HORSD’OEUVRE
le journal de l’art contemporain, octobre/décembre 2002 dijon ➤ bourgogne ➤ france ➤ europe ➤ ...
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Dimanche 2 juin : j dd Lefevre Jean-Claude Lecture exposition # 11 Frac Bourgogne, Dijon
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n°11
www.interface-art.com
frac.bourgogne@wanadoo.fr
LJC Notations v l m s & HORSD'ŒUVRE n°11, journal de l'art contemporain s m interface.art@wanadoo.fr
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éditions clandestines s.i.n.d.
Laurent Marissal Peintures 1997-2002 d
Musée Gustave Moreau l
« Il existe m de la clandestinité clandestine »
m v laurent.marissal@wanadoo.fr
Doc. Photo pour couverture HO n°9
Février 02
Dimanches 24 mars : Lefevre Jean Claude Lecture exposition # 9 Frac Bourgogne, Dijon d
frac.bourgogne@wanadoo.fr
s Mardim 30 avril : Lefevre Jean Claude Lecture exposition # 10 j CFA COM, Bagnoletd
www.cfacom.org
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Doc. Photo pour couverture HO n°10
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Slogan extrait d'un tract distribué par le Mouvement des Jeunes Socialistes, groupe Quartierl Latin : v m Alors réveillez-vous ! Le 16 juin, votez ! s m Votez à Gauche
contact@mjsfrance.org d
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l j Cinéma Le Quartier Latin, Pariss colifilm@club-internet.fr
Am partir du 19 juin v d m LA PEINTURE VA AU CINEMA « La toile postée remplace l'artiste guetteur » rutault.claude@wanadoo.fr
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Une présentation du travail de m v l Cadere a eu lieu à Paris les 25 juin 1974, 1975 et 1976 B 12024000 =35= =44x45= s
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jc.lefevre3@wanadoo.fr d
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l s LJC Notations j décembre 2001 / décembre 2002 & INTERFACE appartement / galerie m v d
interface.art@wanadoo.fr m
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M.G. m'apprend le départ d'Emmanuel Latreille pour v l le Frac Languedoc Roussillon fraclr@fraclr.org s
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John Coplans Self Portrait, 1985 112,5 x 104,5 cm © Collection Frac Champagne-Ardenne, Reims
Capital-risque et corps exclus Il est un corps virtuel dont l’existence s’affiche au sein même d’une libération apparemment sans limite de ce qu’il est coutume d’appeler les « tabous ». Ce corps, parfaitement identifié, puisqu’il envahit tout espace public ou privé, évacue autant que possible un autre corps dont le vécu oblige à supporter ce que la représentation veut gommer : transpiration, bourrelets, rides, gaz, excréments, amputations, « anomalies » faciales, « dysmorphismes »... Toutes sortes de choses que l’hygiénisme exècre en apposant sa signature dans la plupart des espaces médiatiques, et plus particulièrement publicitaires. L’évacuation des tabous n’est donc fort souvent qu’un transfuge ralliant la cause désormais bien connue d’un corps jeune et sain, reflet supposé d’une société propre, pliée à l’art du mensonge, et dont la haute technologie promet depuis fort longtemps une aseptisation radicale. Il apparaît alors assez clairement aux yeux de tous que, par le simple fait d’une correspondance manquée à ces représentations lissées, une exclusion sociale est entièrement possible. De là s’impose cette volonté frénétique à rejoindre ce monde d’images, standardisées pour leur commerce, et à rejeter l’essentiel de ce qui nous ramène aux velléités d’un corps véritablement vivant, sujet donc aux transformations logiques de la nature, et dont le vieillissement annonce inexorablement la mort. Non que l’être
humain doive se soumettre immanquablement aux lois « naturelles », il les exorcise généralement par le biais de rituels qui, bon gré mal gré, transfigurent le visage de la mort certaine – dont l’individualité reste angoissante – en une représentation collectivement supportée et maîtrisée. Cette volonté de s’inscrire au cœur de ces représentations hygiénisées est toute lisible dans les processus de starification régulièrement proposés par nos chaînes de télévision. Le modelage violent – quasi-sadique – auquel se soumettent « volontairement » de jeunes personnes dans les « téléréalités » en est un exemple récent. L’obligation à devenir conforme au modèle ne se passe pas d’une souffrance nécessaire, dont on croit savoir qu’elle libère d’une supposée et peut-être réelle prison de chair. À ceux qui ne s’y plient pas, l’on promet une culpabilisation très médiatisée – quasipropagandiste – qui les mènera presque forcément vers ces voies qu’on annonce salvatrices1. Les contorsions se multiplient dès lors, visant à ramener le corps vers un modèle esthétique particulièrement étroit : ventre plat, peau lisse, musculature affinée, dents bien alignées, lèvres gonflées, seins généreux... L’exclusion, si le modèle n’est pas suivi, est une menace de tous les jours, dont on mesure à vue d’œil, face au miroir, la proximité certaine. Pour être assuré qu’une telle menace ne se réalise pas, l’on préfère anticiper
en misant sur son corps comme on mise sur un capital, avec cette peur suffocante de ne plus être aimé2. C’est la douleur de l’anorexique, pour qui la minceur ne suffit jamais à dire qu’il ou elle est suffisamment aimable, et qui exclut peu à peu son corps du monde, au risque d’une disparition totale de sa personne. Ainsi, l’aspiration à vouloir rejoindre cet univers miraculeux des corps « parfaits » marque assez bien ce passage d’une ritualisation de la mort et des âges de la vie vers une évacuation de ces rites, et, par là même, vers une négation de l’objet même de ces rites. Ici, la mort n’existe plus, le vieillissement doit être dissipé, les « anomalies » ignorées, voire rejetées : une ride n’est pas belle ou laide, elle ne signe pas non plus un chemin vers la sagesse. Une ride, ça n’existe pas. Ce qui inquiète alors, ce n’est pas le vieillissement à proprement parler du corps, mais davantage son bannissement, souvent implicite, du cercle de ceux qui ont encore le droit à la séduction. Une société dans laquelle une ride annonce une mort sociale définitive renvoie l’individu à cette angoisse de ne déjà plus faire partie d’aucun monde. L’on voit alors dans quelle mesure cette image du corps se rapproche d’un modèle profondément fasciste, fasciste en ce même sens que donnait Barthes à propos de la langue, c’est-à-dire en ce sens qu’il oblige à être3. En dehors de cette obligation, il demeure douloureux d’exister sans que
reviennent à soi les réminiscences d’une société de consommation, dont le corps est sans doute effectivement « le plus bel objet »4. Ne pas s’y inscrire, c’est alors prendre le risque majeur de s’exclure soi-même du seul univers qu’on ait jamais connu, tels des migrants déracinés, n’ayant pour horizon tragique que le retour vers la terre nourricière. Jean Constance J. Constance est sociologue, membre du comité de rédaction de la revue Quasimodo (Revue d’analyse critique sur les problématiques liées aux questions du corps). 1. Jean Baudrillard illustre déjà parfaitement ce thème dans la Société de consommation, Paris, Denoël, 1970. Les magazines de beauté et de santé sont les supports directs de cette idéologie hygiéniste, qui cultive allègrement la culpabilité du lecteur avant de lui « proposer » les solutions « adéquates ». 2. C’est le cas des personnages de Bret Easton Ellis, dans American Psycho, dont les efforts d’intégration n’ont d’égal que l’énergie dépensée à ressembler à tout prix aux standards de la high society américaine. Bret Easton Ellis, American Psycho, Paris, Salvy, 1992. 3. « Car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire », Roland Barthes, Leçon, Paris Seuil, 1978. 4. Jean Baudrillard, ibidem.
Danger is comedy entraîne dans un labyrinthe, une forme de quête de soi. Comme Stanley Kubrick, à qui il rend hommage par le biais du générique et d’une affiche, il joue avec nos nerfs et notre inconscient. Sex is comedy et Irréversible font partie de ces films qui, lorsque le générique se termine, laissent une odeur de soufre, mettent en garde contre soi. Catherine Breillat et Gaspard Noé ne font pas exception dans l’histoire du cinéma, ils appartiennent à cette catégorie d’artistes sans concession, qui veulent tester et repousser les limites de l’inconscient chez le spectateur. Se sentir en danger c’est avoir peur de perdre ses repères, c’est craindre l’attaque psychologique ou physique, c’est l’angoisse de se découvrir autre. Aline Secondé
BLACK-OUT À 23/10/99 - 01/00
KOLLAPS Claude Lévêque Noir total et déluge de décibels. On imagine des pales d’hélicoptère prêtes à vous décapiter à chaque faux pas dans ce maelström de bruit et de fureur. De ce chaos d’épouvante où l’on progresse à grand peine, on sort K.O. debout... ou sur les genoux, heureux d’avoir échappé à un danger que l’on sait pourtant illusoire. Une exposition éprouvante autant qu’inoubliable. Michel Rose
L’USINE - DIJON
Au terme de danger, les cinéastes répondent par prise de risque, engagement. Mais rares sont ceux qui mettent en pratique ce devoir de provoquer, d’entraîner le spectateur en dehors de ses limites. Filmer le danger est une chose, se mettre en danger est plus complexe. Récemment deux cinéastes ont investi ce terrain avec un regard sans concession. Ex-critique aux Cahiers du Cinéma, Catherine Breillat excelle dans la manière de s’approprier les mots de manière juste et sensible. Son dernier film Sex is comedy est un hommage au cinéma. Est-ce un documentaire, une autobiographie, une comédie ? Qui est le personnage de Jeanne, joué par Anne Parillaud ? Sans maquillage, elle interprète un rôle de metteur en scène qui exige de ses deux jeunes comédiens une scène « intime ». S’inspirant du tournage de son précédent film, À ma sœur, Catherine Breillat dresse un autoportrait. Malgré les différences entre l’actrice et la cinéaste, on ne peut que s’étonner de la symbiose entre ces deux êtres en constant danger. Filmer une scène d’amour « vrai » est le désir de tout cinéaste. Oshima le dit. Catherine Breillat le fait. Elle nous déstabilise par une mise en abyme de son travail, par sa relation ambiguë avec son comédien et surtout par son propos sur le sexe. On attend « la scène », celle qui vient clore de manière pudique cet hommage au cinéma et qui pose la question ; jusqu’où faut-il transgresser les limites ? Catherine Breillat nous invite à penser la relation à l’Autre différemment, à redéfinir l’obscénité, à ré-imaginer le masculin et le féminin. Mettre le spectateur en danger c’est aussi l’interroger sur son identité et son rapport à la vie. Gaspard Noé défend aussi la notion de danger mais à travers un fait divers. Avant même sa sortie, le film fit scandale en raison d’une scène de viol de douze minutes. Il semble se résumer à cette seule séquence, laissant de côté l’essentiel. Gaspard Noé a fait de la violence l’un de ses étendards contre les idées reçues. Son précédent film Seul contre tous montrait la déchéance d’un boucher désespéré, dépressif, abusant de sa fille. Chacun retiendra le dernier élément. Il réitère avec Irréversible en utilisant les mêmes ingrédients, l’intelligence et la malice. Le viol du personnage interprété par Monica Bellucci est le point de connexion entre diverses interrogations, semblables à celles du film de Catherine Breillat. La scène repousse les limites du supportable chez le spectateur, chez les acteurs, chez le réalisateur. Filmer un viol, une vengeance, un moment de bonheur c’est s’inscrire dans un rapport à la vie, réévaluer le danger si subjectif. Mais la musique, les mouvements de caméras nous entraînent ailleurs, au-delà du cadre, des codes. Chacun est surpris d’éprouver des sensations physiques, étranges, inhabituelles qui tendent irréversiblement à remettre en cause nos propres peurs. Certains ont crié à l’arnaque, que ce n’était que de la violence gratuite, qu’un cinéma générateur de psychoses. Il n’est pas plus terrifiant que des lofteurs ou une bande de naufragés sur une île déserte. En jouant avec les scènes les plus intenses, Gaspard Noé nous
