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n°27

Quand le rock me monte au nez !

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HORSD’OEUVRE

le journal de l’art contemporain, avril - septembre 2011 dijon ➤ bourgogne ➤ france ➤ europe ➤ ...

WHEN ROCK GETS UP YOUR NOSE!


Sam Durant : Le rock est mort

Sam Durant, Proposal for Monument Friendship Park, Jacksonville, Florida, 2000 Collection’10, Institut d’art contemporain, Villeurbanne, déc.2010 - janv. 2011 © Blaise Adilon

Dans l’introduction de son livre Postproduction, Nicolas Bourriaud présente les années quatre-vingt-dix comme déterminantes dans l’usage de la réappropriation au sein du champ de l’art, évoquant ainsi l’apparition d’une esthétique dite du recyclage. « Les artistes actuels, écrit-il, programment des formes plutôt qu’ils n’en composent : plutôt que transfigurer un élément brut (…), ils utilisent le donné. » 1 Le travail de Sam Durant, largement traversé d’histoire sociale contemporaine, d’activisme hérité des années soixante/soixante-dix et de culture populaire, s’inscrit dans cette tradition récente. Avec ses Proposals for monuments, le rock – dont il se sert pour désigner différents aspects de la société américaine – occupe une place privilégiée : dans la libre expression de leurs choix, c’est une histoire simultanément musicale et sociale que commémorent les visiteurs de ces installations. Né en 1961 à Seattle, Sam Durant est présent sur la scène artistique depuis la première moitié des années quatre-vingt-dix. Diplômé du California Institute of the Arts, il s’est installé sur la côte ouest des États-Unis, à Los Angeles, où il produit une œuvre protéiforme. Du dessin au graphite à l’assemblage d’environnements multimédias, le principal dénominateur commun de sa production se situe moins dans la nature des dispositifs réalisés que dans l’utilisation de ce que produit la société actuelle, dans ce qu’elle érige et impose à la communauté, entre amnésie profonde et glorification outrancière de son propre modèle. Qu’il rejoue l’histoire des pionniers, dans une série de Scenes from the Pilgrim story : Myths, Massacres and Monuments ou qu’il croise les figures d’Abraham Lincoln et de Huey P. Newton, cofondateur des Black Panthers, dans une reformulation iconoclaste du billet de cinq dollars (Proposal for the five dollar bill, 2001), l’artiste envisage avant tout de retirer ce masque vertueux posé sur le visage de l’histoire afin d’en observer sa face cachée, indigne. Un des objectifs de Sam Durant est donc de réintroduire, au sein du white cube – cet espace consacré favorisant l’édification de ce que l’artiste appelle ses « propositions » alternatives, certaines données occultées par la civilisation américaine. Aussi, on peut entendre une partie de l’œuvre de l’artiste comme une subtile forme d’entrisme : un parasitage destiné à questionner les rapports qu’entretient le public à l’histoire collective, et qui s’opère en empruntant le format et le langage d’une culture populaire. Ainsi, d’une manière assez proche de celle de Félix González-Torres – qui entendait disséminer des objets reproductibles, tirés d’une société marchande, pour produire des œuvres d’art publique – les « monuments » de Sam Durant enclenchent un processus de partage symbolique de la part du public. L’une de ses réalisations, intitulées Proposal for monument Friendship Park, Jacksonville, Florida (2000), se présente comme une cabane en bois typique du sud des États-Unis. Adossée à une cimaise, légèrement surélevée, entourée de grosses pierres en résine et d’une poubelle dissimulant des hauts-parleurs, l’œuvre nécessite l’activation du visiteur pour être justement envisagée. Celui-ci est invité à gravir la marche lui permettant d’accéder au seuil de la construction, à s’installer dans les fauteuils de jardin un peu cheap – d’autant qu’ici, ils ont été transformés en rocking chair – et à choisir parmi les vinyles disposés dans des caisses ceux qu’il souhaite installer sur une des deux platines à sa disposition. Installation homogène, le dépaysement suscité par la mise en relation des éléments plastiques est renforcé par ces airs caractéristiques des états du Sud, mélanges de rock et de blues, où se succèdent Lynyrd Skynyrd, Alabama, les Allman Brothers ou encore Wet Willie. Dans la tradition des projets de monuments menés par les artistes à la fin des années soixante (parmi eux Dan Flavin, Claes Oldenburg et Robert Smithson, qui est au cœur de la production de Sam Durant), dont Dan Graham pointait, en 1968, « l’abondance de propositions » 2, l’œuvre conçue par l’artiste est avant tout à percevoir comme une célébration, où high et low culture s’irriguent mutuellement. Mais pas uniquement : il y a dans l’hommage de Sam Durant quelque chose qui pourrait être de l’ordre de la mélancolie ; le sentiment d’une profonde déception portée sur les idéaux d’une génération, incarnés par cette musique. À l’aune de ce qu’annonçaient les grands courants utopiques de années soixante-dix, dont le rock semble ici porter l’écho lointain, Sam Durant dresse un constat amer sur une civilisation en déclin. En cela, l’appropriation culturelle dont il est question plus haut, vient étayer ce qu’on pourrait rapprocher d’une forme de désenchantement postmoderne : il n’y a plus de transcendance, plus de croyances en un soulèvement des masses, et même le rock, symbole d’une jeunesse irrévérencieuse, est devenu un produit commercial comme un autre. Il ne reste que les anciennes idoles, qu’on contemple avachis, bercés par le rythme de ces vieilles rengaines, en goûtant le calme des utopies en ruine.

« Le bruit qui pense » « HOMER : Wahoo, les Who ! Whooo, Rock’n’Roll ! [Il prend une lampe et la casse, Bart frappe sur la batterie] JOHN ENTWISTLE : Mais ça va pas qu’est ce que tu fais ? BART : Ben, euh, je casse tout dans la chambre. PETE TOWNSHEND : Mais on a promis au réceptionniste qu’on serait gentil. ROGER DALTREY : Oui, on tient pas à être privé de piscine. » Extrait de l’épisode 2 - saison 12 des Simpsons, « La Bataille des deux Springfield » avec les Who.

INTRO : Il y a dans l’histoire du Rock’n’Roll, des événements fondateurs, inauguraux, symptomatiques. Une histoire qui se réécrit chaque jour, qui fabrique ses légendes, déboulonne ses icônes, respecte ses idoles. L’une d’elle raconte que, dans les années 1950, Jerry Lee Lewis mit le feu à son piano à l’aide d’une bouteille de CocaCola remplie d’essence, et qu’il joua Great Balls of Fire jusqu’à ce que le piano devienne cendres. A la fin du show, il croisa Chuck Berry qui avait insisté pour passer en vedette et lui lança un immonde et intimidant « T’as vu ça sale nègre », maintenant essaie de faire aussi bien que moi. VERSE : En septembre 1964, Pete Townshend, guitariste/chanteur des Who, casse la tête de sa Rickenbacker en la projetant contre le plafond bas du club londonien le Railway Hotel. Le public, clairsemé, se moque. Pete poursuit alors spontanément la destruction de sa guitare en explosant le corps complet de l’instrument sur la scène, perforant les amplis avec le manche, provocant d’improbables effets sonores. « Basically… [guitar smashing is] a gesture which happens at the spur of the moment. I think with guitar smashing, just like performance itself, it’s a performance, it’s an act, it’s an instant 1. ». Le public reste bouche bée, yeux écarquillés. C’était le geste inaugural d’une posture qui devint un des poncifs du Rock’n’Roll : détruire son instrument. Le concert suivant, la salle est pleine. Keith Moon en profite pour démolir à son tour sa batterie. Les Who trouve alors « sa » marque de fabrique. Un peu plus tard, ce même Keith blessa, brûla et rendit sourd ses acolytes, en bourrant sa batterie de feux d’artifice qu’il déclencha à la fin du titre My Generation. Il y gagnera son surnom : Moon the Loon 2. Une de ses frasques parmi tant d’autres. Les Who demeurent le groupe emblématique de cette pratique. Souvent imité, rarement égalé, le contenu artistique de cette performance est pourtant bien présent. En 1961 3, Pete Townshend étudie à la Ealing Art College. Il a pour professeur Gustav Metzger, artiste théoricien de l’Auto-destructive Art 4, un art « public » à l’adresse des sociétés industrielles, formulant une critique acerbe des valeurs du capitalisme. L’artiste activiste crée des œuvres éphémères ou qui s’autodésintègrent et dont la performance, au tout début des années 1960, Acid Action Painting 5 reste le geste fort de protestation contre l’utilisation d’armes nucléaires. Pour Gustav Metzger, nous passons notre temps à détruire la planète, c’est pourquoi l’art doit en être le reflet. Pete Townshend reçoit un autre cours important prodigué par Malcolm Cecil qui aborde la question de la production musicale et le rôle du musicien. Lors de ce séminaire, Malcolm Cecil scie une basse en guise de démonstration. Pete Townshend est bluffé. Il devient alors évident pour lui que son instrument de musique ne sert pas uniquement « à produire » de la musique. Avec l’arrivée des amplis de plus en plus puissants, Pete cherche à exprimer les sanglots d’une guitare ou à reproduire les bruits et le chaos du monde moderne, il joue beaucoup avec les retours et les effets sonores qu’ils produisent (feedback, larsen). Pour la première fois dans l’histoire, le son que produit une guitare peut être aussi fort qu’un avion qui décolle, aussi bruyant qu’un train. Le guitariste des Who envisage « la guitare électrique », comme un instrument de contrôle d’agressivité et de violence latente 6. Un de ses techniciens confesse même qu’il voyait régulièrement revenir les guitares maculées de traces de sang. Le jeu de Pete Twonshend, son fameux « moulinet », induisait ces mutilations. Le fait d’ « exploser » sa guitare sur scène formule l’avènement du « live » comme un happening, exprimant la colère et la rébellion inhérente au genre musical. Les vœux pieux d’un « No Future » et du « DIY » (Do It Yourself) punk apparaissent alors déjà en ligne de mire. Quant à la performance, il y a ceux qui l’ont vécue, qui étaient là, hic et nunc, devant la scène. Et il y a les autres. Ceux qui l’ont vue en vidéo, qui ont vu des photos ou qui en ont entendu parler. Le phénomène devient tellement prégnant que le cinéaste Michelangelo Antonioni décide d’intégrer dans son film Blow Up 7 une scène de vandalisme musical dans un club londonien, le Ricky Tick Club, où jouent habituellement les Yardbirds 8. Au départ, le réalisateur avait pensé au groupe du Velvet Underground, mais pour des problèmes de permis de travail, l’idée fut abandonnée. Il demande ensuite au Who 9, nouveau phénomène de la scène indé britannique, qui décline l’invitation. C’est finalement le groupe The In-Crowd qui est choisi. Mais devant le manque de professionnalisme des membres du groupe, Antonioni se replie sur les Yardbirds, tout en leur demandant de conserver le jeu de scène des Who. Jeff Beck s’exécute et à la fin de Stroll On, il détruit sa guitare 10. Il jette le manche dans le public, et c’est Thomas, le personnage principal du film qui récupère la relique sacrée qu’il délaisse aussitôt sorti du club. Le film d’Antonioni questionne la porosité des parois entre le réel et l’illusion, il insiste, comme en écho au phénomène du « Smashing guitar », sur le pouvoir de l’image mais également sur l’éphémère puissance de l’instant présent. En juin 1967, les Who jouent au Monterey International Pop Music Festival en Californie (aux côtés de Janis Joplin, Otis Redding, Grateful Dead…). La réputation du groupe est celle de vandales détruisant backstage, suites d’hôtels et matériels. Leur concert est à la hauteur, notamment avec une nouvelle interprétation apocalyptique de My Generation. Jimi Hendrix, le même soir, en grand compétiteur,

Franck BALLAND 1. Nicolas Bourriaud, Postproduction, Les presses du réel, Dijon, 2003, p.9 2. Dan Graham, Les Monuments d’Oldenburg in Rock My religion, le Nouveau musée/Institut, Villeurbanne ; Les presses du réels, Dijon, 1993, p.21

