Penser la santé
N° 16 – NOVEMBRE 2018
LA CHASSE AUX ACTES MÉDICAUX INUTILES PATIENTS CONSOM’ACTEURS / SMARTER MEDICINE / BOUGER POUR GUÉRIR DÉSINFORMATION Comment les fake news polluent la santé PROCHES AIDANTS Leur bataille pour la reconnaissance PLACENTA Des pansements ophtalmiques aux propriétés exceptionnelles Édité par le CHUV www.invivomagazine.com IN EXTENSO LE POUVOIR DES MUSCLES
« Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution. » Johanna M., Carouge
«Félicitations pour votre magazine, qui est très intéressant et fort apprécié des professionnels de mon institution.» Johanna M., Carouge
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Laure A., Lausanne
« Vos infographies sont géniales, faciles à comprendre et adaptées au public auquel j’enseigne. »
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Isabelle G., Lausanne
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IN VIVO / N° 16 / NOVEMBRE 2018
SOMMAIRE
FOCUS
19 / DOSSIER La chasse aux actes médicaux inutiles PAR PATRICIA MICHAUD
MENS SANA
30 / INTERVIEW Nathalie RapoportHubschman « Une femme maquillée est perçue comme plus compétente » PAR ANDRÉE-MARIE DUSSAULT
34 / TENDANCE Vers des médecins étoilés sur internet PAR BLANDINE GUIGNIER
38 / DÉCRYPTAGE La désinformation médicale : un virus potentiellement mortel PAR TIAGO PIRES
41 / PROSPECTION Veiller sur les proches aidants PAR ERIK FREUDENREICH
44 / COULISSES Les coûts de la recherche sous le microscope La campagne « Choisir avec soin » et son émanation suisse Smarter Medicine conseillent de réduire les examens d’imagerie à basse valeur ajoutée.
MARK KOSTICH
PAR AUDREY MAGAT
SOMMAIRE
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CORPORE SANO
IN SITU
48 / PROSPECTION
07 / HEALTH VALLEY
La santé des garçons affectée par les stéréotypes
Cannabis médical : en attente de libéralisation ?
PAR MELINDA MARCHESE
52 / TENDANCE La chirurgie de l’obésité supplante les régimes
15 / AUTOUR DU GLOBE L’essor fulgurant des femtech
PAR YANN BERNARDINELLI
56 / INNOVATION
CURSUS
Comment un placenta peut vous sauver la vue
70 / CHRONIQUE
59 / DÉCRYPTAGE Détecteurs de maltraitance infantile PAR RACHEL PERRET
62 / EN IMAGES Une rééducation « d’arrache-pied » PAR GARY DRECHOU SUIVEZ-NOUS SUR : TWITTER : INVIVO_CHUV FACEBOOK : CHUVLAUSANNE
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Un jeu d’école sur les microbes
72 / TANDEM Sandra Murith et Dany Morëel LAURIANNE AEBY, ERIC DÉROZE, DR
PAR CHLOÉ THOMAS-BURGAT
Éditorial
À CHARGE DE MODÉRATION
HEIDI DIAZ
GARY DRECHOU Responsable éditorial
Gary Drechou a rejoint l’équipe du Service de communication du CHUV voilà un an. Sa plume et son sens de l’éditorial en font un excellent observateur des problématiques liées à la médecine. C’est lui qui, désormais, conduira le magazine, toujours en collaboration avec l’agence LargeNetwork. Il signera également les éditoriaux, à l’invitation de Béatrice Schaad, cheffe du Service de communication du CHUV. 3
« Faire mieux avec moins » ? Dans le secteur de la santé, la lutte est engagée contre les actes et examens médicaux inutiles, et la tendance est à la modération. Certes, le mouvement Smarter Medicine ne date plus d’hier – nous y consacrions déjà un dossier en 20151 – mais les appels au discernement, à la mesure, à une forme d’« inaction intelligente »2, se font de plus en plus présents. Des organisations de premier plan, telles que le CHUV et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), n’hésitent plus à parler de changement de culture. Un nouveau « Serment suisse » a même vu le jour cet été, développé par l’Institut Dialog Ethik et soutenu par la Fédération des médecins suisses (FMH), qui engage, entre autres, à ne recommander ou à ne prendre que des mesures judicieuses. Dans le sillon de ce mouvement, le « modèle du médecin toutpuissant qui dit au patient exactement ce qu’il doit faire » est ébranlé, souligne Wendy Levinson, l’une de ses figures de proue au Canada (interview, p. 28), et chaque citoyen-patient est invité à être moins « passif » dans la prise de décisions qui le concerne. Le mot d’ordre est simple : choisir avec soin. Pour l’appuyer, outre des listes de « mesures médicales généralement inutiles » par discipline, le site SmarterMedicine.ch met en avant cinq « bonnes questions » à poser à son médecin, qui visent à encourager une « franche discussion ». De franchise et de modération, il est aussi question sur la Toile. Alors que Google Maps incite tout un chacun à donner son « avis » sur tel ou tel établissement, ces évaluations sous la forme d’étoiles ou de commentaires ne sont sujettes à aucun filtre. Sous l’adresse d’un hôpital, par exemple, il n’est pas rare qu’un médecin se retrouve publiquement et nommément « sermonné », pris à parti ou décrié, parfois avec violence. Excès à bannir ou simples « coups de gueule au bar » ? S’il est nécessaire que les critiques s’expriment, les commentaires postés sur Google « ne laissent aucune chance à la relation, alors que la relation est une composante importante du succès thérapeutique », estime Thierry Currat, médiateur au sein de l’Espace Patients&Proches du CHUV (voir médecins étoilés, p. 34). D’autres lieux et canaux dédiés existent, qui permettent de faire part de son expérience ou de ses doléances sans rupture de dialogue. « Choisir avec soin », y compris ses mots, ses canaux d’expression et ses sources d’information (voir fake news médicales, p. 38), c’est déjà beaucoup en faire. /
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« Traiter moins pour mieux soigner », Julie Zaugg et Melinda Marchese, In Vivo n° 6, 2015 « Choosing wisely. Et après ? », Bertrand Kiefer, Revue médicale suisse, vol. 12, 2016
Grâce à ses hôpitaux universitaires, ses centres de recherche et ses nombreuses start-up qui se spécialisent dans le domaine de la santé, la Suisse romande excelle en matière d’innovation médicale. Ce savoir-faire unique lui vaut aujourd’hui le surnom de « Health Valley ». Dans chaque numéro de In Vivo, cette rubrique s’ouvre par une représentation de la région. Cette carte a été réalisée par le graphiste suisse Sébastien Fourtouill.
IN SITU
HEALTH VALLEY Actualité de l’innovation médicale en Suisse romande.
NEUCHÂTEL P. 6
SÉBASTIEN FOURTOUILL
Première opération de l’obésité en ambulatoire à l’Hôpital de Neuchâtel.
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IN SITU
HEALTH VALLEY
ÉPALINGES P. 6
La start-up HAYA Therapeutics a été choisie par le programme Venture Kick pour ses recherches sur la fibrose cardiaque.
LAUSANNE P. 9
Les insomnies lausannoises liées aux nuisances sonores deviennent objets d’études pour l’EPFL.
PLAN-LESOUATES P. 10
La société ObsEva, qui s’attaque à l’infertilité féminine, entre en bourse.
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IN SITU
START-UP BIOPHARMA
La start-up du Biopôle de Lausanne, Legacy Healthcare, a annoncé cet été un nouveau partenariat. Ce spécialiste dans le développement de médicaments d’origine botanique a en effet signé un protocole d’investissement et de joint-venture avec China Energy Hua Chen Technology – CEHCT –, un fonds d’investissement chinois.
TRAITEMENTS INNOVANTS
Parmi les derniers bénéficiaires du programme d’encouragement Venture Kick figurent deux fabricants de traitements médicaux innovants. HAYA Therapeutics développe une solution pharmaceutique inédite contre l’insuffisance cardiaque. Quant à Volumina Medical, elle travaille sur des biomatériaux destinés à la chirurgie plastique et reconstructive. Elles recevront chacune 130’000 CHF.
HEALTH VALLEY
« À mon avis, les défis dans le domaine de la santé sont tellement grands que l’avenir serait plutôt envisagé par des coopérations plus importantes avec les hôpitaux publics. » OLE WIESINGER CEO DU GROUPE DE CLINIQUES PRIVÉES HIRSLANDEN DANS LES COLONNES DE L’AGEFI
Opération de l’obésité plus légère AMBULATOIRE Le Centre de l’obésité de l’Hôpital de Neuchâtel (HNE) a développé un protocole pour la chirurgie ambulatoire. Certains patients éligibles pourront être opérés et rentrer chez eux le soir même, une première suisse pour le bypass gastrique. Une telle prise en charge permet de réduire l’impact sur la vie quotidienne du patient, tout en réduisant les coûts de prise en charge.
FÉCONDATION
Basée à l’EPFL Innovation Park, Anecova développe un produit rendant possible une procréation assistée intra-utérine. Les premières grossesses utilisant cette méthode par don d’ovules ont été annoncées cet été, à la clinique Gyncentrum de Katowice, en Pologne.
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DÉTECTER UN TRAUMATISME CÉRÉBRAL EN DIX MINUTES Des vaccins sur soie d’araignée
PROPHYLAXIE Des chercheurs se sont inspirés de la nature pour créer des microcapsules en soie d’araignée. Celles-ci sont capables de livrer un vaccin directement au cœur des cellules immunitaires, notamment des lymphocytes T, dont la fonction est de détecter des cellules cancéreuses. Ce procédé testé par des chercheurs des universités de Fribourg et de Genève, associés à des collègues allemands pourrait également être appliqué à des vaccins contre des maladies infectieuses.
Ce boîtier portable est capable de diagnostiquer un traumatisme cérébral léger à l’aide d’une goutte de sang. Le dispositif, développé par des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) en collaboration avec des hôpitaux espagnols, analyse le taux de protéines dans le sang et délivre son diagnostic en dix minutes seulement. Il devrait être commercialisé dès 2019.
PETER CHADWICK/SCIENCE PHOTO LIBRARY
GLAUCOME
La start-up lausannoise Rheon Medical a testé son dispositif de drainage innovant pour les patients atteints de glaucome dans trois pays. Cinquantecinq patients souffrant de la maladie en Suisse, en Grèce et au Royaume-Uni ont suivi des essais cliniques. La start-up se rapproche de l’obtention d’une licence de vente en Europe.
L’OBJET
IN SITU
HEALTH VALLEY
DIEGO CHARLÓN, GILLES WERBER, DR
Cannabis médical : en attente de libéralisation ? En Suisse, l’utilisation médicale du cannabis intéresse de plus en plus les entrepreneurs. CANNABINOÏDES Antidouleur, antinauséeux, décontractant musculaire : la gamme des effets bénéfiques potentiels du cannabis est large. Elle semble ouvrir un boulevard aux entreprises pharmaceutiques pour le développement de médicaments à base de marijuana. Aux États-Unis, où la consommation de cannabis à but médical est légale dans une trentaine d’États, ce marché en pleine croissance représentait déjà plus de 3 milliards de francs en 2017. Si les législations varient d’un État à l’autre, en règle générale, les patients munis d’une prescription peuvent se fournir auprès des dispensaires en produits à base de cannabis. Ils ont aussi le droit de cultiver des plants à domicile. Les personnes atteintes du sida ou qui suivent un traitement contre le cancer soulignent ses effets, qui les soulagent des douleurs et des vomissements. En Suisse, de nombreux entrepreneurs tentent d’extraire et de tester les quelque 90 substances actives de la plante pour produire des médicaments destinés au circuit médical ou paramédical. C’est le cas de la start-up Avalon, basée en Valais, qui prévoit de lever 500’000 francs afin d’obtenir une patente de recherche auprès de Swissmedic. La société Pharmotech de Plan-lesOuates (GE) étudie une propriété très intéressante du CBD, cette variante en vente libre, riche en cannabidiol, mais au taux de THC très bas. « Nous avons découvert que nos produits contenant du CBD sont de très puissants antibactériens, efficaces contre les bactéries multirésistantes, s’enthousiasme le fondateur, Rodin Aeschbach. Les résultats des tests précliniques que nous avons effectués avec le CHUV sont très prometteurs et nous allons bientôt passer aux tests cliniques. » Pharmotech a déposé en 2017 un premier brevet international sur la base duquel huit produits antibactériens ou anti-inflammatoires vont être développés. Si le marché s’annonce prometteur, le 7
TEXTE : CHARLOTTE MERMIER
DE HAUT EN BAS : RODIN AESCHBACH, FONDATEUR DE PHARMOTECH, FLEUR DE CANNABIS, MARC AUGSBURGER, RESPONSABLE DE L’UNITÉ DE TOXICOLOGIE ET CHIMIE FORENSIQUES DU CHUV.
compendium suisse ne recense pour l’instant qu’un seul médicament à base de cannabis. Il s’agit du Sativex, qui est prescrit afin de réduire les spasmes musculaires chez les personnes atteintes de sclérose en plaques. D’autres huiles et teintures de cannabis peuvent également faire l’objet d’autorisations exceptionnelles pour certaines pathologies. Les démarches administratives pour avoir accès à ces médicaments sont cependant lourdes, et leur prix très élevé. Ainsi, de l’aveu même de la Confédération, de nombreux patients s’automédiquent, souvent par des voies illégales. C’est le cas de Grégory Schaeffer, président-fondateur de l’association Swiss Safe Access For Cannabinoids (SSAC). Les antidouleurs classiques entraînaient chez lui plus d’effets secondaires que de soulagement. La délivrance est venue du cannabis illégal qu’il consomme depuis quinze ans. « Nous préférons être hors la loi et vivants plutôt que dans la détresse. » D’autres adeptes se traitent pour une variété de pathologies, de l’endométriose aux douleurs musculaires. Sur le plan scientifique, le scepticisme n’est pas entièrement levé. « Le cannabis présente des preuves modérées mais existantes pour le traitement de la douleur chronique et de la spasticité. Il existe également des preuves limitées pour le traitement de la nausée ou des effets antivomitifs dans le cadre de chimiothérapies, entre autres. Mais la recherche en est encore à ses balbutiements », résume Marc Augsburger, responsable de l’unité de toxicologie et chimie forensiques du CHUV. La plante contient des dizaines de substances actives agissant sur un système encore peu compris : plus de travaux sont nécessaires pour permettre à la fois aux produits légaux à base de CBD d’être reconnus comme produits thérapeutiques, et aux médicaments contenant du THC d’obtenir une licence légale. /
IN SITU
HEALTH VALLEY
Cinq projets primés
DAMIEN TAPPY
LA SOCIÉTÉ DE CAPITAL-RISQUE GENEVOISE ENDEAVOUR VISION CROIT À LA DIGITALISATION DE LA MÉDECINE. ELLE LANCE UN NOUVEAU FONDS D’INVESTISSEMENT DANS LA MEDTECH FIN 2018.
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POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX D’INVESTIR DANS LES MEDTECH ?
La convergence de la digitalisation, de la bio-informatique, de la médecine et de l’ingénierie médicale va profondément changer la pratique de la médecine actuelle. Nous sommes convaincus qu’un tel changement de modèle, renforcé par la pression sur les dépenses de santé, exige une équipe spécialisée et expérimentée pour analyser, choisir et accompagner les sociétés les plus en pointe de ce secteur.
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QUELLES AVANCÉES VOUS PARAISSENT LES PLUS PROMETTEUSES ?
L’époque est aux solutions moins invasives, moins traumatiques et moins onéreuses. Le domaine de la stimulation électrique biologique nous paraît très prometteur, car il propose des traitements locaux sans les effets secondaires des médicaments. La médecine personnalisée promet également de grandes avancées. Enfin, nous pensons que la santé digitale sera porteuse de progrès spectaculaires, en termes de prévention, de diagnostic et de traitement, mais aussi en ce qui concerne les services aux patients. COMMENT CHOISISSEZ-VOUS LES ENTREPRISES DANS LESQUELLES INVESTIR ? QUELS CRITÈRES PRÉDOMINENT ?
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Nous misons d’abord sur des personnes et des équipes. Nous cherchons des entrepreneurs porteurs de véritables avancées technologiques, protégées par des brevets solides et susceptibles de changer radicalement la vie de millions de patients. Ensuite vient le marché. Nous visons des tailles de 1 milliard de dollars minimum à terme, avec des croissances d’au moins 20%. / Damien Tappy est président et cofondateur d’Endeavour Vision, un fonds d’investissement qui soutient les sociétés medtech innovantes.
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En milliers, le nombre de décès annuels provoqués par une morsure de serpent venimeux dans le monde (sur 5 millions de personnes mordues). L’accès et la qualité des soins, ainsi que le coût des traitements, expliquent ce chiffre élevé. Des chercheurs genevois ont développé avec leurs collègues des universités d’Oxford et de Washington une modélisation qui permet de cartographier les populations humaines les plus vulnérables, afin de prioriser les actions pouvant faciliter l’accès aux traitements.
LE LOGICIEL
DÉTERMINER LE NOMBRE DE CALORIES PERDUES Des chercheurs du Laboratoire de biorobotique de l’EPFL ont mis au point un logiciel permettant de calculer les calories qu’un individu dépensera selon son type de marche. Le dispositif fonctionne via un avatar, muni de deux jambes et de deux pieds, dans lequel les scientifiques introduisent des données (taille, poids, vitesse de marche, foulée, hauteur des pas ou encore inclinaison du tronc). Les dépenses énergétiques effectuées peuvent alors être observées en temps réel.
MARTIN HOBBY
3 QUESTIONS À
INNOVATION À Genève, la Fondation Bertarelli a annoncé qu’elle apporterait une aide financière à cinq projets de recherche menés au Campus Biotech et concernant le domaine du système nerveux. Ils recevront chacun 300’000 francs. Parmi eux, celui d’Olaf Blanke et Dimitri Van De Ville (EPFL) a pour but de combattre les hallucinations liées à la maladie de Parkinson, qui touchent plus d’un patient sur deux, en mettant au point des démarches thérapeutiques non médicamenteuses.
IN SITU
HEALTH VALLEY
BRUITS URBAINS NOCIFS Une étude qui analyse les liens entre troubles du sommeil et nuisances sonores à Lausanne pourrait inspirer les urbanistes de demain.
VASTE ÉCHANTILLON
RISQUES SANITAIRES
UN NOUVEAU CHAMP DE RECHERCHE
Des chercheurs de l’EPFL, du CHUV et des HUG ont étudié les plaintes de somnolence de 3’697 Lausannois participant à l’étude CoLaus/PsyCoLaus, et les ont mises en parallèle avec les données d’un cadastre du bruit réalisé par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). La circulation lausannoise serait l’une des plus bruyantes de Suisse : elle dépasse souvent les 55 décibels, soit la valeur limite européenne, en raison de ses rues en pente qui entraînent des démarrages ou des accélérations marqués.
Les perturbations du sommeil ont un réel impact négatif sur la santé, puisqu’elles peuvent causer une somnolence diurne, une augmentation du stress et des maladies psychiques telles que la dépression, un risque accru d’obésité, des maladies cardiovasculaires ou encore des accidents liés à la fatigue.
Pour les chercheurs, l’intérêt de cette étude est de pouvoir cibler les quartiers dans lesquels des mesures de régulation permettraient d’améliorer la santé des citoyens : limitations de vitesse, pose de revêtements silencieux, etc. Agir sur la santé d’un patient en améliorant son environnement traduit une nouvelle approche de la santé. Les chercheurs souhaitent sensibiliser tant les médecins que les urbanistes, les géographes, les architectes, les juristes ou les sociologues. Les cartes établies ont aussi pour vocation d’aider les autorités politiques à prendre des décisions éclairées.
Spécialiste de l’épilepsie récompensée SOVEREIGN, ISM/SCIENCE PHOTO LIBRARY
IMAGERIE Les travaux de Margitta Seeck portent notamment sur les techniques non invasives (électrœncéphalogramme) de localisation d’un foyer épileptique dans le cerveau en vue d’une éventuelle thérapie chirurgicale. Les recherches de la professeure en neurosciences cliniques de l’Université de Genève (UNIGE) ont été récompensées début juillet par le très prestigieux Prix Berger en épileptologie et neurophysiologie clinique par la Fédération internationale de neurophysiologie clinique (IFCN). Elle est la première femme à recevoir ce prix.
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HEALTH VALLEY
ÉTAPE N° 16
PLAN-LES-OUATES
SUR LA ROUTE
OBSEVA
Dans chaque numéro, « In Vivo » part à la rencontre des acteurs de la Health Valley. Plan-les-Ouates est la destination de cette édition.