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D E L’ART CONTEMPORAIN S’EXHALE LE DANGE R A GRESSIF OU VIRTUEL , RÉEL , IMAGINAIR E N É DU REFLET D’ENFER OÙ LE MONDE EST PLON... G G ARONS NOUS DES VIENNOIS AUX MŒURS DE CAÏMA N E T PRENANT GARDE AUX PLAQUES D’ACIER DE SERR A R ENDONS QUAND MÊME GRÂCE AU FRISSON QUI NOUS PREN D
MICHEL ROSE
- 13/06/2002 -
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Out of Nowhere, de la réalité de la fiction Invité en résidence à l’atheneum, Centre culturel de l’Université de Bourgogne, Gerald Petit propose une série d’oeuvres in situ pour le moins surprenante. Plongé au coeur du campus, il prend la température du lieu, s’imprègne du climat et des bruits avant de réaliser Out of Nowhere, œuvre intrigante et protéiforme qui esquisse les inquiétudes collectives et brouille les repères entre l’imaginaire et le réel. Quand la fiction s’emmêle… Guillaume Mansart : Votre production depuis quelque temps se détache de l’unique narration de l’image pour développer des interrogations touchant à l’existence même de l’œuvre. Peut-on dire que vous faites ainsi entrer votre travail dans une réalité commune dépassant sa seule dimension ? Gerald Petit : Pendant des années je me suis concentré sur les phénomènes liés aux moyens formels que j’utilisais, c’est-à-dire la peinture et la photographie. La figure humaine a toujours été au centre de mes préoccupations, mais elle était souvent un prétexte pour concevoir des images qui posaient la question de leur constitution. Ces processus enclenchés, j’ai produit des images dont le sujet principal était la question de l’image, en tant que phénomène « apparaissant », en tant que réalité contractuelle, et finalement en tant qu’icône. J’impliquais dans ces séries de travaux uniquement des personnes de mon entourage, mais qui devenaient plus sujets à l’expérimentation que sujets réels. C’est cet état de fait qui m’a poussé à travailler autrement. G.M. : Vous avez alors choisi de produire des pièces liées aux différents lieux d’exposition… G.P. : Effectivement j’ai alors fait le procès du travail autarcique de l’atelier, et je me suis laissé influencer par les contextes dans lesquels j’étais dès lors invité à travailler. Les expositions sont des lieux de stimulation pour le travail. Ils remettent en cause, en réactivant les principes, et exigent un renouvellement des procédés. Mais surtout ces situations créent des rencontres, et ces rencontres deviennent pour moi le moyen de mettre en relation des mythes collectifs avec mes mythologies personnelles. Il y a des lieux qui m’ont permis d’avancer en ce sens, des lieux où j’ai fait des rencontres décisives. Par exemple, j’ai rencontré au Centre d’art de Pougues-les-Eaux, un jeune garçon de onze ans, Cyril, qui entretenait une relation hors du commun avec l’art, et ce à travers le Centre. Mon premier contact avec lui fut digne d’un conte des frères Grimm, et j’ai aussitôt ressenti l’envie et la nécessité de transposer ce gamin en personnage, par le biais du lieu lui-même, et par le biais de la peinture, qui incarnait au mieux sa propre mythologie de l’art. Les choix plastiques s’imposaient pour rendre le projet pertinent, la peinture tout à coup n’était plus en procès comme dans l’atelier. Il y avait surtout un enjeu de taille avec cet enfant, qui devait (idéalement) voir dans son effigie, la représentation d’une fable qui n’était pas réaliste, voire périlleuse (l’enfant qui voulait devenir grand comme le Centre d’art). Pour en revenir à la question, je pourrais dire que c’est le mélange entre deux réalités qui m’intéresse désormais, pour
construire un glissement vers une réalité commune, dans laquelle l’œuvre garde son autonomie et peut continuer d’exister en dehors de son foyer. G.M. : C’est donc en ce sens qu’à votre arrivée sur le campus vous avez tenté de « ressentir » le lieu pour créer Out of Nowhere. Pouvez-vous nous expliquer le contexte particulier dans lequel (et par lequel) vous avez travaillé ? G.P. : En arrivant à l’atheneum, j’ai cherché un ingrédient, un élément réel, constitutif, sur lequel me reposer pour construire le projet. Je n’avais que le titre en tête, Out of Nowhere, et l’envie de le décomposer en actes, out, of, now et here. C’est là que j’ai entendu parler de cette rumeur colportant la présence d’une bête sur le campus. Pas un animal, mais bien une bête, un monstre, une masse aux allures fantomatiques, aperçue la première fois aux alentours de la faculté de médecine, et apparaissant de temps à autre, depuis quelques mois, près des résidences universitaires. G.M. : Dès le début vous avez réellement pris cette rumeur au sérieux ? G.P. : C’est-à-dire que j’ai été prévenu par le Crous, et par la présidence de l’Université qui me demandaient d’être prudent dans mes déplacements et mes recherches sur les lieux. J’ai même reçu un mail un rien fantasque, non signé, me mettant en garde contre cette bête qui avait sévi vingt ans auparavant… Bref, j’ai eu envie de travailler à partir de cette rumeur, et de mettre en évidence les points de connexion entre son objet, incroyable autant qu’incongru, et la population qui cohabitait avec elle, les étudiants. Alors j’ai imaginé une corrélation entre la bête et la construction d’un projet en quatre actes, et hors lieu d’exposition. J’ai eu la sensation de tenir mon matériau. G.M. : En quoi une rumeur constitue-t-elle un matériau artistique ? G.P. : Une rumeur c’est une image à part entière, collective de surcroît. Elle existe selon l’intérêt qu’elle suscite chez les gens, et continue de se dessiner en grandissant au sein d’une population. Elle est un élément artificiel, qui prend naissance dans une réalité balbutiante, et devient soit une sorte d’antidote, de révélateur, de conscience collective, soit un véritable déclencheur de phobies, semant la panique et le doute chez le plus grand nombre. Si cela est une définition possible des rumeurs, c’en est une également de l’art. La rumeur est une image qui se répand, dont la taille varie sans cesse, et dont le contour n’est jamais défini. Celle du campus était le meilleur moyen pour moi d’investir le lieu dans sa globalité, et de toucher un grand nombre d’étudiants, sans les réunir et reconstituer un public. J’ai donc doublé la rumeur d’indices dissimulés ici et là, comme les affiches out, of, now et here qui sont apparues comme pour ponctuer l’année en quatre mouvements temporels. J’ai composé également une petite pièce musicale qui créait un climat encore plus plausible à cet étrange phénomène. Puis il y a eu de nouvelles apparitions, celles de silhouettes humaines sur les bâtiments du campus. J’ai donc choisi de
restituer ces silhouettes, que je n’ai pas vues personnellement, pas plus que la bête d’ailleurs, sous la forme d’une équipe de super-héros, sortes de « Saint Georges » contemporains, dont la mission était de terrasser la bête. G.M. : Au final, la rumeur a-t-elle parasité votre travail ? G.P. : Il était question de travailler selon le même mode opératoire que celui d’une rumeur : par diffusion. J’ai fait un impair en exposant une série de photographies, intitulées Les Bêtes, qui proposait un éventail de représentations de figures chimériques ou monstrueuses, et ce dans le but de ranimer le débat sur la rumeur. C’est ce qui s’est produit, l’exposition de photographies ayant suscité moins d’intérêt que l’objet de la rumeur elle-même ! En parallèle, j’ai rencontré deux journalistes qui enquêtaient sur ce phénomène, et ce avec beaucoup de sérieux. Puis il y a eu le témoignage suspect d’une étudiante, relatant sa propre fuite devant la bête qui la traquait. Devant ce climat d’incertitude grandissant, les gens ont commencé à s’affoler, des recoupements ont été faits avec les recherches que je menais, et on a commencé à m’accuser. On a même porté plainte contre moi, me reprochant de semer la peur et de mettre en péril la sérénité des étudiants. Il est vrai que j’ai photographié des traces de sang sur le campus, et que ça a attiré l’attention sur ces indices que personne n’avait vus. Et après coup, quand le doute a commencé à régner, il a fallu une cible, alors il y a eu cette plainte. Mon ambition était de révéler la rumeur en tant que présence. Les éléments que j’ai produits l’ont rendue effectivement plus réelle et plus énigmatique aux yeux des « locataires ». Mais elle a toujours gardé le dessus. Au départ je l’ai utilisée plus comme une substance que comme sujet (j’ai parlé de modus operandi), dans l’idée qu’un glissement se ferait (glissement entre ce qui n’existe pas et ce qui existe tout à coup) mais elle s’est imposée et est devenue le motif principal d’Out of Nowhere. Alors a-t-elle parasité mon travail, je ne sais pas. Disons qu’elle… m’a rattrapé, et qu’elle a repris le dessus. Si vous faites allusion à l’annulation de mon exposition en mai dernier, je ne veux pas trop entrer dans les détails, on ne me prendrait pas au sérieux de toute façon, mais là, la fiction a rattrapé la réalité, et je mesure le mot fiction, parce que je ne sais pas très bien où elle commence.
Pas un animal, mais bien une bête, un monstre, une masse aux allures fantomatiques.
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Guillaume Mansart
Interview réalisée avec Gerald Petit durant l’été 2002. Le livre out of nowhere sortira début octobre, avec un texte de Pascal Beausse (96 pages - 25 Euros - co-prod. Atheneum, L’Office, Caisse des dépôts et consignations, E|m|a|fructidor).
