n°30
Magdalena Jetelová, Domestication of a Pyramid, 1992, © Werner J. Hannappel
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HORSD’OEUVRE
le journal de l’art contemporain, nov. 2012 - mars 2013 dijon ➤ bourgogne ➤ france ➤ europe ➤ ...
MONUM
Édito
Monument, monumental, monumentalité... et puis plus rien... ? Ce numéro 30 de horsd’oeuvre est le fruit d’une heureuse collaboration entre la Galerie Interface et l’Université de Bourgogne. Sa réalisation en a été confiée à des doctorants ainsi qu’à d’anciens étudiants devenus des acteurs de la vie artistique – critiques, écrivains d’art et curateurs d’expositions. Le thème retenu, celui de la « Monumentalité » fait écho à une actualité largement consacrée, cet automne 2012, à la sculpture, et particulièrement à François Rude célébré par le musée des beaux-arts de Dijon 1 à travers une exposition rétrospective, dont le chef d’œuvre de l’artiste, Le Départ des Volontaires constitue le pivot. Prolongeant la manifestation, un colloque 2 se propose de réfléchir à l’éminente question du Monumental dans la sculpture des XIX e et XX e siècles. Dans ce riche contexte 3, le journal horsd’oeuvre apporte sa pierre à l’édifice en offrant un regard sur l’art actuel et ses relations avec le monument, une notion forcément mise à mal à une époque où les « grands récits » ont perdu leur légitimité (J-F Lyotard, 1986). Les sculptures-monuments de Rude font œuvre d’histoire. Cependant, l’événement n’y est pas figé dans une identité essentialisée. À propos de La Marseillaise Rosalind Krauss observe qu’elle n’est pas la représentation d’un moment de l’histoire, mais qu’elle donne à voir « le mouvement du temps historique et la place de l’homme en son sein » (Krauss, 1977-1997), une différence qui inclut l’acte de conscience dans l’image d’autant plus héroïsée qu’elle est animée d’un sentiment de liberté unificateur. La valeur commémorative et fédérative des monuments se heurte aujourd’hui à une inquiétude
inlassablement répétée : « Est-ce la fin de l’histoire ? ». Dans le livre devenu culte, L’arc-en-ciel de la gravité, Thomas Pynchon réinventant l’immédiat après-guerre, dépeint un monde en ruines, parcouru d’espions, de personnages improbables, de créatures baroques qui nous entraînent dans les méandres terrestres et sousterrestres d’un univers dont les causes et les effets se confondent : « L’après-guerre allait-il être une succession “d’événements” sans liens entre eux ? Est-ce la fin de l’histoire ? ». La fiction (ou science fiction) traduit les interrogations qui traversent notre temps et dont les artistes sont aussi les porteurs et les agitateurs. Confronté à l’incertitude, l’imaginaire interroge le monument et force parfois l’histoire à des réajustements : ainsi ces tipis d’Indiens installés au bas des figures des présidents taillés dans la roche du mont Rushmore pour rappeler, dans un geste aussi nécessaire que dérisoire, que la terre où se proclame l’union des Etats était et reste également la leur ; ainsi la narration approximative de l’histoire par Fischli & Weiss, qu’ils ne peuvent envisager qu’à travers la dispersion fragmentaire de la sculpture et l’utilisation d’un matériau fragile, l’argile ; ainsi la restitution nostalgique par Robert Smithson des vestiges industriels érigés en monuments éphémères dont la fonction et la grandeur se soldent dans la promesse de l’effacement du passé dans le présent. Le slogan que Clay, l’étudiant paumé de Moins que zéro entrevoit sur l’autoroute de LA « Disparaître ici » et qui semble le menacer tout au
Pedro Cabrita Reis, The Passage of the Hours, 2004, 800 x 2400 x 800 cm, Middleheim Museum, Anvers, Belgique
long de son errance désenchantée dit aussi à sa manière l’impossibilité du monument remplacé par une ultime et sublime épitaphe publicitaire. Néanmoins, ce que disent ces œuvres, c’est que si la valeur commémorative du monument ne résiste pas à la multiplicité des points de vue ni à la dérive du monde, le monument décliné dans ces interprétations contemporaines persiste à dire la vérité, mais dans ses différences plutôt que dans son unité. « Faire l’expérience du monument » ainsi que nous y invite le projet d’Elfi Turpin et de Kristina Solomoukha implique de prendre en compte des modalités propres au genre et dont la principale est celle de l’échelle. Réduire ou agrandir les dimensions de la sculpture fait toujours sens, soit par rapport à l’art lui-même, soit par rapport à une certaine réalité du monde. Dans l’expérience de la monumentalité, la relation de l’œuvre avec l’espace qui la contient est souvent ambiguë. Le gigantisme assez récent des espaces d’expositions commande la taille des œuvres autant qu’il génère une concurrence suspecte aussi bien entre les structures qu’entre les artistes. D’un autre côté, se confronter à la grandeur des lieux signifiait pour Joana Vasconcelos à Versailles être en adéquation au cadre, adapter sa mesure à la hiérarchie de l’histoire, des ors et des genres, sans parvenir toutefois à éviter l’absorption par la toute-puissance du décor. La difficulté consiste à défier l’idéologie de pouvoir qui sous-tend la monumentalité. Aussi, certains préféreront jouer avec (de) ses règles, tel Chris Burden, imaginant une sorte de mécano à grande échelle pour créer un chaos de poutres fichées en terre dont l’anarchie apporte un démenti aux lois et prétentions de l’architecture. Telle encore l’artiste numérique Claire Sistach dont les cyber-explorations redéfinissent une monumentalité virtuelle et fragile, menacée par la dissolution dans la reproduction sans fin du cyberespace. Valérie DUPONT 1. Précisément, l’exposition du musée des beaux-arts de Dijon est consacrée au couple d’artistes François et Sophie Rude. En plus de l’attrait que représente le rassemblement inédit des productions du sculpteur, la découverte des œuvres de Sophie Rude, peintre méconnue, accroît de beaucoup l’intérêt de l’événement. François et Sophie Rude. Un couple d’artistes au XIX e siècle, citoyens de la Liberté, musée des beaux-arts de Dijon, du 12 octobre 2012 au 28 janvier 2013. 2. Le Monumental. Une valeur de la sculpture, du romantisme au postmodernisme, colloque international organisé par le musée des beauxarts de Dijon et l’Université de Bourgogne, les 6 et 7 décembre 2012. 3. Un autre manifestation de sculpture monument(ale) est actuellement visible à Dijon : dans le cadre des Nouveaux Commanditaires, Le Consortium présente l’œuvre de Didier Vermeiren, Étude pour le Monument à Philippe Pot, Église SaintPhilibert du 28 septembre au 28 octobre 2012.
La sculpture monumentale de François Rude : 1 « une œuvre de tous les temps » Un monument appelle à la mémoire. Il suffit d’ouvrir le Gaffiot : « Monumentum : tout ce qui rappelle quelque chose ou quelqu’un, qui perpétue le souvenir ». La sculpture monumentale, de tout temps, inscrit les destinées et les actions des hommes dans le passé, le présent et l’avenir. Elle offre à ses sujets l’immortalité. Les œuvres de François Rude font partie du paysage français et dijonnais depuis bientôt deux cents ans. Né à Dijon en 1784, Rude fréquenta l’école de dessin de François Devosge avant de rejoindre l’École des Beaux-Arts et l’atelier de Cartellier à Paris en 1807. Son talent fut vite récompensé par le Grand Prix de Rome, obtenu en 1812. Ce furent pourtant les événements politiques qui décidèrent de l’orientation de sa carrière : enfant de la Révolution et de la République, bonapartiste dans l’âme, la chute de l’Empire et le retour des Bourbons le poussèrent à l’exil. Il trouva refuge à Bruxelles auprès de son protecteur dijonnais Louis Frémiet, dont il épousa la fille, Sophie, elle-même peintre et élève de JacquesLouis David. Après la mort de Napoléon Ier et une douzaine d’années d’un exil qui n’avait plus de sens, le couple Rude regagna Paris en 1828. Un changement de résidence qui alla de pair avec un changement artistique : de formation classique, Rude brisa finalement les règles académiques pour s’engager vers le naturalisme et devenir bientôt l’un des chefs de file de la sculpture que l’on appellera « romantique ». François Rude tient précisément sa renommée de ses sculptures monumentales et notamment de son impressionnant Départ des Volontaires en 1792 (v.1833-1836), un relief réalisé pour l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris et dont un moulage est entreposé à Dijon, au musée Rude. Une œuvre puissante, tumultueuse, l’image d’un peuple qui s’ébranle pour la défense de son pays : les hommes, unis, s’élancent vers la frontière à défendre, marchant au rythme de la Marseillaise. Ils sont menés par la Patrie, représentée sous les traits d’une Victoire ailée
qui s’élève au-dessus d’eux, casquée, brandissant son épée, le visage déformé par des yeux exorbités et l’expression d’un cri qui entraîne les troupes. L’artiste exprima ici le patriotisme d’un peuple rassemblé au-delà des rivalités et des opinions politiques de chacun ; un peuple de tout temps, pour une œuvre intemporelle. Rude ne renonça pas à ses propres opinions politiques, ni à son admiration pour Napoléon. Il se devait de réaliser un monument en hommage à son héros et c’est à Fixin, près de Dijon, qu’il éleva son Napoléon s’éveillant à l’immortalité (1847). Loin de l’iconographie figée d’un gisant, Rude créa une sculpture monumentale et héroïque où Napoléon, sur un rocher de l’île de Sainte-Hélène, se redresse, retire le linceul couvrant son visage et semble sur le point de s’élever. Ce qu’Apollinaire appelait « la vie avec le mouvement » dans l’œuvre de Rude, trouve ici toute sa signification. Mais le réalisme du visage cadavérique suggère qu’il ne s’agit pas d’une renaissance mais bien d’une représentation de la mort et de l’accession à l’immortalité, à l’éternité de Napoléon I er. Rude poursuivit son travail de commémoration de l’Empire et mit son talent au service de quelques héros bonapartistes, tels que Gaspard Monge (v.1846-48, Beaune), Godefroy de Cavaignac (1847, Paris, cimetière Montmartre), le Maréchal Ney (1853, Paris, place de l’Observatoire) ou le général Bertrand (1854, Châteauroux). À travers ses sculptures, Rude glorifia les destins de ces hommes et les inscrivit dans l’Histoire. Au-delà du témoignage historique, la sculpture de François Rude comme monument ancre le souvenir de destinées et d’actions héroïques dans notre conscience et dans celle des générations futures. Statues figées dans l’espace national, elles continuent de vivre aujourd’hui et participent activement à la définition et à la préservation de notre identité culturelle. Armelle WEIRICH 1. Henri DROUOT, Une carrière : François Rude, Dijon, Bernigaud & Privat, 1958, p. 81.
