avec un juriste, qui implique la clarification des conditions d’exposition de son œuvre. La position de Buren est
C’est ce que j’appelle la conception du pur « visionnaire », celui qui a un « œil » ou une « vision théorique » particulièrement remarquable. Mon œil ! Il s’agit là de la résurgence de l’amateur éclairé, du génial mécène, du non-artiste particulièrement engagé et proche des artistes, en fait le pendant direct de l’artiste « inspiré ». Je ne comprends pas que l’art de ce siècle ait fait une si salutaire critique de l’ « inspiration créatrice » et pas de l’institutionnel « visionnaire », qui est en fait une figure masquée du pouvoir. En tout cas, en France, elle est très utile à beaucoup d’irresponsables institutionnels qui se cachent derrière elle pour se dispenser de rendre des comptes sur leur manière de diriger une institution. Je crois en plus que cela révèle une incapacité à restituer au public des enjeux artistiques en dehors de l’autorité médiatique, dans le long terme d’un programme de recherche. Je pense qu’il devrait y avoir de plus en plus de « contrats » explicites de travail, de conventions qui reposent sur la base de projets culturels et artistiques précis. C’est du directeur que vient le projet artistique initial, validé bien sûr par l’administration qui crée les cadres dans lesquels on va faire ce que l’on a envie et ce qu’il est important de faire. Dès lors que les perspectives de travail sont formulées, la confiance s’établit progressivement avec les élus. Ainsi, quand je suis arrivé à Dijon, il y avait dans la collection une œuvre, alors peu connue, de Jean Dupuy. Il se trouve que j’avais déjà fait une exposition avec cet artiste. Montrer une grande exposition de Jean Dupuy était l’occasion de faire sortir un élément inconnu, un « point mort » de la collection, de le ranimer. Beaucoup de gens se sont dit que je présentais Jean Dupuy comme si c’était un choix purement subjectif, ma « vision » de l’art. Or ce choix n’était pas totalement arbitraire mais lié à une responsabilité, celle de mieux faire connaître leur collection aux bourguignons. Cette grande exposition a été suivie d’acquisitions nouvelles du travail de l’artiste, adoptées par l’ensemble d’un Comité technique puis par un Conseil d’administration. Cela dit, en développant cet aspect de la collection, je créais des réactions, sur le plan local, par rapport à une certaine histoire des choix artistiques à Dijon, principalement minimalistes ou formalistes, en révélant et valorisant un autre courant artistique, qui est Fluxus. Mais tout cela faisait sens par rapport à une histoire qui n’était pas uniquement la mienne, mais celle du Frac et de ses divers responsables, passés et présents.
Concert Jus de fruits : Pascale Berthelot, pianiste Cumulus & Frac Bourgogne, Dijon, 02/04/00 Mises en jeu (Collection Frac Bourgogne), 2000 Frac Bourgogne, Dijon (montage : œuvre de Patrice Carré)
Compagnie 391 lors de l’exposition Jean Degottex Art Danse & Frac Bourgogne, Dijon, 24/02/00
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Erwin Wurm : One minute sculpture Frac Bourgogne, Dijon, 16/04 - 05/06/99 © Frédéric Buisson, Frac Bourgogne Les coups (œuvres de la collection) H. Duprat, B. Aubertin, A. Bulloch Frac Bourgogne, Dijon, 20/11 - 30/12/99 © André Morin, Paris Hommage à Sylvia Bossu (dépôts au Frac Bourgogne) Frac Bourgogne, Dijon, 06/06 - 23/08/97 © Frédéric Buisson, Frac Bourgogne
importante car elle pose la question de savoir comment l’artiste peut rendre effectif le droit moral qu’il conserve sur son œuvre toute sa vie, et qui se transmet même à ses ayant-droits. Actuellement, il y a une tendance à vouloir contester, aux portes de l’institution, ce droit moral des artistes. Il est vrai que la nécessité d’une certaine « productivité » dans la fréquence des expositions, pour les besoins de la diffusion vers des publics, ne favorise pas le respect de règles trop scrupuleuses. En France, cette tendance s’accentue et s’aggrave. Récemment, un directeur des affaires culturelles demandait à un collègue de faire signer aux artistes l’abandon du droit moral sur leur œuvre au moment de l’acquisition par le Frac. Ainsi, l’institution peut être tentée de faire lâcher totalement prise aux artistes sur leur propre production. Tel autre directeur de centre d’art affirme que l’on peut faire ce que l’on veut avec les œuvres. Dans les deux cas, il me semble qu’il y a là la conséquence d’une conception purement formelle de l’objet d’art, qui est vidé de tout contenu spécifique et peut donc servir à bon compte toutes sortes de fantasmes. Je crains que l’abstraction et les meilleures œuvres formelles, abordées au moyen de notions aussi malléables que celle du « décoratif », ne favorisent elles-mêmes de telles choses. Après des années de rigorisme autoritaire, lâchons tout ! Après tout, ce n’est que la version culturelle du libéralisme économique. Le caractère des expositions collectives, ainsi que la nature du jugement esthétique dans les conditions de la seule valorisation médiatique, font que l’œuvre d’art s’apparente de plus en plus à une marchandise. Cette tendance est liée à un marché et à une politique culturelle qui n’a pas toujours non plus les moyens de ses ambitions et au fait qu’il faut que des choses se passent. Les artistes n’ont aucun moyen pour résister à cela. Mais la responsabilité des commissaires et des institutions est alors d’autant plus grande. Ce n’est pas parce que l’autonomie absolue de l’œuvre est improbable que l’on doit oublier qu’une œuvre est aussi chargée d’une intention spécifique : c’est cette « intention artistique» propre à l’œuvre que le concept d’une exposition thématique doit permettre d’approcher, de cerner mieux, et non l’inverse. L.A. / L.C. : Que pensez-vous des commissaires d’exposition qui se prennent pour des artistes ? E.L. : Au risque de vous décevoir, je dois vous avouer que j’ambitionne moi-même de devenir un véritable artiste de l’institution ! Mais c’est très délicat, on voit bien qu’il y a sur cette voie beaucoup d’appelés et peu d’élus… Parce qu’ on ne peut pas être des deux côtés de la « barrière ». C’est comme le jeu des gendarmes et des voleurs, on ne peut pas être à la fois gendarme et voleur, sans quoi ça ne peut pas jouer. L’œuvre nécessite une critique renouvelée, riche, nombreuse. Comme je le disais tout à l’heure, la notion du « commissaire-artiste » est une forme qui déplace l’enjeu des oeuvres hors d’elles, qui génère diverses manières de contrôle et de pouvoir sans assumer la tension inhérente à la relation d’altérité. Et de fait, c’est la solution la plus commode relativement au problème de l’exposition « thématique » : si la conception de celle-ci est le fait d’un « artiste », alors il n’y a plus de problème quant à l’interprétation plus ou moins rigoureuse des œuvres, plus de « complexe » à avoir certes, mais aussi moins de complexité. C’est en quoi je crains que le commissaire-artiste ne soit surtout le garant de l’ordre, voire une des figures possibles de l’ « apparatchik ». Il serait beaucoup plus satisfaisant de demander à un artiste, clairement identifié comme tel, d’être responsable d’une exposition. C’est la même chose avec les critiques, même quand ils ne se prennent pas pour des artistes. Quand un critiquecommissaire, comme Harald Szeeman avec Quand les attitudes deviennent forme, ou Pierre Restany avec les Nouveaux Réalistes, tente de rassembler des productions artistiques autour de telle ou telle catégorie, c’est la globalité qui l’emporte sur la singularité. Il y a danger, pour les critiques, à vouloir toujours représenter cette figure-là car elle est finalement assez arbitraire au regard de la singularité des œuvres et des artistes. À un moment donné, la vraie critique doit se faire sur les artistes. Dans une institution, il faut bien sûr montrer des expositions collectives, mais il faut revenir sans cesse à des expositions 3
monographiques car ce sont les individus qui font l’art. C’est pourquoi il est inévitable, même pour un Frac, de faire des expositions monographiques. La confusion véritable arrive lorsque le responsable institutionnel, le critique ou le commissaire d’exposition veut se mettre en valeur dans une actualité, dessiner sa propre posture intellectuelle au moyen des œuvres, et se dérobe à l’exercice de leur restitution la moins mauvaise possible vers le monde de l’art comme vers le grand public. Mais ce qui me paraît comique dans ce problème, c’est une fois encore le décalage entre tout ce que les artistes du siècle ont fait pour démythifier l’acte créatif, pour le dégager de l’arbitraire subjectif, pour dépersonnaliser même les enjeux de l’art, et l’hyper gonflement des ego des grenouilles du monde de l’art et de l’institution, qui ont toutes un point de vue si particulier et si assuré : Duchamp, Warhol, Filliou et autres Morellet auraient mieux fait d’aller plus souvent à la plage… L.A. / L.C. : Revenons au rôle des artistes au sein du système institutionnel, un autre aspect actuel du système institutionnel français. E.L. : C’est, à mon avis, une hypocrisie. Les artistes n’ont pas à être au centre du système institutionnel. Ils l’ont été dans l’Académie des Beaux-Arts pendant un siècle et demi et on les en a sortis pour pouvoir montrer la création dans sa diversité. Aujourd’hui, il y a un retour un peu démagogique à l’idée de l’artiste contrôlant le travail du commissaire d’exposition dans l’institution. Je suis contre le fait de placer des responsables institutionnels sous le regard d’un comité d’artistes qui seraient là pour évaluer leur travail. On sait très bien que ce n’est pas crédible et que de telles propositions reposent en fait sur des ambiguïtés, pour ne pas dire plus. Au moment où les pouvoirs publics se montrent incertains dans leur engagement pour l’art, et où parallèlement les institutions ne savent plus rendre compte de leur fonction sociale, on fait croire aux principaux intéressés que, comme les élèves du monde de l’éducation, ils sont «au centre du système ». Je suis d’ailleurs étonné que beaucoup semblent vouloir se précipiter pour ajouter au bazar général. Je suis convaincu que ce sont les œuvres qui doivent être au centre du système artistique. Après, que chacun réfléchisse un peu à la place qu’il occupe dans celui-ci. Propos recueillis par Luc Adami et Laurence Cyrot Fonds régional d’art contemporain de Bourgogne, 49 rue de Longvic, Dijon tél. 03 80 67 18 18 - fax 03 80 66 33 29 - e-mail frac.bourgogne@wanadoo.fr
Allan McCollum Perfect Vehicule, 1988 Collection Frac Bourgogne Musée de Semur-en-Auxois, 1999 © André Morin, Paris
Fabrice Gygi Parcours Vita, 2000 © Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
L’économie du Si Lionel Bovier vous dit qu’il fait du « tuning », n’allez pas croire qu’il se passionne à customiser sa voiture. Ce jeune éditeur suisse, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant fait partie du collectif Xn qui regroupe cinq personnalités du monde de l’art contemporain : Stéphanie Moisdon-Trembley (1), Elisabeth Lebovici (2), Hans Ulrich Obrist (3) et Jean Charles Masséra (4). Dans le cadre des Janviers en Bourgogne organisés par la ville de Chalon-sur-Saône, l’Espace des Arts reçoit pour la deuxième fois l’exposition Xn. C’est Lionel Bovier qui est chargé cette année d’organiser l’exposition et de se faire le porte-parole des autres membres du groupe. Nous l’avons donc rencontré à cette occasion afin qu’il nous explique sa « politique » de commissaire d’exposition et, qui plus est, de commissaire indépendant appartenant à un collectif.