Marie Péjus et Christophe Berdaguer Traumathèque, 2002 © Courtesy La BF15, Lyon
Marie Péjus et Christophe Berdaguer: le choix du danger Lyon, place des Terreaux, une vitrine étroite et banale portant le mot « Traumathèque » écrit en lettrage de néon bleu1; à l’intérieur, la pièce est presque vide à l’exception d’un siège sphérique suspendu au centre et d’une étagère chargée de cassettes vidéo sur le mur de droite. L’hôtesse nous convie à gravir l’escalier du fond : au premier étage, plongé dans l’obscurité, nous pouvons, si nous le voulons, insérer une cassette vierge dans le magnétoscope et parler d’un traumatisme vécu face à l’écran allumé mais vide d’images. Quand nous avons terminé, il nous reste à arrêter la bande, à lui donner un titre, puis à la ranger en bas, sur le rayon de la « traumathèque ». Ce « traumatape » s’est déroulé à vide, sans rien enregistrer, mais cet espace-temps vierge reste le témoin silencieux d’un récit douloureux pouvant atténuer la charge d’un choc affectif antérieur. Cette proposition de Marie Péjus et Christophe Berdaguer résume clairement la démarche globale qu’ils ont initiée dès 1993 : explorer les liens d’empathie qui relient l’homme et l’environnement, faits d’émissions, de transmissions, de captages de substances visibles ou invisibles, de liaisons entre le corps humain, le monde minéral, végétal et animal, le cadre de vie subi ou créé par lui. Pour les deux artistes, qui travaillent eux-mêmes en relation avec des médecins, des scientifiques, ou des architectes, « le sujet est une machine à ressentir dans un monde poreux dont tous les éléments sont potentiellement actifs »2. Il s’agit d’installer le spectateur dans une relation de dépendance et d’interrelation signifiante : ainsi s’allonger à côté d’une plante verte traitée aux anxiolytiques3, parcourir un espace-paysage parsemé de patchs diffusant de la morphine4, s’abreuver à des fontaines de Penthotal5, c’est à la fois traiter corps et esprit mais aussi prendre conscience concrètement de la dépendance d’un organisme stressé soumis à la quête de drogues. La nature comme recours n’est même plus un fantasme efficace pour l’homme contemporain puisque les deux artistes la conçoivent comme un réservoir de substances aphrodisiaques6
ou la transforment en un décor pour des spectacles assourdissants et aveuglants7. Avec Marie Péjus et Christophe Berdaguer, les utopies architecturales et urbaines, ultimes paradis-refuges tendant à mettre l’homme à l’abri du temps, se transforment ironiquement en pièges : le coquet pavillon avec jardin, but de toute une vie, une fois ses ouvertures murées devient « maison close », prison verrouillée sur elle-même et sur les autres8 ; les quartiers de la ville deviennent « chambres à gaz » mécaniquement programmées, diffusant à volonté des substances modifiant température, ensoleillement, odeurs, pouvant stimuler le travail, les rencontres, les échanges amoureux, le sommeil ou capables de calmer le stress, la douleur et les angoisses de tout genre9. Finalement, ces réalisations-modèles se lézardent, se rident et prennent un coup de vieux comme les huit maisons conçues avec l’architecte Rudy Ricciotti qui s’usent et vieillissent au rythme des événements météorologiques et de l’état de santé de leurs occupants10 : nous avons beau nous précipiter pour oublier et boire au robinet une eau chargée de somnifère11, le spray diffuse une odeur de maison incendiée !12. Sans aucun moralisme ni aucune idéologie trompeuse, en parodiant les installations de laboratoires de recherche scientifiques ou médicaux, ainsi que les projets d’aménagement du cadre de vie, les deux artistes mettent en évidence les liens puissants et invisibles, les circuits de dépendance que nous créons autour de nos corps dont la fragilité nous est insupportable. Ils nous désignent ces prothèses mécaniques et chimiques, ces bulles spatiales climatisées que nous édifions autour de nos organismes dopés et surprotégés et ils font éclater nos illusions d’invulnérabilité comme bulles de savon13. Cet été,à Lyon, dans l’obscurité, face à l’écran piqueté de neige électronique, accepter de faire revivre par la parole le stress, l’accident, la maladie, la mort, c’était faire le deuil de protections factices et choisir d’affronter consciemment le danger de la vie et de la mort. Marie-France Vô
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Mona Hatoum La grande Broyeuse (Mouli-Julienne X17), 2000 Le Collège / Frac Champagne-Ardenne, Reims © Photo André Morin
ou la menace du quotidien Née en 1952 à Beyrouth, Mona Hatoum se rend à Londres en 1975 avant que la guerre civile n’éclate au Liban et ne permette son retour auprès de sa famille. Elle intervient sur la scène artistique à partir des années quatre-vingt par des performances, puis, s’intéresse à la vidéo et réalise des installations. Dans l’œuvre de Mona Hatoum, le spectateur tient une place essentielle : soit en tant que voyeur de l’intimité intérieure du propre corps de l’artiste (Corps étrangers, 1994), soit par sa participation à l’œuvre. Mis à l’épreuve, le visiteur réinterroge son rapport aux objets familiers devenus source de dangers. Revisités, détournés de leur fonction utilitaire, ils prennent une signification et une identité tout autre. Mais d’où vient finalement la menace ?… L’ambiguïté de ce nouvel usage des objets de notre quotidien, leur duplicité : un tapis de fines aiguilles d’acier, Doormat, 1996, une chaise roulante métallique avec des poignées constituées de couteaux effilés, Wheelchair, 1998, une râpe à légume rotative noire en métal de trois mètres de haut, La Mouli-Julienne, 2000, questionne, crée un va-et-vient entre
attirance/répulsion : mise en alerte. Une menace figurée1, pressentie apparaît ; ses effets, l’artiste ne les expose jamais, préférant suggérer la violence implicite de certaines situations. Dans l’installation Homebound, 2000, elle présente les différents espaces d’une maison : cuisine, salon, chambre des parents et de l’enfant, meublés dans un style années cinquante (meubles en Formica…). Les différents objets sont reliés par des fils électriques, mis sous tension. Répondant aux bruissements des circuits électriques, des lumières placées dans les divers éléments de l’œuvre s’allument à intervalles réguliers révélant l’austérité de ce foyer abandonné, clôturé par des fils de fer. Expérience sensible (tactile)
1. Traumathèque, installation, galerie BF 15, Lyon, 6 juin-juillet 2002. 2. Phrase de Christophe Berdaguer et de Marie Péjus, citée par PLUOT. S., Beaux-Arts Magazine, n°217, juin 2002, p.34. 3. Vegetal Transfer, installation, 2001. 4. Subréel, installation, MAC Marseille, été 2002. 5. Installation au Fri-Art, Fribourg, Suisse, été 2002. 6. Arbres à désirs, installation avec diffuseurs de phéromones, 2001. 7. Forêt épileptique, installations à Marseille, 1998 et 2001. 8. Maisons closes, tirages numériques, 2001. 9. Ville hormonale, projet avec Decosterd et Rahm, 2001. 10. Maisons qui meurent, huit projets d’architecture, avec Rudy Ricciotti, 1997. 11. Circuit de sommeil, projet, 2001. 12. Feu, spray d’odeur synthétique, 2001. 13. Pour plus de détails et de développement sur l’œuvre des deux artistes, voir le catalogue de l’exposition Zone-désir de Christophe Berdaguer et Marie Péjus, Frac PACA, 29 octobre-22 décembre 2001.
Mona Hatoum : Sous tension, 1999 Ustensiles de cuisine, table, fil électrique, pinces crocodile, prog. informatique, amplificateur, table de mixage © Courtesy le Creux de l’Enfer, Thiers - Photos Joël Damase
s’apercevoir qu’il s’agit seulement d’éléments électriques, source d’une chaleur intense éprouvée par le corps.
pour le spectateur qui craint un danger corporel (fictif), et qui se place en tant qu’exilé contraint à l’observation passive et à la contemplation dans une relation paradoxale entre espace public et privé, présence et absence. Prolongation logique d’une réflexion déjà amorcée dans une œuvre antérieure : The light at the End, 1989,où toujours dans un souci de mise en scène, l’artiste expérimente les sensations d’abord optiques puis corporelles du spectateur/acteur. Attiré par une lumière dans un couloir sombre, il s’approche, pour finalement
Inscrit dans une certaine réalité, le travail de Mona Hatoum s’appréhende par l’épreuve tactile : « L’œuvre d’art est d’abord vécue physiquement. Le sens, les connotations et les associations ne viennent qu’après l’expérience physique initiale. »2 écrit l’artiste. Réfléchissant sur la sensation, la remise en cause des habitudes visuelles, elle questionne notre rapport au monde, au quotidien et à notre propre corps par un jeu insidieux d’ambivalences. Marlène Gossmann 1. « …Dans les œuvres récentes, j’utilise l’échelle comme un autre procédé pour transformer le domestique en quelque chose de menaçant qui pourrait, soudainement, tout engloutir…», Mona Hatoum Art Press, n° 252. 2. Women Artists, Cologne, Taschen, 2000, p.190 4
13 à table un vendredi 13 On ne sait pas toujours d’où naissent les croyances ou superstitions populaires. Celle qui consiste à dire qu’un dîner à treize personnes risque de porter malheur aux convives est probablement liée à la dernière scène issue de la Bible : le dîner que partagea Jésus avec ses douze apôtres avant d’être crucifié. Jérôme Maigret, jeune artiste vivant à Paris, a décidé de vérifier si cette superstition était fondée. Par son projet intitulé 13 à table un vendredi 13, il organise un cycle de dîners pour treize personnes qui se tiendront chaque vendredi treize à venir. Le premier qui se déroulera dans les murs du Palais de Tokyo1 le vendredi 13 septembre 2002 réunira à sa table quelques grands noms de la scène artistique. « En participant à chaque dîner, c’est finalement moi qui prends le plus de risques dans cette histoire » me confiait-il lors de notre dernière rencontre. Ces dîners se tiendront pour treize, un jour dans un lieu public tel qu’un musée ou une galerie, un autre dans l’intimité d’un appartement selon le pays où se trouve l’artiste. Le dîner pourra être photographié, filmé ou même montré via une webcam. Jérôme Maigret insiste sur le fait qu’une photo de groupe doit être prise à l’occasion de chaque dîner ; elle lui permettra par la suite d’y cocher chaque personne qui n’aurait pas survécu.