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Du grand art ? Peut-on arguer des dimensions impressionnantes des espaces muséaux nouvellement construits, réhabilités ou de certaines manifestations qu’elles induisent une création monumentale ? Est-ce penser à tort que préexiste à leur conception la volonté d’influencer l’œuvre elle-même ? Si la tentation du gigantisme dans l’art n’est pas un phénomène nouveau, l’accélération de cette tendance aujourd’hui est quelque peu ambiguë. La commande a fait l’objet de la part des artistes d’investissements de lieux monumentaux. Les fresques de la Chapelle Sixtine (1508-1541), deviennent à leur tour des monuments que l’on visite. Les plafonds ouvragés recouverts de toiles participent du monument Versailles. Mais ces lieux ne sont pas ceux de l’art actuel. L’enceinte muséale s’est « neutralisée », pour un temps, à l’instar de la galerie. Puis à la fin du 20 e siècle s’amorce le désir institutionnel de réinvestissement du patrimoine industriel. Se créent alors ce que certains diront être des monuments plutôt que des instruments dédiés à l’art. En 1986 ouvre le CNAC-Magasin à Grenoble avec sa « rue » de 900 m 2 pour laquelle Gino De Dominicis conçoit son Calamita Cosmica (1988), gigantesque squelette de 24 m de long et 10 m de hauteur. Le géant de polystyrène y a toute sa place. Il n’en n’est pas de même avec l’entrepôt Lainé investi par le CAPC de Bordeaux au début des années 90. La grande nef s’étalant sur 1 000 m 2 y sera régulièrement mise en scène au détriment des œuvres elles-mêmes : que retient-on de l’exposition de Jean-Pierre Raynaud en 1993, les 1 000 containers chirurgicaux contenant les débris de sa maison ou bien leur alignement parfait sous les voûtes ? Ces mêmes voûtes sont célébrées par Daniel Buren deux ans plus tôt avec des miroirs inclinés dans la totalité de l’espace (Dominant-Dominé, coin pour un espace, 1465,5 m 2 à 11°28’42’’, 1991). Bien que Buren joue à précipiter le bâti dans « l’abîme d’un monumental miroir » 1, il n’en reste pas moins que sur les vues d’exposition de ces années-là, c’est le lieu que l’on regarde. En 2000, le Turbine Hall de la Tate Modern de Londres franchit une nouvelle étape en « offrant » un espace de 3 400 m 2 (150 m de long, sur 40 m de haut !). Des œuvres sont produites exclusivement pour ce lieu depuis lors à grand renfort de sponsoring 2. On en retient surtout des chiffres : les 100 millions ou 150 tonnes de graines de tournesol en porcelaine d’Ai Weiwei (Sunflowers seeds, 2010-2011) ou encore les 4 000 m 2 de toile de Marsyas (2002) portés par une structure de 110 m de long et 35 m de haut. Malgré leur monumentalité, ce ne sont pas les œuvres qui créent l’attraction mais bien le lieu, devenu mythique en un peu plus de dix ans d’existence seulement. La démesure y est pensée pour induire un certain type de comportement de la part du public : « À la Tate
MONUMENTA 2011- Anish Kapoor - Leviathan : vue intérieure de l’œuvre © Monumenta 2011, ministère de la Culture et de la Communication - Courtesy the artist and kamel mennour, Paris - Photo : Didier Plowy
Modern, la transformation du bâtiment en musée équivaut à une sorte de translation homothétique, de l’usine en machinerie culturelle, faisant de la visite un phénomène collectif, où les individus, tels les rouages d’une mécanique géante, viennent se rassembler ici pour participer, de manière quasi rituelle, au grand tout de l’événement médiatique qu’est cette entreprise culturelle vivante et englobante » 3. L’artiste invité dans le Turbine Hall ne peut que s’y mesurer. Son travail ne consiste plus à « seulement » produire une œuvre mais à se confronter littéralement au lieu. Surenchère : Monumenta depuis 2007, nouvel étalon du monumental « 21 e siècle », se déroule dans les 13 500 m 2 de la nef du Grand Palais (200 m de long, 45 m de haut et 50 m de large). Déclinaison de monumentum (monument en latin on l’aura bien compris), la manifestation aurait pu se nommer giganteus ou enormis, mais ici, on n’est pas convié à la simple délectation d’œuvres aux dimensions hors normes mais à un rendez-vous avec l’Histoire. Cette propension à asseoir l’œuvre dans une monumentalité immédiate a quelque chose de trivial… et de vain. Appeler ainsi à une certaine forme d’éternité, – le monument est considéré comme digne de durer – ne la garantit en rien. Tous les ans une nouvelle œuvre gigantesque : cette année Buren, en 2011 Kapoor, avant eux, Boltanski, Serra, Kiefer. Les œuvres ont de commun qu’elles doivent jouer avec le lieu sur le mode du spectaculaire. Variation sur le même thème ou juste répétition ? Si la répétition, en installant un schéma immuable, rassure l’habitué qui peut ainsi saisir des procédés d’appropriation ou d’appréhension d’un lieu, l’œuvre n’est plus là pour elle-même mais travaille ses dissemblances avec ses prédécesseurs. La manifestation bien installée ne fait que ressasser.
Aussi investis soient-ils, les protagonistes répondent à l’appel du lieu qui s’expose plutôt qu’il n’expose leur œuvre. Si, pour Monumenta, le Grand Palais induit bien cette forme d’art monumental, l’œuvre, en voulant se mesurer à lui, se mue en un faire-valoir du lieu. Toute « démesurée » qu’elle est, elle est toujours à la mesure du lieu qui la contient. Elle ne le dépasse pas. Les dimensions du colossal Léviathan (2011) de Kapoor (12 000 m 2 de toile qui définissent un volume de 35 x 72 x 33 m, soit 72 000 m 3) sont dictées par le lieu qui accueille 4. Alors, si le monumental renvoie au grand, à ce qui dépasse le champ de vision ; si c’est ce à côté de quoi on est petit et qui nous absorbe, face au Grand Palais, Léviathan peut-il prétendre au registre du monumental ? De ces confrontations emphatiques, les lieux et institutions qui les portent, sortent plus forts encore, comme grandis. Par l’action mouvante et éphémère des artistes, les lieux consacrés réifient toujours plus leur enveloppe. La tentation est grande de les assimiler alors à des collectionneurs qui commueraient leurs œuvres en trophées solubles dans l’espace et le temps. Bertrand CHARLES 1. Philippe Piguet , « Daniel Buren, l’homme du Monumenta », in L’œil, n°646, Mai 2012 2. Unilever series, sponsorisées par la firme du même nom. 3. Monique Renault, « Consommation ou consomption de la culture ? La Tate Modern de Londres », in Recherches en communication, n°18, 2002, Centre de Recherche en Communication (RECOM), UCL, Louvain, Belgique. 4. En 2011, le communiqué de presse du Ministère de la culture citait Anish Kapoor en ces termes : « Mon ambition est de créer un espace dans l’espace qui réponde à la hauteur et la lumière de la Nef du Grand Palais ».
