Penser la santé
N° 14 – AVRIL 2018
MALADIES PSYCHIQUES MIEUX COMPRISES, MIEUX TRAITÉES
JENNIFER DOUDNA «Nous repoussons les limites de la médecine moderne» SOMMEIL De nouvelles pistes pour de meilleures nuits MATERNITÉ Comment la méthode kangourou aide les prématurés Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LES MYSTÈRES DE LA PUBERTÉ
«Les infographies sont rigoureuses, ingénieuses et plaisantes à regarder.»
«Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution.» Johanna M., Carouge
Dominique G., Vufflens-la-Ville
«Chaque article est pertinent!» Béa B., Danemark
ABONNEZ-VOUS À IN VIVO «Un magazine fantastique, dont les posters habillent toujours nos murs.» Swissnex, Brésil
«Super mise en page!» Laure A., Lausanne
«Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j'enseigne.» Isabelle G., Lausanne
«Fort intéressant!» Hélène O., Lausanne
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IN VIVO / N° 14 / AVRIL 2018
SOMMAIRE
FOCUS
19 / DOSSIER Maladies psychiques: mieux comprises, mieux traitées PAR ERIK FREUDENREICH
MENS SANA
30 / INTERVIEW Jennifer Doudna: «Notre outil repousse les limites de la médecine moderne» PAR YANN BERNARDINELLI
34 / TENDANCE Volontaires en série PAR BLANDINE GUIGNIER
38 / DÉCRYPTAGE La douleur prise au sérieux PAR ALEXIA NICHELE
41 / PROSPECTION L’art-thérapie en phase d’intégration PAR SYLVAIN MENÉTREY
44 / COULISSES PAR LÉANDRE DUGGAN
«Je suis bipolaire, demandez-moi ce que vous voulez», dit le panneau tenu par cette jeune femme lors du tournage d’un documentaire à New York, au printemps 2017. Les patients atteints de troubles psychiques font aujourd’hui l’objet d’une plus grande considération de la part de la société, comme l’explique notre dossier (voir p. 19). IRA BERGER / ALAMY
Le savoir libéré
SOMMAIRE
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IN SITU
48 / DÉCRYPTAGE
07 / HEALTH VALLEY
De nouvelles pistes pour mieux dormir PAR JULIEN CALLIGARO
La difficile mise sur le marché des dispositifs médicaux
51 / INNOVATION
12 / AUTOUR DU GLOBE
Un robot en gardien du lien PAR STÉPHANIE DE ROGUIN
54 / PROSPECTION
CURSUS
La mémoire, ce sport de haut niveau
69 / CHRONIQUE
PAR PATRICIA MICHAUD
58 / TENDANCE Peau contre peau, parents et bébés se soignent PAR CHLOÉ BURGAT
62 / EN IMAGES Le numérique contre l’isolement PAR ROBERT GLOY
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Des villes sans parfum
Révolution biologique et culturelle
70 / TANDEM L’infirmière Marie-Claude Boulet et la médecin Estelle Bezençon
ANOUSH ABRAR / EPFL + ECAL LAB, AMÉLIE BENOIST / BSIP/ NEWSOM, 2018 AFFOLTER / RÜFENACHT, BERN
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CORPORE SANO
Éditorial
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PATRICK DUTOIT
BÉATRICE SCHAAD Responsable éditoriale
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Tandis qu’il chemine vers le volcan sur la petite île indonésienne de Flores, Yrwan, tout jeune guide, raconte l’organisation familiale telle qu’elle prévaut dans sa communauté. Dans une fratrie comme la sienne, un des enfants est désigné à sa naissance par ses parents et sait dès son plus jeune âge qu’il aura pour mission de s’occuper d’eux lorsqu’ils en auront besoin. Les parents élèvent leurs enfants, mais plus tard les rôles s’inversent; les parents ont à leur tour besoin d’être accompagnés. Nombreux sont les systèmes de santé qui reposent sur l’intégration des proches dans la prise en charge des patients. Celle-ci est soutenue par la religion comme dans la culture coranique où il existe un terme pour nommer la bonté mais aussi la compassion, le respect et même la patience envers les parents: bir. En Chine, version plus autoritaire, depuis 2013 c’est la loi qui veille à rappeler à l’ordre les enfants qui prendraient des libertés avec les 24 règles de la piété filiale édictées dans des textes qui remontent au XIIIe siècle. Ainsi que le rapporte le journal «La Croix», une grandmère de 77 ans a même gagné un procès, et dans la foulée le droit d’attendre de sa fille qu’elle vienne lui rendre visite au moins une fois tous les deux mois et lors d’au moins deux des fêtes et jours fériés du pays. La loi pour la «protection des personnes âgées» avait été promulguée la veille dans un contexte de décomposition des familles contre laquelle l’État entend bien lutter. On le voit bien, la place du proche dans la vie des personnes vulnérables interroge de longue date et de façon transverse des cultures très diverses. Le système de santé suisse n’y échappe pas. En Suisse, une personne sur sept est aidée par un proche. Passé 85 ans, la statistique grimpe à une personne sur trois. Pourtant dans les prises en charge hospitalières, les proches occupent encore trop souvent le strapontin, leur place reste floue, quand elle n’est pas inexistante. Or, développement des maladies chroniques et vieillissement de la population obligent, les proches deviennent de plus en plus fréquemment des experts de la pathologie de leur parent, conjoint ou ami. C’est ce qu’ont bien compris le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), et son Service des assurances sociales et de l’hébergement, qui conduit de longue date une réflexion approfondie sur le sujet et développe de nombreuses initiatives en faveur des proches aidants. Dans le même esprit, le Service de psychiatrie générale du Département de psychiatrie a notamment créé un poste de délégué aux proches et aux familles (voir p. 26). À l’instar de cette équipe, peu à peu, c’est donc avec ce nouvel acteur capital dans le suivi du malade que les hôpitaux devront composer s’ils souhaitent prendre en charge leurs patients dans toute leur complexité et leur singularité. ⁄
Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de «Health Valley». Dans chaque numéro de «In Vivo», cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été réalisée par le graphiste suisse Romain Guerini.
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HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.
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START-UP NUTRITION
Alver, qui mise sur l’algue dorée pour combler les besoins en protéines, a remporté le Start-up Innovation Challenge de Francfort. Pour la start-up basée à Chardonne (VD), cette microalgue d’eau douce est moins nocive que la viande pour l’environnement et la santé, et bien plus appétissante et agréable au goût que les insectes ou les algues traditionnelles.
MOUVEMENT
Eyeware s’est classée à la 7e place du Swiss ICT Award. Cette start-up basée à Martigny développe une technologie pour aider les paraplégiques à utiliser les mouvements de la tête et des yeux pour diriger une souris d’ordinateur et parvenir ainsi à travailler sur ces outils incontournables.
ANDROLOGIE
Comphya fait partie des 20 gagnants du European Venture Contest, auquel ont participé plus de 1’250 start-up. La société basée à Préverenges (VD) développe une thérapie innovante pour la restauration des fonctions érectiles, destinée aux patients qui ne répondent pas aux pilules de type Viagra.
OPHTALMOLOGIE
RetinAI, une spin-off de l’UNIL et de l’Université de Berne, a remporté 130’000 francs lors de la finale 2017 de Venture Kick. Cette somme servira à rendre commercialement viable son logiciel de détection des affections oculaires, sources de cécité.
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HEALTH VALLEY
«Nous avons choisi d’installer notre première vitrine helvétique au cœur de la Genève internationale, qui abrite de nombreuses organisations phares.» YONGLING DING LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DU GROUPE PHARMACEUTIQUE CHINOIS BEIJING TONG REN TANG (BTRT) S’EXPRIMAIT DANS LES COLONNES DU «TEMPS». CE POIDS LOURD DE LA MÉDECINE CHINOISE TRADITIONNELLE QUI COMPTE 30’000 EMPLOYÉS ET GÉNÈRE UN CHIFFRE D’AFFAIRES DE QUELQUE 3 MILLIARDS DE FRANCS, A INAUGURÉ EN DÉCEMBRE SA PREMIÈRE FILIALE EN SUISSE.
Des mitochondries contre Alzheimer
NEUROSCIENCES Des chercheurs de l’EPFL et des scientifiques américains misent sur les mitochondries, ces «centrales énergétiques» des cellules, qui fournissent notamment de l’énergie à celles du cerveau, pour lutter contre Alzheimer. Celles-ci sont en effet dysfonctionnelles dans le cerveau des personnes touchées. Les chercheurs ont identifié deux mécanismes cellulaires naturels servant à protéger les mitochondries saines et à recycler les défectueuses, et cherché à les activer de manière pharmacologique.
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En millions de francs, la somme empochée par l’entreprise biopharmaceutique lausannoise AC Immune, après que Genentech, membre du groupe Roche, a administré pour la première fois à un patient un de ses anticorps contre la maladie d’Alzheimer dans le cadre d’un essai clinique de phase 2. Il s’agit du troisième paiement d’étape depuis le début en 2012 de la collaboration stratégique entre les deux sociétés.
L’APPLICATION
GRIPPENET CH Rapporter soi-même ses symptômes grippaux pour aider à mieux surveiller et modéliser la propagation de la maladie au niveau national, c’est le concept de GrippeNET CH, une app conçue par des scientifiques de l’EPFZ et de l’Université de Genève. En échange de leurs données personnelles (anonymisées), les participants reçoivent des informations sur la situation de la grippe en Suisse, des conseils pour mieux s’en protéger et la satisfaction de contribuer à une initiative citoyenne pour le bien public. GrippeNET est l’adaptation suisse du réseau européen influenzanet, qui a prouvé qu’il était capable de détecter les épidémies de grippe plus rapidement que les systèmes traditionnels.
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HEALTH VALLEY
FABRINAL, SWISSMEDIC
La difficile mise sur le marché des dispositifs médicaux Commercialiser des produits de technique médicale devient de plus en plus difficile, surtout pour les entreprises de petite taille. Explications. RÉGLEMENTATION Cloé Houriet, responsable de la société Fabrinal, spécialisée dans le domaine de la technologie oculaire, tente depuis deux ans de commercialiser une nouvelle canule mise au point pour prévenir l’hypertension oculaire. Mais son entreprise n’est pas encore au bout de ses peines. «L’organe d’évaluation suisse de la conformité auquel nous avons fait appel a perdu son accréditation, nous devons tout recommencer!» déplore la directrice de la société basée à La Chaux-de-Fonds. En effet, à la suite du scandale des implants mammaires défectueux du fabricant français Poly Implant Prothèse (PIP), les exigences liées à la commercialisation des dispositifs de technique médicale ont été revues à la hausse par la Commission européenne. Ce durcissement se fait principalement ressentir au niveau des organismes de certification, dont le travail est d’attester la conformité du produit en fonction de la classe de risque à laquelle il appartient. «En raison de la taille relativement restreinte de son marché, l’équivalence entre les dispositions légales suisses et européennes est essentielle pour toute la branche des dispositifs médicaux», souligne Bernhard Bichsel, chef de la division des dispositifs médicaux de Swissmedic, l’autorité responsable de la surveillance du marché des produits thérapeutiques en Suisse. Le pays doit donc s’aligner sur cette décision en révisant les exigences soumises aux organes d’évaluation de la conformité. Ces conditions compliquent particulièrement la tâche pour les petites entreprises, comme Fabrinal. «Les grandes sociétés ont des équipes en place pour traiter ces sujets, alors que les plus petites font souvent face à des difficultés pour gérer ces aspects», constate Bernhard Bichsel. En plus de l’augmentation des ressources humaines et financières nécessaires, l’obtention du certificat de conformité CE est également 7
TEXTE CAROLE EXTERMANN
CI-DESSUS: LA CANULE CONÇUE PAR FABRINAL, L’ENTREPRISE DIRIGÉE PAR CLOÉ HOURIET. EN-BAS: BERNHARD BICHSEL, CHEF DE LA DIVISION DES DISPOSITIFS MÉDICAUX DE SWISSMEDIC
rendue plus difficile pour la société dans la mesure où l’instrument développé est totalement innovant et ne comporte pas d’équivalent sur le marché. Et si la Confédération entend ainsi obtenir des outils médicaux plus sûrs et de meilleure qualité, ces mesures risquent d’encourager la fuite des entreprises suisses vers l’étranger. C’est d’ailleurs la solution adoptée par Cloé Houriet et son équipe, qui ont choisi de s’orienter vers un organisme européen. «Nous avons sélectionné l’organe le plus compétent pour notre domaine, l’ophtalmologie, et avons opté pour l’un des deux plus importants afin d’être sûrs d’arriver au bout du processus», explique la directrice. Mais malgré cette réorientation, l’obtention du marquage CE tarde, principalement en raison de la surcharge dont souffre l’organisme. Aux États-Unis, en revanche, la procédure de certification est plus rapide, ce qui a amené la société Fabrinal à préférer cette option pour vendre son dispositif médical, avant d’essayer de le commercialiser dans un second temps en Europe. L’association Swiss Medtech, impliquée dans la protection des intérêts de la technologie médicale suisse, assure avoir pris la mesure du problème. «Il ne reste actuellement plus que deux organes de certification helvétiques, et il est compliqué de leur garantir un avenir», explique Jorg Baumann, directeur juridique et gérant adjoint de l’association. Afin de soutenir les jeunes entreprises dans le processus de commercialisation et les préparer aux nouvelles prescriptions de la législation, Swiss Medtech a mis en place une plateforme d’information et d’échange coordonnée par Peter Studer, expert senior en matière de réglementation. Par le biais de séminaires, l’organisation entend guider les start-up et ainsi préserver et encourager l’industrie suisse en matière de technologie médicale. ⁄
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HEALTH VALLEY
L’UNIL découvre une nouvelle maladie
PIERRE HOFFMEYER
LA FONDATION SUISSE POUR L’INNOVATION ET LA FORMATION EN CHIRURGIE (SFITS) VIENT D’OUVRIR AU SEIN DES HÔPITAUX UNIVERSITAIRES GENEVOIS. CETTE ENTITÉ INDÉPENDANTE AMBITIONNE DE DEVENIR LE CENTRE DE FORMATION DES ROMANDS.
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QU’EST-CE QUE CE CENTRE VA CHANGER POUR LA FORMATION DES CHIRURGIENS?
Il permet une meilleure centralisation et offre de plus nombreuses possibilités de s’exercer avant la première opération au bloc. Nous disposons des tout derniers simulateurs pour se former à l’arthroscopie, la chirurgie viscérale ou encore cardiovasculaire, ainsi que d’une salle pour pratiquer sur des spécimens anatomiques. Nous avons aussi un auditoire de 50 places et mettons sur pied un centre de neuroprothétique. VOUS NE VOUS IMPLIQUEZ PAS SEULEMENT POUR LA FORMATION, MAIS ÉGALEMENT POUR L’INNOVATION EN CHIRURGIE. DANS QUEL SENS?
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Nous collaborons avec des acteurs de l’industrie medtech qui veulent présenter leurs nouveautés aux chirurgiens. L’un d’eux nous a laissé un de ses robots et entend organiser un cours mensuel pour des spécialistes de toute l’Europe. Mais l’innovation concerne aussi les médecins qui veulent développer de nouvelles techniques chirurgicales ou des instruments personnalisés. Nous disposerons en outre d’un laboratoire biomécanique avec une imprimante 3D pour concevoir des prothèses et des instruments inédits.
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À QUEL PUBLIC LE CENTRE EST-IL DESTINÉ?
Nous sommes ouverts à tous les interventionnels, soit les chirurgiens orthopédiques et viscéraux, les urologues, les neurochirurgiens, mais également les gastroentérologues, les pneumologues ou les ORL, ainsi que les techniciens en radiologie médicale et les infirmières et techniciens en salle d’opération, pour ne citer qu’eux. / Le Professeur Pierre Hoffmeyer est le président de la SFITS. Il a auparavant dirigé le Service de chirurgie orthopédique et traumatologie des HUG.
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3 QUESTIONS À
GÉNÉTIQUE Le Centre intégratif de génomique de l’UNIL a identifié la cause génétique d’une maladie jusqu’alors inconnue, consistant en une grave malformation du cerveau. Les enfants atteints ne parlent pas et ne marchent pas, ou décèdent après la naissance. La maladie étant très rare, les auteurs de l’étude ont collaboré avec plusieurs pays pour trouver des cas. C’est finalement en Lituanie, dans une famille avec deux enfants touchés, que les recherches ont débuté. La nouvelle pathologie a été baptisée syndrome d’Alkuraya-Kucinskas, en l’honneur des médecins lituanien et saoudien ayant identifié les premiers patients. Cette découverte a été publiée en janvier dans l’American Journal of Human Genetics.
En millions de francs, le montant récolté par la start-up GNUbiotics basée au BioArk de Monthey lors de son premier tour de financement auprès d’investisseurs privés. La société développe des compléments alimentaires dont les composants se rapprochent de ceux présents dans le lait maternel afin de lutter contre l’obésité et les infections intestinales. L’entreprise vise par ailleurs le marché de la nourriture pour animaux de compagnie.
KidsE, un jeu vidéo pour les greffés du foie
SERIOUS GAME Disponible sur ordinateur et tablette, KidsE a pour but d’aider les enfants et les adolescents qui ont reçu ou vont subir une transplantation du foie à mieux apprivoiser leur maladie pour augmenter les chances de réussite de leur greffe. Ce «serious game» conçu par deux professeures du Centre suisse des maladies du foie de l’enfant basé à Genève a reçu le premier prix du Challenge Debiopharm-Inartis 2017. À terme, ce jeu pourrait servir à responsabiliser le jeune patient pour d’autres types de greffe ou dans le cas de maladies chroniques.
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HEALTH VALLEY
La cigarette sous pression L’étau se resserre sur l’industrie du tabac, historiquement bienvenue en Suisse. Étude
La Fondation Swiss Lungs a décerné son Swiss Aerosol Award 2017 au Professeur Reto Auer, de l’Institut bernois de médecine de famille et de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne, pour avoir mené la première étude indépendante sur la cigarette électronique IQOS de Philip Morris. Selon cette recherche, contrairement aux études fournies par le cigarettier, l’IQOS émet bien des composés toxiques cancérigènes comme ceux de la cigarette traditionnelle et ne devrait pas être autorisée à contourner les interdictions de fumer dans les lieux publics fermés.
Fumée passive
Les CFF pourraient bannir la cigarette de toutes leurs gares d’ici à la fin de l’année. Des tests ont actuellement lieu dans six gares de Suisse. Nyon teste depuis février le modèle 100% non-fumeur, tandis que Neuchâtel essaie un modèle moins restrictif, avec des «lounges» fumeurs. Les CFF devraient prendre une décision définitive dans le courant de l’été. En Europe, la cigarette est bannie des gares françaises, italiennes, autrichiennes, espagnoles, belges et néerlandaises. Les CFF ont interdit la fumée dans les trains en 2005.
Politique
La parlementaire vaudoise Rebecca Ruiz a déposé en décembre une motion visant à interdire la publicité pour le tabac dans les points de vente, afin que les cigarettiers ne puissent plus cibler les enfants et les adolescents qui les fréquentent. Selon le texte, l’interdiction croissante de la publicité pour le tabac au cinéma ou sur les affiches a poussé la réclame à migrer dans les kiosques. Selon une étude, près de 80% d’entre eux font de la publicité pour le tabac, et dans près de la moitié des cas, les visuels sont installés à proximité des bonbons et des friandises et se situent à hauteur des yeux des enfants.
Recharger ses batteries grâce à l’anguille
PAULO OLIVEIRA / ALAMY
BIOPHYSIQUE Des chercheurs de l’Université de Fribourg, en collaboration avec des universités américaines, se sont penchés sur les mécanismes permettant à l’anguille électrique de produire du courant. S’inspirant du poisson qui se sert de la sortie d’ions de potassium et de l’entrée d’ions de sodium dans certaines cellules pour créer une tension, ils sont parvenus à produire de l’électricité en se basant sur la différence de salinité entre des compartiments d’eau douce et d’eau salée séparés par des membranes sélectives d’ion. Ces travaux, publiés en décembre dans la revue Nature, pourraient permettre à terme de recharger des pacemakers ou des prothèses sans intervention chirurgicale.
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HEALTH VALLEY
ÉTAPE N° 14
YVERDON-LES-BAINS
SUR LA ROUTE
LAMBDA HEALTH SYSTEM
Dans chaque numéro, «In Vivo» part à la rencontre des acteurs de la Health Valley. Yverdon-les-Bains est la destination de cette édition.
Un robot pour retrouver la marche La start-up Lambda Health System a mis au point un appareillage robotique pour améliorer la rééducation des personnes souffrant d’un trouble locomoteur. TEXTE: CAROLE EXTERMANN
Simplifier le réapprentissage de la marche à la suite d’un accident cardiovasculaire, d’un traumatisme crânien ou d’un autre problème locomoteur: c’est l’objectif que s’est fixé Lambda Health System. Pour ce faire, la start-up, basée à Yverdon-les-Bains, a imaginé un robot qui permet de faciliter le travail à la fois pour le patient et le thérapeute. Développé en étroite collaboration avec des médecins, il s’agit d’un dispositif mural, dont la forme rappelle la lettre grecque lambda, auquel les jambes du patient sont accrochées. L’innovation principale du robot s’exprime à travers sa flexibilité et son pouvoir d’adaptation aux besoins du traitement. «La force de Lambda Robot est qu’il est en mesure de mémoriser le geste du médecin, détaille Aurélien Fauquex, CEO et cofondateur de la start-up. Dans un second temps, la robotisation permet au patient de répéter à de nombreuses reprises les mouvements enregistrés, chose 10
que le thérapeute n’a ni le temps ni la force de faire.» Il a en effet été prouvé que la répétition des gestes constitue un élément clé pour la rééducation de la marche. Un autre avantage de ce produit est sa compatibilité avec un dispositif de réalité virtuelle en interaction directe avec les exercices effectués durant la séance. Cette dimension ludique est combinée à une fonction haptique: des capteurs placés sous les pieds de la personne permettent à l’appareil d’enregistrer des données précises concernant le déroulement du traitement. Cela permet d’obtenir un compte rendu détaillé afin de pouvoir adapter directement l’exercice. Après une période d’essais cliniques réalisés au CHUV, les ingénieurs de Lambda Health System ont perfectionné l’appareil selon les retours des patients, donnant naissance à une troisième version du robot. Arrivé à la dernière phase du processus d’homologation, Lambda Robot devrait être mis sur le marché cet été. ⁄
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HEALTH VALLEY
BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech
Miser sur l’intelligence collective pour libérer le potentiel de notre région
L’homme a une formidable propension à rêver, à générer des idées. Combien se transformeront réellement en solutions et profiteront à notre quotidien? Si peu! Vous pouvez changer cet état de fait en contribuant à des initiatives s’appuyant sur l’intelligence collective. L’intelligence collective est aujourd’hui un buzz word, mais combien la pratiquent réellement? De la démocratie à la cognition, en passant par les interactions sociales, tous les fondements sociaux pourraient bien être renouvelés. Et le premier trait d’ébauche, qui vous inclut chacun personnellement, est celui de la prééminence des réseaux sociaux, qui sont en train de littéralement redessiner les liens entre les humains.
