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LES CRIS DE L’ÉCRIT Sur le toit ou sur le moi

n°10

h t t p : / / w w w. i n t e r f a c e - a r t . c o m /

HORSD'OEUVRE

le journal de l’art contemporain en bourgogne, mars/juin 2002

Sur la toile ou sur la glace Sur le voile ou sur la place Sur le sol ou sur le mur Sur le mol ou sur le dur Sur les bords ou sur le sabre Sur les corps ou sur le marbre J ’ é c r i s J e t - c r i Tu écris Tu e s q u i ; t u e r q u i ? Il écrit, il est gris ! Ils écrivent ; ils décrivent Iles et rives Elles écrivent Ailes-dérives Sur la voie ou sur l’émail Sur la soie ou sur le rail Sur la terre ou sur le cuivre Sur le verre ou sur le livre Sur la page ou le tableau Sur la plage ou le tombeau 26-27/10/01 - Dijon - Michel Rose


Lawrence Weiner,

PLACED UPON THE WATHER UNDERNEATH THE STARS,

TAKEN FROM THE WATER & CARRIED TO THE STARS Chagny, 1994-1995 (installation permanente)

Regarde, lis ! Avant la modernité, l’usage du texte dans la peinture n’a pas, semble-t-il, soulevé de scandale ni suscité de querelle. Alors, « quelle rupture a-t-il fallu pour que les modernes se risquent à cet emploi comme à une transgression ? » interrogeait André Gunthert dans le numéro de Artstudio consacré à l’art et les mots1. La question suffit pour introduire historiquement le problème de l’écrit dans l’art au XXème siècle à la faveur d’une attitude transgressive. Dans les œuvres cubistes, futuristes, dadaïstes, l’intrusion des mots a suivi l’évolution du système iconique. La perte de lisibilité de l’image due à son éclatement dans l’espace incertain de la toile est à peine compensée par les messages écrits. Loin de recomposer un discours homogène sur le monde réel, le langage, le mot, la lettre entraînèrent des potentialités nouvelles liées à la plastique autant qu’à la sonorité, au rythme ou à la matérialité physique de la langue, déroutant la création des voies esthétiques habituelles. L’histoire conjointe de l’art et de l’écrit s’est ainsi déroulée au gré de relations diverses marquées par les

figures nodales de Duchamp et Magritte jusqu’à Weiner, Barry, Nauman, par des épisodes clés de l’art néo-avant-gardiste de Fluxus au Conceptuel, indiquant le croisement des disciplines en même temps que la spécificité des matériaux, fussent-ils empruntés au langage. L’art conceptuel, ou plutôt l’étude syntagmatique de l’œuvre conceptuelle a porté sur les structures, les fonctions de l’œuvre, ses relations contextuelles à ses territoires pour retenir en priorité le remaniement de la définition de l’art. L’interaction entre les mots et le lieu de leur inscription que nous proposons comme angle d’observation de la création contemporaine nous a amené à saisir la dimension plus hétérogène et plus ambiguë de l’œuvre, où le sens de l’écrit, les implications politiques, sociales, privées, intimes de l’œuvre textuelle remplacent les anciens paramètres d’ordre catégoriel, ou analytiques, requis par les études modernistes. L’écrit n’agit plus contre le visuel. Une œuvre comme celle que Lawrence Weiner a

installée dans la petite ville de Chagny résonne poétiquement. L’inscription lisible sur une stèle de béton désigne des mouvements faisant se rencontrer l’eau et les étoiles : (deux ou trois choses) possiblement réalisables dans l’imaginaire de celui qui regarde et lit. L’image fait retour par ce qui avait permis de lui résister. À l’opposé de l’œuvre de Lawrence Weiner, la série Women of Allah, réalisée en 1993 par l’artiste iranienne Shirin Neshat comprend elle aussi une matière scripturaire : des portraits photographiés de femmes revêtues d’un chador et dont les parties du corps dénudées – visage, mains, pieds – sont recouvertes de calligraphie

farsi. Dans son œuvre, Shirin Neshat utilise les codes sociaux, culturels et religieux pour interroger les conditions de la femme musulmane et analyser une réalité prétendument plus complexe qu’on ne l’a imaginé. L’écriture est l’un de ces codes culturels utilisé de manière à ramener le réel à l’incertitude. Entre Weiner et Neshat, nombreux sont les artistes ayant recours à l’écrit. Moins soucieux d’en retenir les qualités spécifiques, ils l’utilisent pour exacerber en quelque sorte les possibilités du langage seul ou de l’image seule. Les fonctions se cumulent : narrative, descriptive, documentaire, plastique, politique, poétique, communicationnelle… elles se superposent dans des expressions hétérogènes qui nous introduisent dans la multiplicité et la complexité du réel. Valérie Dupont

1. André Gunthert, « Le texte fait figure », Artstudio, n°15, hiver 1989, p. 34.

De la littéralité dans l’art contemporain Où l’on entend parler d’Aristote, de Pol Pot et de Claude Closky « Ut pictura poesies » disait le brave Horace, la peinture est comme la poésie : toutes deux cherchent à représenter le monde, non pas tel qu’il est, mais comme l’artiste le voit. Par des moyens différents, le poète et le peintre imitent, mais surtout manipulent et transforment. Cela dit, il faut reconnaître que, malgré ce lien, les relations entre arts littéraires et arts plastiques se sont souvent confinées dans un rapport à sens unique où les seconds, soumis aux premiers, ne servaient que d’ornement. Pourtant, du Coup de dés… de Mallarmé aux Mots en liberté de Marinetti, l’analogie établie par Horace se fit entendre de nouveau et la poésie devint plastique : les collaborations entre artistes et écrivains se firent plus étroites et les cloisons qui séparaient les deux domaines s’effondrèrent dans le tumulte des avant-gardes. Plus de hiérarchie : les artistes se manifestaient aussi bien par le langage que par l’image (Michaux, Artaud, Wyndham Lewis, Klossovski…), et les deux media se mirent à cohabiter dans un même espace, comme dans

La Prose du Transsibérien de Cendrars et Delaunay. Depuis, le recours au texte dans l’art s’est répandu. Inséré dans une toile, accompagné de photographies ou utilisé seul, pour luimême, le langage s’est affranchi de la république des Lettres pour occuper également le terrain des arts plastiques. Mais lorsque l’artiste écrit pour produire des œuvres – au même titre que l’écrivain – fait-il pour autant de la littérature ? Autrement dit : qu’en est-il de la littérarité des textes produits par des plasticiens ? Sous quelles conditions peut-on affirmer qu’un écrit produit par un artiste devient une œuvre d’art littéraire ? Les critères subjectifs de goût, ici, ne sont pas opératoires : bon ou mauvais, un artiste reste un artiste ; détester telle production ne retire en rien sa qualité d’œuvre d’art et, de la même manière, avoir le Journal de Buren comme livre de chevet ne fait pas de Buren un écrivain. La littérarité (notion introduite par le linguiste Roman Jakobson) est indépendante de la notion de

valeur. Il faut donc procéder à des distinctions objectives qui se fondent sur quelques principes énoncés dans la Poétique d’Aristote (un texte est littéraire), dans les théories de Roland Barthes (les oppositions écrivain/écrivant dans les Éssais Critiques et texte de plaisir/texte de jouissance dans Le Plaisir du texte) et de Gérard Genette (les notions de paratexte dans Seuils et d’intertexte dans Palimpsestes). En bref, un texte est littéraire si : - il est écrit dans le but d’être publié, - il met en œuvre le langage non comme un moyen mais comme une fin en soi, - il obéit à des contraintes formelles qui lui donnent une qualité propre, différente des emplois quotidien, communicationnel et médiatique, - il établit un « dialogue » avec d’autres œuvres littéraires. Se trouvent alors hors du champ littéraire toutes les productions artistiques où le langage,

échappant à l’espace du livre, est devenu un matériau plastique comme un autre dans l’éventail des moyens de création dont peut disposer l’artiste. Mis sous verre, projeté, punaisé ou collé sur le mur d’une galerie ou d’un musée, il n’est pas plus surprenant de voir une exposition constituée

uniquement d’énoncés écrits (Jenny Holzer, Le Procès de Pol Pot coordonné par Liam Gillick et Philippe Parreno au Magasin de Grenoble) qu’une autre présentant des ready-mades ou des vidéos. Art, certes, mais point de littérature. Il en est de même pour toutes les productions écrites par un artiste qui apportent un éclairage sur lui-même, sur son œuvre ou sur ce qui l’entoure : textes critiques ou théoriques, entretiens, lettres, journaux, chroniques, réflexions diverses et aphorismes variés. Que ces textes soient « bien » écrits n’empêchent en rien le fait qu’ils relèvent du document et non du littéraire. En revanche, lorsqu’une maison d’édition ou une revue qui ne se consacre pas uniquement aux livres d’art décide de publier un ouvrage dont l’auteur est également un artiste, c’est que celui-ci a fait preuve d’une qualité d’écriture, d’une exigence égale à celle mise en œuvre dans la production artistique. Ces artistes-écrivains sont peu nombreux, et chez les contemporains, on peut citer Michel Journiac

seule ou en collaboration avec l’auteur américain Paul Auster, sont publiés par Acte Sud, Béatrice Cussol, éditée par Guillaume Dustan dans la collection « le rayon » chez Balland, ou Valérie Mrejen qui a publié deux récits autobiographiques chez Allia, ainsi qu’un court texte dans

la défunte revue Perpendiculaire dirigée par Bourriaud et Jouannais. Dans tous ces cas, l’œuvre littéraire est toujours étroitement liée à l’œuvre plastique ; elle constitue un prolongement des mêmes thèmes et préoccupations, mais par le biais du langage Reste un cas problématique : Claude Closky. Même si les brochures dont il nous inonde depuis 1989 ne sont publiées que par des lieux artistiques à quelques centaines d’exemplaires et même s’il n’a écrit, à proprement parlé, aucun de ces livres, la littérarité de ces textes est pourtant indiscutable. Ses productions manifestent d’un travail sur le langage dans lequel on ne trouve certes pas la « patte » de l’écrivain, mais où le souci de s’approprier, manipuler et transformer les codes du discours dominant est saillant. De manière délibérée ou non, il reprend des itinéraires d’écriture déjà parcourus par des écrivains reconnus, mais en les détournant au profit de ses propres préoccupations. Ainsi, il développe jusqu’à l’absurde les inventaires (la série

Tout ce que je peux…) ou les classements (Classification par ordre alphabétique des mots qui

constituent un extrait de La Porte étroite de Gide) chers à Georges Perec (Tentative d’inventaire des aliments liquides et solides que j’ai ingurgités au cours de l’année mil neuf cent soixante-quatorze, 81 fiches-cuisine à l’usage des débutants, Je me souviens de Malet & Isaac…). Les collages de petites annonces (Profils de célibataires), d’horoscopes (Prédictions), de slogans publicitaires (Osez et Mon catalogue) ou d’extraits de romans pornographiques (Vacances à Arcachon) rappellent la technique du « cut-up » utilisée par John Giorno et William Burroughs. Par le prélèvement, la manipulation et le montage, Closky obtient des récits qui s’inscrivent dans des traditions

littéraires tout en les explosant : Osez ou Prédictions, écrits à la 2ème personne, reprennent une technique narrative expérimentée par Perec dans Un homme qui dort et par Butor dans La Modification ; on peut considérer Mon Catalogue comme une tentative de renouvellement du genre autobiographique, Vacances à Arcachon comme le roman porno ultime ou Profils de célibataires comme le roman d’une époque, au même titre que le fut Les Choses de Perec. Ce qui fait de Closky un écrivain, au-delà de la notion ambiguë du « style », c’est le travail sur le langage pour lui-même, le travail de réappropriation d’un discours confisqué par les médias, de donner une valeur esthétique à ce qui était destiné à n’avoir qu’une utilité économique, en portant sur lui un regard oblique non dénué d’ironie. Si la production écrite chez les artistes contemporains est importante, elle peut difficilement cependant revendiquer le statut d’œuvre littéraire, soit parce qu’elle est considérée comme un outil plastique, soit qu’elle est assujettie à une volonté informative, argumentative ou explicative. Néanmoins, certains artistes, comme Mrejen et Closky, manifestent la même exigence dans leur pratique des deux media. Ainsi, en s’inscrivant dans des influences littéraires et en poursuivant par l’écrit des thèmes qu’ils développent par ailleurs, ces artistes-écrivains créent ce que l’on pourrait appeler une extension-texte à leur œuvre plastique qui permet de partager une expérience sensible par un travail sur la langue. Henrique Martins-Duarte

(Délits du corps, Éd. de la Différence, 1978), les poètes-performers comme Arnaud Labelle-Rojoux, inscrits dans le mouvement de la poésie sonore ou concrète, Sophie Calle dont les ouvrages, qu’elle a écrits

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Barbara Kruger, Power Pleasure Desire Disgust Deitch Projects, New York, 1997

Barbara Kruger

I don’t know the answer. I’m just interested in the questions

Après avoir suivi une formation de graphiste, Barbara Kruger travaille pour une agence de publicité et pour le magazine de

« Quel est le rôle des musées ? De la culture ? Ce sont certainement des lieux touristiques. Mais les gens croient-il se cultiver en regardant les tableaux ?… Qu’est-ce qu’ils regardent ? C’est très compliqué. Je n’ai pas de réponses, je m’intéresse simplement aux questions. »5

mode Mademoiselle. Expérience qui lui permet d’étudier les différents protocoles de construction d’images utilisées par les mass media pour la communication. Ainsi, à travers une problématique féministe qu’elle aborde à partir des années soixante-dix, elle s’attaque au pouvoir de l’image et du texte médiatique. Comment celui-ci est perçu, comment il agit, influence le public. Mais les codes réutilisés par Barbara Kruger, à travers son vocabulaire visuel, peuvent-ils remettre en cause l’impact de l’image sur le consommateur ?. La charge critique des premières œuvres (1978) est évidente, Barbara Kruger dissocie puis superpose le texte et l’image, une démarche qui s’apparente à celle du photomontage. Elle utilise des photos existantes qu’elle détourne de leur support d’origine (magazines), les agrandit et pose des slogans acerbes, virulents ou encore des lieux communs propres à nos comportements avec une typographie austère, une police de caractère (Le Futura Bold Italic) que l’on retrouve dans ses œuvres ultérieures. Détournant les conventions de mise en pages, l’artiste colle des lettres blanches sur des bandeaux rouges ou noirs, ou inverse les couleurs. Dans Your Comfort Is My Silence, Barbara Kruger reproduit les signes de l’aliénation féminine. L’utilisation du

pronom Your désigne le masculin : « position de pouvoir dans l’ordre phallique des choses »1. Avec un énoncé simple et lisible par toutes et tous2, l’artiste traduit ici la pensée de celles à qui l’on conseille de se taire et ajoute : « Je considère mon travail comme autant de tentatives de détruire certaines représentations et d’introduire une spectatrice féminine au sein d’un public masculin. »3 Le travail de Barbara Kruger se caractérise par l’impact visuel direct de ses photos, où l’écriture est utilisée comme signe pour contredire et commenter l’image, démarche directement influencée par la publicité. Kruger veut dénoncer les armes et les instruments du pouvoir et des médias, montrer comment notre vision de la réalité, notre conception de la normalité, nos rôles sexuels sont influencés, admis et dictés par l’image et le langage. Dans ses premières installations (1990), Barbara Kruger sort du cadre photographique et s’approprie totalement l’espace d’une galerie new-yorkaise. Des mots et des images imbriqués les uns dans les autres occupent les murs, du sol au plafond.

Marlène Gossmann

Le spectateur se trouve alors complètement immergé dans cet espace saturé, où des slogans incisifs dénoncent la passivité de sa situation (position) équivoque. Toujours dans une logique de diffusion, Barbara Kruger va propager ses œuvres en dehors des lieux d’expositions et détourner les objets consacrés à la consommation grâce à de nouveaux supports tels que les affiches, les tee-shirts, les sacs plastiques…

Pour la réalisation de Power, pleasure, desire, disgust présenté en 1999, lors d’une exposition à la galerie Yvon Lambert, l’artiste va introduire le son par le biais de la vidéo, la parole s’ajoute cette fois au montage texte/image ; trois films sont projetés sur l’un des murs, un visage regarde le spectateur et énonce un monologue : « Tu es vraiment trop nul, mais pour qui te prends tu avec tes belles phrases, etc. ». « Au fond, cette pièce traite du pouvoir des images et des mots, comme je l’ai déjà fait, mais plus particulièrement, du pouvoir des sons, qui zigzaguent entre la tendresse et la violence verbale. Et elle s’adresse directement au spectateur, ce qui caractérise mon travail depuis quinze ans. Il s’agit des « talking heads », format qu’on connaît de la télé. J’aime bien l’idée que les visiteurs entrent dans un des trois tunnels, entendent un torrent de mots, voient une image et qu’ils sortent ensuite et entendent un mélange des sons des trois tunnels différents. »4 explique Barbara Kruger À travers cette interpellation du spectateur-consommateur qu’elle entretient depuis vingt ans, Barbara Kruger mène un combat qui questionne, remet en cause les signes quotidiens aliénants (image, slogan, stéréotype). Elle s’est adaptée à l’évolution des langages de communication (photos, affiches, installation puis vidéo) pour tendre une sorte de miroir sur notre relation avec le monde.

Patrick Corillon : la lettre, 1995 (Collection Frac Bourgogne) ci-dessous : Dernières pensées d’un condamné à-la-chute-mortelle-dans-l’escalier-du-donjon, CAN, Neuchâtel, Suisse, 1996

Patrick Corillon

Patrick Corillon, artiste belge, né à Knokke-le-Zoute en 1959, se présente avant tout comme un sculpteur de la représentation. Pour comprendre les intentions qui l’animent, il faut remonter à l’année 1986, lorsque, en tant que commissaire, il réunissait dans une exposition intitulée Que reste-t-il ?, un ensemble de lettres de refus émanant d’institutions, en réponse à des propositions artistiques, ainsi que des rebuts d’œuvres d’amis artistes. En exposant des matériaux abandonnés par les artistes ou refusés par les professionnels de l’art, Patrick Corillon interrogeait le statut de l’œuvre finie, élevée au rang d’œuvre d’art par le seul principe de monstration. En donnant une existence aux matériaux abandonnés ou refusés, il questionnait le système de représentation : que donne à voir l’œuvre d’art ? Mais aussi, qu’est-ce qui fonde sa légitimité ? Dans une certaine mesure, l’art de Patrick Corillon rompt avec la tradition des avant-gardes. Au fil des années, l’artiste a libéré son œuvre des contraintes formelles pour se 3

1. Jane Weinstock, « What she means to you » in We Can’t Play Nature To Your Culture, catalogue Kruger ICA, Londres et Bales, Kunsthalle, 1983, p.13 2. « Ce n’est pas la peine de sortir de la fac d’art, pour comprendre mon travail…Les textes que nous (J. Holzer) utilisons viennent directement de notre expérience du monde. Ils n’ont rien de mystérieux où de sophistiqué », Barbara Kruger. 3. Barbara Kruger in New York Ailleurs et autrement, Paris : ARC Musée d’art moderne de la ville de Paris,1985 p. 34 4-5. Une conversation avec Barbara Kruger à l’occasion de son installation, Power, Pleasure, Desire, Disgust, Galerie Yvon Lambert, fév. 1999

Depuis qu’il la voyait quitter le domicile conjugal pour aller rôder autour de la maison d’Oskar Serti, Monsieur de Sélys ne savait plus comment détourner sa femme des griffes de ce mielleux écrivain mondain. Mais lorsqu’il tomba sur une lettre de Serti adressée à Catherine, son désespoir fut à son comble; il se sentit dans l’obligation de pousser Catherine à prendre une décision. Le 18 avril 1926, profitant de l’absence de sa femme, Monsieur de Sélys alla chercher dans leur chambre à coucher toutes les lettres que lui-même lui avait écrites lorsqu’ils étaient encore fiancés. Patiemment, il les disposa au pied du lit en une sorte de château de cartes, prenant bien soin de placer la lettre de Serti dans les premières fondations. Si, lorsqu’elle découvrirait cet agencement à son retour, Catherine se précipitait. avidement sur la lettre de Serti, elle ferait s’écrouler d’un seul coup le fragile édifice ; mais si elle voulait arriver à ses fins sans brusquer les choses, elle serait obligée de passer en revue une époque dont elle avait certainement oublié le charme.

L’écrit comme dépassement de la représentation symbolique concentrer de manière exclusive sur le motif. Ses sculptures diversifiées sont issues de la pratique du modelage/bricolage, aussi bien que de l’appropriation de l’objet « ready-made » ou de l’esthétique participative. L’artiste comble par l’écriture le vide « narratif » laissé par les moyens traditionnels que sont la forme et la couleur. Il systématise une méthode qui caractérise son travail : il mêle à la représentation par la forme (la sculpture), la représentation par l’écriture (la littérature). L’écriture, Patrick Corillon l’utilise comme un écrivain. Il ne cherche pas à questionner l’image en l’associant au texte, tel Magritte par exemple dans son célèbre ceci n’est pas une pipe, mais vise à créer les conditions d’émergence d’un tropisme artistique. Le but de Patrick Corillon est d’emmener le regardeur non pas face à l’œuvre, mais bel et bien dans l’œuvre. Passée une première période de 1986 à 1988, durant laquelle il crée, avec l’écrit, des sculptures très référencées – bas-reliefs en néon, rondes-bosses réalisées à l’aide de matériaux pauvres, panneaux signalétiques disposés dans l’espace urbain, ou sur des arbres dans les jardins publics1 – il se concentre sur le regardeur. Il réalise des dispositifs qui le mettent en jeu, par connivence. Il crée des sculptures aux formes simples, épurées : des mâts, des bornes, des cubes qui contraignent le regardeur à participer, s’asseoir à côté de l’œuvre, monter sur une chaise, saisir des fiches volantes pour voir, littéralement lire, le motif. Dans le même mouvement, ce dernier s’épure lui aussi. Patrick Corillon invente des personnages qu’il met en scène dans une fiction du quotidien, banal, commun à notre vie. Il se garde de nommer et de caractériser ses personnages, tout juste, il situe les lieux des actions. Le choix de ce retrait, comme celui de la participation à la sculpture, accentue l’identification du regardeur à l’œuvre. Le on, le nous, le vous, sont les véritables sujets de la fable artistique. Patrick Corillon s’accorde là avec l’esprit de communauté qu’il cherche à créer autour de l’art2. Depuis 1991, l’artiste met en scène un personnage, à qui il a donné une identité. Ce personnage se nomme Oskar Serti. Oskar Serti est un écrivain hongrois né en 1881, mort

en exil à Amsterdam en 1959, l’année de naissance de l’artiste. Le regardeur-lecteur suit son histoire d’exposition en exposition, dans des dispositifs sculpturaux qui se présentent sous la forme d’un texte accroché sur le mur et d’un objet posé, la plupart du temps, sur un socle. De tels dispositifs racontent le quotidien d’Oskar Serti, pris dans le tumulte de la vie. Alors que la fiction romanesque procède de la même méthode littéraire que les œuvres de la période précédente, Patrick Corillon puise cette fois dans l’esthétique du readymade les moyens sculpturaux de l’identification au personnage. Les objets « ready-made », par leur caractère commun, plantent le décor de l’action. Ils agissent comme des signes qui, à la fois, communiquent l’histoire littéraire et lui donnent une réalité dans le présent. Le regardeur est pris dans l’ambivalence des représentations. Patrick Corillon crée là des dispositifs qui rappellent la tradition du pictogramme3. Depuis 1988, l’œuvre de Patrick Corillon est empreinte de poésie. L’artiste maintient l’ambivalence entre imaginaire et réalité, ajout et retrait dans la représentation. Son œuvre est, comme certains biographes la définissent, une œuvre hyper-texte. L’œuvre de Patrick Corillon n’est pas close par son principe de représentation, mais au contraire, ouverte au regardeur et à toutes les possibilités de son imaginaire.

Jérôme Giller

1. Le motif de ces premières œuvres est également référencé. Patrick Corillon puise son inspiration dans la vie des peintres et des écrivains, dont il tire des anecdotes, et dans les formes de vie développées par les végétaux et les animaux. 2. Il est intéressant de noter ici, que certaines saynètes de cette époque sont traduites dans plusieurs langues afin d’élargir l’universalisme que l’artiste recherche. 3. Sur un site internet (www.art-wall-sticker.com), Patrick Corillon propose à la vente des dessins transférés sur autocollants. Ces dessins sont au sens étymologique du terme des pictogrammes. Ce sont des dessins figuratifs d’objets issus de l’espace public (bancs publics, poubelles, lampadaires) accompagnés d’un texte descriptif d’une action qui trouve son origine dans l’objet dessiné.




Chaos Computer Club : Blinkenlights, 2001 Alexanderplatz, Berlin, Allemagne

Berlin Alexanderplatz L’écriture dans les médias interactifs Sur la scène berlinoise de l’art, le téléphone portable fait son entrée en force comme médium interactif entre le spectateur et l’œuvre. Sur Alexanderplatz, deux événements artistiques concomitants et indépendants offrent la possibilité aux Berlinois de participer à une installation à l’aide de leur « portable ». Sur le quai de métro de la station Alexanderplatz, les Berlinois s’affairent, font les cent pas ou attendent, impatients, l’arrivée de leur train. Depuis le 14 novembre 2001, deux énigmatiques surfaces de projection vertes ont fait leur apparition dans la station. Telles des animations publicitaires de quelques minutes, des messages sont diffusés sur les surfaces colorées. Ce ne sont pas des images mais des textes très courts : « Hallo Silke, ich liebe dich, Harald »1 ou bien « Ihr macht das echt super »2 ou encore « Hallo mein ! A happy day today. DEIN Vater Guenter »3. Ces messages obscurs, ni publicitaires, ni informatifs, interloquent les Berlinois agglutinés sur le quai de métro. Soudain, un message d’un autre genre (sur fond noir) annonce : « URBAN_DIARY, le journal intime de la ville ».