Napoléon s’éveillant À l’immortalité Est un monument ... Alité ! Michel ROSE 27/09/2012
François Rude, Napoléon s’éveillant à l’immortalité Moulage en plâtre, patine bronze, 219 x 202 cm, Dijon, Musée Rude © Musée des beaux-arts de Dijon / François Jay
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MOT NU 1 MENT
Concours de monuments, 18 juin 2009, Le Dojo, Nice
Ainsi répondait Sammy Engramer au Concours de monuments que nous organisions avec Kristina Solomoukha au printemps 2009 au Dojo à Nice 2 où nous tentions une première approche expérimentale du monument avec les outils de l’exposition. Il s’agissait en effet d’en étudier le fonctionnement, les tenants et les aboutissants, et pour résumer, la politique, en en faisant l’expérience et en l’observant à une échelle réduite, celle de la main, pour en tirer peut-être une vérité. Si le programme était ambitieux, nous faisions l’économie du geste monumental, en utilisant l’espace-temps relativement modeste de l’exposition dans le cadre duquel nous proposions de rejouer et tester collectivement, avec artistes, architectes et étudiants, les conditions d’apparition du monument, ses rapports à la mémoire, à la transmission, au document ou encore à l’événement sans que tout cela ne soit préalablement énoncé. PROTOCOLE Alors comment faire l’expérience du monument ? En fabriquant ses circonstances et en organisant deux Concours de monuments, l’un en 2009 au Dojo à Nice et l’autre 3 en 2010 à la galerie de l’École d’architecture Paris-Malaquais, où nous proposions à une quarantaine d’artistes d’imaginer un projet de « Monument au choix » dans le cadre d’une procédure dont l’écriture, parfois fantaisiste, s’appuyait strictement sur les documents administratifs publics accompagnant une telle entreprise ; en constituant un jury de professionnels, quoique se prêtant au jeu, mettant en jeu les enjeux traditionnels du genre (tension de pouvoir et politique du choix) ; en interprétant et en réalisant avec des étudiants les projets des artistes à échelle réduite lors de workshops respectivement à la Villa Arson et à Paris-Malaquais ; en présentant les réalisations dans une exposition accompagnée d’un booklet photocopié réunissant l’ensemble des propositions des artistes et tous les documents attenant aux projets ; et enfin en laissant le soin à Benjamin Seror de « performer » la cérémonie d’inauguration où nous l’invitions à chanter la procédure, son déroulement et ses détails. Résultats Les deux éditions successives et leurs expositions relatives prirent des formes sensiblement différentes. La première occupait l’espace du sous-sol du Dojo dont les propriétés physiques (plafond bas, colonne, éclairage néon) nous orientèrent assez naturellement vers l’idée de
mausolée. Moquette noire d’origine, murs peints en rouge, filtres rouges sur les néons, catwalk central rouge sur lequel étaient présentés les monuments : l’espace dans lequel le public était invité à descendre était dores et déjà « incluant ». La seconde exposition, quant à elle, se tenait dans un espace parisien largement ouvert sur la rue qui nous incita à produire une forme de présentation plus sculpturale, si ce n’est frontale : une demi-ziggourat noire sur fond de rideaux de velours violet qui, a posteriori, tiendrait du monument funéraire. Les objets exposés quant à eux révélaient un statut trouble en déplaçant constamment un curseur invisible entre projet (des artistes) et réalisation (des étudiants) ; entre traduction et interprétation ; entre pièce et document ; entre document et monument. Aussi les objets présentés, au delà des enjeux particuliers des propositions originales faites par les artistes sous forme d’esquisse (dessin, texte, protocole, image), se transformaient-ils et perdaient-ils en partie de leur autonomie en investissant les différentes stratégies publiques du projet : la publication, l’exposition, l’inauguration. L’une n’allant pas sans l’autre. Certains monuments utilisaient l’espace du document (proposition se matérialisant par son archivage dans la publication), certains, l’espace de l’exposition (monuments traduits et réalisés en maquette), certains, l’espace de la parole : monuments activés et interprétés par Benjamin Seror lors de la cérémonie d’inauguration, ce dernier se livrant donc à la réalisation en direct de quelques projets par l’exécution de différents gestes (chants et manipulations diverses, etc.). Tandis que tous occupaient l’espace de l’événement. En effet, Benjamin Seror en élaborant en public le discours d’inauguration, avec son décorum de rigueur (présentation, remerciements, applaudissements), raconta à grands renforts de digressions (chansons, métaphores) chaque proposition sous l’œil témoin du spectateur. Et c’est précisément à ce moment-là que nous saisissions une caractéristique contemporaine du monument : nous faisions collectivement coïncider monument et événement. Car si dans son acception courante le monument commémore la mémoire, autrement dit le souvenir, d’un événement passé en produisant une adhésion du groupe à ce souvenir, l’événement lui-même se chargeait sous nos yeux de sa propre transmission. L’événement devenait monument en troquant alors l’idée de pérennité – faire durer la mémoire au-delà de l’événement à travers l’érection d’un objet fixe – pour celle d’actualité – faire durer la mémoire à travers sa répétition, son actualisation et sa transformation jusqu’à la disparition même de l’objet. Elfi TURPIN 1. Sammy Engramer, Monument lacanien, Peinture sur toile carrée, dimensions variables, fond noir, lettres blanches 2. Concours de Monuments, 2009, Le Dojo, Nice Commissariat Elfi Turpin et Kristina Solomoukha, en collaboration avec Benjamin Seror. Avec la participation de Saâdane Afif, Louidgi Beltrame, Pascal Bircher, Lilian Bourgeat, Pascal Broccolichi, Michel de Broin, Fayçal Baghriche & Matthieu Clainchard & Vincent Ganivet, les frères Chapuisat, Angela Detanico et Rafael Lain, Marcel Dinahet, Sammy Engramer, Patrice Gaillard et Claude, Jérémie Gindre, Mathieu Herbelin, Marie-Julie Jacquet, Jacques Julien, Jan Kopp, Vincent Labaume, Seulgi Lee, Bertrand Lamarche, Nadia Lichtig, Stéphane Magnin, Nicolas Memain, Olivier Nottelet, Amilcar Packer, Daniel Perrier, Guillaume Pinard, Santiago Reyes et David Zagari, Julia Rometti & Victor Costales, Bernhard Rüdiger, Eric Stephany, Eric Tabuchi, Taktyk, Ttrioreau, Benjamin Ferrachat et Nicolas Henri Muller. 3. Concours de Monuments II, La tournée mondiale, 2010, Espace Callot, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais, Paris. Commissariat Elfi Turpin et Kristina Solomoukha, en collaboration avec Benjamin Seror. Avec la participation de Aicha Hamu, Alain Declercq, Alexia Turlin, Arnaud Maguet, Boris Vapné, Bruno Peinado, Colin Matthes, Colombe Marcasiano, Daniela Brahm, Elena Narbutaite, Frédéric Sanchez, Grégory Cuquel, Isabelle Moulin, Isabelle Prim, Jérôme Poret, John Riepenhoff, Julien Loustau, Laurent Tixador, Michael Pinsky, Neal Beggs, Nicolas Moulin, Nina Safainia, Paul Druecke, Philippe Durand, Sarah Tritz, Sébastien Leseigneur, Simon Boudvin, Stefan Rusu, Sylvie Boisseau, Thomas Léon, Trey Burns et les étudiants de l’intensif.
Cyber-monumentalité « D’une manière ou d’une autre, il s’agit de l’espace ultime de l’imagination, de l’ultime espace hallucinogène. » 1 Vito ACCONCI, à propos d’Internet S’intéresser à la monumentalité en art, ainsi que, par extension, à ce que pourrait être sa formulation sur Internet, nécessite d’interroger la nature même de cette notion, et de déterminer les conditions de sa mise en œuvre et de son observation. En premier lieu, il ne semble pas totalement fortuit d’énoncer quelques généralités. Si la notion de monumentalité est une forme « dérivée » du monument, auquel elle emprunte son caractère mémoriel – sa propension à signifier, dans une immobilité qui semble éternelle, le passage du temps – elle se singularise par une forme de démesure, un impressionnant rapport d’échelle qui contribue à tenir l’observateur en respect. Cette intense présence empirique a d’ailleurs supplanté la dimension commémorative qui façonne les monuments classiques, lesquels s’adressent à la communauté en affirmant, au cœur de l’espace public, un lien symbolique fort entre une histoire et l’assemblée qui s’y trouve confrontée. Autrement dit, c’est la combinaison entre une donnée temporelle figurée en un objet, et son exposition au regard de l’assistance, qui établit les circonstances premières nécessaires à « faire » monument. En
incarnant une forme de continuité historique dans l’espace social, se forge une mémoire collective dont les témoins deviennent à la fois garants et relais. Là où cette combinaison s’observe, des constructions commémoratives peuvent s’établir. Comme espace social, Internet n’échappe pas à cette règle. Au contraire : le réseau, en raison des multiples possibilités qu’il offre (possibilités qui libèrent de certaines contraintes techniques et favorisent la visibilité des projets), devient peu à peu le socle de nouvelles propositions monumentales. Évidemment, la démarche qui consiste à faire d’Internet le lieu d’une transposition littérale, mimétique de projets monumentaux existants reste globalement insatisfaisante, du fait qu’elle n’exprime qu’un simple déplacement, un changement de médium, d’interface de construction. Ce qui constitue l’intérêt conceptuel principal de cette cyber-monumentalité en question est plutôt à chercher dans le fait que cette dernière atteste d’une adaptation spécifique à un terrain modelé dans la matière virtuelle, et que les hommages qui s’y développent sont intimement liés au cadre d’utilisation que représente, comme outil, Internet. Claire Sistach (née à Aix-en-Provence en 1982), artiste numérique se définissant elle-même comme une cyber-exploratrice, investit depuis plusieurs années le champ des « univers simulés » 2 pour se livrer à des actions immersives. Ces dernières, que l’artiste entreprend de manière extrêmement stricte, coupant
quasiment tous moyens de communication avec le monde extérieur, sont une activation performative des programmes où elle se plonge. Débutées au sein du simulateur de réalité virtuelle Second Life, puis prolongées dans le jeu en réseau World of Warcraft, ces immersions l’ont récemment conduite à arpenter les vastes paysages de pixels de Minecraft. Apparu en 2009, ce jeu de type sandbox (littéralement, bac à sable, car le joueur fixe lui même ses objectifs) peut-être décrit comme un jeu de construction extrêmement sophistiqué, où peuvent se rencontrer, grâce aux connexions en réseau, les nombreux bâtisseurs. D’aspect rudimentaire (l’univers du jeu n’est qu’un amas de blocs que le joueur récolte, stocke et assemble… une sorte de Lego virtuel en somme), le programme étonne par la multitude de combinaisons qu’il offre aux utilisateurs, et par l’immense étendue de son univers. Lors de sa cyber-exploration de Minecraft, Claire Sistach s’est donc attelée à construire différents monuments, célébrant les étapes symboliques de la progression de son avatar dans le jeu. Par exemple, le site où a lieu le spawn (le spawn désigne l’endroit précis où un personnage apparaît lorsqu’il débute une partie – c’est aussi là qu’il ressuscite à chaque fois qu’il meurt) fut prétexte à une construction vertigineuse : un dôme perché sur une haute tour, accueillant un jardin de petites fleurs jaunes et rouges, cerné de torches enflammées. Réalisation monumentale dédiée à son propre