Nouvelles promesses en médecine de la reproduction La société ObsEva, cotée en bourse depuis peu, s’apprête à lancer trois molécules qui s’attaquent à l’infertilité des femmes. TEXTE : TOM MONACI
Depuis 2012, Ernest Loumaye et sa start-up ObsEva tentent de développer des traitements contre l’infertilité pour les femmes, de l’entrée dans la puberté jusqu’à la ménopause. En juillet dernier – alors qu’elle est déjà cotée au Nasdaq depuis 2017 – cette biotech genevoise a franchi un palier supplémentaire en entrant à la bourse de Zurich. Les dirigeants de la société ont tablé sur une capitalisation de 650 millions de francs. « Le développement clinique de nouveaux médicaments requiert des ressources financières importantes. La bourse de Zurich constitue un tremplin intéressant auprès d’investisseurs suisses et européens, surtout que nos médicaments arrivent à des stades de développement avancés. Cela offre plus de certitudes », assure le fondateur de l’entreprise, qui compte aujourd’hui 40 employés. ObsEva peut se targuer de posséder trois molécules en phase d’essais cliniques ; un fait rare en Europe. L’entreprise 10
cherche à combattre les naissances prématurées avec son OBE022. Elle est également active dans la lutte contre l’endométriose et le fibrome utérin, contre lesquels son Linzagolix pourrait s’avérer efficace. Le Nolasiban, la seule des molécules d’ObsEva à être entrée en phase 3 (la dernière étape avant la demande de mise sur le marché), s’adresse pour sa part exclusivement aux centres de fécondation in vitro. « Nous apercevons clairement l’horizon commercial avec le Nolasiban, qui pourrait être mis sur le marché en Europe fin 2020, estime le fondateur de l’entreprise. Nous sommes pour l’heure dans la phase de market access, qui doit notamment permettre aux médecins de bien comprendre la molécule et ses bénéfices concrets pour les patients », détaille l’entrepreneur. En tant qu’inhibiteur des récepteurs d’oxytocine, le Nolasiban réduit les contractions et améliore le flux sanguin utérin. Il pourrait donc améliorer le taux de réussite des implantations d’embryons. ⁄
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HEALTH VALLEY
BENOÎT DUBUIS Ingénieur, entrepreneur, président de la Fondation Inartis et directeur du Campus Biotech
« Start-up Nation »
Quelle ne fut pas ma surprise, en me rendant au Yeda, que je considère comme un des meilleurs bureaux de transfert de technologie au monde, de ne pas percevoir une appétence particulière pour les start-up. Quand on sait que le Yeda est adossé à l’institut Weizmann, au cœur de l’Israël entrepreneuriale que nous connaissons et qui se qualifie elle-même de « Start-up Nation », cela a de quoi surprendre. Le message était pour autant rationnel : la start-up est un véhicule risqué et coûteux. Si les entrepreneurs ne « délivrent » pas suffisamment rapidement, la valeur de la technologie risque de s’éroder, si elle s’essouffle, elle risque d’être bradée, et pendant ce temps-là les brevets courent. Dans le même temps, tout pas réalisé par une start-up se paye au prix fort au niveau des valorisations, et, in fine, les start-up ne visent-elles pas un « exit » industriel ? Dans ce cas, pourquoi ne pas sauter l’étape start-up et négocier directement avec une entreprise mieux assise et plus proche du marché ?
des opportunités présentes sur le marché. Un besoin de retour sur investissement toujours plus rapide éloigne le monde industriel de celui de la recherche et la prise de risque précoce n’est malheureusement plus de mise, ces entreprises préférant intégrer des technologies et produits plus achevés, quitte à payer plus cher leur acquisition. C’est ce « gap » que comblent les start-up par leur dynamisme entrepreneurial et leur prise de risque… une prise de risque qui a un coût, avec des tickets d’achats qui vont largement au-delà de l’investissement financier effectif et qui rendent souvent rédhibitoire une acquisition par des sociétés aux capacités d’engagement plus réduites, dont les PME. La bourse technologique Innosquare, opérée par la Fondation Inartis en collaboration avec de nombreux partenaires académiques, est une alternative permettant à toute société de s’intéresser à une technologie et de l’acquérir indépendamment d’un véhicule de valorisation. Une alternative qui a déjà séduit de nombreux partenaires et conduit à de belles diversifications technologiques et extensions de gammes produits.
Vous trouverez l’argumentation très théorique, sachant qu’il faut encore que lesdites entreprises La start-up est ainsi un moyen, parmi d’autres, soient à même d’intégrer ces nouvelles technode valorisation. Soutenons-la sans occulter les autres logies dans leurs groupes de recherche et soient voies de transfert technologique, qui font toute prêtes à s’engager sur des chemins encore sablonla richesse et le dynamisme de notre tissu industriel – neux. Si les intégrations verticales prévalaient PME et grandes entreprises qui sont au cœur de notre jadis, aujourd’hui, à l’heure de la virtualisation de République de l’Innovation. / la recherche, l’acquisition de nouveaux projets passe tant par la R&D interne que par un scouting attentif
DR
EN SAVOIR PLUS www.inartis.ch www.republic-of-innovation.ch www.healthvalley.ch
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ALLÔ DOCTEUR Cette cabine de téléconsultation de la start-up française H4D est l’une des plus ambitieuses actuellement disponibles sur le marché. Utiles contre les déserts médicaux et l’engorgement des urgences, ces cabines sont dotées d’un vaste plateau d’instruments : stéthoscope, caméra ORL, dermatoscope, glucomètre, brassard de prise de tension artérielle, etc. « Les médecins, via les cabines, peuvent diagnostiquer 92% des 272 pathologies les plus courantes en médecine générale », vante le Dr Franck Baudino, de H4D. Depuis six ans, la société forme des médecins à cette pratique médiatisée. Une cinquantaine de cabines fonctionnent dans des entreprises en France. Le remboursement de ces téléconsultations par la sécurité sociale, depuis cet automne, ouvre à un essor dans l’espace public, en mairie ou en pharmacie par exemple. PHOTO : GARO/PHANIE
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GLOBE
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SAN FRANCISCO Parce que la recherche ne s’arrête pas aux frontières, In Vivo présente les dernières innovations médicales à travers le monde. Nouvelle étape en Californie.
Prédire les naissances prématurées
302’000 Selon le San Francisco Center for Economic Development, c’est le nombre d’emplois directs et indirects dans le secteur de l’industrie des sciences de la vie dans le nord de la Californie, dont le développement est catalysé par San Francisco. L’OBJET
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Une équipe de l’Université de Stanford a développé un fil magnétique flexible capable de récupérer dans le sang in vivo des cellules tumorales circulantes. Celles-ci sont préalablement marquées avec des particules magnétiques injectées. Selon les chercheurs, cette technique permet de capturer 70 à 80 fois plus de cellules tumorales que les méthodes de détection de cancers actuelles. L’outil est destiné au diagnostic précoce et au profilage moléculaire complet du cancer.
CHRISTIAN WHEATLEY
PRÉVENTION Des chercheurs de l’Université de San Francisco ont mis au point un test destiné aux femmes enceintes de 15 à 20 semaines. Ce test examine 25 biomarqueurs de l’inflammation, de l’activation du système immunitaire et de certains taux de protéines importantes pour le développement du placenta. Associé à des informations sur d’autres facteurs de risque, tels que l’âge de la mère ou son statut socioéconomique, le test prédit avec 80% de précision le risque d’un accouchement prématuré, avec 90% dans les cas d’une grossesse à haut risque. Une bonne nouvelle, car aux États-Unis, les naissances prématurées sont la première cause de décès des enfants de moins de 5 ans.
UN AIMANT POUR DÉTECTER LES CELLULES TUMORALES
IN SITU
GLOBE
AVA
L’essor fulgurant des femtech La Silicon Valley se lance dans les tampons organiques ou bracelets de fertilité. L’argent coule à flot sur ces technologies dédiées à la santé des femmes. TEXTE : qui analysent la peau, la température INNOVATION Concevoir un enfant avec l’appui d’un bracelet et d’une application est LORÈNE MESOT et la texture du sein, permettant ainsi de détecter la présence de masses suspectes. désormais une réalité pour des centaines de Il est recommandé de le porter au minimum femmes. La start-up suisse Ava, basée à Zurich et soixante heures par semaine. à San Francisco, a lancé sur le marché en 2017 un bracelet de fertilité connecté. L’appareil mesure MIEUX COMPRENDRE SON CORPS et traite des données chaque nuit : température, La femtech est encore considérée comme un pouls, ou rythme respiratoire, afin de renseigner marché de « niche » dans le secteur de la les femmes sur leur période d’ovulation. Selon technologie, même si elle concerne une Ava, son instrument faciliterait une quinzaine personne sur deux. Le Dr Pierre-Antoine de grossesses par jour dans le monde. Pradervand, chef de clinique en médecine de la fertilité au CHUV, témoigne de l’attrait de Ce bracelet s’inscrit dans le courant émergent ces technologies chez ses patientes : « En ce qui de la femtech, le secteur de la technologie dédié concerne la fertilité, beaucoup de nos patientes au bien-être et à la santé des femmes. Dans la utilisent une application pour connaître leur baie de San Francisco, les start-up de ce secteur période d’ovulation. Les femmes veulent connaissent un succès croissant. Entre 2014 et davantage comprendre leur corps et leur 2017, elles ont levé plus de 1 milliard de dollars. système reproducteur. » Le spécialiste reconLe fonds d’investissement Portfolia vient même naît d’ailleurs qu’il emploie les mêmes données d’ouvrir un FemTech Fund. Cette plateforme que ces applications, à commencer par le cycle finance des start-up développant des produits des menstruations, pour réaliser des schémas exclusivement féminins. Parmi elles: Sustain explicatifs à destination de ses patientes. Natural, qui produit des tampons en coton organique, ou encore Peanut, une application Contraception, grossesse, sexualité, ménopause, qui met en contact des jeunes mamans aux santé du pelvis : d’autres domaines encore profils similaires. qui concernent les besoins des femmes suscitent désormais l’innovation. Un fort incitatif pour Les entrepreneurs de la femtech s’engagent se lancer sur ce marché en croissance tient aux aussi dans la prévention du cancer du sein. pronostics des analystes, qui l’évaluent à Le soutien-gorge Eva, créé par le Mexicain 50 milliards de dollars d’ici à 2025. ⁄ Julián Ríos Cantú, dispose de 200 capteurs
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GLOBE
Un gène augmente le risque d’Alzheimer
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LE SÉ VO LA VI IN « The Mysteries Of Sleep » CONFÉRENCE MICHAEL HERF, TILL RŒNNEBERG DLD-CONFERENCE.COM, 2015
DLD, la plateforme de conférences sur l’impact du numérique sur la société, organisait la rencontre du professeur allemand de chronobiologie Till Rœnneberg et de l’entrepreneur Michael Herf, créateur de l’application F.lux, qui compense le rayonnement bleuté de nos ordinateurs quand la nuit tombe. Les deux hommes discutent de l’importance du respect du biorythme pour un bon sommeil.
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« Enviromedics, the impact of climate change on human health » JAY LEMERY, PAUL AUERBACH ROWMAN & LITTLEFIELD, 2017
Rarement se pose la question essentielle de la santé humaine lorsque l’on évoque le réchauffement climatique. Les menaces sont pourtant multiples : dégradation de la qualité de l’air et de l’eau, croissance des populations de moustiques vecteurs de maladies, etc. Le Dr Paul Auerbach, de Stanford, et son collègue Jay Lemery, du Colorado, ouvrent la discussion en posant clairement les enjeux médicaux.
R É OS S U LES VID OM 0 U ES ET RONIQ AZINE.C H G C A S M NVIVO VERS LE WWW.I S LIENS
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3 QUESTIONS À
TONY WYSS-CORAY
SAN FRANCISCO EST L’UNE DES RÉGIONS LES PLUS DYNAMIQUES EN MATIÈRE DE RECHERCHE MÉDICALE. TONY WYSS-CORAY Y TRAVAILLE DEPUIS 25 ANS.
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COMMENT S’EXPLIQUE LA DOMINATION DE SAN FRANCISCO ?
Il y a trois universités de renommée mondiale situées dans l’une des plus belles baies, avec un temps parfait presque toute l’année. Cet environnement a conduit au clonage des premiers gènes et à la fondation de Genentech, qui a lancé la révolution génétique ici. Elle a donné naissance à des centaines d’entreprises de biotechnologie, dont beaucoup ont été créées par d’anciens employés de Genentech. Elle a également permis le développement de fonds d’investissement en biotechnologie.
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QUELLES LEÇONS AVEZ-VOUS TIRÉES DE VOTRE EXPÉRIENCE SUR PLACE ?
J’ai réalisé que les gens sont le plus grand capital et que les plus grandes avancées se font grâce à l’ouverture et à la collaboration.
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QUEL EST L’OBJET DE VOS RECHERCHES ?
Je m’intéresse à la raison pour laquelle le cerveau devient sensible à la neurodégénérescence. Cela m’a amené à explorer la relation entre corps, cerveau et sang. Je suis fasciné par le processus du vieillissement et par la façon dont son ralentissement ou son inversion peut nous permettre d’éviter non seulement la neurodégénérescence, mais peut-être aussi d’autres maladies. / Le Suisse Tony Wyss-Coray est professeur à l’Université de Stanford. Il y dirige un laboratoire spécialisé dans les maladies xxxxxxxxx neurodégéneratives. Lauréat de nombreuses distinctions, il est détenteur d’un doctorat de l’Université de Berne. DR
GÉNÉTIQUE Alzheimer est au cœur des débats (voir article p. 26), mais aussi de la recherche. Des généticiens ont fait un pas substantiel en détectant qu’une personne dotée d’une copie du gène apoE4 est deux fois plus susceptible de développer la maladie. Si elle en possède deux copies, le risque se multiplie par 12. Les chercheurs des Instituts Gladstone de San Francisco ont ainsi mis au jour le principal facteur génétique de la maladie. La présence de ce gène conduit à une augmentation de la production de la protéine bêta-amyloïde, associée à certains symptômes de la maladie. Avec des correcteurs de structure, les chercheurs sont parvenus à modifier le gène apoE4 afin que la cellule retrouve une fonction normale. La prochaine étape consiste à travailler avec l’industrie pharmaceutique pour tester les correcteurs de structure sur des patients.
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SOMMEIL
E-CIGARETTE
IV n° 5
p. 29
Se coucher tard, mourir plus tôt
IV n° 1
PERCEPTION p. 14
IV n° 3
Vapoter, un droit humain ?
Les gens qui se couchent tard ont 10% de risques de mourir plus tôt. C’est la conclusion de la plus grande enquête sur le sujet, menée conjointement par les universités de Chicago et de Surrey avec une cohorte de 500’000 Britanniques. Les personnes déclarant être vraiment du soir auraient en outre presque deux fois plus de risques de développer des troubles psychologiques, et seraient davantage exposées au diabète ou aux troubles intestinaux. /
Les études contradictoires sur les risques du vapotage se succèdent. Pour Helen Redmond, le fait de rendre abordable l’e-cigarette dans les pays en voie de développement est une question de droit humain. Cette alternative à la cigarette classique se présente, selon elle, comme un moyen de cesser de fumer qui devrait être accessible même aux plus démunis. L’experte en consommation de substances de l’école de travail social de l’Université de New York s’exprimait lors d’une conférence protabac à Londres en septembre 2018. /
p. 19
Hallucination et cécité Une Tanzanienne de 85 ans, aveugle à cause d’un glaucome, se déclarait victime de magie noire. L’octogénaire affirmait voir des visages dont elle seule était témoin. Pendant huit mois, ce phénomène hallucinatoire visuel diagnostiqué comme syndrome de Charles Bonnet n’a fait qu’empirer. Ce syndrome se déclare chez des sujets âgés souffrant d’un déficit sensoriel visuel. La privation de la vue provoque une levée de l’inhibition visuelle de la part du cortex. /
BACTÉRIES p. 19
Résistance bien organisée Certaines souches de bactéries résistantes aux antibiotiques enregistrent l’information génétique qui leur a permis de se défendre, puis transmettent ces instructions à leurs voisines ignorantes. Cette information peut transiter rapidement dans une colonie. Des scientifiques australiens ont identifié le gène responsable de ce partage d’information dans la bactérie Clostridium perfringens, qui cause des intoxications alimentaires. /
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ERRATUM Dans notre dernier numéro, une erreur d’iconographie s’est glissée dans l’article de la rubrique faune et flore, en page 37. La mouche qui illustrait l’article n’était pas « Drosophila melanogaster », mais « lucilia caesar », plus vulgairement appelée « mouche à merde ». Voici la drosophile, dont il était question dans l’article. Toutes nos excuses pour cette méprise.
KONSTANTIN NECHAEV/ALAMY STOCK PHOTO
IV n° 13
FOCUS
SANTÉ ET MODÉRATION
SANTÉ ET MODÉRATION
LA CHASSE AUX ACTES MÉDICAUX INUTILES / Technicité galopante, financement à l’acte et culture du risque zéro ont entraîné une surenchère d’actes médicaux. Inutiles parfois, coûteux dans tous les cas. Dans la foulée du mouvement Smarter Medicine, toute la chaîne de santé cherche à soigner avec plus de discernement.
/ PAR PATRICIA MICHAUD
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L
a technologie a fait faire à la médecine un bond bilan préopératoire en l’absence de suspicion de en avant ; c’est le côté pile de la médaille. pathologie thoracique figurent ainsi parmi les cinq Et puis il y a son côté face, à savoir une hausse mesures médicales dont les risques sont considérés effrénée du nombre d’actes médicaux, parfois comme potentiellement plus élevés que leur utilité. à faible valeur ajoutée, souvent coûteux, potentiellement risqués. Les Américains ont été les premiers Depuis, huit sociétés de discipline médicale ont à leur à dire stop. En lançant en 2011 le mouvement tour publié leur « top 5 », et sept autres sont en cours « Choosing Wisely » (choisir avec soin), ils ont engagé d’élaboration. « Certes, on est encore loin des 80 soune réflexion de fond sur la juste mesure en matière ciétés partenaires aux États-Unis, mais il y a une vraie prise de conscience parmi mes de santé, qui fait des émules aux confrères suisses de la nécessité quatre coins de la planète. CHIFFRES de mettre fin au gaspillage dans le domaine de la santé », estime Repris en Suisse en 2014 sous la Jean-Michel Gaspoz. Le préforme d’un mouvement baptisé Part des dépenses de santé causées sident de Smarter Medicine Smarter Medicine, le concept est par des traitements non indiqués avertit au passage que l’associasimple : inciter le plus grand médicalement. tion n’a aucune velléité antitechnombre possible de disciplines / nologique : « Au contraire, médicales à publier un « top 5 » l’argent ainsi économisé peut des traitements inutiles dans leur être investi dans des intervendomaine. « L a première liste Proportion de patients qui disent tions hyper-pointues et coûpubliée en terre helvétique qu’eux-mêmes ou des personnes de teuses, mais qui présentent une concernait la médecine interne leur entourage ont eu l’impression réelle valeur ajoutée pour le pagénérale ambulatoire », précise de recevoir un traitement inutile. tient. » Car c’est bien le patient Jean-Michel Gaspoz, président / – « et non la diminution des de l’association Smarter Medicoûts de la santé ! » – qui figure cine nationale et spécialiste en au centre de la démarche, pourmédecine interne générale et Proportion de personnes qui suit le médecin de la Clinique des cardiologie à la Clinique des indiquent avoir l’impression de Grangettes. Mieux intégrer les Grangettes de Chêne-Bougeries. ne pas avoir tout compris lors de la consultation médicale. patients au processus est d’ailEn médecine interne, le bilan leurs le prochain objectif de la radiologique chez les patients Sources : Smarter Medicine et sondage GfK réalisé en Suisse auprès de 1’000 personnes, juillet 2018 structure. « Nous avons lancé en avec des douleurs lombaires non octobre une campagne afin d’enspécifiques depuis moins de six semaines, la prescription d’antibiotiques en cas d’in- courager les patients à dialoguer avec leur médecin, fection des voies aériennes supérieures sans signe de à ne pas hésiter à poser toutes leurs questions au sujet gravité, ou encore la radiographie du thorax dans le des tests et traitements envisagés. »
20% à 30%
>50% ~50%
DES PATIENTS CONSOM’ACTEURS Aussi bien les associations de consommateurs que de patients sont associées à la démarche Smarter Medicine. Elles se battent pour que les patients et les citoyens se responsabilisent.
d’être en mesure de maîtriser les décisions en lien avec sa santé et d’être sûr qu’elles correspondent à ce qu’il souhaite, le patient doit adopter une attitude similaire à celle du consommateur : s’informer sur les traitements proposés auprès de sources fiables, demander un second avis, comparer, évaluer la pertinence et les inconvénients des options de traitements, et même, dans certains cas, réfléchir au meilleur rapport qualité-prix. »
« Les ‘top 5’, c’est super ; mais en tant que particulier, que faire avec ces listes ? » s’interroge Joy Demeulemeester, de la Fédération suisse des patients (FSP). Selon elle, le nerf de la guerre, c’est l’information. « Afin
Pour obtenir des informations fiables, les patients romands peuvent notamment se rendre sur le site Web Planète Santé, sur celui de la Revue médicale suisse et sur ceux des différents hôpitaux universitaires. « Il ne
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SANTÉ ET MODÉRATION
BOUGER AIDE À LA GUÉRISON Éviter l’alitement des patients est l’une des recommandations les plus visibles de Smarter Medicine. Elle permet de réduire le risque de complications et favorise le maintien de l’autonomie. les patients âgés. Ainsi, la perte d’indépendance dans les activités de la vie quotidienne (se laver, manger, téléphoner, etc.) à la suite d’une hospitalisation est trois fois plus élevée chez des patients âgés de 90 ans ou plus, en comparaison de ceux âgés de 70 à 74 ans.
SYLVAIN MENÉTREY
alitement était préconisé durant tout le XIXe siècle pour une multitude d’affections. Ce n’est que depuis la seconde moitié du XXe siècle que nous reconnaissons à l’hospitalisation des effets délétères. Aujourd’hui, favoriser la mobilité des patients hospitalisés passe cependant par d’importants changements. Des plus pratiques comme une meilleure ergonomie des chambres jusqu’aux plus profonds, qui touchent à la culture hospitalière. Marie Méan fait partie d’un groupe de recherche en médecine interne du CHUV qui vise à obtenir une image précise du niveau de mobilisation des patients hospitalisés. Quels sont les objectifs de votre étude ? marie méan Nous manquons d’indicateurs qui concernent le système de santé suisse au sujet de la mobilisation des patients. À travers l’étude « Next Step », nous voulons lever ces inconnues et déterminer le niveau d’activité physique des patients de plus de 65 ans hospitalisés. in vivo
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Nous observons ainsi environ 200 patients du service de médecine interne. Pendant tout leur séjour, ils portent un bracelet qui enregistre leurs mouvements. Nous corrélerons ensuite le niveau d’activité physique à de potentielles complications intrahospitalières, telles que les escarres ou les chutes, ainsi qu’au devenir des patients à la sortie de l’hôpital et à leur niveau d’autonomie. À partir de ces résultats, nous souhaitons créer un programme de mobilisation qui sera testé en 2019. iv Pourquoi l’alitement est-il déconseillé ? mm Dès le premier jour, l’inactivité physique liée à l’alitement en milieu hospitalier est probablement le facteur contribuant le plus au déclin fonctionnel, surtout chez
iv Pourquoi n’en prend-on conscience que maintenant ? mm Pendant cinquante ans, les hôpitaux se sont focalisés sur le risque de chute, qui était un indicateur de qualité des soins. Or, ce risque augmente chez les patients déconditionnés. Nous devons donc changer d’optique, et enseigner à tous les corps de métier comment évaluer et maintenir une mobilisation.
Comment s’allier les patients ? C’est un défi ! Nous cherchons à les informer des bienfaits de la mobilisation pour contourner les réticences liées à la douleur et à la fatigue. Nous avons développé la brochure Bouger aide à la guérison, avec des vignettes indicatives pour que les patients puissent se situer dans leur capacité à se mobiliser. Personnellement, j’aime verbaliser les objectifs : « Si nous vous stimulons à vous mobiliser, c’est pour préserver votre autonomie et favoriser votre retour à domicile. » iv
mm
Marie Méan est médecin associée au service de médecine interne du CHUV, maître d’enseignement et chercheuse clinicienne.