est un projet artistique organisé par le centre d’art berlinois NGBK4 et conçu par le groupe d’artistes, designers et architectes rude_architecture5. L’installation métropolitaine offre aux citadins la possibilité d’envoyer un SMS au numéro suivant : 0162 89515966. Le message est ensuite diffusé, 24 heures après sa rédaction, sur les deux surfaces de projection de la station Alexanderplatz. Ce projet d’un « journal intime urbain » s’étale sur cent jours, du 15 novembre 2001 au 21 février 2002. L’envoi d’un SMS depuis un téléphone portable au numéro de U R B A N_ DIARY

préserve l’anonymat de l’envoyeur puisque ses coordonnées (nom et numéro de téléphone) sont automatiquement supprimées par un ordinateur central. Un comité de rédaction lit les messages envoyés avant leur projection afin d’éviter les SMS à caractère discriminatoire ou raciste, selon une loi de protection allemande. URBAN_DIARY déplace ainsi le SMS de la sphère privée à la sphère publique. Ce qui est de l’ordre du message intime est projeté dans l’espace public. Un tel déplacement soumet donc le message à de nouvelles lois propres à l’espace urbain. Les Berlinois, auteurs des SMS, peuvent savourer, l’instant de la projection, ce moment de « célébrité » de monsieur tout le monde, ces quelques minutes de notoriété de tout un chacun par le biais des nouveaux médias. Un phénomène propre à notre société médiatisée et déjà souligné par Andy Warhol7. U R B A N_ DIARY

L’installation U R B A N_ DIARY offre toutefois une diffusion de messages limitée à un espace public précis dans une ville déterminée. Elle est loin de l’ampleur médiatique de la télévision par exemple. Les messages diffusés donnent lieu à des réflexions philosophiques, coups de gueules, messages privés, déclarations d’amours, messages amers, règlements de compte en public, rendez-vous galants, mises en garde, plaisanteries, provocations. Tout est permis ou presque. La rédaction supervise. Certains Berlinois se payent la tête de leurs lecteurs attendant le métro : « regardez fixement votre voisin d’à côté jusqu’à ce que le premier d’entre vous deux éclate de rire ! ». D’autres se posent des questions « existentielles » : « What the fuck is URBAN_ DIARY ? ». D’autres se paient le luxe de messages d’une inanité exemplaire : « Hallo ! :-) ». Naturellement, le SMS est limité à cent soixante signes et génère de ce fait un langage parti-culièrement laconique, fourmillant d’abréviations et de signes iconiques nouveaux, les dits « smileys ». Ceux-ci ne sont pas régis par des règles précises. Il y a quelques smileys de base à partir desquels on peut créer des variations à l’infini. Une sémiotique nouvelle, propre au langage du SMS est ainsi mise en exergue. La rédaction d’un SMS depuis un téléphone portable n’est pas des plus aisée. La petitesse des touches et de l’écran ne facilite pas la tâche. C’est pourquoi l’apparition de signes nouveaux, quelques peu réducteurs, permet de faciliter l’écriture de messages concis. Face à la projection des messages, les réactions des lecteurs sur le quai de métro sont variées : indignation, gène, rires, indifférence, réflexion, étonnement. L’implication du spectateur dans cette installation du groupe rude_architecture est très forte. En effet, le spectateur, par ses simples

rude_architecture : URBAN_DIARY, 2001 Alexanderplatz, Berlin, Allemagne

réactions, participe à l’œuvre. Duchamp déjà évoquait la perception du spectateur comme re-création de l’œuvre : « C’est le regardeur qui fait l’œuvre », déclarait-il. Dans

l’installation U R B A N_ DIARY, la participation du spectateur est double : elle se manifeste à la fois dans la réception de l’œuvre mais aussi de façon essentielle dans l’émission de messages. Lorsqu’il écrit un SMS, le spectateur devient auteur. Son rôle participatif est alors d’autant plus remarquable. Les artistes de rude_architecture ont ainsi créé la trame, la matrice qui permet aux Berlinois de s’affirmer dans leur participation à l’œuvre. Depuis le quai de métro, où se trouve le projet URBAN_DIARY, on peut remonter par les escalators jusqu’à Alexanderplatz afin

de découvrir le deuxième projet interactif : Blinkenlights8, un immeuble9 de douze étages, laissé à l’abandon depuis plusieurs années, et animé depuis septembre par des lumières clignotantes monochromes. Ce projet aux allures ambitieuses, à l’initiative du groupe de hackers Chaos Computer Club (CCC), est basé sur un principe simple ; la façade de l’immeuble, à l’allure mosaïcale, est transformée en écran géant de 40 x 30 m s’étalant sur les huit derniers étages. Chaque fenêtre, illuminée par des lampes halogènes puissantes, constitue un pixel de l’écran qui contient au total 8 x 18 pixels. Cette moindre précision permet à quiconque de créer avec aisance un message ou une animation sur la façade depuis le site

internet de CCC : www.ccc.de Le CCC, constitué de nombreux hackers10, s’est formé il y a vingt ans. Le groupe s’est fait connaître en 1981 en virant quelques milliers de marks sur un compte après avoir détourné le système de sécurité d’une banque. Le but de l’opération n’était pas d’usurper des milliers de marks mais de montrer la défaillance des systèmes de sécurité et du médium informatique en général. Juste après cette action de détournement d’argent, et après avoir rendu la somme « empruntée », le groupe de hackers allemands connut une certaine popularité auprès du public. L’installation gigantesque d’Alexanderplatz a été conçue à l’occasion des vingt ans d’anniversaire du CCC. Elle est dédiée au fondateur du groupe, Wau Holland, décédé l’été dernier. Depuis plus d’une décennie, le CCC se veut le porte-parole de tous les hackers du monde. La mission du groupe se résume ainsi : « Dans l’avenir encore, nous tenterons d’enseigner au public les dangers de la technologie d’information qui ne se limite pas seulement à l’internet »11. Les « bons » hackers berlinois mettent en évidence et dénoncent les failles et les menaces des nouvelles technologies. Ces virtuoses de la souris ont un rôle informatif et pédagogique d’importance auprès du public. La vulgarisation de leurs connaissances pointues des hautes technologies constitue un point essentiel de leur démarche. Par le truchement de cette installation interactive, le spectateur se transforme en acteur démiurge, créateur de messages animés ou d’images. Le groupe CCC fournit aux spectateurs l’outil pour

le numéro 019 987654 depuis son téléphone portable et la partie commence (1,20 Euros la minute) ! En appuyant sur les touches 5 et 8 de son téléphone, on peut essayer de battre l’ordinateur sous les regards des passants berlinois. Le jeu « Pong » constitue un moyen de financement pour le groupe de Blinkenlights au-delà hackers afin de maintenir l’installation de la date butoir de février 2002. La participation au jeu devient alors une sorte de mécénat de l’immense installation. L’apparition du téléphone portable, comme interface entre le spectateur et l’œuvre d’art, est parti-culièrement notoire dans les deux installations d’Alexanderplatz de Berlin. Selon les

propos de Guy Debord dans La Société du spectacle, on peut affirmer que le portable, « produit existant déjà sous une forme qui le rend propre à la consommation, peut devenir à son tour matière première d’un autre produit »13, en l’occurrence l’œuvre d’art. Les installations d’Alexanderplatz soulignent ainsi les possibilités d’interaction offertes par les télécommunications

dans l’art. Mais U R B A N_ DIARY et Blinkenlights ne sont pas seulement remarquables par leurs prouesses technologiques. Le médium seul ne fait pas l’œuvre. Les deux installations sont également des lieux d’expression et d’affirmation pour les Berlinois, libres de diffuser, dans l’espace public, l’écriture de leurs pensées, réflexions ou productions créatives.

Adeline Blanchard 1. « Salut Silke, je t’aime, Harald ». 2. « Vous le faites super bien ». 3. « Salut mon ! A happy day today. Ton père Guenter ». 4. Neue Gesellschaft für Bildende Kunst : Nouvelle Société pour les Arts Plastiques. 5. Les membres de ce groupe sont : Friedrich von Borries, Gesa Glück et Tobias Neumann. 6. Ce numéro n’est valable que pour les Berlinois. Si l’on appelle de France, il faut d’abord composer le 00 49 pour l’Allemagne et supprimer le 0. Toutefois, il est possible d’envoyer un SMS depuis le site internet de URBAN_ DIARY : www.urbandiary.de 7. « Dans l’avenir, tout le monde aura son quart d’heure de célébrité mondiale », déclare-t-il. 8. « Lumières clignotantes ». 9. Ce fameux immeuble se nomme la « maison des professeurs » (« Haus des Lehrers »). 10. Vingt trois d’entre eux ont participé au projet Blinkenlights. 11. « Auch in Zukunft werden wir uns bemühen, die Öffentlichkeit über die Gefahren der Informationstechnologie zu unterrichten, deren Einsatz weit mehr als nur das Internet umfabt », in : www.ccc.de/WarmWelcome.html 12. La participation à ce jeu sur un écran aux dimensions importantes n’est pas sans évoquer, d’un point de vue ludique et formel, les installations de Pierre Huygue, Atari Light et Les Grands Ensembles, présentées à la Biennale de Venise 2001. 13. Guy Debord, La Société du spectacle, éditions Gallimard, Paris, 1992, p.119.

une participation inventive à l’œuvre. Toutefois, Blinkenlights est une installation plus élitiste que la précédente

(U R B A N_ DIARY). En effet, seules les meilleures animations sont diffusées.

Pour les moins avertis, Blinkenlights offre une seconde option participative : jouer depuis son téléphone portable au jeu le plus archaïque qui soit, « Pong »12. Deux ébauches de raquettes se font face et tentent de renvoyer la balle. Pour cette participation ludique au projet, il suffit de se placer sur Alexanderplatz, face à l’immeuble lumineux, de composer

Jenny Holzer : Lustmord, 1993-1994 - détails (avec la collab. de Tibor Kadman)

La peau La peau est paradoxale, elle affiche autant qu’elle contient, elle est un interstice du langage, une surface qui exprime, comme on exclame, tout comme un voile charnel qui enferme. La peau n’est pas le corps, elle le retient, le capte, mais l’homme l’a prise pour support originel de son image, créant ainsi une rupture entre un corps biologique et un corps symbolique. « Epilation jetable, soins du visage, U.V.A. Votre peau parle de vous, elle vous représente ! » clament les grosses lettres de la vitrine d’un petit institut de beauté. Lisant cette annonce, un rien menaçante (notre peau en dirait-elle trop ?), on comprend alors cette séparation qui nous promet une rivalité auto-personnelle délirante. La peau est un moyen, elle donne autant qu’elle cache, la peau est élastique. Elle est ce trait d’union entre le corps et l’image, entre les corps entre eux : contact épidermique, frôlement, les organes jouent ensemble. Les corps qui s’échappent, se complètent, comme dans ces tatouages de Jean Dupuy, le vert et puis le rouge, qui s’inscrivent sur les êtres comme pour revendiquer une appartenance, celle de l’un à l’autre : « Moi vert ! Toi rouge ! Nous trou, nous verge ! » (« So let’s have fun together », pourrait ajouter l’artiste). Car quand la peau s’écrit, se grave, se tague, quand le symbolique s’en prend au biologique, il est question de désir et donc de violence (le désir cette violente passion). Dans ses séries photographiques Looking for love ou Good Fellows débutées en 1995, l’artiste suisse, Daniele Buetti détourne des images. Il fait de ces effigies, icônes hypra-lookées des magazines de mode, filles photoshopées à l’irréalité probante, des mannequins marqués (dans tous les sens du terme) au fer rouge. Images de désirs incarnés, leurs peaux, déjà manipulées, sont déroutées par l’artiste, devenant les supports d’incisions publicitaires. L’épiderme lissé par la norme se grave alors d’un Versace, Mac Donald ou autre General electric, comme écrits à la lame sur un cuir vivant. Curieusement ces scarifications factices, effectuées par Buetti au revers des pages à l’aide d’un stylo bille, ramènent à une certaine réalité des femmes devenues (comme leur papier) glacées. « L’ultime branding ! » s’exclameraient les personnages d’un Brett Easton Ellis ; Buetti, lui, envisage de répondre coup pour coup à cette violence de l’agression publicitaire qui colonise le corps humain, prête à en faire une propriété susceptible d’être marquée comme du bétail. Mais rassurons-nous, la violence appliquée par Buetti n’est qu’illusion, simples stigmates virtuels, sorte de prévision bienveillante, qui blessent comme ils dénoncent. On retrouve l’esthétique publicitaire dans les photographies de Natacha Lesueur, mais chez elle, pas de détournements, 6


ci-dessous : Philippe Cazal : Retour en avant, 2001 de l’appartement à la galerie et vice versa, Galerie Barnoud & Interface, Dijon

Bordeaux, 1975 : Philippe Cazal, en homme-sandwich, déambule dans les rues, une planche peinte en blanc sur le dos, sur laquelle est inscrit en gros caractères noirs le mot FIN. Il distribue également des tracts sur lesquels le même mot est tamponné. Les moyens sont dérisoires. Très lisible, le petit mot de trois lettres surgit, énigmatique, au-dessus des têtes, concurrence et ponctue les messages sur les affiches, les enseignes, qui encombrent la ville et sollicitent les regards. Cette performance de Philippe Cazal, une de ses toutes premières réalisations, marque le début des stratégies visuelles qu’il ne cesse de développer depuis, avec des moyens techniques très diversifiés, tels que photographie, peinture murale, sur toile, sur émail, sculpture, affiches, néons, stickers... Ses travaux ont pour plus grand dénominateur commun les mots et les signes qu’il dispose, met en page. Calquant son savoir-faire sur celui des graphistes publicitaires, PC met en scène typographies et couleurs dans des compositions impeccables, qui mettent en avant la dimension visuelle des textes et leur contenu, à caractère socio-politique. Dans le travail de PC, il est toujours question, comme il le dit lui-même, « de l’art, de l’artiste, de langage et de sens ». Dès 1985, il « labellise » sa production au moyen d’un logo créé par une agence de graphisme et qui n’est autre que son prénom et son nom alternant en noir et blanc dans un cartouche rectangulaire blanc encadré de noir. Il dispose également d’une charte graphique qui codifie rigoureusement l’ensemble de ses compositions « écrites », depuis ses propres réalisations jusqu’aux cartons d’invitations et catalogues d’expositions, instaurant, notamment, l’utilisation de polices de caractère sobres, élégantes et très lisibles (Futura demi bold jusqu’en 1993 puis Frutiger). La fonction du logo-signature ne se réduit pas à l’identification et l’authentification appuyées de l’œuvre sur laquelle il est apposé. En 1988, il devient sculpture sous la forme de barres en Plexiglas sérigraphiées sur les quatre faces en alternant avec le mot « collection » et qui, dans leurs dimensions les plus réduites, évoquent irrésistiblement des objets publicitaires. La même année, à l’invitation du festival Nouvelles Scènes, PC se produit à Dijon, dans les vitrines de deux établissements bancaires. Pour l’occasion il réemploie la phrase-titre « l’artiste dans son milieu * »1 sous la forme de grandes lettres peintes sur

avec les mots

Petits arrangements

toiles, bleu sur fond rouge et inversement. Les tableaux, tels des panneaux publicitaires, rythment les baies vitrées de l’une des agences. Dans l’autre, le même texte gravé sur une petite plaque en laiton partage la vitrine avec le titre Version originale, une enseigne lumineuse. Les couleurs vives, vibrantes et contrastées, la clarté du néon frappent l’œil. Quant aux textes, ils relancent le débat sur le statut social de l’artiste et gagnent encore en efficacité, vu la spécificité du lieu qui les accueille. Dans le même registre ironique et provocateur, en 19902 il réalise, à l’aide d’agrandissements photographiques, une série de « tableaux » minimalistes ayant pour thème le statut social de l’artiste. Sur fond blanc le même mot répété est inscrit en noir : « gold », « publicité » et, une fois de plus le mot « fin », tous basculés verticalement. Les polices de caractère utilisées diffèrent pour chacun et donnent, en quelque sorte, le ton : fine et élégante pour le mot « gold », grasse et appuyée pour le mot « fin ». Un autre tableau est recouvert d’une trame constituée d’un pictogramme alterné noir sur blanc / blanc sur noir, représentant un verre à champagne. En bas et à droite de chaque panneau, là où l’artiste signe habituellement son oeuvre, un rectangle orange est apposé, sur lequel est inscrite en blanc la formule générique « l’artiste dans son milieu » *3. Mises en avant avec autant d’efficacité qu’une page publicitaire, les notions de succès, richesse, célébrité et luxe, propres à la société de consommation en général et au monde de l’art en particulier, nous interpellent et s’interpellent elles-mêmes. Les slogans font aussi partie du matériel écrit utilisé par PC, soit qu’il les invente : « l’art ne fait pas crédit » (variation amusante et critique sur le thème de « La maison ne fait pas crédit »), soit qu’il se les approprie, comme ceux de mai 1968. Là encore, la forme sert le contenu. Tableau (1989) consiste-en un kit, semblable à ceux vendus chez IKEA comprenant deux plateaux en bois peints en blanc sur lesquels sont inscrits les slogans « Alors l’élite expliquez-vous / Alors l’élite expliquez-nous », munis d’un support marqué du logo-signature. En fonction du montage choisi, on obtient une table basse ou un tableau, dont le design épuré contraste avec l’insolence des deux phrases interpellatrices et qui sème un peu le désordre dans l’espace, privé ou institutionnel, qui les accueille. De désordre il est aussi question dans Slogans (1999). Deux phrases Le vide est ailleurs et La victoire de l’économie inscrites en gros caractères sur le mur, comme de gros titres de journaux mais en alternant les couleurs bleu et jaune, sont brisées par des césures pratiquées aux mauvais endroits. Le texte refuse de livrer son sens à la première lecture ; à cause de cela, il est plus frappant. PC pratique le même type de « chirurgie » avec Retour en avant4. En 2001, à l’invitation d’Interface et de la Galerie François Barnoud, il fait imprimer sur adhésif transparent six slogans de mai 68 qui, des murs de la

juste un regard subtil et ironique posé sur un procédé commercial qui fragmente le corps de la femme pour créer du désir. Dans nombre de ses photographies sans titre, dites « Les tests optiques » de 1999-2000, les peaux de ses modèles, aux poses lascives et confortables, morceaux de corps dénudés offerts au regard, sont, elles aussi, marquées de lettres. De lettres, non de mots, il s’agit d’empreintes d’alphabet ophtalmologique, obtenues par l’application de cataplasmes à base de farine de moutarde. Réglons notre vue : « Z U M C F T N…, femme alanguie ! ». Difficile de se concentrer. Mais s’agitil réellement de voir ou est-il question de regard ? Car on regarde ces corps sans visage, à demi-nus, allongés sur un lit ou sur un canapé (plié/déplié), plus qu’on ne voit le test alphabétique. On se rend compte alors que le voyeur regarde plus qu’il ne voit. Et on pense à Jean Clair : « Le regard est l’érection de l’œil. ». Il n’y a pas de récit ici, juste des lettres empreintes qui structurent les photographies et soulignent le corps-image. L’œuvre est ambivalente, elle est faite d’un « dispositif multiple, contradictoire, bourré de pièges, qui tente vers la mise en abîme des illusions corporelles et psychologiques du monde contemporain. », explique Robert Fleck. Chez Natacha Lesueur, la peau ne s’écrit pas, elle se frappe de lettres, comme autant de signes intrinsèquement parlants. L’écrit est sans importance, seuls comptent les signes de la calligraphie médicale comme symbole ironique de la violence du regard porté sur le corps de la femme. A l’opposé, on connaît l’intérêt de Jenny Holzer pour la phrase, le truisme, l’aphorisme. L’artiste américaine, qui depuis la fin des années soixante-dix, utilise le langage comme moyen d’expression plastique et de dénonciation, présente en 1994, sa série Lustmord (Meurtre sadique). Abandonnant alors les affiches et les tableaux électroluminescents, Holzer écrit à même les peaux. Dénonçant les sévères violences des abus sexuels commis durant la guerre en ex-Yougoslavie, elle marque les épidermes de femmes de phrases énoncées par des agresseurs, des victimes ou des témoins. Elle cherche ainsi à lier à une expérience personnelle, le poids des mots (et le choc des consciences). Extraits désordonnés : « Je l’ai trouvée accroupie et cette position m’incita à la prendre par derrière. », « Je fais du sang caillé. », « Je prends son visage aux cheveux si fins. Je place sa bouche. », « Je suis éveillée là où les femmes meurent »… Les extérieurs nus se mettent à raconter une réalité nue. La peau s’approche d’un autre langage, celui de l’indicible et de l’indélébile. Le tatouage est interne, il transpire des pores, rappelant à la vue les cicatrices ouvertes, vers l’intérieur. 7

Sorbonne où ils sont peut-être apparus la première fois, réapparaissent de manière inattendue dans l’appartement contigu à la galerie, sur les vitres de la véranda. Le texte, découpé de manière anarchique, est réparti sur toute la surface d’un carré bordé de noir, en gardant le sens de lecture. Les beaux caractères Frutiger, dessinés par le graphiste designer suisse du même nom pour la signalétique de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle – remplacent l’écriture manuscrite des slogans originaux. L’ensemble, sobre et discret, s’intègre parfaitement avec la structure métallique du lieu. Confronté au mystérieux chaos des mots méconnaissables, on s’obstine à en dénicher le sens. On découvre alors toute l’actualité ou la désuétude, la poésie, la candeur de ces slogans usagés que PC a réactivés en leur créant un nouvel habillage. Mutin et ironique, PC sème le désordre avec l’élégance d’un designer graphiste. En détournant une esthétique actuelle, familière et attractive, il promeut des messages aux connotations subversives, qui s’opposent à la surenchère aliénante de la presse écrite et des messages publicitaires. Avec lui, le regard s’aiguise. Laurence Cyrot 1. Titre de son exposition en 1985, à la galerie des Arènes à Nîmes. 2. Diversione, 1990, galerie Paolo Vitolo, Rome. Cette composition texte blanc sur fond orange est toujours très actuelle puisqu’elle correspond à la charte graphique conçue récemment pour un opérateur de téléphone français. 3. Il existe une autre version « kit » de cette pièce, réalisée sur deux plaques de métal, avec système d’accrochage fourni. 4. Retour en avant, 1998, Kitakanto Museum of Fine Art, Maebashi, Gumma, Japon, et 2001, Interface et Galerie François Barnoud dans le cadre de l’exposition De la galerie à l’appartement & vice-versa. Le titre de la pièce fait référence au mouvement éphémère créé par les étudiants en grève des BeauxArts de Paris : l’Atelier populaire, qui se consacra à la création d’affiches illustrant les slogans révolutionnaires tout neufs. Sur la dernière affiche, des moutons accompagnaient le texte Retour à la normal.

Philippe Cazal : mobilier de collectivité, 2001 Arrière plan, premier plan, Frac Languedoc-Roussillon, Montpellier Natacha Lesueur Sans titre, 1999 - 150 x 110 cm

« Il existe deux formes d’excitation pour l’homme : il y a d’une part, la chair, l’érotisme ; d’autre part, le livre, le texte, l’excitation intellectuelle », explique Peter Greenaway à propos de son film The Pillow Book (1996) dans lequel l’héroïne, Nagiko, écrit sur la peau de ses amants les chapitres d’un livre en devenir. Mais le corps écrit, s’il véhicule l’idée du désir, tire aussi, nous le voyons, sa part d’ombre, celle de la douleur, de la violence, de l’agression. Greenaway lui-même ne s’y trompe d’ailleurs pas, Le livre de l’amant de Nagiko s’écrit en effet sur le corps suicidé de l’être aimé, comme un symbole. Guillaume Mansart


altkirch

HORSD’ŒUVRE n° 10 édité par l’association INTERFACE 18 rue de la Sablière 21000 Dijon (adresse postale) tél. / fax : 03 80 73 45 08 e-mail : interface.art@wanadoo.fr http://www.interface-art.com

limoges Frac Limousin

Crac Alsace

18 Rue du Château 68130 Altkirch ouvert du mer. au dim. de 14 h à 18 h fermé le 29/03 - tél. 03 89 08 82 59 ➤ « À l’aube des mouches » H. Bohnert, T. Bonnichon, A. Joachim, V. Moser, E. Premel-Cabic, G. Wagner, N. Weber ; « De l’interprétation » Éditions Rémy Bucciali : 17/03 21/04/02

Comité de rédaction : Laurence Cyrot, Valérie Dupont, Astrid Gagnard, Guillaume Mansart, Michel Rose, MarieFrance Vô Coordination et mise en page : Frédéric Buisson

Musée d’art et d’histoire

Ont participé à ce numéro : Adeline Blanchard, Laurence Cyrot, Valérie Dupont, Jérôme Giller, Marlène Gossmann, Guillaume Mansart, Henrique Martins-Duarte, Michel Rose

2 bis place St-Germain 89000 Auxerre tél. 03 86 18 05 50 ouvert de 10 h à 18 h 30 sauf mar. ➤ « Le sentiment tragique de la vie » Claude Manesse : 22/06 - 28/10/02

TAROOP & Couverture : Guest Star : GLABEL ÉTIENNE BOSSUT dialectique, Frac pneumatique Bourgogne, Dijon, 01 - 03/02 © Photo : André Morin, Paris

auxerre

Bibliothèque Minicipale

Rue d’Ardillière 89000 Auxerre tél. 03 86 72 91 60 ➤ « La Chine, la photo et son livre » C. Beurdeley, H. Hoppenot, J. Yong Quan, M. Riboud : 13/04 - 31/05/02 belfort École d’art Gérard Jacot

Zac Espérance 90000 Belfort tél. 03 84 36 62 10 ➤ « Entrée en matière » X.P. Escriba, O. Filippi, G. Millet, C. Prat, B. Swain : 07/03 - 27/04/02 ➤ « Quatre fois 1 » G. Picouet, T. Bernard, E. Amelitos, D. Pontoreau : 10/05 - 07/06/02 bourges Emmetrop / Transpalette

26 Route de la Chapelle BP 6003 18024 Bourges Cedex tél. 02 48 50 38 61 ouvert de 15 h à 19 h du mer. au ven. et de 14 h à 18 h les sam. et dim. ➤ Veit Stratman : 23/02 - 31/03/02 ➤ Nicolas Moulin : 04/04 - 25/06/02

Double page intérieure : Lawrence WEINER C’EST BONNET BLANC ET BLANC BONNET, L’UN VAUT BIEN L’AUTRE, À LA RECHERCHE DU BONHEUR/ À LA POURSUITE DU BONHEUR, 2001 Publié avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne, du Conseil régional de Bourgogne, de la Ville de Dijon et de l’ensemble des structures annoncées dans l’agenda Impression : ICO Dijon Tirage 2 000 exemplaires

9 rue Edouard Branly 18006 Bourges tél. 02 48 24 78 70 ouvert de 15 h à 19 h sauf dim. ➤ « Stratégies Scopiques ; Figues et mythologies du camouflage » Michel Aubry : 21/03 - 05/04/02 ➤ Carte blanche à Morgane Rousseau : 09 - 26/04/02 ➤ Cécile Desvignes : 02 - 24/05/02 ➤ Richard Fauguet : 30/05 - 20/06/02 caen Frac Basse-Normandie

9 Rue Vaubenard 14000 Caen tél. 02 31 93 09 00 ouvert de 14 h à 18 h sauf jours fériés ➤ « Flags Vision » Franck Scurti : 12/01 - 03/03/02 ➤ « Œuvres de la collection du Frac BasseNormandie » : 09/03 - 14/04/02 ➤ Martine Aballéa : 27/04 - 16/06/02 château-Gontier Chapelle du Genêteil

Rue du Général Lemonnier 53200 Château-Gontier tél. 02 43 07 88 96 ouvert de 14 h à 19 h les mer., jeu., ven., dim. / de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h le sam. ➤ « T’es faché ? » Françoise Quardon : 06/04 - 02/06/02 ➤ Paul-Armand Gette : lecture à 18 h 30 le 23/05/02 clermont-ferrand Galerie Garde à vue

16 Rue de la Préfecture 63000 Clermont-Ferrand ➤ «Sin titulo (sin principlo, sin fin) » Santiago Reyes : 29/03 - 12/04/02 dijon

lons-le-saunier Musée des Beaux-Arts

Place Philibert de Chalon 39000 Lons-le-Saunier tél. 03 84 47 64 30 ➤ « Des goûts et des couleurs » E. Samak, W. Laib, F. Gonzalez-Torres, M-A. Guilleminot, H. von Hemert : 01/04 - 16/06/02 mâcon Musée des Ursulines

6 Rue des Ursulines Musée Lamartine - Académie de Mâcon

41 Rue Sigorgne 71000 Mâcon tél. 03 85 39 90 38 ouvert de 10 à 12 h et de 14 h à 18 h sauf lun., dim. et les 01/11, 25/12 ➤ « Le paysage ; sortie de dédicace du cahier d’inventaire Drôle de genre » : 17/01 - 17/03/02 ➤ Alain Girel : 2ème quinzaine 03/01 ➤ « Repères » Hans Steinbrenner au Musée des Ursulines : 27/04 - 16/06/02 malakoff

Galerie Barnoud

27 rue Berlier 21000 Dijon tél. 03 80 66 23 26 visites sur rdv ➤ Patrick Neu : 03 - 04/02 ➤ « Art Chicago 2002 » D. Firman, G. Garcin, P. Gronon, C. Hyvrard, V. Marnat-Leempoels, G. Rousse, M. Temkina : 09 - 13/05/02 ➤ « Les petits monuments » Colette Hyvrard : 06/02 Galerie Interface

La Box

« Les Coopérateurs » Impasse des Charentes 87100 Limoges tél. 05 55 77 08 98 ouvert de 10 h à 18 h du mar. au ven. / de 14 h à 18 h le sam., sauf jours fériés ➤ « Il prestigiatore » Gabriele Di Matteo : 15/03 - 29/05/02

12 rue Chancelier de l’Hôpital 21000 Dijon tél. 03 80 73 45 08 ➤ Réouverture d’un nouvel appartement-galerie : 04/02 ➤ Prog. : renseignements par tél. dole Frac Franche-Comté / Musée des Beaux-Arts

85 rue des Arènes 39100 Dole tél. 03 84 79 25 85 ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à18 h, sauf lun. ➤ Thomas Huber : 22/02 - 26/05/02 ➤ Victor Huguenin : 15/06 - 29/09/02

La Périphérie

17 rue Rouget de Lisle 92240 Malakoff tél. 01 46 57 70 10 ouvert du mer. au sam. de 15 h à 20 h ➤ « Motorhead » Olivier Nerry : 13/03 - 13/04/02 metz Faux Mouvement

4 rue du change BP 84131 57041 Metz Cedex 01 tél. 03 87 37 38 29 ouvert de 13 h 30 à 18 h30 sauf dim. et lun. ➤ « Conversations - résidence » Olga Boldyreff : 26/02 - 07/03/02 ➤ « Glissement des surfaces » Marie-France Uzac : 21/03 - 11/05/02 Frac Lorraine

Plan d’eau du Saulcy 57000 Metz tél. 03 87 74 20 02 ➤ Isle Roman : 18-19/05/02 ➤ Marthe Wéry : 24/05 - 31/07/02 1ère Rue, Cité radieuse Le Corbusier/ Briey ; Église des Trinitaires/Metz montbéliard

genève Le 10 Neuf MAMCO

10, Rue des Vieux Grenadiers 1205 Genève Suisse tél. 00 41 22 320 61 22 ouvert de 12 h à 18 h, sauf lun., nocture le mardi jusqu’à 21 h ➤ « Vivement 2002 ! Plus encore » P. Vadi, Moké, B. Cornand, C. Hahn : 27/03 - 28/04/02 ➤ « Rien ne presse/Slow and Steady/ Festina Lente ! ; Jokes » A. Séchas, P. Mayaux, P. land, R. Matta, G. Lilanga, D. Shrigley, P. Saul, B. Martin, C. Trouille : 23/05 - 22/09/02 grenoble

19 Avenue des Alliés 25200 Montbéliard tél. 03 81 94 43 68 ouvert de 14 h à 19 h du mar. au sam. le dim. de 15 h à 19 h ➤ Alain Clément : 16/03 - 19/05/02 ➤ Anne-Marie Pêcheur : 01/06 - 01/09/02

L’inamovible Duchamp Parler de l’écrit et de ses supports dans l’art contemporain sans évoquer, voire invoquer Marcel Duchamp, équivaudrait pour un historien du Rock à privilégier les Beatles au détriment des Crickets de Buddy Holly. Marcel Duchamp fut, on le vérifie tous les jours, un grand initiateur, et l’écriture et la linguistique constituèrent pour lui un puissant moteur. L’on sait par ses déclarations que pour son « Grand Verre », il avait décidé de s’inspirer non pas d’un autre peintre, mais bien d’un ou de plusieurs écrivains. Sa bibliothèque est en ce sens éloquente : Raymond Roussel, Alfred Jarry, Jean-Pierre Brisset, Jules Laforgue et Alphonse Allais y figurent en bonne place et furent en vérité ses principaux collaborateurs involontaires. Partant de là, que serait « La Mariée » sans son titre, que deviendrait « La pelle à neige » sans la mention écrite « In advance of the broken arm » ? Chez Duchamp, l’écrit motive, génère et complète l’œuvre à venir, à moins que l’œuvre elle-même ne soit fondatrice d’un texte littéraire comme cela s’est produit pour ma « chanson du célibataire » ! On devine en effet que les « Célibataires » sont en réalité des maris, marris de n’avoir pu déflorer « La Mariée ». L’on subodore que « La pelle à neige » est en fait l’appel à (Blanche)neige, vierge notoire doublée d’une servante toujours prête (Ready maid) installée dans un cercueil de verre (!) et convoitée par les nains célibataires. Les exemples de ce genre sont nombreux et souvent proches de l’esprit des écrivains admirés par Duchamp. Mais trêve d’élucubrations ! Je me devais d’écrire ces quelques lignes, hommage reconnaissant d’un énième exégète à un Maître incontournable que je remercie pour m’avoir fourni le premier octosyllabe du poème suivant qui me fut comme dicté en mai 1999 lors d’une nuit mémorable par... « La pelle à neige » dont la surprenante saga

semble préfigurer celle de La Mariée mise à nu par ses Célibataires, même, œuvre ellemême issue, à notre humble avis, d’un hallucinant alexandrin de Jules Laforgue publié en 1879 : « Et depuis ce jour-là, mon épouse est sous verre » ! La chanson du célibataire

Galerie Art Atttitude Hervé Bize

17-19 Rue Gambetta 54000 Nancy ouvert du mar. au sam. de 15 h à 18 h 30 et sur rdv tél. 03 83 30 17 31 ➤ Taroop & Glabel : 01/03 - 04/05/02

Le célibataire en éveil Avec sa magique baguette Voudrait, son cœur neuf goguette, Tirer la belle du sommeil. Jamais n’atteindra le soleil Son imprécise éclaboussure. Sans connaître la flétrissure, Eve rêvera son réveil.

Triste exemple de chasteté, Elle aura le statut d’idole, Maîtresse sans la moindre école, Neigeuse de virginité. C’est la saga du ready-made Inventé par Marcel Duchamp Et son manche bien raidi m’aide A rimer la fin de mon chant. Michel Rose - Dijon Bibliographie : ROSE, Michel, « L’importance de la linguistique et des procédés de création littéraire de Jean-Pierre Brisset et Raymond Roussel sur la conception du Grand Verre de Marcel Duchamp ». Mémoire de Maîtrise d’Histoire de l’art. Dijon, Université de Bourgogne, juin 1998. ROSE, Michel, « La poésie dans le titre de la pelle à neige de Marcel Duchamp In advance of the broken arm (En avance du bras cassé) ». Mémoire de DEA d’Histoire de l’art. Dijon, Université de Bourgogne, juin 1999.

pougues-les-eaux

saarebrück

joigny

Frac Bourgogne

Atelier Cantoisel

49 rue de Longvic 21000 Dijon tél. 03 80 67 18 18 ouvert du lun. au sam. de 14 h à 18 h ➤ « dialectique, pneumatique » Taroop & Glabel - Guest Star : Étienne Bossut : 22/01 - 23/03/02 Lecture de Lefevre Jean Claude le 24/03 à 11 h ➤ « Nous tournons en rond dans la nuit » A. Benoît, H. Fernagu, Tu Yen Fong & C. Sionneau, V. Marnat-Leempoels, J-C. Ruggirello, R. Buchanan, L. Raguénès, P. Piscitelli : 19/04 - 01/06/02 ➤ C. Robert Tissot : 21/06 - 24/08/02 ➤ « Concerts jus de fruits » les dim. 10/03, 28/04 et 23/06 à 11 h

32 Rue Montant au Palais 89300 Joingy tél. 03 86 62 08 65 ➤ « Œuvre du Frac Bourgogne » P. Corillon : 03 - 04/02 le creusot LARC - Scène Nationale

Place de la Poste 71200 Le Creusot ouvert de 13 h 30 à 19 h du mar. au ven. / de 15 h à 18 h le sam. et dim. sauf 31 mars, 1er et 8 mai tél. 03 85 55 37 28 ➤ Sabine Weiss : 08/03 - 07/04/02 ➤ Gérard Breuil : 19/04 - 12/05/02

nantes Ipso Facto

56 Bd Saint-Aignan 44100 Nantes tél. 02 40 69 62 35 ouvert le sam. 14 h à 18 h et sur rdv ➤ Grégory Duhamel, Marie maillard : 02 - 23/03/02 ➤ Thomas Bernardet, Christophe Viart : 13/04 - 04/05/02 nice Galerie Françoise Vigna

3, Rue Delille 06000 Nice tél. 04 93 62 44 71 ouvert du mar. au sam. de 15 h à 19 het sur rdv ➤ « A tribute to the Scientists » Arnaud Maguet - feat. Erik Fostinelli : 30/03 - 04/05/02

troyes

Centre d’Art Contemporain

Stadtgalerie

CAC - Passages

Parc Saint-Léger Avenue Conti 58320 Pougues-les-Eaux tél. 03 86 90 96 60 ouvert de 14 h à 18 h sauf lun. ➤ « Asja Collective » L’université du cartable : 26/01 - 24/03/02 ➤ « Animagus » L. Duthion, R-F. Hammerstiel, L. Laâbissi, C. Le Talec, T. Monin : 08/04 - 22/06/02

St Johanner Markt 24 66111 Saarbrücken - Allemagne tél : 00 49 0681 936 83 21 ouvert du mar. au dim. de 11 h à19 h, mer. de 12 h à 20 h, fermé le lun. ➤ « Digression à la frontière » Coll. Frac Lorraine : 23/02 - 20/05/02

9 rue Jeanne d’Arc 10000 Troyes ouvert de 14 h à 18 h, mer. 14 h à 20 h sauf dim. et jours fériés tél. 03 25 73 28 27 ➤ « Assupisma »Stephan Vee : 28/03 - 07/05/02 ➤ « Vis à vis, traces / mémoire / publics » : 15 - 25/05/02 ➤ « Sens giratoire » : 06/06 - 23/08/02

sélestat Frac Alsace

reims

1, Place Museux 51100 Reims tél. 03 26 05 78 32 ouvert de 14 h à 18 h sauf lun. ➤ Janaina Tschäpe : 15/02 - 14/04/02 ➤ Cécile Le Prado, Emmanuelle HuynhThanh-Loan : 17/05 - 28/07/02 roubaix

1, Espace Gilbert Estève 67600 Sélestat tél. 03 88 58 87 55 Ouvert du mer. au sam. de 14 h à 18 h le dim. de 11 h à 18 h ➤ « Spinosa / Spinoza » et « Reour d’exploration (2) » C. et F. Hungingen : 27/03 - 12/05/02 ➤ « Seul(s) au monde » Guy Limone : 05/06 - 18/08/02 ➤ « Jardin du Frac » Michel Aubry : toute l’année

Magasin / Cnac

Site Bouchayer-Viallet 155, Cours Berriat 38028 Grenoble Cedex 1 tél. 04 76 21 95 84 ouvert de 12 h à 19 h, sauf lun. ➤ Jack Goldstein : 03/02 - 28/04/02

en

En avance du bras cassé Il tient sa pelle comme un manche, C’est un pelleteur du dimanche, Son outil est très mal placé.

Frac Champagne-Ardenne nancy

Pointant le canon dans sa main En direction d’une inconnue, Vers une vierge à demi nue Il dresse sa verge d’airain.

Espace Croisé

Grande Place - BP 40534 59059 Roubaix Cedex 1 tél : 03 20 66 46 93 ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h et sur rdv pour les groupes ➤ « [des]enchanté(e)s » L. Parsons, A. Klamroth, F. Lefever, B. Achour, J. Bartoloméo, A. Bernardini, Jo Lansley & H. Bendon, R. Perray, V. Roux : 19/01 – 13/04/02 ➤ « Kinshasa Congo » Fabien Rigobert / Moke, Cheri Samba : 17/05 – 13/07/02 s t s a u ve u r e n p u i s aye

Crac - Château du Tremblay 89520 Fontenoy-en-Puisaye ouvert de 14 h à 19 h sauf lun. tél. 03 86 44 02 18 ➤ « Artistes contemporains icaunais » : 30/03 - 05/05/02 ➤ C. Cehes, B. Delrieu, A. Bascoul : 12/05 - 23/06/02

tanlay

publications L’Office - ENSBA de Dijon

3, Rue Michelet 21000 Dijon tél. 03 80 30 21 27 e-mail : office@enba-dijon.fr ➤ Orlan - Le Plan du Film, CD + livret, Les films Al Dante / Coprod. Sade & l’Espace ➤ Harald Fernagu, livre d’artiste / Coprod. Le Consortium (Dijon) ➤ Lavotopic Tour 2001 - Road Book, Cat. d’expo / Coprod. Asso. Ergo (Label lavotopic)

ADAC - Centre d’art de Tanlay

Château de Tanlay 89430 Tanlay tél. 03 86 75 76 33 ouvert tous les jours. de 11 h à 18 h 30 ➤ « le portrairt s’envisage » : 01/06 - 29/09/02 thiers Centre d’art - Le Creux de l’Enfer

Vallée des Usines 63300 Thiers tél. 04 73 80 26 56 ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h les sam. et dim. de 14 h à 19 h, sauf mar. ➤ « La peinture et les jours » Bruno Bellec ; « Géologistes : Nord contre Sud » Yuri Leiderman : 31/03 - 02/06/02

à paraître : ➤ Lilian Bourgeat, Cat. d’expo. / Coprod. Centre d’art de Castres, Le Consortium (Dijon) ➤ Eric Duyckaerts, Cat. mono. / Coprod. Crac de Sète, Frac Bourgogne, Galerie E. Perrotin (Paris) ➤ Nathalie David, Ed. DVD / Coprod. C.N.C. (Paris), Kulturbehörde (Hambourg), Art Entreprise (Villeurbanne), Art 3 (valence), Mamco (Genève) ➤ Passeport Toison d’Or pour l’Europe (S. Berger, I. Damour, S. Moreau, I. Tursie & W. Mille), Cat. d’expo /

Coprod. Conseil général de Côte d’Or ➤ Denis Pondruel, Cat. mono. / Coprod. Afaa, Toka

Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain numéro, une participation de 20 Euros minimum est demandée.


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