passage dans cet espace virtuel, le dôme est également un message adressé à la communauté, il représente les cycles de vie et de mort de l’avatar incarné par l’artiste. Désormais visibles dans des vidéos à l’ambiance crépusculaire, où l’univers du jeu se charge d’une certaine tension apocalyptique, les projets de Claire Sistach restent comme les vestiges d’une activité engloutissante et fastidieuse, le produit d’une errance cybernétique étrangement représentative de bouleversements identitaires actuels. Car au-delà des réalisations même – dont la variété atteste autant de l’imagination de ceux qui les produisent que des différents programmes permettant de les mettre en œuvre – il est intéressant de voir comme ces propositions font écho à une navigation générant une profonde ambiguïté, une dissolution grandissante des identités dans l’avatar cybernétique qu’elles se sont créées. Si ce thème évoque un scénario de science-fiction, il trouve une actualité réelle dans le terrain de jeu in progress que représente Internet. Et les problématiques liées au monumental deviennent le signe d’un redéploiement de l’espace social, une trace laissée par une génération qui célèbre ses avatars comme les explorateurs d’un nouvel espace à conquérir. Franck BALLAND 1. In Entretien avec Vito Acconci, éditions Lindau, Centre Culturel Français de Turin, 1999. 2. Voir le blog de Claire Sistach : claire-sistach.blogstop.fr
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Boris Chouvellon, Last splash, 2012 Béton armé, métal, 30 x 1 x 7 m
Champ de ruines En 1967, Robert Smithson publie dans la revue Artforum « The Monuments of Passaic », une série de six photographies noir et blanc réalisées à l’Instamatic 400 et qui accompagnent le récit de son voyage à travers le paysage désolé et post-industriel de Passaic New Jersey, sa ville natale. Les « monuments » qu’il repère et décrit alors ont l’élégance manquée des choses sans qualité, ils ont la majesté d’un bac à sable, d’un parking huileux, d’un pipeline, ou d’un pont communal... ce qu’ils sont en réalité. Le paysage que l’artiste traverse s’offre à lui comme un territoire érodé par le chaos, il y voit une zone définitivement assaillie par des forces entropiques 1. « Le paysage n’était pas un paysage, écrit Smithson, mais un genre particulier d’héliotypie (Nabokov), une sorte de monde de carte postale d’immortalité ratée et de grandeur oppressante en voie d’autodestruction. » Dans le désert de cette ville, les bâtiments de l’ère industrielle prennent pour l’artiste valeur de monuments chaotiques ayant substitué l’oubli du futur à l’évocation du passé. Ruines en construction ou achevées, les éléments qu’il décrit et photographie ne semblent commémorer que leur mort à venir. À l’intérieur ce temps retourné où l’entropie remplace l’évolution, le monument est alors compris comme son contraire absolu, c’est-à-dire comme une ruine. Dans un texte de 1980, « The Allegorical Impulse, Toward a Theory of Postmodernism », le critique d’art Craig Owens tentait de définir à travers le prisme de l’allégorie les fondements du post-modernisme, il revenait alors, lui aussi, sur la question de la ruine et la décrivait comme le témoin d’un effacement : « L’allégorie, de manière logique, est attirée par le fragmentaire, l’imparfait, l’incomplet – une affinité qui trouve son expression la plus aboutie dans les ruines. » écrivait-il. « Les œuvres de l’homme s’y trouvent résorbées dans le paysage, et les ruines représentent l’Histoire comme un processus irréversible de dissolution et de déchéance, un éloignement progressif de l’origine 2. » Mais à cette ruine allégorique, parcellaire et usée d’histoire, traversant le temps jusqu’au présent, Smithson oppose une « ruine nouvelle » qui travaille à rebours du temps (vers le futur) et s’oppose au paysage, l’absorbe, le nie. Bien que fortement déterminée par son époque, l’analyse de Robert Smithson sur la construction au présent du « devenir incertain du futur 3 », paraît prophétique et reste valide quelques 45 années plus tard. Sans passé (sans mémoire) et privée d’avenir, la société contemporaine se plonge à corps perdu dans le présent. Si on célébrait hier la production industrielle à travers ses constructions, ses machines et ses installations, on sanctifie aujourd’hui la puissance financière et l’économie de marché en hissant sur des parvis impeccables d’imposantes cathédrales de verre et d’acier. On fête la marchandise dans des hangars arrangés de zones
commerciales et des malls climatisés. On construit le culte de la société des loisirs dans des parcs à thèmes à l’architecture de façade. Poussé par une dynamique incontrôlable, le champ de ruines se développe à vitesse grand V en inventant ses monuments propres. Ils débordent et dessinent les contours d’un monde flottant dans lequel l’immédiateté (de la consommation, de l’action...) a peu à peu remplacé toute forme de culture et d’histoire. On pourrait sans doute aborder la sculpture Last splash (2012) de Boris Chouvellon, sous l’angle de son contexte de réalisation (une île à Amiens et son réseau de canaux d’hortillonnage...) mais cette œuvre qui s’élève avec autorité comme s’érige un monument, semble dialoguer à travers le temps avec celles de Smithson. Dessinant dans le ciel les courbes d’une glissade sans fin, sa structure reprend (à l’échelle un) celle des toboggans de parcs aquatiques. Un virage après l’autre, l’œuvre figure la chute. Mais le lisse et glissant s’est mué en rugueux et la surface a concédé au squelette. Il ne reste de l’attraction qu’une présence mystérieuse, une nuée rouillée de lignes accrocheuses et des plaques de béton en sursis. Last splash emprunte la grandiloquence tapageuse du vocabulaire de l’entertainment pour évoquer de futures formes archéologiques. L’œuvre semble édifier le tombeau du divertissement et plus largement de la société du loisir. En regard de celle de l’artiste américain, l’œuvre de Boris Chouvellon pourrait être lue comme le symbole du glissement qui s’est opéré du monde de l’industrie à la société du spectacle (au sens large). Ruine renversée, elle dit la mutation d’une société qui, faute de mieux, trouve son achèvement dans la construction des sémaphores du divertissement et dans la consommation frénétique du temps présent. Guillaume MANSART 1. Dans son texte, Smithson illustre le principe d’entropie en ces termes : « Imagez un bac à sable divisé en deux, avec du sable noir d’un côté et du sable blanc de l’autre. Prenons un enfant et faisons-le courir dans le bac des centaines de fois dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à ce que le sable se mélange et commence à devenir gris ; puis faisons le courir en sens inverse ; le résultat ne sera pas la restauration de la division originale mais un gris plus prononcé et une augmentation de l’entropie. » Robert Smithson,”The Monuments of Passaic”, publié dans Artforum, vol. VI, n°4, décembre 1967 Traduit par Caroline Anderes et Vincent Barras, dans Art et science-fiction: La Ballard Connection, Valérie Mavridorakis (éd.), Mamco, Genève, 2011 2. Craig Owens, « The Allegorical Impulse, Toward a Theory of Postmodernism », in October, n°13, été 1980 3. Ce point de vue le rapproche d’ailleurs de certains auteurs de science-fiction, voir Art et science-fiction, La Ballard Connection, Valérie Mavridorakis (éd.) Mamco, Genève, 2011.
Peter Fischli & David Weiss, Galilée présentant à deux moines la Terre comme sphère (Galileo Galilei präsentiert zwei Mönchen die Erde als Kugel), 1981. Sculpture appartenant à la série Soudain cette vue d’ensemble (Plötzlich diese Übersicht). Série d’environ 300 sculptures en argile non cuite. La plus petite fait 6 x 7 x 5 cm, et la plus grande 82 x 53 x 5 cm © Photo : Iwan Schumacher, Zurich.
À la mémoire collective Considérons d’une part la sculpture d’un monument aux morts : « Le soldat rend ses sœurs Alsace et Lorraine à leur mère : France » 1 ; et d’autre part, la sculpture d’artistes plasticiens contemporains : « Galilée présentant à deux moines la Terre comme sphère » 2. La mémoire d’un victorieux fait guerrier et d’une grande découverte scientifique est ainsi évoquée par deux narrations symboliques. La première sculpture construit et impose publiquement une version de l’histoire à renfort de personnages allégoriques monumentaux, pour réaffirmer les frontières affaiblies d’une nation au sortir de la guerre. La deuxième sculpture présente deux vérités contradictoires en mettant en scène un savant dont la découverte s’oppose aux dogmes religieux, sans qu’il ne s’agisse d’affirmer l’une des deux positions comme la vérité : est sculptée ici la connaissance historique communément répandue mais erronée considérant Galilée comme le découvreur, au début du XVII e siècle, de la rotondité de la Terre (pourtant attestée depuis l’Antiquité) 3. La première sculpture a pour vocation la construction de l’Histoire, la seconde la manifestation de l’imaginaire historique qui en découle. Dans cet écart se situe une évolution du concept de monumentalité, comprise comme l’édification d’une mémoire collective.
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Cette sculpture de Galilée, créée par le duo d’artistes Fischli & Weiss, fait partie d’une série d’environ 300 modelages, nommée Soudain cette vue d’ensemble. Elle représente « l’histoire et le présent de la Terre et de l’humanité » mais à partir « des choses qu’on a dans sa tête », tel que la décrivent les artistes 4. Un grand événement historique est donc retranscrit à la manière approximative d’un souvenir, et mêlé à plusieurs centaines d’autres, en une déhiérarchisation confuse : il côtoie croyances religieuses, contes de fée, événements imaginés anodins (L’inventeur du chewing-gum en train de l’essayer lui-même dans Jacksonville), anachronismes (Deux romains trinquant à l’année zéro), éléments du quotidien (Pain), célébrités banalisées (M. et Mme Einstein peu de temps après la conception de leur fils, le génie Albert), situations rendues comiques (Mick Jagger et Brian Jones rentrant chez eux satisfaits après avoir enregistré I Can’t Get No Satisfaction) 5 ... Cette transformation de la notion d’histoire, en sa véracité, sa neutralité et son organisation sélective, s’accompagne d’une modification de la matérialisation plastique consacrée. Traditionnellement, pour l’édification d’un souvenir collectif majeur, sont employées dans la sculpture des formes massives et pérennes, d’où l’extension de la signification du terme monumental, de son sens originel à son usage courant, c’est-à-dire du concept de mémoire à la caractéristique plastique de la grandeur. Fischli & Weiss utilisent au contraire des modelages argileux et fragiles qui se mesurent en centimètres. Dans cette série de 300 sculptures, la monumentalité plastique tient davantage à la quantité qu’à la taille, ce qui produit l’effet inverse de la traditionnelle mise en exergue d’un fait : ici, tout élément se noie parmi les autres. La monumentalité, soit la mémoire collective érigée en monument, est ainsi réévaluée dans son concept et donc dans sa forme : l’histoire commune devient l’imaginaire collectif, et le monument en prend les formes appropriées de désordre, fugacité, fantaisie. L’œuvre de Fischli & Weiss peut ainsi être, à l’instar d’une contre-proposition, un contre-monument, à la mémoire de la mémoire collective. Claire SIMON 1. Une des six scènes du Monument aux Morts dédié à la Première Guerre mondiale, situé aux Allées du Parc, Dijon, 1925. Sculpteur : Henri Bouchard. 2. Titre original en allemand : Galileo Galilei präsentiert zwei Mönchen die Erde als Kugel, Peter Fischli & David Weiss, 1981. 3. Galilée n’a pas revendiqué la rotondité de la terre, mais a défendu le système héliocentrique de Copernic. (La première preuve de la connaissance de la rotondité de la terre est un écrit d’Eratosthène qui en a calculé la circonférence en 190 av. JC. On suppose que la découverte a été faite par Pythagore, soit au V e siècle av. J-C.) 4. Voir : P. Frey, « Plötzlich diese Übersicht », Kunstforum 60 (Ruppichteroth) avril 1983, p. 122, puis C. Bishop, M. Godfrey, « Between spectacular and ordinary », in Flash art, n°251 (New York), nov-déc. 2006. 5. Version originale des titres : Brot ; Der Erfinder des Kaugummi bei einem Selbstversuch in Jacksonville Mick Jagger und Brian Jones befriedigt auf dem Heimweg, nachdem sie I can’t get no satisfaction komponiert haben. ndlr. Satisfaction a toujours été attribué au duo Mick Jagger/Keith Richards.