Pourtant l’intelligence collective se trouve encore à un stade de passivité avec une satisfaction de la simple réaction. Ce niveau qui pourrait être qualifié d’émotif doit faire place peu à peu à une rationalité agissante qui utilisera une cognition distribuée. Cette démarche est au cœur d’une initiative régionale bien concrète qui contribue au domaine de la santé: le Challenge Debiopharm-Inartis. Cette initiative représente un moyen de dénicher de nouvelles solutions et de libérer le potentiel créatif de la société civile… en redonnant du sens aux idées de chacun. Ils sont là pour accompagner l’intelligence collective. Dans un monde où l’interdisciplinarité devient une nécessité autant qu’une réalité, la coopération intellectuelle entre humains dans un environnement technique extraordinaire est une solution pour faire émerger des idées de rupture, réellement révolutionnaires. Et tout cela est la clé de voûte pour construire «ensemble» notre futur.
L’interconnexion des individus crée un réseau structurant la réactivité d’une société face à un évènement – une empathie collective commence à être de plus en plus visible avec C’est dans cet état d’esprit que le Challenge Debioune diffusion accélérée et orientée de messages pharm-Inartis d’une valeur de 80’000 francs (dont portés par de nouveaux types de leaders 50’000 en espèces) a été lancé au mois de février d’opinions de l’information. Cette interconpour la 3e année consécutive sur la thématique de nexion pourrait se représenter comme une «La qualité de vie du patient en cours de traitement». toile de liens de confiance totalement artificiels L’enjeu est de faire émerger les meilleures idées qui propagerait à son ensemble toute vibration et de les accompagner jusqu’à leur prototypage. ressentie. La présence à portée de main d’outils comodérés par l’intelligence collective tels que Les entrepreneurs dessinent notre futur grâce aux Wikipédia permet d’externaliser la mémoire, de forces présentes. Ces compétences et ces énergies, ce libérer l’intelligence de la tâche du souvenir et de sont les vôtres et celles de votre réseau. Cette manne, lui offrir l’opportunité de se transformer, comme nous en aurons besoin pour réussir et faire de cette inile pense notamment Michel Serres. Au-delà du tiative un tremplin de projets innovants. De spectateurs, nouveau mode d’accès à l’information, c’est toute devenez acteurs de la dynamique en place. Soumettez la sélection de l’information importante qui est vos idées et repartez avec des projets concrets. ⁄ remise en question avec le plébiscite collectif comme premier critère. EN SAVOIR PLUS DR
www.bioalps.org www.republic-of-innovation.ch
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AUTOUR DU GLOBE Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde.
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Nombre de décès dus au paludisme en 2016 dans le monde. En tout, l’Organisation mondiale de la santé a recensé 216 millions de cas de la maladie en 2016, soit 5 millions de plus qu’en 2015. 90% des cas ont été enregistrés en Afrique.
L’OBJET
PREMIÈRE PILULE CONNECTÉE AUTORISÉE AUX ÉTATS-UNIS La Food & Drug Administration a autorisé la commercialisation sur le territoire américain d’une pilule connectée. Le médicament, un antipsychotique baptisé «Abilify MyCite», s’adresse aux personnes bipolaires ou schizophrènes. Concrètement, le traitement contient un capteur qui transmet un signal dès qu’il entre en contact avec les sucs gastriques. Le signal est réceptionné par un patch collé sur le corps du patient, qui envoie ensuite la date et l’heure de la prise du médicament à une application smartphone. Selon le souhait du patient, médecins ou proches ont accès à ces informations. La méthode permet de surveiller que les médicaments ont bien été pris et d’améliorer le suivi médical. Toutefois, une partie des spécialistes s’élève contre le caractère intrusif de cette nouvelle technologie. 12
Une opération en réalité augmentée
INNOVATION Un chirurgien de l’hôpital Avicenne, en région parisienne, a réalisé une opération de l’épaule à l’aide de lunettes de réalité augmentée, une première mondiale. Le casque Hololens de Microsoft lui a permis de visualiser virtuellement le squelette en 3D durant l’intervention et d’accéder à de nombreuses informations comme l’épaisseur des tissus et l’emplacement précis des organes. Selon le spécialiste, la technique rend l’opération plus précise et plus rapide, pour une meilleure récupération du patient.
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Des villes sans parfum Hôpitaux, bâtiments municipaux, bibliothèques, universités: le port de produits parfumés est interdit dans de nombreux lieux publics nord-américains. TEXTE environnement inodore en raison POLITIQUE PUBLIQUE Dans la petite ville SOPHIE d’allergies et ordonné à la Ville de prendre d’Edmundston, à l’est du Canada, sentir le GAITZSCH les mesures nécessaires. Un certain parfum ou le shampoing n’est plus nombre d’entreprises ont également suivi le considéré comme un égard pour ses collègues mouvement dans les deux pays. et ses voisins dans les transports publics. Au contraire. En avril 2015, le Conseil municipal a Au Canada, les problèmes de santé provoqués adopté une politique demandant aux personnes par les parfums sont pleinement reconnus qui se rendent dans les bureaux municipaux par les autorités et de nombreuses associations. ou qui y travaillent de «s’abstenir d’utiliser des Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au produits excessivement parfumés». Pour le travail parle d’«hypersensibilité environnemenmaire, Cyrille Simard, c’est une question de tale». Les personnes atteintes présentent des santé publique. La Ville a reçu des plaintes de symptômes lorsqu’elles sont exposées à certains plusieurs citoyens. Un nombre croissant de produits à de faibles concentrations tolérées par personnes souffrent d’une hypersensibilité la plupart des gens, explique-t-il sur son site. aux produits odorants, dont les symptômes Pourtant, la question continue de faire débat. comprennent maux de tête, nausées, fatigue, essoufflement ou encore irritation cutanée. «Les chercheurs qui se sont intéressés à ce syndrome d’hypersensibilité chimique n’ont Edmundston est loin d’être une exception sur pas trouvé de cause biologique claire à ce jour, le continent américain. Halifax, également au explique Thierry Buclin, médecin-chef du Canada, fait figure de pionnière en la matière. Service de pharmacologie clinique du CHUV. Son hôpital a instauré les premières mesures Il n’est pas exclu que la recherche ait encore anti-parfum au début des années 1990. quelques secrets à livrer dans ce domaine. Depuis, la Ville dissuade le port de cosmétiques Mais on tend plutôt à invoquer un phénomène odorants dans les bâtiments municipaux, les neurocognitif, voire des explications purement bibliothèques, les écoles et les bus. Son univerpsychologiques ou culturelles. Mais on ne peut sité est également estampillée «sans parfum» pas simplement balayer ces plaintes en disant depuis 1995. Aux États-Unis, l’exemple le plus que ‘c’est dans la tête’. Il faut toujours écouter marquant concerne Détroit. En 2006, la justice les patients. Cliniquement, le syndrome existe, a donné raison à une employée municipale même s’il reste inexpliqué.» ⁄ qui réclamait le droit de travailler dans un
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PREMIERS SINGES CLONÉS Zhong Zhong et Hua Hua sont nés au mois de décembre dernier en Chine. Ces macaques crabiers sont les premiers primates clonés avec la même technique utilisée vingt ans plus tôt pour la célèbre brebis Dolly. Les chercheurs chinois ont dû passer par l’implantation de près de 79 embryons pour parvenir à ces deux naissances. CHINA DAILY CDIC / REUTERS
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Importante greffe de peau génétiquement modifiée MALADIES RARES Des médecins allemands et italiens ont greffé avec succès de la peau génétiquement modifiée sur 80% de la surface du corps d’un enfant de 7 ans. Il s’agit d’une première mondiale. Le garçon souffrait d’épidermolyse bulbeuse, une maladie rare. Les médecins ont prélevé des cellules de peau du patient. Ils y ont introduit un gène sain qui a permis de fabriquer suffisamment de peau génétiquement modifiée pour une greffe sur la quasi-totalité du corps. Auparavant, ce type de greffe n’avait été réalisé que sur de petites surfaces.
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LE SÉ VO LA VI IN Cocktail toxique: comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau BARBARA DEMENEIX ODILE JACOB, 2017
Les capacités cognitives des Occidentaux reculent. Un déclin que certains scientifiques attribuent à l’exposition à des perturbateurs endocriniens. Dans son nouvel ouvrage, la biologiste française Barbara Demeneix, une spécialiste internationalement reconnue en endocrinologie, se penche sur les effets néfastes de ces substances sur le cerveau. Et explique quelles sont les mesures concrètes à prendre.
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RÉMI QUIRION
LE QUÉBEC POSSÈDE UN SCIENTIFIQUE EN CHEF. EXPLICATIONS.
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Superintelligence NICK BOSTROM DUNOD, 2017
Comment s’assurer que l’intelligence artificielle ne se révélera pas hostile à l’humanité? Dans son best-seller traduit en 19 langues, le professeur à l’Université d’Oxford Nick Bostrom analyse les difficultés que pose la recherche d’une intelligence supérieure. Et aborde la question du contrôle. Il se demande par exemple si ces intelligences doivent être confinées, ou si on peut leur inculquer des valeurs éthiques.
EN QUOI CONSISTE LE RÔLE DE SCIENTIFIQUE EN CHEF DU QUÉBEC?
Cette fonction créée en 2011 comprend différents volets. Je conseille le gouvernement québécois sur la recherche et l’innovation, dirige les trois fonds de recherche du Québec et œuvre pour augmenter la visibilité internationale des scientifiques québécois, pour n’en citer que quelques-uns. Si le gouvernement a besoin d’un avis, il s’adresse à moi. Je vais chercher les réponses auprès de la communauté scientifique et les fais remonter. Le fait d’avoir un interlocuteur unique permet d’être efficace.
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R É OS S U LES VID U ES ET .COM 0 IQ E N N O ZI R A AG S CH NVIVOM VERS LE WWW.I S LIENS
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3 QUESTIONS À
QUELLES SONT LES PRIORITÉS DE LA RECHERCHE AU QUÉBEC?
Quatre-vingt pour cent des budgets de recherche sont attribués à des projets non ciblés. Nous tenons à soutenir l’excellence dans tous les domaines. Les 20% qui restent sont consacrés aux grands défis actuels comme les conséquences du changement climatique, l’impact de l’intelligence artificielle sur la société ou le vieillissement de la population. Le Québec est la deuxième société la plus âgée après le Japon.
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QUELS SONT LES LIENS EN MATIÈRE DE RECHERCHE ENTRE LA SUISSE ET LE QUÉBEC?
Il existe beaucoup de collaborations entre chercheurs. Mais il n’existe pas de partenariat plus général, par exemple entre les fonds de recherche suisse et québécois. Je souhaiterais que notre relation avec la Suisse puisse être développée. J’y ai effectué une mission en 2017 et je pense qu’il y a un intérêt de part et d’autre. / Rémi Quirion est scientifique en chef du Québec depuis 2011. Spécialiste de la maladie d’Alzheimer, de la schizophrénie et de la douleur, il a auparavant occupé divers postes au sein d’instances académiques de la province canadienne.
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CANCER
SCHIZOPHRÉNIE
IV n° 1
p. 17
Effets contrastés de la pilule Les contraceptifs hormonaux augmentent la probabilité d’être affectée par le cancer du sein. C’est la conclusion d’une vaste étude danoise. Le suivi de 1,8 million de femmes pendant 11 ans arrive à la conclusion que la hausse du risque relatif atteint 20%. L’étude montre aussi que l’ampleur du risque augmente avec la durée d’utilisation. Mais les contraceptifs hormonaux seraient aussi associés à des effets protecteurs contre les cancers ovariens, de l’endomètre et peut-être colorectal. /
IV n° 9
SOMMEIL
p. 46
IV n° 5
Avatars prometteurs
Nouveau traitement
Environ deux tiers des personnes souffrant de schizophrénie entendent des voix. Pour aider à combattre ce phénomène, des chercheurs du King’s College de Londres ont mis au point des avatars numériques. Le principe: personnifier les voix menaçantes en leur donnant un visage permet aux patients de les affronter et de les dominer. Un groupe de 75 personnes schizophrènes a suivi cette thérapie pendant un essai de trois mois. À l’issue de cette période, sept d’entre elles avaient totalement arrêté d’entendre des voix. /
Un premier traitement entièrement oral contre la maladie du sommeil, une affection mortelle transmise par la mouche tsé-tsé, pourrait bientôt voir le jour. Des études cliniques menées par l’ONG genevoise Drugs for Neglected Diseases Initiative et ses partenaires ont montré que le fexinidazole, un ancien médicament oublié, était sûr et efficace pour lutter contre la maladie. /
PERCEPTION IV n° 3
p. 19
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KING’S COLLEGE LONDON
Les musiciens entendent mieux la parole Une nouvelle étude chinoise montre que, dans un environnement bruyant, les musiciens distinguent mieux le discours humain. Pour comprendre ce phénomène, les scientifiques ont analysé l’activité cérébrale de musiciens et de non-musiciens grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle en leur demandant d’identifier les syllabes d’un discours avec différents niveaux de bruits de fond. /
p. 29
ADOLESCENTS IV n° 7
p. 19
Cerveau immature Si les adolescents se comportent parfois de manière dangereuse ou ne font pas les efforts nécessaires même pour un examen important, c’est que leur cerveau n’est pas suffisamment développé. C’est la conclusion d’une équipe de chercheurs de l’Université Harvard. Les scientifiques ont examiné un groupe de jeunes de 13 à 20 ans. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, ils ont constaté que la capacité des plus âgés à adapter leurs performances en fonction des enjeux était lié au développement d’une région du cerveau appelée réseau corticostriatal. /
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Cristaux de fluoxétine. Plus connue sous son nom commercial Prozac, cette substance découverte en 1974 est utilisée dans le traitement de la dépression.
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ANTONIO ROMERO / SCIENCE PHOTO LIBRARY
MIEUX COMPRISES, MIEUX TRAITÉES /
Les troubles mentaux sont fréquents et restent encore trop souvent soignés tardivement. La mise au point de méthodes de détection plus précises et de nouveaux traitements pourrait changer la donne. À cet égard, le développement de la recherche est crucial.
/
PAR
ERIK FREUDENREICH 19
FOCUS
MALADIES PSYCHIQUES
E
il n’existe pas encore de solutions pour prévenir le déclenchement de ces maladies. Une situation qui pourrait changer grâce à la découverte de biomarqueurs spécifiques aux maladies psychiques. Par biomarqueur, on entend une mesure des signaux générés par les différents processus biologiques du corps humain. C’est le principe de l’analyse du taux de cholestérol ou de la pression artérielle, signes avant-coureurs de maladies cardiaques.
ntre 85 et 100 milliards, c’est le nombre de neurones que contient notre cerveau. Chacune de ces cellules est connectée à 10’000 autres, de quoi réaliser jusqu’à 100 trillions d’échanges d’informations simultanés. Un enchevêtrement aussi complexe que dynamique qui peut engendrer des dysfonctionnements, avec pour résultat des maladies psychiques comme Alzheimer, la dépression ou les troubles bipolaires. Ces pathologies continuent à occuper une place à part dans la médecine, comme l’explique Jacques Gasser, chef du Département de psychiatrie du CHUV, dans l’entretien qui clôt ce dossier (p. 28). Leur diagnostic demeure complexe et comprend toujours une part de subjectivité. Les médicaments disponibles présentent moins d’effets secondaires, mais leur action continue à atténuer les symptômes plutôt que de les soigner. Enfin,
VERS UNE DÉTECTION PLUS PRÉCOCE
CHIFFRES
1’400’000 Le nombre de personnes touchées par les maladies psychiques en Suisse.
/
20%
La proportion de jeunes souffrant de troubles psychiques.
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Nombre d’axes de recherche au sein du Département de psychiatrie du CHUV: neurosciences, psychothérapie, sciences humaines, santé publique et épidémiologie.
Selon l’Observatoire suisse de la santé, 18% de la population suisse souffre de problèmes psychiques ressentis comme graves ou moyens. Mais malgré leur fréquence, ces maladies restent diagnostiquées tardivement. Un retard de prise en charge qui est particulièrement fréquent en cas de psychoses: «La schizophrénie est souvent diagnostiquée deux ans après le déclenchement des premiers symptômes, un délai qui peut atteindre dix ans pour les troubles bipolaires, explique ainsi Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie générale au CHUV. Or, plusieurs études ont montré que plus le temps entre le début de la maladie et les traitements est long, moins l’évolution des patients est bonne.» Les psychoses se déclarent en général vers la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte, une phase critique de la vie. D’où l’idée de la mise en place du Programme traitement et intervention précoce dans les troubles psychotiques (TIPP), qui prend en charge chaque année une cinquantaine de patients entre 18 20
Identifier des biomarqueurs dans un organe aussi complexe que le cerveau n’est pas une tâche aisée. Mais à l’instar de la neurobiologiste Kim Do Cuénod, les scientifiques estiment que leur découverte est cruciale (lire point 2, p. 22). Ils permettront de garantir une prise en charge plus précoce des personnes à risque, d’établir des méthodes de diagnostic objectives, et de développer des médicaments mieux adaptés à chaque patient.
et 35 ans. Une approche qui soulève aussi des questions éthiques: jusqu’où peut-on aller dans cet effort? «Notre programme d’intervention précoce concerne des patients chez qui la maladie est déjà clairement constituée, insiste Philippe Conus. La question peut se poser chez des personnes à haut risque, mais ces dernières présentent en général d’autres problèmes qui justifient des soins: dépression, anxiété. Dans cette phase dite de prodrome, nous employons des stratégies très douces. On ne va pas donner des neuroleptiques, il s’agit surtout d’interventions psychosociales.»
ALZHEIMER ET TROUBLES AFFECTIFS La question de la détection précoce des troubles psychiques concerne aussi la population âgée, remarque Armin von Gunten, chef du Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA) au CHUV. «Les personnes qui souffrent d’une pathologie démentielle, par exemple une maladie d’Alzheimer, manifestent aussi des troubles psychiques ou du comportement, comme l’anxiété ou la dépression, souvent à un stade précoce de la maladie.»
FOCUS
MALADIES PSYCHIQUES
«UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES MÉCANISMES DES MALADIES EST NÉCESSAIRE POUR DÉVELOPPER DE NOUVEAUX TRAITEMENTS» Philippe Conus estime qu’une collaboration entre les différentes branches de la psychiatrie est essentielle pour avancer dans la connaissance et la prise en charge des troubles psychiques.
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connaissons pas les mécanismes qui sont à la base des maladies, et que tous les patients ne réagissent pas aux traitements dont nous disposons. Cette réponse variable est probablement liée au fait que nous diagnostiquons des syndromes et groupons des maladies qui, malgré une surface commune, peuvent être liées à des mécanismes complètement différents. Une meilleure compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour développer de nouveaux traitements médicamenteux.
ERIK FREUDENREICH
a compréhension des maladies psychiques s’améliore d’année en année. La recherche fondamentale est de plus en plus souvent associée à l’étude de groupes de patients – une approche dite translationnelle. Si les résultats ne sont pas encore applicables immédiatement, de nouvelles pratiques comme la détection précoce améliorent la vie des personnes concernées.
in vivo Qu’est-ce qui fait la particularité de la recherche en psychiatrie aujourd’hui? philippe conus Nous sommes dans une phase où les outils technologiques nous permettent de voir des choses invisibles jusqu’ici, notamment au niveau neurobiologique. Pour autant, même si ces avancées suscitent l’enthousiasme, il ne faut pas oublier que les patients ont chacun une façon propre de percevoir le monde. Ils peuvent avoir besoin d’une
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médication pour atténuer les symptômes, mais aussi d’une aide psychologique pour aborder les choses de manière différente. C’est pourquoi une approche éclectique est importante. Elle doit être basée sur une alliance entre la psychothérapie, la neurobiologie et la psychiatrie de base, afin de permettre de tirer les bénéfices des avancées dans chacun de ces domaines. Cette évolution a été concrétisée par la création de postes de cliniciens chercheurs, dont le cahier des charges se divise entre la recherche fondamentale et le suivi des patients. Qu’en est-il du développement de nouveaux médicaments? pc Le problème, c’est que nous ne iv
iv Un effort important porte sur l’intervention précoce? pc Oui, elle concerne désormais l’ensemble des troubles psychiques. Plus seulement la psychose. À ce jour, nous ne pouvons pas empêcher complètement le développement de ces maladies, mais nous pouvons soit en retarder l’émergence, soit en atténuer l’intensité et prévenir le développement des complications secondaires, qui sont celles qui engendrent le plus de problèmes dans la vie du patient.
PHILIPPE CONUS EST CHEF DU SERVICE DE PSYCHIATRIE GÉNÉRALE ET ADJOINT À LA DIRECTION MÉDICALE DU DÉPARTEMENT DE PSYCHIATRIE DU CHUV EN CHARGE DE LA RECHERCHE.
LAURIANNE AEBY
PROPOS RECUEILLIS PAR
FOCUS
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Agressivité verbale ou physique, agitation: ces troubles peuvent rapidement poser des difficultés majeures aux proches comme aux soignants. «Il s’agit d’un aspect négligé jusqu’ici par la recherche en matière d’Alzheimer, qui s’est concentrée sur la découverte de traitements qui modifient l’évolution de la maladie.» C’est pourquoi Armin von Gunten et son équipe, en collaboration avec le neurobiologiste Ron Stoop, ont lancé voilà trois ans une étude pour identifier en amont la survenue de ces troubles chez les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer débutante. Une des pistes concerne le rôle de l’ocytocine en matière d’attachement personnel. «Cette hormone est une substance cruciale pour les contractions utérines lors de la naissance ou l’éjection du lait maternel. Elle influence aussi les liens sociaux entre une mère et son enfant et, plus tard, entre adultes.» L’idée est que l’ocytocine pourrait améliorer les relations personnelles chez des patients présentant des troubles cognitifs. «L’étude a été menée sur un mode translationnel. L’équipe de Ron Stoop a travaillé sur des modèles animaux. Les résultats de ces efforts sont vérifiés dans un second temps auprès d’une cohorte de patients, détaille Armin von Gunten. Les analyses préliminaires de notre étude vont dans notre sens. Si elles se confirment, il faudra ensuite vérifier comment adapter les soins au profil d’attachement social de chaque patient.»