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achève sa démentielle interprétation de Wild Thing en mettant le feu à sa guitare et en la détruisant violemment 11. C’est le même Hendrix, deux ans plus tard, qui « vandalise » l’hymne américain, lors du gigantesque Festival de Woodstock. CHORUS : Dans les années 1970, celui qu’on surnomma le « Stratocaster Killer », Ritchie Blackmore, guitariste de Deep Purple détruit en masse les instruments qui lui tombent entre les mains, tout en définissant un nouveau genre musical, le hardrock. Toute une époque. En 1979, The Clash passe à la postérité avec sa musique, d’abord, et la pochette de son album London Calling ensuite. Double album dont l’art work est signé Ray Lowry ; la photo de Pennie Smith, qui l’illustre, montre Paul Simonon fracasser sa basse électrique Fender lors d’un concert au New York Palladium, le 21 septembre 1979. C’est un hommage au premier album rock d’un Blanc, l’album éponyme d’Elvis pour RCA en 1956, où on le voit, gorge déployée, jouer sur sa guitare acoustique. Le lettrage rose et vert qui mentionne le nom et prénom du King est transformé en un « London Calling » engagé. Le groupe pensait avoir enregistré l’ « ultime » album rock, ceci explicitant le premier titre pressenti : The Last Testament. VERSE : On passe sur l’histoire (pré)fabriquée des Sex Pistols, pour redécouvrir dans les années 1990 le plus gros phénomène de destruction massive musicale, Nirvana. Chaque concert, chaque album confronte encore plus la personnalité de Kurt Cobain à la notoriété du groupe. Cobain, dont le mal-être est permanent, exprime d’abord ce sentiment d’inadaptabilité au monde et souhaite démystifier son groupe, et la destruction méthodique de leurs instruments à la fin des concerts impliquait le fait qu’il n’y aurait aucun rappel. Que le public était donc invité à quitter les lieux. Un peu comme la fin des concerts du King, quand Al Dvorin venait répéter au micro qu’ « Elvis has left the building » 12. La destruction intégrale du matériel par Nirvana abordait également la question de l’aura de l’instrument en le rendant inutilisable. Mais évidemment l’effet « relique » stimula la mythification. Ce vandalisme renaissant pouvait prendre d’autres formes, comme ce savoureux moment où, obligé, contractuellement, de jouer Smell Like Teen Spirit en playback à Tops of The Pop en novembre 1991, Kurt Cobain obtient d’avoir un micro chant live, et interprète leur tube avec une voix très basse, comme ralentie, et aux antipodes de sa voix éraillée et énergique habituelle. Kris Novoselic, le bassiste, se contente de lancer sa basse le plus haut possible en dansant de façon ridicule. Une entreprise de déconstruction du spectacle à l’intérieur même du système de représentation médiatique toujours compliqué, notamment à la vue du jeune public enthousiaste qui ne cesse de taper sagement (et plus ou moins) en rythme dans ses mains. BRIDGE : Reste la sublime et subtile interprétation par Sonic Youth en 1999 de l’œuvre de Georges Maciunas Piano Piece #13 for Nam June Paik qui consiste à clouer les touches d’un piano. Par un double jeu de marteaux, le vandalisme créatif totalement Fluxus, revêt ici un nouvel aspect poétique et artistique. John Cage en père fondateur. OUTRO : Beaucoup d’autres groupes ont détourné ce geste de destruction, Matthew Bellamy, guitariste/chanteur de Muse, pris de remords, a même fait réparer certaines de ses guitares explosées. Le girls-band punk L7, fondé par Donita Sparks et Suzi Gardner, a plusieurs fois fait scandale, notamment en désintégrant basse et batterie lors de live retransmis en direct à la télévision 13. On a pu voir aussi Marylin Manson mettre le feu à une batterie, et se taillader les veines, à l’image d’Alice Cooper ou de Daniel Darc. La suite n’est qu’une accumulation de gimmick « punk », Green Day s’assurant la première place avec ses shows à l’américaine. On se souvient également (ou pas) de la prestation ridicule d’Axel Bauer interprétant Cargo et essayant de casser sa guitare pour protester contre le star-système (sic) devant une assemblée médusée lors d’un Champs-Elysées 14 de Michel Drucker. Trois mois avant, Serge Gainsbourg brûlait « à 74 % » un billet de 500 francs, afin de dénoncer une certaine forme de « racket des impôts », lui qui avait déjà détruit toutes les peintures de sa jeunesse, par (dé)goût. Mais ça, c’est une autre histoire… Julien BLANPIED Ce texte fut publié dans les actes du colloque Date limite de conservation au MAC/VAL (15-16 mai 2009). 1. Pete Townshend, 1968, cité dans Rolling Stone. 2. Moon le Fou. 3. La même année, Arman réalise sa première Colère de contrebasse, NBC Rage à la différence près que l’action était secondaire, le résultat prévalait. On figeait une aventure. 4. Dont la première occurrence date de 1959 et dont le manifeste est de 1960. 5. Public Demonstration of Auto-Destructive Art : Acid action painting. Height 7 ft, Length 12’ 6”. Depth 6 ft. Materials: nylon, hydrochloric acid, metal. Technique. 3 nylon canvases coloured white black red are arranged behind each other, in this order. Acid is painted, flung and sprayed onto the nylon which corrodes at point of contact within 15 seconds. 6. En 1962, la galerie Saqqarah de Gstaad organise l’exposition Musical Rage pour laquelle Arman réalise Chopin’s Waterloo, soit la destruction d’un piano droit à coups de masse, fixé ensuite sur un panneau, résultat né d’une expérience personnelle douloureuse de la musique. 7. Sortie en décembre 1966, et palme d’or à Cannes en 1967. 8. Formation mythique quand on sait qu’Eric Clapton fonda le groupe, et que Jimmy Page (Led Zeppelin) et Jeff Beck en furent les guitaristes. 9. Les Who sortent, en même temps que le film, leur nouvel album A Quick On. 10. En fait, la réplique de la guitare de Steve Howe, guitariste de The In-Crowd, tout juste évincé du film. 11. Il dit « The times I burnt my guitar it was like a sacrifice. You sacrifice the things you love. I love my guitar. » Il brûla trois fois sa guitare, à Londres, Miami et au Monterey International Pop Festival. 12. Elvis a quitté la salle. 13. Un mémorable passage à l’émission de Canal+, Nulle Part Ailleurs à Cannes. 14. Le 9 juin 1984.

© Leï Yang, Héroïne Rock & Roll, 2010, vidéo, 2’

D'après Les liens entre l’art contemporain et le rock sont inépuisables et bilatéraux. Déjà en février 1916, avant même l’invention du terme « Rock’n’Roll » 1, les artistes munichois Hugo Ball et Emmy Hennings organisent au Cabaret Voltaire (Zurich, Suisse) des lectures de poèmes phonétiques (Lautgedichte) sur fond de grosse caisse, volontairement loufoques et provocateurs avec la participation du poète Tristan Tzara, du poète allemand Richard Huelsenbeck, des peintres roumains Marcel Janco et Arthur Segal, des peintres allemands Hans Richter et Christian Schad, de l’alsacien Hans Arp, des artistes hollandais Otto et Adva van Rees et de l’artiste peintre/danseuse Sophie Taeuber. Le Cabaret ferme ses portes pour atteinte aux bonnes mœurs et tapage nocturne, après six mois d’activités. Rétrospectivement, certains considèrent que l’esprit était pourtant déjà là. Plus proche de nous, et dès la naissance du Rock’n’Roll, les artistes comme Ray Johnson ou Peter Blake étaient très proches des milieux musicaux, de même que de nombreux musiciens avaient reçu un enseignement artistique déterminant dans leur pratique (Pete Townshend eut Gustav Metzger comme enseignant).

© Élodie Lesourd, Warsaw, 2010 acrylique sur mdf, 114,8 x 170,3 cm - Courtesy K. Smolenski

Élodie Lesourd poursuit l’histoire de ces allers et retours entre le mouvement rock et l’art, par le biais, notamment 2, de ce qu’elle appelle ses peintures « hyperrockalistes ». Elle réalise des peintures hyperréalistes, à partir de photographies d’expositions d’œuvres d’autres artistes, et qui ont pour point commun leur regard sur la culture rock. Par exemple, sa peinture I Wanna Be Your God 3 (2004) a pour origine une œuvre de Claude Lévêque (l'auteur de l'œuvre dont le titre est I Wanna be your Dog se référant à la chanson des Stooges) photographiée par Claude Bricage (le photographe de l'installation) lors de son exposition à l'Atelier Sainte-Anne de Bruxelles (où avait été montrée l'œuvre). Cette photographie apparaît dans un catalogue, et c'est cette image qu'a utilisé Élodie Lesourd pour sa peinture. Les œuvres d'Élodie Lesourd sont ensuite exposées et parfois photographiées à leur tour pour leur diffusion… Concrètement, il est très difficile de différencier une reproduction photographique d’une œuvre d’Élodie Lesourd et la photographie originelle d’une œuvre originale. À travers ses « images » se dessine une herméneutique rock, « herméneutique » que Michel Foucault définissait comme « l’ensemble des connaissances […] qui permettent de faire parler les signes et de découvrir leur sens ». Les choix des œuvres qu’Élodie Lesourd « copie » sont déterminés à la fois par l’objet et le sujet de l’œuvre. Sont ainsi convoqués Jim Lambie, Claude Lévêque, Terence Koh, Christoph Büchel, Julian Dashper, John Armleder ou plus récemment Banks Violette et Konrad Smolenski dans une communauté affective thématique. Quoi de plus naturel, finalement, de voir Élodie Lesourd utiliser la « reprise » comme mode créatif pictural quand il est devenu un des éléments constitutifs de la musique (le groupe Nouvelle Vague n’a-t-il pas fait son affaire ainsi, dans une succession de glissements musicaux et sémantiques en faisant des reprises de chansons « new wave » en version « bossa nova »…?). En revendiquant cette posture positive de / Epígonoi, « les descendants », celui qui vient après), elle l’épigone (du grec ancien s’inscrit dans l’esthétique postmoderniste du recyclage des formes préexistantes, mêlant des cultures populaires à des cultures élitaires. Dernièrement, l’artiste a fait évoluer sa peinture en utilisant des images qui renvoient plutôt à une esthétique rock qu’à un signe matériel du mouvement (I Kill Children, 2009). Pour l’une de ses dernières productions, The Dead C, la peinture est une transposition d’une photo (d’André Gonçalves) d’une performance du collectif A Kills B intitulée Yellow Monochrome (2008) qui consistait en l’interprétation de la pièce de théâtre expérimental de Wassily Kandinsky Der Gelbe Klang (« Le bruit jaune ») composée en 1907 et qui ne contient aucun dialogue. En reprenant la scène finale du concert performance baignée dans un camaïeu jaune 4, Élodie Lesourd, à la manière d’un guitar throw 5 et à l’intérieur même d’un labyrinthe sémantique qu’elle affectionne particulièrement, propose un retournement inattendu : la monochromie de la scène éloigne sa peinture de l’hyper-réalité, tout en devenant l’exacte représentation 2D de la performance en question. Élodie Lesourd parvient ainsi à fusionner sa quête de sens du mouvement rock et ses recherches picturales. Julien BLANPIED 1. En 1951, le disc jockey Alan Freed anime une émission de radio appelée Moondog’s Rock And Roll Party. C’est la première utilisation à large audience du terme « Rock’n’Roll », qui signifie en argot « faire l’amour ». 2. Elle réalise aussi de nombreuses peintures néo-conceptuelles mais également, à travers une récente diversification de médias, des performances, des pièces à partir de t-shirts de groupes, d’autres avec des médiators, des pièces qui tendent vers la sculpture… 3. Ce titre fait référence à la reprise par Slayer de la chanson des Stooges. 4. L’œuvre Odelay#9 (2005), qui représente une scène de concert figée dans la glace, était déjà une forme de recherche picturale sur la monochromie… 5. Phénomène couru chez le guitariste de lancer sa guitare dans son dos, et dans un mouvement rotatif, de la récupérer par l'avant.