Mount Rushmore / Crazy Horse Memorial : hommages et controverses Le Mont Rushmore, situé dans les Black Hills du Dakota du Sud est une œuvre haute de 18 m, qui impliqua plus de 400 travailleurs entre 1927 et 1941. D’après le site gouvernemental 1 qui lui est consacré, le but de ce monument est de communiquer sur la fondation, l’expansion, la préservation et l’unification des États-Unis par le biais des statues colossales de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt ; il s’agit d’une œuvre exaltant la grande nation américaine. L’histoire du Mount Rushmore débute avec l’initiative de Doane Robinson. Cherchant à attirer les touristes dans le Dakota, l’historien contacte le sculpteur Gutzon Borglum et lui fait part de son idée : représenter les héros de l’Ouest américain, les grands chefs indiens et les explorateurs de l’Ouest au sein d’un même ensemble sculpté. Mais Borglum imposa un ton résolument patriotique en proposant de sculpter les bustes de quatre présidents, considérés comme les pères fondateurs de la nation (faute d’argent, et en raison de la mort de Gorblum en 1941, seules les têtes furent réalisées), en occultant les Amérindiens, habitants légitimes spoliés de l’Amérique. Gorblum avait également un autre projet : le Hall of Records. Il s’agissait de graver dans le granit de la montagne, en regard des quatre présidents, un texte rappelant, à travers neuf dates clés, l’histoire des États-Unis. Le projet a été abandonné, mais à la place, un dépôt (Repository) conserve, à l’abri au cœur de la montagne, des documents relatant l’histoire du Mont Rushmore et des États-Unis. Il est absolument étonnant de relever que, dans le texte du Hall of Records, et dans l’ensemble des pages du site gouvernemental, on ne trouve pratiquement aucune mention des Amérindiens, ou Native Americans. Pourtant, le Mount Rushmore, et les Black Hills sont un lieu sacré pour les amérindiens, particulièrement pour les Lakotas, une tribu sioux. Après la bataille de Little Big Horn (25 juin 1876), le Dakota fut le lieu d’une ruée vers l’or et les Américains conquirent les Black Hills, qui appartenaient aux Lakotas depuis la signature en 1868 du Traité de Fort Laramie. En 1970, des Indiens menés par l’UNA, United Native Americans, occupèrent le Mount Rushmore pour réclamer la rétrocession des Black Hills, sans succès. Aujourd’hui, des initiatives indiennes tentent de renseigner les touristes sur la culture sioux : trois tipis (Heritage village) font face aux immenses visages des présidents américains. Le monument est toujours considéré par les Indiens comme une profanation de terres sacrées, symbole d’un contrat rompu. En 1939, une délégation de chefs tribaux contactèrent le sculpteur américain d’origine polonaise Korczak Ziolkowski, alors assistant sur le chantier du Mount Rushmore, et lui demandèrent de sculpter, dans les Black Hills, la silhouette d’un chef indien célèbre pour son courage et sa volonté de préserver la culture amérindienne, Thasunka Witko, « Cheval Fou ». Le chef Lakota Henry Standing Bear expliqua ainsi cette démarche : « Mes collègues chefs et moi même aimerions que l’homme blanc sache que l’homme rouge aussi a de grands héros 2 ». Ziolkowski réalisa une maquette du guerrier Lakota, le bras droit tendu et l’index pointé vers les terres sacrées sioux. Le sculpteur dévoua sa vie au Crazy Horse Memorial, y impliquant sa famille entière, refusant salaire et subvention. Seul, il défia la montagne, et posa les bases de la plus grande sculpture au monde : les dimensions finales seront de 195 m de longueur pour 172 m de hauteur. Ziolkowski aura arraché à la montagne, pratiquement seul, près de huit millions de tonnes de roches, sans que son travail ne laisse jamais apparaître les contours du chef indien. Après avoir subi quatre opérations de la colonne vertébrale, un pontage cardiaque, Ziolkowski meurt en 1982 ; son abnégation
aura eu raison de sa santé. La tête de Crazy Horse, telle qu’on peut l’admirer aujourd’hui, n’émergera des Black Hills qu’en 1998. On évalue la durée des travaux restants à une cinquantaine d’années. Le projet de Ziolkowski, selon ses propres termes, dépasse de loin Crazy Horse Memorial les velléités touristiques du Mount Rushmore. C’est un hommage au peuple amérindien que le sculpteur a imaginé, mettant en place le Native American Educational & Cultural Center, ainsi que l’Indian Museum of North America. Le site officiel du Crazy Horse Memorial rappelle les souhaits de Ziolkowski : protéger et revaloriser la culture indienne, sacrifiée sur l’autel de la conquête de l’Ouest. Si l’initiative a été largement saluée par les Indiens, elle ne fait pas l’unanimité parmi les Natives americans traditionalistes : la représentation de Crazy Horse va à l’encontre de la philosophie du chef Lakota, qui refusa toute sa vie de se laisser photographier. De même, il se fit enterrer là où personne ne pourrait le retrouver, pour ne devenir ni martyr ni symbole. C’est pourtant ce que peut évoquer le projet de Ziolkowski ; on ne peut cependant douter de la sincérité du sculpteur, qui répondait à ses détracteurs qu’il avait moins voulu portraiturer Crazy Horse que rendre hommage à son esprit et à son peuple. Ces deux exemples de mémoriaux monumentaux démontrent à quel point la question de la mémoire est subjective, et celle de l’hommage complexe. Les traditions culturelles s’entrechoquent et peinent à trouver un terrain d’entente, entre histoire, mémoire, et condition humaine. La réponse de Ziolkowski à un Mount Rushmore célébrant la grande Amérique mais passant sous silence ses fondations inscrites sur le meurtre en masse des Amérindiens, s’avère aussi vertigineuse dans son ambition qu’elle peut être maladroite à certaines occasions : pointer du doigt, tel que le fera fièrement Crazy Horse, est un geste malpoli dans la culture amérindienne. L’enfer est pavé de bonnes intentions. En tout état de cause, et malgré les incompréhensions profondes entre deux peuples, l’un spolié et dénaturé, l’autre en proie tantôt au désir d’oublier les exactions commises, tantôt à la volonté de les réparer, Gorblum et Ziolkowski auront donné au monde deux des plus grands ensembles sculptés que l’homme ait jamais créés. Julie BOISARD 1. www.nps.gov/moru, consulté le 22/08/2012. 2. Whereas, Lakota Chief Henry Standing Bear contacted Korczak in 1939 to encourage him to create another mountain saying in his letter of invitation: « My fellow chiefs and I would like the white man to know the red man has great heroes, too », sur http//:crazyhorsememorial.org/about-us/executive-proclamation, consulté le 22/08/2012.