DES TRAITEMENTS BASÉS SUR DES BIOMARQUEURS La recherche translationnelle, c’est aussi le cheval de bataille de Kim Do Cuénod, cheffe du Centre de neurosciences psychiatriques du CHUV, qui vient d’être désignée lauréate 2018 du prestigieux «Outstanding Basic Science Award», un prix décerné tous les deux ans par la Société internationale de recherche sur la schizophrénie (SIRS). Depuis une quinzaine d’années, la neurobiologiste et son équipe collaborent avec les psychiatres du CHUV pour mieux comprendre la schizophrénie. «Jusqu’ici, les neurosciences étaient le plus souvent consacrées à de la recherche fondamentale, avec des résultats difficilement transposables à l’être humain, remarque Philippe Conus. Avec Kim Do Cuénod, nous voulons résoudre des questions cliniques en nourrissant les observations faites chez l’homme par celles faites chez l’animal et réciproquement. Il s’agit vraiment d’un travail circulaire.» 22
Nouvelles pratiques, nouveaux savoirs Zoom sur quatre projets de recherche menés au sein du Département de psychiatrie du CHUV. TEXTE: JUSTINE LIAUDAT, CÉLINE STEGMÜLLER ET SOPHIE WOELDGEN
MÉDICAMENTS ET PRISE DE POIDS «L’espérance de vie des patients en psychiatrie est de dix à vingt ans inférieure à celle de la population générale», explique Chin Bin Eap, directeur de l’Unité de pharmacogénétique et psychopharmacologie clinique du CHUV. Les antipsychotiques de deuxième génération utilisés pour le traitement des maladies en seraient notamment la cause. Ces derniers engendrent régulièrement des troubles lipidiques pouvant mener à des maladies cardiovasculaires. «Les analyses des psychopharmacologues du CHUV ont montré qu’une prise de poids ou une augmentation du taux de cholestérol supérieure à 5%, après le premier mois de traitement avec ces molécules, permettent de prédire une prise de poids importante ou une hypercholestérolémie après un an.» Face à ce constat, le Département de psychiatrie a émis une directive pour le suivi des effets secondaires des psychotropes. Divers paramètres tels que le profil lipidique, le tour de taille et le poids sont ainsi contrôlés régulièrement dès le début du traitement. «La surveillance de ces variables cliniques prédictives permet de réagir très tôt, explique Alessandra Solida-Tozzi, médecin adjointe responsable de la section Minkowski du Service de psychiatrie générale. L’équipe médicale peut ainsi formuler des conseils pour une bonne hygiène de vie ou alors modifier les prescriptions de médicaments.» La suite des recherches portera sur une détection plus précise des indicateurs ainsi que sur le développement de programmes cliniques permettant de minimiser les risques liés à la prise de molécules psychotropes. CS
RÉSULTATS PROMETTEURS Une première étude a mis en évidence un déficit du système antioxydant dans le cerveau des patients schizophrènes. Après avoir caractérisé les mécanismes chez les modèles expérimentaux, les chercheurs lausannois se sont associés à des scientifiques de l’Université de Harvard pour étudier, dans la
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«IL EST ESSENTIEL D’ÉCOUTER CE QUE VIT UNE PERSONNE QUI SOUFFRE DE PSYCHOSE»
Il y a dix ans, le Fribourgeois Blaise Rochat a vécu une décompensation psychotique. Aujourd’hui, il s’engage pour améliorer les relations entre les patients et les personnes qui les côtoient.
santes. J’ai vécu des peurs très intenses lors de certains moments de délire. C’était vraiment très difficile à supporter. La situation est devenue impossible à gérer pour mes proches.
«Ma vie a basculé vers l’âge de 46 ans. J’avais un travail, j’étais marié et père d’un enfant. Je travaillais d’ailleurs dans le domaine de la santé, d’abord en tant qu’infirmier en psychiatrie, puis en tant que professeur HES. C’est alors que de grandes difficultés se sont accumulées: le diagnostic d’un cancer, une septicémie, suivis d’une déception sentimentale. L’hypothèse, c’est que cet ensemble de souffrances m’a amené à faire une décompensation psychotique.
Quand j’ai été hospitalisé, j’ai eu l’impression d’avoir peu échangé avec les soignants. Le moment qui s’est le mieux passé a été la période de la pose du diagnostic, parce que j’avais le sentiment que l’on cherchait véritablement à me comprendre. Une fois le verdict tombé, c’est comme si les souffrances que je vivais sur le plan intérieur n’intéressaient plus personne, puisque cela relevait du délire. Cette période aiguë de ma décompensation a duré environ quatre ans.
Cela s’est traduit par un délire progressif: je me suis mis à entendre des voix et à converser avec elles. Petit à petit, je me suis complètement isolé du monde extérieur. Mes interactions étaient limitées à ces centaines de voix que je percevais sur le plan psychique. Parmi elles, 80% étaient agres-
Quand j’ai commencé à aller mieux, j’ai mesuré l’ampleur des dégâts. J’ai vécu un temps de dépression et de doutes sur le plan de mes capacités, de mon identité. Durant cette phase, j’ai noué des contacts au sein d’une association de patients. J’y ai rencontré des personnes qui m’acceptaient tel que j’étais et qui
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m’ont incité à reprendre des responsabilités. Cela m’a beaucoup aidé pour retrouver confiance en moi et recréer des liens sociaux. Aujourd’hui, j’interviens régulièrement dans des classes de futurs soignants. J’amène un double regard, de personne concernée et d’ancien professionnel de la santé. J’essaie de leur transmettre qu’il est essentiel d’écouter ce que vit la personne qui souffre. Je partage aussi mon histoire via un site web (experience-schizophrenique.ch, ndlr) et lors des conférences destinées au grand public. J’y insiste tout autant sur l’importance d’un dialogue entre patients, proches et professionnels. Actuellement, je présente très peu de symptômes psychotiques, mais je doute encore de mes capacités et de ma manière de réagir à une situation de grand stress. Mon témoignage possède une valeur singulière, cela d’autant plus que j’ai décompensé à un âge plus avancé que la moyenne. Il est néanmoins souvent une source d’espoir pour les gens qui viennent m’écouter.»
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«LES PROCHES ONT AUSSI BESOIN D’UN TEMPS POUR SE RÉTABLIR»
Après que son fils aîné ait développé une schizophrénie, Anne Leroy s’est engagée pour améliorer l’accompagnement de proches de malades psychiques. «La maladie de mon fils s’est déclarée alors qu’il terminait ses études aux Beaux-Arts, à Sion. Nous pensons que l’élément déclencheur a été un double choc émotionnel: la jeune femme avec qui il vivait l’a quitté, et s’est ensuite suicidée. Après une première hospitalisation qui s’est bien passée, Nicolas a dû quitter son logement et s’est retrouvé dans un foyer où les choses sont vite devenues très compliquées. Il est alors retourné à l’hôpital, où il a décidé d’arrêter de parler. Un mutisme qui durera plus de dix ans. Pour mieux comprendre sa maladie, j’ai commencé à parler avec les autres patients hospitalisés. De fil en aiguille, des contacts se sont noués avec leurs proches. J’ai découvert l’isolement, le manque d’informations et de considération
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dont pouvaient souffrir certains parents. Les soignants ont une bonne connaissance de la maladie, mais pas forcément du quotidien et du vécu familial. Cela m’a poussée dans l’idée qu’il fallait créer une association de soutien. En octobre 2003, une douzaine d’entre nous se sont retrouvés pour fonder L’îlot. Les groupements de proches sont d’une grande aide pour raccourcir le temps d’acceptation de la maladie. Dans le cas d’un enfant qui a un grave accident, vous le voyez progresser, se rétablir petit à petit. Avec les troubles psychiques, il y a un avant et un après. La maladie provoque souvent une cassure du lien et de la communication entre le patient et ses proches. Ceux-ci peuvent se retrouver très désemparés, et ont aussi besoin d’un temps de récupération, au même titre que le patient. Chacun doit retrouver un équilibre à son propre rythme. Parfois, c’est le malade qui donne une sacrée leçon de vie à ses proches, parfois ce sont ces derniers qui aident le
patient à retrouver confiance en lui. Lors du lancement de notre association, les participants étaient très heureux de se retrouver en groupe pour échanger. Depuis quelques années, la demande est devenue beaucoup plus personnalisée. Le lien peut s’établir via des appels téléphoniques ou des rendez-vous en tête à tête, parfois pendant des mois, avant que la personne ne se décide à participer à une de nos réunions. Nous accueillons les proches au sens large: parents, frères et sœurs, mais aussi conjoints ou amis. Une interrogation revient souvent de la part des mères que je rencontre: “Est-ce que je serai un jour grand-mère?” C’est une question qui dit tellement de choses… Pour beaucoup, il reste difficile de considérer qu’il y a une vie après la maladie qui puisse être satisfaisante. Mais oui, c’est possible!»
PLUS D’INFO: WWW.LILOT.ORG
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phase débutante de la psychose, les effets de la N-acétylcystéine (NAC), un médicament antioxydant générique. «Les résultats sont très prometteurs, souligne Kim Do Cuénod. Pour qu’une intervention précoce soit possible, nous avons besoin de biomarqueurs permettant de détecter les personnes à risque. Or, nous avons pu observer que la NAC améliore les fonctions neurocognitives chez un sous-groupe de patients qui présentent un taux d’oxydation élevé dans le sang.»
LA PSYCHOTHÉRAPIE POUR COMPRENDRE SES ÉMOTIONS La psychothérapie se montre efficace dans le traitement des troubles de la personnalité. Ce sont les conclusions d’études menées depuis 2010 au Département de psychiatrie du CHUV sur un groupe de jeunes adultes borderline. «À l’heure actuelle, nous savons encore peu du pourquoi et du comment cela fonctionne, avoue Ueli Kramer, chercheur et psychologue-psychothérapeute au Département de psychiatrie. Mais des changements psychologiques et biologiques sont observables directement dans l’interaction en séance, ainsi que d’une séance thérapeutique à l’autre.» Des suivis psychiatriques focalisés sur le diagnostic et la gestion de la maladie peuvent faire partie intégrante d’un traitement, mais pour gérer les difficultés émergeant des troubles de la personnalité, la psychothérapie s’avère être le moyen le plus efficace. Les patients présentent d’importants changements à plusieurs niveaux, allant d’une meilleure régulation affective à une relation thérapeutique constructive et une compréhension améliorée de leur fonctionnement. «Nous avons considéré que le traitement des troubles de la personnalité touchait plutôt à des aspects psychologiques que biologiques», explique Jean-Nicolas Despland, directeur de l’Institut universitaire de psychothérapie du CHUV. Des médicaments sont certes utilisés pour traiter des troubles dépressifs spécifiques par exemple, mais c’est par le biais de la psychothérapie que des changements peuvent être amenés chez les patients. CS 25
L’étude montre par ailleurs que le médicament améliore la connectivité structurelle et fonctionnelle du cerveau de ces patients. Des progrès que les chercheurs ont pu ensuite mesurer via l’électroencéphalographie (une méthode d’analyse qui mesure l’activité électrique du cerveau ndlr). «Ces conclusions valident notre approche de traitement basé sur les biomarqueurs.» La prochaine étape va consister à vérifier les effets de la NAC auprès d’un groupe plus important. «Notre étude a porté sur une cohorte de 60 patients. Il faudrait pouvoir valider ces résultats sur un plus grand nombre de patients, ce qui coûte très cher. De plus, il faudrait pouvoir identifier des cibles plus spécifiques et les traiter. Notre recherche est donc un travail qui s’inscrit dans la durée. Une partie de mon temps est d’ailleurs consacrée à la recherche de fonds, notamment via la fondation Alamaya.»
UNE NOUVELLE MOBILISATION POUR LES PROCHES En parallèle à l’alliance nouée avec les neuroscientifiques depuis une quinzaine d’années, les soignants en psychiatrie ont aussi revu leur relation aux familles des malades. «Auparavant, elles étaient le plus souvent considérées comme faisant partie des problèmes du patient, explique Roland Philippoz, infirmier chef, responsable des soins au Service de psychiatrie générale du CHUV. Voir les proches dans un contexte de partenariat, reconnaître leurs souffrances et leurs difficultés a été un changement fort, pas évident à instaurer.» Aux premiers groupes de parole au sein de l’hôpital et de l’ambulatoire ont succédé des associations de soutien, qui réunissent parents ou proches de patients psychotiques, bipolaires ou borderline. «L’idée essentielle qui anime ces démarches est de développer une communauté, pour que les gens puissent aller les uns vers les autres et mettre en mots ce qu’ils vivent», détaille Catherine Reymond-Wolfer, infirmière clinicienne au CHUV et membre du comité de L’îlot, une association lausannoise de proches de malades psychiques. Des groupements qui peuvent aussi servir à restaurer la confiance entre parents et soignants. «Il y a des pères ou des mères qui ont subi des violences physiques ou psychologiques de la part de leur enfant pendant des mois ou des années avant qu’une intervention
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LA NEUROIMAGERIE DANS LA BALANCE Depuis quelques années, des données de neuro-imagerie cérébrale sont de plus en plus souvent utilisées dans les procès pénaux aux États-Unis et en Europe. Elles viennent compléter l’expertise psychiatrique pénale traditionnelle. Leur introduction dans les tribunaux soulève cependant différentes réserves, notamment concernant leur perception par les acteurs du procès. L’Unité de recherche de l’Institut de psychiatrie légale du CHUV, dirigée par Valérie Moulin, a analysé leur effet sur la perception d’une expertise et sur les décisions judiciaires. L’équipe a interrogé 62 juges et procureurs suisses et français, qui ont été séparés en deux groupes. Le premier a reçu un résumé d’expertise psychiatrique comprenant un résultat écrit de neuro-imagerie cérébrale. Le second a reçu ce même résumé sans ces données. Intégrés dans une expertise psychiatrique pénale, les résultats de ces examens modifient significativement la perception des magistrats de l’expertise judiciaire (perçue comme plus objective, fiable, scientifique, convaincante, etc.) et de la responsabilité pénale de la personne expertisée (évaluée comme moins responsable). Ces résultats corroborent d’autres études montrant l’existence de biais cognitifs dans la perception d’un raisonnement en présence de données de neuro-imagerie. Pour Valérie Moulin, la neurobiologie offre de formidables perspectives pour la compréhension de l’être humain et de son comportement. Cependant, les connaissances sur le comportement violent sont récentes, souvent basées sur de petits échantillons peu représentatifs. Or, les magistrats tendent à leur accorder une valeur supérieure aux données cliniques, à les percevoir comme exemptes de subjectivité. Les marqueurs neurobiologiques donnent un caractère concret et représentable à une pathologie mentale pour un magistrat, avec la tentation de passer de l’esprit et de ses dysfonctionnements au cerveau, alors que les hypothèses sur ce point sont encore fragiles. Les magistrats devront se former à l’apparition de ces données et les experts à restituer ce savoir dans une instance judiciaire aux enjeux majeurs pour le respect des libertés et de la sécurité publique. SW 26
ait lieu. C’est devenu trop, ils ne veulent plus rien savoir, constate Roland Philippoz. Appréhender la maladie en étant accueillis par des proches d’autres patients est parfois plus simple.»
QUESTION DE PARENTALITÉ Autre changement majeur initié cette année: un projet pilote qui porte son attention sur les enfants de malades psychiques, lancé par Christel Vaudan et Charlène Tripalo, respectivement psychologue et infirmière au Département de psychiatrie du CHUV. Après la mise en place d’un espace de jeu et de rencontre au sein de l’hôpital de Cery, pour que les enfants puissent voir leur parent hospitalisé, et la création d’un poste de délégué aux proches, cette initiative intitulée Famille+ vise à intervenir auprès des patients pour aborder leur parentalité. Selon une étude récente menée à Winterthour, près de 22% des personnes traitées pour des maladies psychiques ont au moins un enfant mineur. «Jusqu’ici, cette question n’était pas posée de manière systématique, précise Roland Philippoz. Le but n’est pas de soupçonner ces enfants de présenter des risques et de pratiquer un dépistage, mais plutôt de prendre en compte leurs souffrances en raison des mystères liés à la maladie de leur parent. D’où l’idée de passer par cette porte de la parentalité pour communiquer avec les enfants, pour autant que les patients l’acceptent.»
DIRE OU NE PAS DIRE Les soignants sont vite confrontés aux limites du secret médical. C’est d’ailleurs l’une des thématiques mises en avant dans une série d’événements organisés cette année par le Service de psychiatrie générale. «D’un côté, les patients ne veulent souvent pas que nous parlions de leur situation, et de l’autre les proches se plaignent d’être tenus à l’écart. Développer une alliance sans pouvoir aborder les questions importantes reste très compliqué. La négociation avec la personne hospitalisée est indispensable pour débloquer la situation.» L’effort de sensibilisation vise plus particulièrement les soignants. Dans le service, la moyenne d’âge des équipes est de 29 ans; la plupart n’ont pas encore d’enfants. «Nous voulons favoriser un regard intergénérationnel, de manière à ne pas stigmatiser les parents comme des ‘gens qui rendent fous’, dit Roland Philippoz. Quand on est soi-même parent, on perçoit plus facilement les difficultés et les ressources qu’il faut mobiliser pour soutenir quelqu’un qui cause tant de soucis.» ⁄
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MALADIES PSYCHIQUES
DES ÉQUIPES MOBILES À LA RENCONTRE DES ADOS «L’objectif des équipes mobiles du CHUV est de en ambulatoire ou en hospitalier. Démarche qu’il créer du lien en accompagnant les jeunes, et n’aurait pas forcément acceptée sans le lien créé d’apporter des soins de proximité à ceux qui n’y avec l’intervenant de l’équipe mobile. «Il s’agit de ont pas accès», explique Vanessa Baier, infirmière travailler sur la demande du jeune et de le réintédans l’équipe mobile pour adolescents, que dirige grer en fonction de ses difficultés psychiques, de le Dr Laurent Holzer, du Service universitaire de ses besoins, en convenant avec lui des étapes», psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA). précise Vanessa Baier. En allant à la rencontre des patients sur leur lieu de vie – domicile familial ou foyer d’accueil – les professionnels du SUPEA favorisent la coopération entre les soins de première ligne, qui sont au contact des patients, et les unités pédopsychiatriques ambulatoires ou hospitalières. Actuellement, ils interviennent auprès d’environ 50 patients adolescents.
Créées, au début, à l’intention des patients adultes du Secteur psychiatrique Centre, à Lausanne, ces équipes mobiles se sont progressivement ouvertes aux jeunes. Elles ont été implantées ces dernières années dans les trois autres secteurs du canton. L’Unité de recherche du SUPEA travaille de concert avec les cliniciens des équipes mobiles, afin d’objectiver l’efficacité des prestations proposées et de modéliser la «La prise en charge de l’adolescent peut durer trajectoire des patients pris en charge. «Il s’agit de trois à neuf mois, avec en général une ou de comprendre pour quels types de patients ce deux visites par semaine, suivies de discussions suivi par les équipes mobiles est le plus efficace avec ses proches ou ses éducateurs», ajoute et pour quels autres types de patients il faut Vanessa Baier. À terme, l’objectif est de rediriger adapter la prise en charge», précise Sébastien l’adolescent vers un système de soins classique Urben, responsable de l’Unité de recherche. JL
Les principales maladies psychiques LA DÉPRESSION Hippocrate, célèbre médecin de la Grèce antique, cherchait déjà un remède à ce mal qu’il nommait mélancolie. Elle se caractérise tant par des manifestations physiques que psychiques: fatigue inhabituelle, trouble du sommeil, de l’appétit ou de la libido, sentiment perpétuel de tristesse ou encore présence constante d’idées noires et perte de l’estime de soi. La dépression demeure plus que jamais un problème de santé publique majeur, dont le coût annuel en Suisse est estimé à plus de 10 milliards de francs. Ainsi, près de 25% de la population helvétique souffrira au moins une fois au cours de sa vie d’une dépression sévère. LA SCHIZOPHRÉNIE Souvent utilisé à tort pour désigner les troubles de la personnalité multiple, le terme de schizophrénie vient du grec ancien skizein (fendre) et phren (pensée). Il s’agit d’une maladie psychique qui se déclare en général chez le jeune adulte. Elle se caractérise en premier lieu par un repli sur soi et une perte de contact avec la réalité. 27
Dans sa phase aiguë, cette psychose provoque des hallucinations auditives qui peuvent être particulièrement troublantes pour le malade. Les facteurs liés à l’apparition d’une pathologie schizophrénique sont multiples: sociaux, psychologiques ou génétiques. Les causes de la maladie restent cependant encore mal comprises, rendant parfois compliqué un diagnostic précis. LES TROUBLES BIPOLAIRES Passer d’une intense euphorie à une profonde dépression de façon cyclique: c’est ce que vivent les personnes souffrant de troubles bipolaires. C’est le médecin allemand Emil Kraepelin qui énonce le premier, en 1899, la conception moderne de cette maladie, autrefois appelée psychose maniacodépressive. Lors de la phase dépressive, le patient se sent triste et fatigué, et montre un désintérêt pour les activités du quotidien. À l’inverse, lors de la phase maniaque, il va déborder d’énergie et de paroles passant du coqà-l’âne, et peut aussi souffrir d’idées délirantes ou d’hallucinations. LES TROUBLES DE PERSONNALITÉ On regroupe sous ce terme les différentes perturbations du caractère d’une personne. Elles peuvent concerner les pensées, les sentiments
ou les relations interpersonnelles d’un individu et engendrent des problèmes au niveau de son fonctionnement social ou un état de souffrance. La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), outil de référence en matière de psychiatrie, distingue trois grandes catégories: les troubles excentriques, les troubles dramatiques, émotionnels ou erratiques, ainsi que les troubles anxieux et craintifs. LES TROUBLES OBSESSIONNELSCOMPULSIFS L’image la plus souvent associée au trouble obsessionnel compulsif (TOC) est celle d’un lavage de main répétitif. Relevant des pathologies de l’anxiété, il se caractérise par des pensées récurrentes (obsessions) que le malade cherche à dissiper par des rituels particuliers (compulsions). Le TOC, qui apparaît pendant l’enfance ou l’âge adulte, est considéré comme la 4e maladie mentale la plus fréquente dans le monde, et il touche autant les hommes que les femmes. Ayant une composante neurologique, le trouble obsessionnel compulsif peut résulter d’infections touchant le système nerveux central, comme une encéphalite. D’autres maladies neuro-dégénératives peuvent être également associées à l’apparition de la pathologie.
FOCUS
PROPOS RECUEILLIS PAR
GARY DRECHOU
MALADIES PSYCHIQUES
INTERVIEW «DÈS SA CONSTRUCTION, LA PSYCHIATRIE A EU UNE AMBITION SCIENTIFIQUE DE COMPRÉHENSION DU FONCTIONNEMENT DU CERVEAU»
Jacques Gasser défend une approche à la croisée des sciences et de l’humanisme. Il esquisse ce à quoi pourrait ressembler la psychiatrie de demain. Pourquoi la psychiatrie est-elle vue comme «un cas à part» dans la médecine?
in vivo
jacques gasser La psychiatrie a toujours été une médecine spéciale. Il s’agit pleinement de médecine, puisqu’elle s’occupe de pathologies, de maladies. En même temps, elle n’est pas comme le reste de la médecine. Quand on se casse un bras, il y a une lésion clairement identifiable, on la soigne, et le bras est réparé, peu importe que l’on soit riche, pauvre, musulman ou catholique. En psychiatrie, nous pouvons certes identifier un certain nombre de maladies – schizophrénie, dépression, troubles bipolaires –, mais leur expression varie en fonction du contexte. La pathologie mentale est «spéciale» dans le sens où elle touche l’être humain dans ce qu’il a de plus humain, dans son intentionnalité, son désir, sa volonté, ses croyances – bref, dans sa subjectivité. Or, un os n’a pas de subjectivité. Un cœur peutêtre, mais c’est plus compliqué! Nous avons donc vraiment ces deux aspects: la biologie, d’une part, qui nous rattache complètement à la médecine
Biographie Spécialiste des questions de psychiatrie légale, le Professeur Jacques Gasser est chef du Département de psychiatrie du CHUV et médecin-chef de l’Institut de psychiatrie légale. Il a notamment publié «Aux origines du cerveau moderne» (Fayard, 1995) et «Pour une psychiatrie scientifique et humaniste: l’école lausannoise» (Éditions Georg, 2011), en collaboration avec le Prof. Patrice Guex. Son dernier ouvrage, «Le juge et le psychiatre», écrit avec le juge fédéral Jean Fonjallaz, vient de paraître aux éditions Stämpfli / Médecine et Hygiène. 28
– les psychiatres font des études de médecine, puis une spécialité –, et, d’autre part, cette subjectivité, qui nous distingue complètement du reste de la médecine.
On a pourtant le sentiment, depuis quelques années, notamment avec l’essor des neurosciences, que la psychiatrie s’intéresse de plus en plus aux fondements biologiques des dysfonctionnements? Est-ce qu’il y a un virage en ce sens?
iv
jg Le virage, c’est la constitution même de la psychiatrie comme une branche de la médecine, au début du XIXe siècle! Dès sa construction, la psychiatrie a eu une ambition scientifique de compréhension du fonctionnement du cerveau. L’isolement dans les asiles psychiatriques d’un certain nombre de personnes qui jusque-là étaient considérées comme folles ne visait pas à les exclure ou à s’en débarrasser, mais au contraire à les inclure dans la médecine, c’est-à-dire à mieux les comprendre et les suivre dans la durée. Le but était de les réintégrer à terme dans une société du dialogue. Toutes les classifications psychiatriques se sont constituées ainsi, par l’observation de ces personnes. La psychiatrie, c’est d’abord un essai d’entrer en communication avec des êtres humains qui, en apparence, se trouvent complètement en dehors de la communication. Grâce à ces observations, on s’est rendu compte que même chez «les fous les plus fous», il y avait une communication possible. iv
Pas de tournant récent, donc?
Il y a quand même un moment intéressant, en 1822. Pour la première fois, on identifie des troubles psychiatriques – des hallucinations – en rapport direct avec une affection cérébrale appelée à l’époque la «paralysie générale», dont on apprend une centaine d’années plus tard qu’il jg
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s’agit de la syphilis. Or, la syphilis tertiaire provoquait une encéphalite, une maladie somatique clairement identifiable du cerveau, qui entraînait des hallucinations. Cette découverte a généré énormément d’espoir. On s’est dit: «Ça y est, on a trouvé! Les maladies psychiatriques viennent de lésions du cerveau!» Le problème, c’est qu’ensuite, pendant des années, il ne s’est produit aucune autre découverte de ce type. Plus tard, la maladie d’Alzheimer a présenté des pathologies cérébrales clairement identifiables donnant des symptômes. Mais ce qui est intéressant, c’est que chaque fois que l’origine d’une pathologie était identifiée, elle relevait soudain de la neurologie et basculait du côté somatique. Et nous en sommes encore un peu là aujourd’hui.
Jacques Gasser est chef du Département de psychiatrie du CHUV et professeur ordinaire à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne.
La psychiatrie serait-elle en passe de devenir une branche des neurosciences?
iv
jg Au fond, c’est le contraire: les neurosciences cliniques intègrent progressivement la psychiatrie. On a l’impression que les neurosciences sont très nouvelles, mais elles s’inscrivent dans une continuité. Les neurosciences nous donnent des moyens d’analyse beaucoup plus avancés, et les nouveaux savoirs qui en résultent contribuent à la déstigmatisation des maladies mentales. Pour cette raison, nous avons créé au CHUV un Centre de neurosciences psychiatriques rattaché au Département de psychiatrie. Les recherches qui y sont menées sont passionnantes, car elles peuvent nous faire changer de point de vue. Nous nous trouvons probablement dans une forme d’impasse par rapport à notre façon de comprendre le fonctionnement du cerveau, et c’est le moment de faire un pas de côté – ce qui est le plus difficile! En même temps, au quotidien, nous nous occupons des patients et nous avons plutôt de bons résultats. Le public le sait peu, mais les psychothérapies, par exemple, sont parmi les traitements les plus efficaces de la médecine.
N’y a-t-il pas un décalage entre la perception d’une psychiatrie de plus en plus scientifique, de savoirs toujours plus pointus, et les traitements proposés?
iv
jg Il faut effectivement veiller à ne pas trop promettre. Le passage du laboratoire à la clinique 29
reste toujours difficile. La réalité actuellement, c’est qu’il n’y a pas de résultats de recherches issus des neurosciences immédiatement applicables aux patients. On s’en approche de plus en plus, c’est vrai, et on va trouver des choses, mais il est possible que les patients n’en voient les effets concrets que dans de nombreuses années. iv
À quoi ressemblera la psychiatrie de demain?
Pour moi, la psychiatrie devra se penser différemment, probablement dans une nouvelle branche entre le biologique et le subjectif. Ce sont peut-être les neurosciences qui nous y amèneront, auquel cas quelque chose devra se nouer de façon originale entre la clinique et les neurosciences. On aura besoin de personnes qui pensent différemment, un peu «à côté». Il faudra aussi poursuivre notre travail vers une continuité des soins entre la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, la psychiatrie adulte et la psychiatrie de la personne âgée. Enfin, les objets connectés devront nous permettre de communiquer encore plus étroitement avec les patients et leurs proches. ⁄ jg
POUR LIRE L’INTERVIEW COMPLÈTE: INVIVOMAGAZINE.COM
LAURIANNE AEBY
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MENS SANA
Jennifer Doudna figure parmi les scientifiques «nobélisables» grâce à la technologie révolutionnaire qu’elle a mise au point.
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INTERVIEW
JENNIFER DOUDNA La biochimiste américaine a créé une technologie révolutionnaire baptisée CRISPR-Cas9. Pour In Vivo, elle explique comment cette découverte pourrait transformer l’humanité.
INTERVIEW: YANN BERNARDINELLI PHOTO: BRYAN DERBALLE / KINTZING
«Notre outil repousse les limites de la médecine moderne» logie d’édition de gènes pour combattre le Il y a huit ans, Jennifer Doudna mettait au point, avec sa colcancer. Leur stratégie consiste à modifier lègue française Emmanuelle Charpentier, une technique les cellules immunitaires du corps afin de novatrice permettant d’éditer l’ADN avec une précision et pouvoir cibler agressivement et spécifiqueune facilité déconcertante: CRISPR-Cas9. Cette innovation ment les cellules cancéreuses. CRISPR-Cas9 majeure et les prix prestigieux qui en ont découlé ont fait est exploité comme un moyen d’améliorer la basculer la «paisible» vie de chercheuse de celle qui a réponse naturelle du corps pour qu’il se batte grandi au rythme des vagues hawaïennes vers des somlui-même contre cette maladie dévastatrice. mets. Elle figure désormais parmi les stars nobélisables, a fondé trois entreprises et participe activement aux dialogues éthico-légaux à l’échelle internationale sur les IV En plus du cancer, d’autres maladies d’oriconséquences potentielles de CRISPR-Cas9. C’est non gine non génétique peuvent-elles être traitées? seulement la médecine qui pourrait être révolutionJD Les scientifiques tentent également d’altérer le née, mais aussi l’humanité tout entière. microbiome, car un déséquilibre de bactéries dans le corps ou la présence de bactéries nocives peuvent causer des problèmes de santé. Les chercheurs esIN VIVO CRISPR-Cas9 pourrait aider à réécrire les sayent de cibler ces bactéries délétères ou d’utiliser le gènes défectueux chez l’homme, ouvrant ainsi système CRISPR-Cas9 des bactéries elles-mêmes – car de nouvelles possibilités pour traiter les c’est d’elles qu’il provient à l’origine – comme moyen troubles de l’organisme. Quelles sont les applid’autodestruction. Je peux également mentionner la cations médicales potentielles? JENNIFER DOUDNA xénotransplantation qui est le processus d’introduction On peut citer un large éventail comme, bien de cellules ou d’un organe d’une espèce dans une autre sûr, le traitement des maladies génétiques. Les espèce. L’utilisation de l’édition de gènes dans la xénochercheurs travaillent activement sur l’anétransplantation est axée sur la croissance d’organes humamie falciforme, la dystrophie musculaire et la nisés chez les porcs afin de répondre à la pénurie de donfibrose kystique. En plus des maladies généneurs d’organes. Ce processus consiste à modifier l’ADN du tiques, les scientifiques déploient la techno-
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INTERVIEW
«J’ENCOURAGE LA SOCIÉTÉ À DÉBATTRE DES QUESTIONS ÉTHIQUES SOULEVÉES PAR CRISPR-CAS9.» porc afin que ces organes ne provoquent pas une réponse immunitaire indésirable une fois implantés chez l’homme. En parcourant les articles scientifiques, les nouvelles et passionnantes applications de l’édition de gènes m’impressionnent continuellement. Cette année, les premiers essais cliniques basés sur CRISPR-Cas9 vont commencer dans plusieurs pays. J’attends avec beaucoup d’intérêt et d’impatience les résultats, car les limites de la médecine moderne sont désormais élargies.
IV CRISPR-Cas9 permet d’éditer l’ADN. Qu’est-ce que cela signifie exactement? JD CRISPR-Cas9 peut couper de manière précise presque toutes les séquences d’ADN et ceci dans pratiquement n’importe quel organisme. Nous utilisons souvent le terme «édition», car CRISPR-Cas9 opère un peu comme lorsqu’on édite un mot dans un logiciel de traitement de texte. Cas9, une protéine, est liée à un petit brin d’ARN (une molécule très proche chimiquement de l’ADN, ndlr) qui lui sert de guide pour cibler une séquence spécifique d’ADN. Une fois que l’ARN a identifié sa séquence complémentaire sur l’ADN, Cas9 peut le sectionner sans se tromper. Une telle précision offre la possibilité aux chercheurs d’ajouter ou d’enlever des séquences d’ADN. Ce mécanisme ressemble à la procédure utilisée pour trouver un mot dans un texte afin d’y changer une lettre.
Des outils biotechnologiques équivalents exisIV L’édition de gènes peut-elle être utilisée pour taient déjà. D’où vient le succès de CRISPR-Cas9? effectuer des modifications génétiques héréditaires? JD C’est possible! Si l’ADN d’un embryon est JD L’utilisation généralisée de CRISPR-Cas9 par les scientifiques est en partie due à la facilité et à l’accesmodifié lorsque les cellules se divisent, chaque celsibilité de sa technologie. Les autres systèmes emlule portera cette modification. Si l’embryon se déveployaient exclusivement des protéines pour reconloppe davantage et génère son propre sperme ou ses naître et sectionner l’ADN. Ceci sous-entend qu’une propres ovules, ces cellules auront également le même protéine doit être façonnée pour chaque séquence ADN et il sera transmis aux générations futures. d’ADN que l’on veut éditer. Or, c’est un processus d’ingénierie laborieux et coûteux. CRISPR-Cas9 IV Cela permettrait donc d’éradiquer des maladies utilise un guide d’ARN et grâce aux techniques génétiques. Mais beaucoup craignent que l’on modernes de synthèse de gènes, la production puisse créer une nouvelle génération d’êtres hud’un ARN est élémentaire et abordable. mains, dotée de capacités intellectuelles ou physiques améliorées. Devons-nous BIOGRAPHIE vraiment être inquiets à ce sujet? JD De IV Les biologistes sont-ils déjà parvenus à L’Américaine modifier le génome de grands mammi- Jennifer Doudna multiples aspects des capacités intellecfères? JD Oui, ils ont réussi dans beaucoup est professeure tuelles et physiques restent inexpliqués, y compris comment elles sont codées en déd’organismes, dont plusieurs espèces du de biochimie et tail dans notre ADN. Ces «améliorations» règne animal. C’est le cas des vaches, des de biologie moléculaire à l’Universont le produit de nombreux gènes, euxchiens et des poulets, par exemple. De plus, sité de Californie, mêmes affectés par l’environnement extéCRISPR-Cas9 peut être utilisé sur des à Berkeley. rieur du corps, la fameuse opposition entre plantes, même si des limitations techniques C’est en 2012, en existent pour ces dernières, car la mem- collaboration avec hérédité et milieu. Avant de tenter d’améla chercheuse liorer le corps humain, nous aurions besoin brane externe des cellules est très différente française Emmade saisir pleinement ces particularités comde celle des animaux. Des travaux considé- nuelle Charpentier, qu’elle a pliquées. En même temps, tout le monde rables restent à faire. IV
mis au point la technique d’édition génomique CRISPR-Cas9. Une découverte qui lui a valu bon nombre de prestigieux prix scientifiques.
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doit être conscient des possibilités offertes par CRISPR. J’encourage donc la société à ouvrir les débats sur ces questions éthiques.
découvertes. D’ailleurs, j’exhorte tous les pays à continuer de soutenir les efforts de la recherche scientifique fondamentale, car ils peuvent mener à des percées dans de nombreux domaines, y compris la génétique.
IV Aujourd’hui, quels sont les dangers pour l’homme? JD Actuellement, CRISPR-Cas9 n’est pas disponible, ni pour traiter des maladies génétiques ni pour apporter des améliorations. La sécurité de la technologie fait encore l’objet de tests approfondis. Il s’agit d’une démarche nécessaire pour assurer une compréhension complète de tous les risques potentiels.
«LA COLLABORATION ENTRE LES SCIENCES FONDAMENTALES ET HUMAINES Les conséquences possibles de votre découEST INDISPENSABLE verte vous hantent-elles comme les armes nucléaires hantaient leurs inventeurs? Les POUR RÉSOUDRE scientifiques se doivent de réfléchir et d’anticiper LES PROBLÈMES les utilisations potentielles de leurs découvertes. Je suis en faveur de l’utilisation éthique de l’édition ACTUELS de gènes. Personnellement, je m’enthousiasme des possibilités offertes par cette technologie pour améDU MONDE.» liorer la santé humaine, concevoir des aliments IV
JD
nutritifs et durables sur le plan environnemental et pour la recherche scientifique elle-même. J’ai égaleIV CRISPR-Cas9 est le fruit d’un travail collaboment eu la chance de participer aux dialogues natioratif. Quelle est votre opinion sur le fonctionnenaux et internationaux avec les régulateurs, les déciment du monde académique? Pouvons-nous deurs, les éthiciens et le grand public sur les faire mieux pour stimuler les collaborations conséquences potentielles. Je crois que la compréhenentre chercheurs? JD J’ai bénéficié de nombreuses sion et l’acceptation de cette technologie sont une collaborations merveilleuses, encouragées par des bonne stratégie pour améliorer notre société. bourses de recherche et stimulées par la proximité d’autres scientifiques. Au cours des dernières années, j’ai également eu l’occasion de travailler en IV Continuez-vous la recherche fondamentale? étroite collaboration avec des professeurs et des JD Oui, avec beaucoup de collaborateurs talentueux, experts dans le domaine des sciences humaines. je poursuis résolument mes activités en lien avec Ce type de collaboration entre les sciences fonCRISPR-Cas9. Je m’intéresse désormais aux anti-CRISdamentales et humaines sera indispensable PR, entre autres. Ce sont de petites protéines naturelles pour résoudre rapidement un bon nombre des fabriquées par des virus. Elles se lient à CRISPR-Cas9 et problèmes actuels du monde. ⁄ empêchent son fonctionnement. CRISPR-Cas9 provient d’une bactérie trouvée dans une mine. D’autres technologies du génie génétique découlent d’algues ou d’espèces inattendues. Cela indique-t-il qu’une biodiversité préservée est cruciale pour l’innovation? JD Oui, et je crois que la biologie fondamentale, qui se concentre sur un large éventail de biodiversité, continuera probablement à produire de nombreuses
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TEXTE BLANDINE GUIGNIER ILLUSTRATION OLA JASIONOWSKA
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VOLONTAIRES EN SÉRIE
Indispensables à la recherche, les participants à des études cliniques y consentent pour une multitude de raisons: médicale, altruiste, ou au contraire financière… Avec des différences marquées selon les pays.
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es centaines de milliers de personnes dans le monde concourent chaque année à faire progresser la médecine. En Inde et aux États-Unis – où les sujets sains reçoivent un véritable salaire en échange de leur participation –, les enjeux sont davantage financiers qu’altruistes. Selon le journal The Hindu, dans la région de Bangalore, un Indien est rétribué environ 300 francs pour un essai thérapeutique en lien avec la mélatonine (aussi connue sous le nom d’hormone du sommeil, entrant dans la composition de nombreux somnifères). Cela représente environ le triple du salaire mensuel minimum dans cette ville. Et ce pays d’Asie du Sud accueille toujours plus d’essais cliniques selon l’Institute for Studies in Industrial Development de New Delhi: il concentrait 0,9% de l’ensemble des tests mondiaux en 2008, contre 4,9% en 2013. Le boom des tests de médicaments bon marché s’explique par trois raisons principales, résume l’institut indien: «Les ressources humaines peu chères, les faibles coûts pour recruter des volontaires ainsi que la faiblesse des compensations en cas de blessures ou de décès.»
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PARTICIPANTS EN SÉRIE AUX ÉTATS-UNIS DEUX TYPES D’ÉTUDES
Dans les études observationnelles, le volontaire est suivi, sans intervention, par des chercheurs souhaitant obtenir des informations sur les facteurs de risques, les modes de vie ou les effets d’une exposition environnementale à une substance. Le suivi peut durer plusieurs années. Les essais cliniques interventionnels visent à tester des traitements ou procédures destinés à prévenir, identifier ou guérir des maladies. Les chercheurs «interviennent» en proposant au patient de subir une méthode diagnostique, un traitement chirurgical, de radiothérapie ou médicamenteux.
Les États-Unis abritent environ 40% des tests cliniques mondiaux, dont 75% sont menés dans des cabinets privés et des centres de recherche à but commercial. Les volontaires américains en sont rarement à leur coup d’essai. Jill Fisher, du Center for Bioethics de l’Université de Caroline du Nord, a suivi pendant trois ans 180 participants à des expériences de niveau I (voir encadré p.36), dans le cadre du projet HealthyVOICES. «Seules 25% des personnes rencontrées participaient à un essai clinique pour la première fois, ce qui est une part très faible, explique-t-elle. Il s’agit pour la plupart de volontaires qui reviennent. C’est leur unique source de revenu ou un supplément régulier, à côté d’un travail à temps partiel ou saisonnier, par exemple.» Il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’anciens prisonniers. «Les essais cliniques constituent une des seules activités où les anciens prisonniers ne sont pas discriminés, rappelle la chercheuse américaine. Le casier judiciaire n’est pas un critère pertinent pour les centres de recherche.» UN CADRE STRICT EN SUISSE
En Suisse, le phénomène de «volontaires en série» reste marginal. Premièrement, les volontaires sains se soumettant à des
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essais cliniques ne reçoivent pas de rémunération. Ils touchent seulement des dédommagements pour les frais engendrés par leur participation tels que les coûts de transport ainsi que pour le temps de sujétion à l’étude. «Les compensations oscillent entre environ 100 francs – pour un simple rendez-vous d’une demi-heure avec questionnaire – à 2’000 francs», estime Marc Froissart, directeur du Centre de recherche clinique au CHUV. «Dans le haut de la fourchette, il s’agira d’études nécessitant de rester plusieurs journées ou nuits à l’hôpital en étant surveillé, de se soumettre à des tests de pression artérielle, à des prises de sang, etc.» À titre d’exemple, le test de vaccin contre Ebola mené en 2015 était «compensé» 800 francs. Certains Suisses, comme des étudiants ou des personnes à faible revenu, y ont recours pour arrondir leurs fins de mois. «Il ne faut pas se voiler la face: obtenir un complément de revenu demeure la première motivation chez la plupart des volontaires sains participant aux essais cliniques.» Deuxièmement, en terre helvétique et en Europe en général, le nombre d’essais autorisés par sujet est très limité et davantage surveillé qu’outre-Atlantique. «Le cadre réglementaire suisse récemment rénové, en particulier la loi relative à la recherche sur l’être humain entrée en vigueur en 2014 et celle sur les produits thérapeutiques de 2002, s’avère un peu plus contraignant que dans l’espace européen», précise Marc Froissart. Sur les quelque 8’500 essais cliniques figurant en janvier 2018 sur la plateforme Swiss National Clinical Trials Portal (SNCTP), qui répertorie en Suisse toutes les études approuvées par les commissions d’éthique et mises en ligne par les chercheurs, une majorité concerne des
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LES TESTS DE MÉDICAMENTS Les essais de nouveaux médicament comportent en général 4 phases: 1: évaluer les caractéristiques pharmacocinétiques, l’innocuité et identifier les effets indésirables (10 à 80 personnes*). 2: trouver les preuves d’effets bénéfiques et évaluer la sécurité (100 à 300*). 3: déterminer si le traitement est cliniquement bénéfique et/ou meilleur que les précédents (500 à 20’000*). 4: détecter les événements indésirables rares après la mise sur le marché (pharmacovigilance). *Nombre habituel de participants à titre indicatif.
sujets déjà affectés par une maladie. La motivation de ces derniers est avant tout de profiter des avancées de la médecine. La loi ne prévoit aucune compensation lorsque les éventuels bénéfices sanitaires se révèlent directs. Au Centre Leenaards de la mémoire (CLM), au CHUV, les chercheurs poursuivent un double objectif: trouver des traitements pour agir sur les lésions des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et les arrêter avant qu’elles ne génèrent des symptômes invalidants. «Nous expliquons à nos patients susceptibles de participer à une étude ainsi qu’à leurs familles que la médecine n’a encore inventé aucun traitement curatif pour ces maladies, seulement des mesures symptomatiques d’accompagnement. Mais la perspective d’aider à l’identification d’un traitement possible fait qu’ils sont nombreux à accepter.» Outre leur altruisme et leur volonté de faire progresser la médecine, Olivier Rouaud, neurologue au CLM, observe chez les volontaires deux autres motivations principales. Ils souhaitent, à titre personnel, se donner une chance supplémentaire de guérison ou d’atténuation des symptômes. Certains apprécient également les visites régulières à l’hôpital requises par le protocole de recherche. «Ils ont le sentiment d’un effet bénéfique sur leur santé, dû à un mode de suivi différent de celui réalisé dans les lieux de soins habituels.» PLUS DE 6’000 LAUSANNOIS SUIVIS POUR LA BONNE CAUSE
Mais comment convaincre des personnes saines de participer à des études scientifiques quand on n’a à offrir ni contrepartie financière ni espoir de guérison? «Les Suisses sont beaucoup plus altruistes qu’on ne le pense», répond Martin Preisig,
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responsable du Centre d’épidémiologie psychiatrique et de psychopathologie (CEPP) et de la partie psychologique de l’étude CoLaus, démarrée à Lausanne en 2003. À la différence d’essais cliniques interventionnels (voir encadré p. 34), il s’agit d’une étude observationnelle. Son but principal: obtenir des informations sur les liens existants entre les maladies cardiovasculaires et les maladies psychiatriques ainsi que les déterminants de ces maladies. «Contrairement aux tests thérapeutiques, nous nous contentons d’observer un échantillon recruté dans la population générale de Lausanne, sans intervention sur leur vie quotidienne», explique Peter Vollenweider, chef ad interim du Service de médecine interne du CHUV et responsable de la partie somatique de l’étude observationnelle (voir encadré p. 34). Quelque 6’734 personnes âgées de 35 à 75 ans ont ainsi été tirées au sort en 2003 et se sont vu proposer de participer à CoLaus/PsyCoLaus. Concrètement, les participants ont ensuite réalisé un premier entretien comprenant un questionnaire sur leur santé générale, cardio-vasculaire, les facteurs de risque dans la famille, ainsi qu’un examen clinique avec prises des mensurations, de la tension artérielle et une prise de sang. Ensuite, ils étaient convoqués pour un deuxième entretien censé déterminer la présence ou non de problèmes psychiques (dépression, addictions, etc.). Qu’en retire donc la population lausannoise? «Les participants veulent faire progresser la recherche médicale et pensent aux autres», explique Peter Vollenweider. CoLaus/PsyCoLaus entend apporter des connaissances permettant à moyen terme d’améliorer les traitements et la prévention
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Les femmes sousreprésentées Traditionnellement, les femmes sont peu représentées dans les essais cliniques. «Les risques de grossesse et les variations hormonales qui brouilleraient les résultats de tests ont longtemps été utilisés comme arguments pour justifier leur exclusion», explique Carole Clair, médecin adjointe à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne. Les impacts d’une médecine centrée sur les hommes sont importants. «Par exemple, les doses de chimiothérapie préconisées se sont avérées parfois incorrectes pour les femmes, plus sujettes à des effets secondaires comme les nausées. L’aspirine qu’on avait dit efficace dans la prévention primaire des infarctus du myocarde l’est en fait seulement pour les hommes.» La situation tend néanmoins à se rééquilibrer. «Le grand projet de recherche européen Horizon 2020 exige ainsi la prise en considération des femmes.»
des maladies cardio-vasculaires et des troubles psychiatriques. «Ce sont des maladies fréquentes. Tous les volontaires ont un parent, un ami, un collègue qui a déjà été touché.» Il existe également une envie de connaître son état de santé, d’être rassuré. «Le premier entretien équivaut à un check-up avec les résultats des analyses qui sont transmis aux volontaires.» Les participants à l’étude ont été à nouveau convoqués en 2009 et 2014. «Il est crucial que nous puissions voir comment la santé de la population se développe sur plusieurs décennies», souligne Martin Preisig. Nous avons également ajouté d’autres types d’examens au fil du temps: vue, fonctions pulmonaires, sommeil, fonctions cognitives, IRM, etc. Et l’équipe n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. «Nous allons prochainement demander aux enfants des volontaires de participer. Le but: déterminer la prévalence des facteurs de risques cardiovasculaires et des troubles psychiatriques chez des sujets plus jeunes âgés de 15 à 35 ans et étudier les facteurs déterminant la transmission de ces maladies dans les familles. Nous sommes très reconnaissants de l’aide apportée par la population de Lausanne.» ⁄
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DÉCRYPTAGE
La douleur prise au sérieux Auparavant considérées comme conséquences d’une pathologie, les douleurs sont aujourd’hui reconnues comme des maux à part entière, qui nécessitent des traitements personnalisés. TEXTE: ALEXIA NICHELE
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aux de dos, douleurs UNE AUTRE CONCEPTION DE LA DOULEUR neurologiques ou La conception même de la douleur comme d’origine cancéreuse: ressenti individuel constitue un premier environ 20% de la changement. «À la suite d’un stimulus population européenne douloureux dans le corps, le cerveau va souffre de douleurs interpréter ce signal en fonction d’expéchroniques qui riences passées, du contexte, de l’humeur, empoisonnent leurs vies, selon une étude mais aussi de la culture ou de l’éducation», de la Pain Alliance. Elles sont aujourd’hui explique Yolande Kottelat, responsable considérées comme des affections à du Programme institutionnel douleur traiter de manière spécifique. du CHUV, créé en 2007. Les centres médicaux dédiés à Notre rôle en tant que profesLa douleur, la prise en charge de la douleur sionnels est de légitimer cette qu’est-ce se multiplient, privilégiant une subjectivité et d’adopter des que c’est? approche pluridisciplinaire qui stratégies individualisées.» mêle médicaments et physioAujourd’hui, la définition thérapie, relation thérapeutique universelle de la douleur Définition et médecines complémentaires (voir encadré) relève d’ailleurs officielle telles que l’acupuncture ou un aspect émotionnel, au La douleur varie en l’hypnose. Malgré des progrès même titre que sensoriel. forme, en intensité et réalisés ces dernières années, en durée. De noml’efficacité des traitements reste Difficile donc d’objectiver les breuses définitions ont été formulées, mais il cependant limitée dans certains souffrances. Mais là n’est pas existe bel et bien une cas, notamment parce que le but. «Nous acceptons que définition universelle de chaque personne soit différente la douleur est un mécanisme la douleur. L’Association complexe qui entraîne un resdevant la douleur, même si internationale d’étude senti forcément subjectif. l’on ne comprend pas toujours de la douleur (IASP) la définit en effet comme «une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à des lésions des tissus, réelles ou potentielles, ou décrite en des termes évoquant de telles lésions».
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Douleur aiguë La douleur aiguë est un symptôme provoqué par une stimulation potentiellement nocive. Elle est considérée comme utile à l’organisme, car elle joue un rôle d’alerte en réponse à un danger de blessure potentiel ou réel, ou tout autre processus pathologique. Sa prise en charge immédiate et intensive, à la suite d’une opération par exemple, réduit les risques de développer une douleur chronique.
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pourquoi, souligne Marc Suter, médecin associé au Centre d’antalgie du CHUV. Souffrir inutilement est considéré comme inacceptable.» Bien que les patients bénéficient d’une écoute améliorée, les outils thérapeutiques à disposition restent parfois insuffisants. «Les douleurs chroniques, en particulier neuropathiques, sont spécialement résistantes aux traitements connus.» Quant aux résultats obtenus dans le cadre de la recherche, leur application clinique reste peu satisfaisante. LA RÈGLE DE LA COMMUNICATION
«Dans la mesure du possible, nous encourageons le patient à donner un maximum d’informations sur sa douleur, et ce, dès le début de sa prise en charge», précise Yolande Kottelat. Pour cela, différents outils d’évaluation ont été développés, à commencer par des échelles verbale, visuelle et numérique, de 0 à 10. Plus récemment, ce sont des schémas permettant de localiser la douleur et un
Lorsque la douleur est chronique, les professionnels de la santé s’accordent à dire que l’efficacité d’un traitement s’évalue également selon son impact sur la qualité de vie, et non uniquement sur l’intensité de la souffrance. L’anxiété, la dépression et la qualité de vie sont systématiquement analysés: les retentissements sur le quotidien d’une personne sont reconnus dans leur totalité. «Le patient peut être pris dans un cercle vicieux, ajoute la responsable. L’anxiété, le stress ou le manque de sommeil augmentent la douleur et vice-versa.» Un vrai chemin de croix: près de la moitié des patients dépressifs présentent des douleurs et jusqu’à 40% des douloureux chroniques
2018 AFFOLTER / RÜFENACHT, BERN
Aider les patients à exprimer leur douleur quand les mots viennent à manquer: c’est le but du projet «Dolografie» réalisé l’an dernier par deux graphistes bernoises. Il est composé d’un set de 34 cartes illustrant chacune une sensation.
questionnaire servant à lui attribuer des qualificatifs, aussi bien sensoriels (sensation de brûlure, d’irradiation, etc.) qu’émotionnels (inquiétante, obsédante, etc.) qui ont été introduits. Pour les patients incapables de communiquer, l’observation de signes cliniques tels que la fréquence cardiaque, la dilatation des pupilles ainsi qu’une échelle comportementale peut être utilisée.
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connaissent des phases dépressives. «Il est crucial de soulager la personne le plus rapidement possible afin d’éviter une cascade d’effets néfastes.» Un risque supplémentaire est en effet de prolonger l’hospitalisation pour les patients qui se remettent d’une intervention chirurgicale. LE MÉDICAMENT N’EST PAS LA SEULE SOLUTION
Jusqu’à 10% des patients développent une douleur handicapante après une chirurgie. Pour diminuer les douleurs postopératoires, des pompes spéciales permettent notamment au patient de contrôler lui-même l’administration de morphine ou d’anesthésique local par voie intraveineuse, péridurale ou périnerveuse. Depuis plusieurs années, l’échographie permet d’injecter un médicament anesthésiant ou de poser un cathéter de manière beaucoup plus précise.
suivant les paliers d’intensité définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Adjuvants largement prescrits en cas de douleurs neuropathiques, certains antidépresseurs et antiépileptiques diminuent de 50% la douleur chez un patient sur trois seulement, selon une étude de médecins de l’Association internationale d’étude de la douleur (IASP). Ils présentent toutefois moins de risques d’addiction que les opioïdes. Par ailleurs, peu de médicaments analgésiques véritablement innovants ont été développés ces quinze dernières années. «De nouvelles cibles médicamenteuses sont nécessaires, tout comme l’amélioration de la prévention», remarque Marc Suter. SUR LA BONNE VOIE
Chaque année, l’Association internationale d’étude de la douleur (IASP) lance une campagne mondiale contre la douleur. En 2017, c’est la lutte contre la douEn complément d’un traitement médileur postopératoire, qui touche l’ensemble camenteux, de physiothérapie ou d’une des patients opérés, qui était au centre de psychothérapie, d’autres armes l’attention. Plus généralement, Douleur existent pour atténuer les maux, la médecine de la douleur est aigus ou persistants. Les infildevenue une médecine holischronique trations ciblées, l’acupuncture, La douleur est considérée tique, qui prend en compte le les thérapies de relaxation (yoga bien-être général du patient. comme chronique ou méditation) ou la neuroslorsqu’elle persiste au-de- «Nous sommes sur la bonne là de trois mois. Elle peut voie, estime Yolande Kottetimulation électrique sont être de nature inflamma- lat. Nous cherchons encore aussi des alliées de choix. Les toire (provoquée par de patients pratiquant l’hypnose à élargir l’arsenal thérapeul’arthrose, par exemple) gèrent mieux leur douleur et tique, tout en conservant une ou neuropathique (due reçoivent moins de médicaapproche adaptée à chaque à la lésion nerveuse). ments. Outre ces soins non personne.» En 2018, le thème Les douleurs de type neuropathique sont les exclusifs, la relation thérapeude la campagne de l’IASP est plus difficiles à traiter, tique est primordiale: lorsque l’éducation au sens large. Cela car elles répondent cette relation est au beau fixe, implique de mieux former les relativement mal aux le corps et l’esprit réagissent traitements antalgiques, soignants et les patients, mais positivement à l’acte médical en même puissants. Certains aussi d’informer les politiques antidépresseurs/antiélui-même. C’est un des constiet les décideurs de la nécessipileptiques sont utilisés tuants du fameux effet placebo. ter d’améliorer encore la prise dans ces situations. Les Les médicaments antalgiques en charge de la douleur et de douleurs chroniques demeurent toutefois en tête poursuivre la recherche pour touchent environ un cindu protocole de traitement, quième de la population mieux la comprendre. ⁄ et détériorent gravement la qualité de vie des personnes qui en souffrent. À paraître en mai 2018, la 11e classification internationale des maladies prévoit pour la première fois de faire des douleurs chroniques un diagnostic.
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PROSPECTION
L’ART-THÉRAPIE EN PHASE D’INTÉGRATION LA PRATIQUE D’ACTIVITÉS CRÉATIVES À DES FINS THÉRAPEUTIQUES S’ÉTEND, NOTAMMENT DANS LES HÔPITAUX. DANS LE MÊME TEMPS, LES ART-THÉRAPEUTES SONT DE PLUS EN PLUS INVITÉS À VALIDER SCIENTIFIQUEMENT LEURS MÉTHODES. TEXTE SYLVAIN MENÉTREY
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«Lors d’une séance, l’idée est d’aider le patient à mettre en scène symboliquement le vécu de sa situation sous forme d’images, de couleurs, de formes ou de mots», explique Montserrat Ramos Chapuis, art-thérapeute au CHUV.
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art-thérapie a connu un essor important ces vingt dernières années, à tel point que de nombreux hôpitaux en proposent des séances. Au CHUV, un projet pilote lancé en octobre 2017 permet aux patients hospitalisés au sein du Service d’oncologie de bénéficier de plusieurs types de médecine complémentaire, dont l’art-thérapie. «Notre apport prend tout son sens dans un milieu hospitalier, car si le cadre de la démarche est correctement posé, il va permettre d’accompagner les patients dans le vécu de leurs souffrances», remarque Montserrat Ramos Chapuis, art-thérapeute au CHUV. Si la recherche scientifique en est encore à ses débuts, une revue systématique publiée en 2013 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) souligne que l’art-thérapie peut améliorer les symptômes d’anxiété, de dépression et de douleur chez des patients atteints de cancer et qu’elle peut améliorer leur qualité de vie.
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Ce recours accru à l’art-thérapie s’inscrit dans un mouvement général de reconnaissance des vertus des médecines complémentaires, notamment pour combattre les effets secondaires d’un traitement médical. Une étude menée en 2012 par une équipe de chercheurs francosuisses dans différents établissements, dont les HUG à Genève, démontrait ainsi les bienfaits de l’art-thérapie en complément d’un régime chez des adolescents obèses. Selon les chercheurs, les activités d’art-thérapie développent l’investissement dans la vie sociale des adolescents, aboutissant à une amélioration de leur bien-être. En parallèle à ces bénéfices prouvés pour la santé, la formation d’art-thérapeute, sanctionnée par un diplôme fédéral depuis 2011, s’est approfondie et formalisée. Dispensée par divers instituts de formation, associatifs ou anthroposophes, les modules de cours explorent la thérapie par la danse, par la parole, ou la médiation par les arts plastiques. La formation, qui s’adresse en premier lieu à des détenteurs de diplômes en art, pédagogie ou santé, comprend aussi des cours d’anatomie et de physiologie. La Haute École de travail social et de la santé à Lausanne propose également une formation en art-thérapie. Marine Métraux se réjouit d’une reconnaissance pour laquelle elle a beaucoup œuvré en tant que présidente de l’association professionnelle des
LA CULTURE COMME LIEN AVEC LA VIE L’hôpital est plus qu’une «machine à guérir»: c’est aussi un lieu d’accueil. Le programme culturel du CHUV offre ainsi un espace de liberté et de ressourcement. Le principe de l’art-thérapie consiste à valoriser le processus de création sans tenir compte du résultat final. C’est en ce sens que la discipline se distingue de l’art stricto sensu. Ce dernier s’est pourtant aussi fait une place à l’hôpital. Pionnier dans le domaine, le CHUV propose ainsi un programme culturel ambitieux depuis plus de trente ans: concerts, conférences et expositions avec des artistes de renom. L’institution possède aussi une collection d’art contemporain. «La présence de la culture et de l’art en milieu hospitalier humanise l’hôpital qui est plus qu’une «machine à guérir», pour reprendre les termes de Michel Foucault. Elle apporte une dimension spirituelle, une fenêtre pour l’esprit à des personnes qui vivent des moments charnières. Elle répond aussi à un idéal de démocratisation de la culture», détaille Caroline de Watteville, chargée des activités culturelles. C’est dans le hall du CHUV que sont accrochées les expositions. Avec une fréquentation d’environ 7’000 personnes par jour, cette «place de la cité hospitalière», comme l’appelle l’historienne de l’art, est un des lieux publics les plus fréquentés du canton. Et cela par toutes les catégories sociales.
PLUS D’INFO: WWW.CHUV.CH/CULTURE
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art-thérapeutes suisses: «Nous ne sommes plus relégués dans les sous-sols des hôpitaux et récemment j’ai pu négocier une grille salariale avec les autorités cantonales vaudoises.»
ÉVALUATIONS RENFORCÉES Les tiraillements d’une activité à la croisée entre l’empirique et le scientifique n’ont pourtant pas complètement disparu. Des professionnels de la santé souhaitent que la discipline se soumette à davantage d’évaluations. «Dès le moment où vous revendiquez le terme thérapie, il faut s’astreindre à quelques règles», juge ainsi Yann Hodé, directeur des services psychiatriques du Jura bernois. À son arrivée l’an dernier, ce psychiatre a bousculé les habitudes des art-thérapeutes intervenant au sein de l’institution: il leur a demandé d’opérer une distinction entre les activités validées scientifiquement et celles qui peuvent s’assimiler à de la détente. «Il s’agit par ailleurs d’intégrer dans l’évaluation certains facteurs, notamment financiers. Par exemple, certains travaux rapportent que l’interaction avec des dauphins pouvait faire du bien à certains enfants avec autisme, mais pour quelle efficacité et à quels coûts?» Cette nouvelle exigence scientifique bute parfois sur des résistances, dans une profession majoritairement composée de personnes initialement issues
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d’un cursus en Beaux-Arts ou en éducation, qui ne possèdent pas forcément les outils pour mener à bien des études scientifiques. À cela s’ajoutent des barrières mentales. «Dans notre milieu, on préfère la subjectivité à l’objectivité scientifique, parce qu’évaluer, c’est porter un jugement. Alors que sur des pathologies spécifiques, bien ciblées, en mettant en place des protocoles et en suivant un programme, nous pouvons obtenir des résultats mesurables», assure Jean-Luc Sudres, directeur d’une formation d’art-thérapie à Toulouse et auteur de plusieurs études en milieu clinique.
LÂCHER-PRISE ET IMAGINATION Dans le cas de patientes anorexiques, qui témoignent d’une forte volonté de maîtrise, l’objectif de l’art-thérapie consiste à leur faire vivre des expériences créatives permettant d’assouplir ces mécanismes de défense. «Ces patientes font souvent des dessins figuratifs sur de petits formats. Nous cherchons à leur faire expérimenter la perte de contrôle en les poussant à s’exprimer sur des formats différents et avec une matière plus difficile à maîtriser comme la peinture», détaille Cristina Anzules, art-thérapeute indépendante à Genève. Ce lâcher-prise et le renforcement de l’imagination qui lui est associé permettent aux patientes de gagner en souplesse psychologique.
La gérontologie, les soins palliatifs ou la dépression sont d’autres domaines où les bienfaits de l’art-thérapie sont reconnus scientifiquement. «En soins palliatifs, notre intention est d’apporter de la quiétude et du bien-être. Ces aspects peuvent être mesurés par la personne, par le thérapeute et par l’équipe de soins, si elle se rend compte qu’elle a moins besoin de donner de médicaments. Il y a aussi l’idée d’une production qui sera transmise aux personnes qui restent», explique Jean-Luc Sudres. Outil censé favoriser la transformation de soi par le truchement du symbolique, l’art-thérapie ressemble elle-même à une discipline en mutation. «Le jour où l’art-thérapie deviendra une thérapie à part entière, je ne sais pas si ce sera encore de l’art», se demande ainsi Yann Hodé. Marine Métraux voit plutôt l’éthique de sa profession, qui consiste à ne pas intégrer les productions artistiques des patients dans un circuit marchand, comme le futur de l’ergothérapie. Qu’elle se dissolve dans la psychothérapie ou qu’elle imprègne des pans voisins de la santé de ses principes, l’artthérapie aura de toute façon amorcé son intégration dans le système de soins officiel. ⁄
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LE SAVOIR LIBÉRÉ TEXTE
LÉANDRE DUGGAN
L’Open Access, ou la mise à disposition gratuite des publications scientifiques sur Internet, gagne du terrain. Ce modèle est porté par un mouvement qui s’élève contre la mainmise des éditeurs, pour une libération du savoir.
L e vent se lève dans les bibliothèques universitaires pour élargir l’accès à la littérature scientifique. Mais la bataille sera rude pour mettre fin au modèle payant des éditeurs. Ces derniers publient près de 65% des articles académiques dans le monde. Ils possèdent entre leurs mains un précieux savoir, sur lequel ils font la pluie, le beau temps, et surtout de confortables bénéfices. Les cinq plus gros éditeurs détiennent ainsi 40% des titres scientifiques. Parmi eux, Elsevier, qui détiendrait à lui seul un quart du marché, réalise une marge de plus de 30% sur ses journaux scientifiques selon les chiffres publiés dans son rapport annuel. Comme la presse écrite un peu partout dans le monde, la littérature scientifique fait donc face à sa crise, la «serial crisis», dans laquelle les bibliothèques, qui paient des abonnements aux revues spécialisées, sont en première ligne. Aux ÉtatsUnis, entre 1986 et 2011, le prix des souscriptions a ainsi augmenté de 400%, alors que, grâce à la
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révolution numérique, les frais de production n’ont jamais été aussi faibles. «Autrefois, le chercheur cédait ses droits d’auteur en échange d’un important travail de la part de l’éditeur», explique Nicolas Kühne, chercheur et professeur à la Haute École de travail social et de la santé, à Lausanne. Mais pour ce fervent défenseur de l’Open Access, «aujourd’hui, les frais tels que l’impression ou la diffusion n’ont plus lieu d’être». Chaque année, l’Université de Lausanne et le CHUV déboursent 4 millions de francs pour pouvoir accéder à la littérature scientifique. Compte-tenu de ces sommes, «même les plus grandes universités ne peuvent plus prétendre offrir un accès exhaustif», déplore Cécile Lebrand, responsable au sein de l’Unité de gestion des publications à la bibliothèque de la Faculté de biologie et de médecine (FBM). Des titres disparaissent donc régulièrement de l’offre de la bibliothèque lausannoise.
Un paiement à double En 2012, l’Université Harvard, aux États-Unis, l’une des mieux dotées au monde, annonçait qu’elle ne pouvait plus continuer à payer autant. En Allemagne, l’année dernière, une soixantaine de bibliothèques universitaires se sont unies pour dénoncer les contrats qui les liaient aux éditeurs. Et elles ne sont pas les seules à entrer en résistance. Les agences de
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financement nationales ne veulent plus non plus que les recherches menées grâce à leurs bourses soient barricadées derrière de coûteux abonnements. Car en fin de compte, cela revient à payer deux fois: d’abord pour la recherche elle-même, puis pour la consulter. Les bibliothèques et les fonds de recherche étant alimentés par les contribuables, ceux-ci paient, eux aussi, à double. L’Open Access, ou la mise à disposition d’articles gratuits sur Internet, est né en réaction à cette crise. Le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) s’est fixé comme objectif que 100% des publications résultant de son soutien financier soient disponibles en Open Access d’ici à 2020. Ainsi, les 8’500 chercheurs que le FNS soutient annuellement devront obligatoirement publier leurs articles et résultats en accès libre. De son côté, swissuniversities, l’association des universités et hautes écoles suisses, souhaite que «toutes les publications scientifiques financées par les pouvoirs publics» soient en Open Access en 2024.
Pour la science ouverte L’Open Access s’inscrit dans le courant de l’Open Science. «C’est une certaine éthique où la connaissance doit être accessible à toutes et à tous, souligne Nicolas Kühne, chercheur et professeur à la Haute École de travail social et de la santé. Un principe de base que je partage avec une grande partie des chercheurs.» Car recherche et publication vont de pair. «Une découverte n’existe que si elle est publiée et n’a de sens que si elle est partagée et discutée», affirme le chercheur. Il y a 300 ans, les premières revues scientifiques apparaissaient et la diffusion de la connaissance débutait. Mais petit à petit, tandis que ces éditeurs académiques se transformaient en empires du savoir, être publié dans l’une de leurs revues est devenu le Graal pour les chercheurs. L’adage «publish or perish» (publie ou péris) incite les chercheurs à publier dans des revues qui ont, si possible, un facteur d’impact élevé. Ces revues bénéficient d’une grande visibilité et chaque publication aug-
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L’ANNÉE À PARTIR DE LAQUELLE TOUTES LES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES EN SUISSE DEVRAIENT ÊTRE EN ACCÈS LIBRE, SELON LA STRATÉGIE DÉCIDÉE L’AN DERNIER PAR SWISSUNIVERSITIES, L’ASSOCIATION FAITIÈRE DES HAUTES ÉCOLES UNIVERSITAIRES.
mente donc les chances pour un chercheur d’avancer dans sa carrière. «‘Sois cité ou péris’ serait plus proche de la réalité», témoigne Nicolas Kühne. Et pourtant, près de la moitié des articles scientifiques publiés ne sont pas accessibles à cause de barrières financières. «Les chercheurs ont donc un avantage “tactique” à publier en Open Access», ajoute le professeur. Des études montrent que les articles publiés en Open Access sont plus facilement lus et plus souvent cités. «Dans le domaine biomédical, les articles publiés en accès libre comptent ainsi entre 30 et 40% de citations supplémentaires», explique Cécile Lebrand. L’Open Access permet aussi de partager le savoir avec d’autres acteurs, comme les start-up, les hôpitaux régionaux ou encore les petites universités. Alors qui pourrait s’y opposer?
Les voies du partage Personne, hormis les éditeurs traditionnels, n’est contre l’Open Access. C’est d’ailleurs l’une des missions de Cécile Lebrand au sein de la Bibliothèque universitaire de médecine (BiUM) de l’UNIL-CHUV: aider les chercheurs de la FBM à mieux gérer leurs publications et les accompagner dans cette transition vers l’Open Access. Mais informer et convaincre que la voie vers l’ouverture n’est pas si compliquée reste un défi. Si les chercheurs ne sont pas encore
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tous acquis à la cause, c’est parce que «mettre ses publications en Open Access reste onéreux et implique des démarches administratives supplémentaires», explique Cécile Lebrand. Elle souligne encore que les chercheurs doivent maîtriser de plus en plus de compétences annexes, et doivent avoir «une meilleure connaissance et maîtrise de leurs droits d’auteur et des licences de partage». Il existe deux voies pour publier en Open Access. La première c’est la voie dorée, ou Gold Road. Dans ce modèle, l’auteur doit s’acquitter des frais de publication (APC, pour Article Processing Charges) à l’éditeur en échange d’une publication en libre accès. Le montant varie de 50 à 6’000 francs. «Dans le domaine biomédical, ces frais se situent en moyenne à 2’500 francs par article», indique Cécile Lebrand. La responsable relève encore le cas des revues hybrides, où certains éditeurs jouent sur deux tableaux: «Ils se financent via les abonnements institutionnels traditionnels, mais également via les APC payés par les auteurs», qui sont justement affiliés à ces instituts qui paient pour des abonnements. C’est la méthode du «double dipping», où les institutions paient deux fois le même service. Cécile Lebrand prévient toutefois que «la FBM, tout comme le FNS excluent tout financement de cette «option Open Access» proposée par les revues hybrides». Nicolas Kühne, lui, n’est pas entièrement séduit par le modèle du «pur Gold Open Access». Pour lui, le problème reste le même: «Au lieu de demander de l’argent aux lecteurs, il le demande aux auteurs.» Des frais de publication qui, pour le chercheur, ne correspondent pas aux frais réels. La deuxième voie vers l’Open Access est «verte»: c’est la Green Road. Dans ce modèle, l’article sera publié commercialement dans une revue traditionnelle. Cependant, l’auteur effectue aussi un dépôt en libre accès de son «Author’s Accepted Manuscrit» sur un serveur de l’institution «en accord avec les règles légales imposées par les éditeurs», précise Cécile Lebrand. Ce terme anglais définit la dernière version, revue par les pairs et acceptée par l’édi-
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teur, avant la publication. À l’UNIL-CHUV, elle est déposée sur SERVAL (SERVeur Académique Lausannois). Après une période d’embargo, entre 6 et 24 mois, l’article est disponible librement sur ce serveur dans la durée. «C’est aussi une manière de pérenniser un article et s’assurer qu’il sera toujours disponible», confie Cécile Lebrand. La FBM encourage les deux voies: la pure Gold Road et la Green Road. Elle propose d’ailleurs huit subsides de 3’000 francs chacun pour soutenir la mise en Open Access des publications.
Vers une science libre et ouverte «L’Open Access n’est qu’une première étape d’un énorme changement de paradigme dans la recherche scientifique», estime Cécile Lebrand. Pour accomplir l’idéal de l’Open Science, il faudra encore que les données de recherche soient publiées et disponibles en libre accès. L’Open Data constitue donc un autre challenge, notamment vis-à-vis du respect de la vie privée des patients. La discussion s’ouvre désormais aussi avant la parution. Des sites comme arXiv et bioRxiv permettent aux chercheurs de déposer leur article avant la publication ou en cours de recherche, pour que d’autres chercheurs puissent commenter, modifier ou suggérer. «Le virage est pris, estime Nicolas Kühne, mais il faudra un temps de transition: les plateformes de dépôt doivent être créées ou promues, les modalités de financement mises en place et la publication en Open Access encouragée.» Dans la bibliothèque du CHUV, Cécile Lebrand se réjouit d’accompagner les chercheurs vers la science ouverte et accessible. ⁄
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CHRONIQUE
SAMIA HURST Directrice de l’Institut Éthique Histoire Humanités (iEH2), Faculté de médecine, Genève
Comment mieux appréhender les questions éthiques Les questions posées lors de consultations d’éthique clinique sont variées, mais au fil du temps, certaines sont récurrentes. «Jusqu’où aller?» nous demande-t-on par exemple, à tous les âges de la vie et dans tous les secteurs de la médecine, ou «Comment faire pour savoir à quel moment commence l’acharnement thérapeutique?» Comprendre cette limite, c’est voir qu’elle a trois composantes. On atteint une première sorte de limite lorsqu’une intervention serait inefficace. L’alimentation artificielle pour prolonger la survie chez une personne atteinte de démence avancée est un exemple. Cette limite, on peut la reconnaître objectivement.
La troisième limite est atteinte lorsque le coût est excessif au regard de l’intérêt de l’intervention pour le patient. Il ne s’agit alors pas d’acharnement thérapeutique, cela dit. C’est bien sûr la limite la plus controversée. Il faut la reconnaître comme telle. Pourquoi franchissons-nous ces limites? Nos espoirs peuvent être irréalistes. Nos interventions peuvent viser un but dont le patient ne veut pas, mettre en danger ses priorités au nom des nôtres. Elles peuvent être confuses, par exemple lorsque nous prescrivons pour montrer au patient que nous ne l’abandonnons pas. Il arrive que notre bienveillance nous piège, nous donne une fausse impression de faire le bien là où nous avons voulu le bien. Détisser ce qui se passe est important. Dans tous les cas, comprendre la situation est un premier pas pour y faire face.
La deuxième limite est atteinte lorsque l’intervention serait disproportionnée. Lorsqu’elle aurait un effet, oui, mais que celui-ci serait trop faible ou trop incertain pour justifier Afin d’aider les équipes confrontées entre le fardeau imposé au patient. La poursuite de la autres à ce genre de difficultés éthiques, l’Unité ventilation mécanique, par exemple, lorsqu’une d’éthique clinique du CHUV, en partenariat personne se trouve dans un état dont elle ne avec le Centre des formations, offrira désormais voudrait pas et dont elle ne pourra pas sortir. sur demande des ateliers interdisciplinaires. Cette limite n’est pas objective. Elle dépendra en Les premiers thèmes proposés seront fondés partie des priorités de chacun. sur ce que l’expérience de consultation révèle comme incontournable: la futilité, la capacité de discernement, la décision partagée et les désaccords sur le projet de soin, la qualité de vie, l’usage de la contrainte médicamenteuse et physique, et les vulnérabilités. Ils donneront lieu à une attestation de formation. Un certificat PROFIL Samia Hurst est bioéthid’études avancées (CAS) en leadership éthique cienne et médecin, consuldans les organisations de santé est également tante du Conseil d’éthique proposé. Nous espérons que ces initiatives donneront clinique des Hôpitaux unilieu à un meilleur outillage de chacun face à un versitaires de Genève (HUG), responsable de l’Unité des aspects les plus riches et les plus difficiles de d’éthique clinique du CHUV, nos professions. ⁄
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et directrice de l’Institut Éthique, Histoire, Humanités (IEH2) à la Faculté de médecine de Genève.
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DE NOUVELLES PISTES POUR MIEUX DORMIR Près d’un tiers de la population suisse souffre de troubles du sommeil. Les scientifiques développent des techniques allant d’applications connectées à la robotique pour vaincre ce fléau. TEXTE: JULIEN CALLIGARO
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ester éveillée devant la télévision Heinzer, professeur associé et médecin ou jusqu’à la fin d’un film relevait il chef au Centre d’investigation et de y a peu de la mission impossible recherche sur le sommeil du CHUV. pour Emilie Ostertag. «Même en pleine L’étude de cohorte HypnoLaus, menée journée, durant mon travail ou pendant dans la région lausannoise sur plus de les repas, je subissais de profondes 5’000 personnes entre 2009 et 2013, a somnolences. Lorsque je prenais la voiture, révélé que 49% des hommes et 23% des j’étais obligée de m’arrêter femmes présentent plus de 15 régulièrement pour faire apnées par heure de sommeil. des micro-siestes.» L’état de fatigue permanent de la Un autre chiffre témoigne du Genevoise de 31 ans avait mauvais sommeil des Suisses. également un impact sur sa Près d’un tiers de la population vie sociale: «Lors de soirées souffre de difficultés à s’endoravec des amis, j’étais toujours mir ou d’insomnies, selon la première à rentrer!» Il y l’Office fédéral de la statistique. a deux ans, à la suite d’une La prévalence augmente avec visite chez son médecin l’âge: 25% des 15-34 ans sont pour de fortes migraines concernés, contre 40% des En pourcentage, chroniques, Emilie Ostertag 65 ans et plus. Les adolescents le nombre de Suisses constituent une catégorie découvre qu’elle souffre qui a régulièrement d’hypopnée, ou apnée particulièrement à risque. recourt à des du sommeil modérée. Une étude de l’Université de somnifères. Bâle a montré que l’utilisation Ce trouble du sommeil est d’appareils électroniques caractérisé par une obstruction partielle diminuait la durée du sommeil et du pharynx qui entraîne une baisse augmentait les troubles du sommeil. de plus de 50% du flux d’air pendant Raphaël Heinzer, du CHUV, estime ainsi au moins dix secondes, associée à une qu’une personne sur deux présentera au diminution du taux d’oxygène dans le moins un épisode d’insomnie dans sa vie. sang ou à un micro-éveil. «Les apnées du sommeil sont plus fréquentes que En plus de conséquences sur la vie ce que l’on pense», remarque Raphaël personnelle et professionnelle, les
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«Nous avons perdu une heure et demi de sommeil depuis un siècle», remarque Raphaël Heinzer, médecin chef au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV et professeur associé à l’Université de Lausanne.
troubles du sommeil ont des répercussions sur la santé. «Les asphyxies répétées pendant la nuit engendrées par les apnées forcent le cœur à travailler de façon plus intense au moment même où il manque d’oxygène, explique Raphaël Heinzer. Les personnes souffrant d’apnées ont deux fois plus de risques d’avoir un AVC et un risque augmenté de maladies métaboliques telles que le diabète». Leur probabilité de souffrir d’une dépression augmente La proportion également. de la population
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suisse qui souffre de troubles du sommeil.
ROBOT CONTRE L’INSOMNIE
D’où vient ce fléau qui empoisonne nos nuits? Selon Raphaël Heinzer, la réponse se trouve du côté de notre mode de vie: «En 100 ans, nous avons perdu une heure et demie de sommeil. Ce phénomène est aujourd’hui exacerbé, car la pression vers la performance est nettement plus forte qu’auparavant: on dort moins pour travailler davantage ou CORPORE SANO
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avoir plus de loisirs.» Les attentes face au sommeil ont aussi changé. «Nous voulons tout contrôler, y compris la façon dont nous dormons. Ceci est en partie dû à la médiatisation des troubles du sommeil et aux avancées scientifiques des 20 dernières années dans ce domaine. Vouloir contrôler son sommeil pour avoir de meilleures performances le lendemain risque d’aggraver la situation.» Le spécialiste déconseille par exemple l’utilisation d’appareils électroniques pour analyser ses nuits: «Ils sont imprécis et n’aident pas à mieux dormir. Le meilleur juge de la qualité de son sommeil, c’est soi-même.» Des traitements existent pour rendre la vie des personnes souffrant de troubles du sommeil moins pénible. Les cas d’insomnie psychophysiologique peuvent être traités sans médicament. Ce type de trouble est déclenché après une insomnie aiguë due à un événement difficile:
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85+
Les personnes âgées de 85 ans et plus sont presque deux fois plus souvent concernées par des troubles du sommeil que les jeunes de 15 à 24 ans (36% contre 19%).
certaines personnes développent une forme d’anxiété de ne pas pouvoir dormir et n’y arrivent effectivement plus. Raphaël Heinzer conseille alors des thérapies cognitivocomportementales. «Il s’agit de techniques simples qui ont pour but de réorganiser le sommeil, telles que la restriction temporaire du temps passé au lit, explique le spécialiste. Cela passe également par un travail avec un psychologue pour se débarrasser de l’association négative avec le lit et reprendre confiance dans ses capacités à dormir.» Une start-up néerlandaise issue de l’Institut de robotique de l’Université de Delft mise sur le recours à la technologie. Elle a développé un robot, baptisé «Somnox», pour améliorer la qualité du sommeil. Il s’agit d’un coussin en forme de cacahuète qui se gonfle et se dégonfle, imitant la respiration d’une personne endormie. Le principe: l’usager réplique inconsciemment le même rythme respiratoire que le robot afin de s’endormir plus rapidement. La machine a été présentée début 2018 et les premières livraisons sont prévues à la fin de l’année. UNE APPLICATION POUR DÉTECTER LES RISQUES
Plusieurs solutions existent aussi pour réduire les apnées du sommeil. Le support ventilatoire, appelé CPAP (Continuous Positive Airway Pressure), permet d’insuffler de l’air dans les voies aériennes à l’aide d’un masque qui couvre le nez ou le nez et la bouche. Cette pression s’oppose à la fermeture des voies aériennes à l’origine des apnées. Pour des troubles moins importants, une gouttière dentaire peut aussi être utilisée. Ce système avance la mâchoire CORPORE SANO
pendant le sommeil pour dégager la trachée. De nouvelles techniques se développent également: «La majorité des apnées surviennent lorsque l’on dort sur le dos, note Raphaël Heinzer. Une start-up a récemment mis au point une bande que l’on place sur le thorax et qui vibre lorsque l’on se trouve dans cette position. Petit à petit, les personnes apprennent à ne pas dormir ainsi.» Autre méthode: la pose d’un implant stimulant les nerfs contrôlant les fonctions respiratoires. C’est le principe du système «Inspire», utilisé pour traiter les apnées obstructives du sommeil. Analysant la respiration du patient, le dispositif envoie des impulsions au nerf hypoglosse, en charge des mouvements de la langue et de muscles liés aux voies respiratoires. «Ce traitement est réservé aux cas les plus difficiles ne supportant pas l’appareil ventilatoire», précise Raphaël Heinzer. Les progrès viennent aussi des techniques de diagnostic. Pour éviter de passer des nuits à analyser le sommeil – des procédures coûteuses et dont la disponibilité est restreinte –, l’équipe de Raphaël Heinzer a mis sur pied un outil de dépistage. Le score NoSAS, également disponible sur une application pour smartphones, permet d’identifier les risques d’apnée du sommeil. Le questionnaire porte sur cinq facteurs: le tour de cou, l’indice de masse corporelle, le sexe, l’âge et les ronflements. «Si le total est en dessous de huit points, le risque d’apnée du sommeil est exclu avec une certitude de 90 à 95%, dit le spécialiste. À partir de huit, nous recommandons d’en parler à son médecin qui pourra, s’il le juge nécessaire, organiser un examen du sommeil.» ⁄
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AMÉLIE BENOIST / BSIP / NEWSCOM
UN ROBOT EN GARDIEN DU LIEN
Dans plusieurs hôpitaux suisses, les jeunes patients peuvent désormais garder un contact étroit avec leurs camarades de classe grâce à un robot. Celui-ci pourrait en outre s’avérer utile pour travailler sur certains symptômes autistiques. TEXTE: STÉPHANIE DE ROGUIN
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e robot Nao se trouve dans la salle de classe, installé à la place du petit Martin. Hospitalisé depuis plusieurs semaines pour une lourde opération, le garçon suit le cours depuis son lit à travers les yeux du robot et interagit par le biais d’une tablette. L’occasion de ne pas perdre une miette du monde de l’école et des apprentissages, et surtout de garder un lien avec ses camarades.
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rachetée depuis par le géant japonais Softbank. Haut de 60 cm, programmable en 19 langues différentes, Nao en est aujourd’hui à sa cinquième version et 9’000 exemplaires ont été vendus dans le monde.
«Ce système permet à l’enfant hospitalisé pour une longue durée de conserver sa place dans les lieux de son quotidien, sa salle de classe, mais aussi la table à manger familiale», expose Thierry Perronnet, le directeur général d’Avatarion, une entreprise suisse de robotique humanoïde. Le projet a été imaginé en 2014 par Jean-Christophe Gostanian, qui se trouve également à l’origine de Kindercity, un parc à thème axé sur l’apprentissage de la science par le jeu situé dans la région de Zurich.
Mené sous forme de projet pilote à l’Hôpital universitaire de Bâle dans un premier temps, le programme Avatar Kids a ensuite été étendu à plusieurs hôpitaux de Suisse, notamment à Zurich et à Saint-Gall. Certains hôpitaux ont investi la somme de 25’000 francs pour Nao et sa station programmable. D’autres ont bénéficié d’un robot mis à disposition par la caisse maladie Helsana, l’un des principaux partenaires du projet avec la branche suisse du géant électronique Samsung. La technologie Avatar Kids a depuis été exportée en France, en Italie, aux États-Unis ou encore au Mexique.
Avatarion a développé des outils pour donner une visée pédagogique au robot Nao, conçu en 2006 par la start-up française Aldebaran Robotics,
Les enfants hospitalisés pour une longue durée souffrent de pathologies lourdes (cancer, maladie rare) ou ont subi une opé-
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ration conséquente. «Nous laissons passer la partie importante du traitement avant d’approcher les parents, dont l’accord est naturellement nécessaire avant d’aller plus loin», explique Thierry Perronnet, d’Avatarion. La mise en place du programme se fait sur prescription médicale. C’est donc l’équipe médicale de l’hôpital qui va décider du temps consacré à Avatar Kids, et du bon moment pour commencer le programme. Le maître d’école est, quant à lui, formé pendant une demi-journée à l’utilisation de la tablette et du système. «Généralement, les élèves sont très curieux et accueillent positivement l’arrivée du robot en classe», témoigne Thierry Perronnet. L’enseignant les prépare au fait que leur camarade n’a peut-être plus de cheveux, ou que son apparence n’est plus la même qu’à son départ. Car Nao possède un petit écran sur la tête, qui diffuse en direct les images de l’enfant hospitalisé. Sa voix est transmise par des haut-parleurs situés sur les deux côtés du robot.
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POUR QUELS PATIENTS? Le projet Avatar Kids concerne les enfants de 5 à 15 ans, qui connaissent une hospitalisation d’au moins dix jours. Il cible les situations suivantes: Nouvelles admissions d’enfants qui acceptent difficilement leur hospitalisation à cause du manque de relations sociales avec leur classe ou leurs amis.
Hospitalisations récurrentes de patients qui doivent rester à l’hôpital pour de longues périodes. La greffe de moelle osseuse, par exemple, induit de longs séjours de plus de trois mois, ce qui peut conduire à un isolement de l’enfant. Patients souffrant de troubles psychosomatiques tels que l’anorexie ou la boulimie.
Réintégration d’un enfant suite à un séjour de plusieurs mois à l’hôpital, afin de reconstruire le contact social.
«Le dispositif permet de dédramatiser la maladie», poursuit le directeur d’Avatarion. Et, pour l’élève hospitalisé, de ne pas prendre trop de retard. L’enseignant peut photographier des feuilles de cours, qu’il envoie à l’enfant sur sa tablette. Celui-ci y fait ses exercices, et les renvoie à son maître pour qu’il les corrige. Lors d’un cours en direct, l’enfant malade peut appuyer sur des icônes à l’écran pour signaler à son enseignant qu’il ne se sent pas bien ou qu’il est trop fatigué. L’enseignant dira alors aux élèves que le contact est fini pour aujourd’hui, sans avoir à expliquer pourquoi. PAS ENCORE EN SUISSE ROMANDE
Parti de Suisse alémanique, le projet n’a pas encore été expérimenté en Suisse romande. Pourtant, les Établissements hospitaliers du Nord vaudois sont équipés d’un robot Nao, que la municipalité d’Yverdon-les-Bains a acheté conjointement avec l’Association pour le développement du Nord vaudois il y a deux ans. «Le projet Avatar Kids est prévu CORPORE SANO
qui changent de couleur. Les parents se montrent également plutôt enthousiastes. Mais les sessions ne durent pas plus de dix minutes. «Nous tenons à favoriser l’interaction humaine avant tout», insiste l’animatrice. INTÉRÊT PARTICULIER POUR LES ENFANTS AVEC AUTISME
pour des hospitalisations de plus de dix jours, ce que nous n’avons pas pour le moment», précise Séverine Berger, animatrice de l’association Hospirécré, qui intervient au Service de pédiatrie de l’hôpital d’Yverdon-les-Bains. Pour l’instant, elle utilise Nao pour faciliter le contact avec les enfants qui sortent d’une opération, nécessitant un séjour d’un ou quelques jours. Dans les chambres comptant entre deux et quatre jeunes patients, elle les divertit en faisant danser le robot. «Les enfants se contentent de regarder. Cela va un peu vite pour le suivre. Mais Nao sait aussi montrer des exercices de tai-chi ou de yoga. Lorsqu’il s’agit de tenir une posture, les enfants peuvent alors plus facilement participer.» Séverine Berger observe un intérêt et une grande curiosité des enfants hospitalisés pour ce nouveau venu. Seuls les très jeunes patients, âgés d’un an ou deux, se montrent peu réceptifs et prennent parfois peur devant les yeux de Nao INNOVATION
Le robot Nao possède également toute une batterie de jeux didactiques, notamment destinés aux enfants avec un trouble du spectre autistique. Impassible et doté d’une voix monocorde, il permet à ces enfants très sensibles aux émotions de leurs interlocuteurs d’apprendre et d’évoluer sans avoir le sentiment d’être jugés. Softbank Robotics mène des recherches pour que, à terme, Nao détecte les émotions des enfants avec autisme afin de leur proposer une activité adaptée. S’il décèle de la tristesse, il pourrait par exemple suggérer une forme de réconfort, ou un jeu pour leur changer les idées. Le Centre Cantonal Autisme, au CHUV, a reçu fin mars un robot Nao, fourni par la fondation Planètes Enfants Malades, pour travailler avec ses jeunes. «Les robots ne remplacent en aucun cas les thérapeutes mais constituent un outil numérique pertinent pour travailler sur certains symptômes autistiques, note la Prof. Nadia Chabane, directrice du centre. Nous nous réjouissons de découvrir les diverses applications possibles dans le cadre de notre activité». ⁄
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LA MÉMOIRE, CE SPORT DE HAUT NIVEAU TEXTE PATRICIA MICHAUD
COMME L’ATHLÉTISME OU LE FOOTBALL, LA MÉMOIRE A SES CHAMPIONNATS DU MONDE. QUI PRÉTEND Y PARTICIPER DOIT S’ENTRAÎNER DUR, NOTAMMENT GRÂCE À DES MÉTHODES BASÉES SUR LES IMAGES ET LES ASSOCIATIONS. CES EXERCICES PEUVENT-ILS ÉGALEMENT PRÉVENIR LE VIEILLISSEMENT COGNITIF?