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Levine, Prince & Rock'n'Roll

L’Amérique de Richard Prince est celle très stéréotypée du Sex drugs & Rock’n’Roll 1 notamment célébrée par sa série Girlfriends vers 1993. Une certaine esthétique rock en effet : moto, métal qui brille, cuir, poses suggestives... Subculture américaine. Plus qu’une musique, le rock c’est une attitude, des attitudes. Ces Girlfriends sur leur moto sont une incarnation de ses Cowboys démarlborolisés (série commencée une dizaine d’années plus tôt, en 1980) : la drogue a remplacé la cigarette, il y a toujours le cuir, luisant pour les filles, retourné pour les boys. Toujours les franges, soit sous les manches, soit aux guidons des Harley. Esthétique. Posture également : Prince se réapproprie. Ces photographies ont en fait été prises par d’autres, des amateurs ou des publicitaires. Il les a fait siennes. Reprises. Alors, attitude Rock ? Le premier tube Rock’n’Roll de l’histoire n’était-il pas lui aussi une reprise ? Le fameux Rock Around the Clock (1954) de Bill Haley and his Comets est en fait une reprise d’un morceau de Sonny Dae and his Knights de 1953 2. Mais qui se souvient aujourd’hui de Dae ? Qui connaît les auteurs originaux des photos de Prince ? Toute la chronologie rock est jalonnée de reprises, comme un modèle persistant, presque emblématique. A la fois revendication d’une filiation ou pur opportunisme, la reprise a même fait naître les Cover groups (qui reprennent des standards) jusqu’aux Tribute bands qui vont, au-delà de la reprise des morceaux, jusqu’à imiter entièrement l’attitude, le look, etc du groupe copié. « Je joue à être l’autre », « je me prends pour », « je rends hommage à ». On joue avec ses mythes, avec ses idoles. Chez Warhol dans un mouvement ascendant le banal et le médiatique (la boite de conserve et les stars) devenaient œuvre d’art. Chez Prince, à l’inverse, l’image banale devient encore plus banale. Il réduit. Sherrie Levine, quant à elle, augmente. 1981 : After Walker Evans. Elle feuillette un

Reprod. : Richard Prince, Sans titre (Cow-boy), 1980-1986 Photographie ektachrome encadrée, 68,5 x 102,5 cm Collection du Frac des Pays de la Loire © Bernard Renoux

catalogue du célèbre pionnier de la photographie documentaire et en rephotographie les photographies. Elle n’a évidemment pas choisi au hasard le photographe qui aura su influencer toute une génération par son regard humaniste sur la misère de l’Amérique rurale de la fin des années vingt… Hommage au Maître ? Cover ? Levine a cette conscience d’arriver trop tard pour prendre part à l’histoire de l’art, trop tard pour pouvoir la poursuivre. Alors, quand d’autres cassent des guitares et des amplis, quand le Rock se doit d’être sauvage et rebelle, une fois que les Sex Pistols ont craché leur Never Mind the Bollocks !, plutôt qu’un No Future (faussement 3) nihiliste, elle travaille sur trop de passé : elle le dit ou le photographie en quelque sorte. Se joue ici le drame de l’impossibilité de créer dans une culture saturée d’images. Le After n’est pas juste la référence au maître, (d’après), le After est aussi le « après » d’un autre temps : le sien et celui du regardeur. Ses reproductions de photographies (qui sont en elles-mêmes des reproductions du monde) nous questionnent sur l’originalité et l’unicité de l’œuvre d’art. C’est aussi et surtout un jeu sur le sens et l’essence de la photo et de la pratique artistique. Dans cette mise en abyme de l’œuvre, rien ne différencie plus sa photo de l’original, pas de réinterprétation juste l’œuvre qui seconde la première, tout en étant elle-même. À priori peu subversif, l’art de Levine devient instrument de la critique, pourtant, « une mise en boucle provoque moins un renversement des valeurs qu’une saturation du sens (effet larsen ou feedback, comme on les qualifie sur un plan sonore). La clôture opérée par […] Levine affirme ainsi, en la saturant, la forme dominante de l’économie de marché qui lui sert de contexte, et qui tend aujourd’hui un miroir à l’économie des signes de l’art ». 4 Bref ce n’est pas la reprise pour elle-même que l’on considère mais l’acte d’appropriation là où dans le Rock et ses dérivés, c’est bien le nouveau potentiel du morceau original qui est écouté. La reprise nourrit le Rock pour le régénérer et le redéfinir continuellement. Alors pour conclure ce mélange des genres, wouldn’it be nice 5 de réécouter les mots de Jim Morrison au moment où s’ouvre à la BNF l’exposition de Richard Prince, American Prayer, dont le titre est celui de l’album où les Doors, en 1978, (qui se pastichent eux-mêmes dans une musique plus disco-funk que rock) s’approprient les paroles de leur leader perdu : « we need great golden copulations », nous rappelant s’il le fallait la philosophie première et sans équivoque du Rock’n’Roll : se balancer et rouler. Bertrand CHARLES 1. Le titre de cet article fait expressément et explicitement référence à la fameuse maxime « Sex, drugs and rock’n’Roll » de Ian Dury qui est en fait le titre d’un single de Ian Dury & The Blockheads sorti en 1977 : Sex and drugs and rock and roll / Is all my brain and body need / Sex and drugs and rock and roll / Are very good indeed. 2. La version de Bill Haley a été enregistrée le 12 avril I954 et est sortie la même année sans succès ; mais le morceau fut relancé par le cinéma, au générique du film Blackboard Jungle (« Graine de Violence »). Il devient le plus gros succès de l’année I955, lançant le Rock’n’Roll aux USA puis dans le monde entier. Bill Haley avait déjà enregistré Rock the Joint en 1952, morceau (une reprise inspirée) qui contenait déjà le solo de Rock around the clock. En outre, Rock around the clock par Bill Haley, s’inspirait également du move it on over de Hank Williams (1947). 3. Réserves sur le slogan No Future inventé par Malcom MacLaren manager controversé des Sex Pistols, groupe qu’il avait monté, selon certains, par pure ambition commerciale, loin donc de l’idéologie Punk. 4. Christophe Kihm, « Art critique et art cynique », in Art Press 2, n°3, 2006-07. 5. Titre des Beach Boys sur l’album Pet Sounds, 1966.

Iggy, Alan et les garçons sauvages « des trente dernières années du XX e siècle, l’histoire de l’art ne retiendra que le Rock’n’Roll » Virginie DESPENTES En 1967 les Stooges expérimentent le son, le bruit – « white noise » – à l’état brut… Vrombissements d’aspirateur, percussions tribales sur bidons d’essence… Puis Iggy expérimente l’espace scénique, le rapport frontal et violent à l’autre, aux autres… Ceux qui le font exister en tant que « frontman », performeur on stage. Les anglo-saxons usent invariablement du terme « performance » pour désigner la prestation scénique d’un groupe de rock. Et Iggy mieux que tout autre Rock’n’Roll hero incarne le performeur ultime, se donnant entièrement, le corps offert à toutes les violences, tous les dangers, son corps de gladiateur perfusé exultant la violence fondatrice et séminale du rock. High energy! Sur scène Iggy a finalement tout fait subir à son corps ! Et les actionnistes viennois et leurs performances historiques et uniques n’ont qu’à bien se tenir ! Le cas de Gunther Brüs fait exception, qui misait sur son propre corps « martyrisé » au cours d’actions radicales, sacrificielles et trash, sans compromis, ni artifices. Là où les plasticiens sont dans la mise en scène, les rockeurs ne jouent pas, ne simulent pas, ils se mettent à nu et plongent dans l’arène sans aucune stratégie, authentiques et imprévisibles, à l’instar d’un Jim Morisson arrivant ivre mort sur scène, prêt à psalmodier un « Mother I want to fuck you » provocateur. Jim le « Roi Lézard », figure tutélaire pour Iggy l’iguane… Première intronisation dans le « Rock Circus ». En 1965 les frères Asheton, futurs Stooges, font le voyage à Londres. Ils y seront durablement impressionnés par la performance live des Who de Pete Townshend, sauvagerie adolescente à l’état brut. À l’époque où Arman brise ses premiers pianos pour les rendre plus esthétiques, Pete Townshend issu d’une école d’art, radicalise ce geste artistique sur scène en détruisant fougueusement et systématiquement sa guitare (inaugurant au passage un rituel souvent rejoué, jusqu’à Nirvana), suivi de Keith Moon, pur électron libre, balançant sans vergogne fûts, grosse caisse et cymbales dans la fosse… Keith Moon le batteur le plus explosif de l’histoire du rock, génie auto-carbonisé en plein vol, se vouant corps et âme à la « rock’n’roll life », sans limites, sans censure, à fond, sans jamais se retourner, toujours dans les excès… Burning life… Et du côté des artistes ? Burning life ?... Steven Parrino, ange noir de la « fin de la peinture » se crashe en moto, Robert Malaval, speed kamikaze paillettes, se lasse en nouveau « suicidé de la société »…

Et Jackson Pollock déjà, le peintre « atomique » du XX e siècle illustre à la lettre l’adage rock’n’roll « too fast to live, too young to die », lui qui écoute alors du free jazz. Coltrane la référence ultime. Tout était déjà dit ! Donc en 1969 Alan Bermowitz assiste à un set halluciné des Stooges. Celui qui ne se fait pas encore appeler Alan « Suicide » Vega est un plasticien new-yorkais branché sur l’obscurité et les lumières sourdes d’ampoules vacillantes et cheap. Son approche instinctive du geste artistique oscille entre minimalisme de bastringue et bricolage du caniveau. Amas fracassés de lumières mortes, ses sculptures lumineuses informes, conglomérats chaotiques d’ampoules, néons et fils électriques opposent une version trash et « destroy » aux néons néo constructivistes de Dan Flavin, tout comme ses crucifix déglingués, guirlandes foutraques de récup’ « Lower East Side » se font l’écho « punkoïde » des croix « suprêmes », frontales ou évidentes de Malevitch, Ad Reinhardt ou Franck Stella. Art du Bowery qui contient déjà les lights shows d’Andy, l’obsession argentée de la Factory et les lunettes noires du Velvet… L’artiste underground new-yorkais découvre donc Iggy et les Stooges en 1969 : « Leur set a duré vingt minutes, pas plus, mais c’était l’apocalypse. Quelque chose d’invraisemblable, qui m’a laissé tétanisé. Iggy s’est jeté dans la fosse comme un animal, il s’est confronté au public avec une violence pas possible, c’était un ouragan, d’autant plus intense qu’il était bref. (…) Ma vie a changé à cet instant. ça m’a ravagé l’esprit, ce truc, et c’est après ça que j’ai décidé de faire de la musique. Avant ça, j’étais plutôt branché art contemporain, mais je me suis rendu compte qu’on pouvait affronter la réalité de façon encore plus violente grâce à la musique et à la performance scénique. » (Alan Vega) Alan Bermowitz sera donc Alan Vega, chanteur animal du duo synthétique et minimaliste Suicide, chantres absolus de la performance sonique et bancale, pure déflagration électrique, collusion brutale et sans artifices… Apôtres apocalyptiques du bruit électro guttural comme du cri primal, le duo insuffle une onde de fulgurance et de danger dans l’art de la performance. À la même époque Chris Burden explore la violence en jouant avec le feu ou se faisant « shooter » à la carabine dans le bras gauche. Tandis qu’impassible derrière d’énormes lunettes de ski Martin Rev tisse ses motifs obsessionnels de synthé déglingué, Alan Vega chante, hoquète, pleure, susurre, hurle, supplie, gémit, s’exténue… tout le registre vocal inhumain y passe.

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Pochette de l'album Goo de Sonic Youth, 1990 - © Raymond Petitbon

Sonic Youth : bruit & images En lien étroit avec le monde de l’art, comme la bassiste Kim Gordon et le guitariste Lee Ranaldo réalisant des expositions collectives et individuelles aux quatre coins de la planète, les membres de Sonic Youth ont toujours associé musique et art visuel, notamment à travers leurs pochettes d’albums. Loin de n’être qu’illustratives, ces dernières donnent le ton à chacun des projets et mettent en image à la fois l’esprit particulier qui accompagne la réalisation de chaque opus et les thèmes qui y sont abordés. Héritiers du punk, imprégnés de la mouvance no wave, les S.Y. vont s’inscrire dès leurs débuts dans la contreculture musicale de leur époque. La subversion du groupe face à une certaine culture de masse ne va pas de pair avec un repli marginal hors de la société. Les sujets auxquels ils font référence s’avèrent très tôt liés à la culture populaire, surtout américaine, dans ce qu’elle a de plus sombre et déviant, avec cette conscience d’être un groupe américain et de porter par là un héritage bien particulier qu’il est nécessaire de remettre en question. C’est le cas avec l’album EVOL sorti en 1986. Sur la pochette une jeune femme est à genoux, doigts crispés, le visage dur et grimaçant tourné vers l’objectif. La scène fait allusion au meurtre de Sharon Tate par les sbires de Charles Manson le 9 août 1969 dans la « vallée de la mort ». La pochette de l’album est réalisée par Richard Kern, à cette époque cinéaste très proche de la scène musicale underground newyorkaise, alors connu pour ses courts-métrages erotico-gore mettant en scène des personnages comme l’icône no wave Lydia Lunch. Derrière cette référence morbide, c’est toute une attaque contre la culture hippie et ses dérives qu’il faut voir. À partir de la fin des 70’s, le courant no wave propose sa version revue et corrigée de l’odyssée pop des 60’s. La désillusion a pris place sur les rêves d’amour et de fraternité des ainés, la gueule de bois de l’après-fête hippie terminée, c’est bien lucide qu’une partie des jeunes artistes américains s’engage à détruire les mythes du passé. Car si EVOL peut s’entendre comme « Evil » (« le mal » en anglais), il s’agit surtout du mot LOVE à l’envers. En 1988, Daydream nation propose une approche différente, avec comme introduction le « tube » Teenage riot. Sonic Youth désire toucher un plus large public et ce 6 e opus en sera le déclencheur. La pochette ne fait pas exception. Pour la première fois ils choisissent un artiste non américain, l’allemand