Art, monumental(ité), et présence du/des genre(s) Le 19 mai dernier, sous la gigantesque verrière du Grand Palais, se déroula le vernissage d’Excentrique(s) de Daniel Buren 1 désigné dans la presse et les médias d’information comme l’artiste français le plus important de notre temps. Cette manifestation s’inscrit dans le cadre de « Monumenta », événement qui se définit comme un « concept unique et fédérateur », et qui invite chaque année un artiste contemporain de renommée internationale, à investir la Nef du Grand Palais, « avec une œuvre spécialement conçue pour l’occasion » 2. Aujourd’hui, penser l’histoire récente de « Monumenta » du point de vue d’une étude de genre, permet de révéler une absence signifiante, au regard de la liste des artistes conviés depuis son ouverture 3 et nous serions tentés d’ajouter au petit texte de présentation : « inviter chaque année un artiste [...] et de préférence de sexe masculin ». L’absence d’invitation d’artistes femmes interroge : N’y aurait-il que des hommes capables de se mesurer à la monumentalité ? Pourtant nombreuses sont les artistes de renommée internationale à expérimenter la monumentalité. Ainsi, à Versailles, où depuis 2009 l’art contemporain est convié dans l’immensité des espaces de son domaine – près de trois décennies après la tentative éclair de la sulfureuse Iris Clert 4, un changement est notable cette année, puisqu’après Jeff Koons, Xavier Veilhan, Bernar Venet et Takashi Murakami, c’est Joana Vasconcelos qui fait son entrée au château 5. L’artiste portugaise restera dans les mémoires de ce rendez-vous régulier : la première femme à avoir eu l’honneur d’installer quelques-unes de ses œuvres dans l’illustre palais. D’une grande diversité, le travail de cette sculpteure trouve son unité dans un esprit de fusion des contraires, où se joue l’expérience de la démesure. D’abord, le langage plastique et visuel de Joana Vasconcelos, au-delà d’interroger perpétuellement la perception des apparences, conjugue et tisse des liens d’union entre des concepts qui sont souvent considérés par opposition : ancien / contemporain ; artisanat d’art / beaux-arts ; mœurs et pratiques traditionnelles / monde contemporain ; réalité / mythes ; pesanteur / légèreté ; intériorité / extériorité ; masculinité / féminité. Ensuite, l’expression monumentale des œuvres produites, semble s’imposer naturellement à l’artiste qui explique : « L’échelle n’est pas un but ni un début. C’est une partie du processus ; d’abord c’est une idée […] L’échelle vient dans le processus de manufacture de l’objet » 6. Puis, elle ajoute que le lieu de présentation insuffle lui-même les dimensions. De fait, l’exposition au château reçoit majoritairement des pièces d’une « naturelle » monumentalité. Joana Vasconcelos proposa à la fois des œuvres déjà existantes et d’autres conçues spécialement pour l’événement. Versailles apparaît de diverses façons comme un écrin idéal aux créations de la jeune femme, qui s’efforce d’habiter le lieu pour ce qu’il est, ce Joanna Vasconcelos, Royal Walkyrie, 2012, Château de Versailles crochet en laine fait à la main, maille industrielle, tissus, ornements, polyester, câbles en acier 625 x 600 x 893 cm © Luis Vasconcelos/Unidade Infinita Projectos
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Chris Burden, Beam Drop, 30 mai 2009, Middelheim Museum, Anvers, Belgique - © Karin Borghouts
Chris Burden Une forêt de poutrelles métalliques plantées dans une mare de béton au beau milieu de nulle part, voilà un spectacle peu commun. Le genre qu’on ne penserait être qu’un paysage post-apocalyptique, les ruines d’une usine après un raid aérien, ou les restes d’une ville ayant subi une attaque atomique. Seule une force extraordinaire associée au hasard aurait pu produire pareil spectacle. Et pourtant, il s’agit bien d’une œuvre d’art. Beam Drop fut exécutée pour la première fois par Chris Burden en 1984 à l’Art Park de Lewiston (New York), avant d’être revisitée à plusieurs reprises ces dernières années au Brésil en 2008 ou en Belgique en 2009. Le principe est simple : l’artiste fait tout d’abord remuer la terre sur plusieurs mètres avant de la recouvrir d’une couche de béton frais. Puis, à l’aide d’une grue manipulée par un ouvrier, l’artiste fait élever à plus de 30 m de hauteur des poutrelles, qui une fois lâchées se planteront dans le sol. L’opération est répétée de façon à créer un ensemble monumental, cette fameuse forêt constituée de soixante à soixante-dix poutres métalliques de différentes formes, dont les plus longues atteignent 15 m. Burden est sans conteste un habitué des œuvres déconcertantes. Il est l’auteur mythique de Shoot (1971) où il se fait volontairement tirer dans le bras par un tiers ; Through the Night Soflty (1973) où il rampe sur 5 m de verre brisé, les mains liées dans le dos ; Trans-fixed (1974) où il est attaché sur une voiture en marche, Velvet Water (1974) où il essaye de respirer sous l’eau jusqu’à l’évanouissement… avant de se lancer par la suite dans des réalisations monumentales (voiture, bateau, building, villes…). L’artiste ne livre que des explications fragmentaires, souvent insuffisantes pour justifier de telles prises de risque, dont le panache confine au non-sens. Monumentale, son œuvre l’était bien avant de réaliser des pièces de grande taille, par l’esprit qui l’anime, cette volonté d’atteindre des sommets que personne n’avait osé gravir avant lui. Concernant Beam Drop, Burden dit vouloir prendre l’architecture, qu’il a étudiée à l’Université, à contre-pied. Utilisant les poutres, l’élément de construction le plus basique, l’artiste s’évertue à faire le contraire de ce que cette discipline prétend accomplir : des constructions utiles et sérieuses, où les poutres sont savamment disposées. Avec tout le sérieux nécessaire à une opération aussi colossale, Burden crée des monuments inutiles où les grutiers sont priés de faire ce qui leur est d’habitude interdit : laisser tomber les poutres. Il assure aussi que le hasard fait partie de l’œuvre, ne pouvant prévoir à l’avance comment les poutres vont se ficher dans le sol, ceci ne pouvant être qu’en partie compensé par la précision du travail de préparation, l’état d’esprit de l’artiste étant alors un mélange de résignation devant
la puissance du chaos, et de griserie incontrôlable face à l’idée de laisser le hasard décider du résultat. Il n’y a qu’à entendre les cris de joie éructés par les ouvriers et les spectateurs sur les quelques vidéos prises lors de l’installation de l’œuvre. Le risque aussi, comme dans la plupart des anciens happenings de Burden, joue son rôle, l’artiste ne pouvant assurer que personne ne sera blessé ou pire lors de la réalisation de la pièce, où sont propulsés à grande vitesse des morceaux de métal de plusieurs tonnes. L’Américain concilie ici deux éléments paradoxaux : la préparation millimétrée de l’œuvre, qui demande une science poussée de l’ingénierie, et le processus lui-même, qui s’apparente beaucoup plus à l’expérience ludique de l’enfant testant la résistance de ses jouets. En somme, il met plusieurs milliers d’années de recherches et de connaissances architecturales au service de son imagination en roue libre. Burden touche ici à l’une des caractéristiques essentielles du monumentalisme : une profonde absurdité. Songeons à la pyramide de Khéops : trente ans de construction, des dizaines peut-être des centaines de milliers d’ouvriers tués à la tâche, la Lybie et la Numidie envahies afin de pourvoir le chantier en esclaves, 143 m de haut, 230 m de large, à une époque on l’on ne connaît ni le fer, ni le bronze, ni la roue, ni les appareils de levage. Tout cela pour une tombe dont Khéops ne profitera, c’est logique, jamais de son vivant. Quid des ziggourats, des menhirs de Stonehenge, des statues de l’île de Pâques ? Roland
qu’il semble être, en parfaite adéquation avec ses propres aspirations artistiques : « Si mon travail se développe autour de l’idée que le monde est un opéra, Versailles incarne l’idéal opératique et esthétique qui m’anime » 7. Le dialogue fusionnel que l’artiste entreprit avec Versailles peut se lire de manière évidente à travers certaines œuvres dont les imposantes Valkyries, installées en suspension dans la vaste Galerie des Batailles, où elles survolent la salle contenant trente-cinq peintures monumentales à la gloire de l’histoire militaire de la France (de Tolbiac en 496 à Wagram en 1809). Ces sculptures toutes de tissages et de textiles composées 8, représentent ces divinités guerrières féminines de la mythologie scandinave, qui « étaient supposées se saisir des plus braves des guerriers morts au combat pour les emporter au Walhalla » 9. Outre, l’élaboration d’une correspondance de sens, voire même la création d’une histoire inédite entre le sujet des peintures et les sculptures, ces Valkyries ouvrent aussi d’autres champs relationnels entre Joanas Vasconcelos et Versailles. Ces œuvres ont été réalisées dans l’atelier de l’artiste, où gravitent de nombreux assistantes et assistants, des ingénieur-e-s aux brodeuses et brodeurs… Ce mode de fonctionnement en équipe, trouve des similitudes avec le pharaonique chantier que fut Versailles. Par ailleurs, ces Valkyries lient monumentalité et ornemental. L’ornement fait partie intégrante du décorum du château : ainsi, et pour donner un autre exemple, les moulures dorées du Salon de la Paix révèlent la dimension ornementale du Coeur indépendant rouge (2005) constitué de milliers de couverts en plastiques façonnés et retravaillés par l’artiste. Personnages féminins mythiques, les sculptures des Valkyries dévoilent aussi la relecture de Versailles à travers le regard d’une artiste « femme, portugaise, née en France ». Les œuvres présentées se font « l’écho des pas de Marie Antoinette » que l’artiste « entend encore » 10, et l’exposition apparaît comme une réappropriation de Versailles par les Grandes Femmes qui ont marqué son histoire. L’emblématique Galerie des Glaces, lieu par excellence des apparences – où du reflet d’un miroir à un autre cohabitent le vrai et le faux, scène de théâtre de la conception du pouvoir par et pour un homme – accueille l’imposante paire d’escarpins métallique et scintillante Marilyn (PA) (2011). Ces chaussures ouvragées à talons hauts, accessoires de bal, attestent la présence commémorative du genre féminin au château ; elles font certainement office de monument temporaire à ces femmes de l’Histoire. Mais, cette composition réalisée à partir de casseroles et couvercles en acier, est aussi un monument critique de/à la condition des femmes contemporaines. Évocation moderne du célèbre conte de Charles Perrault Cendrillon, Marilyn compense métaphoriquement l’absence de La Fiancée : immense lustre style XVIII e siècle constitué de tampons
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Barthes résume tout cela, dans une formule à propos de la Tour Eiffel : « édifice inutile et irremplaçable ». Chacun de ses édifices répond au même critère : ce sont des constructions à usage restreint, et dont les moyens de construction sont en inadéquation avec les possibilités de l’époque : les statues de Pâques sont des outils de culte tutélaire destinés aux familles nobles, les cromlechs étaient (apparemment) l’apanage des prêtres, la Tour Eiffel porte le nom d’un individu qui n’a fait « que » la financer, et qui aurait très bien pu s’appeler « Tour de Paris ». Leur seul usage commun, le tourisme, n’est au fond qu’une validation de l’admiration des peuples pour la grandeur, le génie ou la folie de leurs concepteurs. Leur construction nécessite le concours de tous, pour la gratification d’un seul (ou de peu d’entre eux). Toutes les constructions monumentales ont en commun de faire le lien entre ciel et terre. Plus grande que l’Homme, elles lui permettent d’accomplir son éternel rêve d’éternité. Khéops est poussière, sa pyramide est toujours là, plus de quarante siècles plus tard. On ne sait quasiment rien des civilisations ayant produit les ziggourats et les cromlechs, et pourtant leur réalisation continue de nous toiser, sans qu’on puisse fournir de réelle explication logique quant à leur construction. Le sens premier de leur édification leur utilité s’il y en avait une, s’est rapidement perdu pour laisser place à la sidération magnétique que ces monuments exercent sur la foule, stupéfiée par l’hybris de ceux qui furent pourtant aussi humains qu’eux. Chacune d’entre elles incarne la démesure, cet espace où l’homme perd le fil de sa propre échelle pour prendre celle du monde. Il n’existe pas de simple clé de compréhension pour Beam Drop (comme c’est le cas pour bon nombre d’œuvres de Burden), car elle répond à cette idée enracinée dans la création humaine, qu’il faut parfois produire des choses qui laissent sans voix, des choses qui ne répondent ni à l’utile, ni à la morale, ni au bien commun, ni au bon sens. On reste muet devant Beam Drop comme on le reste devant le David de Michel-Ange, le Lipstick d’Oldenburg, le Sphinx ou les tours de Dubaï, parce que ce sont de fascinantes énigmes, dont la clé revient à admettre que la folie est un trait typiquement humain. La taille gigantesque de ces réalisations renvoie au gouffre hypnotique des conditions mentales de leurs possibilités. Burden semble avoir depuis longtemps dépassé ce stade : « Craziness is an abused term. It just means I have an active imagination, that I’m willing to do what it takes to see it through, to get the results » 1. Khéops, Eiffel, Bartholdi et les autres n’auraient sûrement pas dit mieux. Nicolas-Xavier FERRAND 1. « La folie est un terme abusif. Cela veut simplement dire que j'ai une imagination foisonnante, que je suis près à faire ce qu'il faut pour aller jusqu'au bout, pour obtenir des résultats ». Extrait de l’entretien publié sur l’édition en ligne du Lodown Magazine, Chris Burden - Through Life Never Softly.