Nelson Dellis a remporté quatre fois le championnat américain de la mémoire.
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UNE MÉMOIRE AU PLURIEL
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NELSON DELLIS
es pupitres verts sont alignés avec une rigueur militaire, qui contraste avec la décontraction vestimentaire des dizaines de personnes qui y sont installées: survêtement de sport pour beaucoup, casquette pour certaines, casque anti-bruit pour la majorité. Les têtes sont baissées, les nuques sont raides, la concentration est à son apogée. En 2017, c’était au tour de la ville de Shenzen d’accueillir les Championnats du monde de mémoire (World Memory Championships), une compétition qui voit s’affronter chaque année durant trois jours des concurrents issus d’une trentaine de pays. Au menu? D’interminables listes de mots, des associations de visages et de noms, des jeux de cartes ou encore des chiffres à mémoriser. C’est Munkhshur Narmandakh qui l’a emporté en Chine, devenant la première femme à être sacrée lors de ce concours fondé en 1991 par le père de la cartographie mentale Tony Buzan et le grand maître d’échecs Ray Keene. La jeune Mongole de 18 ans est notamment parvenue à retenir l’ordre de 37 jeux de cartes, soit 1’924 cartes à la suite. Appelés mnémonistes, les athlètes de la mémoire sont de plus en plus nombreux. Ils seraient des dizaines de milliers en Asie, où les émissions de télévision telles que «The Brain» font fureur. Pour prétendre figurer CORPORE SANO
parmi l’élite mondiale de cette discipline qualifiée de sportive – ou «memory sports» – par ses adeptes, un entraînement digne de celui d’un sportif de haut niveau est en effet nécessaire. Fait intéressant, la faculté de booster sa mémoire n’est pas réservée à une poignée de génies. Une étude publiée en 2017 dans la revue «Neuron» montre par exemple que, sous réserve d’une pratique régulière de la méthode dite «des lieux» (voir encadré p. 57), tout un chacun peut augmenter ses capacités mnésiques de façon notable. Reste que des profils types se dégagent, relève Françoise Marie Thuillier, présidente du French Memory Sports Council. «En Asie, il y a pas mal d’excellents compétiteurs qui ont une vingtaine d’années, voire moins. En France, la moyenne d’âge est d’environ 30 ans. Il s’agit souvent d’ingénieurs, de juristes ou de chercheurs brillants et polyglottes. Je rencontre aussi beaucoup de personnes atypiques, toujours très attachantes.»
TOUS LES ÂGES
Comme les auteurs de l’étude parue dans «Neuron», Françoise Marie Thuillier constate que sous leur forme simple, les méthodes utilisées par les mnémonistes – qui font la part belle aux images et aux associations – sont accessibles à tout un chacun. Elles permettent notamment «d’apprendre de façon plus efficace, par exemple les langues, et de doper sa PROSPECTION
«J’ai les mémoires qui flanchent, j’me souviens plus très bien… » Telles devraient être les paroles de la célèbre chanson interprétée par Jeanne Moreau en 1963. En effet, il existe plusieurs mémoires, dont les cinq plus connues sont les suivantes:
Mémoire de travail Il s’agit d’une mémoire à court terme, qui permet de retenir et manipuler les informations le temps d’une tâche à effectuer (par exemple composer un numéro de téléphone)
Mémoire perceptive Appelée aussi mémoire sensorielle, elle permet de se souvenir des odeurs, des sons, des lieux, etc.
Mémoire procédurale C’est la mémoire des savoir-faire (conduire, manger, etc.)
Mémoire sémantique Il s’agit de la mémoire des savoirs définitifs (capitale d’un pays, nombre de mois dans l’année, etc.)
Mémoire épisodique Également appelée mémoire autobiographique, cette mémoire concerne les souvenirs personnels (vacances en famille, première déception amoureuse, etc.)
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concentration». La spécialiste donne trois conseils afin d’améliorer sa capacité de mémorisation: pratiquer la «méthode des lieux», avoir recours aux images mentales et écrire des haïkus. Ces poèmes japonais courts, qui célèbrent le moment qui passe, obligent en effet «à faire preuve de créativité, tout en appréciant l’instant présent». Or, la notion de plaisir est essentielle, surtout dans l’apprentissage, relève cette férue de culture japonaise. Même son de cloche du côté de l’association suisse d’entraînement de la mémoire (Schweizerischer Verband für Gedächtnistraining, SVGT): «C’est prouvé, l’apprentissage n’est pas seulement un processus cognitif, mais aussi émotionnel», rappelle Margit Bittmann, membre de la direction de la SVGT. Les praticiens regroupés sous l’égide de l’association s’efforcent d’ailleurs d’accompagner leurs clients «dans leur ensemble, en tenant compte de leur environnement et de leur mode de vie». À des kilomètres de la discipline sportive, on ne vise pas ici la vitesse et la quantité d’éléments mémorisés, mais seulement la qualité. «Nos clients ont tous les âges et toutes sortes de besoins. Cela va de l’écolier qui peine à apprendre ses leçons à la victime de lésions cérébrales, en passant par le senior qui égare trop souvent ses clés.» L’entraînement de la mémoire permet-il donc de retarder le CORPORE SANO
vieillissement cognitif? «Je le formulerais différemment», nuance Margit Bittmann. «Il permet de mettre en place des stratégies afin de lutter contre les problèmes liés au vieillissement cognitif.» Pour ce faire, les coaches de la SVGT s’appuient fortement sur les images et les associations, tout comme les mnénonistes. Mais la responsable de l’association souligne que l’entraînement de la mémoire ne constitue qu’une pièce du puzzle: «Pour conserver un cerveau alerte, il faut traverser le monde avec curiosité, entreprendre de nouvelles choses, quel que soit son âge.»
L’HYGIÈNE DE VIE AVANT TOUT
Neuropsychologue cadre au Centre Leenaards de la mémoire, au CHUV, Andrea Brioschi Guevara met elle aussi en avant l’important rôle que joue la stimulation dans le maintien du bon fonctionnement cognitif, grâce à la plasticité cérébrale. De nombreuses études ont montré que cette dernière est fortement associée à la réserve cognitive, à savoir l’ensemble des connaissances et acquis cognitifs amassés durant la vie. On peut dès lors postuler que le fait de lire, d’étudier, de s’adonner à des activités culturelles «mais aussi de faire de l’exercice physique et d’avoir des contacts sociaux plaisants et réguliers» contribue à retarder PROSPECTION
le vieillissement cognitif. À l’inverse, les recherches ayant porté sur les entraînements cognitifs n’ont pas montré de résultats probants en tant que tels. «Ces entraînements doivent donc s’inscrire dans une démarche plus globale visant à avoir la meilleure hygiène de vie possible.» Andrea Brioschi Guevara souligne dans ce contexte les bienfaits d’une alimentation appropriée – si possible orientée vers le régime méditerranéen – et d’un sommeil de qualité. «Cela ne vaut pas que pour les seniors. Des chercheurs ont constaté que si on fait mémoriser à un ado une liste de mots à 21h et qu’on les rappelle le lendemain matin à 9h, les performances sont meilleures que si on lui demande de mémoriser une liste à 9h pour le tester à 21h.» En effet, le sommeil «permet de consolider l’apprentissage et de nettoyer les cellules». Tout comme l’activité physique. «À mon avis, l’une des bonnes choses que peut faire une personne d’un certain âge qui vit seule, c’est acquérir un chien: cela l’obligera à marcher, à faire des courses, à avoir un rythme. Tout en lui permettant de faire des rencontres!» ⁄
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CRÉER SON «PALAIS DE LA MÉMOIRE» S’EFFECTUE EN DEUX ÉTAPES DISTINCTES:
UN PALAIS POUR SE SOUVENIR La «méthode des lieux», appelée aussi «méthode des loci» ou «palais de la mémoire», aurait été élaborée dans l’Antiquité par le poète grec Simonide de Céos. Nelson Dellis, quatre fois victorieux du championnat américain de la mémoire, utilise cette technique. Elle lui permet de mémoriser en un temps record des centaines de nombres, noms ou mots, ainsi que des enchaînements de cartes à jouer. Le schéma ci-dessous présente quelques-uns des endroits, personnages et actions se trouvant dans la maison imaginaire de l’athlète.
1. Conception Choisir une maison Il faut tout d’abord imaginer un déplacement à travers des endroits familiers. Une maison que l’on connaît bien, avec de nombreuses pièces pour stocker de l’information, est idéale. Il est recommandé d’en dessiner le plan pour visualiser le chemin parcouru en son sein. Placer des objets à l’intérieur Les pièces du palais ne sont pas vides. Il faut y ajouter divers éléments: des ustensiles, du mobilier, etc. Ces derniers apparaissent dans chaque pièce dans un ordre défini. La peupler de personnages en train d’agir Il est également possible d’associer à l’objet une personne connue (célébrité ou membre de la famille) et une action (ou émotion). Plus l’image mentale est bizarre, plus elle devrait se fixer dans la mémoire. Nelson Dellis visualisera ainsi son «ex, sur un bureau dans la salle à manger, en train d’avaler un sabre». S’en souvenir Une fois son palais créé et peuplé d’images évocatrices, il faut le passer en revue encore et encore pour en maîtriser chaque station.
2. Application
BENOIT ECOIFFIER
Utiliser son palais pour faire travailler sa mémoire Le lieu imaginaire obtenu pourra être mobilisé dès que nécessaire. Un discours que l’on souhaite apprendre par cœur pourra ainsi être découpé en plusieurs morceaux, chaque phrase correspondant à un des personnages en action. Le début du discours renverra évidemment à la personne située à l’entrée de la maison et la fin à celle se tenant à la sortie, dans le jardin ou le garage par exemple. Le contenu comme le déroulé du discours devrait ainsi rester en mémoire. CORPORE SANO
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TEXTE CHLOÉ BURGAT ILLUSTRATION VERÓNICA GRECH
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PEAU CONTRE PEAU, PARENTS ET BÉBÉS SE SOIGNENT Alors que le nombre d’enfants prématurés augmente, la méthode dite «kangourou», consistant à poser le bébé nu contre la poitrine des parents, est aujourd’hui considérée comme un incontournable en néonatologie. Une nouvelle écharpe pour soutenir les nouveau-nés est d’ailleurs en train d’être testée au CHUV.
l y a une dizaine d’années, les prématurés se trouvaient derrière des vitres dans un pavillon. L’accès était restreint aux parents et il était hors de question que la fratrie ait des contacts avec le nouveau-né», se remémore Alice Manser Chenaux, infirmière sage-femme au CHUV, certifiée en soins intensifs. «Aujourd’hui, installer le prématuré nu contre la poitrine de l’un de ses parents, parfois dans la première heure de vie, est l’une des premières choses que l’on fait», explique Chloé Ducret, infirmière clinicienne spécialisée en néonatologie au CHUV. Le contraste est plutôt saisissant. Mais que s’est-il passé dans l’intervalle? Il faut parcourir quelques milliers de kilomètres et changer de continent pour le comprendre. C’est en Colombie, en 1978, que la méthode kangourou a fait ses premières preuves. Confrontés à un manque de couveuses, médecins et sages-femmes ont tenté le tout pour le tout pour essayer de réchauffer les nourrissons, en les mettant directement en contact avec la peau de leur mère, à l’instar des petits CORPORE SANO
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kangourous qui sont bien au chaud dans la poche de la femelle. Non seulement, les bébés colombiens ont régulé leur température corporelle, mais le personnel médical a pu observer de nombreux autres bénéfices inattendus. «Ils ont constaté que les bébés en kangourou bénéficiaient d’une plus grande stabilité de leurs paramètres vitaux (fréquence cardiaque, température, saturation, respiration), d’un meilleur sommeil, que leur réponse à la douleur diminuait et qu’à long terme, leur développement sur le plan neurologique et psycho-social était meilleur», explique Alice Manser Chenaux. DES TRANSFERTS DÉLICATS
Petit à petit, sous différentes formes, cette technique s’est propagée dans les services de néonatologie du monde entier. Dans certaines maternités danoises ou françaises, le peau à peau est pratiqué en continu, 24 heures sur 24. En Suisse, un système intermittent est privilégié: «Nous ne sommes pas organisés pour faire du continu, mais les parents peuvent venir autant qu’ils veulent pour des séances de peau à peau», note Alice Manser Chenaux. «Par contre, une fois qu’ils s’installent c’est pour une heure minimum», explique Chloé Ducret.
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«C’ÉTAIT PEUT-ÊTRE LA DERNIÈRE FOIS QUE JE LE PRENAIS DANS MES BRAS»
Chaque transfert engendre un stress et un risque de déstabilisation pour l’enfant. «Il nous arrive de nous mettre à trois pour déplacer un prématuré. Les nouveau-nés de notre service sont parfois équipés d’un lourd dispositif médical.» Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus aucune contre-indication à mettre un bébé en peau à peau. Que celui-ci soit sondé, intubé ou encore sous antibiotiques il peut profiter de la méthode kangourou. «Ceci était encore impensable il y a une dizaine d’années», se réjouit Chloé Ducret. La pratique a montré de tels effets bénéfiques que les médecins préconisent de la favoriser le plus possible. «Évidemment, si les parents sont malades ou si le bébé est trop instable pour être transféré, on ne prend aucun risque», nuance l’infirmière. DES PARENTS QUI TROUVENT MIEUX LEUR PLACE
Les professionnels de la santé ont également remarqué que la méthode kangourou était bénéfique pour les parents. D’un point de vue psychosocial, elle renforce le lien d’attachement et le sentiment d’utilité: «dans ces momentslà, c’est à peu près la seule chose qu’ils peuvent faire pour leur enfant et personne d’autre ne peut le faire à leur place», commente Alice Manser Chenaux. «On commence à sentir qu’on est parent», confirme Caroline You, la maman du petit Valentin (lire ci-contre). Il arrive aussi fréquemment que des parents épuisés s’endorment. Ils profitent alors d’une parenthèse où l’anxiété n’a plus sa place. Le peau à peau a par ailleurs un effet physiologique non négligeable pour les mamans: le contact du bébé contre leur poitrine déclenche une libération CORPORE SANO
Caroline You a donné naissance à Valentin le 21 octobre dernier au CHUV. Né à 24 semaines et 6 jours, le nourrisson fait partie des grands prématurés pour lesquels la méthode kangourou est très bénéfique. «Nous nous sommes en quelque sorte partagé la fin de la grossesse», explique Caroline You, 25 ans, lorsqu’elle évoque les journées où son conjoint prenait Valentin en peau à peau le matin et elle l’après-midi. Un rituel qui s’est installé deux jours après la naissance de leur enfant, qui pesait à peine 700 g. «C’était très spécial, car on ne savait pas s’il allait vivre. Au début, à chaque fois que je le prenais, j’avais conscience que c’était peut-être la dernière fois que je tenais Valentin dans mes bras». Caroline et son conjoint ont donc profité de chaque moment passé avec leur enfant. Aujourd’hui, Valentin est stabilisé et est sorti des soins intensifs.
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d’ocytocine, l’une des hormones impliquée dans la lactation. «Beaucoup de mères ont une montée de lait durant une séance de kangourou», raconte Chloé Ducret. Un phénomène qui incite le bébé à chercher le sein de sa mère et donc à téter, ce qui «favorisera le développement de l’oralité ainsi que sa prise de poids». Ces bénéfices des deux côtés favorisent donc une progression et un rétablissement plus rapide des prématurés. Mais les parents ne sont-ils pas parfois effrayés de sentir cette vie qui ne tient qu’à un fil entre leurs bras? «Ça arrive de temps en temps, surtout chez les papas. Ce n’est pas vraiment de la peur, mais ils veulent laisser ce moment à la mère ou se sentent moins compétents, analyse Alice Manser Chenaux. Mais une fois qu’ils ont passé le cap, tous sont vraiment ravis!» Afin de perfectionner encore la pratique du peau à peau, le Service de néonatologie du CHUV mène une réflexion concernant une nouvelle méthode de maintien du bébé. «Pour l’instant, le nourrisson est installé verticalement sur la poitrine des parents, ceux-ci ne peuvent donc pas voir le visage de leur enfant et la position du nourrisson n’est pas toujours idéale.» Une écharpe avec anneau permettant un positionnement en diagonale va être testée au CHUV cette année. Elle devrait permettre un meilleur maintien, plus de confort et plus d’interactions visuelles pour les parents des quelque 750 bébés prématurés qui sont hospitalisés chaque année au Service de néonatologie. /
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«In Vivo» vous fait découvrir dans chaque numéro les travaux d’une équipe de chercheurs de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne
NIKO GELDNER
Professeur associé au Département de biologie moléculaire végétale de l’Université de Lausanne (UNIL)
Jouer avec l’étanchéité des plantes pour les rendre plus performantes TEXTE: WILLIAM TÜRLER
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onnus depuis plus d’un siècle et demi, les cadres de Caspary sont des structures imperméables présentes au niveau de l’endoderme, soit la structure cellulaire qui entoure la veine centrale des racines d’une plante. Ces micro-filets permettent aux végétaux d’optimiser la filtration des nutriments dans le sol et le transit de l’eau, mais aussi de mieux les protéger contre différents pathogènes présents dans la terre. L’équipe de Niko Geldner, professeur associé au Département de biologie moléculaire végétale à l’Université de Lausanne (UNIL), a décidé de «casser» ces éléments de manière spécifique, en créant une plante mutante baptisée schengen3. «Notre but est d’identifier un jeu de gènes aussi complet que possible responsable du développement de l’endoderme et de comprendre comment ces gènes fonctionnent ensemble pour mettre en place les cadres de Caspary», indique Niko Geldner. Les travaux de l’équipe lausannoise avancent à un bon rythme.
À terme, les applications sont multiples: en jouant avec le développement de l’endoderme, on pourrait générer des plantes plus résistantes à la sécheresse, nécessitant moins d’engrais ou étant plus résistantes aux pathogènes. Toutes les plantes vasculaires, telles que les plantes à fruits, les arbres, les arbustes, les herbes, les céréales et les fougères, sont pourvues de cadres de Caspary. Ces recherches ouvrent ainsi de belles opportunités dans le domaine de l’agriculture. «Nous espérons que nos travaux ouvriront la voie à une réévaluation de nos modèles, notamment en ce qui concerne la manière dont les racines accumulent les nutriments qui leur sont
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nécessaires. Une bonne compréhension des systèmes de régulation des plantes est essentielle pour tout ce qui concerne l’utilisation d’engrais et d’eau dans des sols pauvres ou contaminés.» ⁄
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LE NUMÉRIQUE CONTRE L’ISOLEMENT Seniors Les chercheurs de l’EPFL + ECAL Lab ont développé des outils digitaux pour permettre à certaines personnes âgées de mieux s’intégrer dans la vie de leur quartier. TEXTE: ROBERT GLOY REPORTAGE PHOTO: ANOUSH ABRAR / EPFL + ECAL LAB
De nombreuses personnes âgées se sentent seules au quotidien. L’isolement va souvent de pair avec des dépressions, un manque de mouvement et, par conséquent, une mortalité accrue. Pour aider les seniors à participer davantage à des activités communautaires, les chercheurs de l’EPFL + ECAL Lab ont développé des outils numériques. Ils collaborent depuis deux ans à l’initiative «Quartier solidaire», qui vise, par le biais de différentes activités, à intégrer les personnes âgées dans la vie de leur quartier. On compte désormais une vingtaine de ces quartiers à travers le canton de Vaud. Parmi les outils numériques développés par les chercheurs, on trouve notamment un site web: les seniors peuvent y proposer des activités, s’inscrire à des sorties ou partager des photos. Ce site est géré par un responsable du quartier solidaire. «Pendant deux ans, nous avons sondé les attentes des personnes âgées vis-à-vis d’un tel site. Nous nous sommes rendu compte que la plupart d’entre elles voulaient utiliser des applications numériques dans leur quotidien, mais qu’elles trouvaient souvent celles sur le marché trop compliquées», explique Nicolas Henchoz, directeur de l’EPFL + ECAL Lab. La plateforme est actuellement testée dans quatre quartiers solidaires et pourrait être étendue à toutes les communes suisses intéressées d’ici à quelques années.
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INTERCONNECTIVITÉ
Le site web peut être connecté à trois objets: une horloge intelligente, un agenda et une imprimante.
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SYMBOLES Cette horloge affiche automatiquement les événements à l’aide de symboles (les mêmes qui sont utilisés sur le site web) et est dotée d’un haut-parleur qui exprime vocalement des messages.
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AUTOCOLLANTS
Les symboles existent également sous forme d’autocollants pour que les personnes âgées puissent les utiliser dans leur agenda.
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IMPRESSIONS
Une imprimante, qui peut être installée au local d’un quartier solidaire, permet d’imprimer les indications liées aux différentes activités sur des autocollants.
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DESIGN ÉPURÉ
Le site web reflète les habitudes des personnes âgées sur Internet. Ainsi, le contenu par page est restreint, car ils ont tendance à tout lire. Un mot clé indique par ailleurs à la personne à tout moment sur quelle page elle se trouve. Le design se veut sobre et intuitif.