Gerhard Richter, dont le travail internationalement exposé et collectionné se situe loin de l’esthétique underground qu’ils affectionnent. Pourtant les thèmes abordés sont toujours les mêmes. Daydream (songeur, rêvasser) se traduit en grec ancien par le même mot que hangover (gueule de bois). C’est une nouvelle mise en garde face aux illusions qui est ici lancée, d’autant plus que l’image de la bougie hyperréaliste de Richter, tirée d’une série de vanités réalisée entre 1982 et 1983, est une peinture faite à partir d’une photographie. C’est un mensonge de la vision, une mise en doute du réel que nous donne à voir ce memento mori froid et pâle malgré la flamme.

situation. Avec Pettibon c’est un univers de BD trash et ostentatoire qui s’offre à eux ; souvent accompagnés de textes, les dessins sont formés de traits épais et les formes réduites à de grands aplats monochromes très contrastés. Ce n’est pas simplement le dessin qui a été reproduit pour créer la pochette de Goo, mais une sorte de brouillon où l’image est grossièrement fixée sur son support avec du scotch, qui a récolté au passage des empreintes de doigts sales et quelques cheveux, retranscrivant parfaitement le style des S.Y.. Bien qu’ils soient passés à un rock plus accessible, l’ambiance générale n’a pas changé d’un poil. À nouveau la pochette donne le ton de tout l’album. L’influence de Pettibon est partout, le nom Goo ainsi qu’un titre comme Scooter and Jinx sont directement tirés du fim Sir Drone (1989) de l’artiste. Les renvois aux dérives de la culture californienne sont également omniprésents, comme dans Tunic (song for Karen), référence à la chanteuse Karen Carpenter morte à 32 ans d’anorexie. Deux ans plus tard, le groupe récidive avec le célèbre Dirty. Ils font appel à Mike Kelley pour réaliser le visuel. Kelley et la chanteuse Kim Gordon se connaissent depuis les 70’s et lors de leurs études communes en art à Los Angeles, il jouait lui-même dans le groupe punk de Detroit Destroy All Monsters. L’artiste se voit confier la réalisation d’un livret de six photographies. Il choisit de réutiliser ces petites poupées tirées de la série d’installations Half-a-Man (1987-1991) qui l’ont rendu célèbre à ses débuts. Ces poupées abimées sont personnifiées par le cadrage semblable à celui des photographies d’identité, devant un fond neutre. Mike Kelley a d’ailleurs ajouté l’une de ses propres photos d’identité au livret. Ces jouets ramènent au monde de l’enfance, mais la prise de vue en gros plan de ces surfaces usées devient dérangeante, leurs sourires leur donnent une expression inquiétante parce que trop humaine. Le mot Dirty fait directement référence à l’univers chaotique de Kelley qui se rapproche de celui de S.Y. autour des questions de genre, de normalité et de perversion, de morale et de rejet.

Après un vif succès et des tournées sans fin, le groupe choisit de poursuivre sa quête de visibilité en signant sur la major californienne Geffen. L’album Goo (1990) avec le dessin de ce couple aux lunettes noires, cigarette à la main, deviendra aussi connu pour sa musique que son esthétique. Nous devons la pochette à Raymond Pettibon, connu à cette époque pour avoir dessiné le logo et plusieurs pochettes du groupe Black Flag. Pour Goo, Pettibon a repris une photographie d’un paparazzi datée 1966 en lien avec les « Moors murders », une sombre histoire de viols et de meurtres d’enfants dans la région de Manchester. Sonic Youth désire adopter pour cet album un certain style d’image californien afin d’illustrer leur nouvelle

Le rock est la musique de l’image et des images, il s’en inspire autant qu’il en véhicule. S.Y. en a fait volontairement une constituante essentielle de son identité, en s’entourant d’artistes qui leur ressemblent. De par leurs centres d’intérêts d’abord, de par aussi une certaine pluridisciplinarité qui caractérise nombre d’entre eux. Ils ont su à merveille utiliser les œuvres des autres pour mettre leur son en image et ainsi créer une complémentarité dont l’objet final, l’album, ne peut que se trouver enrichi.

Aurélien PELLETIER

ROCK'N'ROLL Alan Vega : Infinite Mercy MAC, Lyon, 15 mai-2 août 2009 © Blaise Adilon

En solo Alan Vega sera le premier artiste d’avant garde à réinventer totalement et remettre au goût du jour la mythologie rock’n’roll, Rock’n’Roll Rebel, perfecto fuchsia, hoquets rockab’, pauses félines, lunettes noires et moue arrogante façon Elvis… Toute la panoplie « garçon sauvage » de la rock’n’roll attitude des pionniers fifties… Son tube electro-rockabilly Juke Box Babe signe le retour du riff de guitare cinglant et syncopé. « Quelle est l’invention la plus excentrique du XX e siècle ? Sans hésitation : la guitare électrique. » (Michel Bulteau) Alan Vega le plasticien conceptuel primitif, Alan Vega le performeur jusqu’au-boutiste, Alan Vega l’instinctif se réinvente un personnage de « rock’n’roll hero » ultime et kamikaze, croisement spectral d’Elvis, Vince Taylor et Rudy Martinez de ? & The Mysterians son modèle musical originel. La boucle est bouclée. Fin du XX e siècle. Aujourd’hui les amplis, le feedback et les guitares électriques envahissent les galeries d’art. Christian Marclay avait déjà tout dit de cette histoire là en 1999 avec Guitar Drag, magistrale performance filmée d’une guitare électrique Fender trainée derrière un pick-up (et reliée à un ampli) sur les routes arides du désert texan, hurlant des sons écorchés jusqu’à l’agonie. Et les garçons sauvages, les vrais (Lords of Altamont, Magnetix, Jim Jones…), sont de retour, hordes d’outlaws tout cuir, toute morgue adolescente dehors, prêts à mettre le feu aux planches, guitares en bandoulière et mèche rebelle en sueur, bien décidés à en découdre et à se livrer corps et âme à la performance électrique. Rock’n’Roll will never die ! Bertrand KELLE

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À Bill Haley & The Comets, Charlie Feathers, Little Richard, Chuck Berry, Elvis Presley - Scotty and Bill, Jerry Lee Lewis, Gene Vincent & The Blue Caps, Buddy Holly & the Crickets, Eddie Cochran Rassemblement d'impacts dans un cercle d'enfe R O Orgasme musical qui roule en crescend C Créant sans rémission l'irrésistible cho Kermesse réveillant sans répit le vieux schnoc K N Nodule de boogie et de chanson wester R Roulade de sons fous et pulsations de fe O Onde dévastatrice en mode furios L Libérateur divin au cœur phénoména L Livrant les corps bridés à son rythme inferna Michel ROSE « Le rock a souvent été dénoncé comme un complot visant à abaisser l'homme blanc au niveau du « nègre », mais Elvis Presley a prouvé que le rock nous avait en fait élevés jusqu'à ce niveau. » Michael OCHS



Š christian marclay - Êdition interface, dijon - 2011


Christian Marclay Sans titre, 2011 collage Courtesy White Cube, Londres Depuis la fin des années 1980 les onomatopées apparaissent dans l'œuvre de Christian Marclay, que ce soit dans ses collages à partir de bandes dessinées, ses photographies de l'environnement quotidien, ou plus récemment dans ses partitions musicales, comme Zoom Zoom (2008), ou encore Manga Scroll (2010), une partition vocale où il exploite l'expression graphique des sons tirés du manga japonais. L'œuvre reproduite ici (p.6-7) fait partie d'une série récente de collages basés sur la bande dessinée japonaise traduite en anglais.

L’association de ces deux mots chez les Clash n’a bien sûr rien à voir avec une exhortation à la lutte contre les populations ou la culture arabes, il s’agit, bien au contraire, d’inviter ces peuples à vivre d’une manière plus libre tout en clamant le rôle libérateur du rock. La « casbah » est ici considérée comme symbole du despotisme qu’il faut « ébranler » pour s’affranchir. Les paroles (qui ne mentionnent nominativement aucun pays) racontent une histoire fictive : la population s’oppose à l’interdiction du rock en « ébranlant » la « casbah » et, suite à cette rébellion, le chef d’état ordonne le bombardement des insurgés par des avions de chasse dont les pilotes, dans leur cockpit, finissent par écouter du rock plutôt qu’obéir aux ordres ! Antimilitarisme, célébrations de la liberté, de l’insouciance, du rock définissent cette chanson dans laquelle se mêlent des termes arabes, hébreux, hindis et d’Afrique du Nord (tels que sharif, bédouin, sheikh, kosher, raga, muezzin et casbah) affirmant l’ouverture culturelle, nullement le racisme. La façon dont cette chanson a été comprise et utilisée par les soldats occidentaux durant la Guerre du Golfe ne constitue pas seulement une erreur d'interprétation mais une véritable incompréhension ou un détournement extrême. Elle illustre à quel point l’immersion d’un objet signifiant dans un contexte qui lui est étranger peut falsifier voire détruire son essence même, ce qui retient bien sûr l’attention de Katrin Ströbel. Quelques temps après, elle découvre, sur un marché de Rabat, une vidéo promotionnelle illustrant un groupe de musiciens et danseuses marocains qui offrent leur service lors de fêtes et mariages. Dans cette vidéo, les danseuses vêtues de robes évoluent de manière totalement libre, ne répondant ni au cliché de la femme musulmane soumise ni à celui folklorique de la danse du ventre. Katrin Ströbel décide d’acquérir cette vidéo. Enfin, à Marrakech, elle achète une jupe dont les motifs, type dessins de BD, illustrent une ville survolée par des avions. L’absence de certitude quant à la signification de cette scène (s’agit-il de simples motifs issus du design vestimentaire des années 1970 ou de la représentation d’une scène de guerre ?) associée à sa connexion avec la chanson Rock the casbah interpellent l’artiste. How to rock the casbah se présente sous la forme de trois moniteurs, reliés à un casque, disposés chacun sur un socle. La bande sonore de chaque film est une version particulière de Rock the casbah. La première vidéo est constituée d’un montage d’extraits parfois retravaillés (effets de ralentis) du clip de la chanson des Clash dont l’accompagnement sonore est la version arabe de Rock the casbah, réalisée par le chanteur franco-algérien Rachid Taha, en 2004. Ainsi qu’elle l’explique, la qualité médiocre des images (téléchargées sur internet) évoquant une sorte de documentaire réalisé sur le terrain, les paroles arabes ainsi que les fragments du clip où sont visibles des avions de guerre et des membres des Clash vêtus de tenues militaires, produisent immédiatement chez le spectateur une association voire une assimilation aux contextes du onze septembre et des actuels conflits dans les pays arabes. Les personnes connaissant le clip des Clash l’identifient visuellement sans percevoir que la chanson diffusée n’est pas l’originale. La deuxième vidéo est celle achetée sur un marché de Rabat (outil promotionnel pour des danseuses et musiciens marocains) dont l’artiste a supprimé le son initial pour lui substituer la version swing de Rock the casbah créée par Richard Cheese. Ce n’est souvent qu’à partir de cette vidéo que le public réalise la présence de manipulations entre le son et l’image.

© Katrin Ströbel, How to rock the casbah, 2007, installation vidéo (3 écrans, 3 casques)

Katrin Ströbel : How to rock the casbah L’œuvre de Katrin Ströbel, née en 1975 à Pforzheim (Allemagne), basée sur l’observation et l’analyse des divergences culturelles, propose une traduction plastique de la capacité de tout élément signifiant (production culturelle, phrase, objet…) à générer de multiples interprétations selon le contexte dans lequel il est perçu et l’identité des personnes le percevant. Elle explique, à propos de la différence entre la vision africaine de l’Europe (sorte d’Eldorado) et celle européenne de l’Afrique (terre d’exotisme et d’archaïsme) : « la géographie sert d’écran sur lequel on projette autant de vérités que de clichés sur ce qui est inconnu chez l’autre » 1 Chacune de ses œuvres, liée à un séjour effectué dans une ville qui lui est étrangère, développe une combinaison visuelle et/ou sonore de signifiants qui entretiennent habituellement des rapports d’éloignement, d’opposition voire de distinction dont elle brouille parfois la retranscription. In god we trust (2008) consiste, par exemple, en un billet de un dollar sur lequel la mention de la devise américaine est remplacée par sa traduction arabe, avec Der unbekannte Feind (L’ennemi inconnu) (2007), elle inclut une page du Coran imprimée à l’envers dans un exemplaire d‘un grand journal allemand. Durant sa résidence à Valence, en 2009, elle réalise Petite correction de mon environnement (Lepen/Leben), elle croise « en ville des graffiti acclamant l’homme politique d’extrême-droite, Le Pen – nom que, sans plus attendre, l’artiste transforme par une minime intervention en leben (vivre). » 2 L’installation vidéo How to rock the casbah (2007) est née de son séjour au Maroc, en 2007. Trois moments particuliers vont l’amener à créer cette œuvre. Tout d'abord, elle apprend que la chanson des Clash Rock the casbah (1982), qui évoque l'interdiction de la musique rock en Iran sous l'Ayatollah Kohmeni, a retrouvé une grande popularité auprès des soldats occidentaux durant la Guerre du Golfe et que son titre a été, à plusieurs reprises, gravé sur des bombes occidentales. Dans la chanson, le verbe « to rock » – qui signifie « ébranler, secouer » – est appliqué au terme d’Afrique du Nord « casbah » qui désigne à l’origine, la « citadelle », puis par extension, le « cœur » d’une ville puis, populairement, la « maison ».

Quant à la troisième vidéo, elle se compose d’un plan sur la zone des motifs avions/ville de la jupe achetée à Marrakech portée par une personne effectuant une danse proche de celle réalisée par les danseuses de la précédente vidéo. Cette danse confie un mouvement aux motifs de type dessins qui ornent la jupe ce qui rappelle le contexte d’un film d’animation. La version originale de la chanson des Clash accompagne ces images. Contrairement aux deux premières vidéos, l’élément visuel présenté ici n’est pas référencé : cette jupe de provenance non identifiable comporte des motifs dont il est impossible de connaître le sens, sont-ils de simples composants décoratifs ou témoignent-ils d’une vision paranoïaque de la vie urbaine contemporaine ? L’artiste explique avoir souhaité terminer cette œuvre, où les références se multiplient et s‘agglomèrent, par une sorte d’absence du sens, une impasse pour notre insatiable besoin d’identification alors condamné à l‘errance. Chacune de ces trois vidéos résulte d’un ensemble de manipulations auquel s’ajoute un détournement du genre du vidéo-clip, leur durée étant à chaque fois adaptée à celle de la chanson qui leur est associée. Le brouillage général opéré par l’artiste est visuellement confirmé par la mauvaise qualité des images qui témoignent également – donnée particulièrement importante chez Katrin Ströbel dont l’œuvre s’inscrit dans ce que Paul Ardenne nomme « l’art contextuel » – des conditions dans lesquelles l’artiste a réalisé ou trouvé ces films (montage d’images téléchargées sur internet pour le premier, vidéo promotionnelle pour le second, réalisation selon de petits moyens pour le dernier). 3 À travers How to rock the casbah, elle nous interpelle sur la faillibilité de notre système d’identification (perception et interprétation) tout en signalant notre difficulté à percevoir – parce que la réalité nous habitue à leur correspondance – la dualité image / son au sein d‘une vidéo. « Rock the meaning », voilà peut-être la manière dont les Clash auraient pu caractériser la démarche de Katrin Ströbel. Ebranler, perturber, délocaliser les objets signifiants pour nous confronter à nos multiples erreurs (assimilation de clichés, de préjugés, conditionnement, etc.) et nous inviter à nous interroger davantage sur la façon dont nous nous saisissons de la réalité d’un fait. Cécile DESBAUDARD 1. Katrin Ströbel, bitim-réew, catalogue de l’exposition bitim-réew, Goethe Institut, Dakar, Sénégal, p.3 2. Annika Plank, D’une passante, catalogue de l’exposition passante, art3, Valence, 2010, p.52 3. Paul Ardenne, L’art contextuel, Champsarts, Flammarion, Paris, 2002, p.46-47 : « En terme d’art contextuel, l’expérience se constitue dans l’immédiateté et le local. Exigeant de l’artiste qu’il prenne pied dans l’espace et dans les temps locaux, elle commande parallèlement des pratiques telles que l’observation, l’arpentage ou la ponction. L’art se fait pratique active parce que réactive. »

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© Pochette de l'album Never mind the bollocks here's the Sex Pistols des Sex Pistols,1977

Écrire l'antéchrist et les intellectuels délinquant ils n’en restent pas moins de formidables outils de stimulation intellectuelle. Il y a finalement assez peu de démonstrations ou de tentatives d’argumentation dans l’essai. On y trouve d’avantage des affirmations qui sonnent comme des sentences et résonnent dans des phrases aussi essentielles que « Elvis Presley et les Sex Pistols changèrent les structures de la vie quotidienne dans le monde entier. Si ce qu’ils firent ne conduisit à aucune révolution officielle, cela rendit la vie plus intéressante dans le monde entier, et la vie a continué d’être plus intéressante qu’elle ne l’aurait été s’ils n’étaient jamais apparus. » « L’ennui est toujours contre-révolutionnaire » disait un slogan situationniste.

Si l’interminable histoire du rock est depuis toujours habitée par toutes sortes de figures christiques aux destins tragiques, de musiciens sacr(ifi)és, de chanteurs héroïques et défoncés par le succès autant que par l’échec, si la légende s’écrit à coup de riffs mémorables, de concerts salvateurs ou de refrains émancipateurs, elle est également traversée par des OVNI qui censés décrire ou analyser le mythe parviennent parfois à le dépasser. Lipstick traces, une histoire secrète du X e siècle 1 est un de ces objets insaisissable, irrationnel et vertigineux. En tant que critique rock, on peut dire que Greil Marcus a su détourner allègrement les lois du genre. Loin du gonzo d’un Lester Bangs (autre figure essentielle de l’écriture rock américaine) l’œuvre de Marcus convoque plus volontiers l’École de Francfort et s’appuie sur l’analyse historique (au sens large) pour relier la musique à une mécanique plus générale, celle des sociétés humaines de quelques géographies et de quelques époques qu’elles soient. L’objet est ambitieux, la thèse audacieuse et un rien bancale : « Ce livre a pour propos un fait simple et tortueux, écrit l’auteur. Fin 1976 sortit à Londres un disque intitulé Anarchy in the U.K. (...) Jouée par les Sex Pistols, la chanson distilla, dans une forme grossièrement poétique, une critique de la société moderne entreprise une fois déjà par un petit groupe d’intellectuels basé à Paris (...) l’Internationale lettriste refondée en 1957 en Internationale situationniste. (...) Ma conviction est que de telles circonstances sont dès le départ bizarres. » Et c’est alors sur près de 600 pages que l’auteur s’active à démontrer qu’il y a dans les cris grinçants de Johnny Rotten, chanteur du groupe punk, les voix de Guy Debord, Gil J. Wolman, Michel Mourre, Richard Huelsenbeck, Hugo Ball, Isidore Isou, mais aussi les voix de communards, d’anabaptistes radicaux du XVI e siècle, et de quelques autres encore... bref une polyphonie déraillante qui fait fi du cours de l’histoire pour penser d’autres ramifications. Le postulat de l’auteur se tient : « La question de l’ascendance dans la culture est fausse. Toute nouvelle manifestation culturelle réécrit le passé, transforme les vieux maudits en nouveaux héros, les vieux héros en personne qui n’auraient jamais dû naitre ». Prenant le parti du transhistorique pour déployer une pensée synthétique et hallucinée, Greil Marcus condense le temps et écrit dans les 3’31’’ d’un morceau sauvage et irrévérencieux, cette histoire souterraine du XX e siècle qui, moins visible que l’Histoire « officielle », n’en est pas moins prégnante. Rassemblés dans un panthéon à l’architecture no future, les artistes dada et situationnistes dialoguent avec les Sex Pistols et reprennent en chœur le refrain de l’insurrection et de la contestation révolutionnaire.

Guillaume MANSART

Les micro-événements écrivent à leur tour l’histoire : le concert de 1976, l’assaut de Notre Dame 2, ou l’attaque contre Chaplin 3, bâtissent un monde unifié et clandestin qui rejette toute forme de consensus et s’en prend violemment aux systèmes politiques et religieux, à la consommation (culturelle) et à l’aliénation généralisée de la société. Ce qui unit ces hommes, nous dit l’auteur, c’est notamment le déséquilibre frappant entre l’exigence qu’ils ont à l’égard du monde et les armes poétiques qu’ils utilisent. Ils agissent avec ce besoin urgent de vivre non pas comme des objets de l’histoire, mais comme des sujets, et d’avancer avec cette conviction que quelque chose dépend fondamentalement de leurs actions. Pour détruire un porte-avion à l’arme blanche, il faut de toute évidence une certaine dose de courage, d’obstination, d’insouciance. Il faut surtout savoir inventer des chemins de traverses. Et que ceux-ci passent par la dérive, la psycho-géographie ou par la musique n’a finalement que peu d’importance, « Jugé à l’aune de son ambition sur le monde, un disque des Sex Pistols doit changer la façon dont une personne donnée choisit son trajet pour aller bosser. Ce qui revient à dire que le disque doit relier cet acte à tous les autres, et puis appeler le processus dans son ensemble à se remettre en question. Ainsi, le disque ferait changer le monde. » Dans le baroque Lipstick Traces, Greil Marcus mêle un savoir historique à l’expérience personnelle de sa rencontre avec Anarchy in the U.K.. Si ses rapprochements parfois aventureux relèvent souvent du dogme « seuls-ceux-qui-veulent-voir-peuvent-voir »,

1. Greil Marcus, Lipstick Traces, Une histoire secrète du vingtième siècle, 1989, édition française chez Allia, Paris, 2000 2. Le 9 avril 1950, à Pâques, et alors que 10 000 personnes du monde entier étaient venues assister à la Grand Messe de la cathédrale Notre Dame de Paris, Michel Mourre, déguisé en moine dominicain, monte en chaire et lit un sermon conspuant la religion et l’Eglise Catholique « J’accuse / L’Eglise Catholique Universelle du détournement mortel de nos forces vives en faveur d’un ciel vide / J’accuse / L’Eglise Catholique d’escroquerie / J’accuse / L’Eglise Catholique d’infecter le monde de sa morale mortuaire... » 3. Le 29 octobre 1952, au Ritz, l’Internationale Lettriste trouble la conférence de presse de Charlie Chaplin, venu en France présenter les Feux de la rampe, en distribuant des tracts attaquant Chaplin et sur lesquels on pouvait lire notamment « Allez vous coucher, fasciste larvé, gagnez beaucoup d’argent, soyez mondain, mourez vite, nous vous ferons des obsèques de première classe. »

© Denis Brun, Punk Lives. Compilation, 2003, pochette de disque décalqué sur sac plastique

1956

JERRY LEE LEWIS À Moon Mullican, Merrill Moore et Fats Domino

Aux grandes dames du rock'n'roll : Ella Mae Morse, Rose Maddox, Ruth Brown, Laverne Baker, Lorrie Collins, Wanda Jackson, Janis Martin, Brenda Lee, Barbara Pittman, … Lorsque Johnny Carroll balançait son « hot rock » L'autre Johnny, Burnette, un enfant de Memphis, S'envolait à grands cris sur les traces d'Elvis, L'Amérique explosait sous l'incroyable choc. Carl Perkins était roi grâce à son « Blue suede shoes », Les vieux cons s'indignaient : « Musique de voyous ! » Al Ferrier, le Cajun, boppait dans les bayous, Et la Country partout, couchait avec le Blues. Dans un coin s'entraînait le jeune Jerry Lee, Vincent planait, Buddy berçait son Ollie Vee Ils avaient découvert les secrets de la vie, Sur le pays soufflait un grand vent de folie. Plus importants qu'Einstein, Pasteur ou d'Alembert, Pionniers à tout jamais d'une divine piste, Ils étaient les plus grands des existentialistes, Géniaux et novateurs, tels furent les Rockers ! Michel ROSE

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Il est un oiseau rare au surnom de « killer », Rapace flamboyant du genre prédateur, Son plumage est brillant et quant à son ramage, C'est un chant menaçant fait de glace et de rage. On dit de lui qu'il est resté grand « performer » Et lorsqu'il monte au front, séduisant gladiateur, Il frappe, ah le dément ! sur les touches d'ivoire De son piano martyr, instrument de sa gloire. Michel ROSE Extrait de 24 Heures pour des rockers (1994)