HEIDI DIAZ
L’
PROPOS RECUEILLIS PAR
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faut pas hésiter non plus à demander à son médecin où trouver des compléments d’informations. Internet sur prescription médicale est une bonne piste ! » (voir notre article sur les fake news médicales, p. 38)
Medicine, le fait que « non seulement les sociétés de disciplines médicales mais aussi les hôpitaux prennent leurs responsabilités dans la lutte contre les traitements inutiles et le gaspillage est un signe important. »
MÉDIATEURS BÉNÉVOLES
RETROUVER LA MOBILITÉ AU PLUS VITE
Joy Demeulemeester conseille par ailleurs aux patients de « soigneusement préparer leur consultation chez le médecin », en dressant une liste des questions qu’ils souhaitent lui poser. Il est également important de prendre des notes durant l’entretien, car des études ont montré qu’un « patient qui sort de chez le médecin oublie jusqu’à 80% de ce qui lui a été dit. Quant à ce dont il se souvient, c’est en partie inexact. »
Le CHUV n’est pas en reste : son plan stratégique 2019–2023 mentionne qu’une « démarche sera lancée pour appliquer les recommandations – de Smarter Medicine – pertinentes au milieu hospitalier ». Il s’agit notamment de prévenir les examens diagnostics inutiles, d’éviter les poses de sonde urinaire non indiquées, de limiter les transfusions ainsi que l’utilisation des benzodiazépines et des hypnotiques sédatifs, ou encore de faire marcher les patients aussitôt que leur situation le permet.
Afin d’accroître la participation des citoyens dans le domaine de la santé, la Fédération romande des consommateurs a lancé il y a trois ans un projet pilote baptisé « Tous Consom’Acteurs de la Santé », avec le soutien du Service de la santé publique du canton de Vaud. L’idée ? Former des bénévoles afin qu’ils soient capables de dialoguer avec les soignants et de servir d’interface avec les patients, le monde de la recherche et les pouvoirs publics.
QUAND L’HÔPITAL ENCOURAGE LE MOUVEMENT Parallèlement au concept de Smarter Medicine est né celui de Smarter Hospital. Nombre d’établissements en Suisse n’hésitent plus à encourager le « moins, c’est mieux ». À peine le terme Smarter Medicine a-t-il eu le temps de se faire un nom dans les milieux helvétiques de la santé – selon un sondage de l’association éponyme, environ six médecins romands sur dix connaissent ce concept – qu’en débarque un autre, Smarter Hospital. Il désigne les établissements partenaires de l’association, qui lancent activement en leur sein des projets allant dans le sens d’une médecine raisonnable. Les HUG qui se déclarent Smarter Hospital « ont déjà développé 47 projets, tous services confondus », se réjouit Jean-Michel Gaspoz. Au sein de l’hôpital tessinois Ente Ospedaliero Cantonale (EOC), on a notamment mis sur pied une campagne intensive contre la prescription inutile de benzodiazépines. Quant aux responsables du Triemlispital de Zurich, ils sont sur le point de lancer « plusieurs projets concrets ces prochains mois ». De l’avis du président de l’association Smarter 22
Cette mobilisation précoce des patients est d’ailleurs l’objectif phare du CHUV en matière de Smarter Medicine pour l’année 2019, explique Jean-Blaise Wasserfallen, le vice-directeur médical de l’hôpital. C’est le physiothérapeute chef de service Guillaume Roulet qui est à l’origine du projet, lequel colle parfaitement avec l’une des recommandations figurant
LES RESSOURCES DU PATIENT ACTEUR Afin de permettre aux patients de choisir de manière pleinement informée les traitements qu’on leur propose, Smarter Medicine a édité une liste de cinq questions qu’elle recommande de poser lors des consultations.
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Y a-t-il plusieurs traitements possibles ?
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Quelle est l’ampleur des opportunités et des risques ?
Quels sont les avantages et les inconvénients du traitement recommandé ?
Que se passera-t-il si je ne fais rien ? Que puis-je faire moi-même pour ma santé ?
Source : Smarter Medicine
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EXCÈS DE MÉDECINE Surdiagnostic
Surtraitement
Médicaments inappropriés*
Le surdiagnostic est la procédure qui consiste à mettre en évidence l’existence d’une maladie véritable, qui n’aurait jamais été perçue au cours de la vie du patient. Il peut entraîner des traitements lourds et susciter une grande détresse psychologique inutile chez le patient. L’un des exemples fréquemment rencontrés est le cancer de la prostate à développement lent qui n’aurait pas compromis la santé du patient.
Conséquence du surdiagnostic, le surtraitement est la propension de la médecine à traiter une maladie et, ainsi, à donner l’illusion d’une guérison, alors que sans traitement le patient n’aurait pas ressenti d’effets néfastes sur sa santé.
médicaments 35% des prescrits à l’hôpital
sont potentiellement inappropriés. médicaments 60% des prescrits en EMS sont
potentiellement inappropriés.
le nombre moyen 5,6 estde médicaments ingérés
chaque jour par les seniors vivant à domicile. On parle de polymédication au-delà de cinq médicaments quotidiens.
* Données provenant de plusieurs recherches européennes. Leendertse AJ, et al. Arch Intern Med. 2008;168:1890-96; O’Mahony D, et al. Age Ageing. 2014 Gillespie U, et al. Arch Intern Med. 2009;169:894-900; Berwick DM, et al. JAMA. 2012;307:1513-16
dans le « top 5 » de la médecine interne générale hospitalière. « Deux tiers des patients du service de gériatrie sortent de l’hôpital avec une nouvelle dépendance fonctionnelle », constate-t-il. La cause ? « À l’hôpital, on bouge beaucoup moins qu’à la maison, notamment parce qu’on n’est pas obligé de se lever pour se préparer un thé, répondre à la porte ou aller aux toilettes. » Dans le cadre de ce projet, des référents de mobilité ont été nommés. « Ils sont chargés de sensibiliser aussi bien le personnel soignant que les patients et leurs proches à l’importance de la mobilité; il s’agit notamment d’inculquer une culture du ‘laisser-faire’ le patient plutôt que de faire à sa place », explique Guillaume Roulet. « Nous avons par exemple renversé le protocole lors de la visite médicale : désormais, tous les patients doivent se mettre en position assise pour leurs examens, ce qui les oblige à bouger. » Conçu à la base pour le service de médecine interne, le programme de mobilisation précoce des patients devrait être étendu graduellement à tout l’hôpital.
LE PATIENT COMME PARTENAIRE Parmi les autres objectifs à court terme du CHUV en matière de Smarter Medicine figure l’application généralisée des « top 5 » déjà publiés. « Cela nécessitera un travail de formation et de communication conséquent, car il s’agit d’un véritable changement de culture », souligne Jean-Blaise Wasserfallen. Autre défi de taille auquel sont confrontés les promoteurs 23
de Smarter Medicine : mettre en place des indicateurs de suivi afin de vérifier que cette nouvelle culture fonctionne. « Nous planchons notamment sur l’établissement de protocoles structurés », avance le Prof. Gérard Waeber, chef du Département de médecine au CHUV. « Ces protocoles permettront une prise en charge plus homogène, et les indicateurs de succès seront comparables entre hôpitaux universitaires suisses ». Directrice des soins au CHUV, Isabelle Lehn (voir sa chronique, p. 68) constate avec « énormément d’intérêt » ce saut vers une médecine axée sur les besoins – réels – du patient. « On ose enfin sortir de l’ère de la sur-sécurité, et, dans la foulée, on apprend à considérer le patient comme un vrai partenaire. »
SENIORS ENTRE SUR- ET SOUSMÉDICALISATION Les personnes âgées consomment entre cinq et dix médicaments par jour. Que ce soit dans les EMS ou à domicile, on tente de faire le tri. Et on attend impatiemment la concrétisation du Dossier électronique du patient. Passé 65 ans, les seniors prennent en moyenne 5,6 médicaments par jour lorsqu’ils vivent à domicile, et même 9,3 médicaments par jour lorsqu’ils
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résident dans un EMS. Or, selon une compilation de plusieurs études à l’échelle européenne publiée en 2008 par la revue JAMA Internal Medicine, 21% des médicaments prescrits en ambulatoire, 35% de ceux prescrits à l’hôpital et 60% de ceux prescrits en EMS sont potentiellement inappropriés. Alertés par ces chiffres, et plus spécifiquement par l’importante consommation de psychotropes par les personnes âgées, les responsables vaudois de la santé ont débloqué des fonds (2 millions de francs par an en 2017) visant à généraliser les cercles de qualité dans les EMS du canton. Il s’agit d’optimiser le choix et l’usage des médicaments prescrits au sein de l’établissement. Chaque cercle comprend le pharmacien, le médecin responsable de l’EMS, ainsi que l’infirmière ou infirmier en chef. « Ils se réunissent plusieurs fois par an afin d’établir des consensus au sujet des choix et de l’usage des médicaments, qui sont ensuite appliqués à tous les résidents », résume Olivier Bugnon, pharmacien-chef à la Policlinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne et responsable d’une étude sur les opportunités de la déprescription en EMS, soutenue par le programme « Smarter Health Care » du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
PRESCRIRE OU DÉPRESCRIRE ? Si la déprescription – à savoir la réduction de la dose de certains médicaments, voire leur arrêt – figure au centre des cercles de qualité, le spécialiste avertit : « On observe presque autant de sous-médicalisation que de sur-médicalisation dans les EMS. Il faut donc remettre les choses à plat, prescrire ni trop ni trop peu, et surtout individualiser la médication. » Olivier Bugnon prend l’exemple d’un patient qui serait atteint de sept maladies différentes : « Il n’y a pas de solution miracle. Il faut soigneusement analyser les besoins de la personne, ses priorités, les interactions entre les différents médicaments, etc. C’est ensuite seulement qu’on pourra choisir lesquels déprescrire ou au contraire, lesquels ajouter. » Si cette mise à plat est relativement facile à opérer en EMS ou au sein des services hospitaliers, où tous les soignants ont accès au dossier du patient, il n’en va pas de même en ce qui concerne les seniors qui vivent chez eux. « Il n’est pas rare que le médecin traitant prescrive certains médicaments, qu’un spécialiste en prescrive d’autres et que parallèlement, le patient prenne des médicaments prescrits lors d’un séjour à l’hôpital. Sans compter ceux en automédication », rapporte Margarita Cambra, directrice du service du développement des
DES MESURES DE MODÉRATION POUR DE NOMBREUSES DISCIPLINES CLINIQUES
Gériatrie
Médecine interne générale ambulatoire
Médecine interne générale hospitalière
Ne pas faire usage de benzodiazépines ou d’autres hypnotiques sédatifs chez les personnes âgées en première intention pour le traitement de l’insomnie, de l’agitation ou du délire.
Ne pas prescrire d’antibiotiques en cas d’infection des voies aériennes supérieures sans signe de gravité.
Ne pas poser ou laisser en place une sonde urinaire uniquement pour des raisons de commodité (incontinence urinaire, surveillance de la diurèse) chez des patients en dehors des soins intensifs.
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FOCUS
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pratiques professionnelles de l’Avasad (Association vaudoise d’aide et de soins à domicile). Certes, « nos infirmières peuvent aider à faire le tri, mais seulement à condition d’avoir accès à toutes les informations ». Margarita Cambra place beaucoup d’espoir dans le futur Dossier électronique du patient – la loi fédérale du 5 juin 2018 a lancé sa mise en œuvre – qui « permettra enfin d’avoir une vue d’ensemble des traitements d’un patient » par tous les acteurs de la santé. Même optimisme du côté d’Olivier Bugnon, « à condition que tout le monde joue le jeu et consigne les informations dans ce dossier ».
objectif principal la réduction des coûts de la santé. Reste que dans bien des cas, cette dernière constitue un effet collatéral positif d’une rationalisation – qualitative – des soins. « Ce qui est vraiment intéressant dans la Smarter Medicine, c’est qu’on sort de la logique ‘la qualité coûte cher’, analyse Brigitte Rorive, directrice des finances des HUG. Au contraire, c’est la qualité qui provoque par ricochet une baisse des coûts. Le gaspillage, lui, est une grande source de dépenses : doublons dans les prescriptions d’examens, interventions inutiles, etc. »
Les responsables de l’association Smarter Medicine l’affirment haut et fort : leur démarche n’a pas pour
Selon Brigitte Rorive, les systèmes actuels de financement de la santé vont malheureusement à l’encontre de la philosophie Smarter Medicine, car ils sont basés « soit sur les actes médicaux, soit sur les forfaits hospitaliers, eux-mêmes basés sur des actes médicaux ». Les prestataires de soins sont donc incités à multiplier les actes afin d’être rémunérés. « Une première amélioration possible serait de passer à un financement récompensant la qualité plutôt que la quantité. » Concrètement, « il faudrait sélectionner cinq ou six indicateurs clés tels que la mortalité, la réadmission, les complications ou encore les réopérations ». Les prestataires qui ne rempliraient pas les objectifs fixés seraient pénalisés par une sorte de malus : « le remboursement de leurs actes serait diminué ».
Sur le modèle de la campagne nord-américaine « Choosing Wisely », l’association suisse Smarter Medicine, créée en 2017, publie des listes de cinq traitements superflus par discipline. Ces listes
de recommandations sont édictées par les sociétés faîtières et se destinent aux spécialistes. Nous publions ici quelques extraits de ces recommandations, dont l’ensemble est consultable sur le site de Smarter Medicine.
CESSER D’ASSOCIER COÛTS ET QUALITÉ Le gaspillage des soins est une importante source de dépenses. En récompensant les prestataires en fonction de la qualité plutôt que de la quantité, une baisse des coûts est envisageable.
Médecine intensive
Radio-oncologie
Néphrologie
Limiter la sédation profonde des patients sous ventilation mécanique, en permettant un réveil journalier, même partiel.
Ne pas commencer la prise en charge d’un cancer de la prostate à faible risque sans avoir envisagé une surveillance active.
Ne pas commencer de dialyse chronique sans garantir un processus décisionnel partagé avec le patient et sa famille.
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TURBULENCES EN GÉRIATRIE
Alors que le mouvement Smarter Medicine prend de l’ampleur, un livre paru en France a ouvert une polémique au sujet du traitement d’Alzheimer et de la conception même de cette maladie. La prévention demeure le meilleur remède. TEXTE : SYLVAIN MENÉTREY
DÉPENDANCE MÉDICALE
C’est le livre Alzheimer le grand leurre (Michalon, 2018), signé par Olivier Saint-Jean, patron du service de gériatrie de l’hôpital GeorgesPompidou, à Paris, et le journaliste santé du quotidien Libération, Éric Favereau, qui a mis le feu aux poudres. Non sans succès, puisqu’au cours de l’été, le Ministère de la santé français a décidé de ne plus rembourser les médicaments Aricept, Exelon, Réminyl et Ebixa, tous des traitements dits antiAlzheimer, dont il a été jugé que leur « service médical rendu » était trop faible. La ministre Agnès Buzyn suivait une préconisation formulée en 2016 par la Haute Autorité de santé (que la ministre présidait
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à l’époque). Dans son ouvrage, qui retrace l’histoire d’Alzheimer depuis le premier cas décrit par le chercheur allemand Alois Alzheimer, en 1906, Olivier Saint-Jean aborde cette maladie comme une « construction sociale », qui a pathologisé le vieillissement et placé les personnes âgées dans un état de « dépendance » vis-à-vis du corps médical. Il fustige aussi comme « inutiles » les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, cette classe de médicaments contre laquelle la France s’est prononcée. Voire « dangereux », car ils sont soupçonnés, notamment, d’être responsables de décès de nature cardiovasculaire.
PENSÉE LOGIQUE RÉDUITE
La perspective de Saint-Jean semble s’inscrire dans la tendance actuelle d’une limitation des actes médicaux inutiles et d’une meilleure intégration
Jean François Démonet, médecin neurologue, directeur du Centre Leenaards de la mémoire au CHUV.
des patients dans la réflexion au sujet de leur traitement. Dans le cas d’Alzheimer, pourtant, les choses sont plus compliquées, car, comme le relève Stefanie Becker, directrice d’Alzheimer Suisse, « à un certain stade, la maladie affecte les capacités de pensée logique et les malades ne comprennent plus les conséquences de leurs décisions ». Très remonté contre l’approche de Saint-Jean, Jean-François Démonet, directeur du Centre Leenaards de la mémoire, au CHUV, parle d’un retour à « l’obscurantisme ». « Il est plutôt paradoxal, après cinquante ans de recherches extraordinaires, que quelqu’un issu du système de santé soutienne qu’Alzheimer est un mythe. » Il rappelle les cas de dégénérescences précoces chez des personnes de cinquante ans et les formes génétiques d’Alzheimer comme preuves de l’existence de la maladie. « Entre observer une augmentation de la prévalence avec l’âge, et établir qu’Alzheimer n’est qu’un signe de vieillissement, il y a un grand pas », souligne-t-il. Au sujet des médicaments, il se veut plus mesuré. « Leurs effets sont modestes, mais indiscutables. Ils n’ont pas d’impact sur la mémoire, mais ils renforcent la fonction d’attention, de présence au monde. » Des bénéfices suffisants à son avis pour justifier leur prescription, d’autant que les effets secondaires ne seraient pas plus graves que l’aspirine. « Tout médicament comporte des risques, il en va de la responsabilité des
ERIC DÉROZE
Depuis l’été, la maladie d’Alzheimer déchaîne les passions en France, et par ricochet aussi en Suisse. Parmi les spécialistes du déclin cognitif, deux visions de la médecine s’affrontent : la dominante, qui dicte depuis près de trente ans les politiques de santé et les lignes thérapeutiques par la prescription de médicaments censés limiter certains troubles; et celle défendue par une frange de médecins plus réduite, mais combattive, qui prône l’abandon des médicaments et le développement de mesures plus douces comme la psychologie et l’orthophonie. Entre ces deux positions, c’est la définition même d’Alzheimer qui se joue. Considérée comme une pathologie dégénérative de la même famille que Parkinson par les uns, elle est renvoyée, par les autres, à une simple mais inexorable conséquence du vieillissement.
FOCUS
médecins de prescrire un traitement adapté à chaque patient », complète Stefanie Becker. L’avantage, moins vérifiable, mais peut-être central, de ces médicaments tient dans la relation patient-traitant qu’ils créent. La prise de médicaments implique un suivi régulier par un professionnel de la santé, ce qui procure des effets psychologiques bénéfiques. « Il est prouvé qu’un médicament a moins d’effet lorsqu’il est délivré par une machine », explique ainsi JeanFrançois Démonet. « En l’absence de preuve d’efficacité des thérapies alternatives, nous continuons à travailler avec des options médicamenteuses aux effets reconnus. »
PROMESSES DE L’ADUCANUMAB
Le Centre Leenaards de la mémoire ne se prive pourtant pas de travailler en complément avec un large éventail d’approches non médicamenteuses comme la physiothérapie, l’art-thérapie, ou la psycho-éducation des proches, afin que ces derniers apprennent à sécuriser les personnes atteintes d’Alzheimer en abaissant leur degré d’anxiété et en leur faisant pratiquer des activités valorisantes. « Notre recherche consiste à évaluer les bienfaits à long terme de ces pratiques, que défend aussi Olivier Saint-Jean. » Les deux parties se rapprochent également dans la défense de la prévention. « C’est à 40 ans qu’il faut penser à son avenir cognitif », avertit le professeur Démonet. « Ce qui est bon pour le cœur l’est aussi pour le cerveau et il ne faut jamais cesser d’apprendre. » Le Centre Leenaards de la mémoire propose, ainsi, un programme de stimulation cognitive des personnes âgées, à l’aide de tablettes numériques. Mais le débat va peut-être se tarir grâce aux progrès de la recherche pharmaceutique. Celle-ci pourrait fournir dans un horizon prochain des médicaments plus efficaces, tel l’Aducanumab, dont les premiers tests cliniques ont montré un ralentissement probant des symptômes de déclin cognitif.
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SANTÉ ET MODÉRATION
On pourrait même envisager d’aller bien plus loin. « Il faut intervenir en amont, en axant les politiques de santé sur la prévention. On ferait en sorte que l’hôpital – qui représente 35% des coûts de la santé en Suisse, contre 2,4% pour la prévention – devienne le dernier recours. » Brigitte Rorive cite l’exemple du Danemark, où un ambitieux projet de « superhôpitaux » est en cours de concrétisation. « À terme, tout ce qui peut l’être sera traité en ambulatoire et ce pays de près de 6 millions d’habitants ne comptera qu’une vingtaine d’hôpitaux. Pour comparaison, la Suisse en possède environ 200. » Autre piste inspirée de l’étranger ? Le « bundled payment », un système popularisé sous l’administration Obama prévoyant que chaque prise en charge médicale fasse l’objet d’un prix total, réparti entre les différents maillons de la chaîne (hôpital, soins à domicile, etc.). « Une trajectoire standard est définie, ce qui a pour effet d’inciter chaque acteur à intervenir au bon moment, grâce au bon acte et dans la bonne mesure. Mais ce modèle ne fonctionne que pour les procédures qui peuvent être standardisées », admet la spécialiste.
AU-DELÀ DU GASPILLAGE Preuve de la sensibilisation aux questions soulevées par Smarter Medicine, le nouveau serment suisse, version actualisée du serment d’Hippocrate, insiste sur une manière de s’exprimer « compréhensible » devant le patient, sur la prise de mesures « judicieuses » et le refus « d’avantages ou de prestations financières ». La profession n’a d’ailleurs pas attendu Smarter Medicine pour définir de bonnes pratiques. La campagne succède à d’autres initiatives, telle l’Evidence-BasedMedicine (EBM), ou médecine fondée sur les faits. Celle-ci est définie comme « une utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données disponibles pour la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient » par David Sackett, médecin canadien, fondateur du Centre EBM d’Oxford. Consciente des gaspillages inhérents à sa pratique, la profession poursuit donc ses efforts de rationalisation. Sur un plan plus philosophique, le médecin et théologien Bertrand Kiefer rappelait dans la Revue Médicale Suisse en 2016 que la médecine surabondante a souvent pour rôle de masquer notre peur de la mort. « La médecine porte le rôle de compensation symbolique autrefois joué par les rites, les religions et les mythes », note le théologien. ⁄
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PROPOS RECUEILLIS PAR
CAROLE EXTERMANN
SANTÉ ET MODÉRATION
INTERVIEW « LA CAMPAGNE ÉBRANLE LE MODÈLE DU MÉDECIN TOUT-PUISSANT »
Le mouvement « Choisir avec soin » fournit des outils au personnel médical ainsi qu’aux patients afin de lutter contre la surconsommation de tests et médicaments. Wendy Levinson, sa présidente au Canada, plaide pour le dialogue et la modération.
Pensez-vous que nous consommons trop de médecine ?
in vivo
La médecine est souvent basée sur l’idée que plus l’on effectue d’actes, mieux le patient s’en portera. Or, cette idéologie est souvent nocive, à la fois pour le bien-être du patient et pour l’ensemble du système de santé. Dans la pratique, plusieurs facteurs favorisent la surmédicalisation. Il s’agit parfois d’une question de temps : plutôt que d’expliquer au patient pourquoi il vaut mieux éviter de pratiquer un test, ou de prendre un médicament, les médecins préfèrent les prescrire directement. Dans certaines régions, comme en Amérique du Nord, les médecins craignent les poursuites judiciaires. Ils s’efforcent donc de ne prendre aucun risque. Ils multiplient les examens et les traitements pour s’assurer de ne rien laisser au hasard.
wendy levinson
La campagne « Choisir avec soin » cherche à changer cet état d’esprit.
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Cette campagne (« Choosing Wisely », en anglais) tente de modifier les rapports entre médecins et patients à travers la participation active de ces derniers aux choix médicaux qui
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Biographie Wendy Levinson est professeure de médecine à l’Université de Toronto. Elle s’est spécialisée dans la communication entre les médecins et leurs patients, notamment au sujet de la révélation d’erreurs médicales ou de la prise de décisions communes. Elle préside actuellement la campagne canadienne de « Choosing Wisely », après avoir participé à sa fondation aux États-Unis, en 2012. Elle coordonne également l’expansion de la campagne au niveau international. 28
les concernent. Par une information plus complète du fonctionnement des examens, de leur impact et de leur nécessité, nous souhaitons combattre les traitements superflus. Le mouvement repose ainsi sur une meilleure communication entre le médecin et le patient afin d’agir au mieux face à une maladie. Pour guider les prises de décisions, « Choisir avec soin » se fonde principalement sur quatre questions : ce test ou traitement est-il vraiment nécessaire ? Quels sont les effets collatéraux ? N’y a-t-il pas une solution plus sûre et plus simple ? Et, que se passe-t-il si l’on ne fait rien ?
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous engager sur ce thème ?
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wl Durant ma carrière de médecin interniste, mes recherches et mon intérêt personnel se sont orientés vers la question des échanges entre les médecins et leurs patients. J’ai souvent mesuré l’importance d’engager une véritable discussion avant d’opter pour un traitement ou un test médical. Dans de nombreux cas, les patients arrivent avec le désir d’obtenir un certain traitement, mais ils en ignorent les véritables effets et enjeux sur leur santé. « Choisir avec soin » m’a permis de travailler sur ces questions à plus large échelle. J’ai ainsi participé au lancement de la campagne aux États-Unis, avant de l’importer, deux ans plus tard, au Canada.
En pratique, comment s’est développé le mouvement ?
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wl Il était évident dès le départ que la campagne allait dépendre de l’engagement des médecins. Une des premières étapes a été de les convaincre que la lutte contre la surmédicalisation grâce à une meilleure discussion avec le patient fait intégralement partie de leur profession. Nous avons ensuite demandé à différents praticiens d’établir des listes de cinq tests ou procédures dans leur propre
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Par ses prises de parole à l’international, Wendy Levinson tente de sensibiliser le milieu médical aux effets pervers de la surmédicalisation.
discipline pour lesquels des résultats scientifiques témoignent d’effets secondaires indésirables, afin d’en dresser une sorte de catalogue. iv
À quoi sert ce catalogue ?
Associé à des listes de maladies pour lesquelles l’implication des tests et des traitements est précisément détaillée, ce catalogue sert de ressource à la discussion avec le patient. Mais plus que de simplement mettre à disposition conseils et matériaux, « Choisir avec soin » tente de s’implanter dans la pratique médicale afin d’aider les groupes de médecins, mais aussi les infirmiers, les pharmaciens et les dentistes, à modifier leurs pratiques. Une autre partie de la campagne consiste à sensibiliser les étudiants en médecine à cette démarche en les formant à la discussion avec le patient et en insistant sur l’importance d’une véritable collaboration dans la prise de décisions médicales. La campagne ébranle le modèle du médecin tout-puissant qui dit au patient exactement ce qu’il doit faire et accorde davantage de pouvoir à ce dernier. wl
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Des initiatives concrètes ?
À l’hôpital pédiatrique SickKids, au Canada, le Dr Jeremy Friedman a lancé sa propre campagne « Choosing Wisely ». Celle-ci s’applique aux enfants atteints du purpura thrombopénique
idiopathique, une maladie qui touche les plaquettes sanguines. Dès le diagnostic, les jeunes patients recevaient automatiquement une transfusion, alors que celle-ci n’est pas bénéfique dans tous les cas. SickKids a ainsi réussi à réduire de 88% à 50% le nombre d’enfants transfusés pour cette maladie, ce qui permet à la fois de préserver la santé du patient en ne lui infligeant pas des soins inadaptés, et d’économiser du sang, une ressource précieuse. iv
La campagne a-t-elle suscité des oppositions?
Étonnamment, non. Même pas du côté de l’industrie pharmaceutique qui doutait de la réelle influence de ce mouvement. Dans la plupart des pays participants, les médecins accueillent la campagne de manière très positive. Le problème de la surconsommation de médicaments se situe bien souvent du côté des patients. Ils se rendent chez le médecin dans l’objectif d’obtenir un certain médicament. S’ils ne l’obtiennent pas, ils ont tendance à prendre un autre rendez-vous ailleurs. Les outils fournis par « Choisir avec soin » peuvent servir de soutien extérieur au médecin pour tenter de faire évoluer le rapport des patients à la consommation excessive de médicaments. / wl
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Wendy Levinson donnera une conférence ‒ en anglais ‒ au CHUV, le 5 décembre à 15h à l’auditoire César Roux, sur le thème « Choosing Wisely ‒ From an Idea to an International Movement ».
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« Dans notre société patriarcale, les hommes ont tendance à se surévaluer et les femmes à se sous-évaluer. »
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INTERVIEW
NATHALIE RAPOPORT-HUBSCHMAN La psychothérapeute
française s’intéresse aux obstacles qui limitent l’ascension des femmes dans leur carrière professionnelle. Pour In Vivo, elle analyse les raisons qui expliquent leur plus large désertion des professions médicales. INTERVIEW : ANDRÉE-MARIE DUSSAULT PHOTO : CÉLINE BANSART
« Une femme maquillée est perçue comme plus compétente » Elle indique ici comment ces paramètres se Le corps médical ne cesse de se féminiser depuis les années combinent avec les structures spécifiques 1960. Les femmes représentent ainsi 42% des quelque des institutions de santé, dont l’encadrement 37’000 médecins en Suisse, selon les chiffres d’une étude de supérieur reste encore largement masculin. la Fédération des médecins suisses (FMH) publiée en 2017. Leur proportion s’élève même à près de 47% en milieu hospitalier, où elles sont majoritaires parmi la classe d’âge IN VIVO Pourquoi les femmes désertent-elles 25-39 ans. Moins encourageant, elles sont aussi plus la médecine plus tôt que les hommes ? NATHALIE nombreuses à cesser prématurément leur activité auprès RAPOPORT-HUBSCHMAN Un ensemble de facteurs, des patients. Selon les sondages de la FMH, elles sepersonnels et sociétaux, explique ce phénomène. raient jusqu’à 1,6 sur 10 à se réorienter, contre seuleTrop fréquemment, elles se désengagent de leur ment 1 homme médecin sur 10. Une défaite pour trajectoire et de leurs objectifs pour s’occuper des l’égalité, mais aussi un gâchis en termes d’investisseautres ou les préserver, même après avoir mené ments dans la formation. de longues études. Encore aujourd’hui, les responsabilités liées à la gestion domestique reposent très Dans Les barrières invisibles dans la vie d’une souvent sur leurs épaules. Même si les hommes femme1, Nathalie Rapoport-Hubschman décorprennent une part croissante à la maison, celle-ci reste minime. La hiérarchie des priorités des femmes et des tique sept dimensions qui marquent profondéhommes est diverse. Ceux-ci mettent davantage la réusment l’existence des femmes. À travers l’explosite et le pouvoir au premier plan. Les femmes sont ration de la beauté, des émotions, des relations moins compétitives. Peut-être le sont-elles un peu moins aux autres, de la sexualité, des enfants, du au départ, mais cette différence est socialement amplifiée travail et du bonheur, elle met en lumière les avec le temps. obstacles qui limitent leur épanouissement.
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Nathalie Rapoport-Hubschman, Les barrières invisibles dans la vie d’une femme, éd. Albin Michel, 2018.
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INTERVIEW
« LE STRESS AUGMENTE LE COMPORTEMENT PROSOCIAL DES FEMMES »
acquises, biologiques ou sociales, reconnaître et accepter ces différences est crucial pour faire bouger les lignes.
IV Pourquoi les femmes ne progressentelles pas au même rythme que les hommes dans les organisations ? NRH Pour avancer dans un monde d’hommes, il est plus facile d’être un homme. Le monde médical demeure fortement marqué par une culture masculine, rétrograde. Cela peut créer des frustrations qui IV Vous remarquez qu’elles tendent même à se mettre rejaillissent sur des décisions. On sait notamen retrait pour ne pas froisser l’ego masculin. ment qu’à la naissance d’un premier enfant, les NRH Alors que la grande majorité des hommes affirment femmes perdent en moyenne 20% de leur rémune pas être gênés par la réussite de leur compagne, un nération, alors que les pères ne subissent aucune test de mesure implicite de l’estime de soi démontre le perte. Par ailleurs, si elles n’obtiennent pas une contraire. Souvent, les femmes perçoivent la blessure promotion ou un poste à responsabilités auxquels narcissique que peut ressentir, sans se l’avouer, leur parelles estiment avoir droit, certaines femmes décitenaire, lorsqu’elles se mettent en avant. Elles en tirent deront d’abandonner leur carrière pour les conclusions et se retirent. Pourtant, la s’investir davantage dans leur famille. société a tout à gagner à avoir plus de BIOGRAPHIE Plusieurs études montrent qu’en termes de femmes médecins et cadres dans le monde Docteure en progression de carrière, lorsque les candidamédical. Elles ont des compétences et des médecine, psychothérapeute tures à des postes à responsabilités sont valeurs extrêmement importantes. et mère de quatre anonymes, le biais de sélection en faveur des enfants, Nathalie hommes est rectifié. Le processus d’asexuaIV Les femmes pratiquent-elles différemRapoporttion est très important. ment la médecine que les hommes ? NRH Hubschman est Lorsqu’ils perçoivent la détresse de l’autre, formée aux les deux sexes éprouvent de l’empathie, thérapies cogniIV Les stéréotypes nous dictent qui est un tives et compormais celle des hommes aura tendance à tementales (TCC) bon médecin ? NRH De nombreuses expéêtre moins inconditionnelle que celle des et spécialisée riences montrent que nous jugeons et femmes. Pour les hommes, la difficulté est en psychologie évaluons les personnes moins selon leurs de percevoir la détresse d’autrui. Et de la santé compétences qu’en fonction de caractériset médecine contrairement à ce que l’on pourrait croire, comportementale. tiques auxquelles nous croyons être insenla tendance des femmes à être tournées Après ses études sibles, comme le sexe, la couleur de la peau vers les autres s’accentue en situation de en France, et ou l’apparence. Par exemple, des études stress. Il semblerait que celui-ci ne les plusieurs années montrent qu’une femme maquillée est d’expérience pousse pas à la fuite ou au combat (selon la professionnelle, perçue comme plus « compétente ». En méfameuse théorie fight or flight), mais qu’il elle a notamment decine, les dossiers des candidates sont les amène plutôt à augmenter leur compor- été chercheuse sous-évalués, pas seulement par les tement prosocial et leur réceptivité aux associée à hommes, par les femmes aussi. Nous avons l’Université autres. Il s’agit là d’une force. Les diffé- de Stanford. tous pris l’habitude de systématiquement rences dans la façon de percevoir les émo- Nathalie Rapodévaloriser les personnes de sexe féminin, et tions entre les femmes et les hommes sont port-Hubschman ce, dès un jeune âge. Un exemple éloquent liées, comme cause ou conséquence, au rôle a une activité est celui des filles à qui l’on rappelle leur d’enseignante, central que les femmes ont joué pendant de formatrice identité de fille avant un examen de mathédes millénaires. Qu’elles soient innées ou et superviseure matiques – matière où traditionnellement,
de psychologues et de médecins. Elle est l’auteure de nombreux articles et travaux scientifiques sur les approches psychologiques de la santé.
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INTERVIEW
elles sont perçues comme moins performantes que les garçons. Elles réussiront moins bien que celles à qui on ne dit rien.
de leur vie les effets de discriminations fondées sur ce qui les distingue culturellement et biologiquement des hommes.
IV Le harcèlement sexuel affecte-t-il aussi le monde médical ? NRH Tout au long des études et de l’activité professionnelle, il y a des abus et des formes de harcèlement que nous ne sommes plus prêt-e-s à accepter, qui devraient faire partie du passé. Ceux-ci commencent très tôt, dès le début des études. Sur les murs des salles de garde, il y a souvent des fresques avec des dessins à forte connotation sexuelle – il s’agit d’une tradition propre aux internes en médecine – où les femmes sont dévalorisées. Cela crée dans l’imaginaire, des femmes et des hommes, des préjugés qui se traduisent dans les comportements.
« À LA NAISSANCE DE LEUR ENFANT, LES FEMMES PERDENT 20% DE LEUR RÉMUNÉRATION »
Par exemple, comment l’injonction faite aux femmes à être « belles » constitue-t-elle un frein ? NRH Toute leur vie, les femmes consacrent beaucoup de temps, d’espace mental, d’argent et d’énergie à leur aspect physique. Lorsqu’elles ne sont pas satisfaites de leur image, la moitié d’entre elles disent se mettre en IV Vous estimez que l’égalité se joue aussi dans la retrait, évitent de donner leur opinion ou remettent famille. NRH On relègue trop largement l’activité en question leurs décisions. ⁄ fondamentale de la maternité en coulisse. Or, les femmes permettent la reproduction de l’espèce dans l’intérêt de tous. Il est temps que les responsabilités domestiques et de parents soient réparties plus équitablement. Les pères ont une grande contribution à offrir. Un meilleur équilibre familial et social serait gratifiant pour tous. Il s’agit d’un processus en cours, mais qui se produit trop lentement. IV
La confiance en soi, clé de voûte d’une vie épanouie, n’est-elle pas un domaine où les hommes ont une longueur d’avance, et cela dès l’adolescence ? NRH Pour que les filles réalisent leur plein potentiel, il est fondamental que les parents comprennent à quel point la confiance en soi est cruciale. Celle-ci se construit au fil du temps, en interagissant avec le monde qui nous entoure, par les messages que nous envoient la famille, les médias, la société, sur ce que doit être une fille, un garçon. Que l’on soit femme ou homme, le regard que l’on pose sur soi et les autres – façonné par notre socialisation – est biaisé. Nous portons toutes et tous des lunettes déformantes. Dans notre société patriarcale, les hommes ont tendance à se surévaluer et les femmes à se sous-évaluer. Le manque de confiance en elles est au cœur des mécanismes qui entravent la progression des femmes. Celles-ci cumulent tout au long IV
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TEXTE : BLANDINE GUIGNIER ILLUSTRATION : PRINCE LUNAWARA
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VERS DES MÉDECINS ÉTOILÉS SUR INTERNET
Un nombre croissant de sites permettent aux Suisses de commenter la prestation d’un professionnel de la santé. La relation entre soignants et soignés s’en trouve affectée.
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hoisir, réserver, commenter… Pour la jeune génération, qui a grandi avec TripAdvisor, Booking.com ou Digitec, toutes ces actions se font plus facilement numériquement, sur un smartphone, que de vive voix. Alors pourquoi pas dans le domaine de la santé ? Symbole de ce nouveau réflexe, Medicosearch.ch a vu son trafic doubler entre juillet 2017 et juillet 2018, pour atteindre plus de 600’000 utilisateurs annuels. Ce site propose des renseignements sur plus de 20’000 médecins et spécialistes en Suisse. Les patients peuvent non seulement prendre un rendez-vous en ligne, mais ils ont aussi la possibilité, après la consultation, d’évaluer la prestation et de laisser un commentaire. En arrièreplan, des médecins à la retraite jouent le rôle de modérateurs et filtrent les critiques postées (lire en encadré). Cette tendance à noter se retrouve aussi sur des sites non spécialisés comme Facebook ou Google. Ici, aucune modération. Les ressentiments s’affichent sur la place publique. Voici par exemple ce qu’on peut lire en ligne au sujet des hôpitaux romands et de leurs personnels : « Tu es
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UN SITE À BUT COMMERCIAL La plateforme medicosearch.ch, créée en 2009, a véritablement décollé avec l’introduction de la prise de rendezvous en ligne. « Automatiquement synchronisée avec l’agenda du médecin ou du spécialiste, elle entraîne un gain de temps et une diminution des erreurs », explique son présidentdirecteur général, Beat Burger. Les professionnels de la santé fixent les règles du jeu : souhaitent-ils avoir un espace réservé aux évaluations ? Quels renseignements veulent-ils donner ? Après le rendez-vous, les patients peuvent évaluer la prestation dans un questionnaire.
dans un état critique, première chose que l’on demande c’est la carte d’assurance […] aucune humanité, rien que l’argent ! », « Le chef du service m’a communiqué son diagnostic (de cancer) par téléphone», ou encore : « On n’est pas des mannequins, ni des hologrammes, on a parfois très mal à ne pas pouvoir parler. Et pour vous, cher collaborateur, tant qu’on n’exige pas, on est inexistant ! » LEVÉE DE BOUCLIERS
À la fin des années 2000, l’apparition de sites de notation spécialisés dans la santé avait d’abord suscité une levée de boucliers en Suisse. La Fédération des médecins suisses (FMH) avait saisi le préposé fédéral à la protection des données et s’était prononcée contre les commentaires en ligne. « Conformément à l’article 28 du Code civil, les hôpitaux et cabinets médicaux ont la possibilité de déposer une plainte pour atteinte à la personnalité lorsque leur bonne réputation est mise en cause, avait indiqué sa porte-parole à la presse. En cas de calomnie ou de diffamation, ils peuvent même déposer une plainte pénale. » Une loi qu’il est d’ailleurs plus facile d’invoquer pour faire pression sur des sites suisses que sur des entreprises sises aux États-Unis comme
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Facebook ou Google. Même quand les hôpitaux et cabinets parviennent à réclamer le retrait de propos diffamatoires aux géants du Web, la réaction de ces entreprises peut s’avérer longue et l’e-réputation d’un professionnel durablement impactée. Même la Fédération romande des consommateurs (FRC) avait refusé de s’associer à un projet naissant de plateforme de notation. « D’ordinaire, nous sommes favorables aux sites comprenant des évaluations, explique Valérie Muster, responsable FRC Conseil. Nous rappelons seulement aux consommateurs d’effectuer une pondération. Le domaine de la santé est toutefois différent à nos yeux. » Contrairement à un restaurant ou à un hôtel, les critères pour distinguer un bon médecin d’un mauvais sont moins tangibles, selon la juriste : « C’est aussi difficile que de désigner un bon parent. La notion de confiance et le facteur humain jouent un rôle trop important. » La FRC a donc préféré publier un petit guide du patient éclairé : La Boussole du patient. Ce dernier propose des questions à poser à son médecin de famille lors du premier rendez-vous. « Il est important que le patient se fasse son propre avis, qu’il voit si le feeling passe. Avec notre ouvrage, il gagne en confiance et peut ainsi faire part de ses besoins, expériences, observations et inquiétudes. » Et rien ne remplace les recommandations d’autres professionnels de la santé, ainsi que le bouche-à-oreille avec les proches, selon Valérie Muster. « Mieux vaut privilégier l’avis d’une amie que de Monsieur X sur les réseaux sociaux. » DROIT DU PATIENT À L’INFORMATION
Les professionnels de la santé sont toutefois tenus d’informer les patients
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UN SITE MILITANT « J’ai eu deux interruptions volontaires de grossesse, mais je n’ai pas ressenti de jugement. » Voilà ce qu’on peut lire au sujet d’un gynécologue vaudois sur le site AdopteUnEGynéco. Héritier des listes blanches créées dans les années 1970 par le Mouvement de libération des femmes, il a été créé pour l’« accès à un suivi gynécologique bienveillant ». Le collectif féministe à son origine recueille les questionnaires de toutes les personnes désireuses de partager leur avis sur les gynécologues consultés. Il publie ensuite une fiche par spécialiste, comprenant l’approche de ce dernier et des commentaires positifs laissés anonymes. Les praticiens sont, en revanche, découragés de promouvoir leur activité sur ce site, et ceux qui ne souhaitent pas y figurer peuvent le signaler. En août 2018, près de 2 ans après la création du site, 70 gynécologues dits « safe » ont été recensés.
sur leurs pratiques, rappelle Jean Gabriel Jeannot, spécialiste en médecine interne et auteur de Medicalinfo.ch, un site d’information sur la santé digitale. « Il faut, au minimum, que le médecin ou le thérapeute indique sur internet qui il est, ce qu’il fait et quels types d’approches il suit ou ne suit pas. Une petite présentation en ligne ou même une courte vidéo du praticien mises à la disposition du patient sont des éléments rassurants.» Des évaluations en ligne sur la qualité des professionnels de la santé auraient même certaines vertus, estime le médecin. « Mais peu de sites permettent encore de déterminer quel professionnel est bon et lequel ne l’est pas. Cela s’explique en partie par un biais. » Le docteur cite ainsi une étude américaine publiée en 2016 dans le Journal of Medical Internet Research, qui montre l’absence de corrélation entre les critiques en ligne et les véritables compétences des praticiens sur le plan médical. « Il y a des critères objectifs importants pour le patient – le temps d’attente avant un rendez-vous, l’écoute du médecin, la clarté des explications, etc. –, mais ils ne sont pas suffisants pour juger la qualité complète d’une prise en charge. » L’initiative AdopteUnEGynéco pourrait constituer un cas d’école. Conçu par un collectif féministe à Lausanne, le site recense des gynécologues « bienveillants » (voir encadré). « C’est un site positif qui ne recense que les bonnes pratiques pour aider les patientes à trouver une prise en charge respectueuse, ajoute Jean Gabriel Jeannot. Le concept devrait s’étendre à d’autres spécialités. » L’E-RÉPUTATION DU DOCTEUR
Reste que les évaluations sont déjà partout sur la toile, et sur des sites moins scrupuleux, alors que faire ? Pour Jean Gabriel
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Jeannot, les médecins doivent prendre conscience de leur réputation en ligne. « Il est important que les professionnels de la santé s’intéressent à ce qui figure à leur sujet sur Google. Ils doivent reprendre la main en demandant le retrait d’informations négatives, mais surtout, en se forgeant une e-réputation positive. Ils peuvent par exemple créer un site internet, diffuser leurs publications, participer à des articles de presse, etc. » Le docteur mentionne d’ailleurs qu’il n’est pas rare que des patients viennent à son cabinet après avoir trouvé des informations le concernant sur un moteur de recherche. Quant aux grands hôpitaux universitaires de Suisse, ils veillent à ce qui s’écrit sur eux et leurs collaborateurs sur le web. Ils engagent notamment des spécialistes de la communication chargés de répondre aux internautes mécontents. Au CHUV, par exemple, les personnes qui expriment un avis négatif sur Google sont incitées à prendre contact avec l’Espace Patients&Proches. « Quand un professionnel de la santé ou un service est interpellé dans un commentaire, l’auteur est invité à nous contacter », explique un des médiateurs de cet espace, Thierry Currat. Le médiateur se souvient d’un médecin, attaqué sur Google, qui s’est adressé immédiatement à lui. « Il était scandalisé et blessé. Quant au patient, il se sentait trahi et en colère. Ils ont joué le jeu de la rencontre, ce qui a permis de comprendre la souffrance qui se trouvait derrière ce commentaire. » Le commentaire a finalement été modifié par son auteur. VIOLENCE VS CONFLIT
Les spécialistes en gestion de conflit comme Thierry Currat ne se montrent en général pas favorables aux évaluations sur internet. « C’est comme un coup de gueule au bar. Ces commentaires correspondent
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DONNER SON AVIS AUTREMENT Dans les hôpitaux romands, il existe de nombreuses manières de communiquer son avis sur une prise en charge ; qu’il s’agisse d’un remerciement, d’une critique positive, d’une doléance ou d’une plainte. En voici une liste non exhaustive: – remplir un questionnaire d’évaluation sur la qualité de la prise en charge ; – écrire à la direction du service ou des services concernés ; – rencontrer un médiateur (au CHUV, au sein de l’Espace Patients &Proches).
à une violence excessive et diffèrent d’un conflit qui peut être résolu entre deux individus par la médiation. » Il est nécessaire que les critiques s’expriment, mais des espaces protégés s’avèrent mieux adaptés que la toile. Il existe, dans une organisation publique, de nombreux organes de contrôle et de réception constructifs des plaintes (voir encadré). « Des commentaires postés sur internet ne laissent aucune chance à la relation, et la relation est une composante importante du succès thérapeutique. D’ailleurs, nous tenons un registre totalement anonyme de ce qui se dit, de positif comme de négatif, et nous pouvons ainsi dresser un tableau des principales attentes des patients du CHUV. C’est utile à tous. » Le médiateur rappelle qu’un hôpital universitaire diffère d’un mauvais restaurant. « Un patient ne peut pas décider de ne pas retourner au CHUV. Il faut qu’il puisse y être soigné à nouveau si la situation se représente. Pour cela, la confiance doit être reconstruite entre le soignant et le soigné, ainsi qu’entre le patient et l’institution. » En 2017, l’Espace Patients&Proches a permis de traiter quelque 544 situations, et ce, loin du web. /
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DÉCRYPTAGE
La désinformation médicale : un virus potentiellement mortel Le champ de la médecine n’est pas immunisé contre les manipulations et les charlatans. À l’ère des algorithmes et des réseaux sociaux, ces informations frauduleuses se propagent toujours plus vite, et s’invitent même dans les politiques publiques. TEXTE : TIAGO PIRES
L
un échantillon réduit de douze enfants a rougeole fait un retour autistes et aucune comparaison n’avait fracassant. Cette année, été effectuée avec des individus en bonne entre janvier et juin, plus santé. Plus troublant, l’hebdomadaire révéde 41’000 Européens ont lait des liens d’intérêts non déclarés entre été infectés et 37 en sont le gastroentérologue et une morts, a alerté organisation d’avocats antivacl’Organisation mondiale de la La désinformation médicale ne se limite cination, qui avait sponsorisé santé (OMS). La baisse de pas à l’affaire l’étude. Wakefield aurait même la couverture vaccinale, respondes vaccins. eu l’intention de lancer une sable de cette résurgence de la société active dans le dépistage maladie, s’explique notamment du trouble autistique qu’il avait par la controverse liée à l’affaire Andrew Wakefield. En 1998, ce Le code de déontologie gastroentérologue britannique médicale français définit a accusé, dans la revue médicale le charlatanisme comme The Lancet, le vaccin ROR le fait de « proposer à des malades des (rougeole, rubéole, oreillons) remèdes illusoires ou d’être à l’origine d’une nouvelle insuffisamment éprouvés forme d’autisme. L’étude a été en les présentant contredite par tous les travaux comme salutaires ou ultérieurs. Une enquête du sans danger ». En Suisse, Sunday Times a en outre révélé le Dr Gérard Fiches et son épouse Colette ont de graves anomalies dans les été reconnus coupables recherches du Britannique. d’infraction à la Loi sur Son étude ne portait que sur les produits thérapeutiques pour avoir vendu des patchs entre 2010 et 2013. Ils proposaient ces simples bouts de papier à des personnes atteintes du cancer en vue, soi-disant, de les aider à mieux affronter leur maladie.
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CHARLATANISME
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DÉCRYPTAGE
ÉSOTÉRISME
six fois plus vite que des informations véridiques, certainement en raison de leur capacité à surprendre.
L’ésotérisme est une croyance en la vertu magique de certains produits ou rituels. Elle devient problématique lorsque ses promoteurs promettent des bénéfices pour la santé. L’actrice Gwyneth Paltrow vient par exemple d’être condamnée par la justice américaine à une amende d’un montant équivalant à 145’000 francs pour publicité mensongère. Elle écoulait sur son site de produits pour le bien-être des œufs en quartz ou en jade à placer dans le vagin pour favoriser la fertilité.
LIGUES ANTIVACCINS
Le Prof. Blaise Genton, chef du Centre de vaccination et médecine des voyages de la Policlinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne et médecin chef au service des maladies infectieuses du CHUV, distingue deux types de travaux qui revêtent les apparences de la science. « D’une part, la désinformation pure qui correspond à un mensonge médical et, d’autre part, l’information inexacte ou lacunaire. La première catégorie est particulièrement dangereuse. » L’affaire du vaccin ROR appartient clairement à cette classe très toxique et se présente comme un cas d’école de fake news au niveau médical. Le terme de fake news, popularisé lors du référendum du Brexit en Grande-Bretagne et pendant la campagne présidentielle américaine, fait référence, selon Wikipédia, à des informations délibérément fausses ou truquées avec intention d’induire en erreur. Elles peuvent même se répercuter sur les politiques de santé publique, comme l’Italie en a donné récemment un exemple. La coalition populiste et d’extrême-droite au pouvoir a en effet aboli cet été le caractère obligatoire de la vaccination des enfants italiens.
Malgré la disqualification du médecin anglais, son étude frauduleuse a durablement marqué les esprits. Des ligues d’opposition aux vaccins, souvent issues de la galaxie de l’écologie radicale, l’instrumentalisent afin d’influencer les opinions publiques. D’autres amplifient involontairement la portée de ces fausses informations en les diffusant sur les réseaux sociaux, les forums ou les blogs. La revue Science publiait en 2018 une étude de trois chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui montrait que les fausses informations atteignent 1’500 personnes
Beaucoup de facteurs expliquent que cette désinformation trouve tant d’échos dans le grand public. « La méfiance envers les groupes pharmaceutiques est une première raison », explique Blaise Genton. « Souvent, ils sont accusés de faire des bénéfices colossaux sur la santé des patients et de ne se soucier que de leur actionnariat. » Hélène Romeyer, professeure en communication à l’Université de Franche-Comté, en France, abonde dans ce sens. « La peur des vaccins vient essentiellement de la mauvaise communication des groupes pharmaceutiques.
MARIO ANZUONI/REUTERS
inventé. L’autorité de surveillance médicale britannique a radié le praticien de l’Ordre des médecins britanniques en 2010. Après cette sanction, The Lancet a immédiatement rétracté l’étude. Exilé aux États-Unis, où il poursuit ses recherches antivaccins, Andrew Wakefield a été aperçu au bal inaugural de Donald Trump.
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DÉCRYPTAGE
Il y a eu tellement d’affaires désastreuses liées à certains scandales médicaux, comme celui du Médiator, que la population ne leur fait plus confiance. »
de place à l’interprétation. » Les nouvelles générations de médecins seraient, selon Anne-Sylvie Diezi, plus à l’aise avec l’utilisation par les patients de ressources d’information complémentaires. « Ils ont un rôle à jouer pour guider le patient vers des ressources fiables et l’amener à garder un esprit critique, tout en reconnaissant que le dialogue avec d’autres personnes concernées peut être d’un grand soutien. »
La qualité de la relation, le niveau de confiance entre les patients et les médecins peut également jouer un rôle pour tempérer ou, au contraire, renforcer ces fausses croyances. Pour Anne-Sylvie Diezi, responsable de l’information patient au sein D’autres mesures, plus cœrcitives, peuvent du CHUV, « les patients peuvent trouver être prises, comme en Australie, où le gousur internet, notamment sur les forums, vernement a décidé de réduire les allocaun espace d’écoute et de dialogue qu’ils ne tions aux familles qui refusent d’immuniser retrouvent pas toujours dans une consulleurs enfants. Certains parlements, comme tation. Il sont ainsi amenés à accorder du en France, débattent d’une loi plus générale crédit à des informations qui n’ont aucun pour lutter contre la « manipulation de fondement scientifique, mais qui leur l’information » dans tous les domaines. semblent mieux répondre à leurs préoccuDes procès contre des charlatans vendant pations personnelles. Or, soit par manque des pseudo-médicaments sont courants de temps, soit parce que la confiance n’est dans les tribunaux européens. Ne devrait-on pas suffisante, il n’y a souvent pas la place pas faire de même concernant la publidurant la consultation pour aborder ces cation d’informations médicales meninformations obtenues ici ou là. » Les prosongères ? C’est en tout cas ce fessionnels sont parfois méfiants qu’estime Hélène Romeyer. quant à la qualité des informa« Les auteurs des fake news tions disponibles en ligne et jouent sur les peurs des « il est possible que les patients patients. Les gouvernements ressentent cette défiance, ce qui Les personnes qui s’expriment sur les et les médecins devraient ne favorise pas l’échange ». forums de santé sur s’accorder sur une législation internet ont souvent une afin de freiner le succès des sites LE LIEN ET LA LOI vision très personnelle L’idéal serait que les patients de la maladie, construite dangereux pour la santé et pour la population. » / osent discuter avec les proautour de leur vécu. Même si elles peuvent fessionnels des informations qu’ils ont trouvées sur internet. être utiles à d’autres personnes concernées par Une observation partagée par la même problématique, Blaise Genton : « Il faut en effet ces interventions peuvent davantage de réflexion autour encourager des comporde la relation entre le médecin tements potentiellement dangereux lorsqu’elles et le patient. Nous étions sont prises au bas mot, autrefois dans une posture sans distance ou vue paternaliste, avec un jargon d’ensemble. Néanmoins médical difficile d’accès. Cette tout n’est pas à jeter sur distance laissait énormément internet et des initiatives comme le réseau social PatientsLikeMe, le « Facebook » des malades, permettent aux personnes qui souffrent d’une même maladie chronique d’échanger sur leur expérience et de s’encourager.
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DR
CONSEILS EN VRAC
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VEILLER SUR LES PROCHES AIDANTS LES PERSONNES QUI S’OCCUPENT D’UN PROCHE MALADE SONT TOUJOURS PLUS NOMBREUSES. DIFFÉRENTES VOIX RÉCLAMENT LA RECONNAISSANCE DE LEUR STATUT ET UN SOUTIEN FINANCIER ACCRU. TEXTE : ERIK FREUDENREICH
CÉDRIC SANDOZ
Gilbert Kislig s’est occupé pendant douze ans de Berty, son épouse, victime d’une attaque cérébrale. Son « Journal d’un proche aidant » relate son expérience. 41
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l y a 4 ans, la maman de Carole1 a subi un accident vasculaire cérébral. Depuis, la jeune femme et ses deux frères et sœurs sont devenus ce qu’on appelle des proches aidants. Ils se relaient pour garantir le maintien de leur mère à la maison. « Prendre soin de ma maman était une évidence, raconte la Lausannoise. Elle m’avait tellement donné jusque-là, je savais que mon tour était venu de lui rendre. Mais cela demande énormément d’énergie et de travail. » Carole a la chance de travailler à 80%, ce qui lui permet de consacrer à sa mère les 20% restants, jusque-là utilisés pour ses hobbies. « Je trouve cependant qu’il y a un manque de soutien aux proches aidants : quand je dois emmener ma mère chez le médecin durant la journée, je suis obligée de rattraper ces heures par la suite. » Comme Carole, près de 300’000 Suisses s’occupent quotidiennement d’un parent malade. Un rôle qui existe depuis la nuit des temps, mais qui gagne en importance à l’heure du vieillissement de la population et de l’augmentation des coûts de la santé. Soins, toilette, repas, administration : les proches aidants consacreraient en moyenne 7,2 heures par semaine à leurs tâches, selon une étude de l’association faîtière Aide et soins à domicile. Leurs activités représenteraient des
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Nom connu de la rédaction
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dépenses de plus de 3,5 milliards de francs si elles étaient effectuées par des professionnels.
TOMBER MALADE EN SOIGNANT Ce travail est souvent mené jusqu’à l’épuisement. « Un proche aidant sur trois est atteint dans sa santé avant qu’il ne demande de l’aide », explique Jean Bigoni, responsable de la Consultation psychologique pour proches aidants au CHUV. « Ce n’est pas leur rôle qui est en cause, mais le stress engendré par cette responsabilité qui fragilise les proches. » Faire appel à une assistance extérieure ne va pas toujours de soi. « L’entraide dans une famille ou entre amis est spontanée et naturelle. Souvent, on est d’abord un proche, et au fur à mesure, on devient aidant, remarque Waltraut Lecocq, secrétaire générale de l’Association de proches aidants du canton de Vaud. Le proche aidant va loin dans son engagement et, souvent, il tait ses problèmes de santé. » Avec le risque de se retrouver avec deux malades plutôt qu’un. « Un membre de notre association m’a dit un jour qu’il n’osait plus écouter ses propres besoins et envies, et qu’il ne s’autorisait pas à vivre ce que l’autre ne peut plus vivre. » Pour Jean Bigoni, l’essentiel dans ce cas est de prendre du recul sur la situation, souvent marquée par l’historique familial. « Je me souviens du cas d’une jeune
femme, s’occupant de sa mère, qui se montrait insupportable avec les équipes de soins à domicile, leur mettant des bâtons dans les roues. Le conflit était dû à la reconnaissance qu’elle avait toujours cherchée auprès de sa mère. Cette ‘rivalité’ avec les professionnels a pu être discutée pour permettre à cette jeune femme de prendre de la distance. »
VERS UN STATUT RECONNU ? Rouage essentiel de notre système de santé, le proche aidant bénéficie d’une attention accrue de la part des milieux économiques et politiques. La filiale suisse de Microsoft a ainsi annoncé en début d’année vouloir octroyer quatre semaines par an à ses collaborateurs s’occupant d’un proche malade. Le Conseil fédéral a mis en consultation un projet visant à garantir le maintien du salaire des employés qui doivent s’absenter pour une courte durée. Les parents d’un enfant gravement malade pourraient, eux, bénéficier d’un congé payé de quatorze semaines en l’espace de dix-huit mois. Un sujet qui concerne 4’000 familles en Suisse. Le canton de Vaud fait partie des premiers en Suisse à s’être penché sur le sujet. « C’est une préoccupation qui est remontée du terrain, remarque Fabrice Ghelfi, chef du Service des assurances sociales et de l’hébergement vaudois. Nous avons eu la chance que cela soit devenu un objectif
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politique du Conseil d’État. » Les mesures concrètes passent par un programme d’aide pour offrir des moments de répit aux proches aidants, le soutien de la consultation psychologique ou encore le développement de l’Espace Proches, un centre d’information et de soutien. « Le soutien financier représente le prochain dossier. Une intervention a été déposée au Grand Conseil pour analyser la mise en place d’une allocation perte de gain. » Au-delà de l’aspect financier, ce qui compte, c’est avant tout le développement de formations pour le proche aidant en devenir, estime Gilbert Kislig, qui s’est occupé durant plus de douze ans de sa femme Berty (lire son témoignage ci-dessous). Pour
« VIVRE À LA MAISON, ÇA N’A PAS DE PRIX » De son expérience à s’occuper de sa femme, Gilbert Kislig a tiré un livre-plaidoyer. La vie de Gilbert et de Berty Kislig a été bouleversée le 15 mars 2006. Ce jour-là, le couple garde l’appartement d’amis partis en vacances. « Nous étions en train de dire au revoir à des connaissances venues en visite, lorsque ma femme s’est écroulée et m’a dit qu’elle faisait une attaque cérébrale. » Après l’hospitalisation aux urgences, Berty est transférée à l’Hôpital Beau-Séjour (GE). « Durant quatre mois, je m’y suis rendu tous les jours pour participer à sa rééducation, l’aider à retrouver la mémoire. » Suit un transfert dans un établissement 43
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l’octogénaire de Bassins (VD), le retour de sa femme à domicile après une hospitalisation s’est caractérisé par l’impréparation à cette nouvelle vie. « Les débuts ont été très difficiles. L’aide à domicile venait deux heures par jour, mais le reste du temps j’étais seul et je n’y connaissais absolument rien. » Il juge que la situation aurait été différente « si le personnel soignant avait pris cinq minutes ici ou là durant le séjour de ma femme en clinique pour m’expliquer les gestes essentiels. » Gilbert Kislig se bat aussi pour la reconnaissance d’un véritable statut du proche aidant. Un engagement qui a déjà produit ses premiers résultats dans le canton de Vaud. Fin 2015, le Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique
vaudois. Les médecins indiquent à Gilbert qu’ils envisagent un retour à domicile, « ce qui n’était pas du tout prévu au vu du handicap et des séquelles dus à l’AVC ». Gilbert Kislig, alors âgé de 74 ans, aménage leur appartement de Bassins (VD) selon le cahier des charges de l’équipe de soins à domicile. « J’étais tout heureux : vivre à la maison, ça n’a pas de prix ! » Pour autant, il doit s’habituer à son rôle de proche aidant dans la douleur, en apprenant sur le tas. Un incident le marque : « Un jour, j’ai emmené mon épouse aux urgences. L’infirmier de service lui a placé un brassard automatique pour mesurer sa tension. J’ai signalé immédiatement qu’elle ne supportait pas cet appareil, et qu’il allait obtenir une mauvaise mesure. Mais l’infirmier s’est entêté, me disant que c’était le protocole. Ma femme commençait alors à s’agiter de douleur, et j’ai dû menacer de tirer la prise pour
a adopté une « charte du proche aidant », qui définit son rôle et l’intègre dans la stratégie de soins du malade. « Cela permet de rester auprès de lui ou elle et de transmettre les informations essentielles lors de sa prise en charge, mais aussi de bénéficier d’horaires de visites aménagés. » Une carte d’urgence des proches aidants a également été lancée. « S’il arrive quelque chose au proche aidant, on peut immédiatement savoir qu’il s’occupe d’une personne malade, et qu’il faut prendre des mesures pour garantir la continuité des soins. » Des dispositions dont le retraité souhaite qu’elles soient étendues à d’autres cantons suisses. / Conseil lecture: Aidants, aidés, destins croisés, Nicole von Kaemnel, Cugy: Belles Pages, 2018
que l’infirmier aille chercher un tensiomètre manuel. » Le retraité consigne dans un cahier ces incompréhensions avec le personnel médical et les difficultés du quotidien. Des notes qui sont devenues un livre, publié ce printemps. Il l’a écrit pour que le proche aidant rencontre une meilleure écoute de la part des professionnels de la santé. Mais aussi pour dire aux gens confrontés à la même situation qu’ils peuvent y arriver. « Évidemment, il faut être formé, sinon c’est compliqué. Mais si l’on possède les connaissances nécessaires, on aborde ce rôle beaucoup plus sereinement. » Berty s’est éteinte en août, à 96 ans. La fierté de Gilbert Kislig ? « Celle d’avoir pu ajouter quelques années à sa vie, en donnant quelques-unes des miennes. » Pour obtenir gratuitement le Journal d’un proche aidant, vous pouvez écrire à g.kislig@gmail.com
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LES COÛTS DE LA RECHERCHE SOUS LE MICROSCOPE TEXTE :
AUDREY MAGAT Fondamental pour l’attractivité technique permet par exemple d’obtenir d’une université, le matériel des images précises en trois dimensions de tissus biologiques marqués préalablement de pointe des laboratoires en fluorescence. Ces microscopes offrent donc de représente un investissement important nouvelles opportunités de recherche scientifique. pour les institutions. De nouvelles formes de financement plus « Ces appareils peuvent être utilisés pour tous collaboratives se mettent en place. types de recherche, sur des corps végétaux, sur des
L’image du scientifique enfermé dans son laboratoire secret, qui s’échine sur ses machines futuristes, est une image d’Épinal du cinéma de science-fiction. Loin de la dramaturgie de ces films, la recherche scientifique a cependant bel et bien besoin d’instruments de prospection. Les universités doivent en effet investir dans du matériel sophistiqué pour leurs chercheurs. Le Cellular Imaging Facility (CIF), fondé en 2003, fait partie de la douzaine de plateformes mises en place par la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL. Il possède un parc de machines dont la valeur s’élève à 10 millions de francs. Des chercheurs de la FBM et du CHUV y travaillent sur trois sites : Bugnon, Dorigny et Épalinges. Le CIF leur offre la possibilité de travailler sur des appareils de pointe qui ouvrent à de nouvelles techniques : la macroscopie fluorescente, la microdissection, la capture laser, l’imagerie in vivo ou encore la microscopie confocale. Cette dernière
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micro-organismes, des bactéries, des coupes de cerveaux, des parasites, etc. Ces instruments sont très polyvalents », renseigne Jean-Yves Chatton, maître d’enseignement et de recherche en neurosciences à l’UNIL et responsable du CIF. Cet éventail de possibilités permet de regrouper un grand nombre de chercheurs qui travaillent en parallèle et en collaboration. C’est le cas par exemple des recherches biomédicales menées conjointement par des chercheurs de la FBM et du CHUV. Ces équipements constituent donc une plus-value colossale pour les chercheurs, et sont même « obligatoires pour la recherche en biologie et médecine aujourd’hui », affirme Yannick Krempp, expert technique du CIF Bugnon.