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Une spécificité qui a depuis longtemps ouvert les portes des laboratoires à ces batraciens sud-africains. «Dans les années 1950, on les utilisait comme tests de grossesse, poursuit le scientifique. On leur injectait l’urine de la femme en question, et si l’animal pondait dans les 12 heures, le test était positif.» Plus tard, les ovocytes de «Xenopus», dont le développement à l’extérieur de l’animal et la taille relativement grande (1 mm CORPORE SANO
NOM XENOPUS LAEVIS TAILLE 8 À 15 CM CARACTÉRISTIQUES PORTE DES ŒUFS TOUTE L’ANNÉE
La grenouille aux œufs d’or Les propriétés de ce batracien d’origine sud-africaine intéressent biologistes et pharmacologistes. TEXTE: MARTINE BROCARD
FAUNE & FLORE
de diamètre) facilitent le travail des chercheurs, ont servi à étudier le développement de l’embryon. Cette grenouille est actuellement utilisée pour l’expression des gènes, à savoir pour fabriquer des molécules, comme les protéines, à partir des informations contenues dans l’ADN. «On injecte dans leurs ovocytes les informations génétiques de la protéine à étudier, deux jours plus tard ces protéines sont prêtes, et on peut travailler dessus environ une semaine», résume Stephan Kellenberger, qui étudie les canaux ioniques, des protéines qui jouent un rôle crucial dans le système nerveux. Outre la biologie moléculaire, le Xénope lisse est particulièrement intéressant pour la pharmacologie, notamment pour tester les mécanismes d’action de certains médicaments. Enfin, ses têtards sont utilisés depuis peu en toxicologie environnementale pour étudier la présence dans l’eau de perturbateurs endocriniens. ⁄
JOE BLOSSOM / ALAMY
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ne grenouille comme les autres, «Xenopus laevis»? Que nenni, répondent les scientifiques. «Elle a la particularité de porter des œufs toute l’année, contrairement aux grenouilles locales qui n’en ont que pendant leur période de reproduction», explique Stephan Kellenberger, privat-docent et maître d’enseignement et de recherche au Département de pharmacologie et de toxicologie de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL).
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FRANÇOISE NINANE Directrice adjointe des soins, CHUV
Les soins médico-légaux font leurs preuves
WILLY BLANCHARD
Oui, la médecine légale s’occupe aussi des vivants, notamment pour venir en aide aux victimes de violence. Et elle le fait de mieux en mieux, comme en témoignent les récents développements menés dans le contexte local et national.
L’entrée de la profession infirmière dans le champ de la médecine légale clinique en Suisse constitue un autre développement significatif. Si la perspective de soins infirmiers en médecine légale clinique est novatrice en Suisse, rappelons que l’International Association of Forensic Nurses a été fondée en 1991. Aujourd’hui, aux ÉtatsUnis et dans d’autres pays industrialisés, les «forensic nurses» exercent dans tous les champs de la médecine légale avec une formation universitaire au niveau de la pratique infirmière avancée. Ce n’est pas (encore) le cas dans le contexte romand, mais les infirmières en médecine légale clinique y bénéficient néanmoins depuis quatre ans d’une formation postgrade de type Certificate of Advanced Studies intitulée «Aspects et soins médico-légaux dans le domaine de la violence interpersonnelle».
En 2006, le Centre hospitalier universitaire vaudois donne naissance à une consultation médico-légale pour victimes de violences physiques (conjugales, sexuelles, sur la voie publique, etc.): l’Unité de médecine des violences (UMV). Ses prestations permettent à la victime de passer du statut de blessé ou traumatisé à celui de Un intérêt croissant pour cette discipline personne pouvant faire valoir ses droits est constaté, tant en Suisse romande dans les procédures judiciaires. Elle qu’alémanique. La Swiss Association Forensic propose aussi une écoute active bienvenue Nursing a d’ailleurs été créée en 2017. et oriente ses bénéficiaires vers les Dans la foulée, la Société suisse de médecine structures d’accompagnement pertinentes légale a créé un groupe de travail national lorsque cela est nécessaire. Initialement chargé d’envisager les perspectives de la pratique proposée à Lausanne, cette consultation est infirmière en médecine légale en Suisse. désormais ancrée sur trois sites distincts dans le canton de Vaud, afin d’offrir une plus Une consultation médico-légale permet aux grande proximité aux victimes. victimes de violence de recevoir les soins et Les prestations médico-légales doivent l’accompagnement nécessaires en regard de leurs être accessibles, tel que recommandé blessures. Simultanément, en un seul et même par l’OMS, et les autorités sanitaires lieu, elles bénéficient aussi de la constatation soutiennent cette évolution. légale des traumatismes subis, soit les éléments de preuves nécessaires pour les suites judiciaires. Les professionnels et les autorités s’engagent en faveur de prestations de plus en plus adaptées à leurs besoins spécifiques, leur permettant d’être à la fois soignées, accompagnées et défendues. ⁄
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CHRONIQUE
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CHLORPROMAZINE C 14H 17CLN 2S
C 14H 17 ClN 2S UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE: GARY DRECHOU
Paris, 1950. Prenant de vitesse l’agent le moins secret au monde (qui verra le jour trois ans plus tard sous la plume de Ian Fleming), la chlorpromazine naît sous un nom de code: RP-4560. «RP» comme Rhône-Poulenc, le groupe pharmaceutique français. «À cette époque, il y a un certain engouement pour les antihistaminiques, ou antiallergiques, et plus particulièrement pour leur utilité dans les états de choc, raconte Thierry Buclin, médecinchef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Les pharmas y vont chacune de leur molécule et il n’y a pas vraiment de programme de recherche clinique. On met des échantillons entre les mains de cliniciens académiques et on leur dit: ‘Qu’est-ce que vous pouvez faire avec ça?’» Parmi eux, le chirurgien Henri Laborit, qui rêve de provoquer une «hibernation artificielle» afin de prévenir le choc
Le médicament ne fait pas le psychiatre
opératoire. En 1951, Laborit teste donc le RP-4560 sous la forme d’un «cocktail lytique», mais ce qui le frappe surtout, c’est l’effet de «désintéressement» qu’il observe chez ses patients. Et si la molécule pouvait servir dans les asiles, pour calmer les aliénés les plus agités? Le théâtre des opérations est posé. Ce sont les professeurs Pierre Deniker et Jean Delay qui prennent le relais. Ils découvrent que la chlorpromazine permet non seulement de contrôler l’agitation, mais qu’elle soulage aussi des symptômes psychotiques tels que les délires et les hallucinations. Ainsi naît le premier médicament neuroleptique – qui «saisit» le système nerveux. Commercialisée dès 1952 en France sous le nom de Largactil, la «cami-
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sole chimique» se répand comme une traînée de poudre. La psychopharmacologie, cette nouvelle discipline, suscite les espoirs les plus fous: «Le fantasme est alors à la pilule qui guérit, “the magic bullet”. Certains espèrent sincèrement pouvoir éradiquer la psychose comme on entreprend de le faire pour la tuberculose», relève Thierry Buclin. Mais l’enthousiasme est vite tempéré. Dès 1954, le Lausannois Hans Theodor Steck évoque des effets secondaires parkinsoniens, décrivant les patients de son hôpital, dorénavant tous sous neuroleptiques, comme se livrant à «une procession légèrement triste». D’autres notent que les patients semblent «prostrés», «gelés», «transformés en pierres». À l’image de 007, son double
imaginaire, la chlorpromazine inspire même quelques artistes, à l’instar de Lou Reed. Dans les années 1980, on découvre que c’est surtout comme antidopaminergique que la chlorpromazine agit, en inhibant les effets de la dopamine, ce neurotransmetteur des incitations, des émotions, et parfois du délire. Les doses sont revues et une nouvelle génération de neuroleptiques sort des labos. Si le succès thérapeutique de la chlorpromazine a transformé les psychiatres, jusqu’alors perçus comme des «aides-soignants», en «médecins à part entière», tel que le souligne Thomas A Ban, de l’Université Vanderbilt, elle ne guérit pas pour autant la psychose. Le médicament ne fait donc pas le psychiatre, mais bien employé, il rend les patients plus accessibles à la psychothérapie, qui elle peut peaufiner le travail de reconstruction de la personne. ⁄
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CHRONIQUE
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fiabilité et la rapidité du diagnostic; cela ouvre la porte à de nouvelles approches thérapeutiques; et cela déstigmatise les Jean-Daniel Tissot patients. À la Faculté de Doyen de la Faculté de biologie et de médecine biologie et de médecine (FBM), cette révolution est par exemple représentée, dans le domaine de la schizophrénie, par les l n’y a pas si longtemps, au travaux de la professeure Kim Do Cuénod. XIXe siècle, la psychiatrie se Mais attention, ces percées n’annoncent résumait à un mot: asile. On pas l’abandon des approches plus traditionenfermait à tour de bras, sans nelles. Au contraire, psychiatrie classique et projet thérapeutique. Une façon «science dure» vont continuer à coexister, d’évacuer le problème: «Enfers’alimenter et se renforcer mutuellement. mez ce fou que je ne saurais Toutefois, il va falloir s’adapter. Le langage, voir.» Les choses ont heureusement changé, déjà, a changé: on parle désormais de les savoirs ont progressé, la discipline s’est «neurosciences», qu’elles soient cliniques, transformée et le public a lui aussi (un peu) fondamentales ou psychiatriques. C’est vrai, apprivoisé la maladie psychiatrique. La maladie mentale n’est plus forcément le terme est un peu fourre-tout; mais il a le mérite de décloisonner, au moins symboliune maladie honteuse, repoussoir. Mais cela reste compliqué: par définition, touchant à la quement, les disciplines. Il faut aussi adapter les pratiques: la prise en charge des patients psyché, à l’esprit, la pathologie psychiatrique doit être nourrie par les avancées de la demeure non quantifiable, intangible. recherche fondamentale; elle doit également De quoi générer le soupçon et stigmatiser tirer parti des innovations technologiques – les patients. En 2018, beaucoup pensent je pense notamment à la plateforme encore qu’on peut soigner la dépression NeuroTech du CHUV. par un «bon coup de pied au cul»… Il faut enfin adapter les structures. Et à Ils ont totalement tort bien sûr et, ces cet égard, la FBM se félicite de la volonté dernières années, la recherche est venue affirmée des trois départements UNIL et à la rescousse des médecins et des patients. CHUV concernés, Neurosciences cliniques, On peut parler de «révolution biologique»: Neurosciences fondamentales et Psychiatrie, les progrès de la biologie moléculaire, de de travailler ensemble, de regrouper leurs l’imagerie, ont permis d’avancer dans la compréhension du cerveau, et de trouver des forces pour apporter une contribution bases biologiques à de nombreuses affections significative au développement de la recherche, de l’enseignement et des soins. ⁄ psychiatriques. Cela permet d’améliorer la
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UNE CARRIÈRE AU CHUV
Révolution biologique et culturelle
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MARIE-CLAUDE BOULET
TANDEM
ESTELLE BEZENÇON
CURSUS CURSUS
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UNE CARRIÈRE AU CHUV
n cas d’urde l’équipe.» Dans L’infirmière Marie-Claude Boulet gence, chaque cette optique, son collabore avec la médecin Estelle geste compte. rôle consiste à être un Respectivement Bezençon lors de situations critiques «follower» efficace, infirmière spécialisée c’est-à-dire à suivre en salle de réanimation. en soins d’urgence et la logique médicale, TEXTE: WILLIAM TÜRLER, PHOTOS: HEIDI DIAZ médecin au Service anticiper les actions d’anesthésiologie et de soins prioritaires et au Service de médecine intensive adulte, Marieles exécuter avec efficience, mais aussi communiClaude Boulet et Estelle Bezençon le savent bien. quer adéquatement afin que l’équipe et le médecin Lorsque le hasard fait en sorte que les deux leader, en l’occurrence Estelle Bezençon, sachent femmes travaillent sur le même horaire dans où en est la situation ou comment évolue le patient. leurs services respectifs, elles collaborent lors du déchocage, soit l’accueil aux urgences de «Je fais remonter les informations utiles. De manière patients présentant une urgence vitale. plus concrète, je suis responsable d’installer, de monitorer et de surveiller le patient en fonction des Toutes deux ont suivi à cet effet une formation priorités de soins.» Elle anticipe, prépare et admicontinue interprofessionnelle baptisée «Advanced nistre les médicaments d’urgences selon les ordonLife Support», proposée par le Service des nances médicales, assiste divers gestes techniques urgences et qui a remporté un Prix «Interprofesmédicaux et effectue certains gestes techniques. sionnalité» 2017 de l’Académie suisse des Enfin, afin de rendre fluide la prise en charge soisciences médicales. Cette formation s’appuie gnante, Marie-Claude Boulet est également amenée sur des simulations de haute fidélité, reproduisant à coacher ses collègues infirmiers et aides-soignants. de manière réaliste l’environnement d’une salle de réanimation, par analogie avec ce qui se fait De son côté, Estelle Bezençon travaille au déchodans un cockpit d’avion. cage aussi bien pour des pathologies chirurgicales que médicales. «Dans un cas comme un autre, «Nous nous devons de nous comprendre mutuelnous devons collaborer étroitement entre diffélement, de connaître le rôle et les missions rents médecins et avec l’équipe infirmière. Chacun spécifiques de chacun afin de savoir utiliser nos précise ce qu’il va faire, puis, à partir du moment compétences respectives efficacement, souligne où un ordre est donné, il doit être reçu et validé Marie-Claude Boulet. Tout se déroule rapidement, comme compris, afin que le leader puisse penser les situations sont la plupart du temps critiques, à la prochaine étape. Notre collaboration vise bien chacun a sa propre réflexion et compréhension sûr le bien-être du patient, mais aussi et surtout de la situation. Notre communication se doit d’être la rapidité de sa prise en charge. C’est le but du exemplaire afin que les priorités de soins soient déchocage: prioriser le cas et aller vite, car il s’agit établies, comprises et respectées par l’ensemble d’urgences vitales.» ⁄
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CURSUS
Renaissance de la médecine de l’addiction La médecine de l’addiction est désormais reconnue comme une discipline médicale. Depuis le 1er janvier 2018, il est en effet possible d’obtenir une certification FMH sous forme d’attestation de formation continue. Délivrée par la Société suisse de médecine de l’addiction (SSAM), cette certification est destinée aux médecins issus de toutes spécialités qui ont un intérêt particulier et une activité clinique ou de santé publique en addictologie. Ils pourront ainsi jouer un rôle de référence au sein de leur spécialité pour les questions liées aux addictions. «L’addiction est encore trop souvent considérée comme un comportement honteux. Cette certification doit contribuer à la faire reconnaître comme pathologie, et à inciter davantage de personnes à suivre un traitement», précise le professeur Jean-Bernard Daeppen, chef du Service d’alcoologie du CHUV et responsable de la Commission de formation et d’examen de la formation complémentaire en médecine de l’addiction. FORMATION
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ACTUALITÉ
L’avenir de l’autopsie passe par l’angiographie Développée par la professeure Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), l’angiographie post-mortem se révèle supérieure à toutes les autres techniques d’autopsie pour détecter des lésions du corps. L’angiographie post-mortem est un examen qui permet de visualiser les vaisseaux sanguins d’un cadavre suite à l’injection d’un liquide de contraste. Selon une étude publiée dans la prestigieuse revue Radiology, une autopsie réalisée sans angiographie post-mortem passe à côté de 39% de tous les indices, et de 23% d’indices essentiels. Coordonnée par la Prof. Grabherr, l’étude a été réalisée dans neuf centres européens de médecine légale, dont le CURML.
ÉTUDE
Faire gagner du temps à la recherche Depuis trois ans, le programme de soutien «Pépinière» créé par le CHUV et l’UNIL encourage les chefs de service à identifier les profils de jeunes médecins chefs de clinique ou associés qui méritent un coup de pouce. «L’idée est de financer le 50% du temps de travail des lauréats sur deux ans pour leur permettre de mener leur recherche sans entraves, grâce à un temps protégé», explique Jocelyne Bloch, médecin adjointe au Service de neurochirurgie et présidente de la commission Pépinière. La deuxième volée de lauréats, annoncée fin 2017, est composée de Christel Tran, médecin associée au Service de médecine génétique, et Antonia Digklia, cheffe de clinique au Département d’oncologie. La Dre Tran mène une étude préliminaire sur l’acide sialique, un sucre simple indispensable pour le développement du cerveau. De son côté, la Dre Digklia s’intéresse au développement d’une forme d’immunothérapie.
SOUTIEN
CURSUS
ACTUALITÉ
«Donner une chance aux jeunes avec autisme» Depuis le 16 janvier, un jeune homme avec un trouble du spectre autistique travaille au secteur pâtisserie du CHUV. Directeur des ressources humaines, Antonio Racciatti est à l’origine de ce projet d’intégration professionnelle, en collaboration avec Autisme Suisse romande et Pro Infirmis. INTÉGRATION
GILLES WEBER
Pourquoi ce projet? L’an dernier, à l’occasion d’un événement organisé par Autisme Suisse romande, j’ai pris conscience que les personnes avec un trouble du spectre autistique avaient de grandes difficultés à rejoindre le monde du travail, indépendamment de leurs compétences. D’après une étude réalisée en 2014 par Autisme Europe, on estime ainsi qu’entre 76% et 90% des adultes avec autisme sont sans emploi. Il m’a semblé évident que si un employeur pouvait montrer l’exemple, c’était le CHUV. J’ai donc rapidement lancé des discussions avec Autisme Suisse romande et Pro Infirmis, qui nous ont permis d’identifier certains profils susceptibles de travailler chez nous et d’imaginer des lieux ou environnements de
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travail adaptés. L’un de ces jeunes ayant un intérêt pour la pâtisserie, je me suis naturellement tourné vers mon collègue et ami Pierre-Yves Müller, directeur du Département de la logistique hospitalière (LOH), qui a tout de suite accepté.
Concrètement, comment les choses se déroulent-elles? Pour que ce jeune puisse s’intégrer au mieux, nous avons choisi avec Pierre-Yves Müller un cadre stable, dans lequel l’équipe est toujours la même. Un éducateur de Pro Infirmis se trouve en permanence à ses côtés pour l’épauler et veiller à la sensibilisation de ses collègues. La Prof. Nadia Chabane, médecin cheffe du Centre Cantonal Autisme, a également
accepté d’offrir une formation, afin que nos collaborateurs-rices puissent bien comprendre les réactions de personnes avec autisme, qui souvent ne savent pas mentir et peuvent dire les choses de façon très directe. L’envie d’apprendre collectivement est l’une des forces de ce projet. À terme, le but est-il d’intégrer d’autres personnes avec autisme? Au départ, j’avais donné mon feu vert pour accueillir un jeune. Puis il s’est trouvé que ce jeune était très lié avec deux autres… J’ai donc laissé parler mon cœur et les deux amis de notre nouveau collaborateur devraient rejoindre le CHUV très prochainement, à la LOH ou ailleurs. Notre but est de leur donner une chance réelle. Ce qu’on espère pour eux, c’est que grâce à cette expérience, ils puissent un jour être autonomes en ayant un travail et un salaire comme tout le monde. Si cette première phase se passe bien, nous envisageons clairement d’étendre le projet, et nous espérons que d’autres employeurs suivront. ⁄
BACKSTAGE FOCUS Les intervenants du dossier consacré aux maladies psychiques ont été invités à poser selon un même concept: portraits cadrés à la poitrine avec la présence d’une ou des deux mains près du visage.
LAURIANNE AEBY
MÉTHODE KANGOUROU L’illustratrice espagnole Verónica Grech a réalisé le dessin symbolisant les bienfaits du contact peau à peau pour les bébés prématurés (p.58).
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CONTRIBUTEURS
CAROLE EXTERMANN
SÉBASTIEN FOURTOUILL
Fraîchement engagée au CHUV, notamment pour gérer les relations avec les médias, Chloé Burgat est journaliste de formation. Elle a signé l’article sur la «méthode kangourou», qui est pratiquée dans les services de néonatologie du monde entier. Un travail qui l’a amenée à rencontrer des infirmières et des mamans de prématurés (p. 58).
Carole est journaliste stagaire pour l’agence LargeNetwork. Pour ce numéro, elle s’est intéressée aux difficultés liées à la mise sur le marché de nouveaux dispositifs médicaux (p.7). Elle a également rédigé le portrait consacré à la start-up Lambda Health System (p.10)
Contributeur de longue date à «In Vivo», le graphiste genevois Sébastien Fourtouill a participé à la mise en page et à la recherche iconographique de ce numéro.
DR
CHLOÉ BURGAT
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IN VIVO
Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com
ÉDITION
CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch LargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6 redaction@invivomagazine.com 1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com ÉDITEURS RESPONSABLES Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE
Gary Drechou REMERCIEMENTS
RESPONSABLES DE LA PUBLICATION
Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET
Erik Freudenreich
Francine Billote, Valérie Blanc, DIRECTION GRAPHIQUE Gilles Bovay, Virginie Bovet, Darcy Christen, Muriel Cuendet Teurbane, Diana Bogsch et Sandro Bacco Diane De Saab, Frédérique Décaillet, Muriel Faienza, Marisa Figueiredo, Pierre Fournier, RÉDACTION Daphné Giaquinto, Katarzyna Gornik-Verselle, LargeNetwork (Yann Bernardinelli, Martine Brocard, Julien Calligaro, Léandre Duggan, Joëlle Isler, Nicolas Jayet, Émilie Jendly, Carole Extermann, Erik Freudenreich, Sophie Gaitzsch, Robert Gloy, Blandine Guignier, Cannelle Keller, Simone Kühner, Justine Liaudat, Sylvain Menétrey, Patricia Michaud, Alexia Nichele, Stéphanie de Roguin, Anne-Renée Leyvraz, Élise Méan, Laurent Meier, Céline Stegmüller, William Türler, Sophie Woeldgen), Chloé Burgat, Gary Drechou Éric Monnard, Manuela Palma de Figueiredo, Isabel Prata, Sonia Ratel, Myriam Rege, Marite Sauser, Dominique Savoia Diss, Jessica RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE Scheurer, Jeanne-Pascale Simon, Bogsch & Bacco, Sabrine Elias Ducret Aziza Touel, Vladimir Zohil et le Service de communication du CHUV. COUVERTURE
PARTENAIRE DE DISTRIBUTION
BioAlps
Bogsch & Bacco IMAGES
SAM (Laurianne Aeby, Eric Déroze, Heidi Diaz, Patrick Dutoit, Gilles Weber), Benoit Ecoiffier, Verónica Grech, Romain Guerini, Ola Jasionowska MISE EN PAGE
Bogsch & Bacco pour LargeNetwork TRADUCTION
Technicis IMPRESSION
PCL Presses Centrales SA TIRAGE
17’500 exemplaires en français 1’000 exemplaires en anglais Les propos tenus par les intervenants dans «In Vivo» et «In Extenso» n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.
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TAILLE
SEINS RÈGLES POILS PUBIENS POILS DES AISSELLES OVULATION HORMONES ÉJACULATION MASSE MUSCULAIRE POILS POILS PUBIENS PÉNIS SCROTUM TAILLE HORMONES CORDES VOCALES SEINS
IN EXTENSO
Les mystères de la puberté