Guillaume Mansart : Comment définiriez- vous le rôle de commissaire d’exposition ? Lionel Bovier : Il y a pas mal de définitions que je trouve incommodes. C’est une pratique assez complexe, car elle touche à des problèmes évidemment artistiques, mais aussi à des problèmes de production, souvent économiques, puis de diffusion c’est à dire souvent aussi de communication… Cette pratique est donc fréquemment mal traduite car elle est un agrégat de différentes fonctions. Il y a des métaphores que l’on utilise pour la pratique de commissariat que je trouve plus ou moins drôles, mais généralement assez inefficaces. Singulièrement, on les emprunte toujours à d’autres pratiques artistiques. Par exemple, il y a celle de chef d’orchestre qu’avait utilisée le dernier commissaire de la Biennale de Venise avant Szeemann, Achile Bonito-Oliva. Il disait : « voilà, nous les commissaires, nous sommes des chefs d’orchestres », donc des « performers » avec des musiciens : les artistes. On les tient dans une salle et on agite la baguette pour qu’ils s’accordent et que le tout fasse un bel effet d’ensemble. Je trouve ceal tout à fait impropre à qualifier le travail de commissaire, particulièrement pour une exposition d’art contemporain. De plus il n’est pas certain que le but soit de faire un tout harmonieux. Sur Xn00, ce n’est pas du tout ça, chacun des artistes a construit des espaces relativement autonomes. Il y a une autre métaphore qui est peut être plus juste, c’est celle de cinéaste. C’est assez vicieux aujourd’hui, on dit que le commissaire est comme un réalisateur, car effectivement il travaille en équipe ; c’est une dimension extrêmement importante de la métaphore cinématographique. Cela dit, s’il est le réalisateur du film, c’est un peu lui l’artiste, donc en même temps ce n’est pas tout à fait juste. Si on reste dans le champ cinématographique, je me sens plus proche du producteur. Il y a plusieurs réalisateurs qui, simultanément, tournent des choses dans un espace, et moi je fournis une équipe, des moyens de production, des moyens de diffusion, de distribution. Je ne me sens pas en concurrence avec les artistes, il s’agit là de l’autre discours, celui de Szeemann : « le commissaire est aussi un artiste ». Ce serait même un super artiste qui travaillerait par dessus les travaux d’autres artistes pour leur créer une sorte de caisse de résonance, leur donner une ampleur insoupçonnée. Pour Xn00, il fallait d’abord créer une situation de production inhabituelle pour un espace municipal. Donc le travail de commissariat a été, je dirais 50 % de travail juridico-administratif, c’est à dire fonder une association extérieure à la ville, rédiger les statuts de l’association, les budgets… Et 50 % de travail avec les artistes pour conduire les projets à leur meilleure réalisation possible. Là dedans, j’inclus ce que je disais pour cette exposition c’est-à-dire le « tuning ». Il y a des projets qui peuvent avoir déjà existé, c’est le cas pour Home cinéma, la pièce de Dominique GonzalezFoerster qui est cependant présentée ici avec un nouveau film de l’artiste. L’idée c’est de faire un « tuning » afin que soit précisé un fonctionnement possible de l’œuvre. C’est vraiment comme sur une bande F.M., on essaye de chercher la station là où l’écoute est la meilleure. Cela fait partie du travail de production. Après ça, ce qui m’intéresse moins, c’est le rôle public, le rôle de médiateur, d’accompagnement des journalistes, d’accompagnement même du public. La médiation culturelle c’est un truc qui ne m’intéresse pas tellement et je pense que d’autres, formés pour cela, le font mieux que moi. Finalement, la formule de Hans Ulrich Obrist, du « curateur » comme catalyseur est sans doute la meilleure. Klat Fanzinothèque, 2000 © Xn00, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
collectif G.M. : Quand vous parlez de « tuning », vous dites que vous essayez de donner la meilleure réception d’une pièce au public. Ne peut-on pas dire que vous dénaturez l’œuvre de l’artiste ? L.B. : Dans ce cas précis, je pense que c’est le contraire, parce que précisément ces artistes ont tous produit quelque chose de spécifique pour le lieu, après l’avoir visité, discuté et dans le but de s’accomoder d’un espace positivement complexe. G.M. : Les pièces qui sont ici ont pourtant déjà été présentées dans d’autres lieux… L.B. : Non, les seules qui existaient étaient celle de Dominique Gonzalez-Foerster et La Fanzinothèque de Klat, toutes deux réadaptées pour l’Espace des Arts. G.M. : La Grotte de Xavier Veilhan également… L.B. : Oui, mais ici elle est totalement différente, c’est-à-dire qu’il s’agissait de produire sur place une œuvre dont l’artiste avait déjà éprouvé la structure. Pour lui, chaque fois c’est une nouvelle pièce, parce que la façon dont elle s’inscrit dans l’architecture est très importante. Elle est vraiment radicalement différente de celle qu’il avait produite à Brétigny. Même s’il en connaissait la technique de production, le contexte était différent. C’était une exposition personnelle, la vision de l’extérieur était une vision en surplomb, on ne pouvait pas tourner autour, etc. Il en avait déjà éprouvé le potentiel, il avait envie de la reconstruire à une autre échelle. Pour Dominique Gonzalez-Foerster, la situation était un peu différente. Elle a présenté son Home cinéma à Manifesta au Luxembourg, dans une autre configuration. Personnellement, j’ai eu un vrai sentiment de frustration parce que sa pièce était exposée à la suite d’un cheminement d’œuvres que l’on regarde en général entre dix secondes et une minute, alors que son film durait déjà dix minutes. On restait éventuellement une ou deux minutes devant la télé et ça ne fonctionnait pas du tout comme un home cinéma. Il y avait un potentiel de fonctionnement mais qui n’était pas activé. Je lui ai donc dit : « Ici ce n’est pas un musée, on peut donc changer les conditions de présentation, on peut par exemple fermer une salle. ». Ce n’est donc plus un cheminement d’œuvres, et si on va s’enfermer dans cette salle, on va vraiment le faire sur le mode du home cinéma (5), comme si on était chez soi. Et on va pouvoir regarder le film du début à la fin. L’idée n’est pas de manipuler mais au contraire, sur la base d’une lecture personnelle des pièces, de la proposer aux artistes et de leur dire : « est-ce que ce ne serait pas de meilleures conditions de présentation ? ». Et s’ils avaient dit non, évidemment on ne l’aurait pas fait. Parce que cette dimension d’instrumentaliser l’œuvre, celle du chef d’orchestre, ne m’intéresse pas du tout. C’est une chose que beaucoup de commissaires d’expositions aujourd’hui réexplorent. C’est ce que revendique quelqu’un comme Eric Troncy dans des rpojets récents comme Dramatically Different et Whether Everything, c’est à dire d’être un compositeur qui arrange lui-même les œuvres dans l’optique de leur donner une nouvelle lecture, une nouvelle existence (car elles existent déjà, et ont déjà été produites). Eric Troncy ne s’intéresse pas à la production dans ces projets, il s’intéresse uniquement à la présentation. Il fait du « display » si on veut. L’histoire du « display » est pour moi importante, mais pas dans une situation de production avec de jeunes artistes, dans la situation de l’art contemporain. Je trouve très intéressant de faire du « display » dans un musée, c’est un travail muséographique, qui n’a pas beaucoup de sens dans un centre d’art contemporain. Ce n’est pas ce dont les artistes ont besoin. Ils ont besoin de partenaires, d’interlocuteurs et ils vont trouver cela dans la personne du commissaire. Je fais du partenariat sur chacune des pièces, par exemple, quand elles coûtent un certain prix, j’essaye de trouver un co-producteur. Pour moi ce n’est pas du « display » que j’ai voulu faire sur Xn00. G.M. : Quel avantage représente le fait de travailler avec un collectif ? L.B. : C’est une question que j’ai trouvée étonnamment absente des comptesrendus de critiques sur la manifestation de cette année et celle de l’année passée. Effectivement, c’est une démarche originale et totalement inédite en France, il n’y a quasiment pas d’exemple de collectif de commissaires. A mon avis, un collectif hétérogène qui se réunit pour travailler sur une manifestation artistique, cela devrait précisément susciter une discussion sur le rôle du commissariat. Tout à coup, on n’est plus dans la figure du commissaire signataire de quelque chose, mais dans celle de l’économie du collectif. Et l’économie du collectif, c’est une économie tout à fait différente : on partage les décisions, les responsabilités, même si on est moins impliqué dans la réalisation d’une année sur l’autre. De la même manière on additionne les savoirs, ou les compétences, c’est-à-dire qu’on essaye de gérer au mieux les différentes questions et étapes de l’exposition ensemble. Cela pourrait servir de modèle à d’autres expériences, qui pourraient être menées, de manière ponctuelle comme celle-ci, ou régulière. A mon avis c’est un modèle qui est en train de faire école, j’en veux pour preuve l’exemple de l’I.C.A. (6) à Londres, un des espaces les plus intéressants pour ce qui est de l’art contemporain en Angleterre, et qui va être dirigé par un collectif de commissaires de nationalités différentes. G.M. : N’y a-t-il pas un danger de fermeture, comme si vous évoluiez en circuit fermé, en étant à la fois commissaires et critiques ? L.B. : On pourrait imaginer un chevauchement des compétences, lorsque, par exemple, je réalise la manifestation et que quatre personnes vont écrire sur celleci. On a pu remarquer que ce n’était pas le cas. G.M. : Mais même sans écrire les uns sur les autres, ne formez-vous une sorte de « lobby » ? L.B. : Mais ça c’est presque un désir politique. Nous sommes cinq personnes qui travaillons dans l’art contemporain en France et ailleurs, et nous avons tous des partenaires différents avec lesquels nous travaillons. C’est sûr que dans nos fonctions nous sommes habilités à traiter avec ces partenaires que nous mettons à profit en collectif. A mon avis, ce serait peut être du « lobbying » si nous avions