Avec cette œuvre, Jérôme Maigret ne sait pas trop où il met les pieds. Il déclare que seul un drame saurait mettre fin au cycle. Comme si, pour lui, un drame était l’aboutissement secrètement attendu. Considérant que cette superstition soit fondée, peut-on affirmer qu’il mette ses invités en danger ? On se souvient tous, par exemple, du tapage qu’ont produit certaines œuvres du Californien Chris Burden2. Le 5 janvier 1973, pour une performance intitulée 747, il tire au revolver sur un Boeing 747 qui décolle de l’aéroport de Los Angeles. Même s’il nous a habitués à des œuvres extrêmement violentes dans lesquelles il se mit très souvent en scène telles que Shoot3, beaucoup ont considéré qu’il avait dépassé la limite de l’acceptable avec 747 car il mettait la vie d’autres personnes en réel danger. Pour se défendre, Chris Burden répondit qu’il n’avait pas réellement tiré en direction de l’avion, ce qui cette fois remet en question la crédibilité de l’œuvre. Des vieux actionnistes viennois à Kendell Geers, de plus en plus d’artistes intègrent la notion de danger dans leurs œuvres. On peut commencer à se demander où doit être fixée la limite et quelle peut être leur responsabilité en cas d’accident. On a longtemps cru n’avoir le choix qu’entre deux options : vivre une vie bien remplie ou s’offrir le droit de se suicider ;
deux vrais choix d’adultes finalement. Il semblerait que l’art, par l’exemple de cette œuvre, tende à mettre le doigt sur une troisième approche bien plus ludique : considérer la vie comme une douce expérience qui nous permette même d’en jouer. Faites-vous inviter par l’artiste à un de ses dîners pour treize si vous le souhaitez, même si c’est moins viril que la vieille roulette russe ou moins typé que la nouvelle tendance « sans capote » des sex-clubs de nos capitales. Vous pourrez y déguster par exemple du Fugu, un délicieux poisson japonais qui se transforme en un poison foudroyant s’il est mal préparé. En vous souhaitant un bon appétit, Emma Young août 2002 1. Palais de Tokyo, site de création contemporaine, 13 avenue du président Wilson, Paris 16ème, www.palaisdetokyo.com 2. Chris Burden, artiste américain né en 1946 à Boston, fut taxé de « paratonnerre de la société » par la critique. Il vit et travaille en Californie depuis 1971. 3. Shoot, performance publique, 19 novembre 1971. Chris Burden se fait tirer une balle dans le bras par un ami posté à cinq mètres de lui.
13 à table un vendredi 13, 13/09/02 Palais de Tokyo, Paris © Photo Gérald Petit
Ont participé à ce dîner : Lilian Bourgeat Philippe Cazal Grégoire Daure Annelise Dyck Ange Leccia Jérôme Maigret Didier Marcel Ghislain Mollet Viéville Marlène Négro Orlan Gérald Petit Anne de Villepoix Fernando Viseu
Roman Signer : S’arranger d’une orgie déjà consumée S’il fallait résumer les actions de Roman Signer, on pourrait parler d’une collection de Ces études sont en quelque sorte des défis que l’artiste se lance dans le but catastrophes avec des conséquences nécessairement imparfaites. En effet, si utopique de rivaliser avec les forces de la nature (Colonne d’eau, 1976 ; Ballon sous l’artiste puise dans un éventail d’objets quotidiens qu’il se plaît à animer d’un souffle la glace, 1988). Les actions de Signer contiennent l’illusion de l’élémentaire, du détonant, il semble avant tout se concentrer sur une temporalité spécifique qui prime simple – un objet tombe et amplifie son poids, un ballon se gonfle et gagne en sur tout résultat. L’amorce d’une explosion, les préparatifs d’une course contre une volume, un papier vole et s’affaisse, l’eau éclabousse et s’éparpille – mais sont fusée de détresse comptent autant que l’explosion même et son cortège de paradoxalement subtiles dans leurs menaçantes chorégraphies. Car c’est bien à une fumigènes aériens. De même, les vestiges et autres reliques de ces performances mise sous tension que ces performances nous invitent, une oppression dont prennent valeur de volumes spécifiques (Hand, 1992, coll. Frac PACA). témoignent symptomatiquement les bombes à retardement placées par l’artiste L’artiste lui-même appelle ses performances des « transformations rapides »1, dans quelques expositions, en omettant volontairement d’indiquer au spectateur le pointant par là le caractère transitoire de ses tentatives à la fois élémentaires et moment de l’explosion. Cette provocation par la force implicite, cette confrontation burlesques, légères et périlleuses. Sa panoplie d’objets à manipuler se déploie dans systématique au danger, l’artiste lui-même la diagnostique comme une drogue : « De le champ du quotidien le plus toute manière, c’est presque trivial (bottes, vélo, chaise, comme une drogue, je dois table, ballon de baudruche), cette simplement faire ce qui renforce l’effet expérience de devoir passer à troublant de surprise mêlée travers ce tunnel, à travers de doute lorsque nous cette mise en danger, à de tels découvrons travers ce trou d’aiguille »5. dans des accessoires Dangers à amorcer : plaisir situations inhabituelles de méticuleux, jouissif du « prêt à lévitation, d’implosion ou de imploser », sourire en coin de gravitation : « Le siècle à l’artificier qui prépare son venir se situera plus en l’air mauvais coup, qui condense que sur terre. Nos yeux le potentiel dans le moment s’habituent déjà au de l’explosion. Mutinerie flottement. Tout se met à esthétique en guise d’autoflotter et les images suivent por trait (Por trätgalerie, cette évolution »2. 1992, coll. Frac Bourgogne). Dans le travail de Signer, les Cette tendance à la menace formes et fonctions des est quelquefois empreinte objets quotidiens se d’une expérience concrète – remettent constamment en telle la mort d’un ami qui question : une table vaut comme lui pratiquait le kayak – pour un socle autant que Roman Signer : Porträtgalerie, 1992 - Photographies noir et blanc, 3 x (40,5 x 30 cm), Collection Frac Bourgogne © Photos André Morin et charge ainsi certaines pour un objet volant actions d’une dose d’existenvaguement identifiable ; un kayak servira tour à tour de luge ou de moulinet (Kayak tialisme (en transformant le kayak en métaphore sculpturale de la vie et de la mort : avec élastique, 1984). Kayak coulé, 1991). Nous ne sommes plus très loin alors d’une lecture symbolique Dans cette logique d’appréhension de l’objet, on remarquera la fonction récurrente du passage, l’artiste suisse concluant avec ironie la gradation historique et liquide de la mise en péril : bottes-armes à feu, bidons-projectiles, vélo dynamisé par quatre bien connue : Jésus marchant sur les eaux, Icare chutant dans les eaux, kayak fusées, etc. Une tension littérale, ou plus implicite, anime la banalité fonctionnelle de sombrant dans les eaux... ces objets journaliers. Quelquefois, c’est la mèche ou le fumigène seuls qui font office de sculpture évènementielle en s’étalant sur plusieurs kilomètres dans un Éric Laniol faible crépitement (Action avec une mèche, 1989)3. 1. Schnelle veränderungen. Ce sont davantage les forces que les formes qui priment ici : énergie, dépense, 2. Roman Signer, interview de Marc-Olivier Walher, in Art Press n°237, juillet 1998, p. 28 course, explosion, transformation, altération. La sculpture est entendue à la fois 3. C’est très précisément un 11 septembre (mais 1989, soit 12 ans avant les évènements du World Trade comme la somme des énergies potentielles au repos et comme des matériaux en Center) que Roman Signer allume vers 16 h dans la gare d’Appenzell (sa ville de naissance) une mèche qui se consumera sur 20,6 Km le long de la voie ferrée pendant 35 jours, pour s’embraser au final en gare de action – qui n’ont que la gravité pour seule limite. Saint-Gall (son lieu de résidence). Cette action n’est pas sans évoquer une forme d’adieu de l’artiste à ses Ce qui, dans une étude scientifique basique, ressort de la connaissance logique, propres racines, un procès de départ silencieux (faible crépitement tout le long de l’excursion de cette devient pour Roman Signer le prélude et le prétexte à des études personnelles attendue explosion). improductives et donc douteuses (ou, vis-à-vis de l’esprit scientifique, discordantes – 4. Absurde, d’absurdus : discordant, Dictionnaire étymologique, Le Robert, 1994 4 5. Roman Signer, cité par Konrad Bitterli, in Parkett, n°45, 1995, p. 126 absurdus) . 5
SECRET SERVICE ou le risque de découvrir ses penchants sado-masochistes. Un spectacle du chorégraphe Felix Ruckert, entre danse, performance, expérience sensuelle et interaction avec le spectateur. Secret Service se déroule dans le lieu alternatif berlinois nommé DOCK 11. Au fond d’une cour sombre, il faut gravir quelques marches d’escalier pour atteindre le bar. Un garçon affable invite les visiteurs à tirer un numéro de passage pour le spectacle. En attendant leur tour, les futurs spectateurs, dubitatifs, sirotent une bière ou un verre de vin tout en s’informant des « règles » : « au niveau 1, vos yeux seront bandés. […] Mouvement, plaisir des sens et communication » sont les moteurs de ce premier niveau. […] « Vous ne pourrez participer au niveau 2 que si vous avez réussi le précédent. […] En plus des yeux bandés, vos mains seront attachées. […] Nous vous demanderons d’enlever le plus de vêtements possible pour permettre un accès optimal à votre peau. […] Le niveau 2 se concentre sur l’expérimentation de la douleur corporelle et de la soumission. […] La participation à Secret Service est à vos propres risques et périls »1… Ce spectacle singulier, intrigant, bouleversant est une création de l’original Felix Ruckert2. Le chorégraphe berlinois nous éclaire sur Secret Service. Adeline Blanchard : Pourquoi créez-vous tout ce mystère autour de votre spectacle au titre énigmatique de Secret Service ? Pourquoi faites-vous le choix de ne donner que peu d’informations au spectateur sur le déroulement de l’action ? Felix Ruckert : Je pense que c’est plus stimulant pour le spectateur quand il ne sait pas ce qui va lui arriver. En tant que danseurs, nous ne savons pas non plus exactement ce qui va se passer au cours d’une représentation. La structure de Secret Service est flexible et adaptée de façon individuelle au spectateur. Il y a interaction entre le participant et les danseurs. La matrice de départ, qui structure le spectacle, laisse tout de même une grande place à l’improvisation. Malgré cette structure, ce qui se passe entre les danseurs et le spectateur est très personnel, très individuel. Deux personnes vont en effet vivre chacune le spectacle d’une façon très différente. A.B. : C’est une véritable mise à l’épreuve du spectateuracteur qui doit s’abandonner aux danseurs, les yeux bandés. Le participant doit s’aventurer dans un espace inconnu et entrer en contact de façon assez intimiste avec des étrangers. La prise de risque est importante ! F.R. : Les yeux bandés, cela aide énormément le spectateur à se concentrer sur ses organes sensoriels, plus particulièrement sur le toucher, ainsi que sur toute son activité sensori-motrice… Mais cela aide aussi les danseurs à lire le langage corporel des gens. Quand on ne voit pas les yeux des participants, on perçoit ceux-ci de façon complètement différente. C’est assez drôle puisque souvent on ne reconnaît même pas les personnes en dehors du spectacle. Sans la vue, le participant se concentre tout de suite sur son langage corporel. En fonction de ce langage, nous (danseurs) adaptons les interactions avec cette personne. A.B. : Cela permet aussi au participant d’être moins inhibé bien qu’il ressente au début une certaine peur, une crainte. Il ne sait pas où il est, ni qui le touche. Il reste méfiant. Il lui faut un temps d’adaptation nécessaire afin que la confiance le gagne. Après cela, il peut se laisser un peu aller. Il est vrai que c’est plus facile sans la confrontation avec le regard du danseur. F.R. : Dans Secret Service, l’éducation sociale propre à chacun disparaît. Avec leur corps, les gens communiquent plus facilement et surtout autrement que par la parole. C’est pour cette raison que l’on ne sait pas comment cela va se passer. Notre spectacle n’est pas entièrement préparé, nous avons une vaste gamme de possibilités. Les gens réagissent très différemment. Certains sont très prudents, d’autres plus lents. Si les spectateurs sont réservés, on les fait un peu bouger. Il faut les relaxer. Mais certaines personnes se crispent. Quand les gens sont faciles à manipuler, on peut faire des mouvements beaucoup plus complexes avec eux. A.B. : C’est donc pour cela qu’il y a le niveau 1 afin de faire une initiation lente. F.R. : Oui, mais c’est juste une partie du niveau 1 qui est une initiation. Il faut tester la disponibilité physique des