La rockamobile de Buddy Chessman


Rock The Tour Eiffel Associer le rock et la France ne sera jamais une sinécure. Au contraire de l’Angleterre, des États-Unis, voire de l’Allemagne, l’hexagone ne peut se targuer d’avoir un groupe de rock légendaire et international. Téléphone, Noir Désir, ou même l’éternel phénix Hallyday ne feront jamais l’unanimité quant à leur véritable impact sur l’histoire de la musique, alors que les Stones, AC/DC, où même les amusants Scorpions remplissaient (et remplissent toujours) les stades du monde entier et continuent de susciter la ferveur des adolescents en quête d’identité. Là où les Américains vont de Jerry Lee Lewis à Van Halen en passant par Elvis et Iggy Pop, où les Anglais vont d’Ozzy Osbourne aux Artics Monkeys en passant par Led Zeppelin, les Français vont de Dick Rivers aux BB Brunes en passant par les Forbans et Kyo. Héritage difficile à revendiquer. Je force un peu le trait, c’est évident, mais c’est compliqué pour un frenchy de ne pas se sentir obligé d’aller voir ailleurs pour se trouver un aïeul musical un peu crédible. Pour autant, est-ce à dire que la France est perdue pour le rock ? Évidemment non. Surtout pas pour le pays autoproclamé de la liberté (la vraie), l’égalité, la fraternité, la poésie, la crânerie, la jouissance (sous toutes ses formes), valeurs Rock’n’Roll s’il en est. Parce que le rock, ce n’est pas simplement une histoire de guitare, de basse, de batterie, de chanteur hypersexualisé, de stades remplis et de disques de platine. C’est un certain état d’esprit. C’est un mélange de provocation, de désir d’éternelle jeunesse, d’exaltation de l’énergie vitale, dont les avatars sont aussi divers que les concerts de garage, la prise de drogue, la dévastation de chambre d’hôtel, la sexualité débridée, la haine de l’autorité, la religion des copains, ou les passions amoureuses suffisamment orageuses pour être crédibles. Une certaine façon de voir la vie par-dessus la jambe. Live fast, love hard, die young. Voilà qui résume parfaitement l’esprit, et on remarquera qu’à aucun moment on ne parle de musique. La mythologie du rock se remplit d’elle-même, et la biographie de ses acteurs est souvent mieux connue que leur discographie. Quatre milliards d’humains doivent savoir que Jimi Hendrix consommait excessivement les femmes et les drogues, beaucoup moins pourront citer autre chose que Voodoo Child et Hey Joe, lorsqu’il faudra parler musique. L’aura de cette musique transcende donc clairement le simple fait de poser des notes sur des partitions, et l’adjectif « rock n roll » ne s’emploie jamais aussi bien que pour parler d’autre chose.

Les œuvres transversales entre Art et Rock sont nombreuses. Les exemples présentés dans ce numéro en font foi. Les esprits des deux sectes sont animés des mêmes démons : goût du scandale, volonté de rompre avec le passé, envie de se réinventer sans cesse et de conquérir de nouveaux territoires. À l’heure de se poser la question si l’esprit rock est réellement vivant dans ce pays, je voudrais m’arrêter sur la collaboration entre deux figures bien connues des deux univers, Xavier Veilhan et Sébastien Tellier. Depuis 2006, les deux artistes ont travaillé conjointement sur plusieurs projets : trois performances, Super, Sébastien Tellier rencontre Xavier Veilhan, (Maison des Arts de Créteil, 2006), Val de Marne (MAC/VAL, 2006), Ville Nouvelle (avec Alexis Bertrand, Nuit Blanche, Hôtel de Ville de Paris, 2006) et un film, Furtivo, sorti en 2008 (Galerie Emmanuel Perrotin, Paris). Les performances sont plus difficiles à catégoriser qu’il n’y paraît. Si la mise en lumière, en espace, la chorégraphie, les symboles (on retrouve plusieurs fois des chevaux, ou l’utilisation de costumes intégralement blancs), rappellent l’installation, nous assistons tout autant à un véritable concert, où Tellier se produit avec une véritable formation musicale (justement souvent très rock), ou seul au piano, pour jouer sa fameuse Ritournelle. La frontière avec le concert y a donc été parfois très mince. Tellier y était mis en valeur, souvent surélevé par rapport à la foule, rajoutant de l’eau au moulin de l’image du musicien-démiurge. Furtivo était d’autant plus éloquent : Tellier est le héros d’un long clip musical (dont il compose la bande sonore), où un milliardaire oisif, obsédé par des formes, se fait construire un bateau, en l’occurrence Stealth, un prototype de horsbord, ancienne propriété du richissime italien Giovanni Agnelli, patron de Fiat, Ferrari et de la Juventus de Turin. Tellier y est présenté comme un dandy lunaire (très proche de son propre personnage, donc), parcourant la terre à cheval, en hélicoptère, en voiture de course, ou en bateau, et on est tenté d’y voir un film tourné à sa gloire. Car ce personnage, il existait avant le film. C’est celui qu’incarne médiatiquement Tellier depuis plusieurs années, un archétype de rockstar, brillant mais paresseux, agréable mais provocant. A propos de ses camarades chanteurs, il déclare dans Blast en 2008, dans une interview croisée avec Veilhan : « La chanson française n’a aucun avenir. Ou s’il y en a un, c’est grâce à mon album ». Auréolé de mystère, il porte constamment des lunettes de soleil, récite une biographie mouvementée (enfance plutôt aisée, alcoolisme, violence,

Xavier Veilhan, Furtivo (extrait), 2008 - musique : Sébastien Tellier vidéo couleur, 29'19'' - Courtesy Galerie Perrotin, Paris © 2011 - Adagp, Paris

séjour en hôpital psychiatrique, libido exacerbée), écrit un album entier faisant l’apologie du sexe décomplexé, sobrement intitulé Sexuality. Ses interventions ajoutent plus de confusion qu’elles ne permettent la compréhension du personnage, et au fil du temps, Sébastien Tellier se construit un auto-mythe assez fascinant pour peu qu’on s’y intéresse. La réunion des deux est d’une logique implacable : Veilhan a vu Tellier en concert, Tellier a vu un catalogue de Veilhan, chacun aime et se reconnaît dans ce que l’autre fait. L’évidence est que, malgré les différences de médium, ils recherchent des choses semblables, comme l’esthétisme, le cliché et un certain amour du spectacle. Veilhan voit ses propres œuvres comme des shows : « L’amour du show, c’est un postulat. C’est une histoire de panache, de distance, sans condescendance. C’est utiliser des images préexistantes pour rentrer de plain-pied dans un imaginaire collectif. Je recherche l’impact à travers mes objets ». Ils peuvent aussi se targuer d’une histoire et d’une image commune : deux starlettes, propulsées trop vite au goût de certains sur le devant de la scène au propre comme au figuré. Tellier a fait son premier concert comme première partie de Air devant des milliers de personnes, et a été sélectionné comme représentant de la France à l’Eurovision, où il chanta, bien entendu, en anglais (ô sacrilège, qui lui valu certains commentaires de la part du Ministre de la Culture et de bien d’autres). Veilhan fut quant à lui considéré comme l’espoir de l’art contemporain, catalogué chef de file de la nouvelle sculpture française, parfois épinglé pour son côté un peu « facile », et évidemment conspué par une certaine partie de la bonne société quand il fut choisi pour exposer à Versailles il y a deux ans. Mais finalement, Versailles ou L’Eurovision, ces symboles un peu surannés de la culture traditionnelle, sont leurs chambres d’hôtel saccagées, où ils ont exprimé une volonté de s’amuser et de se faire plaisir dans des lieux pas forcément conçus pour. Comme si on leur avait donné un gros jouet tout neuf qu’ils se seraient empressés de casser. Des sales gosses. Comme quoi, en France, les Guitar Heroes nous feront toujours défaut, mais jamais les ados attardés qui ne respectent pas grand-chose. Là où il y a de la vie, il y a du rock… Nicolas-Xavier FERRAND

Le rock, l'art, la mèche et les couteaux Les artistes et les rockeurs vivent et dansent sur des couteaux. Toujours à la lisière de la vie et de la mort, ils naviguent sur cet objet en acier inoxydable froid mais tranchant, sec mais sanglant. C’est avec le corps usé que les rockeurs vivent, c’est avec le sang abimé par les drogues que Johnny Cash monte sur scène et qu’il s’ouvre l’âme pour survivre d’être soi. Le corps n’est rien qu’une illusion, une barrière entre son âme et le monde, pourtant il exprime par sa consistance indéniable dans la réalité, la malédiction ou la bénédiction profonde de nos existences. Avec lui nous ressentons nos angoisses qui nous serrent les nerfs, et nos plaisirs qui démêlent ses nœuds. C’est par le corps que Marina Abramovic fera le choix de déstabiliser les sensations physiques d’autrui lors de ses performances. Elle jouera bien souvent du couteau lors de celle-ci. Pour l’une de ses interventions, Thomas lip, elle s’entaillera le ventre avec une lame de rasoir pour former un pentagramme, sorte de provocation qui met en abyme plusieurs de nos rapports aux corps. Par ce geste elle engage son enveloppe physique vers une sorte de processus métaphysique qui dénie son appartenance à la création divine, le corps comme création de Dieu n’a plus d’écho et ne peut avoir de validité. Pourtant elle va le stigmatiser, le marquer à la manière d’un graveur qui

pose la pointe sèche sur le métal, elle se donne à une autre symbolique et se dépersonnalise en accueillant sur sa peau un sigle à la connotation particulière. Par l’acte en lui-même et toute la violence qu’il peut représenter, elle conduit le spectateur passif à subir nerveusement un geste dérangeant et pour certains insupportable. On connait aussi Marina Abramovic pour une de ses vidéos Art must be beautiful où elle se coiffe avec une brosse et un peigne en métal. La vidéo dure environ 1’31’’, durant le coiffage/décoiffage elle scande de manière spasmodique « art must be beautiful, artist must be beautiful ». C’est sans aucun doute l’expression d’une forme de critique des apparences de l’art et que derrière tout artiste se cache un travail, une image modelée qu’elle tente au moyen de sa propre mise en beauté de dénoncer comme une forme d’absurdité. Annelise Ragno connue pour s’intéresser aux mouvements des corps a produit en 2008 une ré-interprétation de la vidéo de Marina Abramovic en filmant des rockeurs en train de se coiffer. Le bruit des sèche-cheveux remplace le slogan de la précédente qui souffle de manière incessante une musique mécanique. Le geste des rockeurs semble plus calculé que celui de Marina. Chaque rockeur qu’Annelise a pris soin de débusquer nous dévoile en effet tel un rite

magique, sa touche personnelle, tout le soin apporté qui relève d’un savoir faire personnel et d’une forme de virilité revendiquée tel un soudeur qui travaille le métal. Le geste et la coiffure que ce soit la banane ou la crête, sont comme des codes qui forment et soudent la communauté. Même si on peut les trouver un peu dérisoires et superficiels ; ils apparaissent primordiaux et pour tout bon rockeur qui se respecte, il faut avoir sur son crâne une coiffure digne de ce nom, qui en ellemême porte toute l’histoire d’un mouvement, d’Elvis en passant par Johnny Cash. La coiffure rock est un emblème du même statut que la guitare faisant partie d’une esthétique d’ensemble. Celle-ci apparaît dans l’esprit collectif aujourd’hui tel un mythe porteur d’un caractère, d’un style authentique et d’une époque aussi peut-être. Comme dans la vidéo d’Annelise Ragno, les jeunes hommes de la fureur de vivre de Nicholas Ray, film culte des 50’s portent une coiffure gominée avec soin comme Jim Stark interprété par James Dean avant d’aller se battre en duel au couteau pour flatter leurs virilités et charmer les femmes. Mais dans tous les cas, c’est la captation d’une essence, qui va au-delà des apparences et révèle le souci d’être plus que soi. Mathias DAISEY © Annelise Ragno, Artist must be beautiful, 2008, vidéo, 28’ en boucle

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D'autres jardins pour Adonis Jean-Luc Verna, dessiner ou soulever le cœur Parcourir l’œuvre d’un homme, c’est la feuilleter sans la survoler, c’est l’effeuiller sans jamais tenter de séparer pétales, feuilles, épines et bourgeons de leur sève matricielle. Art and Rock s’enrôlent, puisant tous deux dans les délices de la chair et de la littérature. Ce qui suit est un chœur, un chœur répondant au concerto pour plasticiens Janet & the icebergs à la galerie GHP à Toulouse, sur le modèle d’un groupe qui aurait choisi de se former et de ne se réunir que l’espace d’une exposition ensemble. Jean-Luc Verna a invité Hippolyte Hentgen, Julien Tiberi, Frédéric Sallaz, Jonathan Cejudo, Karim Ghelloussi et Loïc Lepivert à composer cet album de dessins. Les photographies de Gilles Vidal marquent la particularité de cet évènement, de ce concert graphique. L’écriture fait également écho à la vidéo Nocturnes réalisée au Musée St Raymond cet hiver pour l’exposition Hystoery, où Jean-Luc parcourt la statuaire de la collection permanente en renommant les poses imitées par des situations précises mettant en scène, par son corps sculpté, ses idoles musiciennes.

Droite ou courbe ? Qu’importe désormais. Son sens ? Elle a le sens de sa couleur. J’ai décidé de ne pas continuer à lui marcher dessus. Je prends la liberté de ne pas l’explorer jusqu’au bout. D’ailleurs, le bout, le bout, quel bout ? Le bout n’existe pas. Le chemin est infini, il est cet homme qui dévore ses pieds en un cercle parfait, ce serpent qui aspire son propre corps. Je quitterai la ligne quand je le voudrai, quand mon intuition guidera mon cœur vers des pas inventés par ma seule volonté. Je trouverai la force de détourner pour moi seule le chemin. La résistance ne m’épuise pas : elle est dans l’état même de chaque chose. Elle est en moi, elle est moi, je suis elle. D’ailleurs lutte-t-elle plus elle pour moi, que je ne lutte moi pour ma vie ? Parfois, il m’arrive, à la surface de la lune masquée, d’être heureuse sans savoir pourquoi. C’est à cause du soleil, cette étoile oublieuse de ma mort. Il me rend l’illusion de l’avenir à chacune de ses apparitions. Je voudrais qu’il me parle, qu’il me susurre le secret de mon mystère. Rien à faire, il poursuit sa course de lumière, laissant l’arc de mes lèvres à demi-ouvert, béat, en attente de quelques éclats rayonnants.

Sous la nuit, les yeux en étoiles, La colonne filante de son propre temple Dessinent le cœur soulevé. Affleurent les poignets, Les voyages. Affleurent les sens, Les rencontres. Fards électriques Et talons d’or Oublier le jour comme on rêve Là-bas Eternelle, la fleur Son parfum réparti dans les mémoires vivantes Sa couleur confondue à celle du soleil Brille De mille pétales d’argent. Il faudrait un homme, Il faudrait mille hommes, Pour ? Myrtes et Genévriers ont quitté le jardin Et les bouquets du « flowerman » destinés à Siouxsie Le sentiment apaisent. La beauté d’un geste Ni tout à fait étrange Ni tout à fait anodin Pourquoi, tous, chacun, Ne parfumerions-nous pas « les âmes à la rose pour la vie entière » 1 ? Je connais un homme Je connais mille hommes Qui inventent leurs propres légendes, Tissent leurs vies comme ils tissent leurs songes Authentiques représentations Multiples visages d’un même centre Soi. Le corps, héroïque Les doigts, l’aurore du mythe Le visage, lit de rivières originelles estompées par les sourires, La peau, l’écume des temps retentis « Quand Dieu modela dans la glaise le premier être humain, il y peignit les yeux, les lèvres et le sexe. Si Dieu était satisfait de sa création, il donnait la vie à la figurine d’argile peinte en la signant de son nom » 2 Le sens du sacré, le seuil de l’homme L’infime, d’intimes notes J’ai un rêve. Devenir rien ou devenir tout. Mais je ne suis ni rien ni tout. Je suis cette virgule charnelle dans la terre déposée. Je ne parle qu’en des langues étrangères à tous. Est-ce que quelqu’un comprend le mutisme profond de la parole ? Est-ce que quelqu’un m’entend ? Pourquoi la vie ne se donne-t-elle pas à moi ? Pourquoi la vie ne tient-elle pas sa promesse ? À moins que le vœu de la vie soit la mort. Alors, comme ça, pour vivre, la vie espèrerait la mort ? Pourquoi pas… ça m’arrange, finalement. Je préfère attendre et m’assurer qu’il ne se passe rien. Ainsi je n’ai rien à prévenir. Je n’ai rien à prévoir qui ne soit déjà visible : la terre autour de moi, ce monde dont je touche pied mais qui me paraît si lointain malgré sa matière palpable et docile. Parfois, je vois la vie traverser le rêve. Je m’y aperçois, me tournant le dos. Je continue, je marche, parfois il m’arrive de courir après elle, la vie, cette vie, moi. En vain. Je ne parviens plus à tomber. Le droit à la chute m’a été enlevé. Trop de cartes brûlées sûrement. Et je flotte, sur un nuage froid et humide noir et compact. Je n’ai aucune visibilité du dessous du nuage. Sans doute n’y a-t-il rien à voir ? Sans doute n’y a-t-il pas d’autre profondeur ? Je tiens sans forcer en équilibre sur un fil confus d’exister, sur une ligne réduite à n’être qu’une ligne que j’ai toujours perdue et souvent retrouvée, souvent sauvée, enfin… C’est elle qui me sauve quand, se faufilant entre les plis du corps elle vient soulever la lourde paupière de l’œil intérieur.

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Jean-Luc Verna, Janet & the icebergs, 2010, GHP, Toulouse © Gilles Vidal

Il le sait, j’en suis sûre que j’aimerais pouvoir englober le paysage extérieur, le serrer tout fort au cœur de ma poitrine. J’aimerais tout contenir à l’intérieur de moi pour devenir cette clandestine porteuse de la terre-mère, pour ne plus me sentir coupable d’exister, coupable de vivre, coupable d’aimer. Enfin, j’aurais le sentiment de vivre. Je vivrais partout dans ce nulle part dont mon corps délimiterait les frontières avec le reste. Mon étendue lunaire serait alors enfin peuplée et vivante et elle m’utiliserait pour se déplacer… de terre en terre, d’étoile en étoile, de cœur en cœur… Aucune voix. Aucune réalité. Aucun mensonge véritable. Aucune réalité mensongère. Seule, la non-existence marche, s’assume et se consume dans une lenteur qui ne se mesure qu’avec le mouvement de la brume. C’est un fait, plus la brume s’épaissit, plus j’y vois clair. Je crains que, dans mon cas, la parole ne soit pas plus importante que le silence. Je parle pour que la femme du paysage intérieur s’habitue à mon existence et apprivoise ma voix. Je ne plierai pas et continuerai à tendre le bras, vers cette vie en moi. Quand je l’effleure du bout des sens, elle se défile, se désagrège, se volatilise sans me laisser de trace. C’est son passage qui me revient, comme un souvenir à qui l’on a coupé la parole, comme une âme à qui je dois donner souffle et vie, enfin et pour toujours. Je ne veux rien de plus que du silence vif. Helly O’TROPP

Finally, without end. Pink thinks Antique things Enter a picture, a life, an ocean. Anaïs DELMAS mars 2011 1. Guillaume Apollinaire 2. The Pillow Book Peter Greenaway


Villa du Parc 12 rue de Genève 74100 Annemasse tél. 04 50 38 84 61 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h30 et sur rendez-vous. Fermé les jours fériés ➤ « Aimant, jaune, fluo, etc » Véronique Joumard : jusqu’au 23/04/11 ➤ « Losing Sight » Clément Laigle : 29/04 - 28/05/11 ➤ « Entropie ce qui reste du monde » Haute École d'Art et de Design Genève/Option SCIE : 03 - 14/06/11 ➤ « Situations de la peinture 4 » 24/06 - 03/09/11 ➤ « Sans titre » Kaz Oshiro : 16/09 - 19/11/11 belfort

Théâtre Granit 1 faubourg de Montbéliard 90000 Belfort tél. 03 84 58 67 50 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h le dim. de 15h à 19h et les soirs de spectacle ➤ « Entre-temps » Blanca Casas Brullet/Pierre Yves Freund : jusqu’au 24/04/11 ➤ « Le Granit et la Savoureuse » Julie Legrand : 07/05 - 19/06/11

Ecole d'art Gérard Jacot (org. Frac Franche-Comté) 2 avenue de l'Espérance 90000 Belfort tél. 03 84 36 62 10 ➤ « Petit nu » de Stephan Balkenhol par Erik Verhagen : 16/05/2011 à 20h

Tour 46 & musée des Beaux-Arts Tour 41 & Citadelle (org. Frac Franche-Comté) tél. 03 84 54 25 51 ➤ « Hic sunt Leones, Terra incognita » M. Assaël, E. Bossut, L. Bourgeat, M. Bourget, M. Boyce, T. Claassen, H. Duprat, R. Fauguet, A. Guggisberg, A. Lutz, D. Mach, A. Molinero, G. Motti, P. Pouvreau, P. Regli, P. Rösel, B. Semmes, S.A. Sigurdsson : 10/06 - 25/09/11

Comité de rédaction : Frédéric Buisson, Bertrand Charles, Laurence Cyrot, Cécile Desbaudard, NicolasXavier Ferrand, Marlène Gossmann, Martine Le Gac, Nadège Marreau, Michel Rose

Coordination, contacts Agenda : Nadège Marreau Contacts Presse : Fiona Vianello

(org. Frac Franche-Comté) 12 rue Denis Papin 25000 Besançon tél. 03 81 87 81 30 ➤ Istvan Balogh par Stéphanie Jamet-Chavigny : 06/04/11 à 17h

Ont participé à ce numéro : Franck Balland, Julien Blanpied, Bertrand Charles, Mathias Daisey, Anaïs Delmas, Cécile Desbaudard, Nicolas-Xavier Ferrand, Bertrand Kelle, Guillaume Mansart, Aurélien Pelletier, Michel Rose Relecture : Michel Rose Couverture : Photomontage, 2011 vue de la salle des Gardes du Musée des Beaux-Arts de Dijon © Musée des Beaux-Arts de Dijon - photo : François Jay © F. Buisson, Interface, Dijon Double page intérieure : CHRISTIAN MARCLAY SANS TITRE, 2011, collage © courtesy White Cube, Londres Impression : ICO Dijon Tirage 5 000 exemplaires ISSN : 1289-951 Publié avec le soutien de l’ensemble des structures annoncées dans l’agenda et du :

château-gontier

Chapelle du Genêteil rue du Général Lemonnier 53200 Château-Gontier tél. 02 43 07 88 96 ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h ➤ « 21e siècle, après Albert Robida » Daniel Nadaud/Jean-Jacques Rullier : jusqu’au 05/06/11 ➤ Christophe Terlinden : 02/07 - 28/08/11 chelles

Palais Granvelle (org. Frac Franche-Comté) Cour du musée du Temps 25000 Besançon tél. 03 81 61 55 15 ➤ « The Mental Cube » Messieurs Delmotte : 17/06/11 à 20h30

Le Gymnase - espace culturel IUFM (org. Frac Franche-Comté) Fort Griffon 25000 Besançon tél : 03 81 65 71 28 ➤ « FRAC : Next Generation » : 19/10 - 23/10/11 brest

Centre d’art Passerelle 41 Bis rue Charles Berthelot 29200 Brest tél. 02 98 43 34 95 ouvert le mar. de 14h à 20h et du mer. au sam. de 14h à 18h30 fermé dim., lun. et jours fériés ➤ « abstraction / quotidien » G. Arndt, S. Beckett, A. Léocat, C. Martin, B-M. Moriceau, B. Steppe, E. Stocker : 16/04 - 12/06/11 ➤ « Graukarten » Tina Schulz : 10/05 - 02/07/11 ➤ « sélection d'œuvres de la collection du Frac Bretagne » John M. Armleder, Christophe Cuzin, ... : 25/06 - 15/08/11

4 rue des bons enfants 21000 Dijon tél. 03 80 67 11 10 ouvert du mar. au dim. de 10h à 12h et de 14h à 18h ➤ « Ashes to Ashes » Lydie Jean-Dit-Pannel : 16/04 - 15/05/11

89 rue Berbisey 21000 Dijon tél. 09 50 80 57 55 ouvert du mer. au sam., de 14h à 20h, le dim. de 15h à 19h ➤ « Un+Un » E. Barra & B. Kelle : 29/04 - 15/05/11

Musée des beaux-arts de dijon Palais des ducs et des états de Bourgogne 21000 Dijon tél. 03 80 74 52 09 ouvert tous les jours sauf le mar. de 9h30 à 18h (sauf le 30/04 : 10h à 17h), fermé les 1er et 8 mai ➤ « Artist must be beautiful » Annelise Ragno : 30/04 - 15/05/11

atheneum Université de Bourgogne Esplanade Erasme 21000 Dijon tél. 03 80 39 52 20 ouvert du lun. au ven. de 10h à 17h et les soirs de spectacle ➤ « précisions sur les vagues #2 » Une proposition de : Célia Houdart avec S. Roux, C. Hauser, J. Tuncer, M. Darrieusecq, O. Vadrot, V. Dréville : jusqu’au 7/04/11

Centre d’art contemporain Le Consortium

Centre-ville (org. Frac Franche-Comté) tél. 03 81 61 55 18 ➤ Visite guidée par Michel Dector & Michel Dupuy : 22/05/2011 à 11h

27 rue Berlier 21000 Dijon tél. 03 80 66 23 26 ouvert les mer., ven. et sam. de 15h à 19h ➤ « Rock it » P. Cazal, J. Conscience, P. Gronon, J. Hubaut : 23/04 - 28/05/11 ➤ Katrin Ströbel : 18/06 - 23/07/11

Eggo Galerie

Petit Kursaal

Ecole régionale des Beaux-Arts

Galerie Barnoud

Musée Magnin Conception graphique : Frédéric Buisson

besançon

(org. Frac Franche-Comté) 2 place du théâtre 25000 Besançon tél. 03 81 61 55 18 ➤ Raphaël Zarka : 10/05/11 ➤ Neal Beggs : 01/06/11 projection 18h - 20h

Ce numéro a été conçu par la rédaction en chef en parallèle de l’événement ONE+ONE (ART & ROCK) qu’INTERFACE coordonne du 16 avril au 28 mai 2011 à Dijon dont vous pourrez retrouver tout le programme sur son site Internet : www.interface-art.com

les églises centre d'art contemporain rue éterlet 77500 Chelles tél. 01 64 72 65 70 ouvert du ven. au dim. de 14h à 17h et sur rendez-vous en semaine ➤ « Anastyloses et reconversions » Simon Boudvin : 13/03 - 30/04/11 ➤ Farah Atassi & Élodie Lesourd : 22/05 - 17/07/11 delme

Synagogue de Delme 33 rue Poincaré 57590 Delme tél. 03 87 01 35 61 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, dim. de 11h à 18h ➤ « La femme de loth » Edith Deckyndt : jusqu’au 30/04/11 ➤ « L’anabase de May et Fusako Shigenobu, Masao Adachi, et 27 années sans images » Eric Baudelaire : 20/05 - 18/09/11 dijon

appartement/galerie Interface 12 rue Chancelier de l’Hospital 21000 Dijon tél. 03 80 67 13 86 ouvert de 14h à 19h du mer. au sam. et sur rdv ➤ « d'une dérive l'autre ou la tentation du twin fin » Arnaud Maguet & Olivier Millagou : jusqu’au 28/05/11 ➤ Katrin Ströbel : 18/06 - 23/07/11 ➤ Marie Lepetit : 17/09 - ../10/11

Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain numéro, une participation de 30 Euros minimum est demandée.

37 rue de Longvic 21000 Dijon tél. 03 80 68 45 55 ouvert : www.leconsortium.fr ➤ « Deep Comedy » Arman, C. Boltanski, D. Brown, A. Bullock, R. Feinstein, G. Friedmann K. Fritsch, R. Graham, P. Joseph, K. Linzy, I. Genzken, D. Van Golden, D. Graham, A. Hubbard, H. Haacke, R. Harrison, P. Huyghe, Y. Kusama, B. Lavier, M. Leckey, Ming, F. Morellet, O. Mosset, R. Prince, C. Rutault, C. Sherman, H. Yang, J. Scher, M. Smith, W. Wegman, J. Wesley Zobernig : 9/06 - 15/10/2011

montbéliard

Le 19 19 avenue des alliés 25200 Montbéliard tél. 03 81 94 43 58 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, le dim. de 14h à 18h ➤ « ... With a mental squint » Joël Kermarrec & D. Cadio, A. Vasseux, K. Ziemke : juqu’au 12/06/11 ➤ « La vie, comme un tableau » Raphaëlle Paupert-Borne : 25/06 - 25/09/11 mulhouse

La Kunsthalle Muhouse La Fonderie 16 rue de la Fonderie 68093 Mulhouse Cedex tél. 03 69 77 66 47 ouvert du mer. au dim. de 12h à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 20h, fermé les lun. et mar., 22, 23, 24 avril et 1 mai ➤ « L'idée de la nature » D. Allouche, L. Almarcegui, E. Avert, D. Boeno, L. Friedländer, L. Ghirri, L. Grawey, W. Grösch / F. Metzger, D. Knorr, B. Moninot, E. Pong, T. Rocha Pitta, P. Rönicke, R. Signer, E. Simon, G. Steiner & J. Lenzlinger, C. Twombly : jusqu’au 22/05/11 ➤ « 400 Sonnets Inversés, Réunis » Seb Patane : 18/06 - 28/08/11 er

nevers

Arko 3 place Mossé - 58000 Nevers tél. 03 86 57 93 22 ouvert mer., ven. et sam. de 15h à 19h et sur rdv ➤ « Partitions » G. Brecht, H. Chopin, G. Chiari, P. Corner, Y. Etienne, I. Hamilton Finlay, D. Higgins, R. Filliou, J.B. Farkas, J. Giller, J. Giorno, A. Knowles, M. Nanucci, B. Tryolière, E. Parendeau, B. Vautier : jusqu’au 17/07/11 ➤ « Fever#1 » Les gens d’Uterpan : 13/05/11 ➤ « Double Mixte 2 » Office abc & Marie Welles : 17/09 - 27/10/11

Café Charbon (org. Arko) 10 rue Mlle Bourgeois - 58000 Nevers tél. 03 86 57 93 22 ➤ « Entr’acte(s) » Louise Hervé & Chloé Maillet : 30/06/11 à 19h

Palais Ducal (org. Parc Saint-Léger) 1 place de l’Hôtel de Ville - 58000 Nevers ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h et le dim. de 15h à 18h ➤ « celebration » Tony Regazzoni : jusqu’au 05/06/11 pougues-les-eaux

Parc Saint-Léger dole

Musée des Beaux-Arts 85 rue des arènes 39100 Dole tél : 03 84 79 25 816 ouvert tous les jours, sauf le dimanche matin et le lundi 10h à 12h et de 14h à 18h, le mercredi jusqu’à 20h ➤ « Courbet contemporain » : 14/05 -18/09/11 fresnes-au-mont

Le Vent des Forêts Mairie 21 rue des Tassons 55260 Fresnes-au-Mont tél. 03 29 71 01 95 ➤ « 100% Vent des Forêts » Les frères Chapuisat, M. Crasset, T. Mercier & C. Hamaide-Pierson, F. Nakaya, M. Peter, S. Prasad, M. Tschiember, S. Vigny : inauguration le 16/07/2011 limoges

Frac Limousin les coopérateurs impasse des Charentes 87100 Limoges tél. 05 55 77 08 98 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, fermé les jours fériés ➤ « une manière de penser les images » Franck Eon : 19/03 - 11/06/11 ➤ Bethan Huws : 24/06 - 29/10/11 lons-le-saulnier

Musée des Beaux-Arts (org. Frac Franche-Comté) place Philibert de Chalon 39000 Lons-le-Saunier tél. 03 84 47 64 30 ouvert du mar. au ven. de 14h à 17h, samedi et dimanche 14h18h, fermé le 1er mai ➤ « Topographie anecdotée du skateboard » Raphaël Zarka : jusqu’au 12/06/11

avenue Conti - 58320 Pougues-les-Eaux tél. 03 86 90 96 60 ouvert du mer. au dim. sauf jours fériés de 14h à 19h et sur rdv ➤ « Desire in Representation » Peggy Buth : jusqu’au 15/05/11 reims

Frac Champagne-Ardenne 1 place Museux - 51100 Reims tél.03 26 05 78 32 ouvert du mar. au dim. de 14h à 18h ➤ « Lyot » Julien Carreyn : 13/05 - 14/08/11 ➤ « Disorder » Nick Mauss : 13/05 - 14/08/11 ➤ Ciprian Muresan : 16/09 - 31/12/11 sélestat

Éditions d’artistes INTERFACE - HORSD’OEUVRE 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL - 21000 DIJON tél/fax : 03 80 67 13 86 // contact@interface-art.com Format : 420 x 594 mm (impression offet)

JEAN DUPUY [horsd’oeuvre n°0 - 1997] Oh, Ah, Hi, Ici..., 1997-2003 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 70 € + 6 € de frais d’envoi DANIEL FIRMAN [horsd’oeuvre n°1 - 1997-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi GÉRARD COLLIN-THIÉBAUT [horsd’oeuvre n°2 - 1998-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi ÉRIC DUYCKAERTS [horsd’oeuvre n°3 - 1998-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi

nouveautés

annemasse

HORSD’ŒUVRE n° 27 édité par l’association INTERFACE 12 rue Chancelier de l’Hospital F - 21000 Dijon t. : +33 (0)3 80 67 13 86 contact@interface-art.com www.interface-art.com

YAN PEI-MING [horsd’oeuvre n°5 - 1999] International Landscape, 1999 Tirage : 200 ex. Prix unitaire : 15 € + 6 € de frais d’envoi MARC CAMILLE CHAIMOWICZ [horsd’oeuvre n°6 - 1999] Projet pour le plafond de la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Cluny, 1999 Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste + 21 E.A. Prix unitaire : 46 € + 6 € de frais d’envoi ERNEST T. [horsd’oeuvre n°7 - 2000] Peinture sur palette, Détail, 2000 Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste + 20 E.A. Prix unitaire : 46 € + 6 € de frais d’envoi JOCHEN GERZ [horsd’oeuvre n°8 - 2001] YOUR.art, 1991/2001 Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 31 € + 6 € de frais d’envoi PETER DOWNSBROUGH [horsd’oeuvre n°9 - 2001] AND, ET, ICI, 2001 Tirage : 100 ex. tamponnés au dos par l’artiste Prix unitaire : 46 € + 6 € de frais d’envoi ORLAN [horsd’oeuvre n°11 - 2002] Catharsis - Générique imaginaire n°27 / Corporis Fabrica - Générique imaginaire n°26, 2002 Tirage : 199 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 100 € + 6 € de frais d’envoi MARC COUTURIER [horsd’oeuvre n°12 - 2003] Pointe d’argent, 2003 Tirage : 99 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 75 € + 6 € de frais d’envoi GIANNI MOTTI [horsd’oeuvre n°13 - 2003] BLITZ, 2003 Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi CHRISTIAN ROBERT-TISSOT [horsd’oeuvre n°15 - 2004] Sans titre, 2002-2004 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi ETIENNE BOSSUT [horsd’oeuvre n°16 - 2005] Illustration bleue, 2005 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi THOMAS HIRSCHHORN [horsd’oeuvre n°17- 2006] NAIL & WIRE, 2004-2005 Tirage : 200 ex. Prix unitaire : 20 € + 6 € de frais d’envoi JORDI COLOMER [horsd’oeuvre n°18 - 2006] Anarchitekton Barcelona, 2006 Tirage : 140 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 20 € + 6 € de frais d’envoi

Frac Alsace 1 espace Gilbert Estève 67600 Sélestat tél. 03 88 58 87 55 ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h ➤ Olga Mesa : jusqu’au 22/05/11 ➤ Brice Dellsperger/Jean-Luc Verna : 17/06 - 21/08/11 solre-le-château

Cent lieux d’art 2 La vitrine Paulin - 2 rue Beaumont 59740 Solre-Le-Châ teau tél. 06 37 22 85 7 ➤ « Moss Garden » Sébastien Gouju : jusqu’au 08/05/11 ➤ Laurette Atrux-Tallau : 18/06 - 18/09/11 vézelay

Fondation Zervos Maison Zervos - La Goulotte 89450 Vézelay tél. 03 86 32 36 10 ouvert tous les jours de 14h à 19h ➤ « Là, demeure » P. Bisher, J. Dahlberg, T. Demand, P. Downsbrough, P. Gronon, T. Ruff, M. Sailstorfer, H. Sugimoto, R. Whiteread, ... : 03/07 - 18/09/11

GUILLAUME MILLET / JOËL HUBAUT OLIVIER MOSSET / NIEK VAN DE STEEG [horsd’oeuvre n°20 - 2007] Aliza, 200 / 7Hiouppie !, 2007 Gone West (poster), 2007 / Extra Pur, 2007 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par les artistes Prix de l’ensemble : 150 € + 9 € de frais d’envoi CLAUDE LÉVÊQUE [horsd’oeuvre n°21 - 2007] Sans titre, 2007 Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 30 € + 6 € de frais d’envoi VERA FRENKEL [horsd’oeuvre n°22 - 2008] News of the Scaffolding Archive - Toronto, 2008 Tirage : 200 ex. + certificat de l’artiste Prix unitaire : 60 € + 6 € de frais d’envoi RAPHAËL BOCCANFUSO [horsd’oeuvre n°24 - 2009] Ta mère la Pub, 2009 Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 40 € + 6 € de frais d’envoi BAPTISTE DEBOMBOURG [horsd’oeuvre n°26 - 2010] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 6 € de frais d’envoi

nouveauté CHRISTIAN MARCLAY [horsd’oeuvre n°27 - 2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 100 € + 6 € de frais d’envoi


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