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les mêmes goûts, si nous travaillions avec les mêmes supports, pour les mêmes lieux, ce qui n’est pas tout à fait le cas. Plutôt que de « lobbying » moi je parlerais de mise en réseau. Effectivement, cela est nécessaire, parce que nous travaillons de cette manière indépendante. Nous n’appartenons pas à une institution, nous n’avons pas de statut de salariés. Nous sommes obligés de proposer des projets souvent longs à élaborer et qui ne sont rétribués que s’ils sont réalisés. Nous sommes obligés d’être mobiles, donc ce travail de mise en réseau nous le faisons déjà. Nous aimerions qu’il y ait une vraie réflexion sur le statut de commissaire indépendant. Je n’ai pas tellement peur que cela formalise un goût commun, parce qu’en fait nous sommes très différents. Et de toute façon nous ne représentons qu’une toute petite partie de l’activité curatoriale du moment, sachant que la grosse partie, la plus importante, c’est celle des institutions. Les institutionnels partagent, quant à eux, d’autres préoccupations, politiques par exemple. Ils font nécessairement de la politique culturelle, ce que nous n’avons pas à faire. Jje n’ai pas tellement peur que notre travail devienne un réseau efficace, je trouve que ça serait, au contraire, positif. G.M. : Cela ne peut-il pas être dommageable pour les artistes ? Stéphanie Moisdon Trembley, dans Le Monde (7), parle de prise en otage des artistes, sommés de choisir leur camp parmi les commissaires. L.B. : Cela dépend comment on conçoit la pratique de commissaire. Il y a effectivement des commissaires qui pensent être des chefs d’orchestres, ils ont leurs musiciens favoris et ils n’ont pas envie que ceux-ci jouent avec d’autres gens. C’est un truc de concurrence, c’est un peu leur fond de commerce. Pour Xn00 c’est une espèce de contrat d’association, de production sur une opération déterminée et je souhaite que cela se renouvelle, sans que cela soit exclusif. Précisément, comme nous ne sommes pas des institutionnels, nous n’essayons pas de nous accaparer les artistes. Ce que nous essayons de faire, au contraire, c’est de les faire circuler. Pour nous, s’approprier un artiste n’a pas vraiment de sens, nous n’avons pas de lieux pour cela. La seule manière dont on pourrait l’imaginer serait que l’on devienne les agents de ces artistes, et alors on serait plus proche du modèle des galeries que du commissariat. Or aucun d’entre nous dans le groupe n’a un fonctionnement proche des galeristes, car nous ne sommes pas impliqués dans la logique commerciale.
G.M. : Avez-vous toutes les libertés pour monter une exposition ? L.B. : Oui et non. Nous avons toutes les libertés sur le choix des artistes, enfin, c’est la responsabilité du collectif de commissaires, on en conclut qu’on est les seuls juges et les seuls responsables des choix artistiques qui sont faits. Par contre, nous avons énormément de contraintes de réalisation, par rapport au budget, à la sécurité, à l’aménagement du lieu, etc. De plus, il y a des problématiques de politiques culturelles locales auxquelles parfois on essaye de nous confronter, des réflexions comme : « ah non, on ne peut pas faire ça, cela vient d’être fait à côté ! ». Mais ici, nous sommes totalement libres, les vrais problèmes sont des problèmes d’adaptation, de fonctionnement des œuvres par rapport au lieu. Là encore c’est du « tuning ». Nous n’avons pas à « dealer » avec les problèmes de politiques culturelles, de public et de nationalité. Nous sommes un peu des électrons libres par rapport à tout cela. Entretien réalisé par Guillaume Mansart 1. Critique d’art et co-fondatrice du Bureau Des Vidéos. 2. Journaliste à Libération. 3. Commissaire d’exposition indépendant et conservateur (notamment) du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. 4. Ecrivain, essayiste. 5. Pour le Home cinéma de Dominique Gonzales Foerster le visiteur peut demander les clés afin de s’enfermer dans la pièce d’exposition. 6. Institute of Contemporary Arts. 7. Le Monde, 21 janvier 2000. Xavier Veihlan La grotte, 2000 © Xn00, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
Le commissaire et l’artiste A l’occasion de l’exposition Xn 00 de Chalonsur-Saône, nous avons rencontré Fabrice Gygi, artiste suisse qui vit et travaille à Genève. Curieux de savoir quel regard il porte sur le rôle de commissaire d’exposition et comment il l’intégre dans son propre travail, nous lui avons posé quelques questions. Jérôme Giller : Quelles sont les raisons qui vous font participer à une exposition plutôt qu’à une autre ? La figure du commissaire d’exposition entre-t-elle en compte dans votre choix ? Fabrice Gygi : Moi, ce qui m’intéresse en tant qu’artiste, c’est avant tout de montrer mon travail au public. A priori, je ne refuse pas de travailler avec un commissaire si ce n’est, peut-être, avec Harm Lux (1). En fait, c’est une question de personne. Je ne refuserai jamais une invitation à une exposition mais en revanche, je sais que je ne travaillerai pas de la même façon avec Eric Troncy qu’avec Lionel Bovier ou le collectif Xn par exemple. Avec le premier, je me contenterai d’envoyer l’œuvre qu’il désire exposer et je lui laisserai carte blanche pour l’accrochage. Avec d’autres, je n’hésite pas à me déplacer pour monter moi-même l’œuvre dans l’exposition. J.G. : Vous qui dénoncez dans votre travail les abus de pouvoir, accepteriez-vous qu’un commissaire intervienne sur votre œuvre pour lui donner une meilleure réception, ou la faire entrer dans une thématique, et pensez-vous que cela soit une de ses prérogatives ? F.G. : Là, je dirai oui et non et je parlerai d’échange. Je pense que l’artiste et le commissaire doivent avoir un travail complémentaire sur une exposition. Si le
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Fabrice Gygi Tribune, 1996 (Collection Frac Bourgogne) bancs, bâche plastique, tube acier, 200 x 600 x 140 cm © André Morin, Paris
commissaire m’impose ses choix sans établir de dialogue, je refuserai alors de travailler avec lui. Il doit s’établir un échange entre le commissaire d’exposition et mon propre travail. Il doit s’établir un dialogue entre une proposition artistique et sa mise en vie dans un lieu. Par exemple, pour l’exposition Xn 00 à Chalon-sur-Saône, j’ai fait la proposition à Lionel Bovier, le commissaire, de présenter un parcours sportif qui sillonnerait l’étendue du bâtiment de l’Espace des Arts et que j’appellerais Parcours Vita. Le commissaire me conseilla d’appeler ce parcours « Parcours Sportif » tout simplement, et d’oublier l’appellation « Vita ». Je m’y suis refusé catégoriquement car cette dénomination est une référence historique à la société d’assurance suisse qui est à l’origine de ces parcours. C’était pour moi une nécessité de garder cette dénomination et c’est ce que le commissaire a bien compris. En revanche, là où je parle d’échange avec le commissaire, c’est, dans ce cas précis, lorsque Lionel Bovier m’a suggéré de mettre à disposition du public un survêtement et d’utiliser en fin de parcours les douches des loges de l’Espace des Arts. C’est là que la notion d’échange et de complémentarité entre le commissaire d’exposition et l’artiste intervient. La proposition de Lionel Bovier donnait plus de poids à mon œuvre et à la notion d’autorité que je cherchais à développer pour ce parcours. Vois-tu, tu ne pouvais plus faire l’exposition sans devenir au préalable un sportif ! J.G. : Pensez-vous que l’on soit entré dans un systéme d’ « écuries » où chaque commissaire « sponsorise » ses propres artistes, ceux avec lesquels il a le plus d’affinités, et que cela soit pour l’artiste le seul moyen d’exister ? F.G. : S’il y a des réseaux, c’est bien possible. Mais, cela ne vient pas du fait des artistes mais bien plutôt de la politique culturelle en générale, de la concurrence qu’il y a entre les différentes institutions et les commissaires qui ont en charge ces institutions. C’est une question de pouvoir et de reconnaissance. Je sais très bien par exemple, que depuis que le Frac Bourgogne a acheté une de mes œuvres (2), je n’ai aucune chance d’être contacté par le Consortium pour exposer. C’est a priori l’artiste qui pâtit de ces situations mais je ne pense pas que cela l’empêche d’exister. Un bon travail reste un bon travail, même s’il n’est pas exposé. Ce n’est pas sur le moment que l’on juge le travail d’un artiste. Je veux dire par là que le travail d’un artiste doit être resitué dans son contexte historique et que c’est ainsi que l’on peut juger de son importance. Ce n’est pas le lieu ou les lieux dans lesquels
Fabrice Gygi Mur de sacs, 1994 cordura, papier journal, bois Migraçoes : Sâo Paulo, Museu de Arte © Ana Moraes, Sâo Paulo
il est exposé qui est déterminant. Si un commissaire peu se priver de montrer le travail d’un artiste, c’est dommage pour lui, pas pour moi. J.G. : Pensez-vous alors que l’on puisse se priver de la figure du commissaire ? F.G. : Non, je ne pense pas, comme je ne pense pas, par ailleurs, que le commissaire soit un artiste refoulé, qui vivrait par procuration. Les commissaires sont des gens qui ont la passion de l’art. Leur rôle n’est pas facile car leur rapport à l’art est avant tout un plaisir intellectuel. Rares sont les commissaires d’exposition qui ne soient pas aussi des critiques d’art, et cette dimension intellectuelle est importante pour les artistes. L’artiste est avant tout un praticien et sa seule satisfaction est de produire. Lors des échanges avec un commissaire ou un galeriste, l’artiste voit souvent de nouveaux horizons s’ouvrir sur son travail. Cela lui permet de comprendre souvent le sens de sa production, de la situer dans un cadre social et idéologique, et c’est important pour lui. En revanche, je pense que les commissaires devraient s’intéresser de plus près aux lieux d’exposition alternatifs et être curieux des initiatives privées et « underground ». Établir des ponts entre ces lieux et les institutions me paraît être aujourd’hui l’une de leurs principales missions, afin que tout le monde puisse prendre en compte ce qui se fait de naissant. Entretien réalisé par Jérôme Giller 1. Harm Lux s’occupe du lieu Shed im eisenwerk à Frauenfeld (Suisse). 2. Tribune, 1995, Collection Frac Bourgogne.