hygiéniques immaculés. Cette œuvre majeure de l’artiste, a malheureusement été refusée par les organisateurs de l’exposition au château de Versailles, à cause de son caractère « trop sexuel ». Joana Vasconcelos considère les espaces intérieurs de Versailles comme féminins et les extérieurs masculins. Rappeler cette division permet de mettre en regard la paire d’escarpins Marilyn avec les deux gigantesques et hiératiques candélabres composés de milliers de bouteilles de champagne Pommery, Blue champagne (2012), visibles depuis la Galerie des Glaces. Au final, Joana Vasconcelos perturbe et interroge démesurément la loi des genres, aussi bien artistiques, que sexuels et sociaux. Servin BERGERET 1. Du 10 mai au 21 juin 2012. 2. « Un concept Unique », http://www.monumenta.com/fr/un-concept-unique 3. Anselm Kiefer, Richard Serra, Christian Boltanski, Anish Kapoor et Daniel Buren. 4. Durant le mois de juillet 1970, la galeriste parisienne, invitée par Christian Dior lors d’une réception, introduisit son « Stradart » (un poids-lourd aux parois transparentes dans lequel elle accrochait des œuvres) dans les jardins et la cours d’honneur du Château de Versailles. 5. Du 19 juin au 30 septembre 2012. 6. Joana Vasconcelos, Le RDV avec Joana Vasconcelos, Michel Gouery, la chronique de Dominique Baque et la session de Manceau. Le RenDez-Vous. France Culture (20.06.2012). (de 9’20’’), http://www.franceculture.fr/emission-le-rendez-vous-le-rdv-avec-joanavasconcelos-michel-gouery-la-chronique-de-dominique-baque7. Joana Vasconcelos, Présentation, http://www.vasconcelosversailles.com/t_vasconcelos.php 8. Crochet et tricot en laine fait à la main, maille industrielle, broderies à fils tirés et autres broderies, applications de feutre, dentelle aux fuseaux, frivolités (dentelle à la navette), poterie incrustée de quartz, tissus, ornements, polyester, câbles en acier. 9. Philipe Dagen, Joana Vasconcelos, une femme un peu trop libre pour la cour du Roi-Soleil. Le Monde. (20.06.2012), http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/06/20/joanavasconcelos-une-femme-un-peu-trop-libre-pour-la-cour-du-roisoleil_1721774_3246.html 10. Joana Vasconcelos, Op.cit.
Joanna Vasconcelos, Blue Champagne, 2012, Château de Versailles, bouteille Pommery POP Champagne, fer, Leds, (2x) 940 x 496 cm - © Luis Vasconcelos/Unidade Infinita Projectos
annemasse
Villa du Parc 12 rue de Genève 74100 Annemasse tél. 04 50 38 84 61 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h30 et sur rdv, fermé les jours fériés ➤ « Sir Thomas Trope » Aurélien Mole et Julien Tibéri : 23/11/12 03/02/13 ➤ « Terrible Two » Grout et Mazeas et duos d’artistes associés : 23/02 - 21/04/13 anost
Maison du patrimoine Oral (org. Parc Saint Léger) Le bourg 71550 Anost tél. 03 86 90 96 60 ouvert le mer. de 9h30 à 12h30 et de 14h à 18h et sur rdv ➤ « Le pommier et le Douglas » Marie Preston : 18/11 - 16/12/12 arc et senans
Saline Royale (org. Frac Franche-Comté) Grande rue 25610 Arc-et-Senans tél. 03 81 57 13 29 ouvert ts les jours de 10h à 12h et de 14h à 17h, fermé le 25/12/12 et le 01/01/13 ➤ « Uchronie ou Des récits de collection » AES, H. Alt & A. Vajd, Z. Baladrán, J. Berthier, É. Bossut, M. Boyce, R. Breer, D. Chatrny, T. Clerc, H. Duprat, S. Faithfull, C. Fréger, C. Gaillard, C. Girardet, D. Gonzalez-Foerster, A. Guillier, S. Kolíbal, E. Kot'átková, R. Kratina, B. Lavier, D. Marcel, G. Motti, M. Othová, H. Reip, H. Schabus, J. Seifert, A. Sekula, J. Skála, V. Stratil, Z. Sykora, J. Thyn, A. Vackár, J. Valoch, K. Walker : jusqu’au 06/01/13
HORSD’ŒUVRE n° 30 édité par l’association INTERFACE 12 rue Chancelier de l’Hospital F - 21000 Dijon t. : +33 (0)3 80 67 13 86 contact@interface-art.com www.interface-art.com Numéro sous la direction de : Valérie Dupont Conception graphique & responsable de la rédaction : Frédéric Buisson Coordination, contacts Agenda : Nadège Marreau Contacts Presse : Clothilde Morette Ont participé à ce numéro : Franck Balland, Servin Bergeret, Julie Boisard, Bertrand Charles, Nicolas-Xavier Ferrand, Guillaume Mansart, Claire Simon, Elfi Turpin, Armelle Weirich Relecture : Michel Rose Couverture : MAGDALENA JETELOVA, Domestication of a pyramid, 1992, MAK Österreichisches Museum für angewandte Kunst, Vienne, Autriche © Werner J. Hannappel Double page intérieure : PEDRO CABRITA REIS the arm, 2012 Impression : ICO 17 rue des Corroyeurs - Dijon Tirage 5 000 exemplaires ISSN : 1289-9518 - semestriel Dépot légal : novembre 2012 Publié avec le soutien de l’ensemble des structures annoncées dans l’agenda et du :
besançon
Frac Franche-Comté 27 rue Mégevand 25000 Besançon tél. 03 81 61 62 18 ➤ Inauguration du nouveau batiment : 06 - 07/04/13
Galerie Jean Greset 7 rue Rivotte 25000 Besançon tél. 03 81 81 38 52 ouvert du mar. au sam. de 10h à 12h, de 14h à 19h et sur rdv ➤ « commencements du cercle » Takesada Matsutani : 08/11 - 15/12/12 ➤ « finir en beauté » sélection d’oeuvres originales, d’estampes et de livres d’artistes : 16/12/12 - 05/01/13 ➤ Anne Lefebre : 10/01 - 09/02/13 ➤ Jean Paul Mauny : 14/02 - 09/03/13 ➤ Gilles Touyard : 14/03 - 06/04/13 ➤ Stéphan Bordarier : 11/04 - 11/05/13 caen
Frac Basse Normandie 9 rue Vaubenard 14000 Caen tél. 02 31 93 09 00 ouvert tous les jours de 14h à 18h, sauf les 1er novembre, 24 & 25 décembre ➤ « Le blues du chien » F. Curlet, P. Mayaux, P. Oltheten, Présence Panchounette, M. Rosler, Taroop & Glabel, G. Rey, S. Afif, M. Aubry, P. Decrauzat, N. Dolla, J. Knifer, E. Peñafiel Loaiza, I. Wallace : 06/10 - 29/12/2012
L’attrape-couleurs
12 rue Chancelier de l’Hospital 21000 Dijon tél. 03 80 67 13 86 ouvert de 14h à 19h du mer. au sam. et sur rdv ➤ « horsd’oeuvre Collection - une exposition à vendre » C. Bart, R. Boccanfuso, E. Bossut, E. Boulanger, P. Cabrita Reis, P. Cazal, M. C. Chaimowicz, C. Closky, G. Collin-Thiébaut, J. Colomer, M. Couturier, B. Debombourg, W. Delvoye, P. Downsbrough, L. Duclaux, J. Dupuy, E. Duyckaerts, Ernest T., V. Frenkel, D. Firman, J. Gerz, T. Hirschhorn, J. Hubaut, C. Lévêque, C. Marclay, G. Millet, O. Mosset, G. Motti, Orlan, C. Robert-Tissot, M. Schweizer, N. Van de Steeg, L. Weiner, Yan Pei-Ming : 17/11 - 22/12/12 ➤ « Portraits » exposition des étudiants de l’Ensa Dijon : 10 - 26/01/13 ➤ Frédéric Houvert : 08/02 - ../03/13
place Henri Barbusse 69009 Lyon tél. 04 72 19 73 86 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h et dim. de 14h à 17h ➤ « Double Singulier » Sébastien Pons /et Auburtin, Bonnefoi, Etienne, Heendrickxen, Labussière, Mazuy, Perrot, Phelippot, Richard, Turpin, Vincent : 10/11 - 22/12/12 ➤ Leslie Amine : 19/01 - 03/03/13 ➤ « horsd'oeuvre à consommer sans modération ! » : 16/03 - 28/04/12
Entrepôt 9 - Galerie Barnoud 9 Bd de l’Europe 21800 Quétigny tél. 03 80 66 23 26 ouvert les mer., ven. et sam. de 15h à 19h et sur rdv ➤ « art & entreprise #1 - collection Géotec » P. Alechinsky, K. Attia, BP, D. Buren, B. Burkhard, Christo, P. Decrauzat, J. Dupuy, G. Erró, P. Gronon, S. Hantaï, R. Horn, A. Jacquet, B. Lavier, M. Lüpertz, A.R. Penck, S. Prego, P. Ramette, J.-P. Raynaud, G. Rousse, A. Serrano, M. Rothschild, L. Tomasello, B. Venet, J. Villeglé : jusqu’au 12/01/13
Palais des Ducs et des Etats de Bourgogne 21033 Dijon Cedex tél. 03 80 74 52 09 ouvert de 10h à 17h, fermé les mar. et les 25/12/12 et 01/01/13 ➤ « François et Sophie Rude, un couple d’artistes au XIXe siècle, citoyens de la Liberté » : jusqu’au 28/01/13
Théâtre Granit
Le Consortium carquefou