Mandats externes Les entités dont dépendent les chercheurs financent une grande partie des coûts liés à la recherche. Des fonds externes viennent compléter les budgets. Le plus connu est le Fonds national suisse
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de la recherche scientifique (FNS), qui encourage l’innovation par la mise à disposition de bourses et de subsides aux chercheurs et aux universités. Les fonds peuvent également provenir du Conseil européen de la recherche qui à l’instar du FNS, renouvelle généralement ses financements tous les 3 à 5 ans en fonction de la progression des travaux.
En ce qui concerne plus spécifiquement l’acquisition de matériel, le FNS a créé R’Equip (« Research Equipment »). Cette aide s’adresse aux chercheurs qui ont besoin d’appareils innovants de haute qualité pour exécuter leurs recherches, et ce, quel que soit le domaine scientifique. Le FNS accorde alors des subsides pour l’achat d’équipements à hauteur de 50% du prix. Ce sont généralement les universités qui s’engagent à financer l’autre moitié si le projet du chercheur est validé. « Ce modèle est assez compliqué, mais il fonctionne. Le projet doit être vraiment innovant », commente Jean-Yves Chatton. Des fondations privées peuvent aussi soutenir des projets spécifiques, de recherche ou d’échange à l’étranger. Certaines d’entre elles ont des critères précis, comme la Bourse Pro-Femmes, qui encourage les femmes chercheuses aux carrières scientifiques. D’autres organismes financent les recherches portant sur une maladie spécifique, contre le cancer ou contre les lymphomes, par exemple. Enfin, des mandats privés et des colla-
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C’EST LA PART, EN POUR CENT, FINANCÉE PAR LE FONDS NATIONAL SUISSE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE LORSQU’IL FOURNIT UNE AIDE POUR ÉQUIPER UN LABORATOIRE EN MATÉRIEL DE RECHERCHE. LA SECONDE MOITIÉ DES COÛTS DOIT ÊTRE COUVERTE PAR LES INSTITUTIONS HÔTES.
borations industrielles peuvent aussi alimenter les comptes des instituts de recherche. L’université facture alors l’utilisation de ses machines aux entreprises.
Publication et notoriété Pour les universités, l’investissement dans la recherche est rentable à divers niveaux. « Aujourd’hui, pour avoir une chance de publier leurs recherches dans les meilleurs journaux scientifiques, les chercheurs doivent tester leurs hypothèses avec une technologie récente », explique Jean-Yves Chatton. « Ce sont ces publications qui permettent aux universités de bien figurer dans les classements et qui les rendent compétitives. » L’université a donc intérêt à encourager ses chercheurs, puisque sa notoriété dépend du dynamisme de son pôle de recherche. En se dotant d’outils tels que le CIF, l’université se distingue et gagne en attractivité. « C’est un mécanisme vertueux. La renommée est gagnée petit à petit grâce à des chercheurs de haut niveau qui viennent parce que les infrastructures le permettent », résume le responsable de la plateforme. Dans cette course à la notoriété internationale, de nouvelles formes de financement astucieuses gagnent les instituts de recherche. C’est le cas de
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l’économie partagée (ou «sharing economy »), un phénomène analysé par Rachel Botsman et Roo Roggers dans le livre What’s mine is yours, the rise of collaborative consumption (Ce qui est à moi est à toi, la montée de la consommation collaborative). Une structure transversale comme le CIF de Lausanne symbolise cette mutualisation de biens qui seraient difficilement abordables pour une seule entité. Les chercheurs de la FBM, les médecins du CHUV, mais aussi des entreprises privées partagent l’accès à ces équipements. « Pour un groupe de recherche, il est onéreux d’avoir ses propres machines. La structure, les moyens, et la personne qui a toutes les compétences pour les utiliser de manière optimale sont nécessaires », explique Yannick Krempp. « Auparavant, les chercheurs voulaient leur propre matériel et leur spécialiste attaché à leur groupe de recherche. On voit maintenant que les nouvelles générations ont tendance à mutualiser », confirme-t-il.
Avenir collaboratif Pour certaines recherches, le partage n’est pas toujours adapté. « On ne peut pas mener tout type de recherche sur une plateforme. Certaines expériences longues nécessitent des réglages très précis et complexes. Cela devient donc contre-productif de partager, car on doit tout repositionner à chaque emploi », nuance Jean-Yves Chatton.
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C’EST LA VALEUR, EN MILLIONS DE FRANCS, DES APPAREILS OPTIQUES DE LA PLATEFORME CELLULAR IMAGING FACILITY OÙ TRAVAILLENT DES CHERCHEURS DE LA FBM ET DU CHUV.
Néanmoins, Yannick Krempp, technicien du parc de machines de la FBM, pronostique un avenir toujours plus collaboratif. « On pourrait même imaginer des échanges plus transversaux, avec l’EPFL par exemple, pour l’étude des datas. » À Lausanne, le projet AGORA s’inscrit dans cette ligne. Financé par la Fondation ISREC, le bâtiment achevé en 2018 est un pôle de recherche contre le cancer. Il allie recherche fondamentale et clinique, en réunissant des chercheurs de l’UNIL, de l’UNIGE, de l’EPFL, du CHUV, des HUG et de l’Institut Ludwig. À la manière de l’économie collaborative, leurs compétences se complètent autour d’une même infrastructure. ⁄
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CHRONIQUE
KERSTIN UVNÄS MOBERG Professeure de physiologie et de pharmacologie à Stockholm, chercheuse à l’Institut Karolinska (Suède)
L’ocytocine et le sentiment de bien-être
En 1984, mon domaine de recherche était encore la physiologie gastro-intestinale. On m’avait invitée à un colloque organisé par la fondation Kroc, du nom du fondateur des fast-foods McDonald’s. Ma conférence analysait notamment un surplus d’hormones de croissance des femmes en phase d’allaitement. Un des auditeurs me fit remarquer que ce que je mesurais était peutêtre l’ocytocine, une hormone qu’on connaissait pour son action dans le déclenchement des contractions à la naissance. Cette supposition m’a d’abord semblé comique, mais elle m’a permis de réaliser que l’ocytocine constituait un système complexe. Elle soutient les mères dans leurs activités maternelles, elle nous rend plus sociables, elle soulage les douleurs.
Ce champ de recherche, notamment le rapport entre les contacts corporels positifs, tels que les massages, et la baisse du stress, le reflux des réactions inflammatoires ou plus généralement la concentration de l’organisme sur la guérison, s’est révélé une mine d’or. Mes publications ont pourtant soulevé beaucoup de rejets dans les années 1980. La problématique de l’interaction sociale appartenait aux domaines de la psychologie et de la sociologie, qui ne laissaient aucun espace à la biologie. Aujourd’hui, les choses ont changé, et la biologie s’est taillé une part importante au sein de ces disciplines.
Notre peau est une interface reliée au système nerveux. Les récepteurs cutanés enregistrent la chaleur, le froid, le toucher et la douleur. Alors qu’une douleur déclenche un réflexe « lutte ou fuite », un toucher agréable et une bonne chaleur activent la réponse « calme et contact » et procurent une sensation de bien-être. Les formes de vie sociale modernes nous coupent Lors d’une candidature à un poste de recherche des autres. C’est pourquoi certains adoptent un en physiologie, j’ai mis en avant mon intérêt pour animal de compagnie ou participent à des cuddle ce domaine. Je défendais l’idée qu’une femme parties (soirées câlins). Je ne crois pas beaucoup comme moi était plus apte à étudier des phéno- à ce type d’initiative, car tout contact non ressenti mènes liés au bien-être et à l’interaction sociale. comme entièrement positif génère son inverse : Lors de mes maternités, j’ai pu ressentir certains le stress. On estime aussi, sans l’avoir encore mesumécanismes dont je me doutais qu’ils avaient ré, que l’écoute de sons paisibles, la vue d’un beau une origine biologique. paysage ou des signaux olfactifs agréables libèrent de l’ocytocine.
PI FRISK/SVD/TT
PROFIL
Kerstin Uvnäs Moberg est pionnière dans l’étude de l’ocytocine, dont elle a pointé les effets dans la naissance et l’allaitement. Ses recherches se sont orientées sur les bénéfices de l’ocytocine pour la santé. Elle a publié des centaines d’articles scientifiques et des ouvrages de vulgarisation, dont L’ocytocine : l’hormone de l’amour (Le Souffle d’Or, 2015).
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Des pathologies sont liées à un déficit d’ocytocine. On rencontre par exemple des problèmes au niveau des récepteurs d’ocytocine chez les personnes souffrant d’un trouble autistique, ou qui ont subi des traumatismes intenses. Il pourrait être utile de leur administrer des doses d’ocytocine. On observe, chez les rats qui ont bénéficié d’injections, un surplus de sociabilité, moins d’anxiété, plus de curiosité, un effet calmant et un apprentissage facilité, même chez des individus en difficulté. Chez les humains, de nombreuses études positives à ce sujet ont aussi été publiées, mais on en reste encore à la phase des tests. /
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TEXTE : MELINDA MARCHESE
LA SANTÉ DES GARÇONS AFFECTÉE PAR LES STÉRÉOTYPES
L
e forum de la plateforme Ciao.ch recueille de nombreuses questions d’adolescents qui s’inquiètent pour leur santé. Exemples : « Bonsoir, avez-vous un conseil pour un médicament contre les angoisses ? » Ou encore : « Lorsque je suis nu avec ma copine, je n’arrive pas à tenir une érection longtemps… que dois-je faire ? » Pourquoi ces garçons préfèrent-ils échanger anonymement sur ce site suisse d’information et de discussion plutôt CORPORE SANO
que de s’adresser à un médecin ? « Avant et durant l’adolescence, lors de la construction de leur identité, les garçons sont souvent exposés à des stéréotypes rigides ayant trait à la notion de ‘masculinité’, constate Yusuke Takeuchi, chef de clinique à la Division interdisciplinaire de santé des adolescents du CHUV (DISA). Un homme doit faire preuve de stoïcisme. Fort et courageux, il doit pouvoir gérer seul ses problèmes de santé, surtout s’ils sont d’ordre psychologique ou sexuel. Parmi d’autres nombreux facteurs, l’intégration de ces ‘normes’ stéréotypées, avec la crainte de nuire à leur virilité, entrave leur accès aux soins. »
PATRICK DUTOIT
FIERTÉ ET RÉSISTANCE À LA DOULEUR, FORCE PHYSIQUE ET MENTALE : POUR CES ATTRIBUTS QU’ILS PENSENT DEVOIR AFFICHER EN TANT QU’HOMMES, LES JEUNES GARÇONS TARDENT À CONSULTER. DIVERSES INITIATIVES TENTENT DE RENVERSER CES IDÉES D’UN AUTRE TEMPS.
Yusuke Takeuchi, chef de clinique à la Division interdiscplinaire de santé des adolescents (DISA) du CHUV et responsable de la consultation santé garçons.
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TCD/PROD.DB/ALAMY STOCK PHOTO
Alcool, joints, kétamine, sexualité non protégée : les ados du film Kids (1995) de Larry Clark cumulaient les comportements à risque.
Pourtant, les garçons requièrent une attention toute particulière : leurs prises de risques à l’adolescence, tant en matière de consommation de substances illicites que de violence, sont plus fréquentes et plus importantes que chez les filles. Plusieurs travaux du médecin américain David Bell, grand spécialiste de l’adolescence et de la santé masculine, attestent que ces mêmes clichés autour de la masculinité (absence d’émotions, domination, force physique, etc.) expliquent en partie ces comportements. Il met en garde dans la revue américaine Pediatrics en 2013 : « Sans prise en charge optiCORPORE SANO
male à l’adolescence, ces prises de risques auront des effets néfastes sur la santé de l’adulte ». Un rapport français intitulé « Lutter contre les stéréotypes filles-garçons », publié en 2014, vient confirmer cette théorie. « Alors que les filles sont plutôt encouragées à formuler leurs soucis, les garçons sont incités par l’environnement social à se conformer au modèle masculin, viril et dur au mal. Ils sont ainsi moins enclins à exprimer une plainte liée à un problème psychologique ou somatique. Par ailleurs, en verbalisant moins leurs problèmes, ils ont davantage PROSPECTION
tendance à passer à l’acte et à adopter des comportements à risques. »
SEXE FORT
Les disparités de genre sont d’autant plus fortes en matière de sexualité. « Des études montrent que les garçons, par rapport aux filles, ont souvent moins accès à de l’information en matière de santé sexuelle et reproductive, rapporte Yusuke Takeuchi. Ils se tournent aussi moins fréquemment vers des services de santé pour des problèmes dans ce domaine. Cela s’explique notamment par le fait que les jeunes femmes sont
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JEUNES MIGRANTS : DÉPASSER LES OBSTACLES CULTURELS Les stéréotypes de genre ne sont pas les seuls obstacles à franchir : avec les migrants mineurs récemment arrivés en Suisse, logés dans un foyer de la région, les médecins de la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA) doivent aussi faire face aux barrières culturelles. « Lors d’un bilan de santé général, nous leur posons des questions sur leur état de santé et leur développement », raconte Kristell Messerli, médecin référent pour les mineurs non accompagnés (MNA) au sein de la DISA. « Certaines de ces questions concernent leur sexualité. Généralement très ouverts à la discussion et aux conseils sur la santé, nous les sentons mal à l’aise sur ce sujet, pourtant central à l’adolescence. Dans certaines cultures, on ne parle pas d’orientation sexuelle ou de prévention des maladies sexuellement transmissibles. La thématique nous préoccupe particulièrement, car le tabou qui l’entoure est à l’origine d’importants problèmes de santé. Nous constatons aussi que les interruptions volontaires de grossesse sont deux fois plus nombreuses chez les adolescentes migrantes que chez les Suissesses. »
souvent amenées à consulter un gynécologue, par exemple pour des questions en lien avec leurs règles ou la contraception. » Ce contact avec le milieu médical est une occasion d’aborder toutes les questions qu’elles se posent. « Il est donc primordial de sensibiliser les professionnels de la santé aux besoins des garçons afin que tout contact avec un médecin permette d’élargir l’entretien à des questions sur la santé globale et la sexualité. » À qui peut s’adresser un garçon ? « Toutes les consultations de santé sexuelle de Suisse sont ouvertes aussi bien aux hommes qu’aux femmes », souligne Sylvie Jaquet, conseillère au CORPORE SANO
Les migrants mineurs viennent accompagnés d’interprètes communautaires en consultation. Ceux-ci facilitent la communication, tant d’un point de vue linguistique que culturel. Les médecins collaborent aussi avec les éducateurs dans les foyers. « Ces jeunes patients vivent loin de leurs parents, rappelle la spécialiste. Les familles sont généralement des relais, des alliées dans la prise en charge des adolescents. Pour les migrants, nous devons faire sans: le besoin de créer un lien de confiance entre eux et le corps médical est d’autant plus fondamental. » De quoi souffrent ces patients ? « D’un point de vue somatique, ils présentent souvent des problématiques spécifiques telles que des parasitoses, des problèmes cutanés et ophtalmologiques fréquents non détectés au pays. Ils consultent également beaucoup pour des symptômes fonctionnels souvent liés à leur détresse psychique non exprimable… Sur le plan psychologique, la plupart souffrent de leur situation actuelle (foyer, insécurité, difficulté d’insertion socioprofessionnelle), de l’absence de leur famille, mais également d’un traumatisme survenu dans leur pays d’origine ou durant le voyage. »
sein de PROFA, fondation spécialisée dans toutes les questions liées à l’intimité. L’entité vaudoise a fait de l’égalité des sexes en matière d’accès à l’information et aux soins l’un de ses chevaux de bataille. « En 2009, nous avons changé de nom : nous sommes désormais un centre de santé sexuelle et non plus uniquement de ‘planning familial’. La planification de la famille et le contrôle des naissances sont encore aujourd’hui considérés comme étant de la responsabilité de la femme. »
liés à la sexualité et à l’intimité de chacun (vaccins, prévention des IST, etc.). Ces efforts en matière de communication portent doucement leurs fruits. Ils étaient 99 garçons chez les 16-19 ans à venir consulter en 2010, contre 209 en 2017. « Lors de la prise de rendez-vous, ils peuvent choisir d’être reçus par un conseiller homme ou femme », précise Sylvie Jaquet.
Au-delà de la grossesse, le centre offre des consultations pour tous types de problèmes
Sur le plan national, Santé sexuelle suisse a lancé en 2017 une application baptisée
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MISER SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
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CENTRE DE DOCUMENTATION DU PLANNING FAMILIAL, PARIS
« Docalizr », qui oriente les hommes en cas de brûlures, démangeaisons ou pertes au niveau des parties génitales. Avec des slogans comme « Une relation se vit à deux, la contraception aussi », les campagnes publicitaires de la fondation ciblent aujourd’hui les deux sexes. Au CHUV, une consultation est réservée aux garçons âgés de 12 à 20 ans. « Elle est malheureusement encore sous-utilisée, regrette Yusuke Takeuchi, qui en est responsable depuis 2016. Nous venons d’organiser une séance de travail lors de laquelle des adolescents étaient présents pour donner leur avis en vue d’améliorer l’accès à cette consultation. La prise de rendez-vous par téléphone pendant les heures de bureau est une barrière en soi. Une possibilité de contact en ligne (par exemple via les réseaux sociaux), ne nécessitant pas de s’exprimer de vive voix d’emblée, est une piste que nous explorons pour faciliter le premier contact. De même, démédicaliser les préoccupations des adolescents en les recevant dans un endroit n’évoquant pas l’hôpital permettrait de les encourager à parler. »
permis aux femmes de repenser leur rôle dans la société, il est grand temps que les hommes le fassent aussi et se débarrassent de ces stéréotypes qui les empêchent d’avancer, note Sylvie Jaquet. Ce mouvement ‘d’émancipation’ est en marche, la lutte pour un congé paternité en est un signe. Mais nous sommes face à un changement sociétal profond, qui prendra énormément de temps. » ⁄
Les spécialistes en santé sont néanmoins persuadés qu’une remise en question des stéréotypes masculins est la seule manière d’élargir l’accès aux soins aux garçons. « Les mouvements féministes ont CORPORE SANO
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Les campagnes de santé sexuelle ont longtemps été adressées seulement aux jeunes femmes.
TEXTE : YANN BERNARDINELLI
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LA CHIRURGIE DE L’OBÉSITÉ SUPPLANTE LES RÉGIMES Face à l’obésité, l’approche chirurgicale ne cesse de progresser, avec des effets prouvés sur la perte de poids à long terme et les maladies connexes. Mais ces opérations restent complexes et ne doivent pas être banalisées.
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n dépit des campagnes de prévention, l’obésité ne cesse de progresser dans le monde. Selon l’OMS, cette maladie se définit par des indices de masse corporelle (voir lexique) supérieurs à 30 kg/m2. Ce ne sont pas les facteurs esthétiques qui déterminent ce seuil, mais l’augmentation des risques liés à ces valeurs de développer des maladies associées – maladies cardio-vasculaires, diabète de type 2, cancers. L’obésité est donc une maladie grave qui nécessite une prise en charge médicale. La diététique, l’activité physique, les médicaments et le travail sur le comportement des patients représentent de réelles solutions, mais le succès de ces méthodes est souvent limité dans le temps. Une autre approche obtient des résultats impressionnants : la chirurgie bariatrique ou chirurgie de l’obésité. En Suisse, cette spécialité n’a cessé de progresser au cours des dix dernières années, et, en 2017, ce sont environ 5’000 opérations bariatriques qui ont été réalisées, selon le Prof. Michel Suter, responsable de la chirurgie de l’obésité au CHUV et du centre bariatrique de l’Hôpital Riviera-Chablais. Si ces CORPORE SANO
LEXIQUE Indice de masse corporelle (IMC) : Il établit le rapport entre le poids et la taille d’un individu et est utilisé pour définir les catégories de poids. L’obésité débute à 30 kg/m2, devient sévère à 35 kg/m2, puis morbide dès 40 kg/m2. Syndrome métabolique : Constellation d’anomalies cliniques et biologiques qui augmentent le risque cardio-vasculaire, parmi lesquelles : le tour de taille, le taux de sucre, le taux de graisse et la pression artérielle.
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opérations se présentent aujourd’hui comme le seul moyen efficace pour traiter l’obésité à long terme, elles sont réservées aux personnes souffrant d’obésité sévère, c’est-à-dire d’un indice de masse corporelle qui dépasse les 35 kg/m2, et lorsque la prise en charge non chirurgicale s’est avérée inefficace sur une période totale de deux ans. Outre leurs effets sur la perte de poids, ces opérations ont l’avantage d’avoir un impact sur les maladies associées. Lorsque le surpoids s’accompagne de diabète et de problèmes cardio-vasculaires, les spécialistes parlent alors de syndrome métabolique (voir lexique). Les patients au bénéfice d’une chirurgie voient ces comorbidités s’estomper. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui souffrent d’un diabète de type 2 et qui peuvent espérer une rémission (voir encadré). François Pralong, endocrinologue et diabétologue à l’Hôpital de La Tour, à Meyrin, estime que c’est justement cette levée des maladies associées qui plaide en faveur de telles opérations, car « c’est bien l’association de l’obésité avec les cofacteurs qui augmente le risque de mortalité ». Il ajoute toutefois que « beaucoup de bonnes raisons d’opérer
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Le chirurgien Pierre Fournier et son équipe en intervention.
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Lucie Favre, médecin associée et responsable de la consultation prévention et traitement de l’obésité au CHUV.
des patients obèses existent, même sans comorbidité métabolique » ; au nombre desquelles la qualité de vie, la santé mentale et surtout la prévention de complications médicales à venir. DÉVIER ET RÉDUIRE
Les milieux médicaux savent depuis 50 ans que les manipulations chirurgicales qui visent à restreindre la taille de l’estomac ou à le court-circuiter ont un effet sur la perte de poids. « Historiquement, c’est l’expérience transmise par les ablations totales de l’estomac en cas de cancer (ndlr. oui, on peut survivre sans estomac) qui a montré cet effet sur la perte de poids », indique Pierre Fournier, chirurgien au CHUV et directeur du centre de l’obésité de l’Hôpital de Nyon. À partir de ce constat, les propositions chirurgicales ont évolué, allant de la pose d’un anneau gastrique, ou gastroplastie, à la gastrectomie longitudinale (ou sleeve gastrectomy), CORPORE SANO
En 2014, l’OMS rapportait que 600 millions d’adultes dans le monde étaient en situation d’obésité, avec un nombre de cas par habitant deux fois plus élevé que dans les années 1980. L’épidémie n’épargne pas la Suisse. En 2012, selon l’Enquête suisse sur la santé, 10% de la population était en situation d’obésité. Les projections les plus alarmistes prévoient une augmentation du nombre de cas de 26% d’ici à 2040, soit près de 140’000 personnes obèses dans le canton de Vaud, selon une étude publiée dans la Revue médicale suisse. « Un combat éducatif pour que les comportements évoluent doit être mené », indique le chirurgien bariatrique Pierre Fournier. « Les pratiques de l’industrie alimentaire devront également changer, car nous vivons dans un environnement fait de tentations », rappelle Lucie Favre.