L’histoire est en cours « REDONNER LA PAROLE AUX ARTISTES » Qui ne connait pas dans le milieu de l'art contemporain français, l'inlassable et débordante activité d'Eric Troncy, concepteur et réalisateur de nombreuses expositions durant la dernière décennie, rédacteur en chef de la revue Documents sur l'art, essayiste et critique dans de nombreux médias (Les Inrockuptibles, BeauxArts, ...) ? Qui n'a pas remarqué avec quelle habileté, lui et d'autres partenaires de la même génération ont su tirer parti de polémiques conservatrices et maladroites pour mieux baliser un territoire, organiser des ripostes appuyées sur des positions théoriques intelligemment étayées et concertées ? La lecture du recueil de ses essais (1) paru récemment est instructive à plus d'un titre : en effet, Eric Troncy justifie ses activités comme une prise de position critique vis-à-vis de certains processus de production d'expositions (de groupe), dans lesquels le “commissaire” compose une sorte de partition soigneusement équilibrée et dosée de différentes œuvres, désamorçant toute proposition conflictuelle et dérangeante. Il dénonce la tendance de certains à produire une lecture subjective et artificielle des divers courants, à regrouper des œuvres sous des thèmes trop arbitraires, à utiliser l'art comme « lubrifiant social » ou adjuvant décoratif. « Redonner la parole aux artistes » est son objectif majeur ; ainsi l’exposition Surface de réparations s'affirme non comme une présentation a posteriori d'œuvres, mais a priori d'artistes. Si l'analyse critique du milieu de l'art en France faite par Eric Troncy est souvent pertinente et justifiée, il n'est pas absolument sûr qu'il ait toujours évité les écueils qu'il dénonce avec tant d'acuité. Ce qui est très intéressant, par contre, c'est l’intérêt que ce commissaire de la “jeune génération”, porte envers certaines expériences faites par une génération antérieure d'artistes. Ainsi rappelle-t’il très opportunément la « formidable expérience que fut À Pierre et Marie, une exposition en travaux qui s'est développée de janvier 1983 à octobre 1984 » dans une église désaffectée, appartenant à l’Institut Pierre et Marie Curie, 36 rue d'Ulm à Paris.
PUBLIC ET LES ACTIVITES DE PHILIPPE CAZAL, ARTISTE. « J'ai créé la revue PUBLIC après la première ouverture de l’exposition À Pierre et Marie. Dans cette exposition, les organisateurs proposaient aux artistes de “faire” et de montrer autrement le travail ; nous sommes nombreux à l’avoir fait. Dans cette période il y avait peu de choix, peu d’initiatives. Créer un support pour rendre compte de nos activités, montrer des œuvres, mettre le focus sur des artistes peu médiatisés. C’était le but. Un esprit différent, une maquette différente, il était temps de nous montrer différemment » dit Philippe Cazal. « A la différence de la situation actuelle, le contexte de l'art contemporain en France était très peu ouvert aux jeunes artistes ». Un peu d’histoire : en 1982, Bob Calle, collectionneur, directeur de l'Institut Pierre et Marie Curie, informe Sarkis que cette ancienne chapelle appartenant à l’institut est un lieu vacant. Celui-ci prend l’initiative et avec la complicité de Michel Claura, Daniel Buren, Jean-Hubert Martin et Selman Selvi (2), ils décident ensemble de monter un projet inédit basé sur de nouveaux rapports, les artistes contactés (ils seront soixante-neuf à répondre positivement à l'appel, sur toute la durée de l’exposition, de janvier 1983 à décembre 1984) vont gérer leurs interventions dans ce lieu jusqu'à la fermeture de la chapelle pour démolition, en vue de la construction d’un nouveau bâtiment pour l’institut. Les conditions financières étant très serrées, les premières sommes vont pour un éclairage efficace du lieu (très sombre), mais aussi pour la réalisation matérielle des œuvres et la location de matériel. « Nous avions l'envie, forte, de faire vivre cette expérience, nous avons essayé d’assumer ce fonctionnement de responsabilité collective. Il n’y avait pas de vernissages, les organisateurs avaient proposé des ouvertures. Il y en a eu dix, sur toute la durée. L’ouverture était toujours un dimanche à 11h, l’heure de la messe ! Il y avait énormément de monde à tous ces rendez-vous : artistes, amateurs, collectionneurs, professionnels français et européens (et quelquefois outre-atlantique), institutionnels, journalistes, critiques. Louise Lawler dira même « Une église déconsacrée n'est pas un mauvais lieu pour questionner un système de croyance » ; ce n'était pas le cas du milieu en place et même des revues, trop habituées au système classique musées-galeries. C’est dans ce contexte que j'ai créé la revue Public. Le numéro 1 a fait événement dans la presse spécialisée avec sa maquette très soignée, les œuvres reproduites en grand format et la couverture avec une photo-souvenir de Daniel Buren (c’est la première fois qu’une revue française propose sa une à Daniel Buren !) ». Dans les deux premiers numéros, on trouve un reportage sur les nombreuses interventions de l’exposition À Pierre et Marie, mais aussi des articles sur les travaux de ces artistes ou sur d'autres artistes — d’autres propositions intéressantes. (3)
Ernest T A Pierre et Marie, Une exposition entravaux, sept. - oct. 1984 36 rue d’Ulm, Paris 5e © Dorothée Fraim
« PUBLICATION À PARAÎTRE (SI) NÉCESSAIRE », EXTRAIT DE L’ÉDITORIAL DU N° 1 « Dans le numéro 3 (septembre 1985), on peut voir huit pages de photographies de mode : Des corps dans le décor. À ma demande nous avons organisé avec et chez Ghislain Mollet-Viéville, agent d’art, une mise en scène particulière : des mannequins d’agence de mode posent sur ou devant des œuvres de la collection G. M-V. ». Perturbation, la lecture des œuvres est troublée, les légendes mentionnent les œuvres et non les vêtements que portent les modèles. Elisabeth Lebovici a écrit un texte drôle et incisif. Mélange des genres : art, publicité, mode. Le quatrième numéro de Public constitue, en janvier 1989, un prolongement aux expériences de À Pierre et Marie cinq ans auparavant. Il s'agit pour Jacques Guillot, directeur alors du Magasin à Grenoble, pour Nadine Descendre (cinéaste, journaliste et critique d’art) et moi-même, d'organiser une exposition dans une revue, une expérience nouvelle, programmée comme une vraie exposition, regroupant des œuvres choisies d’artistes français. Le titre : Il n'y a pas d'«art français», une exposition dans une revue (4) se veut une réponse ironique et critique au cliché qui traîne dans le milieu de l'art international. Nadine Descendre montre dans son introduction qu'il n'y a plus depuis le Nouveau Réalisme en France et son inventeur Pierre Restany, de groupe constitué (...et repéré par des critiques “tendance très sur le devant de la scène“. L’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre et les États-Unis nous ont habitué à ces grandes manœuvres), mais beaucoup d'individualités positionnées sur des trajectoires singulières ont en commun une certaine « capacité de résistance » face à la modélisation du marché de l'art. Il s'agit de faire de cette difficulté de repérage une force, de permettre l'identification et la visibilité d'un choix d'artistes, et enfin de faire le lien entre les acteurs de l'expérience parisienne et ceux plus jeunes, formés en grande partie au Magasin et à l'Ecole des beaux-arts de Grenoble, comme les artistes Negro/Geoffroy/Joumard et Joisten/Parreno/Joseph, encore peu connu(e)s. La particularité consiste à proposer une exposition dans une revue. Deux parties : une exposition avec un choix d'œuvres de chacun des dix-neuf artistes, présentées dans un espace visuel et textuel spécifique, et un album, sorte de bibliographie par l'image, le tout [volontairement] en bichromie noir et blanc, et enfin un texte en introduction qui « ne se veut ni critique, ni démonstratif, à une époque où l'on peut se demander si la critique est encore possible et si elle n'appartient pas exclusivement aux artistes ». (5) « Cette option de la revue (objet de promotion) pour échapper au lieu de monstration traditionnel n'est pas nouvelle : nous nous inspirions des conceptions de diffusion et de présentation des artistes conceptuels : Seth Siegelaub, en janvier 1969, propose une exposition sous la forme d'un catalogue rudimentaire de 24 pages (6) ; l’exposition a lieu uniquement dans l’objet catalogue ». Le fil conducteur qui réunit les artistes présentés dans Il n'y a pas d'«art français», est que l'on doit penser l'art, son mode de production et de réception sans escamoter le formel. « Pour nous, il s'agit de défendre le retour au visuel comme une valeur fondamentale. Et les pages d'un livre ou d'un catalogue s'ouvrent d'autant mieux aux œuvres que celles-ci sont travaillées avec et pour la médiatisation, ses objets et s e s images, en sur une s'appuyant pensée visuelle en tant qu'opération cérébrale, décomposant et recomposant pour l'œil une manière de penser, “sans les mots, dans les choses“, sans jugement, dans les faits ». (7) UNE « EXPOSITION » TRÈS EXPOSÉE (8) « Déplacer le lieu de consommation des œuvres, le réactiver dans l’espace d’une revue, faire voir et penser l'art autrement, constituèrent notre motivation. Démultiplier et exporter l’exposition en six endroits (Grenoble, NewYork, Cologne, Londres, Prato et plus tard Montréal), faire accepter aux différents espaces de jouer à fond notre proposition — c’est-àdire vider les lieux de réception de l’exposition de toute œuvre — avec pour toute installation : tables et chaises pour permettre les échanges, fut un aspect 8
Ci-dessous : Carte d’invitation de l’exposition Il n’y a pas d’«art français», Magasin/Cnac, Grenoble, 1989 Artistes : Richard Baquié, Bazilebustamante, Jean-Marc Bustamante, Philippe Cazal, Gérard Collin-Thiébaut, Jacqueline Dauriac, Ernest T, Jacques Fournel, IFP, Joisten/Joseph, Parreno, Joumard/Negro/Geoffroy, Bertrand Lavier, Ange Leccia, Les Ready Made appartiennent à tout le monde, Marylène Negro, Philippe Perrin, Patrick Tosani, Michel Verjux, Jean-Luc Vilmouth