gens. Nous essayons de déceler si les participants préfèrent se laisser guider, ou s’ils préfèrent être actifs. Il y a des gens qui explorent eux-mêmes les danseurs, qui les font bouger. Nous les laissons faire. Nous nous adaptons aux différents types de personnes et jouons avec cela. C’est d’ailleurs mieux pour les danseurs quand le participant ne reste pas entièrement passif. On peut alors mieux communiquer. A.B. : Mais c’est aussi un risque pour le danseur qui ne sait pas ce qui va lui arriver. Il ignore comment la personne va réagir. Est-ce qu’il y a eu des réactions un peu violentes, ou vives de la part des spectateurs ? F.R. : Non. Il y a simplement des personnes plus énergiques qui aiment se battre un peu, de façon très modérée. Elles ne veulent pas se laisser guider mais guider elles-mêmes. Cela peut dégénérer vers une sorte de petite bagarre. Cela fait partie du jeu. Après, les danseurs essaient d’aller un peu loin avec le corps. Nous faisons une sorte d’analyse anatomique. Nous analysons avec les mains et tentons de percevoir où sont les blocages. C’est une démarche quasi physio-thérapeutique parce qu’il y a des gens qui ne sont pas du tout bien dans leur peau, qui n’habitent pas leur corps ou qui sont crispés. Nous travaillons en prenant conscience de cela. Ainsi, nous essayons de changer leur façon de marcher, de bouger ou de se tenir. Nous avons développé toute une gamme d’outils différents dans cette voie-là tels les massages. Cela fonctionne assez vite, c’est étonnant. Il faut dire que les danseurs sont bien préparés. A.B. : Le niveau 2, l’expérimentation de la douleur, est une véritable initiation sado-masochiste lors de laquelle le participant est fouetté ou amené à fouetter. C’est très éprouvant pour le public. Vous n’épargnez décidément pas les spectateurs ! F.R. : Le niveau 1 est justement là pour que l’on sache à quel point la personne est disponible pour aller plus loin, à quel point elle est capable d’expérimenter avec son corps, d’être libre avec son corps. Dans le cas de gens qui se laissent facilement manipuler, on peut expérimenter d’autres choses. Nous pouvons en effet travailler des mouvements qui jouent plus sur l’émotionnel. Nous essayons de faire un peu peur aux gens, de les pousser à se lâcher psychologiquement. On peut mettre les participants dans des positions dans lesquelles ils ressentent certaines émotions. Il y a effectivement des émotions liées à des positions, c’est évident. Nous cherchons à mener les gens particulièrement disponibles à des mouvements plus sensuels et plus cruels à la fois. Nous alternons des douleurs succinctes et des caresses très douces. Si l’on va vers une gamme plus sensuelle, voire sexuelle, cela n’est pas seulement doux ou gentil. Il y a des jeux de pouvoir, de soumission et de domination qui interviennent. Dans la douleur, on peut aller très loin. C’est pour cela que nous avons créé le niveau 2. Si quelqu’un est très réceptif dès le niveau 1, on essaie de lui donner un avant-goût du niveau 2. Lorsque les gens passent au niveau 2, cela va plus loin. Il y a effectivement une initiation sado-masochiste. C’est très « soft » pour des gens qui pratiquent le SM. Mais pour ceux qui le font pour la première fois, c’est tout de même assez impressionnant. A.B. : Certaines personnes ont-elles découvert leur penchant SM par le truchement de Secret Service ? F.R. : Sûrement. Moi, je ne suis pas particulièrement sadomasochiste. J’ai découvert cela via le danseur-performeur Delta RA’i . Je suis allé voir cette scène SM. J’ai vu des séances qui avaient un aspect très théâtral. J’ai apprécié le côté ritualisé, la chorégraphie, le jeu entre deux ou plusieurs personnes.
Dans l’acte lui-même, ce n’est pas forcément celui qui est « sado » qui est dominant. Souvent, c’est l’inverse. La personne qui est passive est souvent très forte. J’avais des clichés dans la tête sur le SM et je dois avouer que j’ai été assez surpris. Cela m’a intéressé de travailler un peu làdessus. Quand j’ai fait cette proposition à mes danseurs, ils étaient très sceptiques. Ils n’ont pas vraiment compris et ont manifesté des réticences. Puis, nous avons fait des essais. Petit à petit, pratiquement tous les danseurs de ma compagnie ont trouvé cela très intéressant. Chacun a découvert quelque chose sur lui-même. Pourtant, peu de gens sont stimulés directement sexuellement, même sur la scène SM. C’est plutôt le jeu entre caresses et douleur qui est stimulant. Ce jeu est assez sophistiqué. A.B. : Parmi vos danseurs, certains ont-ils refusé de participer à Secret Service ? F.R. : Non. Au départ, j’avais engagé huit danseurs plus quatre « spécialistes du SM ». Je croyais que les danseurs feraient le niveau 1 et les autres le niveau 2. Mais dans les répétitions, nous avons testé les deux. Puis tout le monde a eu envie de faire également le niveau 2. Cela m’a beaucoup frappé. Je me suis dit que si mes danseurs adhèrent au SM, alors d’autres personnes peuvent le faire aussi. Je pense qu’aujourd’hui les gens ont envie de prendre des risques parce que nous vivons dans une société où il n’y a pas beaucoup de risques. On essaie d’éviter toutes les douleurs physiques. On mange dès qu’on a faim, on se protège avec des médicaments anti-douleurs. Les gens recherchent le risque d’une autre façon, à travers les drogues, les sports dangereux tels que le « body jumping »… Les gens recherchent quelque chose. A.B. : Comment définissez-vous la nature de votre spectacle ? Est-ce de la danse ou bien cela relève-t-il de la performance ou encore de l’initiation corporelle voire sexuelle ? Pourrait-on définir Secret Service comme de la « danse étendue » (« expanded danse »), une danse qui ne connaîtrait pas les limites traditionnelles de la scène, ni d’une chorégraphie rigide, ni de la distance avec les spectateurs ? F.R. : Selon moi, c’est quelque chose d’assez scientifique. C’est une sorte d’anthropologie expérimentale. Je m’interroge: où en sont les gens avec leur corps aujourd’hui ? Que veulent-ils ? Que désirent-ils ? Que sont-ils capables de faire ? Dans le spectacle, il y a un côté très pragmatique. On suit le spectateur de façon individuelle. C’est une sorte de laboratoire où l’on travaille et l’on expérimente. Le spectacle a un côté fonctionnel tout en restant émotionnel. Pour moi, c’est important d’avoir toujours conscience de la chorégraphie, de l’espace, des vitesses, des courses et de la musique. A.B. : Quelles sont vos sources d’inspiration ? Etes-vous influencé par les happenings des années soixante-dix qui privilégiaient une interaction avec le public ? Vous sentezvous plutôt dans la lignée de danseurs tels que Pina Bausch ou Trisha Brown ? F.R. : Ma première source d’inspiration est la vie de tous les jours. J’observe, je regarde ce que font les gens. Je m’introduis dans des scènes artistiques très différentes les unes des autres. Le rituel m’intéresse beaucoup. Evidemment, dans mon parcours de danseur, j’ai fait des rencontres importantes avec Pina Bausch, par exemple, Mathilde Monnier, Julyen Hamilton, Wanda Golonka, Barbara Mahler, Peter Gross, Jean Cebron ou Macou Airando. A.B. : Votre spectacle a connu un certain succès berlinois au mois de février. Vous étiez à nouveau en représentation à Berlin en août. Ne pensez-vous pas que le mystère qui plane autour de Secret Service va se perdre à force de présenter l’événement ? F.R. : Le grand mystère dans notre spectacle, c’est soimême. On ne peut pas savoir ce qui va se passer avant d’y avoir participé. On ne peut pas non plus se faire une opinion à travers un témoignage. Il faut le vivre, l’expérimenter. Mon spectacle est un laboratoire, où les gens travaillent et peuvent découvrir une partie d’euxmêmes. Le mystère, ce n’est pas ce que l’on voit mais ce que l’on ressent. C’est une expérience très personnelle. Adeline Blanchard Berlin, le 30 juillet 2002
1. Chorégraphie / Conception : Felix Ruckert avec : Catherine Jodoin, Lara Martelli, Malah Helman, Elettra de Salvo, Isabelle Schad, Florian Bilbao, Matthieu Burner, Delta RA’i, Felix Ruckert, Gabriel Staelen. Musique : Eastpole, Christian Meyer Mal. 2. Extraits de la « règle du jeu » distribuée aux spectateurs. 3. Pour de plus amples informations sur Felix Ruckert et sa compagnie de danse, consulter le site www.felixruckert.de 4. L’adresse de son site bilingue anglais allemand sur Internet est: www.feetwash.de 8
Obsession Hijikata Tatsumi, l’Ankoku Butô et l’Art Obsessionnel Japonais Egalement marqué et inspiré par les écrits d’Antonin Artaud et de Georges Bataille, Hijikata fit scandale en 1959 en présentant une chorégraphie inspirée d’une nouvelle de Mishima Yukio, Kinjiki (Couleurs interdites). Cette danse présente un jeune garçon s’accouplant symboliquement à un poulet et faisant l’objet des avances d’un homme. Cette chorégraphie marque une des premières étapes dans le développement de l’esthétique du Butô. Dans la forme et la violence, Kinjiki ressemblait beaucoup aux happenings de plasticiens, comme Kaprow ou les Néodada Organizers. Hijikata Tatsumi créa son école de danse, Ankoku Butô-ha, en 1960, bien que les documents mentionnant l’existence du groupe ne remontent qu’à 1961. Hijikata considérait que l’art de la scène et la création littéraire et plastique étaient tout à fait inséparables. Ainsi, dès son installation à Tokyo en 1952, il fréquenta les plasticiens d’avant-garde, tel Kawara On, alors expressionniste. Hijikata associa à la conception du décor de ses chorégraphies des artistes plasticiens issus du salon des Yomiuri Indépendant, comme, par exemple Nakanishi Natsuyuki et Akasegawa Genpei, membres fondateurs du Hi-Red Center. Les danseurs de son école se séparèrent en 1966 et Hijikata poursuivit son investigation consacrée à l’existence humaine et à la culture japonaise indigène, au travers de danses mettant en danger tant le corps physique que le corps psychique.