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où les 4/5 de l’estomac sont retirés, en passant par la technique du bypass, qui consiste à dévier le flux des aliments en raccordant l’intestin directement à l’entrée de l’estomac. Actuellement, selon Michel Suter, le bypass gastrique et la sleeve gastrectomy représentent la quasi-totalité des opérations réalisées dans le monde. Lucie Favre, médecin associée et responsable de la consultation prévention et traitement de l’obésité au CHUV, précise toutefois que l’importance de la perte pondérale ne dépend pas uniquement du poids de départ ni de la technique chirurgicale. « Le comportement du patient est l’élément qui influera le plus à long terme sur l’importance de la réduction pondérale. » LES RÉGIMES PROSCRITS
Ôter une partie de l’estomac et modifier le circuit normal du tube digestif peut paraître risqué et démesuré par rapport à un simple régime. Sauf que les régimes impliquent des modifications de l’hygiène de vie constantes qui rendent le maintien de la perte pondérale sur le long terme peu probable, alors qu’avec la chirurgie bariatrique, cette perte est durable. Lucie Favre ajoute que, même s’il est possible de perdre beaucoup de poids avec un régime, « le corps lutte contre la perte pondérale comme s’il devait faire face à une famine ». L’organisme perd du poids, puis en reprend donc derechef dès l’arrêt du régime. « En multipliant les régimes, le métabolisme se perturbe et les personnes doivent manger toujours moins pour maigrir. » Lors de chirurgies, la modification du tube digestif a également un effet sur la sollicitation des hormones anorexigènes et celles utiles pour le sentiment de satiété (voir encadré). Les signaux de famine sont contournés et les patients ne reprennent pas de poids.
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UNE ÉPIDÉMIE GALOPANTE
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MÉTABOLISME LE DIABÈTE TRAITÉ PAR CHIRURGIE
Grâce à l’avènement de la laparoscopie, cette exploration des tissus sans incision, et de la pratique chirurgicale en centre d’expertise, ces techniques de chirurgie contemporaines sont devenues extrêmement sûres. Selon un article du chirurgien californien Ninh Nguyen, paru dans la revue Nature en 2017, le taux de mortalité chez les personnes obèses opérées ne serait que de 3‰ dans le monde. Néanmoins, même de manière marginale, des complications postopératoires peuvent intervenir. IMPLICATIONS SUR LE LONG TERME
Au-delà des risques liés à la chirurgie en elle-même, d’autres conséquences peuvent survenir. La plus gênante est la corrélation que des chercheurs canadiens ont tracée entre opération bariatrique et risque de suicide, lequel augmenterait de 50% chez les personnes opérées. « Les patients obèses sont souvent fragiles psychologiquement et prennent des traitements psychotropes. À la suite de la modification du système digestif, l’absorption de ces médicaments peut être perturbée et leur fonction peut devenir insuffisante. Il faut alors absolument adapter la posologie », précise Lucie Favre. À cela s’ajoute une augmentation de la dépendance à l’alcool. Celle-ci serait en partie expliquée par le fait que l’alcool est très rapidement absorbé après une chirurgie bariatrique, évitant notamment les enzymes de l’estomac chargés de sa dégradation. Des carences en vitamines, des difficultés d’adaptation sociale dues au changement d’identité engendré par une perte de poids rapide nécessitent un suivi médical. Les patients doivent par ailleurs faire face à des excès cutanés importants ‒ la chirurgie reconstructive n’étant pas souvent remboursée. Enfin, les rares cas de reprise pondérale proviennent du fait que certains patients CORPORE SANO
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La perte de poids après une chirurgie bariatrique est corrélée à une amélioration du diabète et surtout, à une prolongation de l’espérance de vie. Bien que la recherche tâtonne pour expliquer ce phénomène, des pistes sérieuses existent. Luc Tappy, professeur de physiologie à l’UNIL, rappelle que le bypass fait passer les aliments directement dans l’intestin, sans contrôle de la vidange gastrique. « On sait que la sécrétion d’hormones ne se fait pas de manière homogène tout au long du tube digestif, mais de manière localisée. Des hormones avec des vertus anorexigènes (ndlr. coupe-faim) sont sécrétées près du site de jonction, dans l’intestin. À l’inverse, on évite la ghréline, l’hormone de l’appétit, que sécrète l’estomac », précise-t-il. Les personnes opérées auraient donc un sentiment de satiété précoce et moins d’appétit, moins de prise alimentaire. Différents mécanismes participent à cet impact majeur de la chirurgie sur le diabète de type 2, mais tous les éléments ne sont pas encore élucidés. Pour Lucie Favre, «il est cependant très enthousiasmant de pouvoir orienter certains patients vers une intervention qui leur permettra d’obtenir une rémission de leur diabète». La voie chirurgicale permet aux diabétiques d’éviter régimes et traitements supplémentaires aux effets secondaires lourds. « Les sociétés médicales suisses concernées militent pour abaisser les critères d’accès à la chirurgie et contrer le diabète au plus tôt », conclut François Pralong.
adaptent leur prise alimentaire à la restriction de volume gastrique, par exemple en buvant plus de boissons caloriques ou en grignotant. Évidemment, cette chirurgie n’est proposée qu’à des patients souffrant d’obésité sévère. Néanmoins, abaisser les critères de poids pour traiter le syndrome métabolique pourrait être envisagé dans un avenir proche (voir encadré). La chirurgie de l’obésité est d’ailleurs désormais considérée par les spécialistes comme la chirurgie du métabolisme. /
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COMMENT
UN PLACENTA PEUT VOUS SAUVER LA VUE
Un pansement ophtalmique constitué de membrane amniotique soigne chaque année des dizaines de patients atteints de pathologies de l’œil. Découverte de ce tissu aux propriétés inégalées. TEXTE : CHLOÉ THOMAS-BURGAT
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e placenta possède des propriétés exceptionnelles. Cet organe éphémère, qui connecte l’embryon à l’utérus, fournit les éléments nutritifs nécessaires à la croissance du fœtus et se révèle également très utile comme pansement biologique. Anti-inflammatoire et antibactérienne, la membrane amniotique contient des facteurs de croissance qui accélèrent la cicatrisation, dont les bénéfices dépassent tous les autres traitements disponibles sur le marché. On l’emploie en premier lieu, sous forme de greffe, en chirurgie ophtalmique. « Le placenta a le grand avantage d’être exempt d’antigènes, ce qui réduit significativement le risque de rejet », s’enthousiasme la Dre Kattayoon CORPORE SANO
Hashemi, spécialiste de la chirurgie réfractive et de cornée à l’Hôpital ophtalmique JulesGonin de Lausanne. Mais par quel processus un organe peut-il se transformer en pansement ? Tout commence par une césarienne programmée. « Il est primordial que le placenta reste dans un environnement stérile, ce qui rend tout prélèvement lors d’un accouchement par voie basse inenvisageable », explique Michaël Nicolas, responsable de la Banque des yeux à l’Hôpital ophtalmique. Environ trois semaines avant son accouchement au CHUV, la future maman se voit donc proposer de faire don de son placenta. « C’est une procédure peu connue des soignants et INNOVATION
du public, puisqu’un seul placenta suffit à produire entre 20 et 30 pansements et que nous avons besoin de 35 à 40 greffons par an. Deux placentas par année nous suffisent amplement », précise Michaël Nicolas, qui se charge également de faire parvenir aux médecins assistants de la maternité ce protocole exceptionnel. DES PANSEMENTS DE 2 À 5 CM2
Dès son extraction, le placenta est plongé par le médecin de la maternité dans un récipient contenant des antibiotiques. « Nous apportons tout le matériel nécessaire la veille pour éviter de nous immiscer dans la salle d’accouchement », note le responsable. Une fois dans la boîte, l’organe éphémère,
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PHILIPPE GÉTAZ
Greffe de cornée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
Banque des yeux
Laboratoire où biologistes et techniciens assurent le prélèvement, le transport, la conservation, l’évaluation et la distribution de tissus oculaires tels que les cornées en provenance de donneurs.
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Organe éphémère
Créé pour approvisionner le fœtus durant une grossesse, le placenta termine en général sa course dans un incinérateur hospitalier. Depuis quelques années, l’organe retrouve ses lettres de noblesse acquises au Moyen Âge – on lui prêtait alors des vertus magiques. On l’utilise aujourd’hui dans le domaine médical et certaines femmes en font faire des granules homéopathiques pour lutter contre la dépression post-partum.
INNOVATION
Antigènes
La présence de ces macromolécules permet aux anticorps de déclencher une réponse immunitaire. Celle-ci a pour but de rejeter le « non-soi ». Une réaction qu’il faut absolument éviter en cas de greffe.
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encore souvent considéré comme un déchet, devient un précieux produit qui va être traité avec toute la minutie nécessaire. Les techniciennes de la Banque des yeux vont commencer par laver le placenta à la main. Des tests bactériologiques sont effectués à chaque étape de lavage. Puis, elles séparent le chorion – couche la plus externe du placenta – de la membrane amniotique, pour finalement ne garder que cette dernière. Tout ceci sous une hotte à flux laminaire qui garantit un environnement stérile. Vient ensuite la phase de découpe. « Les chirurgiens ont besoin de différentes surfaces, car ils doivent parfois replier la membrane sur elle-même pour combler de larges et profondes blessures oculaires. Nous produisons donc des pansements qui mesurent entre 2 et 5 cm2 », note Michaël Nicolas. Les greffons sont ensuite congelés et peuvent être utilisés sur une période de deux ans. Avant la greffe, une dernière étape de lavage et des tests bactériens sont effectués pour leur utilisation au bloc opératoire. AUCUN RISQUE DE REJET
Ulcères, destruction de la surface de la cornée par trauma ou brûlure chimique, perforation du globe oculaire, ptérygion (invasion de la cornée par la croissance du tissu conjonctif), préparation du terrain pour une greffe de cornée : les utilisations de ce type de pansement sont multiples. Littéralement greffée CORPORE SANO
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin fête ses 175 ans Le 3 janvier 1843, Elisabeth de Cerjat, soignée pour une cataracte, Frédéric Recordon, ophtalmologue, et William Haldimand, ancien banquier et mécène, se rencontrent à Lausanne. Ces trois personnages, qui n’ont a priori rien en commun, évoquent ensemble la création d’un hôpital pour soigner les problèmes oculaires et d’une institution pour l’éducation et la formation des jeunes handicapés de la vue. Dans les années 1970, l’institution est officiellement baptisée Hôpital ophtalmique Jules-Gonin en hommage au célèbre ophtalmologue vaudois du même nom. Aujourd’hui, plus de 600 collaborateurs travaillent au sein de l’Hôpital ophtalmique, mais aussi au Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue, à l’EMS Recordon, à Lausanne, et à l’EMS Clair-Soleil, à Écublens. À ce jour, l’établissement Jules-Gonin reste le seul hôpital ophtalmique de Suisse.
sur la surface de l’œil à l’aide d’une suture ou d’une colle spéciale, la membrane s’intègre au globe oculaire ou reste en surface comme une lentille. Elle n’est ainsi jamais retirée. Des gouttes ou des lentilles ont plus ou moins les mêmes propriétés que ces pansements biologiques, mais les lentilles augmentent le risque d’infection INNOVATION
et les gouttes celui de développer une cataracte ou un glaucome. Sans compter le fait qu’il s’agit de traitements onéreux. Pratiquée depuis une quinzaine d’années à Lausanne, la greffe de membrane amniotique, testée pour la première fois dans les années 1940, a donc encore de beaux jours devant elle. /
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DETECTEURS DE MALTRAITANCE INFANTILE Au sein des hôpitaux vaudois, les professionnels de la santé ont l’obligation légale de signaler les cas de maltraitance infantile. Le CHUV s’est doté d’un modèle pluridisciplinaire de détection et de prévention. TEXTE : RACHEL PERRET
n 2016, le Service souffrance des parents vaudois de pour comprendre ce qui se protection de passe et pour proposer une la jeunesse (SPJ) orientation adéquate. Si les a reçu 1’689 parents ne vont pas bien, signalements les enfants ne vont pas bien d’enfants maltraités et non plus. » potentiellement en danger dans leur développement, Au CHUV, ce constat a abouti situations impliquant des enfants ont été dont 16% provenaient à l’instauration d’une collabotraitées par le CAN Team des autorités médicales. ration étroite avec l’Unité du CHUV en 2017, Au CHUV, la responsabilité de médecine des violences et 149 ont fait l’objet d’un du signalement est confiée (UMV) et avec Les Boréales, signalement à la justice. au CAN (Child Abuse and une consultation du DéparteNeglect) Team du Service de pédiatrie. ment de psychiatrie destinée aux perCette équipe est composée de pédiatres, sonnes (enfants et adultes) ayant vécu des d’intervenants psycho-sociaux, violences intrafamiliales. Depuis 2010, de psychologues et d’infirmiers-ères. toutes les situations dans lesquelles des enfants sont impliqués sont « Le degré de mise en danger de l’enfant signalées au CAN Team. « L’objectif dans son développement et le caractère est de limiter les répercussions chronique de la maltraitance figurent délétères que peut avoir la violence au premier plan des critères d’appréciation conjugale sur les enfants et de mettre menant à un signalement, souligne en place les mesures de protection Jean-Jacques Cheseaux, responsable nécessaires, tant sur le plan somatique du CAN Team. Mais nous nous penchons que psychique », commente aussi sur la situation des parents. Ont-ils Jean-Jacques Cheseaux. Jean-Jacques les moyens et les compétences pour Cheseaux, responsable CONSÉQUENCES LOURDES remédier seuls à une situation difficile ? du Child Abuse Sont-ils prêts à accepter de l’aide ? Si notre Les cas d’exposition d’enfants à la and Neglect Team violence domestique représentent priorité reste les besoins de l’enfant, nous du CHUV. les deux tiers des situations vues accordons également une attention à la
GILLES WEBER
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Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction entre l’obligation de signaler et le secret professionnel auquel vous êtes soumis ?
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La loi vaudoise est contraignante pour tous les professionnels, y compris les médecins, et rend caduque la notion de secret médical. Nos signalements décrivent des éléments que nous avons constatés cliniquement (observation de lésions) ou qui nous ont été rapportés (anamnèse fournie par un parent), mais nous n’interrogeons pas les enfants comme le ferait la police au cours d’une enquête. Ce n’est pas notre rôle. Mon avis, par rapport à la législation, est que l’obligation de signalement a l’avantage de clarifier les rôles de chacun.
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« Un enfant sur cinq subit des mauvais traitements »
Sarah Depallens, pédiatre du CAN Team, explique les implications de l’obligation légale de signaler les suspicions de maltraitance sur la pratique des professionnels de la santé. in vivo Où en est la législation concernant la protection des mineurs ?
Le canton de Vaud s’est doté depuis 2004 d’une loi sur la protection des mineurs (LProMin) qui stipule que tout professionnel en relation avec des mineurs et qui a connaissance de la situation d’un enfant en danger dans son développement est tenu de procéder à son signalement aux autorités compétentes (Justice de Paix et SPJ). La loi vaudoise est actuellement plus contraignante que le Code civil qui, au niveau fédéral, ne prévoit pas d’obligation de signalement, mais offre aux professionnels la possibilité de le faire. Une modification du code civil devrait cependant entrer en vigueur au 1er janvier 2019, avec une obligation de signaler les enfants victimes de maltraitance pour tous les professionnels en contact régulier avec eux (enseignants, travailleurs sociaux, éducateurs, moniteurs sportifs, etc.), dès que l’enfant semble en danger dans son développement et que les parents ne peuvent remédier à cette situation.
Nos chiffres augmentent constamment, mais ce n’est probablement pas en raison d’un accroissement de la maltraitance : il s’agit plutôt d’une meilleure détection de celle-ci. À titre d’exemple, nous attachons aujourd’hui beaucoup plus d’importance à la maltraitance psychologique, dont fait partie l’exposition répétée des enfants à la violence conjugale de leurs parents. Par le passé, cette souffrance n’était pas reconnue.
sd
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Comment mieux sensibiliser ?
Je pense que nous ne sommes pas assez présents durant la formation des étudiants en médecine. Selon des estimations de la Fondation suisse pour la protection de l’enfant, entre 10% et 20% des enfants subissent des mauvais traitements sous une forme ou une autre jusqu’à leurs 18 ans. C’est bien plus fréquent que n’importe quelle pathologie qu’on apprend à diagnostiquer durant nos études ! Un autre effort doit porter sur notre collaboration avec l’école, puisque c’est là que les enfants passent le plus de temps après la maison. Enfin, j’estime qu’il y aurait beaucoup de bénéfice à parler ouvertement de la violence domestique aux enfants et adolescents. La violence n’est pas une honte, ni une fatalité. sd
HEIDI DIAZ
sarah depallens
Pensez-vous que la maltraitance infantile est en augmentation ?
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des signalements de maltraitance infantile reçus en 2016 par le SPJ provenaient des autorités de police, 16% des autorités médicales et 14% des autorités scolaires.
par le CAN Team. « Il s’agit de maltraitance psychologique, mais dont les conséquences sont identiques à la violence physique », complète Sarah Depallens, médecin associée au CAN Team et à la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA).
À long terme, la maltraitance a pour conséquence le développement de maladies somatiques (obésité, diabète, dépendances) ou de troubles psychiatriques avec un risque de suicide nettement accru. « Il est aussi démontré que les enfants et les adolescents ayant vécu dans un contexte violent risquent non seulement de subir davantage d’autres types de violences, mais aussi d’adopter eux-mêmes des comportements violents à l’âge adulte. » Pour Sarah Depallens, les enjeux liés à la détection et à la prévention de la maltraitance sont donc individuels autant que sociétaux. PRÉVENTION À L’HÔPITAL
Depuis 2013, le CAN Team se déploie dans tout le canton pour former les professionnels, notamment les infirmiersères et les pédiatres, à la détection de la maltraitance infantile. « Nous avons une permanence téléphonique pour informer et orienter. Nous proposons également de participer aux consultations de nos confrères installés, s’ils le souhaitent », indique Jean-Jacques Cheseaux. Mais une partie importante de ce travail d’information et de prévention se déroule au sein même de l’hôpital. « La plupart des patients du CHUV relèvent de la médecine adulte. Nous encourageons nos collègues à être réceptifs à leur fragilité et aux situations où un enfant pourrait être exposé à des difficultés familiales. CORPORE SANO
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Cela vaut toujours la peine de nous en parler », affirme le pédiatre. Trois fois par semaine, son équipe participe à des colloques pluridisciplinaires réunissant les services de pédiatrie, la médecine des violences, la néonatalogie et la maternité. « Pour nos collègues pédiatres ou infirmiers, il s’agit de ne pas passer à côté de fractures ou de blessures atypiques, rappelle Sarah Depallens. Ces professionnels seront parfois aussi les seuls qui auront l’occasion de voir l’enfant déshabillé et de relever la présence de lésions. Avec les sages-femmes et les gynécologues, nous nous situons dans le champ de la prévention. Il s’agit d’être attentifs au bien-être de la future maman et aux conditions psycho-sociales dans lesquelles elle va accoucher. Au fond, l’histoire d’un enfant débute bien souvent à l’hôpital. Nous avons l’opportunité d’agir avant sa naissance en soutenant les futurs parents et en organisant un suivi. » LA CRAINTE DE TROP EN FAIRE
Une difficulté rencontrée par le CAN Team tient aux réticences de leurs pairs à leur signaler une situation, une démarche jugée parfois intrusive. Jean-Jacques Cheseaux précise qu’un signalement n’est pas une accusation et que toutes les situations adressées au CAN Team n’aboutissent pas à un signalement à la justice. « Nous sommes toujours sur le fil, entre le trop en faire et la peur de manquer quelque chose. La règle que nous suivons est de ne pas coller d’étiquettes sur les parents ou les futurs parents, mais d’être à leur écoute. Il y a un risque que le lien se rompe entre le médecin et les parents, lorsqu’une situation est signalée. Mais face à l’enjeu pour l’enfant et à l’opportunité d’aider une famille, c’est un risque qui se justifie et que nous devons prendre. » /
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UNE RÉÉDUCATION « D’ARRACHE-PIED » REGARD La photographe Laurianne Aeby a suivi pendant plusieurs mois six personnes amputées des membres inférieurs, de leur entrée à l’hôpital jusqu’à leur retour à la vie quotidienne. TEXTE : GARY DRECHOU REPORTAGE PHOTO : LAURIANNE AEBY
À 29 ans, Lisa Meneghelli est passée par un cancer et trois amputations à la jambe gauche. Sa prothèse, elle a mis du temps à la regarder avec fierté, mais aujourd’hui, elle se dit « grandie ». Cette jeune femme est l’une des six personnes amputées dont Laurianne Aeby a illustré le parcours. La photographe, qui travaille au Service d’appui multimédia du CHUV, a réalisé son reportage avec l’aide de son maître d’apprentissage, Gilles Weber, du Prof. Olivier Borens, médecin-chef des Unités de chirurgie septique et d’orthopédie-traumatologie du CHUV, et de toute l’équipe de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Hôpital orthopédique. Primé par l’Union suisse des photographes professionnels (USPP), ce travail fait aujourd’hui l’objet d’un livre de 160 pages, intitulé D’arrache-pied, enrichi de témoignages. Le titre peut surprendre, mais c’est celui que les amputés rencontrés ont choisi et plébiscité, tant pour sa puissance métaphorique que pour son réalisme.
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INEXPLICABLE
« Je suis désolé, mais malheureusement ce n’est la faute de personne. Aucune explication n’existe. » En 2013, à l’âge de 23 ans, Lisa Meneghelli apprend qu’elle a une tumeur dans le mollet gauche. Prise en charge à Berne, la jeune femme fait face et entame une série de chimiothérapies. « À aucun moment je n’ai douté : je devais combattre cette foutue maladie ! » confie-t-elle.
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AMPUTÉE
« Alors tout est parti ? Ma jambe et la tumeur aussi ? » Au début de l’été 2013, le mot « amputation » tombe pour la première fois. La tumeur a créé trop de dégâts : sa jambe gauche doit être amputée au-dessus du genou. Mais ce n’est qu’un début. Au cours des cinq ans qui suivent, Lisa Meneghelli subit deux autres amputations. La dernière se passe au CHUV, en janvier 2018, et est menée par le Prof. Olivier Borens. À chaque fois, on lui retire un centimètre et demi. CORPORE SANO
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PROTHÈSE
« Je cachais toujours ma prothèse avec des pantalons amples. » La rééducation et la réadaptation, après chaque intervention, représentent un parcours du combattant. Douleurs, plaies, béquilles, chaise roulante: Lisa se reconstruit, une victoire à la fois. Comme le souligne le Prof. Olivier Borens dans la conclusion du livre, l’entourage joue alors un grand rôle pour permettre aux patients « d’apprivoiser leur nouvelle vie, d’apprendre à s’exposer (…) et d’affronter la vie extérieure et sociale ».
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CONFIANCE
« J’en ressors grandie et, à présent, je peux me regarder dans un miroir. Je montre ma prothèse avec fierté, sans aucune gêne. » En suivant Lisa Meneghelli, mais aussi Maria Ferreira, Colette Jaquier, Jorge Sequeira Mesquita, Katia Jeanneret et Nidhim Kochhar, le souhait de la photographe était de rendre perceptible ce combat quotidien, cette transformation, lorsque l’on doit apprendre à vivre avec un membre en moins. Pour le lecteur, c’est aussi un apprentissage – une façon de se forger le regard. CORPORE SANO
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Difficile d’imaginer que ce champignon unicellulaire, semblable à un bâtonnet qui se casse en deux lorsqu’il arrive à maturité, partage des traits avec l’être humain. Pourtant, « si l’on compare les génomes, 70% des gènes de la levure fissipare ont des correspondants dans les cellules humaines », pointe Sophie Martin, professeure au Département de microbiologie fondamentale de l’Université de Lausanne (UNIL).
NOM LEVURE FISSIPARE TAILLE ENVIRON 4 MICRONS DE DIAMÈTRE ET ENTRE 7 ET 14 MICRONS DE LONGUEUR CARACTÉRISTIQUE UNICELLULAIRE
La levure du scientifique Les chercheurs utilisent ce champignon microscopique pour percer les secrets de la cellule. TEXTE : MARTINE BROCARD
Non toxique, non pathogène, facile à manipuler génétiquement, et capable de se reproduire en deux à trois heures, ce micro-organisme séduit les chercheurs. « Il a été CORPORE SANO
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beaucoup utilisé dans les années 1970-1980 pour comprendre les fondamentaux de la reproduction cellulaire, et a servi de base pour les recherches sur les régulateurs clés du cycle ovulaire qui ont obtenu le prix Nobel de physiologie et de médecine en 2001 », poursuit la scientifique. Aujourd’hui, celle que les chercheurs appellent simplement « pombe », ‒ soit « bière » en swahili ‒, sert notamment à étudier la prolifération des cellules et à comprendre les mécanismes cellulaires qui dysfonctionnent, par exemple dans le cas du cancer, de la dégénérescence musculaire ou des maladies liées au prion. De leur côté, Sophie Martin et son équipe se concentrent sur l’organisation spatiale de la cellule et son mode de reproduction sexuée. Leurs travaux sur le mécanisme « informant » une cellule que la fécondation a eu lieu et qu’elle ne doit plus chercher à être fécondée ont fait l’objet d’une publication en août 2018 dans la revue Nature.
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ui aurait parié qu’une cellule dénichée dans une bière d’Afrique de l’Est à base de banane et de millet deviendrait un modèle de laboratoire ? Tel est pourtant le destin de la levure fissipare, lointaine cousine de la levure du boulanger.
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ISABELLE LEHN Infirmière, directrice des soins du CHUV
Un moins synonyme de mieux
Pour manger bien, il faudrait manger moins. Ou en tout cas moins gras, moins sucré, moins salé. Nous prenons aujourd’hui l’avion comme nous prenions le train hier, encouragés par une offre low-cost. L’impact de cette consommation sur notre bilan carbone devrait nous inciter à voler moins. Enfin, à l’heure où personne n’a encore trouvé de solution pour débarrasser nos lacs et océans des plastiques dont ils regorgent, nous continuons pourtant à produire des emballages à usage unique par millions. Il faudrait jeter moins. Le secteur de la santé échappe-t-il à ces réalités caractéristiques de nos sociétés modernes ? Certainement pas.
Les professionnels de la santé ont pour objectif principal la réponse aux besoins – et attentes – de la population. Ils mobilisent dans cette perspective les savoirs, technologies et traitements les plus récents. Leur quête du mieux tend toutefois à alimenter une logique du plus, décuplée par le nombre d’acteurs et de disciplines qui gravitent désormais dans l’écosystème du patient moderne. Nous repoussons ainsi les limites et l’on survit aujourd’hui à bon nombre d’affections dont on mourait autrefois. Enfin, conscient des progrès phénoménaux réalisés ces dernières décennies, chaque citoyen-patient exprime naturellement des attentes croissantes. Ce qu’il débourse pour la couverture de ses frais de santé par l’assurance contribue à entretenir son haut niveau d’exigence, de même que la publicité pour des prestations de santé à laquelle il est exposé quotidiennement.
PHILIPPE GÉTAZ
La santé n’est donc pas une exception et les mécanismes à l’œuvre dans ce secteur, un poids Les médicaments et équipements sont lourd de l’économie, tendent à produire là aussi produits sur un mode industriel par des des excès. Trop de prestations, trop de médicasociétés cotées en bourse et obéissant aux ments, avec une plus-value pas toujours au lois du marché. Elles créent ainsi de la valeur, rendez-vous, et, surtout, de nouveaux risques qui de l’emploi et de l’innovation, mais ont besoin en découlent. Comme pour l’alimentation, les pour cela de vendre le plus possible. transports et les déchets, une réflexion s’engage en faveur d’un moins synonyme de mieux lorsque c’est pertinent. Et comme dans les autres domaines, la résolution du problème tient dans ce que les grandes organisations peuvent elles-mêmes décider d’entreprendre ET dans chacune des décisions que nous prenons toutes et tous quotidiennement. ⁄
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CHRONIQUE
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Le CO2 a mauvaise presse. Qu’on l’appelle dioxyde de carbone ou gaz carbonique importe peu. Sa responsabilité, avec d’autres, dans le réchauffement climatique le devance. Gaz à effet de serre, émis en grandes quantités par les activités humaines, il symbolise depuis quelques décennies l’impact néfaste de l’Homme sur son environnement. À cela s’ajoute qu’à haute concentration, il devient dangereux. Il se substitue dans nos poumons à l’oxygène et cause notre asphyxie. « Le CO2 fait peur parce qu’il est produit par la respiration. C’est la substance que notre corps cherche à éliminer », commente Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Réchauffement climatique, asphyxie, déchet, les forfaits s’accumulent… Mais ce casier de truand est compensé par quelques bonnes actions. En effet, le CO2 est aussi inextricablement lié à la vie. Les plantes en ont besoin
CO 2 UNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE TEXTE : CHARLOTTE MERMIER
Pénurie d’un gaz surabondant pour la photosynthèse, qui libère l’oxygène. Il aide également à réguler le pH du sang et joue un rôle essentiel dans notre corps. « Lorsqu’on cultive des cellules en laboratoire, il faut les exposer à du gaz carbonique. Il est même nécessaire d’en augmenter la concentration, car il n’y en a pas assez dans l’air ambiant, où les cellules ne poussent pas », continue Thierry Buclin. Il semblerait donc qu’on ne puisse pas se passer de ce grand mal-aimé. Bien plates seraient nos bières et nos boissons gazeuses sans leurs petites bulles. C’est bien du CO2 qui y est injecté. L’aspirine est également fabriquée grâce à une réaction chimique qui nécessite
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ZOOM
la présence de gaz carbonique sous pression. Même le café décaféiné en fait usage. « Le CO2 liquide est un bon dissolvant de certaines molécules, dont la caféine. On le fait circuler dans le café moulu pour en extraire la caféine sans altérer les goûts et les arômes », explique Thierry Buclin. Suren Erkman, responsable du Groupe « Écologie Industrielle » à la Faculté des géosciences de l’UNIL, complète la liste : « Des molécules à forte valeur ajoutée sont produites à base de dioxyde de carbone, comme des matériaux de construction, des polymères, ou encore des carburants et du méthane. » Ça tombe bien, ce gaz multitâche semble disponible
DIOXYDE DE CARBONE CO 2
à profusion. « Il y a dans l’atmosphère un excès d’environ 900 milliards de tonnes de CO2 d’origine humaine par rapport à la période préindustrielle», confirme Suren Erkman. Et pourtant… Malgré son abondance, l’Europe a failli manquer de bière pendant la Coupe du monde de football cette année, à cause d’une pénurie de dioxyde de carbone ! Comment est-ce possible ? « Nous sommes capables d’extraire le CO2 de l’air depuis la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait alors d’éviter que les équipages des sous-marins ne s’asphyxient », explique Suren Erkman. Mais des préjugés font obstacle à un usage plus intensif de cette technique. « Il faudrait cesser de voir le CO2 comme le diable incarné, comme un déchet dont il faut se débarrasser. On présente ce gaz comme une nuisance, alors qu’on pourrait inverser la perspective en le considérant comme une ressource à valoriser. » ⁄
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In Vivo vous fait découvrir dans chaque numéro les travaux d’une équipe de chercheurs de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne.
ANTOINE GUISAN
Professeur à la Faculté de biologie et de médecine, ainsi qu’à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL.
Modéliser la distribution des espèces en montagne pour mesurer l’impact du réchauffement climatique TEXTE : WILLIAM TÜRLER
L’
avantage des montagnes, c’est qu’elles permettent de mesurer localement des phénomènes applicables au monde entier. En effet, les variations que l’on observe en montant en altitude sont les mêmes que celles que l’on constate en se dirigeant vers les pôles. D’où l’intérêt de développer des outils capables de modéliser la distribution des espèces. Professeur à la Faculté de biologie et de médecine, ainsi qu’à celle des géosciences et de l’environnement de l’UNIL, Antoine Guisan se trouve dans telle situation. L’avantage du travaille sur ce sujet depuis système est qu’il permet une projection dans le plusieurs années, notamment à futur et, par conséquent, une évaluation de l’impact travers la plateforme interdisciplidu réchauffement climatique. « Les espèces alpines naire RechAlp. Celle-ci souhaite se trouvent à la limite des espaces qu’elles peuvent encourager la recherche et la habiter. Elles pourront progressivement monter en collecte de données en sciences altitude pour compenser les hausses de tempéranaturelles et humaines dans la ture, mais d’une manière limitée, notamment en région des Alpes vaudoises. raison de la nature conique des montagnes. Nous « L’essence de notre travail pouvons donc nous attendre à des extinctions d’ici consiste à mettre en relation les à une cinquantaine d’années, observations d’espèces avec des et sauterelles sont également notamment par exclusion liée à variables environnementales menacés. « Pour essayer de l’afflux de compétiteurs de plus mesurées aux mêmes endroits, conserver certaines espèces, basse altitude. » que ce soit en termes de il a été suggéré d’établir des températures, de précipitations, jardins botaniques d’altitude, Les espèces les plus concernées de composition géologique ou où les espèces pourraient être sont donc celles situées en haute de structure des paysages. » Le maintenues en leur évitant altitude, comme certaines but est ensuite de construire des d’être exclues par les espèces gentianes, saxifrages ou andromodèles statistiques qui peuvent saces. Divers papillons, bourdons colonisant leur milieu. » ⁄ expliquer pourquoi telle espèce
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EN LABO IMAGES
CURSUS
CHRONIQUE
Un jeu d’école sur les microbes Gilbert Greub a développé KROBS, un jeu de société sur les microbes. Destiné au grand public, il s’intègre aussi au cursus des étudiants en médecine.
Gilbert Greub Le Prof. Gilbert Greub dirige l’Institut de microbiologie de l’Université de Lausanne (UNIL). Il est aussi chef de service des laboratoires de microbiologie diagnostique du CHUV.
Comment est née l’idée d’un jeu sur les microbes ? Afin de combler le manque d’information du public au sujet des microbes dangereux et de transmettre des messages de prévention, l’idée d’un jeu de société s’est imposée en 2015. Nous avons intégré un code QR sur chaque carte, qui permet de découvrir sur le site www.krobs.ch des informations complémentaires sur les microbes mis en scène dans le jeu, qu’ils soient récemment découverts, encore méconnus, ou moins récents, mais auxquels nous sommes plus souvent exposés par nos modes de vie actuels.
Comment s’est développé le jeu ? Le projet n’a pas été retenu par le Fonds national suisse pour la recherche en vue d’un financement, en raison de sa nature de jeu de société (un jeu électronique étant préféré par les experts). J’ai toutefois maintenu l’objectif initial et obtenu des subsides de divers sponsors. L’Office fédéral de la santé publique a également soutenu le projet en raison des messages de prévention véhiculés. La deuxième étape a été la création du jeu en tant que tel, avec l’aide de l’entreprise spécialisée GameWorks, établie à Vevey. Notre défi était de garder la dimension
ludique, tout en intégrant des notions de gravité des maladies associées aux microbes. S’en est suivie une phase d’édition, comprenant la conception des dessins illustrant les cartes et la rédaction des règles, disponibles en six langues. KROBS est distribué par la société JeuPRO de Savigny. Quel public visez-vous ? KROBS a été conçu pour le grand public. Il réunit de deux à quatre joueurs de 8 ans ou plus, et peut facilement intéresser les adolescents et les adultes. Son concept allie une compréhension rapide des règles, des parties courtes, des illustrations réalistes et une part stratégique plus importante que la seule chance de tirer de bonnes cartes. Au vu de son aspect éducatif, il a été intégré au cursus des étudiants en médecine de deuxième année. /
PHILIPPE GÉTAZ
CURSUS
UNE CARRIÈRE AU CHUV
PÉDAGOGIE
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CURSUS
À l’école du handicap mental Depuis un an, le Centre des formations du CHUV propose au personnel médical et soignant une formation sur la prise en charge des personnes en situation de handicap mental. L’identification de la plainte du patient et l’évaluation de ses besoins requièrent en effet des compétences relationnelles et de communication spécifiques, qui sont enseignées ici avec l’aide d’un patient simulé. HANDICAP
Consultation médico-légale à Nyon Une nouvelle consultation médico-légale destinée aux adultes victimes de violence a ouvert à Nyon le 1er octobre. Placée sous la responsabilité du Centre universitaire romand de médecine légale, en partenariat avec le Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique, cette consultation est gratuite et confidentielle.
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VIOLENCE
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ACTUALITÉ
Doublé académique pour le Centre Gamma Knife Très active sur le plan de la production scientifique, l’équipe du Centre Gamma Knife du CHUV, emmenée par le Prof. Marc Levivier et le Dr Constantin Tuleasca, a publié récemment un article dans Lancet Oncology sur la prise en charge du neurinome de l’acoustique chez des musiciens, et un autre dans le prestigieux New England Journal of Medicine sur le traitement du tremblement pharmacorésistant. La radio-neurochirurgie par Gamma Knife est une alternative à la chirurgie conventionnelle, notamment
RECHERCHE
pour certaines tumeurs inopérables ou en cas de récidives, et en neurochirurgie fonctionnelle. Elle permet de traiter des lésions du cerveau sans devoir ouvrir le crâne. Composé de 192 faisceaux provenant de sources de cobalt, cet appareil administre, avec une extrême précision, une forte dose de radiations sur les zones à traiter. L’intervention se pratique en ambulatoire, sans anesthésie générale, et elle est remboursée par l’assurance obligatoire de soins. Depuis son ouverture, en 2010, le Centre Gamma Knife du CHUV a traité plus de 1’500 patients.
DANY MORËEL
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SANDRA MURITH
CURSUS
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UNE CARRIÈRE AU CHUV
a fonction est Les apprentis sont Formatrice d’assistants et méconnue, encouragés à indimalgré le grand d’assistantes en soins et santé quer à leur référent communautaire (ASSC), soutien qu’elle les points qu’ils apporte aux infirSandra Murith collabore étroitement souhaitent appromiers, aux patients fondir pour parfaire avec Dany Morëel, apprenti et à leurs proches. leurs connaissances, en deuxième année dans L’assistant en soins tant pratiques que et santé communauthéoriques, et ils se ce métier au CHUV. taire (ASSC) soigne fixent des objectifs TEXTE : WILLIAM TÜRLER, PHOTOS : ERIC DÉROZE et accompagne des communs avec leurs personnes de tout formateurs. âge. Il assure leur bien-être physique (hygiène corporelle, estime de soi, aide aux prises de Les femmes restent encore majoritaires dans repas, etc.), organise leurs activités journalières, cette fonction, mais, à l’image de Dany Morëel, et reste à l’écoute de leurs besoins et de leurs un nombre croissant d’hommes optent pour habitudes quotidiennes. Sous la responsabilité cette voie. Après des stages hors soins dans du personnel infirmier, il peut également la petite enfance et en gériatrie, le jeune homme appliquer certains traitements et actes médicoa choisi de se spécialiser dans le domaine. techniques, tels que des prises de sang, Il suit actuellement sa deuxième année de formades mesures de tension, des préparations de tion. Sur les 51 apprentis ASSC actuellement médicaments ou des suivis post-opératoires, en formation au CHUV, seize sont des hommes. dans la mesure où les patients sont stables. « L’approche ne diffère pas, mais les patients masculins sont parfois plus à l’aise avec des « Nous travaillons en binôme avec un infirmier assistants masculins et vice-versa, surtout à ou une infirmière et nous ne nous occupons pas l’adolescence, pour des questions de pudeur. » de tout ce qui est intraveineux », résume Sandra L’apprenti tient à préciser un aspect qu’il juge Murith, formatrice d’ASSC. L’apprentissage dure fondamental dans le rôle d’ASSC : « Notre rôle trois ans, pendant lesquels l’apprenti découvre ne consiste pas uniquement à aider les infirmiers tous les six mois un nouveau service, en grande et infirmières. Nous faisons partie intégrante partie en pédiatrie, et suit des cours. À la fin du personnel soignant. Comme nous passons de sa formation, il obtient un CFC assistant du temps avec les patients, ces derniers se en soins et santé communautaire, et peut alors confient volontiers à nous. » ⁄ travailler avec des enfants ou des adultes.
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BACKSTAGE CARTE HEALTH VALLEY En haut : base du dessin au crayon gris de Sébastien Fourtouill avant traitement numérique. En bas : divers tests du graphiste.
MÉDECINS ÉTOILÉS Les dessins alternatifs de Prince Lunawara, qui a illustré l’article sur les commentaires de patients en ligne à retrouver en page 34.
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CONTRIBUTEURS
RACHEL PERRET Avant de rejoindre le CHUV, en 2013, et de tenir les rênes du journal interne Le Chuvien, Rachel Perret a notamment travaillé au sein de la RTS et du Département fédéral des affaires étrangères. Pour ce numéro d’In Vivo, elle s’est intéressée à la détection de la maltraitance infantile à l’hôpital (p. 59).
AUDREY MAGAT Audrey Magat est journaliste pigiste pour l’agence LargeNetwork, tout en travaillant pour l’émission Géopolitis de la RTS. Pour ce numéro d’In Vivo, elle s’est intéressée à la recherche scientifique, ses objectifs, ses instruments de pointe et ses financements (p. 44). Elle a ainsi pu découvrir les fascinantes recherches menées par la FBM et le CHUV, notamment dans le domaine des neurosciences.
MÓNICA GONÇALVES
PHILIPPE GÉTAZ, THIERRY PAREL, DR
Diplômée de l’ECAL, Mónica Gonçalves a rejoint LargeNetwork en 2016. Elle apprécie la diversité des médias, des formats, des types d’informations et des processus de travail qui caractérise son activité de graphiste. Elle considère les contenus scientifiques comme de véritables défis qui exigent « plus d’audace » en termes visuels, car ils sont souvent abstraits ou spécialisés.
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IN VIVO
Une publication éditée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et l’agence de presse LargeNetwork www.invivomagazine.com
ÉDITION
CHUV, rue du Bugnon 46 1011 Lausanne, Suisse RÉALISATION ÉDITORIALE ET GRAPHIQUE T. + 41 21 314 11 11, www.chuv.ch LargeNetwork, rue Abraham-Gevray 6 redaction@invivomagazine.com 1201 Genève, Suisse T. + 41 22 919 19 19, www.LargeNetwork.com ÉDITEURS RESPONSABLES Béatrice Schaad et Pierre-François Leyvraz DIRECTION DE PROJET ET ÉDITION ONLINE
Gary Drechou REMERCIEMENTS
RESPONSABLES DE LA PUBLICATION
Gabriel Sigrist et Pierre Grosjean DIRECTION DE PROJET
Sylvain Menétrey
Francine Billote, Valérie Blanc, DIRECTION GRAPHIQUE ET VISUELLE Gilles Bovay, Virginie Bovet, Darcy Christen, Muriel Cuendet Teurbane, Mónica Gonçalves et Sabrine Elias Diane De Saab, Frédérique Décaillet, Muriel Faienza, Marisa Figueiredo, Pierre Fournier, RÉDACTION Daphné Giaquinto, Katarzyna Gornik-Verselle, LargeNetwork (Yann Bernardinelli, Martine Brocard, Andrée-Marie Dussault, Carole Joelle Isler, Nicolas Jayet, Émilie Jendly, Extermann, Erik Freudenreich, Blandine Guignier, Audrey Magat, Melinda Marchese, Cannelle Keller, Simone Kühner, Sylvain Menétrey, Charlotte Mermier, Patricia Michaud, Tom Monaci, Tiago Pires, Anne-Renée Leyvraz, Élise Méan, Laurent Meier, Stéphanie de Roguin, William Türler), Chloé Burgat, Gary Drechou, Rachel Perret Éric Monnard, Manuela Palma de Figueiredo, Isabel Prata, Sonia Ratel, Myriam Rege, Marite Sauser, Dominique Savoia Diss, Jessica RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE Scheurer, Jeanne-Pascale Simon, Sabrine Elias, Joëlle Kercan, David Stettler Aziza Touel, Vladimir Zohil et le Service de communication du CHUV. MISE EN PAGE
Mónica Gonçalves et Sébastien Fourtouill
PARTENAIRE DE DISTRIBUTION
BioAlps
COUVERTURE
LargeNetwork IMAGES
SAM (Laurianne Aeby, Eric Déroze, Heidi Diaz, Patrick Dutoit, Philippe Gétaz, Gilles Weber), Sébastien Fourtouill, Mónica Gonçalves, Prince Lunawara MAQUETTE
Diana Bogsch et Sandro Bacco IMPRESSION
PCL Presses Centrales SA TIRAGE
17’500 exemplaires en français Les propos tenus par les intervenants dans In Vivo et In Extenso n’engagent que les intéressés et en aucune manière l’éditeur.
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IN EXTENSO
Le pouvoir des muscles
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