important, complémentaire à cette exposition. Chaque lieu a envoyé une carte d’invitation spécifique, une régle commune. Les nombreux invités étaient conviés à une situation exceptionnelle, rien à voir sur les murs, toute l’exposition est dans la revue, tout est à discuter avec les artistes présents. Les boissons variaient suivant les lieux, puisque le public a bu du champagne au Magasin à Grenoble (14 janvier), du vin blanc à la Dia Art Foundation à New York (19 janvier), de la bière à la galerie Esther Schipper à Cologne (27 janvier), du spumante au Museo d’arte contemporanea de Prato en Italie (4 février) et tea and cakes à la Anthony Reynolds Gallery à Londres (20 février), ...et, pour une fois, le public était invité à emporter l'exposition sous le bras ». Cette activité artiste-commissaireéditeur est issue sans doute du travail multiforme antérieur mis en pratique par le groupe Untel, aussi de la certainement performance d'exposer à New York des artistes français dans neuf lieux différents : Une idée en l'air novembre 1980 avec Daniel Buren, Bertrand Lavier, Sophie Calle, Jacqueline Dauriac, Jacques Fournel, Patrick Saytour, Didier Bay, Untel, etc. (9), Bertrand Lavier y a exposé ses premiers objets repeints et Sophie Calle Les dormeurs et les photos du South Bronx. Cet intérêt sur les conditions de monstration et de réception des œuvres d'art fait partie intégrante de ma démarche. Un état d’esprit que l’on retrouvera dans l’exposition Génériques, Le visuel et l’écrit, 1992, proposée par Nadine Descendre, à l'Hôtel des arts à Paris, avec une exposition, des salles d’archives et un programme de groupes de recherche. En 1994, la commissaire présentera une exposition Le Saut dans le vide à Moscou avec plus de 350 œuvres, 128 artistes, dont Daniel Buren, Annette Messager, Patrick Saytour, Jacques Fournel, IFP, General Idea, etc. Philippe Cazal fera œuvre commune avec Daniel Buren. Et aussi, une action-intervention très remarquée à la une de La Pravda de Moscou, en date du 18 mai 1994. PC négociera toute une journée dans les bureaux du quotidien moscovite, l’achat d’un espace publicitaire, où sera imprimé en français le générique de son travail : L'artiste dans son milieu. Lorsque nous lisons le C.V. de Philippe Cazal, nous voyons qu'il a regroupé, malicieusement, toutes ses activités d'artiste-commissaire-agent sous la rubrique Faits divers. Nous devrions nous méfier, car l'artiste aime jouer avec les mots ! Comme tous les commentateurs de son travail, nous admirons avec quelle pertinence PC (marque faussement déposée par son auteur) s'assume et s'expose sur le devant (et le derrière) de la scène. Il se joue de fausses pistes qu’il envoie comme des flèches : faux publicitaire, faux fabricant de produits de luxe avec tous les accessoires, fausse marque déposée, fausse carte d’invitation (voir Philippe Cazal, Fauves, 1981), etc. Mais sous la rubrique des faits divers se cache, en coulisses, la posture plus modestement anonyme, essentielle (Philippe Cazal et son double PHILIPPE CAZAL) et complémentaire de l'individu Philippe Cazal. « Par ce trait, nous pouvons prendre la mesure d'une modalité critique émancipée de tout ressentiment, et d'une disposition non dogmatique pour le double langage et les registres simultanés ; le désir et l'idée, la distance et l'adhésion, l'essence et la surface. Ainsi cette capacité de résistance n'est possible que conjointe au risque ». (10) « Il faut bousculer son propre travail. Il faut le miner pour qu'il soit cohérent. Il ne faut pas se poser des questions dont on sait les réponses ». (11) Marie-France Vo
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Ce texte n'aurait pu être écrit sans la collaboration de PC et sans les documents qu'il nous a transmis. Philippe Cazal expose actuellement Les litanies au C.N.E.A.I. (Centre national de l'estampe et de l'art imprimé) à Chatou, du 23 avril au 18 juin 2000. Extrait du communiqué de presse : Les litanies peuvent être vues, lues ou entendues. Les litanies sont des listes autonomes de mots et groupes de mots. Chaque liste évoque un scénario avec amorce et chute. Malgré l’apparente incohérence d’une ligne à l’autre, Les litanies se font l’écho d’une actualité géographique, politique, économique et sociale. Procédé de fabrication des litanies : des mots et groupes de mots sont identifiés à la lecture des journaux Le Monde et Libération. Ils proviennent de l’actualité des titres et des sous-titres. Ils sont découpés au fil des semaines puis stockés en vrac. Par la suite, ils sont étalés sur une surface plane pour en faciliter la lecture d’ensemble et procéder à des choix, afin de constituer des listes. Chaque liste, de dimension variable, est retranscrite sur ordinateur avec une typographie neutre et unique. Dans l’exposition, Les Litanies peuvent être vues et lues et pourront être entendues.
1. Éric Troncy. Le colonel Moutarde dans la bibliothèque avec le chandelier (textes 1988-1998). Les presses du réel, Dijon, 1998. p. 161-174. 2. Après le premier groupe qui a coordonné les présentations de la première année, c'est un autre groupe, constitué de Jacqueline Dauriac, Gilles Mahé, Nadine Moëc, Felice Varini, Bertrand Wicquart et moi-même, qui a assumé la coordination jusqu'à la clôture de l'expérience, le dimanche 21 octobre 1984. 3. L'examen de la liste des participants montre l'émergence parmi des artistes internationaux déjà confirmés, des travaux de Sophie Calle, Pascal Convert, Hubert Duprat, Ange Leccia, Gilles Mahé, Nathalie Talec, etc. 4. Il n'y a pas d'«art français», une exposition dans une revue, ce titre mal interprété dans sa version sonore, peut [volontairement] influencer un mauvais positionnement des guillemets dans la version visuelle et évidemment en changer le sens... notes d’observation à l’attention d’un « milieu » mal-voyant et malentendant, en milieu” de l’art. 5. Nadine Descendre. Il n'y a pas d'«art français», in Public, Archives contemporaines internationales, n°4, 1989. 6. Titre : January 5-31, 1969. Artistes : Barry, Huebler, Kosuth, Weiner. Format : 21 x 17,5 cm. 7. Nadine Descendre. Il n'y a pas d'«art français», in Public, Archives contemporaines internationales, n°4, 1989. Eric Troncy dans son essai : « Il n'y a toujours pas d'art français », in catalogue : Images, Objets, Scènes, L’Art en France depuis 1978, Le Magasin, CNAC, Grenoble, 1997, se réfère à cette expérience pour lui exemplaire et située huit ans auparavant dans le même lieu. 8. Texte inscrit sur le bandeau rouge entourant le numéro 4 de la revue Public. 9. Les lieux d’expositions : PS1, The Clocktower, Artist Space, Franklin Furnace, Alternative Museum, Fashion Moda, White Columns, Grommet Studio, Creative Time. Philippe Cazal, concepteur et organisateur d’Une idée en l’air. 10. Frank Perrin. Cazal-city, in Anssenraum Innenstadt (catalogue de l’exposition), Sprengel Museum, Hanovre, 1991. 11. René Viau. Philippe Cazal de A à Z, Parachute, n°48, Montréal, automne 1987, p.16-20.
Sarkis « 21.01.2000 - 09.04.2000 » interview
L’exposition monographique de Sarkis qui s’est tenue au capcMusée d’art contemporain de Bordeaux du 21 janvier au 9 avril 2000 investissait l’ensemble du lieu. La grande nef était plus particulièrement occupée par de petites estrades sur lesquelles étaient installés des tapis issus de pays en conflits. Ces tapis permettaient l’installation confortable des visiteurs qui pouvaient ainsi observer des vidéos de l’artiste. Chaque estrade possédait un téléviseur. Un son de gong oriental annonçait le début des films, plongeant la grande nef dans une atmosphère de concentration et de recueillement. Ce lieu, fragment de l’exposition était aussi, trois après-midi par semaine, le terrain de rencontre de l’artiste avec les visiteurs. Tous étaient libres d’interroger Sarkis et d’engager ainsi des conversations et des questionnements sur l’art et le travail de l’artiste. C’est à cette occasion que j’ai réalisé l’interview, en présence de Henri-Claude Cousseau, directeur des Musées de Bordeaux.
Vue de l’exposition Sarkis « 21.01.2000 - 09.04.2000 » capcMusée d’art contemporain, Bordeaux © Frédéric Delpech
Sandra Flouriot : Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amené à concevoir l’exposition au capcMusée d’art contemporain de Bordeaux ? Sarkis : Jusqu’à présent, et je ne sais pour quelles raisons tous les artistes ont abandonné leur exposition après le vernissage. Concevoir une exposition, après vingt ou trente ans d’expérience, demande beaucoup de temps et d’engagement, c’est un réel travail qui se construit sur un projet et le vécu de l’artiste. J’ai donc pris conscience qu’il était dommageable de s’investir dans une telle expérience et de l’abandonner après le vernissage. Pour le projet du capcMusée d’art contemporain de Bordeaux, j’ai voulu accompagner l’exposition jusqu’à son terme, c’est-à-dire non plus le premier jour mais jusqu’au dernier jour de l’ouverture au public. Cette idée m’est venue il y a cinq ans, après une exposition que j’avais eue en Allemagne. Des guides professionnels m’ont rencontré afin de pouvoir expliquer mon travail au public. J’ai compris qu’en passant par leur intermédiaire je ne pouvais pas connaître ce public. Peu avant la fin de l’exposition, on m’a informé que 120 personnes avaient demandé à me rencontrer. J’ai saisi l’opportunité et je me suis rendu en Allemagne. D’après les questions qui m’ont été posées, j’ai réalisé que j’avais éventuellement raté quelque chose et que j’aurais pu venir entre-temps afin d’alimenter la curiosité du public. Mais cette exposition n’était pas préparée pour ça. Dans le rapport entre le public et mes travaux, il n’y avait pas d’espace pour moi. A partir de ce moment là, j’ai commencé à réfléchir à l’exposition suivante en tant que lieu où il serait possible de discuter avec le public. L’exposition du capc est très horizontale et fonctionne par l’accueil des visiteurs sur des espaces de réflexion où l’on peut s’asseoir. Etant donné que je suis très attaché à l’idée de travailler avec des jeunes, j’ai décidé d’en accueillir un tous les matins (étudiant ou jeune artiste), afin de discuter avec lui durant trois ou quatre heures. Pendant ce laps de temps, nous parlons de son travail, je le conseille tout en sachant que je ne vais plus le revoir. Dans une école d’art, on se voit par fraction, on n’élargit pas l’espace et le temps. Ici, nous nous concentrons intensément, nous discutons et essayons de sortir un travail, ce qui est beaucoup plus proche de ma propre démarche. Le matin est réservé aux jeunes et l’après midi au public. J’aime beaucoup ce contraste, le matin est un moment privé alors que l’après-midi est public.
S.F. : Comment a été conçue cette exposition par rapport à l’institution ? Au sujet de sa réalisation, quelle a été votre part d’autonomie, s’agit-il d’un travail de collaboration ? Sarkis : Au début, quand vous imaginez une exposition, vous vous laissez couler, vous avez beaucoup d’images à formuler. J’ai commencé à assumer le projet du capc il y a deux ans et demi. Il y avait d’abord des conditions budgétaires précises. C’était aussi aux commissaires de me donner des limites, de me dire : « maintenant c’est trop, on ne peut pas ». L’exposition est d’abord un endroit de rencontres, de paroles. Vue de l’exposition Sarkis « 21.01.2000 - 09.04.2000 » Henri-Claude Cousseau : C’est un dialogue © Frédéric Delpech, capc, Bordeaux presque quotidien, au moins hebdomadaire. Nous nous rencontrons, nous en parlons, l’artiste expose, l’institution répond. C’est une construction à deux parties, et c’est vrai qu’il y a des moments, où l’on perçoit que le projet peut excéder ou non les limites budgétaires fixées au préalable. Je trouve d’ailleurs ces questions abominablement prosaïques. L’exposition se bâtit au fil des jours et cela même si elle se construit à partir d’un projet global qui est l’intention, le projet de l’artiste bien sûr. Sarkis : Comme vous l’avez sûrement senti, je travaille avec le cœur du bâtiment et aussi avec l’architecture, mais avec le personnel qui anime cet endroit. Je peux dire que j’ai énormément travaillé avec les gens qui sont ici, y compris les gardiens. Tout s’est construit autour de l’esprit de collaboration. Je n’aime pas donner des ordres. Ainsi, par rapport aux ouvriers qui ont travaillé ici, je leur disais quelles images j’avais dans la tête, je dessinais, j’exprimais mon désir, mais je n’ordonnais jamais. H.-C.C. : Il faut peut-être ajouter que toutes les expositions ne sont pas de cette nature, ne reposent pas toutes sur un dialogue entre l’institution et l’artiste. Quand c’est le cas, ça se passe bien ou pas. En l’occurrence tout s’est très bien déroulé parce que Sarkis a effectivement accepté de dialoguer avec tout le monde. Sa présence ici a beaucoup modifié la perception du projet par notre équipe. Mais il y a des projets qui reposent sur d’autres difficultés que celle là. La prochaine exposition au capc que propose Madame Bernadac, commissaire, repose sur un dialogue avec 75 artistes. Dans ce cas, il est hors de question que toute l’équipe du musée soit en permanence en dialogue avec ces personnes. Ce sera au conservateur de gérer comme un chef d’orchestre les différentes parties et de les contenir afin que tout se passe correctement. S.F. : De jeunes commissaires travaillent aujourd’hui leurs expositions comme des lieux d’assimilation des œuvres d’art, partant du constat de l’émergence de ce débat, quelle est pour vous la relation artistecommissaire ? Que pensez vous de ce débat d’actualité ? Sarkis : Jusqu’à présent, aucun commissaire n’est venu me voir en me disant : « je prends tes histoires et tu restes à la maison ». Cela veux dire que je suis encore vivant et qu’ils me respectent. Mais il faut savoir que je parle beaucoup de la notion de statut. Il faut que l’œuvre ou la chose trouve le sien. Par exemple, Adorno, philosophe-musicologue, voulait être musicien. Il a travaillé avec Schœnberg, jusqu’au moment où il a senti qu’il n’était pas un musicien créateur. Il est alors devenu musicologue, philosophe. Il ne singeait pas. Il faut savoir qui on est. Je ne crois pas qu’une personne puisse tout faire. Un commissaire reste un commissaire, et s’il y en a qui veulent remplacer les artistes, on verra bien comment ils feront. H.-C.C. : On n’a pas encore vraiment vu des commissaires devenir des artistes, au sens total et définitif de la question. Sarkis : Mais il y a certains commissaires qui disent qu’ils sont des artistes quand même. H.-C.C. : Notre époque est quand même marquée par une interférence qui mènera peutêtre à quelque-chose que l’on ignore encore et qui n’existe pas. Je ne suis pas contre, à condition que l’enjeu soit autre que celui du pouvoir. S’il est intellectuel, artistique, identitaire, alors je ne suis absolument pas contre. Lors d’un accrochage, on entre dans une intimité avec les œuvres. On peut certainement se tromper, car chacun a sa propre sensibilité. Je crois que l’on fait un effort de mimétisme et de fusion qui est tel, que la décision s’apparente à un domaine qui relève de l’artistique. Et d’ailleurs, quand on s’entend avec un artiste comme c’est le cas, je crois, avec Sarkis, on fusionne, on sent les choses. Il y a un dialogue de construction, d’invention, qui a aussi à voir avec la poésie de la création. Sandra Flouriot Rencontre avec l’artiste Sarkis « 21.01.2000 - 09.04.2000 » capcMusée d’art contemporain, Bordeaux © Frédéric Delpech
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Jean Dupuy : Les bonnes à tout faire avec Madame la Marquise. Interface, Dijon, 28 - 30/10/96
Interface / Ipso-Facto Philippe Cazal TILT. Interface, Dijon, 24/04 - 22/05/99
l'exemple des réseaux alternatifs
Franck Pellissier, Philippe Szechter Ipso Facto, Nantes, 16/10 - 06/11/99
Les galeries parisiennes et les institutions sont accusées de monopoliser la monstration de l'art contemporain en France, les jeunes créateurs se trouvant souvent condamnés à faire du porte-à-porte, leur dossier sous le bras... Avec la volonté de provoquer les choses, les impulsions alternatives se développent depuis quelque temps déjà, un peu partout en France. Par exemple, deux galeries — qui n'en sont pas vraiment au sens classique du terme, Interface à Dijon et Ipso-facto à Nantes, au parcours similaire, proposent une autre façon d'exposer l'art d'aujourd'hui. Agnès Geoffray Fase. Interface, Dijon, 28/05 - 28/06/98
Emnauelle Radzyner Interface, Dijon, 10/04 - 08/05/98
Putain
de
commissaire
!
Il interpelle à la Moulin : rapide et brutal. Il analyse la tendance raide et froid tel un Derrick. Il donne des leçons de morale et d’éthique façon Navarro. Il tire sans sommation mais ses bavures ne sont jamais condamnées : dans ce milieu, la police des polices est inefficace. Son réseau d’indicateurs est puissant, il travaille en « famille » comme les Cordier. Il s’acharne sur les subventions à la manière de Colombo sur son suspect. Il pratique la garde à vue de façon abusive et l’artiste relâché sera toujours sous contrôle judiciaire. Quand le ministère veut des résultats et qu’il n’a pas de nouveaux suspects, il ressort des anciens. En fin de carrière, c’est un pacha style Maigret, il est resté charmeur façon Magnum mais a laissé de côté son look Starsky & Hutch. Il a déjà préparé sa retraite, un poste de prestige, Interpol à Genève ! Olivier Nerry 11
Si, à Dijon, les "locataires" de l'appartement-galerie Interface se succèdent depuis 5 ans, à Nantes, c'est un ancien magasin de fleurs qui fut réaménagé en 1998, pour offrir une salle d'exposition au rez-de-chaussée avec devanture en vitrine et un salon, aux dimensions modestes, au premier étage. Pour ces deux lieux, une même démarche : frais émoulus de l'Ecole des Beaux-Arts, les jeunes artistes décident de se prendre eux-mêmes en main et de créer une association afin de monter leur propre espace d'exposition. Ils préfèrent dépenser leur énergie à mettre en place une structure plutôt que de démarcher galeries et institutions. Naturellement, créer une telle structure est l'occasion pour ces nouveaux diplômés de s'exposer eux-mêmes. Mais, une fois les plâtres essuyés, les artistes, comblés sur l'instant, ne s'arrêtent pas pour autant. Ils se transforment en maîtres d'un lieu d'exposition, un lieu qu'ils veulent éclectique, ouvert au plus grand nombre, résident ou visiteur. Avant d'être un espace d'exposition, Interface et Ipso-facto sont des lieux qui résonnent de leur ancienne fonctionnalité. Pas besoin d'installer une convivialité esthétique, d'implanter du "relationnel" dans ces lieux ou de forcer les échanges. Dès l'origine, et comme une nécessité première, les initiateurs de ces lieux ont conçu leur espace comme ayant une identité, comme étant un milieu dynamique non dénué d'une certaine ambiance.
Frédéric Buisson & Olivier Nerry Ipso-Facto, Nantes, 27/11/99 - 08/01/00
Maxime Touratier, Marika Bührmann Ipso-Facto, Nantes, 15/01 - 05/02/00
Ici ou là-bas, on ne veut pas entendre parler d' "écurie d'artistes" ou de politique culturelle. Le choix des artistes et la programmation des expositions se font essentiellement sur des coups de cœur, au gré des rencontres et des envies. On s'attache avant tout à faire connaître et à diffuser un travail, l'œuvre d'un artiste. Pour le jeune diplômé, ces espaces, beaucoup plus accessibles, sont bien souvent l'occasion d'une première expérience dans le monde des galeries. Mais il n'est pas interdit pour autant d'accueillir des artistes confirmés qui trouvent là, le moyen de s'exprimer avec beaucoup moins de contraintes et de pression. Dans la conception de son exposition, toute latitude est laissée à l'artiste, derrière lequel les organisateurs se retranchent, tout en rappelant les exigences du lieu dont ils sont les gardiens. Ainsi, Interface privilégie la création in situ, l'artiste devant tenir compte de l'appartement, qui doit garder sa fonction de logement privatif habitable. IpsoFacto préfère le choc de la confrontation, présentant dans une même salle d'exposition le travail de deux artistes qui ne se connaissaient pas auparavant. Pour les organisateurs, eux-mêmes artistes, le moment privilégié reste bien évidemment celui de l'accrochage qu'ils ne peuvent concevoir sans la présence et la participation active de l'intéressé. Ouvertes à toutes propositions, les deux associations n'hésitent pas à dépasser la sphère locale et à constituer un réseau de contacts avec des artistes et avec d'autres structures du même type. C'est ainsi qu'elles se sont rencontrées et ont décidé de mettre en place un échange artistique : en décembre dernier, Ipso-Facto avait invité Interface à s'exposer au public nantais, et c'est en juin prochain que les Dijonnais leur retourneront l'invitation. L'exemple des galeries Ipso-facto et Interface n'est pas unique. Partout en France, des lieux identiques permettent une diffusion de l'art au sein d'un réseau qui se propage et se développe en marge, mais tout en étant aussi sérieux et intéressant que les structures classiques. Il serait regrettable d'ignorer ces initiatives qui comblent le fossé qui existe entre les artistes et une certaine idée du marché de l'art.
Antoine Sausverd
Emmanuel Licha, Christelle Familiari Ipso-Facto, Nantes, 04 - 25/03/00
Ipso-Facto 56, Bd Saint-Aignan, 44000 Nantes tél. 02 40 69 62 35 Interface 104 rue de Mirande, 21000 Dijon tél./fax 03 80 65 19 07
HORSD’ŒUVRE n° 7 édité par l’association INTERFACE 104 rue de mirande 21000 Dijon tél. / fax 03 80 65 19 07 e-mail. interface@fr.europost.org
auxerre
Artothèque, Musée d’art et d’histoire
2 bis place St-Germain - 89000 Auxerre ouvert de 10 h à 18 h 30 sauf mar. 10 h - 12 h / 14 h - 18 h à partir du 01/10 tél. 03 86 51 09 74 ➤ Frédérique Lucien : 09/07 - 09/10/00
Comité de rédaction : Luc Adami, Laurence Cyrot, Jérôme Giller, Guillaume Mansart, Michel Rose, Antoine Sausverd, Fabienne Tainturier, Marie France Vô Coordination et mise en page : Frédéric Buisson Ont participé à ce numéro : Luc Adami, Laurence Cyrot, Sandra Flouriot, Jérôme Giller, Guillaume Mansart,Vincent Pécoil, Michel Rose, Antoine Sausverd, Marie-France Vô
besançon
Le Pavé dans la Mare
6 rue de la Madeleine 25000 Besançon ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h tél. 03 81 81 91 57 ➤ Sandra Foltz, Laurent Sfar : jusqu’au 20/05/00 ➤ Lin Delpierre : 15/06 - 13/07/00
Couverture : Antoine Sausverd texte extrait de l’interview d’E. Troncy, Le Monde, 21/01/00
Pour l’art contemporain
Publié avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne, du Conseil régional de Bourgogne, de l’association Interface et de l’ensemble des structures annoncées dans l’agenda
Musée Municipal Eglise Saint-Nazaire 71140 Bourbon-Lancy ouvert de 15 h 30 à 18 h 30 Galerie du Vieux Bourbon 14, Rue de l’Horloge 71140 Bourbon Lancy ouvert de 12 h à 22 h tél. 03 85 89 03 70 ➤ Rafaël Mahdavi « Sculptures de 1995 à 2000 » : 08/07 - 31/08/00
chalon-sur-saône
Chalon dans la Rue
Festival Transnational des artistes de la rue - 71100 Chalon-sur-Saône tél. 03 85 48 05 22 ➤ « Festival Transnational » : 20 - 23/07/00 château-Gontier
Chapelle du Genêteil
Rue du Général Lemonnier 53200 Château-Gontier tél. 02 43 07 88 96 ouvert de 15 h à 19 h sauf mar. ➤ « Harmonichaos » Céleste Boursier Mougenot : 13/05 - 25/06/00 ➤ Jean-Michel Sanejouand : 08/07 - 10/09/00
Centre culturel Le Carré
Théâtre des Ursulines Couloir des cellules du couvent des Ursulines - Place André-Counord 53200 Château-Gontier tél. 02 43 09 21 50 ouvert de 15 h à 19 h sauf mar. ➤ « Prières » : 08/07 - 10/09/00 demigny
L’Espace d’Art Contemporain
Place de l’Eglise 71150 Demigny tél. 03 85 49 45 52 ➤ Perry Roberts : 06/05 - 09/06/00 ➤ Thierry Boucton : 22/06 - fin été 2000 ➤ Jean Pfaff : 16/07 - 19/08/00 ➤ Hartmut Böhm : 02/09 - 07/10/00
Impression : ICO Dijon Horsd’œuvre paraît 2 fois par an Tirage 2 000 exemplaires
Centre d’art contemporain
33 rue Raymond Poincaré 57590 Delme tél. 03 87 01 35 61 ouvert de 14 h à 19 h, sauf lun. et mar. ➤ Balthasar Burkhard, Bernard Borgeaud : 17/06 - 03/09/00 ➤ « 70 x 7 Le Repas - Acte IV» Lucy Orta : 02/07/00 (Dieuze, Centre ville)
issoire
Le 10 neuf
19 Avenue des Alliés 25200 Montbéliard tél. 03 81 94 43 68 ouvert de 14 h à 19 h du mar. au sam. le dim. de 15 h à 19 h ➤ « Buenod Aires in & out » C. Antoniadis, O. Blasi, F. Burgos, R. Fuertes, D. Ontiveros, M. Reyna, P. Siquier : 29/06 - 03/09/00
Association Art Contemporain
Centre Nicolas Pomel - 63500 Issoire ouvert tous les jours de 10 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h 30 tél. 04 73 89 07 71 ➤ « Cinq propositions » Marc Camille Chaimowicz : 01/07 - 13/09/00
Atelier Cantoisel
32, Rue Montant au Plalais 89300 Joigny ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h - sur rdv le dim. matin, lun. et mar. tél. 03 86 62 08 65 ➤ « Support mémoire, 20 années d’art contemporain » Viallat, Dezeuze, Pincemin, Buraglio, Bordaries, Gerbaud, Madé, Tastemain... : 10/06 - 17/09/00
Frac Lorraine
dijon
Interface
104 rue de Mirande, 21000 Dijon tél. 03 80 65 19 07 ouvert sur rdv ➤ J.-F. Guillon, J.-F. Courtilat, J.-F. G : 28/05 - 14/07/00
Frac Bourgogne
49 rue de Longvic, 21000 Dijon ouvert du lun. au sam. de 14 h à 18 h tél. 03 80 67 18 18 ➤ « Italian Paintings 1962 - 1965 » Marcia Hafif : 28/04 - 09/06/00 ➤ « Recherches Limite » coll. Frac Bourgogne : 23/06 - 29/08/00
Galerie Barnoud
27 rue Berlier 21000 Dijon visites sur rdv - tél. 03 80 66 23 26 ➤ « Ciel/Terre » Peter Fletcher : 23/05 - 08/07/00 ➤ Didier dessus : 09/09 - 28/10/00
Musée des Beaux-Arts
Palais des États de Bourgogne 21000 Dijon (Entrée Cour de Bar) ouvert de 10 h à 18 h sauf mar. tél. 03 80 74 52 70 (ou 52 09) ➤ « L’art des collections, bicentenaire du musée des beaux-arts, du Siècle des Lumières à l’aube d’un nouveau millénaire » : 17/06 - 09/10/00 dole
Frac Franche-Comté / Musée des Beaux-Arts 85 rue des Arènes, 39100 Dole tél. 03 84 79 25 85 ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h, sauf lun. (ouvert du mer. au dim. du 01/07 - 31/08) ➤ « Objecteurs/Artmakers » : 15/04 - 04/06/00 ➤ « Dessins anciens de la collection du Musée » : 16/06 - 30/09/00 grenoble
Magasin / Cnac
Site Bouchayer-Viallet 155, Cours Berriat 38028 Grenoble Cedex 1 ouvert de 12 h à 19 h, sauf lun. tél. 04 76 21 95 84 ➤ Christopher Williams, Fabrice Gygi, Michael Smith, Gary Panter : 28/05 - 10/09/00
Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain numéro,une participation de 100 fr minimum est demandée.
Bon de commande Éditions
17, Rue Jean Bonveri 71130 Gueugnon ouvert de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, sauf sam. et dim. tél. 03 85 84 43 52 ➤ « Qui plume la lune » œuvres du Frac Bourgogne : 20/05 - 15/06/00
Rencontre avec E. T
montbéliard
Et se tait Ernest L’essai est-il ra Est-ce ma tasse à Croit-il, est-il a Certains sont dérou sont dépi D’autres D’aucuns sont démon Moi je suis écla Mais mon temps est comp Et je dois me hâ Salu, avec un Ernest, suivi d’un
nice
Galerie Françoise Vigna
3, Rue Delille 06000 Nice ouvert de 15 h à 19 h sauf dim. et lun. tél. 04 93 62 44 71 ➤ « Stras » Ingrid Luche (participation de Jean-Luc Verna) : 21/06 - 29/07/00 ➤ « Le Capital illustré » Jean-Baptiste Ganne : 09/00
T T T T T T T T T T T T
23 mars 2000 - 17 h 30 Forum de la Fnac - Dijon M i c h e l R o s e PS : L’artiste était à l’heure, d’où ces hexamètres pour un maître exact !
pougues-les-eaux
Centre d’Art Contemporain
Parc Saint-Léger, avenue Conti 58320 Pougues-les-Eaux ouvert de 14 h à 19 h sauf lun. et jours fériés - tél. 03 86 90 96 60 ➤ « Avenue Conti » M. Aballéa, P. Corillon, B. Genée, A. Le Borgue : 28/05/00 - 31/08/00
lorraine
delme
Synagogue de Delme /
Maison pour tous/Château d’Aux
joigny
Double page intérieure : Ernest T
bourbon lancy
Restaurant « La Grignotte » 12, Rue de l’Horloge 71140 Bourbon Lancy ouvert de 12 h à 24 h ➤ Estelle Laniol « T’en est où de ton régime ? (je mange, donc je suis) » : 08/07 - 31/08/00
gueugnon
Ernest T / HORSD’ŒUVRE N°7 Peinture sur palette, détail, 2000 600 x 420 mm Impression sur Offset 250 Gr Tirage : 50 exemplaires numérotés et signés par l’artiste + 20 E.A. Prix : 300 Fr (+ 20 Fr de frais d’envoi) Marc Camille Chaimowicz / HORSD’ŒUVRE N°6 Projet de plafond pour l’Hôtel Dieu de Cluny, 1999 600 x 420 mm Quadrichromie - Impression sur Offset ocre 170 Gr Tirage : 99 exemplaires numérotés et signés par l’artiste + 21 E.A. Prix : 300 Fr (+ 20 Fr de frais d’envoi)
7, Place de la cathédrale 57000 Metz Programme détaillé sur les expositions : tél. 03 87 74 20 02 fax 03 87 74 20 56 www.lorraine.webstub.com ➤ Dans le cadre de « Collection été » une série d’expositions de la collection du Frac Lorraine : 05/05 - 31/08/00 Musée Barrois, Bar-le-Duc / Galeries Poirel ; Galerie Lillebonne ; Galerie de Visu, Nancy / Galerie Oeil ; Castel Coucou ; Médiathèque, Forbach / Ancienne huilerie, Maxey-sur-Vaise / Galerie d’art contemporain, St-Dié-desVosges ; Musée Pierre Noël / Galerie des Arts, Blénod-les-Pont-à-Mousson / Musée départemental d’art ancien et contemporain ; La Lune en Parachute Epinal / Synagogue de Delme, Delme / Centre culturel J. Brel, Thionville / Première rue ; Le cube Briey / MJC J. Brel, Dieuze lyon
Musée d’Art Contemporain
81 quai Charles de Gaulle, Cité Internationale - 69006 Lyon tél. 04 72 69 17 18 ouvert de 12 h à 19 h, sauf lun. et mar. ➤ « La collection : Installations l’exotisme sans partage » ; « White Nights (création) » Robert Morris : 09/06 - 17/09/00
Josselyne Naef - Art Contemporain 4 rue Jarente - 69002 Lyon ouvert du mar. au sam. de 14 h 30 à 18 h 30 tél. 04 78 42 22 09 ➤ Frédéric Diart : 16/05 - 19/06/00 ➤ Muriel Olesen : 27/06 - 19/07/00 mâcon
Musée des Ursulines
reims
Frac Champagne-Ardenne
1, Place Museux 51100 Reims tél. 03 26 05 78 32 ouvert de 14 h à 18 h sauf lun. ➤ « Filliou Today » Robert Filliou : 07/04 - 30/07/00 ➤ Uri Tzaig : 28/09 - 19/11/00 s t s a u ve u r e n p u i s aye
89520 Fontenoy-en-Puisaye ouvert de 14 h à 19 h sauf lun. tél. 03 86 44 02 18 ➤ « Contagion » Frédéric Buisson ; « Iron » Joël Weidmann : 07/05 - 25/06/00 ➤ « Masques » Werner Strub ; « Paillasses et Bouffons » Clément : 02/07 - 29/10/00
Frac Alsace
1, Espace Gilbert Estève 67600 Sélestat Ouvert du mer. au sam. de 14 h à 18 h le dim. de 11 h à 18 h tél. 03 88 58 87 55 ➤ « Dites-le avec des fleurs » Anne Ferrer : 07/06 - 13/08/00 ➤ « Le jardin d’Eva Pora » Jean-Luc Brisson : 07/06 - 21/12/00 tanlay
ADAC - Centre d’art de Tanlay
Château de Tanlay 89430 Tanlay ouvert tous les jours. de 11 h à 19 h tél. 03 86 75 76 33 ➤ « Domiciles, de la maison à la ville, de la construction à la ruine » 23 artistes contemporains : 27/05 - 01/10/00
metz
troyes
montbard
Musée Buffon
Rue du Parc Buffon - 21500 Montbard ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h, sauf mar. tél. 03 80 92 50 42 ➤ « De toute nature » œuvres du Frac Bourgogne : 08/04 - 03/09/00
Le travail de Jens Haaning porte, de façon réccurrente, sur la manière dont la société est structurée, et sur les expressions du pouvoir (culturel, économique...) qui la traversent. L'œuvre de Jens Haaning ne porte pas de jugement, elle n'énonce aucune affirmation. Elle fait appel à la faculté de jugement de chacun en tant qu'individu. Une société n'est adulte que lorsqu'elle considère ses citoyens comme tels, et fait conséquemment le pari de leur intelligence. Un pari que le maire de Besançon et le service de l'urbanisme de la même ville n'ont pas jugé bon de faire, ayant interdit, le jour même de l'accrochage, la réalisation du projet en question. Appréhender cette œuvre comme une " provocation ", comme l'a fait le service municipal d'urbanisme de Besançon, puis le Maire lui-même, est bien sûr une parfaite méprise, eu égard à la nature particulièrement engagée socialement et foncièrement progressiste de l'œuvre de Jens Haaning, qui compare lui-même souvent la situation des artistes au sein de la société à celles des immigrés. Jens Haaning : « D'une certaine façon, l'artiste est une sorte de marginal, et il présente des similarités avec les autres marginaux que sont les immigrants, mais la grande différence, c'est que l'artiste, contrairement à l'immigré, travaille comme un média pour la société. On accorde beaucoup d'attention a ce qu'il a à dire avec son travail ou son discours, mais il est rare, par exemple, qu'on demande à un musulman de s'exprimer sur la société. » Il semble par contre qu'il soit beaucoup plus commun de ménager la stupidité ordinaire en période pré-électorale.
thiers
Vallée des Usines - 63300 Thiers ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h les sam. et dim. de 14 h à 19 h, sauf mar. et 16/09 - tél. 04 73 80 26 56 ➤ « Herr monde » Claude Lévêque : 11/06 - 17/09/00 ➤ V. Boudier : 07/10 - 31/12/00
4 rue du change, BP 84131, 57041 Metz Cedex 01 tél. 03 87 37 38 29 ouvert de 13 h 30 à 18 h30 sauf dim. et lun. ➤ « Comme des grands (3) » : 07 - 24/06/00 ➤ « Garde-Robe » Eran Schaerf, Michel Aubry, Natacha lesueur, Erwin Wurm, Franz-Erhard Walther, MarieFrance Uzac, Jean-Jacques Dumont... : 07/07 - 30/09/00
L'installation de Jens Haaning pour la rue du Piémont devait être située géographiquement à la lisière de la zone industrielle et commerciale et du quartier résidentiel de Planoise. La zone industrielle et commerciale est une forêt de signes - enseignes d'hôtels, de grandes surfaces, de restaurants, d'usines, affiches 4 x 3, néons... Le projet de Jens Haaning consistait à placer un caisson lumineux de 7 m par 3m portant une inscription typographiée en langue arabe sur le mur d'un immeuble d'habitation, dans une situation telle qu'elle puisse faire penser à la signalétique du siège social d'une entreprise. Les logos d'entreprise sont étudiés pour être accrocheurs, et sont toujours d'apparence soignée. Le projet d'installation de Jens Haaning reprend cette apparence, en la détournant de sa fonction habituelle. En effet, les logos n'ont pas pour destinataires un « public », comme c'est le cas de l'art, mais des « cibles », en termes de marketing. Ecrit dans une langue majoritairement incompréhensible, et possédant un sens indéterminé, eu égard au contexte, pour ceux qui sont en mesure de la déchiffrer (Ma'lesh signifie : « tant pis », « peu importe » — une expression particulièrement polysémique pouvant exprimer à la fois l'indifférence, la résignation, le pardon ou une certaine rancœur), l'enseigne perd toute fonction commerciale directe, pour ne conserver que la dimension symbolique générique de ce type de signes, qu'elle fait apparaître par cette occasion. Symbole de pouvoirs particuliers, la signalétique d'entreprise devient ici anonyme, ne laissant apparaître que sa fonction dans sa nudité. En rendant l'inscription dans une typographie arabe, Jens Haaning rend également sensible l'absence généralisée de représentation de la culture qui s'y rattache dans notre société.
sélestat
5 rue des Ursulines 71000 Mâcon ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h sauf lun. et dim. matin tél. 03 85 39 90 38 ➤ « Entre l’oubli et la mémoire » objets gallo-romains : 31/05 - 31/12/00 ➤ « Un siècle d’aviron » : 01/07 - 31/12/00
Faux Mouvement
« Ma'lesh »
Crac - Château du Tremblay
Centre d’art - Le Creux de l’Enfer
CAC - Passages
9 rue Jeanne d’Arc 10000 Troyes ouvert de 14 h à 18 h, mer. 14 h à 20 h sauf dim. et jours fériés tél. 03 25 73 28 27 ➤ « Terriblement Forain » Jean-Michel Albérola : 15/06 - 11/08/00 vassivière
Vincent Pécoil
Centre d’Art Contemporain
81120 Ile-de-Vassivière tél. 05 55 69 27 27 ouvert tous les jours de 11 h à 19 h ➤ Jacques Vieille ; « Circumstance » Simone Mangos : 06/05 - 02/07/00 ➤ « La beauté du geste (l’art, le sport, et caetera » R. Buchanan, R. Fauguet, J. Julien, Y. Jusidman, G. Mahé, M. Negro, S. Patterson, P. Rivet, A. Séchas, O. Tourenc, Soussan Ltd/ C. Delage... : 15/07 - 01/10/00
rectificatif
publication
Fabrice Gygi
Catalogue 80 pages - 2000 23,5 x 29 cm - ill. coul. & n./bl. Fr/Angl. - Prix : 195 Fr Coprod. Magasin/Cnac, Galerie B. van Orsouw, Galerie C. Crousel, JRP Editions, Frac Bourgogne, ENSBA de Dijon/L’Office (Rens. 03 80 30 21 27)
Dans l’interview de M.C. Chaimowicz (horsd’oeuvre n°6) vous me faites dire : « Les nouveaux prêtres sont les artistes. » Je pense que M.C.C. a du mal interpréter une phrase que j’ai souvent « pratiquée », tirée d’une interview de C. Boltanski dans ArtPress il y a quelques années : « Les artistes sont les nouveaux saints. » Jean-Paul Guy