« Tatsumi Hijikata, 57 ans, danseur, enseignant et créateur du Butô », ce sont ces quelques mots que découvrit Nam June Paik en janvier 1986, lorsqu’il ouvrit la rubrique nécrologique du New York Times. Le Butô ou Ankoku Butô fut créé par Hijikata Tatsumi et Onô Kazuo. Hijikata Tatsumi ne quitta jamais le Japon et ne présenta donc jamais le Butô hors des frontières nippones. Ce qui confère à sa danse, peu connue, car relativement peu documentée, un caractère mythique. Au travers du Butô, Hijikata et Onô désiraient créer une forme de danse loin des contraintes de la danse moderne occidentale et de la danse traditionnelle japonaise. Les explosions atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki sont souvent citées à l’origine de la création du Butô, danse qui présente des corps déformés, douloureux, laids, grotesques, inesthétiques, recouverts de blanc, avec des têtes très expressives et hirsutes. Cette danse a l’ambition d’interroger certaines dichotomies, masculin-féminin, humain-animal, et de mener une entreprise d’intense critique sociale et de subversion culturelle. Une des caractéristiques des avant-gardes japonaises est un intérêt soutenu pour le caractère grotesque et absurde du sexe, de la folie et de la mort. Les écrits de Oé Kenzaburô et de Mishima Yukio présentent cette face souvent occultée de la culture japonaise. Plusieurs artistes, dans les années cinquante soixante, ont été attirés par cette tendance désenchantée, qui, selon certains, serait à la base de l’esprit japonais. Esprit, à l’origine de la production d’images de déformations physiques, de violence spirituelle et de « self-obliteration », qui préside aux créations de différentes œuvres (les sculptures de Miki Tomio, les environnements et happenings de Kûdo Tetsumi et Kusama Yayoi et les dansesperformances de Hijikata Tatsumi). C’est alors que l’on peut parler d’art obsessionnel. C’est Kusama Yayoi qui créa ce terme pour définir son propre travail. L’art obsessionnel correspond à une catégorie esthétique particulière de la culture japonaise des années soixante, que l’on retrouve également dans l’œuvre de Miki, de Kudô, d’Hijikata, de Mishima et du photographe Hosoe Eikô. L’obsession est pour eux un style artistique et un état psychologique. Dans les années soixante, Hijikata participa, en dansant, à des environnements et des happenings de Kudô et de Kusama, évoquant des images de cérémonies rituelles, de difformité et d’ère post-atomique. Tôno Yoshiaki, critique d’art, décrivit les mouvements de l’anti-art (Han-geijutsu) du début des années
Hijikata Tatsumi : La rébellion de la chair, 1968 (Phallus doré postiche sur un corps émacié, artificiellement bronzé. Piétinant le sol, le danseur se livre à un rituel primitif) © Photo Nakatani T.
soixante, comme la génération post-Hiroshima. « Les ruines étaient leur terrain de jeu et cet état de vide absolu devint nécessairement la base de leur art ». D’autres causes doivent être également considérées dans l’apparition du Butô, comme les mouvements étudiants opposés en 1960 au renouvellement du Traité de sécurité nippo-américain et les courants de pensée contre l’occidentalisation du Japon. Hijikata s’opposa radicalement au courant d’internationalisation et d’occidentalisation qui s’abattit sur le Japon après la seconde guerre mondiale. Toutefois, malgré l’imposante présence de Mishima Yukio, « certaines influences occidentales se sont peu à peu infiltrées dans le corps des Japonais, déclara Onô Yoshito, Hijikata aimait Jean Genet, Lautréamont et le Marquis de Sade ».
L’Ankoku Butô, ou « Danse des ténèbres », va longtemps rester une forme d’expression provocante et marginale au Japon, la société japonaise redoutant son goût pour la sexualité, la laideur et la mort. Le Butô condamnait violemment cette société de l’après-guerre guidée par sa soif de consommation. Dans les années soixante, le Bûto apparaît comme une forme de résistance pour l’avant-garde artistique japonaise. A cette époque, le rôle d’Hijikata, autour de qui se retrouvent, à Tôkyô, les artistes néodadas et de l’Angura, underground japonais, est fondamental. En 1962, il participe au happening présenté par Ono Yôko au Sôgetsu Hall et à cette même période travaille avec le musicien Tone Yasunao, le cinéaste Nagano Chiaki et le graphiste Yokoo Tadanori, qui, pour Hijikata, au travers de ses collages de style kitsch, évoquaient avec ironie le Japon d’avant l’occidentalisation. Il exprima toute sa contestation au travers du spectacle qu’il donna en extérieur au Nihon Seinenkan à Tôkyô en 1968, intitulé Nikutai no Hanran (« Hijikata Tatsumi et les Japonais - Rébellion des corps »). Ici Hijikata fit métaphoriquement et concrètement appel au danger par le biais de cordes, et à la violence de la nudité et de l’érotisme. Hijikata s’y présente notamment nu, le visage masqué par ses cheveux, ceinturé d’un phallus doré dressé, devant un décor de plaques de cuivre réalisé par Nakanishi Natsuyuki. Hijikata entama alors une transe convulsive qui évoque un ancien rite de fertilité. La scène finale le voit suspendu par quatre cordes dans une position de crucifixion, s’élever au-dessus du public jusqu’à ce qu’il disparaisse dans l’obscurité, puis redescende sur la scène. Cette ascension crucifiée est une parodie et une identification au Christ, mais également une référence à des actes traditionnels d’asservissement sexuel, ce qui fait de cette chorégraphie le sommet de l’Ankoku Butô comme « rituel hérétique ». Rébellion des corps est une œuvre rituelle et sacrificielle, dans laquelle Hijikata mit son propre corps en danger pour guider le public vers la « japonité ». Nikutai no hanran (« Rébellion des corps ») marque une période importante de l’œuvre d’Hijikata et de l’art moderne japonais. Les avant-gardes japonaises, et notamment le Butô, nourries des créations et de l’esprit de Dada, se sont trouvées confrontées à l’opposition sociale, économique et politique de leur pays, ce qui les a conduites à constituer une expression artistique proprement japonaise, post-occidentale et nostalgique de la culture nippone. Astrid Gagnard NB : Les noms de personnalités japonaises sont énoncés selon l’usage japonais, le nom de famille précédant le prénom, sauf pour les citations.
Hijikata Tatsumi : Rébellion des corps, Tokyo, Nihon seinenkan, 1968
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Le théâtre plastique de l’université du cartable : de la craie, de la peinture à tableau d’école, un brin d’Histoire … Le théâtre plastique de l’université du cartable est une forme artistique inspirée de la tradition d’avant-garde des revues d’agit-prop ou du théâtre documentaire ou politique d’Erwin Piscator. Le théâtre plastique combine en son espace diverses formes d’expressions qui appartiennent de façon plus catégorique à la discipline des arts plastiques (performance, vidéo sculpture, peinture, objets) mais aussi au champ du théâtre, de l’opéra, de la littérature… La volonté des artistes de l’université du cartable est de créer dans l’espace de l’exposition les conditions de manifestation d’une idée, celle là même qui représente leur engagement critique. Ils le font par la réactivation de personnages, de scènes, d’œuvres, d’époques qui constituent un ensemble contextuel d’expériences et de propositions artistiques. Ce principe actif, les artistes de l’université du cartable le nomment principe de régénération. « La régénération fonctionne à la manière de la régénération biologique, c’est-à-dire comme “reconstruction d’un organisme dont le résultat est de (re)stimuler son fonctionnement” »1. Ce principe commande la forme temporelle du théâtre plastique qui se déroule comme une représentation théâtrale – le théâtre plastique a un début et une fin avec un pic dramatique – mais également la forme visuelle qui constitue son cadre esthétique. La première présentation du théâtre plastique de l’université du cartable qui a eu lieu du 26 janvier au 24 mars 2002 au Parc Saint-Léger Centre d’art contemporain de Pougues-les-Eaux sous le nom d’Asja Collective rendait hommage à Asja Lacis et à sa pensée. Asja Lacis, metteur en scène lettone, inaugura dès 1918 un projet d’éducation par le théâtre pour les besprisorniki, les orphelins de la Révolution Russe. « J’étais persuadée que par le jeu on pouvait éveiller les enfants, les épanouir », écrit-elle dans ses mémoires2. En 1928, Walter Benjamin théorisa son
expérience dans un court texte intitulé Programme pour un théâtre d’enfants prolétariens3 en vue de fonder avec elle une école à Berlin. Pas une école de théâtre, au sens classique du terme, mais une vraie école éducative de transmission du savoir. Le radicalisme de ce programme éducatif est qu’il suppose que pour qu’il y ait éducation, il faut que se crée un « collectif enfantin » – ce que Walter Benjamin appelle un théâtre – dans lequel le principe d’autorité « passe aux mains des enfants » – ce que suppose la praxis de ce théâtre. Le partage des idées, de l’information et du savoir qui motive la création des pièces du théâtre plastique passe par la réappropriation de l’espace d’exposition par le public. Les artistes de l’université du cartable agissent dans le lieu de l’art avec de la craie et de la peinture à tableau d’école. Ils développent avec ces moyens une esthétique de la réception/transmission, chargeant chaque objet de la régénération théâtrale de cette symbolique. Ces deux médiums ont permis à David Legrand de récolter Les idées des enfants et de créer La danse de l’université dans le cadre d’un atelier mené avec la classe de CP de l’école primaire de Pougues-les-Eaux. Cet atelier donna lieu à une exposition sur les traces d’Asja Collective. Joseph Beuys utilisait également la craie et le tableau dans le cadre de l’Université Libre. Les artistes de l’université du cartable lui rendirent hommage en consacrant une salle d’exposition à la reproduction de trois tableauxconférences. Dans l’espace central du centre d’art de Pougues-les-Eaux, les pupitres d’écoliers que les artistes de l’université du cartable avaient disposés pour recréer l’espace d’une salle de classe étaient entièrement recouverts de peinture à tableau d’école, de couleur noire pour les plates-formes en bois, de couleur verte pour les montants métalliques. Le symbolisme de l’installation redoublait la phrase
ORLAN La dynamique de l’envers Afin de ne pas rester figé dans les idées reçues concernant le travail de l’artiste française Orlan, mettons les choses à plat et relevons une phrase d’une de ses anciennes conférences : « Pour moi, l’art qui m’intéresse, s’apparente, appartient à la résistance. Il doit bousculer nos a priori, bouleverser nos pensées, il est hors normes. Il est hors la loi. Il est contre l’art et l’ordre bourgeois ; il n’est pas là pour nous bercer, pour nous resservir ce que nous connaissons déjà ; il doit prendre des risques, au risque de ne pas être accepté d’emblée, il est déviant et il est en lui-même un projet de société. ». Car Orlan est une artiste engagée, militante et utopiste. Plus que dans l’apparente violence de ses opérations chirurgicales, le véritable risque encouru par Orlan vient de sa posture artistique, figure à découvert face à une société perplexe aux aguets. Au delà du féminisme (« Je suis une homme et un femme »), mais néanmoins militante (« Mon travail a toujours interrogé le statut du corps féminin via les pressions sociales »), Orlan s’immisce en art comme un corps politique. Le travail sur le corps a souvent valeur de subversion. Nul n’est besoin de signifier les implications sociales, politiques, religieuses ou culturelles du corps pour comprendre que s’attaquer à lui c’est viser au delà, c’est s’en prendre aux pouvoirs implicites qui le soumettent. En 1977, Orlan surprend la tranquille FIAC de Paris en présentant Le Baiser de l’artiste, performance provocante qui la transforme en « distributeur automatique de baisers ». Le public s’extasie, la critique se régale (dans tous les sens du terme) comme Jean-François Bizot de Libération qui décrit dans ses colonnes la générosité de cette « pelle culturelle ». Orlan, devenue un des éléments d’une pièce multiple, est postée sur une petite scène, derrière un buste de femme photographié laissant passer ses jambes, bras et tête. Sur ce piédestal, elle vend ses baisers à qui est prêt à débourser : « Introduire 5 francs, le baiser de l’artiste, merci ». Cette action tend évidemment à mettre en avant un des rôles implicitement imposé à la femme, celui de prostituée, aspect constitutif du triptyque mère/sainte/putain (tableau complété quand l’artiste devient sur cette même estrade Sainte Orlan, icône profane exhibitionniste aux lourds drapés). Orlan formule ici une interrogation concernant le droit de la femme à disposer de son corps librement. On l’aura compris, Orlan provoque, elle ironise, retourne les situations, détourne les faits de leur portée initiale. Cela sera nécessairement le cas pour ses opérations chirurgicales, dans lesquelles la trop habituelle victime devient l’actif, non plus par amour de sa servitude mais par désir de désaliénation. Son oeuvre se détache de toute contrainte sociale ou culturelle, elle s’inscrit dans le non-droit pour jouir pleinement d’un accès à la liberté. L’écrivain américain Chuck Palahniuk écrit avec humour et pertinence : « Les lois qui nous maintiennent en toute sécurité, ces même lois nous condamnent à l’ennui. Sans accès possible au véritable chaos, nous n’aurons jamais de véritable paix. A moins que tout ne puisse empirer, ça ne va pas s’améliorer »1.
manifeste de l’exposition, reproduite à la main à la mine de plomb sur la cimaise faisant face à l’entrée du centre d’art : « l’enseigné détient l’autorité par laquelle l’enseignant peut transmettre »4. Cette idée d’éducation – une éducation libre par le théâtre – que les artistes de l’université du cartable portent très haut comme ce fut le cas dans le cadre de l’atelier scolaire mené par David Legrand, avait déjà été médiatisée par Bruno Tackels, en 1995, dans une conférence qu’il donna sur le texte de Walter Benjamin, Programme pour un théâtre d’enfants prolétariens, à l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg. Au début de la représentation d’Asja Collective, les artistes de l’université du cartable lurent le texte de la conférence par l’intermédiaire de François Labro incarnant le Petit professeur de l’université, via une retransmission vidéo diffusée par un cartable vidéo-portatif, celui de La galerie du cartable. La régénération des faits historiques continua par la réactualisation du premier cours que Orlan : Femme avec tête self-hybridée, 2001 Cibachrome - 1,22 x 1,56 m © Cliché G. Rancinan
Le travail de Orlan a toujours appelé le désordre, « Les idées incarnées par Orlan sont dérangeantes, parce qu’elles bouleversent les derniers retranchements du monothéisme, ses interdits, ses limites. (…) Son art incarne, au sens fort du terme, l’idée même de désordre, c’est-à-dire la perte de tous les repérages, codes et conventions qui nous gouvernent. » commente Lydie Pearl2. Et son travail actuel s’inscrit dans cette dynamique du retournement, de l’envers. En 1985, l’artiste présentait Les Génériques imaginaires, posters peints, simulacres d’affiches de films reprenant l’iconographie mise en place dans ses performances. Aujourd’hui Orlan renoue avec son envie de cinéma et signe Le plan du film. Le projet tend à construire un film à l’envers. Le principe parait simple : partir d’une image fixe (celle d’une affiche conçue par une société spécialisée à partir d’anciens travaux de l’artiste) et bâtir un film, étape par étape autour de celle-ci. Mais l’entreprise est complexe et le plan d’action comporte plusieurs séquences. Partant de l’image répondant à l’esthétique cinématographique (un titre, des noms d’acteurs, de réalisateur, de producteurs … ), des synopsis sont esquissés, donnant eux mêmes lieu à des lectures publiques ou des improvisations de comédiens. S’en suit l’élaboration de scénarios possibles, puis la réalisation d’une bande annonce… jusqu’à l’aboutissement final : le film. Celui-ci devra obéir à quelques règles comme faire figurer dans la fiction les personnes, professionnelles ou non, citées par l’affiche initiale ; ou encore reprendre de quelque manière que ce soit la citation de Jean-Luc Godard, à partir de laquelle tout a commencé : « …non seulement un film à l’envers mais en quelque sorte l’envers du cinéma… »3. Pour son premier projet, Orlan dresse le décor. Elle organise à la fondation Cartier, une émission de télévision fictive avec vrais présentateur et commentateurs (parmi lesquels des critiques de cinéma, des acteurs, réalisateur, critique d’art et plasticiens) rebondissant sur une image fixe qui seule présume un film absent. La mécanique de l’envers se lance, l’image devient un concept. Le cheminement à reculons sera marqué par la parution de petits catalogues retraçant les différentes étapes de la construction du film. Des synopsis aux dialogues, de la bande originale (signée Tanger) à la bande annonce, les sept ouvrages ponctueront l’événement en cours jusqu’au dénouement. S’affirmant comme une créatrice libérée des exigences du rôle social, libérée des obligations de la chair culturelle, et enfin libérée de la loi du genre artistique, Orlan crée une oeuvre foncièrement émancipée. « Toute ma vie et mon travail ont été une entreprise de déformatage. Avec une attitude critique par rapport à la société, je suis souvent allée à l’encontre des idées reçues. »4. Entendons Orlan : la transgression est un leitmotiv, un engagement nécessaire à la création. Et si son attitude la met en joue, elle continue néanmoins son travail de déréglementation, et d’une contrainte à l’autre elle reste en poste envers et contre tout dans cet inconfort de l’art. Guillaume Mansart 1. C. Palahniuk, Choke, Denoël et d’ailleurs, Paris, 2002. 2. L. Pearl, Corps, sexe et art, La dimension symbolique, L’Harmattan, nouvelles études anthropologiques, Paris, 2001, pp. 92-93. 3. Godard à propos du film Montparnasse 19 de Becker. 4. Interview par Frank Lamy « Orlan fait son cinéma », Beaux Arts magazine, mai 2002, n°216. 10
Wassily Kandinsky donna au Bauhaus, à Weimar le 17 juin 1925. David Legrand chanta le cours comme un air d’opéra. Il s’ensuivit une diffusion documentaire sur les besprisorniki. Christiane Tantôt-Carlut monta ensuite sur une tribune en bois pour donner la Conférence sur l’élargissement des catégories du savoir de l’écolier. Elle le fit poing levé, en haranguant la foule : « Zorro est une catégorie active de savoir qui, par ses capacités de projections individuelles, remplace avantageusement, par exemple, la catégorie “éducation civique”, qui manque précisément de potentialités projectives »5. Christiane Tantôt-Carlut prit ensuite un ton de chroniqueuse de mode pour commenter le Défilé des catégories du savoir, portées par des participants. La présentation d’Asja Collective se termina en apothéose par La chanson du cartable, écrite par Pierre Giquel sur une musique de Cyril Legroux : « Vivons nos matinées/Dans nos cartables sonnent/Des secrets bien gardés/Les bombes qui étonnent… »6
Le théâtre plastique de l’université du cartable interroge le monde de l’art. Sa pratique ne produit aucun bien qui soit marchandable. Pas plus l’occasion, pour la critique patentée, qui voudrait se l’approprier, de surfer sur la vague médiatique des utopies esthético-sociales. Le théâtre plastique de l’université du cartable agit simplement. Il crée l’émergence d’un débat en confrontant, dans ce lieu hors du temps qu’est l’exposition, l’Histoire au présent. En guise de conclusion, j’oserai, avec les artistes de l’université du cartable, une simple interrogation : quel espace éducatif avez-vous choisi pour vos enfants ? Jérôme Giller Christiane Tantôt-Carlut et David Legrand sont à l’origine du collectif de l’université du cartable. Ce sont eux qui le représentent. Tous deux souhaitent également citer les inspirateurs de leurs projets et les différentes personnes qui participent à la création du théâtre plastique comme artistes à part entière du collectif.
1. « Université du cartable, Manifeste », in Asja Collective. Livret de réinterprétation, Parc Saint-Léger Centre d’art contemporain, 2002, pp.22-23. 2. Asja Lacis. Profession révolutionnaire, Hildegard Brenner, PUG 1989, p.44. 3. « Programme pour un théâtre d’enfants prolétariens », in Asja Collective. Livret de réinterprétation, op. cit., pp. 8-10, 19, 20. Texte également disponible dans Profession révolutionnaire : Asja Lacis, Hildegard Brenner, op.cit. 4. Bruno Tackels, « À propos du Programme pour un théâtre d’enfants prolétariens », in Asja Lacis. Livret de réinterprétation, op.cit., pp 3 à 5. Texte également disponible, dans Tradition, transmission, enseignement. Une relecture de la modernité par Walter Benjamin, colloque organisé par l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, 1995. 5. Christiane Tantôt-Carlut, Conférence sur l’élargissement des catégories du savoir de l’écolier, feuille de salle de l’exposition Asja Collective. 6. Pierre Giquel, Michel Legroux, « La chanson du cartable », texte et partition reproduits dans Asja Collective. Livret de réinterprétation, op. cit., p. 27.
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Place de la Poste - 71200 Le Creusot ouvert de 13 h 30 à 19 h du mar. au ven. / de 15 h à 18 h le sam. et les dim. 20/10, 17/11, 8 et 22/12 de 15 h à 18 h tél. 03 85 55 37 28 ➤ « L’art et la production industrielle : un exemple au Creusot : Studio Aventure » : 11/10 - 23/11/02 ➤ Daniel Dumaret : 29/11 - 22/12/02 limoges
« Les Coopérateurs » Impasse des Charentes 87100 Limoges tél. 05 55 77 08 98 ouvert de 10 h à 18 h du mar. au ven. / de 14 h à 18 h le sam., fermé dim. lun. et jours fériés ➤ « Sculptures » Anita Molinero : 18/10/02 - 04/01/03 lons-le-saunier Musée des Beaux-Arts
Place Philibert de Chalon 39000 Lons-le-Saunier tél. 03 84 47 64 30 ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h sauf mar ; sam., dim. et jours fériés de 14 h à 17 h ➤ « Clic-clac / Monsieur Hugo ! Portraits photographiques de Victor Hugo, de l’exil à la gloire » : 21/12/02 - 05/01/03 mâcon Musée des Ursulines
20 Rue des Ursulines - 71000 Mâcon tél. 03 85 39 90 38 ouvert de 10 à 12 h et de 14 h à 18 h sauf lun. et dim. matin ➤ « Au génie métis » G. Minkoff, M. Olesen : jusqu’au 13/10/02 ➤ « Loisy, un seigneur de l’an mille : la guerre, la chasse, les jeux » : jusqu’au 20/12/02 ➤ « Parcours contemporain 2002 » : 07/11/02 - 05/01/03 ➤ « Collections à nu » Musées des Ursulines & Lamartine : 22/01 24/03/03
troyes pougues-les-eaux CAC - Passages Centre d’Art Contemporain
Parc Saint-Léger Avenue Conti 58320 Pougues-les-Eaux tél. 03 86 90 96 60 ouvert de 14 h à 18 h sauf lun. et mar. ➤ « En d’autres termes » Patrice Hamel : 28/09 - 15/12/02
Le 10 Neuf
19 Avenue des Alliés 25200 Montbéliard tél. 03 81 94 43 68 ouvert de 14 h à 18 h du mar. au sam. le dim. de 15 h à 18 h ➤ « Distorsion-vision » Vladimir Skoda ; « Indian rope trick » Nicola Durvasula : 14/09 - 24/11/02
vallery Frac Champagne-Ardenne
37 Avenue Bouisson Bertrand 34090 Montpellier tél. 06 75 49 19 58 ouvert de 15 h à 18 h 30 du mer. au sam. ➤ Denis Castellas : 07/11 - 14/12/02 nancy
roubaix
montpellier
9 rue Jeanne d’Arc 10000 Troyes ouvert de 14 h à 18 h, mer. 14 h à 20 h sauf dim. et jours fériés tél. 03 25 73 28 27 ➤ « Souffle – ride - temps » In Sook Lim : 19/09 - 08/11/02 ➤ « Extases », Ismaël Kachtihi Del Moral : 21/11/02 - 24/01/03
reims
1, Place Museux 51100 Reims tél. 03 26 05 78 32 ouvert de 14 h à 18 h le mar., jeu. sam. et dim., de 12 h à 18 h le mer. et ven., fermé le lun. et jours fériés ➤ « Acquisitions récentes » S. Afif, T. Bernstrup, F. Coupet, C. le Talec, L. Montaron, P. Ramette, N. Rao, G. Rubsamen : 20/09 - 03/11/02 ➤ « Récentes acquisitions » J. Bock, Honoré D’O, D. Graham, G. Ligon, M. Merz, F. Stark, A. Strba, J.-F. Texier, E. Dietman : 15/11/02 - 05/01/03 ➤ Aernout Mik : 24/01 - 23/03/03
Galerie Vasistas grenoble
Musées des Ursulines & Lamartine :
Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain numéro, une participation de 20 Euros minimum est demandée.
thiers
4 place Aristide Briand 57603 Forbach tél. 03 87 84 61 90 ouvert de 10 h à 12 h et de 13 h 30 à 19h le mar., mer. & ven. (fermeture à 18 h le mer.), de 14 h à 18 h le jeu., de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h le sam. ➤ « Poétique du réel » Œuvres photographique du Frac Lorraine de Lin Delpierre, Ralph Eugene Meatyard, Knut Wolfgang Maron : 28/08 - 12/10/02
dole Frac Franche-Comté / Musée des Beaux-Arts
plombières-les-bains
Médiathèque
Frac Limousin Galerie Barnoud
metz
Salle des fêtes
89150 Vallery ouvert les week-ends et jours fériés Org. : Centre d’art de l’Yonne de 14 h à 18 h tél. 03 25 73 28 27 ➤ Marinette Cueco : 03 - 24/11/02 publications L’Office - ENSBA de Dijon
Galerie Art Atttitude Hervé Bize
Espace Croisé
17-19 Rue Gambetta 54000 Nancy ouvert du mar. au sam. de 15 h à 18 h 30 et sur rdv tél. 03 83 30 17 31 ➤ Jean-Pierre Bertrand : 15/11/02 - 15/01/03
Grande Place - BP 40534 59059 Roubaix Cedex 1 tél : 03 20 66 46 93 ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18 h ➤ Saverio Lucariello : 28/09 - 16/11/02 ➤ prog. vidéo « Bliss and Blitz » B. Planes, P. Lièvre, P.-Y. Cruaud, V. Sauvage, F. Adler, L. Vicente, J. Josso : 29/10 - 09/11/02 ➤ Régis Perray : 12 - 16/11/02 ➤ « T'avais oublié, non ! » Joël Bartoloméo (artiste invitée Minji Cho) : 14/12/02 - 15/02/03
3, Rue Michelet 21000 Dijon tél. 03 80 30 21 27 e-mail : office@enba-dijon.fr ➤ Orlan - Le Plan du Film, CD + livret, Les films Al Dante / Coprod. Sade & l’Espace ➤ Harald Fernagu, livre d’artiste / Coprod. Le Consortium (Dijon) ➤ Lavotopic Tour 2001 - Road Book, Cat. d’expo / Coprod. Asso. Ergo (Label lavotopic) ➤ Eric Duyckaerts, Cat. mono. / Coprod. Crac de Sète, Frac Bourgogne, Galerie E. Perrotin (Paris) ➤ Nathalie David, Ed. DVD / Coprod. C.N.C. (Paris), Kulturbehörde (Hambourg), Art Entreprise (Villeurbanne), Art 3 (valence), Mamco (Genève) ➤ Passeport Toison d’Or pour l’Europe
s t s a u ve u r e n p u i s aye
(S. Berger, I. Damour, S. Moreau, I. Tursie & W. Mille), Cat. d’expo /
nantes Ipso Facto
56 Bd Saint-Aignan - 44100 Nantes tél. 02 40 69 62 35 ouvert le sam. de 14 h à 18 h et sur rdv ➤ « Photographies » E. Aureille Bouaziz, J.-P. Baert, C. Beaulieu, F. Mattei, M. Popa : 02 - 23/11/02 ➤ François Delaunay : 07 - 28/12/02 ➤ « Lecture » Fanny de Chaillé : 14/12/02 à 20 h paris
Crac - Château du Tremblay 89520 Fontenoy-en-Puisaye ouvert de 14 h à 19 h sauf lun. tél. 03 86 44 02 18 ➤ « M’an Jeanne a cent ans » : jusqu’au 30/10/02 ➤ « Grenier de noël » : 2ème semaine de décembre
Palais de Tokyo Site de création contemporaine
13 avenue du Président Wilson 75116 Paris - M° Iéna ou Alma-Marceau ouvert tous les jours de 12 h à minuit sauf lun. ➤ « The Essential Disturbance » Ed Templeto : 03/10 - 17/11/02 ➤ « Nekropolis » Tobias Bernstrup : 03/10/02 - 12/01/03 ➤ « Le jour la nuit le jour » Louise Bourgeois : 08/10/02 - 06/04/03 ➤ F Communications Le Stand : 15/10 - 10/11/02 ➤ « Playground » Maria Marshall : 22/10 - 17/11/02 ➤ « Night Shift » Tobias Rehberger : 24/10/02 - 12/01/03 ➤ « We are the world » Guillaume Paris : 27/11/02 - 05/01/03 ➤ « Lums » Rebecca Horn : 28/11 - 08/12/02 ➤ « Before and After » Franck Scurti : 04/12/02 - 09/02/03
sélestat Frac Alsace
1, Espace Gilbert Estève 67600 Sélestat tél. 03 88 58 87 55 Ouvert du mer. au sam. de 14 h à 18 h le dim. de 11 h à 18 h ➤ « Collection 4 ; Il était une fois... » Amac, Lamiel, Perramant, Stöber, Tosani... : 18/09 - 15/12/02 ➤ « éventaire - Rencontre avec 7 revues d’art contemporain gratuites » (co-org. Rhinocéros, Strasbourg) : 19/10/02 de 15 h à 19 h
Réglement par chèque bancaire ou postal à l’ordre de : INTERFACE Peter DOWNSBROUGH/HORSD’ŒUVRE N°9 AND, ET, ICI, 2001 bichromie - Tirage : 100 ex. tamponnés par l’artiste au dos Prix : 46 Euros (+ 3 Euros d’envoi) Jochen GERZ/HORSD’ŒUVRE N°8 YOUR.ART, 1991/2001 bichromie - Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix : 31 Euros (+ 3 Euros d’envoi) Ernest T./HORSD’ŒUVRE N°7 Peinture sur palette, détail, 2000 Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste + 20 E.A. Prix : 46 Euros (+ 3 Euros d’envoi) Également : Marc-Camille Chaimowicz (HO n°6), Yan Pei-Ming (HO n°5), Philippe Cazal (HO n°4)
Coprod. Conseil général de Côte d’Or ➤ Mel Bochner, Cat. mono. / Coprod. Frac Bourgogne, Donnabend Gallery (New York) ➤ Interface 1995-2001, Cat. rétrospectif. / Coprod. Interface( Dijon) à paraître : ➤ Lilian Bourgeat, Cat. d’expo. / Coprod. Centre d’art de Castres, Le Consortium (Dijon) ➤ Denis Pondruel, Cat. mono. / Coprod. Afaa, Toka ➤ Gerald Petit - out of nowhere, Cat. mono. / Coprod. Atheneum (Dijon), Caisse des Dépôts et Consignations (Paris), Elmlalfructidor
Bon de commande
Éditions
Musée d’art et d’histoire
forbach
Comité de rédaction : Laurence Cyrot, Valérie Dupont, Astrid Gagnard, Marlène Gossmann, Guillaume Mansart, Michel Rose, Marie-France Vô
INTERFACE 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL 21000 DIJON - tél/fax : 03 80 67 13 86 ➤ ORLAN / HORSD’ŒUVRE N°11
Corporis Fabrica - Générique imaginaire n°26 Catharsis - Générique imaginaire n°27, 2001-2002 600 x 420 mm Impression Offset sur Couché 250 Gr Tirage : 200 exemplaires numérotés et signés par l’artiste Prix : 100 Euros (+ 3 Euros de frais d’envoi) Éditions (Prix sur demande) également disposibles de :
Yan Pei-Ming, Marc Camille Chaimowicz, Ernest T., Jochen Gerz, Peter Downsbrough ➤ PUBLICATION
catalogue rétrospectif INTERFACE 1995-2001 coprod. L’Office / Ensba (Dijon) 17 x 21 cm, 96 p., ill. n & bl et coul. Prix : 15 Euros (+ 3 Euros de frais d’envoi)
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