Frac des Pays de la Loire La Fleuriaye - 44470 Carquefou tél. 02 28 01 50 00 ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h fermé les 24, 25 & 31 déc. et le 1er janv. ➤ « une brève histoire de tout Instantané (83) » Christine Laquet : jusqu’au 06/01/13 ➤ « Star-Dust - XXVIe Ateliers Internationaux : La Croatie » K. Dada, I. Eskinja, A. Husman, A. Opalic, D. Sanvincenti, G. Skofic, S. Tolj, S. Vujicic : jusqu’au 03/02/13 ➤ œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire, dispositif de présentation et œuvres de Marc Camille Chaimowicz : 05/04 - 01/09/13 château-gontier
Chapelle du Genêteil rue du Général Lemonnier 53200 Château-Gontier tél. 02 43 07 88 96 ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h ➤ Hippolyte Hentgen : 12/01 - 17/03/13 ➤ Jacques Halbert / Capitaine Longchamps : 06/04 - 16/06/13 corbigny
Abéïcité-Abbaye de Corbigny (org. Parc Saint Léger) 6 rue de l’Abbaye - 58800 Corbigny tél. 03 86 90 96 60 ouvert du lun. au sam. 10h à 12h et de 14h à 17h ➤ « Le pommier et le Douglas » Marie Preston : 12/01 - 16/02/13
lyon
appartement/galerie Interface
Musée des Beaux-Arts Dijon
belfort
1 faubourg de Montbéliard 90000 Belfort tél. 03 84 58 67 50 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h le mer. de 10h à 18h ➤ « hôtel » Benjamin Nuel : 20/11 - 22/12/12 ➤ « la pièce manquante » Nicolas Pinier : 12/01 - 26/02/13
dijon
37 rue de Longvic - 21000 Dijon tél. 03 80 68 45 55 ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h jusqu’à 21h le ven. ➤ « le Frac s’invite au Consortium » exposition collective : jusqu’au 13/01/13
montpellier
Frac Languedoc-Roussillon 4 rue Rambaud 34000 Montpellier tél. 04 99 74 20 35 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h fermé les jours fériés Toute l'actualité de l'art contemporain en Languedoc-Roussillon www.artcontemporain-languedocroussillon.fr ➤ « Déchire-tout et recommence ! » C. Borland, R. Filliou, T. Friedman, G. Gasiorowski, Le Gentil Garçon, F. Hyber, A. Poincheval, J. Scanlan, W. Swennen, L. Weiner : jusqu’au 21/12/12 ➤ Mathieu K. Abonnenc, Mabel Palacin : 18/01 - 02/03/13
Exos Lucius 68, rue Lamartine 71800 La Clayette tél. 03 85 84 35 97 ouvert les sam. et dim. de 14h30 à 18h30 et sur rdv ➤ « Saône et gloire » Didier Trenet : jusqu’au 02/12/12
(org. Frac Languedoc-Roussillon) 179 rue de l'Espérou 34000 Montpellier tél. 04 99 74 20 35 ouvert du lun. au ven. de 15h à 19h, fermé les jours fériés ➤ « J'm'énerve pas j'explique ! » R. Buchanan, A. Chodzko, E. Duyckaerts, J. Grigely, P. Joseph, B. Owens, L. Raguénès, L. Weiner : jusqu’au 21/12/12
La Fonderie 16 rue de la Fonderie 68100 Mulhouse tél. 03 69 77 66 47 ouvert du mer. au ven. de 12h à 18h, sam. & dim. de 14h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 20h, fermé les lun., mar., le 26/12/12 & 02/01/13 ➤ « zeichnen zeichnen, toujours toujours » Régionale 13, exposition collective : 23/11/12 - 13/01/13 ➤ « sous nos yeux » partie I, exposition collective : 14/02 - 21/04/13 nantes
HAB Galerie Collège les Bruyères (org. Exos Lucius) 2 rue de la planchette 71800 La Clayette tél. 03 85 84 35 97 ouvert le 23/11 de 17h à 19h, le 24/11 de 14h à 19h et sur rdv ➤ « Installation » H. Fernagu, P. Ginet, Collectif Notus, B. Woodrow, E. Wurm : jusqu’au 05/12/12
(org. Frac des Pays de la Loire) 21 quai des Antilles 44000 Nantes tél. 02 28 01 50 00 ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h30 ➤ œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire, dispositif de présentation et œuvres de Marc Camille Chaimowicz : 22/02 - 05/05/13
limoges nevers
Frac Limousin delme
Synagogue de Delme 33 rue Poincaré - 57590 Delme tél. 03 87 01 35 61 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, dim. de 11h à 18h fermé du 17/12/12 au 08/01/13 ➤ « Come tavolo, come lago, come vivo spazio » Marie Cool, Fabio Balducci : jusqu’au 17/02/13 ➤ Susan Hiller : ../03 - ../05/13
impasse des Charentes 87100 Limoges tél. 05 55 77 08 98 ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, fermé les jours fériés ➤ « Caverne Cinéma » oeuvres de la collection du Frac Limousin : 23/11/12 - 16/03/13 ➤ « Conversations visuelles » exposition des 30 ans du Frac Limousin : 04/04 - 31/08/13
Parc Saint-Léger
(org. Frac Languedoc-Roussillon) 16 place de la Maison Carrée 30000 Nîmes tél. 04 66 76 35 70 ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf le lun. ➤ « Questions d’images (visages de sable) » œuvres de la collection du Frac Languedoc-Roussillon : jusqu’au 31/12/12
avenue Conti 58320 Pougues-les-Eaux tél. 03 86 90 96 60 ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h et sur rdv, fermé du 23/12/12 au 01/01/13, ouvert le 11/11/12 ➤ « Les amants d’Hercule » D. Allouche, N. Canell, C. Cornish, A. Csörgö, E. Dekyndt, J. Jonas, I. Kopelman, A. Leccia, P. Malphettes, J. Warboys : jusqu’au 10/02/13
paris vaison-la-romaine
Treize (org. Parc Saint Léger) 24 rue Moret 75011 Paris tél. 03 86 90 96 60 ouvert du mer. au sam. de 14h à 19h ➤ « Le pommier et le Douglas » Marie Preston : 02/ - 30/03/13
Supervues 012 Hôtel Burrhus 1 Place Montfort 84110 Vaison-la-Romaine tél. 04 90 36 00 11 ouvert le sam.15 et le dim. 16/12/12 de 14h à 18h
Ecole nationale supérieure d’architecture de Montpellier
La Kunsthalle Mulhouse
la clayette
Carré d’art, Musée d’art contemporain
(org. Frac Languedoc-Roussillon) 130 rue Yehudi Menuhin 34000 Montpellier tél. 04 99 74 20 35 ouvert du lun. au ven. de 15h à 19h, fermé les jours fériés ➤ « Essaye encore tu vas y arriver » M. Antezzo, J. Baldessari, E. Bossut, E. Chaton, B. Duponstoq, A.-K. Feddersen, F. Francis, M. Ray, Taroop&Glabel, L. Weiner : jusqu’au 21/12/12
mulhouse
(org. Frac des Pays de la Loire) 44190 Gétigné-Clisson tél. 02 28 01 50 00 ➤ « le jour d’avant » œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire : 07/12/12 - 03/02/13
pougues-les-eaux
Ecole supérieure des beaux-arts de Montpellier Agglomération
gétigné-clisson
La Garenne-Lemot
nîmes
Arko 3 place Mossé 58000 Nevers tél. 03 86 57 93 22 ouvert mer., ven. et sam. de 15h à 19h et sur rdv ➤ « we gave a party for the gods and the gods all came » S.Bérard, P. Curnier Jardin, J. Giorno, A. Hubbard, C. Jeffery, M. Lancelin, S. Lee : jusqu’au 08/12/12
Si vous souhaitez que vos manifestations soient annoncées dans l’agenda du prochain numéro, une participation de 30 Euros minimum est demandée.
éditions d’artistes INTERFACE - HORSD’OEUVRE 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL - 21000 DIJON tél. : 03 80 67 13 86 // contact@interface-art.com Format : 420 x 594 mm (impression offet) DANIEL FIRMAN [horsd’oeuvre n°1 - 1997-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi GÉRARD COLLIN-THIÉBAUT [horsd’oeuvre n°2 - 1998-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi ÉRIC DUYCKAERTS [horsd’oeuvre n°3 - 1998-2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi PHILIPPE CAZAL [horsd’oeuvre n°4 - réédition - 1999-2011] Tirage : 33 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi CHRISTIAN MARCLAY [horsd’oeuvre n°27 - 2011] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi CÉCILE BART [horsd’oeuvre n°28 - 2011] Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi LISE DUCLAUX [horsd’oeuvre n°29 - 2012] Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 35 € + 7 € de frais d’envoi
nouveauté PEDRO CABRITA REIS [horsd’oeuvre n°30 - 2012] Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste Prix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi